- Mmh, je pense qu'on devrait se contenter de les tuer.

Kaijin fit la moue. Il avait envie de manger ce jeune homme, mais Lucien avait raison, il fallait garder un peu de place pour la déléguée et toute sa clique. Kaijin baissa les yeux vers le visage du jeune homme et lui fit un grand sourire, les yeux globuleux de ce dernier s'écarquillèrent, surtout lorsque les doigts du voyageur s'enroulèrent autour de sa gorge et serrèrent. Très fort. Kaijin ricanait, de plus en plus fort, à mesure que l'étudiant mourrait.

Il se releva en faisant craquer les articulations de son cou, puis ses omoplates. Il emboîta le pas à Lucien qui rejoignait le premier étage. Là, il y avait nettement plus de victimes à faire. C'était un bon plan. Lucien s'arrêta et commença à demander à l'assemblée ou était leurs anciens tortionnaires, et futures victimes, personne ne fit attention à eux, trop occuper à fuir les fausses flammes. Même si, globalement, personne ne bougeait vraiment. Le jeune voyageur décida de donner un peu plus de poids à leur demande.

Il serra les poings et marcha, il attrapa une chevelure un peu plus longue donc plus facile à attraper. Celle d'un garçon qu'il tira en arrière et commença à rouer de coups au visage. Ça eut le mérite de stopper toutes actions et d'installer un silence de mort, seulement perturbé par les râles de Kaijin et les gémissements de sa victime. Quelques personnes assez choquées le firent rapidement savoir en poussant des cris étouffés. Kaijin se redressa, le poing droit couvert de sang.

- Alors ! On a une réponse maintenant ? Non personne ?

Il se mit à écraser les phalanges de l'autre qui se mit à gémir encore plus.

- Allez, une petite réponse. Rien qu'une.

Il donna un puissant coup de pied dans la mâchoire du jeune homme, alors qu'il s'étouffait avec son sang, il tenta de cracher des dents qu'ils avaient perdues, histoire de ne pas s'étouffer avec ça aussi.

- Toujours pas ?
- Nous !

Celui qui avait parlé avait les larmes aux yeux devant tant de violence, mais surtout devant la silhouette de Kaijin. Savoir qu'il y a quelques instants seulement, lui et son ami, qui le faisait déjà culpabiliser d'avoir parlé, avaient forcé ce voyageur à manger du papier le mettait mal à l'aise. Kaijin lâcha sa nouvelle victime, et commença à marcher vers eux, la foule s'écarta, terrorisée. Créant ainsi un passage pour Lucien et Kaijin.

Ce dernier frappa avec puissance celui qui avait parlé, d'abord son visage puis son ventre. Quant à l'autre, qui était figé de peur, il le frappa son nez avec son front. Et le plaqua contre un mur. Il allait laisser Lucien interroger les deux personnes, il y avait trop de haine en lui pour pouvoir le faire correctement. Il jouerait le mauvais flic. Vu la situation, les deux otages n'auraient pas le droit à un bon flic.

Parfois, il fallait un petit coup de pouce pour commencer à parler. D’autres fois, il fallait seulement casser quelques doigts et faire manger ses dents à quelqu’un. A School Land, les bizutages étaient sûrement très réguliers et on était probablement adepte des bonnes blagues biens crades et bien humiliantes. Mais les créatures des rêves qui vivaient là et faisaient revivre aux rêveurs leurs terreurs collégiennes ou leurs bonnes années lycées n’étaient pas habitués à la violence gratuite. Lucien pouvait clairement le lire dans les yeux de toute cette assemblée docile et choquée par les interventions de Kaijin. En réalité, ils étaient tous, de près ou de loin, soumis à l’autorité d’un rectorat onirique tout puissant et sortir des règles établies en buvant un peu d’alcool en douce devait être le summum de la délinquance par ici. Malgré les tortures qu’ils avaient tous les deux subies, ce n’était finalement rien comparé à ce qu’ils étaient prêts à distribuer par ici. Ils étaient bien vingt, peut-être même beaucoup plus, dans ce couloir. Mais deux voyageurs parvenaient à les tenir en respect sans la moindre difficulté, apportant un tout autre niveau d’horreur à leur quotidien bien rangé de petits écoliers modèles.

Une fois que Kaijin eut asséné quelques coups d’introduction aux deux désignés pour être interrogés, Lucien s’approcha. Il paraissait beaucoup plus calme et beaucoup moins énervé que son camarade. Mais son enthousiasme et son sourire avait quelque chose de terriblement malsain. Il souleva celui qui n’avait subi qu’une légère explosion des cloisons nasale et toussota.

« Et donc ? Où est-elle ? Et où est le reste de votre petite clique ? » demanda-t-il sur un ton presque amical.

Il ne répondit pas tout de suite. Il se demanda un instant s’il était judicieux ou non de dénoncer ses camarades. Après tout, il n’avait peut-être pas envie que ceux-ci se fassent tabasser à leur tour. Pour ne pas encourager ce type de retards dans ses réponses, il frappa violemment le ventre de son camarade avec le pied. L’autre, qui était déjà à terre voulut hurler de plus belle, mais il avait le souffle coupé.

« Ahem. » insista Lucien.

« Mais, qu’est-ce que vous comptez faire d’eux ? » demanda l’interrogé en s’inquiétant peut-être à présent plus pour son sort.

« Oh, rien de bien méchant. » assura Sandman avec un grand sourire qui le rendait moins que sincère. « Ne t’en fais pas, tu peux tout me dire. »

Evidemment, il ne répondit pas plus. Tout le monde continuait d’observer la scène avec horreur, se demandant ce qui allait suivre.

« Bon, en fait, je ne te demande pas ton avis, tu es courant, n’est-ce pas ? Tu vois, j’ai besoin de savoir où ils sont allés, sinon je vais devoir parcourir toute cette école, perdre du temps et vraiment, je n’ai pas du tout envie de perdre du temps. Ça va très vite m’énerver. Et j’aime pas, mais pas du tout être énervé. Du coup, je vais devoir passer mes nerfs sur quelque chose à chaque fois que je me sentirai frustré et… »

« Ils sont allé au labo de chimie ! » lâcha l’autre, au sol. « Ils voulaient préparer des produits, ils avaient un plan pour faire en sorte de pouvoir repasser l’examen ! »

Lucien haussa les sourcils. Un plan pour repasser l’examen ? Un plan qui avait avoir avec le labo où il était tout à l’heure ? Ils s’étaient donc décidé à appliquer SON plan ? Voilà qui risquait d’être comique !

« Eh ben voilà, c’était pas trop compliqué ! » fit-il sur le ton du remerciement à l’attention de celui qui reprenait encore son souffle.

Puis, sans prévenir, il approcha celui qu’il tenait par le col, ouvrit la bouche et mordit sa gorge… dont il arracha un bon bout et commença à mâcher. Ayant touché la jugulaire, sa victime en était déjà au stade du mourant. En voyant cela, toute la foule hurla et se précipita vers l’extérieur. Une chose étonnante et nouvelle pour Lucien : la chair était relativement bizarre, mais le sang chaud avait quelque chose de plaisant.

Kaijin laissa Lucien interroger les deux hommes. Il lâcha celui qu'il avait plaqué au mur un peu plus tôt pour le laisser à Lucien. Le voyager prit alors place sur celui qui était au sol, histoire d'appuyer les dires de son compère par de la violence gratuite si la réponse mettait un peu trop de temps à venir. Ceci dit, Lucien se débrouillait très bien seul, son ton aurait fait parler n'importe qui. Du coup, Kaijin s'embêtait un peu. Il se fit la réflexion que le blond aurait pu faire en effort. Juste pour qu'ils aient une excuse pour les tabasser un peu plus.

Le reste de leurs agresseurs était là où ils les avaient laissés. Les labos de chimie. Enfin approximativement. C'était plutôt pratique pour des prédateurs que leurs proies ne cherchent pas à les fuir. Kaijin aimait bien ce genre de personne. Les événements qui suivirent, furent assez étonnants et dépassèrent légèrement le jeune homme. Lucien arracha un bout de la gorge de son otage, le tuant sur le coup. Kaijin ne se fit pas prier, il ouvrit grand sa bouche et croqua la trachée de l'élève.

La trachée n'était pas la partie que Kaijin préférait, c'était caoutchouteux, gluant et assez fade, mais, il était indispensable d'arracher cette chose pour accéder au contenu de la gorge, et, c'était ça que Kaijin voulait. Il posa ses mains au sol et tira de toutes ses forces. Une averse d'hémoglobine éclaboussa Kaijin et une partie de l'auditoire lorsqu'il se cambra en arrière avec la trachée dans la bouche. Cette vision d'horreur traumatisa plus d'une créature, certaines s'étaient déjà évanouies. Kaijin cracha la trachée sanguinolente au sol, pendant que sa victime commençait à rejoindre l'autre monde et fut secouée de réflexes post-mortem. Kaijin était très loin d'en avoir terminé.

Ses deux mains plongèrent dans la gorge grande ouverte de sa victime. Il saisit la chaire à pleine main salissant ses mains qui étaient maintenant recouverte d'une teinte vermeille tout à fait appétissante. Il apporta la chaire jusqu'à sa bouche déjà ensanglantée et croqua avidement sa nourriture tant désirée. Salissant encore plus son visage, ses lèvres et ses joues étaient presque entièrement recouvertes de sang, d'épais filets de sang avaient tâchés le haut de son torse. À genoux, il leva sa tête en l'air et ferma les yeux en avalant sa dernière bouchée. L'adolescent se releva, le dos légèrement courbé, un sourire satisfait sur le visage. Il se tourna vers Lucien.

- Je crois qu'on nous attend là-bas.

Sans plus attendre, Kaijin s'engouffra dans le couloir qui menait aux labos de chimie, les mains dans les poches, comme si de rien n'était. Les deux voyageurs gardèrent leur allure nonchalante, ils s'approchaient peu à peu des labos, une chaleur inhabituelle et une odeur de brûlée de plus en plus forte envahirent les narines des voyageurs. Quant à l'alarme, elle attaquait toujours les tympans des voyageurs.

Au grand soulagement de Lucien, Kaijin ne comptait pas dévorait ces corps en entier. Cela aurait été un calvaire que son estomac aurait difficilement supporté. Toute cette viande ! C’était beaucoup trop, vraiment. Il en croqua quelques bout, but pas mal de sang, mais rapidement, celui-ci commença à perdre de sa saveur. Il finit par s’habituer à la chair et à son goût, sans vraiment aimer, mais sans trouver cela mauvais non plus. Le problème néanmoins, c’était que la viande crue et par hachée, c’était quand même super chiant à mâcher. Il réalisa toute l’importance d’une invention aussi radicale que les couverts dans ces circonstances. De plus, contrairement à son camarade, ses dents n’étaient pas aussi pointues et vraiment pas prévues pour ce genre de plat pris sur le tas. S’il fut un temps où les humains pouvaient user de leurs dents pour arracher la viande aux cadavres de leurs proies, Lucien en était bien loin à présent. Il devait forcer pour avec ses canines – ce qui lui faisait mal – et insister avec ses molaires pour arracher les morceaux choisis. Bref, ce n’était pas très pratique et au bout d’un moment, il commença vaguement à en avoir un peu la nausée.

Heureusement, ce fut à cet instant que Kaijin déclara qu’il était temps d’aller rejoindre le laboratoire de chimie. Ravi, Lucien, qui avait surtout continué pour faire plaisir à son camarade, lâcha le cadavre de l’élève et suivi le morpheur dans les étages. Il adopta à son tour une attitude nonchalante qui contrastait bien avec le sang qui dégoulinait sur ses vêtements depuis sa bouche. Le temps à autre, il se léchait même les babines. Le laboratoire n’était pas excessivement loin – l’établissement n’était pas non plus si grand en fait – et bientôt, ils auraient leur vengeance. Néanmoins, plus ils avançaient en effrayant ceux qui tentaient d’évacuer tranquillement le bâtiment autour d’eux, plus Lucien se sentait mal. Une douleur commença à s’emparer de son ventre et les nausées s’amplifièrent. Il fit de son mieux pour lutter et rester aussi cool que possible, parce que la situation l’exigeait. Il avait vraiment envie d’aller jusqu’au bout de leur vengeance, néanmoins, il ne se sentait plus aussi bien qu’au départ de cette petite aventure. Le pire était qu’il n’avait même plus son marteau pour lui faciliter la vie. Il devrait se battre à mains nues, ce à quoi il n’était pas extrêmement doué. Il commençait à devenir de plus en plus pâle et l’envie de vomir se fit plus pressante.

Cependant, ils parvinrent devant la porte du laboratoire de chimie bien avant que son estomac n’ait décidé de se retourner complètement. Soulagé par l’achèvement du trajet, il eut un regain de santé. Apparemment, on ne les avait pas trompé, il y avait bien une certaine activité à l’intérieur. Avec un grand sourire que le sang rendait véritablement cruel et effrayant, il poussa la porte assez lentement pour la faire grincer sur ses gonds neufs. A l’intérieur, une demi-douzaine d’étudiants à la solde de Nataliannopoulestatich, accompagnés par celle-ci, se tournèrent pour voir qui entrait. La vision des deux membres des Littlers Fears recouvert du sang de leurs camarades et aux visages déformés par des sourires carnassiers jeta comme une froid dans l’assemblée.

« Salut…. » fit alors Lucien, se sentant presque vaciller rien qu’en parlant.

« Vite ! » réagit la déléguée, affolée. « Arrêtez-les ! Utilisez les bombes ! »

Et alors, ce fut le chaos. Lucien se jeta sur les élèves et les élèves se jetèrent sur eux. Plusieurs projectiles furent lancés maladroitement et atterrirent un peu n’importe où créant de petites explosions assourdissantes de flammes rouges ou vertes. Le contrôleur du chaos se mit à envoyer des poings sur ceux qui l’assaillaient sans trop comprendre ce qu’il faisait. Surtout, il ne fallait pas qu’il vomisse.

Les deux fauteurs de troubles arrivèrent enfin à leur destination, les labos de chimie. Kaijin ne put s'empêcher de cacher sa joie, il trépignait. Leurs souffrances allaient enfin être remboursées. C'était l'ultime combat, le grand affrontement. La route vers cette arène tant attendue avait été longue et fastidieuse. À part quelques créatures des rêves qu'ils s'étaient amusé à traumatiser en leur sautant dessus, les poussant, les frappant ou simplement les effrayer à coup de gestes exagérés, rien ne s'était passé. Puis c'était bien marrant de faire ça aux occupants de l'école, mais au bout du cinquième, ça devenait redondant.

Tout ça pour dire que Kaijin était heureux d'être ici. Il jeta un regard à Lucien et le laissa pousser la porte. Les deux voyageurs débarquèrent dans la pièce après le sinistre bruit qu'avez produit cette porte, éclairant les élèves de leurs sourires pleins de confiance et d'amour. Si bien que tous paniquèrent en les voyants. Le sang sur les vêtements devait y être pour quelque chose. La déléguée ordonna aux élèves de jeter des bombes pour se défendre. Kaijin s'offusqua.

- Des bom...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que Lucien s'était déjà lancé dans la mêlée et qu'une sorte de boule venait de s'écraser contre le mur l'obligeant à bondir sur sa droite pour éviter que des flammes vertes ne le touchent. Il se lança lui aussi dans la mêlée, chargeant un élève qui levait déjà son bras pour lancer une autre de ces bombes.

La charge du voyageur eut pour résultat un nez sévèrement amoché. Kaijin avait élancé son bras droit contre le nez de sa cible, utilisant la force que l'élan de sa course lui avait procurée. L'élève avait reculé et c'était affalé contre une table, la bombe avait explosé quelques mètres plus loin. Kaijin entreprit de renverser la table pour faire basculer son adversaire au sol. Qui fut, effectivement, propulsé contre le mur. Tout en gardant la table entre ses mains, le cannibale tourna sur lui-même en levant la table pour la lâcher dans l'amas de personnes. Trois personnes furent touchées, dont une qui s'étala lamentablement au sol.

Une main se posa sur l'épaule de Kaijin, qui tenta de faire volte face, mais fut arrêté d'un coup-de-poing au visage. Il recula et dû recevoir un coup dans le ventre en plus. Le voyageur se courba et ceintura celui qui venait de le frapper, pour le repousser et bousculer plusieurs personnes au passage, une fois ceci fait, Kaijin se redressa. Son corps pivota rapidement sur sa gauche, pour esquiver une offensive dont la discrétion et la subtilité étaient à revoir. L'adolescent attrapa le bras destiné à son visage et fit glisser sa main jusqu'à l'épaule pour pousser le corps de son ennemi vers la gauche, avec son autre main, Kaijin propulsa le crâne contre la vitre. Tapant ce dernier contre le verre de la fenêtre à plusieurs reprises. Il jeta ensuite la personne défigurée au sol, juste avant de se faire propulser à son tour contre une table d'un coup de pied dans le dos. Le corps du Kaijin glissa sur la table et dégringola avec elle et les chaises.

Kaijin se redressa vivement, sa tête venait de sortir d'un amas de chaises et de tables. Cette tête faisait d'ailleurs les gros yeux. Un bras rejoignit la tête, le poignet de ce dernier se cassa pour montrer du doigt le mur d'en face.

- Vos bombes font vraiment ce genre de dégâts ?

Parce que, en effet, les dégâts sur le mur d'en face étaient assez impressionnants. Le mur et le plafond étaient recouverts d'un matelas de flammes orangées. Mais étaient-ce vraiment dû aux bombes des élèves ? C'était fort peu probable.