Une force invisible poussaient les dernières feuilles d'arbres aux coloris chaleureuses à la chute, berçant un météo clémente, l'atmosphère faisait entendre aux êtres vivants que l'automne se soumettait à la période hivernale. Les passants s'étaient déjà parés pour les températures plus mordants, se recouvrant de vestes ou de long manteaux ténébreux, le bout du nez emmitouflé dans une toile capturant le cou de leur hôte, et virevoltant au grès de la brise. Aujourd'hui, un amas noir parcourait les rues commerciales, la cause étant le début des vacances scolaires, autant dire que la majorité de la population se trouvait être les plus jeunes. Beaucoup s’engouffrèrent dans les magasins de vêtements comme H.M, Désigual, Celio, d'autres préféraient se prélasser devant une délicieuse pâtisserie dans les cafés et salon de thé. Une femme déambulait parmi eux sans faire grand cas de son environnement, l'idée étant d'atteindre son but avant d'être tentée par des envies de meurtres de masse. Ne supportant pas les mouvements de foules, cela l'irritait au plus haut point. La demoiselle au teint blafard du nom de Lyun pénétrait dans le centre commerciale, évitant des groupes entiers de mouflets surexcités comme des puces sur un canidé. Elle ne perdit pas une minute dans les rayons bondés, sachant exactement les produits dont elle avait besoin, se frayant un passage déterminé à s'extirper de cet enfer humain. Elle réussit cet exploit au bout de trente minutes, acheminant telle une mule un corné à chaque bras, ruminant sur ses cadets traînant la patte devant elle. Son domicile n'était qu'à quelques mètres par chance, elle le rejoignit sans trop de drames, bien qu'elle maudissait les vacances pour cet aspect. En soit, elle appréciait détenir un peu de liberté, surtout que le rythme scolaire s'en trouvait différent que celui vécu par les étudiants dans son pays natal.

Pour se détendre le reste de la journée, la voyageuse hésitait à regarder une série ou un énième animé, après tout elle appartenait à la caste de personnes disposant d'une semaine sans obligation Enfin c'était vite dit les révisions et notamment ses commentaires d'arrêts l'attendaient patiemment dans une étagère bien au chaud. S'installant confortablement sur son sommier, mettant la lecture de la nouvelle saison de Fate, Fate Apocrypha, la jeune femme se demandait qui seraient les prochains héros historiques en guise de servants. Dans une certaine mesure, cela permettait d'alimenter sa curiosité sur l'histoire des différentes cultures du monde. Au fils des heures, la fatigue s'empara de son esprit, ses paupières décidèrent de peu à peu à se fermer sous la pression, finalement cette sensation de lourdeur brisa sa résistance. Lyun sombra dans l'inconscience tandis qu'une bataille épique des servants survivant se déroulait sur son ordinateur, encore allumé.



Lyun apparut dans un lieu, qui lui semblait si familier à son réveil « mental », pour sûr elle s'était personnifiée devant le grand arbre au centre du village des rapaces des plaine, arbre abritant le plus majestueux des oiseaux. Ah, ce n'était pas vraiment l'endroit où elle désirait atterrir, sans vraiment être à des royaumes plus loin, il fallait effectuer une petite trotte à pieds. N'existant qu'une solution, la future prédatrice se dirigea dans les confins du palais végétal dans l'espoir de croiser Darian, elle croisait les doigts pour qu'il ne soit pas déjà parti pour le royaume des rapaces nocturnes conduit par Soren. En effet, il était prévu que lui ainsi que son clan lui fasse découvrir les joies de la chasse et de la discrétion, sous forme d'entraînement. Elle longea le grand corridor pour aborder l'un des grades à la silhouette volatile, droit comme un piquet et le visage stoïque, surveillant l’immense porte dorée menant à la salle du trône. A peine avait-elle écarté les lèvres, les battants de cette dernière formèrent une fissure, par lequel elle aperçut Darian en pleine conversation avec le roi des oiseaux, mais également d'autres créatures des rêves dont elle ignorait l'identité. Un homme aux ailes de falco prit congés de la réunion, saluant d'un hochement de tête la voyageuse, puis s'envola vers la sortie. Lyun ne désirant pas interférer dans leur assemblé sans doute militaire ou financier, elle se décala près de l'une des extrémités de la porte, néanmoins, Vyomesh ne l'entendit pas de la même oreille, l'interpella d'un signe de la main accueillant.

- Regardez qui voilà ! Bonjour Lyun, comment te portes-tu ?

- Bonjour Seigneur Vyomesh, je vais bien merci

- Qu'est-ce que tu fais là, tu ne devais pas être dans la forêt auprès du Seigneur Soren ?Rétorqua abruptement son mentor les sourcils froncés de désapprobation, voire de contrariété.

- Justement en parlant de l’entraînement avec lui, je souhaitais m'y rendre mais pour une raison, qui m'est inconnue, je suis arrivée devant le palais. Du coup, Darian aurais-tu l'extrême amabilité de me prêter un peu de ton temps pour m'accompagner.

- Aucun doute, tu ne manques pas de culot petit oisillon de venir me quérir pour que je t'arrange la situation, je suis pas ton faucon de compagnie.

- Ah bon, je le croyais pourtant, me serai-je trompée.

- Tu ne perds rien pour attendre espèce d’effrontée.

- Allons allons mon ami, c'est une voyageuse encore débutante dans cet univers, laisse lui le bénéfice du doute. De toute façon, tu voulais la rejoindre pour supervisé les événements de la soirée. Nous reprendrons plus tard, cela peut attendre la fin de son entraînement.

- Bien, nous partons donc sur le champ.

- Attendez, Lyun, j'aimerais savoir quelles ont été tes aventures ces dernières nuits, je serais ravie que tu me les narres lorsque nous nous reverrons la prochaine fois.

- Ce sera avec un grand plaisir. Sourit-elle en jetant un regard complice à l'hybride faucon, sachant qu'il lui avait sommé de garder sous silence une éventuelle relation diplomatique amicale avec le Royaume des morts. En raison d'un incident aux conséquences dramatiques et néfastes pour les deux royaumes, laissant au Roi des oiseaux un goût amer avec l'un de leurs voyageur.  

Sans perdre une seconde, ils prirent la direction du sommet de l'arbre au niveau des vraies pistes de décollage, cela permettait de planer et donc parcourir une certaine distance sans accomplir de réels efforts. Darian prit soin de prendre Lyun entre ses griffes, l'étudiante ne détenait pas encore la capacité de transformer ses bras en longues ailes et de s'envoler. Ces deux cachottiers avaient omis de préciser qu'une fête funèbre avait été projeté par Soren en l'honneur du défunt voyageur du royaume des morts en sauvant principalement la disciple et le maître, le seigneur Balbuzard Kalaryus mais également Riku Kaisuki. D'après Vyomesh, la faute de ces péripéties, où il avait failli perdre sa seule voyageuse et de l'un de ses généraux, en revenait à cet étranger, ce qui explique en toute logique son désappointement.  De plus, Soren avait invité le voyageur nécromancien à participer à l'éloge funèbre de son mentor et ami, puis d'observer l'apprentissage que subira Lyun ;  Sur la route, la morpheuse aigle lui fit un rapport complet de sa nuit dans le royaume des morts, celui écouta attentif bien qu'il ne put s'empêcher de se fendre la poire lorsqu'elle lui compta l'instant où des esprits malveillants décidèrent de la zombifiée. Les lèvres de la demoiselle glissèrent en une moue exaspérée, elle le savait pourtant qu'il ne perdrait pas une occasion pour se moquer de ses malheurs. Et pourtant au fond, Darian avait un aspect protecteur envers sa disciple, s'il avait été présent, il n'aurait pas hésité à voler à son secours d'une part pour Vyomesh et son Royaume et d'autre, car il estimait être l'unique être vivant à lui pourrir la vie.

Dans un atterrissage furtif entre les cimes des épicéas, ils s'approchèrent en silence le cortège mortuaire atteignant un tas de bois où trônait un mannequin de paille représentant le totem du voyageurs. Lyun perçut au loin le galbe du nécromancien devant le monument, ce dernier remercia Soren pour sa générosité et l'honneur apporté avant de mettre le feu solennellement au tas de bois. Darian lui donna un coup de coude dans les côtes, sa première réaction fut de grommeler à mots couverts, tandis que son agresseur lui murmura d'une voix encourageante :

- Tu devrais aller le voir.

- Je vois pas l’intérêt.

- Il a besoin de quelqu'un pour le soutenir comme par exemple une amie.

- Il y a bien mieux que moi pour cela, après tout, je l'ai remercié de son aide en lui donnant un coup de poing.

- Certes, je t'accorde que tu n'es pas du tout raffinée et délicate mais tu devrais essayer de temps à autre, cela nous ferait du bien à tous.

L'obscurité des lieux éclairé par les torches éparpillées autour des convives, et particulièrement par le brasier, dont les flammes s'élevèrent léchant avidement les bûches ainsi que le mannequin. A ce spectacle, Lyun ressentit un sentiment de fatalité, que la vie d'un être pouvait être fauchée en un coup de coup de vent, qu'il fallait donc la préserver et en profiter pour accomplir ses désirs. Ses iris bleutés se figèrent sur la danse endiablée du feu, fascinée par cet esprit d'insoumission et destructeur. L'assemblée des rapaces nocturnes chantait d'une intensité telle que la demoiselle eut un pincement au cœur, accompagné d'une émotion d'honneur et de reconnaissance envers l'ancien voyageur à qui le chant rendait hommage. Les ports de ses orifices oculaires s'humidifièrent au fil des notes, n'appréhendant pas le phonème qui se produisit, elle essuya s'humecta discrètement les yeux confuse. Elle qui avait cédé aux larmes que dans de rares occasions et lorsqu'elle était seule, ainsi personne ne se vanterait de sa faiblesse ou sa sensiblerie pour le peu qu'elle possède. La dernière fois, que des gouttelettes s'étaient écoulées librement le long de ses joues pâles, elle regrettait de ne pas avoir pu dire « au revoir » à son ami, de ne pas avoir su être assez courageuse pour le soutenir et ainsi de l'avoir perdu. Ce soir, le tour était au nécromancien de pleurer un être cher, celui-ci absorbé par le rituel et ses pensées, il émit une promesse à son défunt mentor en signe d'une quelconque rédemption à son erreur de jugement. La voyageuse estima plus opportun de laisser Riku se recueillir seul, il serait malvenu de l'aborder alors qu'elle faisait partie de l'une des raisons pour laquelle il s'était délibérément sacrifié aux soldats de Corvus.

A cet acte, elle le remercia dans un silence, consciente selon les dires de Darian que cet invocateur de crâne jouissait de ses nuits en tant que rêveurs. Lyun se jura de ne pas oublier le souvenir de cet homme leur ayant permis de fuir une mort certaine, elle s'autorisa également à une faire une prière comme les autres convives. Le chant des rapaces se tut dans les ténèbres alors que le feu se dissipait  en étouffement. Riku s'inclina devant le cortège funèbre mais notamment bien bas face à Soren en guise de remerciement pour cette cérémonie. Le grand chef de la tribu des oiseaux de proies abritant la forêt lui rendit sa révérence, avant de lui désigner les deux autres étrangers de la région : Darian et Lyun. Le maître faucon ne bougea pas même un cil, son élève se doutait que ce dernier considérait à la fois le jeune homme à la fois avec méfiance et respect pour son comportement humble, sa curiosité mais surtout le fait d'avoir protéger Lyun alors qu'elle ne provenait pas de son Royaume. A côté, il comprenait la colère de Vyomesh à l'encontre du Seigneur Chiron et de ses habitants ayant pénétrer dans le territoire du royaume du Vide sans informer qui que ce soit, alors que les conséquences englobaient pas uniquement le Royaume des morts. Royaume prêt à envoyer à la mort un voyageur dans des terres hostiles, si le voyageur nécrotique n'était pas tombé sur Darian, il n'aurait pas eu la chance de survivre très longtemps ou en tant que quatre-heure.

Riku prit les devants en arrivant jusqu'à eux dans le but de les saluer, Lyun sentit qu'une forte émotion de reconnaissance mêlé à du soulagement envahissait le voyageur, se contentant d'acquiescer par un hochement de la tête un peu désintéresser. Elle préféra admirer les volatiles prendre leur envolée furtive au creux des cimes des pins, vaquant à leur occupation telle que la chasse, après tout ils savouraient une vie de noctambule pendant que les autres espèces sommeillaient.  De leur battement d'ailes n'en découlait aucun bruissement de plumes, des êtres parfaits pour se camoufler et assassiner dans la pénombre, redoutable pour leur danse silencieuse mais harmonieuse. Darian déposa une main sur l'épaule de sa discipline afin de capter son attention,  la traînant à l'écart de Soren et du nécromancien pour lui fournir plusieurs consignes.

- Je sais que tu as du mal à être disciplinée mais ce soir, tu vas devoir te faire violence pour écouter mes recommandations. Prend note que dans cette forêt, Vyomesh a moins de pouvoir décisionnaire, il va s'en dire que tu vas devoir t'empêcher d'être effrontée devant Soren. Je suis présent qu'en tant que superviseur Lyun, je peux t'aider en cas de besoin mais je ne pourrais pas de te protéger de toi-même dans le cas où tu te mettrais à dos le Seigneur des hiboux. Il est muni d'une grande sagesse et patiente, cependant, si tu vas trop loin, tu risques de retrouver face à un être des plus cruels qu'il soit. Soren est réputé pour les tortures qu'il peut infliger à ses victimes, ne le sous-estime pas.

- Je ne comptais pas lui répondre comme à toi, il a la gentillesse de m'inculquer un mode de vie utile.

- Ensuite, mets toi en tête que tu devras te débrouiller par toi-même lors de ton entraînement, la présence de ce voyageur ne doit en aucun cas te détourner de ta détermination et de ton ardeur au combat. Car il ne sera pas là pour te sauver tes petites cuisses d'aiglon toute ta vie.

- Je ne lui ai jamais rien demandé de tel, il se voit comme un salvateur envers les gens qu'il croise. Je n'ai aucune envie de l'impliquer dans ma vie, et je ne le perçois pas comme un « ami ».

- Soit, bonne chance tu en auras bien besoin au cours de cette nuit, mes entraînements sont de la rigolade face à celui qui t'attend, prépare toi psychologiquement à en découdre.

Après cette discussion ennuyeuse aux oreilles de la demoiselle, ils rejoignirent Soren déambulant parmi les arbres pour les guider vers un endroit plus approprié. Où tous se réuniraient afin qu'ils leur apprennent leur chant mystique et par ailleurs de s'approprier une autre vision d'aborder l'existence selon le maître des rapaces nocturnes. Le nécromancien en homme galant, invita Lyun à suivre en premier Soren dans sa démarche, celle-ci accepta sans émettre le moindre mot, pensait-il qu'il fallait à la voyageuse une journée pour ne plus être remontée envers lui ? Si c'était le cas, il se plantait le doigt bien profondément dans l’œil, du genre rancunière si on outrepassait sa volonté, certes elle admettait avoir une dette envers lui mais cela n'allait pas plus loin. Riku persista dans la voie d'obtenir une réaction de la morpheuse rapace, ajoutant une phrase au sens étrange, d'après lui elle l'aurait manqué. N'importe quoi, il balancerait des absurdités pour attirer son attention, enfin elle espérait que cela en était car franchement il était complètement barré de sentir un manque par rapport à Lyun en si peu de temps. Cela lui rappela inextricablement Rihito et son ton enjoué lorsqu'il l'apercevait au loin à l'entrée de l'école, elle avait eu beau chercher à discerner les motifs de ce dévouement auprès d'une personne aussi froide et associable qu'elle. Lyun serra instinctivement les poings, désireuse de lui mettre une claque, sans conteste elle décernerait à Riku cette décontenance qu'il provoquait chez elle. Ne voulant pas prendre le risque qu'il continue son petit manège dans un souci de tranquillité, elle prit la décision de lui répondre de la manière la plus glaciale et revêche :

- Ma vie va parfaitement bien et toi le borgne ?

Elle accéléra la cadence de ses pas, Soren prenait une certaine avance et elle n'avait pas vraiment l'envie de se perdre dans cette forêt dès le début de la soirée. Leur chemin déboucha sur une petite clairière où les attendait une scène magique et incroyable, les rapaces du royaume des hiboux s'étaient placés en cercle devant un autel sculpté avec la plus grande des minuties, faisant de ce lieu un espace sacré. Les volatiles laissèrent sortir leur voix dans un chant synergique avec la flore environnante, une lumière chaleureuse et turquoise emplissait le cœur des bois d'une atmosphère énigmatique et bienfaitrice. Soren conduisit ses invités à entrer dans le cercle de chanteurs, il dicta un discours de bienvenue à la voyageuse, demandant à ses congénères d'entamer le rite initiatique.

Les oiseaux s’exécutèrent, un troisième chant coula le long de leur bec, une mélodie aussi intense que le chant funèbre. Le cœur de la jeune rapace battait au rythme de la cantilène, comme si les notes l'encerclaient avant d'imprégner sa peau perçant sa personne pour atteindre son âme. Elle fut plongé dans ce chant, ressentant alors toutes les sensations de la communauté, peu à peu ses pensées se consumèrent face à ce tout qu'était la symbiose entre les rapaces et la nature. Lyun avait l'impression que son esprit n'était plus dans son corps mais dans chaque être vivant parsemant ce royaume, petit ou grand, conscient ou non. Elle partageait avec eux un lien intangible, ardant, voire vitale, elle ne pouvait l'expliquer mais ces émotions étrangères l'engloutirent pour former une seule essence. Ses sens s'étaient soudainement améliorés, voyant ou entendant la plus petite fourmi récoltant une graine pour sa fourmilière, l'odeur des fleurs les plus douces lui titillèrent l'odorat. Émerveillée par une telle expérience, elle ne résista pas à se faire porter et à frisonner pour chaque être présent en ces lieux ésotériques, la voyageuse ne se rendit pas compte mais elle s'était mise à chanter avec eux d'une seule voix d'un timbre cristallin.

L'esprit de la demoiselle s'extirpait peu à peu de la réalité et de la logique propre aux humains, il n'était pas matériellement possible d'entrevoir le monde grâce à la vue d'un autre être. Et pourtant ces créatures dédiées à la nuit paraissaient s'être approprié ce phénomène mystique, le plus fantastique découlait de cette capacité à s’harmoniser avec la nature sous toutes ses formes. La voyageuse au sang-froid portée par cette curiosité qui la démangeait, admirait cet univers où l'importance des différences n'existaient pas, agissant en une communauté soudée et ouverte, alors qu'ils marchaient d'un seul pas, d'un seul but. Troublée par ces émotions la submergeant à la fois, des informations s'accumulèrent à l'aide d'un partage commun. Pas besoin d'ouvrir une encyclopédie, quand il suffit simplement de piocher dans cette bibliothèque bruissante. Soren la guida au travers de divers chasseurs à percevoir la scène et les sensations éprouvés lors de la chasse, notamment l'envie de débusquer un gibier et de la voir se débattre devant son bourreau. Ce ressenti devenu aussi fort qu'un penchant, voire un rituel pour ces oiseaux tapis dans l'obscurité, Lyun l'avait plus d'une fois effleurée de la paume. L'adrénaline lui avait procuré des palpitations d'excitation, le sang s'était répandu plus rapidement, lui permettant d'accéder à un état second, moins familier, plus vif et féroce que ne serait la morpheuse rapace. Le chef de la tribu s'imposa soudainement à elle pour lui enseigner sa toute première leçon, sur l'instant, l'élève se questionna sur le fait de savoir si Darian entendait leur conversation :

- Lâche prise voyageuse,  je peux encore sentir des miettes de ta perplexité ainsi que de ta nervosité face à ce que tu ne contrôles pas malgré l’imprégnation dans notre orphéon. Plus tu émettras des réticences et des doutes, plus il sera difficile de conserver cette symbiose, qui nous relie tous , nous sommes en cette heure tes congénères et toi en même temps. Accepte et assimile toi intégralement à ce tout qui fait de toi, ce que nous sommes réellement. La logique implacable auquel tu tiens, ne coexiste pas avec les pulsions primaires, bestiales que nous prodiguent la nature,  la mettre à l'écart de ton esprit est le plus judicieux. L'apprentissage de cet art ancestral passe par cette voie que l'on t'offre, ne la rejette pas, si tu désires faire partie de l'une des meilleurs chasseresse de nos royaume.

Le seul bémol dans cette formation endiablée fut d'être obligée d'afficher ses quelques émotions aux autres, enfin ses partenaires se faisaient une joie de scruter les convives à ce rituel, intrigués par ces voyageurs. Une bonne partie paraissait être des oiseaux plutôt jeunes, nul doute que leur existence dépassait celles de ces deux inexpérimentés, toutefois, Lyun remarquait que la tribu des prédateurs nocturnes ne se composaient pas majoritairement d'anciens égalant la sagesse de Soren. Une pensée d'agacement traversa rapidement la demoiselle alors qu'elle sentait envahir par plusieurs volatiles, un sentiment d'étouffement l'assaillit, tandis que le chef hiboux les sommait d''un battement d'aile de la laisser respirer. Les voix peu à peu s'éteignirent sur une note douce telle la rosée du matin glissant le long d'un pétale, la morpheuse trembla de tout son saoul d'être revenue aussi brusquement à la réalité. Ces couleurs vivifiantes, ce spectacle de la nature au ralenti lui manquaient pour une raison inexplicable, pourquoi ce retour la dérangeait alors qu'elle se voyait de nouveau maître de ses émotions ? Aussi étrange soit-il, elle était prête à revivre l'expérience, afin de dominer à sa manière les choses, prendre conscience soi-même qu'une telle approche décelait un réel avantage, même si elle devait se lier à ses congénères par obligation.

Le grand oiseau de nuit félicita ses camarades pour cette prestation intense, les complimentant sur le fait que grâce à eux leurs invités avaient pu découvrir une autre sphère de la vie et de son cycle. Ajoutant sur un timbre serein que l'étape suivante consistait à dévoiler le passé des humains et ses mystères. Lyun fronça l'arcade sourcilière dubitatif, manifestant un certain dédain à l'idée de faire partager les profondeurs de son âme, de se mettre à nue mentalement, chose impensable à ses yeux. Elle avait une image à préserver dans l'optique de faire fuir toutes personnes qui l'accosterai présomptueusement, et qui était assez niais à s'agenouiller devant une telle épreuve. En tout cas, Riku n'y voyait aucun inconvénient à leur échanger ses brides de souvenirs, toute son histoire qui faisait de lui le nécromancien qu'il était désormais. Ainsi, il exposa à toute l'assemblée mentalement la nouvelle de la mort de son père, raison pour laquelle son pouvoir se lia au royaume des morts, de ses faiblesses aux yeux de la demoiselle représentée par les déboires amoureux et  les attaches qu'il s'était forgées et perdu au fil des batailles. Lyun avait toujours son point de vue bien ancré, celui ou elle estimait qu'être détaché des autres procurait une sérénité et une protection envers d'éventuelles trahisons ou blessures. Pourtant malgré un dédain au film biographique du nécromancien, elle se tut respectueusement, ne voyant pas l’intérêt de commenter ce défilé d'images.

Peu à peu la fiction mentale s'estompa tel un nuage de fumée, Soren posa ses deux joyaux ambrés vibrant de sagesse sur Lyun, cette dernière soutient ce regard imperturbable. Une petite voix lui susurra qu'il garderait cette posture jusqu'à elle veuille bien se décider à leur partager, d'interminables secondes s'écoulèrent pendant que les deux protagonistes défiaient mutuellement leur résistance.

- J'ai toute ma nuit petit rapace, peux-tu en dire autant ? Soumets toi à cette condition, je n’entraîne qu'une fois mais pas deux, décide toi vite.

La concernée arqua les sourcils désapprobateur, la vie privée n'était pas une chose à prendre à la légère et qu'on pouvait sans hésiter la déballer à des inconnus. Ces oiseaux étaient bien présomptueux pour prétendre estimer être des créatures dignes de confiance, et quel était le véritable atout de sonder les réminiscences de ses congénères  mise à part jacasser sur les diverses épreuves subies. Finalement, la voyageuse caractérielle se plia aux désirs du grand hiboux, se rappelant les conseils avisés de son maître, mettre sa fierté de coté était le seul moyen pour appréhender d'autres techniques de chasse et devenir encore plus imprévisible et instinctive. Ses paupières s'alourdirent pour se fermer, laissant ses pensées glisser les différents moments de son passé, qui l'avait façonnée : Sa rencontre avec son camarade excité Rihito, leur journée découverte ayant mal tournée après une distraction de ce dernier, instaurant en elle l'aquilaphobie. Mais également une détresse et chagrin lorsque l'adolescente se retrouva face à la maison vide de son ami, ses parents souhaitant éloigner son fils d'elle. D'autres événements furent distribués à l'assemblée tels que ceux qui lui ont amené à devenir une apprentie juriste, la nuit ou elle a accepté sa peur en l'affrontant. Ses souvenirs plus récents se termina sur plusieurs voyageurs mais l'image de Riku revient plusieurs fois, étant donné qu'elle avait vécu plus d'aventure qu'avec n'importe qui d'autres.
Une fois la transmission achevée, le seigneur hiboux se redressa en effectuant de grand geste :

- Désormais vos secrets sont les nôtres, si vous le désirez plus tard, il vous sera possible de vous y plonger. Nous allons passer au troisième chant, celui de la confiance.

Sous l’œil attentif de Darian et les chasseurs noctures, Soren étendit ses ailes afin de se rebeller devant la gravité, attrapant dans chaque serre les deux voyageurs, il s'envola au sommet de l'un des plus grands épicéas. Il les déposa sur deux branches d'apparence frêles, il leur expliqua d'un timbre amusé la démarche à suivre tandis que Lyun chercha de manière maladroite à garder son équilibre sous peine de s'écraser au sol.

- Votre épreuve est de vous remettre à la vision de la communauté, avancez sur vos branches en fermant les yeux, nous vous dévoilerons votre environnement, faites attention de ne pas trébucher dans le vide.

Un sentier sinueux de branchages feuillus s'étendait au-delà des voyageurs, chacun tentant de se stabiliser sur leur ramure, sous peine de faire un plongeon mortel dans le vide. Les habitants ailés de la forêt s’élevèrent tous en un battement d'aile symbiotique, se dispersant sous l’œil appliqué du grand hibou. Désormais, leur test consistait à faire confiance en la vision des divers rapaces rassemblés dans le but d'avancer sereinement sur ce parcours. Lyun, jeune femme ne faisant confiance à personne à par elle-même, n'appréciait pas de dépendre d'autres créatures pour parvenir à ses fins, Toutefois, elle se retrouvait coincée à plusieurs dizaines de mètres, Soren savait rendre les choix cornéliens, soit elle conservait sa fierté et refuser de participer à cette mascarade, soit elle consentit à jouer le jeu  Darian ne viendrait sûrement pas la chercher tant que Soren ne l'en aurait pas autorisé, elle se doutait que derrière ce masque de sagesse, se cachait un être sadique  Autant dire qu'elle risquait de poireauter sur cet pin pendant des heures, voire des jours aux grandes joies de l'oiseau nocturne.

Un éclair de stupidité la frappa un instant, et si elle choisissait une troisième alternative comme se jeter dans le vide ? Bien que Soren prendrait un certain plaisir à la narguer, il ne tenterait pas un souci diplomatique avec Vyomesh. Malgré sa loyauté envers lui, la mort accidentelle de la voyageuse ne serait pas au goût du seigneur des rapaces, engendrant sans doute une privation de certains droits et leur autonomie auxquels accédait la tribu de la nuit. Certes Darian empêcherait à coup sûr la demoiselle de s'écraser comme une crêpe, sermonnant son irresponsabilité qu'occasionne cette envie de se désister aux moindres conseils. A y réfléchir, cette dernière pensée rendait son idée complètement ennuyeuse, bien qu'originale. Elle opta en définitive pour le chant de la vision,  pendant que le grand-duc rabroua calmement le nécromancien après s'être fait surprendre à contourner l'épreuve. Il leur imposa à tous deux de clore leurs paupières, ainsi ils seraient plus absorbés par les images que leur transmettaient les rapaces. Lyun soupira de désapprobation lorsqu'elle comprit qu'il lui fallait se coltiner le tri parmi ces informations visuelles, extraire les plus pertinentes ce qui lui permettrait de se frayer un chemin.

Le coté fastidieux de cette tâche vint au moment de traiter le renseignement, elle visualisait la photographie psychique mais elle ne ressentait pas la moindre avancée. Et pourtant, Riku semblait avoir piger le mécanisme si rapidement, en effet, les scènes se transformèrent où elle contemplait le jeune brun marchait sans crainte vers la suite. Quant à elle, elle se contentait de faire du surplace, comment accomplissait-il cet exploit ? Se fiait-il réellement à ces volatiles, que son esprit s'abandonnait à tout libre-arbitre ? Cela signifiait-il également qu'elle doive s’imprégner uniquement de ces différents angles de vue ? Consciente que les chants entonnés précédemment l'amenaient à accorder un crédit à ses chasseurs, hésitante à prendre cette voie qui pourrait la conduire à sa perte. D'après elle, il est très facile de placer sa foi à une personne mais encore plus que la dite personne la trahisse, ce raisonnement achemina à déduire que la confiance se mérite.  De nouveau, ses convictions étaient remis en doute par une bande d'oiseaux ce qui la déplaisait tout naturellement. Et pourtant, elle fait partie de Dreamland où toute l'imagination peut se matérialiser, la logique se renverser, il est donc normal que la jeune femme à la cascade de saphir se fasse bousculer dans ses habitudes.

La morpheuse se focalisa exclusivement sur les images la concernant, les apposant de façon successive sur une ligne mentale de son cru, reliées chronologiquement telle une pellicule cinématographique. Soudainement, elle sentit comme un picotement au niveau de ses jambes, puis son corps décida de se mouvoir selon les directions que lui sommait son psyché, sensation plus qu'étrange de ne pas être maître de soi-même debout en train de surplombait le vide. Heureusement, qu'elle n'était pas sujette à des prises de vertige, surprise quelques secondes de sa réussite, elle faillit se faire trébucher par manque de vigilance. Ses mains se rattrapèrent de justesse à la souche qu'elle avait perçu, elle l'enjamba une fois ressaisie, elle se déplaça avec plus d'assurance. Son anatomie auparavant crispé se dirigeait automatiquement, sa voix résonnant au-dessus des cimes des épicéas. A l'aide de la communauté elle aboutit à la première plate forme, plate forme utilisée à l'accrobranche entre deux circuits.

La future chasseuse de prime s'interrompit dans sa progression afin d'observer son acolyte du soir, étrangement, elle avait réussi à prendre le dessus au fil de la course. Selon les visions, elle remarqua que le jeune homme manquait cruellement de souplesse et de grâce, le ralentissant dans sa démarche. Silencieuse pour ne pas le déconcentré, elle s'amusa à le percevoir galérer à passer par dessus un obstacle malgré une certaine fluidité, cela lui donnait un aspect comique ce qui fit sourire la jeune femme. Mais le plus drôle arriva, alors que Riku s'approchait d'elle, il se cogna assez violemment contre le tronc d'un arbre, impuissant dans sa chute, Soren vola à son secours. Ce dernier détailla les autres facettes de l'épreuve, admettre plusieurs points de vue et juger quel sera le plus utile dans sa traversée. En attendant, Lyun n'avait pas pu retenir un petit ricanement moqueur, au moins, elle avait su être vive sur les scènes à classifier contrairement au nécromancien. Elle se laissa glisser depuis son perchoir grâce à une corde pour rejoindre la terre ferme des vaches.

Une petite éclaircie se dévoilait sous ses pas, le paysage paisible bruissait au rythme du vent. Les êtres de l'obscurité se réunirent de nouveau au milieu de cette étendue d'herbe, ils hululèrent en cœurs pour aiguiller Riku vers la fin de l'itinéraire. Soudain, un grondement monstrueux provint de derrière la cime des arbres pour se répercuter dans la clairière, faisant sursauter l'assemblée d'hiboux et de chouettes,, qui se murèrent dans un silence d'effrois. La demoiselle releva son minois vers le son, à première vue ils n'étaient pas seuls dans les environs à être les plus dangereux, une créature rodait et cela les rendait particulièrement nerveux. Le toutou du royaume des morts rejoignit après quelques minutes le reste du groupe.

Soren indiqua la succession du programme, les deux voyageurs devaient puiser dans leur force intérieur dans l'objectif de maîtriser sa colère enfouie en eux. La mélodie débuta sur un timbre galvanisant, Lyun fut prise d'un étrange sentiment, une rage dissimulée sous des couches de marbre glacial qui fondirent lentement comme neige au soleil. Des réminiscences fâcheuses montèrent à la surface, envahissant son esprit s'étant au préalable vidé sur le conseil avisé du seigneur grand-duc. Bien que ce fut très peu de moments et pourtant, elle les ressentait avec pas mal de tension et d'intensité. Le départ de Rihito sans le moindre d'au revoir, signe qu'elle interpréta comme une trahison voire même un abandon de sa part. Puis son amertume passa de son ami d'enfance incroyablement au nécromancien, ce dernier ayant eut le culot de perdre un œil pour la sauver d'une zombification. Cet acte l'avait ébranlée au plus grand dam de la demoiselle désireuse de conserver son flegme. Malheureusement sous l'irritation soudaine, elle se redressa de tout son soul voulant se faire grande face à Riku, ses iris s'éclairèrent d'une lueur enflammée et lui siffla/

- Tu es vraiment qu'un idiot, pourquoi tu as sacrifié bêtement ton œil pour une inconnue ? C'est quoi ton problème, la prochaine fois tu mourras pour les beaux yeux d'une fille ?

Son visage s'était crispé alors qu'elle croisa les bras marquant son mécontentement, de toute évidence, la morpheuse malgré son expression de désintérêt constant ne parvenait pas à contrôler ses émotions. Les notes de la symphonie avaient envoûtés la chasseuse de prime de manière si surnaturelle et inattendue que ses défenses avaient cédé un par un, elle était devenue incontrôlable.

L'atmosphère s'était comme figé, cette sensation de douceur que lui procurait la nature se dissipait tandis que le ciel commençait à s'assombrir sous cette tension colérique dégageait par la jeune prédatrice. L'intégralité de son corps tremblait de rage, les jointures de ses doigts rougissaient à la contraction qu'elle s'était imposée, sa conscience résidait encore derrière cette montagne débordante d'animosité. Une petite voix à peine audible lui susurrait de ne pas s'en prendre physiquement à cet homme même si l'envie la démangeait de le frapper, elle le voyait comme un moyen de se libérer de cette pression. Pourtant son intuition lui dictait que si elle osait porter sa main sur une personne innocente, qui au contraire n'avait pas hésité à lui prêter main forte à plusieurs reprises, elle dépasserait des limites inadmissibles et se transformerait en un personnage ignoble. Elle avait peur de frapper une première fois, puis une deuxième fois, et ainsi de suite de le passer à tabac, qu'à chaque coup sa personnalité se métamorphose en un monstre assoiffé de violence pour survivre. Lyun avait beau être de nature insensible, cette perceptive radicale lui déplaisait plus que tout, elle conservait une certaine dignité et de l'amour-propre malgré cette fureur démesurée engendrée par le chant des chasseurs de la nuit. Raison pour laquelle, la voyageuse s'était stoppée à plusieurs mètres de celui-ci, le fixant immobile d'un regard fulminant. Pendant ce temps, les rapaces se dissimulèrent  dans les ténèbres de la forêt, afin que leur colère mutuelle se focalise sur l'autre voyageur, aimerait-il qu'il y est une confrontation sanglante entre les deux jeunes gens ? Peut-être.

Le nécromancien piqué au vif par les paroles blessantes de sa camarade, s'enflamma à son tour confus lui aussi grâce au chant.Lui d'habitude si familier animait par la flamme d'une passion à s'enfoncer dans les pires galères dans le but d'aider ses coéquipiers, celle-ci était pourtant bien différente en cet instant. Elle ne brillait pas comme les autrefois, plus diffuse et dense prête à calciner tout ce qui se trouvait à proximité. Sa bienveillance d'antan s'était intrinsèquement volatilisée, il avait cédé au même stade que sa congénère. Riku répliqua de façon aussi virulente, il lui cracha à la figure une salve de reproches dévastatrices dans le sens où ces propos détenaient une part de vérité. Il la blâma de fuir des relations sociales afin d'éviter de souffrir par peur d'être abandonnée, de ne pas essayer de faire confiance aux autres en s'enfermant dans sa coquille, il faisait référence aux souvenirs avec Rihito aperçus quelques minutes auparavant. L'accusée ne pouvait nier que son raisonnement était valable, mais il n'avait aucunement le droit de rejeter sa frustration ainsi et surtout de la traiter de lâche sans chercher vraiment à la comprendre. Elle ne supporta pas non plus, que le voyageur use d'arguments dont il avait connaissance seulement que ce soir, comment osait-il alors qu'il s'était permis de s'incruster par deux fois dans son royaume ? La morpheuse serra les poings jusqu'au sang, son désir de le faire taire était oppressant, il devait apprendre à calmer ses ardeurs. La colère l'aveuglait de plus en plus, ses dernières onces de résistances cassèrent une à une après le discours de son soit-disant ami comme il aimait s'en prétendre.

- Oui, je me contente de cela si cela signifie que je ne me sentirais pas coupable d'être à l'origine de la douleur d'une personne que j'estime  Et ta réaction de frustré me démontre également que j'ai raison d'agir dans ce sens, sachant que tu te permets de juger sans réellement comprendre.

Lyun ne sut si la tirade avait atteint ou non sa cible, dans tous les cas, Riku s'élança à son encontre le visage aussi crispé que son poing qu'il levait d'un air menaçant. Déterminé à faire acte de violence au détriment de la jeune femme, qui s'était retenue jusqu'à présent d'écouter ses pulsions, ne lui rendait pas honneur. Ses pupilles toujours plongés dans celles du nécromancien, elle se plaça de manière défensive comme lui avait appris Darian. S'il voulait perdre sa fierté en s'abaissant à de telle méthode pour lui prouver qu'il avait raison, le voyageur du royaume des morts prenait une mauvaise pente. Plus il s'approcha, plus Lyun ressentit la rage qui émanait du corps de son partenaire d'infortune, la jeune femme comprit que si elle ne faisait pas attention, elle en baverait. D'un battement d'aile fugace, Soren s'interposa entre les deux combattants, repoussa Riku sans ménagement de la main. En effet, le seigneur grand duc s'était revêtu de sa forme semi-humaine afin d'approcher les deux voyageurs sur les dents, cette apparence humaine à la fois sage et mystérieux grâce à sa chevelure argenté et son fascié serein lui apportait un certain charme. Sérieux dans sa tâche de maître, il ne souhaitait pas que le cours ne dégénéré en un bain de sang.

Envoyant un léger signe de la main à ses semblables, il leur détailla la mélodie suivante qu'entonnaient aussitôt les êtres nocturnes.  La propriété de ce chant fut d'apaiser l'esprit les deux énergumènes, tout cet énervement cumulé depuis plusieurs minutes s'estompèrent comme si elle n'avait jamais existé. Le seigneur vassal leur narra l'importance de ces deux chants, celui du combat et celui de l'apaisement, les deux combinés forment une complainte harmonieuse appelée « Equilibrium ». Les sentiments négatifs ne devaient pas prendre une telle proportion, n'amenant qu'à la régression, marquant le fait que la chasse se pratiquait sans aucune de ces émotions.  L'essentiel de ses enseignements valorisait selon la jeune femme à la notion de confiance qu'on offre aux siens mais celle de respect envers les proies ou les ennemis, les prédateurs ailés vivaient en honorant ces préceptes. La morpheuse acquiesça attentive à ces explications, une étrange sensation d’appartenance indirecte la tenaillait, elle se rendait compte que son caractère détaché dénotait quelques points communs avec leur vision des choses. Son admiration pour ces prédateurs redoutables ne cessaient de croître à mesure qu'on lui en inculquait d'avantage sur leur traditions et fonctionnement.

Le nécromancien s'excusa sincèrement auprès d'elle, celle-ci lui fit un signe de la main, ses excuses ne changeraient pas la réalité en fantôme. Il avait su la toucher dans ses faiblesses bien que le moyen d'y parvenir fut retors, Lyun devait admettre ses torts dans l'histoire. Elle se tapota un peu les joues afin de se ressaisir et de se concentrer sur la prochaine étape, il ne serait pas aisé de stabiliser les nuances symphoniques des deux chants. De nombreux réminiscences mélangées de joie et de frustration assaillirent ses pensées, les bons moments cherchaient à prendre le pas sur les plus mauvais et vice-versa. Inspirant progressivement pour faire le vide dans sa tête et trouver ce fameux équilibre entre la rage et la paix, elle se rendit compte à cette illumination qu'elle devait calquer sa propre vision des choses : la neutralité. Certes, elle devait être plus partagée mais sur le principe, l'équilibre se créait par rapport aux ressentis. Pour une personne, qui ne profitait pas véritablement des bons moments, cela la surprenait de contempler des souvenirs d'elle dans divers endroits avec différents personnages. Cela démontrait qu'une sensation de chaleur s'était logée dans son cœur depuis qu'elle errait dans Dreamland.

Soudain, des courants d'airs lui caressèrent le minois, en effet, les créatures chasseresses leur jetaient des branchages, le but étant de les esquiver par le biais d'images envoyées par un groupe de volatiles. L'exercice fut complexe, Lyun tentait d'associer sa concentration sur l'équilibre des chants tout en bougeant selon la pellicule qu'on lui prodiguait. Les manœuvres furent laborieuses et les blessures superficielles multipliés, la cadence s'accélérant au fil de l'épreuve que Soren coordonna avec soin  Petit à petit, elle commençait à percevoir une amélioration, la jeune femme réussit à avoir des moments de quelques secondes ou ses pensées se trouvaient en symbiose à force de persévérance. Le seigneur avisa d'un hululement formel la fin des hostilités, ses sujets s'exécutèrent sur le champ, laissant les deux voyageurs époumonés et déshydratés. Deux chouettes leur apportèrent de l'eau, Soren jugea bon de les ménager pour la suite des événements.

L'assemblée ailée encercla de nouveau les voyageurs dans un bruissement léger, leur chef leur demanda d'une nouvelle mélodie, puis entama un discours vertueux :

- Riku, soyez attentifs à ce qui va suivre. Je vais vous dévoiler nos traditions et secrets liés à la chasse, nous vous faisons confiance pour ne pas l'ébruiter. Tout d'abord, cette dernière litanie est serinée lors de la victoire de notre chasse, nous remercions la nature de ses bienfaits et la nourriture qu'elle nous offre. Nous respectons ainsi nos proies, nous leur souhaitons une mort agréable. Sachez que nous nous divisons en trois groupes lorsque nous chassons ; Les plus jeunes doivent partir en éclaireurs, nos oiseaux les plus aguerris traquent le gibier et enfin les plus anciens protègent l'arrière des deux précédents groupes. Nous nous mouvons de façon concilions pour ne laisser aucune ouverture à un potentiel ennemi ou bien aucune échappatoire à nos proies. Et enfin, nous partageons nos proies selon une hiérarchie bien précise ; Le chasseur donnant un coup fatal se sert à manger le premier, c'est au tour ensuite des guerriers pour sacraliser ce rôle essentiel, viennent alors les anciens puis enfin nos plus jeunes oisillons. Ce procédé permet à la fois de perpétrer l'admiration à la chasse et de guider nos enfants vers l'adhésion de notre art.

La mélodie à l'élan valeureuse et réjouissante valsait dans cette clairière verdoyante, flottant autour des jeunes humains contemplatifs. Lyun se voyait peu à peu ragaillardie par cet air triomphant sa fatigue se métamorphosait en un regain d'énergie. Elle examina sa coupelle du liquide transparent, l'aurait-ils drogués d'une façon ou d'une autre, cette sensation étrange que ses muscles relâchaient le surplus de pression accumulée lors de la précédente épreuve. Soren détailla plusieurs coutumes de la chasse précieusement attachées à la tribu de la nuit, le chant l'apaisait sans qu'elle puisse se débattre, au moins cela lui procurait un effet réparateur. Attentive à la culture de ses rapaces nocturnes, elle ne rata pas une miette intriguée par ces traditions d'une part primitive et de l'autre respectueuse envers la nature elle-même. Leur instructeur, entité de sagesse en ce royaume, alla se poster devant une arche de pierre d'où se dégageaient un sentiment de tristesse mais également une empreinte de la mort. S'agirait-il d'un monument funéraire rustique pour apaiser les âmes des rapaces morts tels les caveaux construits pour les humains? Cet édifice insinua des émotions étranges dans le cœur de la jeune femme, comme si on la testait et la scrutait ces pensées devinrent de nouveau confuses.

Pendant ce temps, Soren dans un élan cérémonieux, narra l'honneur fait aux défunts tombés de vieillesse ou au cours d'une bataille. Son timbre vibrant d'émotions, le chagrin de la perte mais aussi la joie de célébrer les sacrements et la fierté que leurs défunts rejoignent les ancêtres et la terre qui les ont vu naître et prospérer. Le chant funèbre résonna dans la clairière dans le but de marquer les voyageurs dans leur âme l'honneur qu'éprouvait chaque chasseur nocturne. Le cœur de la demoiselle commença à battre la chamade au rythme entraînant de la complainte, une force invisible l'attirait vers les méandres de son esprit. Par réflexe, elle clôt ses paupières visualisant ainsi mieux ce que la mélopée souhaitait lui révéler, des images animées défilèrent. L'expérience 'était autre que les précédents exercices, ces souvenirs émanaient d'une civilisation plus ancienne, voire de la nature. Elle contempla dans un silence admiratif les prémisses de la vie végétale qui se profilait au fil des saisons, l'arrivée de batailles épiques aériens concernant les prédateurs de la nuit avec d'autres créatures pour l'obtention de ces terres. Le jour chevauchait la nuit s'écoulant dans un cycle sans fin de la vie et de la mort, présentant plusieurs générations d'oiseaux dans leur existence qui se consacraient à chaque instant à la nature. Témoin de rites et usages ancestraux, des secrets gardés par le clan de la forêt dont ils acceptaient de transmettre à des étrangers, pour un motif individuel bien différent. Le seigneur ailé de la sagesse considérait le nécromancien comme la bienvenu en cette nuit d'enseignement après avoir sondé la soif de connaissance du jeune homme et remerciait le sacrifice de son maître. Quant à sa comparse, il s'agissait plus d'une requête de Vyomesh à s'imprégner des coutumes des chasseurs afin de parfaire son éducation, et qui sait faire  d'elle à l'avenir l'une des meilleures.

Les notes tambourinantes à l'esprit de la morpheuse s'estompèrent progressivement pour tomber dans l'oubli, encore perturbée par les visions pleines de sens, elle se contenta de garder les yeux fermés. Désireuse de ne pas arborer une expression émue, synonyme pour elle de faiblesses, elle tenta d'apprivoiser ses envies et sa curiosité naissantes envers ce peuple même si jusque là elle y avait trouvé un certain intérêt. Disons que cet apprentissage forcé aux cotés de Riku ne lui avait pas vraiment plu au début de la soirée, et pourtant, elle se mit à prétendre au fond que les épreuves lui avaient fourni un regard neuf sur sa façon de voir Darian, Soren et compagnie. Des êtres implacables et calculateurs de façade et qui néanmoins, étaient fiers d’appartenir à une caste de prédateurs sans pour autant être irrévérencieux envers ceux qu'ils traquent ou combattent.  Prenant soin des leurs malgré leur attitude détaché, ils savaient faire la part des choses, les destinant à être de grands guerriers. Lyun ne put s'empêcher d'apprécier cet état de fait, ce qui la représentait légèrement si on occultait le fait qu'elle soit un tantinet voire très désagréable avec son entourage pour éviter de créer un quelconque attachement. Malheureusement, elle devait confesser que ses aventures à Dreamland produisaient en elle des doutes, notamment lorsqu'un idiot sacrifie un œil dans le but de la sauver. Elle n'avait pas vraiment pris la peine de se remettre en question tout au long de la journée mais elle était sûre que cette histoire lui avait causée des séquelles par rapport à son comportement avec Riku. Elle en était bien consciente, ce qui l'ébranla davantage à la tirade accusateur du nécromancien lors du chant du combat.

La voix du seigneur grand duc la sortit de ses réflexions philosophiques et sociologiques, il leur confia que l'essentiel de leur initiation était d'en apprendre sur soi-même sous la réunion d'une seule essence collective. Il enchaîna par l'annonce d'une épreuve pratique consistant en la traque et l'élimination d'une créature onirique perdue dans les bois osant s'en prendre aux habitants ailés. Grosso modo la contrepartie de ces connaissances, ils devaient comme des larbins se jeter dans la gueule d'un monstre qui au son de ses pas de tout à l'heure, semblait des plus hostiles et volumineux . La voyageuse arqua un sourcil de suspicion, comme par hasard la coïncidence tombée pile poile avec sa venue, elle ne prônait jamais la théorie du complot. Était-elle perdue de son propre fait ou Darian et Soren avait manigancé pour attirer une bestiole en ces lieux aux fins de se divertir aux dépends de la novice. Bien que l'idée soit saugrenue, cela correspondait avec le caractère vicieux de l'hybride faucon. S'ils voulaient jouer à jeu, elle n'y voyait aucun inconvénient, ce serait un bon moyen de leur démontrer qu'elle n'était pas qu'un simple oisillon, surnom avec lequel Darian la narguer. Maintenant une question délicate lui trottait en tête, impassible elle s'adresse à Soren :

- Doit-on traquer cette  bête ensemble ou chacun de notre côté ?

- Faites comme il vous plaira, toutefois, essayez de mettre à profit ce que nous vous avons inculqué, travailler en équipe serait donc le mieux.

- Y-a-t-il des choses à savoir à propos de la créature ?

- Elle possède des bras assez massifs surmontés de griffes, le seul conseil que je puisse vous donner est de l'attaquer de la manière la plus discrète possible. Nous avons essayé de l'affronter de front mais ce fut un échec, nous vous laissons donc agir comme vous l'entendez.

Le moins qu'on puisse dire est que le seigneur n'était pas friand de détails alors que ce genre de rapaces reconnaissaient rapidement la faiblesse des ennemis qu'ils affrontaient. Les soupçons se confirmèrent un peu plus sur les combines perpétrés par les deux rapaces, elle soupira tandis que ses iris azurés se déposèrent  la silhouette du nécromancien. Elle devrait composer avec lui, après leur échanges houleux, une tension régnerait sans doute entre eux. Il fallait qu'elle prenne sur elle si elle souhaitait réussir la toute première tâche qu'on lui avait confié officiellement, quitte à effectuer un effort sur la parole.  Hochant la tête de compréhension vers Soren, elle se dirigea d'une démarche déterminée et placide en direction de la lisière de la foret,  adressant un signe de la main à Riku pour qu'il la suive

- Bon tu te grouilles, je vais pas t'attendre cent sept ans dans la chasse aux monstres.

Le ciel s'assombrissait à vue d’œil, des cumules aux nuances  charbonneuses se rassemblaient en un amas compact, étouffant toute pointe de lumière encore existante. Lyun scrutait l’obscurité abrité par le feuillage des arbres, une fois entrée dans cette partie de ces bois, elle devrait face à une créature sauvage et redoutable. Un frisson d'anxiété mêlé à de l'excitation lui parcourut l'échine, serait-elle à la hauteur de leur attente ? Arriverait-elle à exploiter les enseignements de Darian ? Lyun appartenait à ce groupe de personnes possédant un certain dégoût pour l'échec, à ses yeux ce terme était imprononçable. D'un naturel à prendre les choses au sérieux, elle ne souscrivait nullement les expressions de réconfort dont elle oyait au détour d'une conversation où un individu lambda subissait un revers. Il fallait mettre dès le départ œuvre de tout son cœur à la réalisation de leur projet, abandonner devant quelques obstacles n'étaient pas de l'échec mais de la lâcheté. La morpheuse tut ses angoisses à chaque pas, sa démarche se voulait être imperturbable et résolu à en découdre quel que soit les risques encourus.

L'hybride faucon, son maître, s'était posté en retrait du cercle cérémonieux, uniquement présent en tant spectateur s'était contenté de surveiller les mouvements de sa disciple. Il avait décelé le désarroi de celle-ci, capable de déchiffrer les expressions de son élève derrière cette couche de froideur, il l'interpella. Droit dans ses chaussures, la soutenant d'un regard plein d'encouragements, il souhaitait lui transmettre son assurance :

- Tu es pas juste un piqué de glace grandeur nature, tu as le potentiel pour être une bonne chasseuse, sinon je m’évertuerais pas à aguerrir une tête de mule. Débarrasse toi de tes craintes petit prédateur, tu deviendras plus féroce. S'exclame-t-il sereinement en lui tapotant l'épaule tandis qu'elle le dépassait.

Éprise par un sentiment de quiétude grâce aux compliments du guerrier, elle acquiesça en silence pour toute réponse.  Cette zone sombre logée dans son esprit s'évapora aussitôt, pourquoi faillir alors qu'elle savait se défendre, Darian ne l'avait pas formé pour brasser du vent ou garder ses distances avec le danger influencée par la crainte d'échouer. Être confiante était un aspect primordiale, son attention se reporta alors sur son nouvel équipier, ce serait un atout notable dans leur mission. Voyageur puissant, qui avait su démontrer à plus d'un titre son courage et son envie de l'épauler, le repousser dans une telle situation serait plus qu'injurieux. La jeune femme n'oubliait pas qu'elle lui était redevable pour sa vie, faire la fine bouche en se renfermant dans une arrogance illusoire. Sauf que cette fois-ci, elle envisageait de remporter la mise. Elle ne se laisserait en aucun cas déconcentrée par ce gringalet à la langue pendue et aux émotions débordantes, prête à leur prouver à tous sa volonté.

S'enfonçant parmi les arbres touffus, Riku lui emboîtant le pas un sourire aux lèvres, il se remit à papoter comme si de rien ne s'était passé quelques minutes auparavant. Lyun écouta le discours du nécromancien dont l'intonation visait à être réconciliante, il lui fit remarquer n'avoir jamais été témoin de ses pouvoirs. Surprise par ce fait, sa main ne manqua pas de s’écorcher à l'encontre d'une branche hostile, elle laissa échapper un juron. Ce n'était qu'une égratignure superficielle, elle n'en menait pas large si elle se laissait surprendre aisément pour un élément insignifiant.  Ce petit accident lui permit néanmoins d'apercevoir au sol une sorte de boule velue, s'accroupissant afin d'examiner cette pelote. L'objet à poil était submergé d'une substance visqueuse presque liquide et puante, l'apprentie rapace se boucha le nez par réflexe répugnée. Approfondissant son exploration du terrain du peu que ses yeux puissent lui exposer, elle ne détenait point la vue d'un rapace nocturne, ainsi ils devaient se contenter d'une vision approximative. Rien ne paraissait être cassé ou écrasé par un surcharge conséquente équivalant peut-être à la bestiole traquée, cette boule était nulle autre qu'un rejet de l'un des congénères de Soren après un bon repas. Le déchet digestif fut balancé plus loin tandis que la voyageuse reprit sa route, arpentant les profondeurs inamicales de la sylve.

- Je peux métamorphoser certains membres de mon corps en attribut d'aigle, je pense pas que la tactique soit très utile face à une créature imprévisible et sauvage.  

Le nécromancien n'était pas un homme pour rien, avec eux, il fallait toujours essayer de régler les problèmes de façon stratégique. Certes, Lyun appréciait la logique et le raisonnement, cependant, les événements ne se déroulaient pas forcément selon les prévisions. Il était nécessaire qu'il ne confondre pas chasse et conflit, la chasse était un art plus habile que de faire mumuse sur un champ de bataille. Plus aisé de discerner les pensées qu'un être sauvage agissant seulement pour survivre à plus fort que soit ou dominer ses semblables, avancer tel ou tel pion d'échiquier ne suffisait pas. Elle avait pu le constater aux cotés de Darian, il faisait partie de la caste des guerriers endurcis, et toutefois, il détenait ce don d'être imprédictible voire instinctif, aspect qui la fascinait.

Ses esgourdes en alerte au moindre craquement de branchages suspects ou de grognements sourd, elle sentit que son partenaire s'était arrêté, quel pouvait encore être le souci ? Un insecte se promenait sur lui ou peu habitué à déambuler dans ce dédale de feuilles mortes et de branches griffues, exigeait-il une pause ? La jeune femme se retourna excédée à force d'être coupée dans son application à pratiquer ce que son maître lui avait enseigné, prête à lui sommer de se taire. Face à l''attitude songeuse et niaise,  elle comprit qu'elle s'époumonerait dans le vide, égaré dans ses pensées. Elle choisit alors de le laisser aller au bout de son propos, ce n'était pas comme si la Bête viendrait à leur rencontre pour faire ami-ami.

Justement quand on parlait du loup....Une silhouette sombre assortie de deux lueurs flamboyantes se dressa dans le dos du nécromancien, Lyun tenta de l'avertir en criant mais ses mots, ses paroles s'égarèrent dans le bruit assourdissant provoquée par la gifle de la créature contre les arbres osant lui bloquer le passage. Une bourrasque s'abattit emportant des fragments de troncs dans la direction de la morpheuse rapace, cette dernière réfugia son visage de ses bras. Quelques projectiles l'entaillèrent les bras et les jambes, avant qu'elle soit bousculée par un élément volant, le choc l'abasourdit. Ses jambes s'affaissèrent le long d'un épicéa, sa tête dodelinante entre la confusion et la réalité, elle perçut son partenaire percuter un tronc de plein fouet. Ils étaient dans de beau drap à peine la traque commençait, la bestiole les avait déjà terrassés sur un coup de tête, il lui suffisait désormais que de les achever.  Leur agresseur se détourna finalement d'eux, poursuivant son chemin dans les bois sans prêter à ses victimes un regard, c'était nouveau ce comportement. Pour quel motif, elle délaissait deux bouts de viande en vie, elle n'avait qu'à tendre ses grappins pour les cueillir. Soit elle était trop sonnée pour cerner la logique de ce comportement, soit Dreamland  présentait un caractère encore plus dingue.

Lyun massa ses tempes douloureuses, soufflant afin de reprendre un semblant de lucidité, quelques minutes lui furent nécessaires. Elle se releva maladroitement, elle s'adossa au conifère évitant ainsi de trébucher bêtement pendant que Riku revenait d'une démarche correcte Enfin c'était sa façon de faire une nouvelle fois le brave, sa mine se contractait sous la douleur subie au niveau de ses flancs, partie qu'il pressait dans un espoir thérapeutique. Clairement, ils n'en menaient pas large pour l'instant, la jeune rapace se mordit la lèvre inférieure de son impuissance, Soren avait raison. Il était peu probable d'avoir le dessus sur cet être de front même si les deux voyageurs cordonnaient leurs actions, elle serait capable de les désarçonner en une salve de plusieurs frappes. Son partenaire blagua à mi-mot sans doute pour rassurer Lyun sur sa santé, puis enchaîna sur un plan foireux à base de flammes et de coup en traître. La demoiselle étourdie voyait d'un mauvais œil ce projet brouillon et un peu trop facile à son goût, de plus, Riku n'avait aucun scrupule à foutre le feu à la forêt sous prétexte que l'humidité amortirait les dégâts. Pas sur que les habitants de cette contrée verdoyante soient du même avis que lui, toutefois Lyun n'avait de meilleurs initiatives à proposer.

Dans un soupir qui signifiait beaucoup de choses en autres l'agacement et l'appréhension, Lyun et son acolyte suivirent le chemin tracé par la bête onirique dévastant  les pins dans un élan rageur. Sa conduite se manifestait d'une manière anormale, elle était plutôt à la recherche de quelques choses ; Une sortie ? Lyun se mit soudainement à devancer le nécromancien, elle se posta près d'un tas de bois, une flasque pâteuse et terne jonchait le sol meuble, une odeur nauséabonde et fermentée lui envahit les narines. Elle toucha la consistance poisseuse, son esprit s'illumina et se forgea une idée, qui se concrétisa en une bonne nouvelle.

- Pas de doute, c'est du sang. Au vue de la quantité et de sa puanteur, je pense qu'il appartient à notre proie, elle est blessée. Cela nous indique qu'elle n'est pas à sa pleine puissance dans ses attaques.

Elle ferma les yeux, son intuition la titillait comme si elle passait devant une donnée importante pour sa mission, une impression d'être menée en bateau empiéta sur sa raison. Son regard perçant fila vers l'horizon emprunté par sa cible, elle se rapprochait de son objectif, ses sensations se muèrent en exaltation non-dissimulée.

Musique conseillée pour la lecture :

Spoiler:

  Encore une discussion sur la fin du monde, décidément, c'est la mode, en ce moment, pourtant je n'ai jamais trop apprécié ça, surtout quand c'est dans un train et que ce sont tes plus proches voisins. Enfin, comme d'habitude, enfonce un peu plus tes écouteurs dans les oreilles avec un peu de musique qui bouge, et hoche la tête quand on te prends à partie, c'est tout ce que tu as à faire, ou alors …
Ou alors je pourrais simplement lire ce deuxième tome de Hunger Games, et entrer dans cet espèce de transe dans laquelle il est impossible de me sortir quand je lis. C'est presque comme si le monde fictif prenait le pas sur le réel, ce qui se trouve assez dangereux dans un train, surtout quand l'arrêt qui nous intéresse n'est pas le Terminus, aussi on va mettre une alarme 5 minutes avant l'heure annoncée d'arrivée, et au revoir, soucis des voisins de train chiants et envahissant !
Mais comme d'habitude, Murphy et sa loi ayant frappé au moment où il fallait, l'alarme a bien sonnée, je suis bien sorti du train avec toutes mes bagages, mais pas mon livre, lui est resté sur le fauteuil, ouvert à la bonne page, tourné vers le siège, et c'est avec un air dégoûté que je regarde ce train partir. Il ne me restais que 150 pages à lire, et c'était à l'un des meilleurs moments, chienne de vie. Enfin, je pourrais toujours l'emprunter à une bibliothèque ou l'autre, mais en attendant, la réunion familiale m'attends !

  Et devine de quoi parlent les oncles et tantes ? Des gens de la famille dont on a plus de nouvelles, car ils sont les seuls à encore les voir  ? De politique ? De leur projets d'avenir ? Non, ce serait trop beau,ils parlent de la fin du monde, bien sûr, merci Murphy. Ah, et évidemment la cousine avec qui je m'entends bien vient me parler littérature, et quelle série elle a lu en dernier ? Hunger games, bien sûr, et elle, elle a lu les trois, bon elle réussit à se maîtriser comme elle peut, et ne pas trop me spoil, c'est pour ça que je l'aime bien cette cousine, j'accepterais presque d'être de ce sang, presque … Ouais, en fait si, j'accepte complètement, ils sont géniaux, ceux de ma famille, mais une fois de temps en temps.
Enfin, étant un peu éloigné de mon logis, ils ont gracieusement cédé un lit au pauvre petit dernier que je suis, bon bah le meilleur, parce que je suis le petit dernier justement, et qu'il est beaucoup plus intelligent de mal former le dos des jeunes plutôt que d'aller dans la continuité des dos déjà mort de toute façon, enfin … Un lit reste un lit, et après m'être retourné un bon nombre de fois sans réussir à m'endormir, pensant aux aventures de cette pauvre Katniss, c'est par un miracle venu tout droit de … Du lieu d'où viennent les miracles que le sommeil vient à ma rencontre.


  Cette année était grandiose, le peuple en avait pour son argent, bien sûr, il est encore quelques rares rancunes qui viennent de ceux qui se souviennent encore des anciens jeux, mais maintenant ce n'est plus un outil pour maîtriser les autres districts, c'est simplement un outil de jeu, avec toute la technologie dont nous disposons maintenant, il nous est possible de propulser les volontaires pour le jeu dans des conditions très proches de l'ancien, mis à part le fait qu'ils ne puissent normalement pas mourir, bien sûr, nous avons fait en sorte que la mort ne soit plus présente, ils peuvent se charcuter MAIS sans mourir, après tout, nous ne sommes pas des barbares, n'est-ce pas ? Enfin, pour maintenir cela, nous avons gardé des règles relativement similaires, mais nous avons maintenant la possibilité d'envoyer une équipe médicale pendant que l'attention n'est pas sur l'un des duos. Je fais parti de ceux-là, l'équipe médicale numéro 6, pas la plus prestigieuse et sûrement pas celle avec les cas les plus compliqués, nous ne faisons pas dans la stase ni la ré-animation, simplement dans le raccommodage -de qualité s'il vous plaît- afin qu'ils ne souffrent d'aucunes séquelles, et dans le maquillage réaliste afin que le public continue d’espérer une mort qui ne viendra pas. Du pain et des jeux, l'adage est bien vrai, et plus les jeux sont sanglants, plus le peuple est content.  J’espère tout de même pouvoir un jour recevoir une promotion, l'équipe médicale numéro 2 en particulier me tente beaucoup, non pas que je n'éprouve aucune fierté à être dans la numéro 6, mais qu'il serait bon d'être sous les feu des projecteurs, cela ferait plaisir à ma mère.

  Enfin, notre véhicule vient d'arriver, et c'est en jetant un dernier coup d'oeil à mon équipe que je m'apprête à poser le pieds dans cette forêt qu'ils ont choisi comme terrain de ces jeux, pas très original, mais efficace. Tiens, c'est drôle, je savais que c'est la mode, les oreilles pointues en ce moment, mais de là à ce que tout mes coéquipiers l'ai aussi .. Enfin ils ne l'ont pas tous de la même manière, il y a ce jeune homme blond qui les porte simplement et qui ne comporte d'ailleurs que cela comme modifications corporelles, bien qu'il se dégage de lui une certaine aura de puissance, je le soupçonne de compenser sa petite taille à coup de diffuseur de phéromones de dominance. Et puis dans l'excès, il y a Besty, elle, elle est allé beaucoup trop loin, tant et si bien que j'ai du mal à trouver cela beau, c'est même plutôt l’effet inverse, non mais des oreilles pointues, ça va, c'est mignon, mais changer de teint pour du violet, se faire aiguiser les dents, se faire retirer deux doigts et ré-agencer la main pour que cela paraisse naturel, personnellement je trouve ça malsain. Enfin, leur apparence ne change pas leur qualités sur le terrain, et on sait tous y faire, aussi on garde une bonne ambiance et on travaille comme il faut ! Ah, ça y est, nous sommes à terre, nous prenons chacun nos deux sacs pleins des merveilles technologiques nécessaires à notre travail, nous séparant  pour aller traiter trois duos qui se trouvent assez proche, et je frissonne, encore une fois, le blond dont je n'arrête pas d'oublier le nom me fixe avec intérêt, il est mignon remarque, je ne devrais pas m'en plaindre, peut être que si on se voit après le travail … Hé, là on travaille, concentre toi, allez, je lui souris simplement et je me dirige vers le duo dont la charge m’incombe.

  Et béh, ils sont un peu loin, mais ça y est, je les vois, une jeune fille et un jeune homme, ah oui, je m'en souviens, j'ai dû lire leur fiche prévisionnelle, même si je ne m'en souviens plus, mais il est assez évident qu'ils vont finir ensemble, tout ça pour l'audimat, dommage, le mec a plutôt une tête à finir avec un autre bonhomme, m'enfin, c'est pas moi qui fait les scénarios des jeux.
C'est donc assez tranquille que je continue mon petit chemin vers eux, vêtu de la même façon que d'habitude, des habits de civil assez clairs, une écharpe tricotée par une bonne amie au cou, et ma blouse de médecin, bien sûr, et plus essentiel encore, le petit badge « Yoël Herna Equipe médicale n°6 », je me signale par un sympathique signe de main, souriant et m'adressant à eux d'un simple « Hey ! » Jovial. J'avise rapidement leur état, m'ah, rien de grave mais il va me falloir me dépasser sur le maquillage, compliqué à reproduire, ça. Par contre … Pourquoi est-ce qu'ils me regardent comme s'ils étaient surpris que je sois là ? Je n'ai pas été annoncé ? Et puis la jeune femme n'a pas l'air commode. Bon, et bien je tapote un coup mon badge, histoire qu'il ne prennent pas pour un membre des animateurs qui leur tombent dessus et puis … Et puis on va tenter de détendre l'atmosphère, hein ?

« Salut à vous deux, moi c'est Yoël, vous assurez, réussir à résister aussi longtemps au créations de Jalyr c'est pas donné à tout le monde ! Et devant leur air médusé je reprends. Ne vous en faites pas, on est pas enregistré, regardez là bas, vous voyez le machin à un œil qui vole ? C'est le dernier cri des caméras du capit- Je ne sais pas pourquoi, mais un moment d’absence me saisit, pas plus d'une seconde, ça va, je dois juste me surmener. Hum, des caméras de Relouland, disais-je, vous voyez la couleur de sa pupille ? Vert, ça veut dire que ça enregistre pas, d'ailleurs, si à un moment vous voulez faire quelque chose de pas très glamour et que vous ne voulez pas que les spectateurs voient, posez votre index sur les lèvres puis sur l’œil droit, les monteurs couperont le direct en passant à un autre duo. Bon, si vous voulez bien me faciliter la tache, levez les deux bras à la perpendiculaire, ça serait bien urbain de votre part. »

Et sur ces mots je pose mes deux mallettes au sol, y cherchant les outils pour le scan, et préparant d'avance mes patch de réparation, sifflotant l'air de Hanging tree de manière un peu distraite.