Tournoi Equipes, 3ème manche, Vive Mort Courtoise Vs Little Fears, Khildar Vs Lucien

Un sourire parut sur les lèvres de l’aristocrate. Le harcèlement avait été maîtrisé et les quelques pas de courses avaient permis de maintenir l’activité cardiaque adéquate. Le travail sur le souffle perdurait par le chant patriotique qui terminait de s’éteindre alors que leur adversaire fuyait devant eux. Le Lord anglais avait vu juste et ce chaotique antagoniste ne respectait rien, fidèle à son crédo.
Afin de ne pas paraître désintéressé du combat qui se déroulait, le voyageur démoniaque poursuivit le fuyard, avec une satisfaction offerte par son sourire. Repousser son ennemi par les valeurs d’une nation, voilà une impression saisissante !
En outre, cet éloignement précipité apportait une douce saveur de confort du point de vue psychologique. En effet, ce n’était pas lui qui évitait l’affrontement. Par conséquent, c’est lui qui avait l’avantage. Certes, l’impact sur les foules pouvait ne pas durer, mais l’espace d’un instant, Oscar se sentait confirmé dans sa supériorité. Cependant, un oubli fort opportun lui évitait de s’apercevoir qu’il était de toute manière en plus grand nombre, affirmant une domination qu’un gentleman n’approuverait point de prime abord.
Mais nous sommes à DreamLand, le nombre n’est qu’une donnée bien relative. Cela, l’invocateur en était bien conscient depuis longtemps. C’est pourquoi le plaisir de domination fut écourté, pour se concentrer à nouveau pleinement.

Lucien s’était réfugié contre une des limites du terrain, parfait. Si les premiers rangs des gradins ne pouvaient jouir totalement du spectacle, ils disposaient d’écrans géants retransmettant en temps réel le déroulement du duel. La proximité des futures attaques contentaient les avides de sang, tandis que d’autres moins confiants appréhendaient de possibles dérives. Certains se souvenaient de Tournois précédents où le public avait été mis à contribution plus que de raison.
L’acculé exprima son impatience et il était du devoir de son adversaire d’y répondre.

Chacun se disposa de part et d’autre, prolongeant le chemin entamé. Ainsi ils se retrouvèrent diamétralement opposés, séparés par un centre bien agité, tous plaqué contre cette limite de leur espace de définition. L’intervalle demeurait des distances de sécurité, mais il était temps de les rompre. D’un accord tacite inutile, les extrémités du cercle se rapprochèrent du centre à vive allure. Prêts à tout, ils n’allaient sûrement pas le laisser prendre la tangente. De plus, ils supputaient que l’autre ne ressentiraient pas cette volonté. Le désir de combattre, la colère et l’impatience générée à escient par l’attitude en apparence indolente et insolente, tout cela concouraient à rejeter l’hypothèse d’une nouvelle fuite.

Déterminés à renouer le contact, les deux courraient à vive allure, assurés sur leurs appuis. Le marteau pouvait bien voler vers l’un, l’autre ou les deux, ils s’y attendaient de pied ferme. Ils hurlèrent :

"Je te promets une nuit en enfer !"

Et poursuivirent de plus belle. Une pensée soufflée par un sadique invitait à souhaiter le choc du marteau contre la paroi, provoquant sa destruction et l’offre de déborder le combat dans le public. Un peu d’amusement, que diable !

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Enfin, ils se décidaient à agir et à entrer en scène ! Il était temps, vraiment. Le combat allait pouvoir reprendre normalement et les coups allaient pouvoir voler. Toujours aussi nu, Lucien observa tour à tour ses deux adversaires jumeaux se précipiter vers lui et sourit. Il aimait se battre et il savait à présent que chaque coup qu’il donnerait à l’un serait reçu par l’autre. Le désavantage évident, tant de sa condition physique que du nombre ne l’effrayait pas. En fait, son esprit retors l’empêchait réellement de concevoir qu’il pouvait perdre à présent. Il n’avait pas la moindre protection sur lui et risquait de recevoir la moindre offense bien plus durement que son adversaire. Parfois, on oubliait l’utilité protectrice des vêtements, même les plus simples. Mais peu importait pour Lucien que le goût du sang appelait à nouveau. On croyait pouvoir l’encercler ? Pas s’il avait son mot à dire sur la question. Il avait plus d’un tour dans son sac il plissa les yeux et fixa celui de droite – il fallait bien en choisir un. Puis, il partit comme une balle vers celui-ci.

Il n’avait pas trop attendu, de sorte qu’au moment où il intercepterait son ennemi, celui-ci serait encore à plusieurs mètres d’être rejoints. Il se fichait peut-être du surnombre de l’adversaire, il n’en était pas moins mut par un instinct de préservation. Mieux valait ne pas avoir à affronter quatre mains, quatre bras et quatre jambes. Il avait beau avoir un marteau, il n’était pas non plus invincible. Courant à toute jambe vers un homme qui lui fonçait dessus, le contrôleur du chaos rejoignit sa cible en quelques secondes, si ce n’était quelques centièmes de secondes. Il aurait pu lui sauter dessus et l’attraper à la gorge, tenter de l’étrangler avant même que l’autre, qui le poursuivait, ne soit sur lui. Cependant, il avait une meilleure idée, quelque peu plus stratégique. Lorsque l’on traînait assez longtemps à Dreamland, on finissait toujours pas avoir quelques réflexes judicieux dans ces conditions. Au moment où ils allaient se rentrer dedans, il pointa son marteau vers le bas, avec son bras tendu vers le sol et sa paume sur le bout du manche. Il agrandit immédiatement ce dernier et se retrouva propulsé vers le haut tandis que l’autre, poursuivant sa course, se prenait sûrement le poteau ainsi formé.

Mais ce petit coup ridicule n’était pas le but du contrôleur. En réalité, en se soulevant ainsi, il se relaissa immédiatement tomber, juste derrière l’ennemi en rapetissant son arme d’un seul coup. Et là, sans attendre, il passa son marteau sur le cou de cet adversaire qui lui tournait le dos fortuitement et qui était peut-être même sonné. La suite fut d’une évidence simple : il serra l’homme contre son corps avec le solide manche de son arme, afin de l’empêcher de respirer. Et sans attendre que son camarade vienne le libérer, il commença à le tirer rapidement vers l’arrière, serrant de toutes ses forces et fixant l’autre clone pour apprécier les effets de son petit tour.

Le public était comblé. Les hostilités s’étaient entamées et elles se poursuivaient avec ferveur, pour leur plus grand bonheur. Le spectacle se situait au plus près de certain, à la bordure des gradins.
Le prochain engagement était imminent, Lucien répondant à l’invitation avec empressement. En effet, le chaotique contrôleur avait choisi son adversaire, délaissant l’un au profit de l’autre. Il s’était élancé avec vivacité et une certaine hargne était palpable. Cette réaction avait parfaitement contenté les jumeaux qui affichèrent leur plus beau sourire, dégageant une confiance sereine quant à la suite des événements. C’est pourquoi il n’eut point ralenti l’allure, conservant sa trajectoire et ne perdant pas de vue sa cible. De l’autre côté, la course se fit plus rapide afin de les rejoindre avec diligence.

La rencontre s’annonçant prompte, il amorça un poing vengeur pour retrouver le contact de la mâchoire du voyageur. Cependant, un obstacle de taille apparu subitement, élevant le débat à des hauteurs inutiles. Le temps de réaction octroyé étant restreint, le manche fut percuté de plein fouet par l’épaule. Miraculeusement, le choc ne déstabilisa pas le poteau et donc son porteur, qui manipula l’objet avec célérité pour retomber tranquillement derrière l’aristocrate. Grâce à ce mouvement, la collision ne dura que quelques instants, n’occasionnant que peu de souffrance à l’épaule.
Néanmoins, à peine derrière son adversaire, sans préliminaire, le joueur de marteau le prit (à la gorge) et tenta de l’étouffer en utilisant son manche. Le corps à corps débuta, la pression étant repoussée par réflexe, tandis que Lucien tirait vers l’arrière afin de l’accentuer. Un exercice d’haltères s’engagea, l’un tirant, l’autre poussant, la force pure entrant en jeu. Pendant ce temps, celui qui subissait le même tourment s’avançait désormais en titubant. Toutefois, il étira ses lèvres en un large sourire, retrouvé sur le visage de son homologue qui tourna la tête vers celui qui l’entraînait. Par cette action, la trachée se retrouvait épargnée de l’appui, minimisant un peu l’impact sur la respiration.

C’est alors que la raison des sourires se justifia par un bond puissant en arrière, tout le poids de l’aristocratie anglaise s’abattant sur la plèbe. Pendant que Lucien se faisait recouvrir par la grande taille de son antagoniste, ce dernier entreprit d’entamer un dîner sous la forme d’un pouce après avoir adressé des coups de coude bien sentis dans les côtes, profitant de la diminution d’appui résultant de la chute. Ses dents claquaient avec la ferme intention de se refermer sur la chair fraîche. Mais ce n’était pas tout, sa main tentait aussi de tordre un des doigts disponibles, après avoir glissé le long du manche, tout en maintenant le mieux possible l’écart de pression.
La situation exigea de l’homme étendu sur le contrôleur qu’il puise dans ses ressources afin d’utiliser toute la force possible et ainsi contrer le tiraillement qui le retenait. Pourtant, il ne semblait pas avoir envie de quitter l’étreinte, se maintenant dans cette position … scabreuse.

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Bon, et maintenant, c’était lui qui était au-dessous. L’autre avait la bonne idée de se jeter vers l’arrière pour les faire choir tous les deux. Le choc avait été sensiblement rude pour Lucien, mais rien de plus que quelques bleus ordinaires. Son bras allait mieux cela dit, maintenant qu’il avait eu le temps d’y rétablir la circulation du sang. Concrètement, il n’avait reçu aucune blessure majeure depuis tout à l’heure et c’était la même chose pour son adversaire, qui avait préféré sacrifier l’une de ses invocations pour éviter d’être tué ou de déclarer forfait. Evidemment, ce n’était pas comme s’il avait eu le choix. Néanmoins, dans cette position, Lucien avait un grand désavantage. Déjà, il ne pouvait plus reculer pour s’éloigner du deuxième larron qui le poursuivait. De plus, sa liberté de mouvement totale était à présent très réduite et ses possibilités s’annonçaient plus médiocres qu’auparavant, alors même qu’il n’avait pas encore réussi à étrangler son adversaire. Les choses se compliquaient donc réellement pour lui et il fallait qu’il s’en sorte d’une manière ou d’une autre.

Heureusement cependant, l’autre avait adopté une stratégie qui avait déjà fait ses preuves un peu plus tôt, du moins pour Lucien. Alors qu’il tentait de lui tordre les doigts. Chose évidemment désagréable malgré toute la force que Sandman mettait pour tenter d’y résister, il se mit à claquer des dents pour le mordre, ouvrant à nouveau grand ses mâchoires. Une fois les coups de coudes encaissés – pas le choix – il avait vu l’autre ouvrir grand et se préparer à mordre son pouce exposé avec force. Et pour une fois, Lucien l’avait laissé faire. Ce n’était pas comme s’il avait pu y faire grand-chose de toute manière, il était déjà bien assez occupé à empêcher l’autre de lui tordre les doigts. La morsure alla naturellement jusqu’au sang et toucha l’os, lui arrachant une vive douleur qui le fit hurler. Néanmoins, pour la seconde fois l’autre avait commis l’erreur qu’il attendait en lui offrant une nouvelle opportunité meurtrière. Une fois de plus, sa mâchoire était ouverte et excessivement proche du manche de son marteau.

Avant que l’autre n’ait pu rompre l’os, Sandman avait légèrement reculé son arme et avait réduit le diamètre du manche pour l’insérer avec le pouce dans la gueule du loup. Une fois la morsure arrêtée, il n’attendit pas que son ennemi comprenne la situation et échappe à sa propre erreur il enfonça l’arme un peu plus d’un coup sec dans la bouche, déchirant un peu plus son pouce et agrandit aussitôt ne s’arrêtant que proche du point où la mâchoire serait à nouveau brisée. Une fois de plus, l’autre se retrouvait avec un objet trop gros et trop solide dans la bouche, de la lui détruire complètement et qu’il ne pouvait retirer car trop enfoncé. Lucien retira son pouce en charpie de là en jurant plusieurs fois. Puis, restant toujours sous l’autre, il commença à prononcer quelques mots brefs mais particulièrement évocateurs à l’oreille de l’aristocrate.

« 3… 2… »

Lorsque les dents se refermèrent sur la chair, un sentiment d’accomplissement envahit le mordeur. Lorsque le sang coula, ce sentiment se mua en bonheur grisant. Lorsque le hurlement de douleur s’échappa, la joie était pleine, entière et d’une intensité sadique. Il n’était plus question de lâcher ce pouce, du moins, pas avant que l’os ne se brisât.
Alors qu’une de ses mains poursuivait les tentatives pour réduire à néant les articulations de celui qui l’étranglait, il tomba sur un os, mais pas l’escompté. Cet os était formé d’un matériau plus dur et surtout, il prit des proportions dérangeantes qui eurent pour résultat l’ouverture forcée de la bouche affamée. C’est ainsi qu’il se retrouva avec un bâton en travers des dents, et un cou épargné. Bien que ce dernier ne subissait plus les entraves du manche, la respiration subissait un nouvel obstacle, moindre heureusement. En effet, le nez prit le relais, alimentant les poumons d’oxygène salvateur.

Néanmoins, une oreille capta un décompte aussi singulier qu’inquiétant. Ainsi l’histoire se répétait, sans originalité ou apprentissage. La situation s’annonçait mauvaise, et se présentait ainsi : un homme se trouvait le mors aux dents, retenant le manche d’un marteau par une ferme prise des deux mains, couché sur un autre homme, nu celui-là, au pouce ravagé. Enfin, un dernier, reflet du premier, s’avançait pour finalement s’écrouler aux pieds du deuxième, les bras tendus. Les mains cherchèrent les mollets en tâtonnant, tandis que le compte à rebours achevait le deux.

Tout se passa très vite. Aussi vite que violemment. A peine le chiffre s’éteignait il qu’un grand coup sec poussa le manche le plus loin possible. La douleur fut explosive. La mâchoire se décrocha sous la force du mouvement, des dents arrachées volèrent. Le cerveau sembla s’embraser, le crâne fondre sous du métal en fusion. Le craquement du déboîtement avait été aussi sec que perturbant. Un hurlement sardonique de dément accompagna le son répugnant des ligaments déchirés et des dents brisées.
Si la mâchoire venait d’être arrachée du crâne, le marteau venait de l’être aux mains de Lucien, celles de l’homme couché sur lui ayant poussé avec violence et sans prévenir, profitant de la faible prise provoqué par la perte d’un pouce.

La douleur dépassait quasiment tout. C’était comme si des milliards d’aiguilles s’enfonçaient, se retiraient, perçaient ailleurs puis recommençaient, tout cela concentré dans le crâne du fou qui désormais pissait le sang tout en hurlant. Sa mâchoire inférieure tenait encore, par le miracle de tendons. Son esprit était au bord de l’explosion, sa raison cédant la place au silence hurlant de la souffrance. Les nerfs surchargeaient d’informations le cerveau qui demeurait sourd à toutes demandes, tout concentré à la prise maintenant bestiale du marteau. Le corps était partiellement dressé, le sang s’écoulant sur les vêtements blancs qui ne comportaient aucune trace d’un précédent épanchement.

A l’instant où la mâchoire s’était brisée, un hurlement avait accueilli la manœuvre. Provenait il du fou qui venait de se mutiler ? Ou de celui qui venait d’invoquer un démon guère apprécié ? Ou encore dudit démon, sadique entre tous ?
Car c’était ce qui s’était produit, peu ou prou après ce geste d’inconscient. L’homme à terre, qui cherchait à tenir Lucien par les jambes afin de l’immobiliser ou au moins réduire ses mouvements, avait invoqué une créature qu’il aurait préférée ne jamais croisé. Issu de son esprit sombre et dérangé, se nourrissant de ses pulsions meurtrières et alimentant ses désirs de répandre la souffrance, Saënoris venait d’entrer en scène, pour son plus grand plaisir. Et il l’exprima en riant, criant ? à gorge déployée, faisant claquer les lames qui lui servaient de bouche verticale.

L’invocation s’était extraite sans ménagement, produisant craquements sinistres, déchirements musculaires et gerbes de sang malsaines. Il avait débuté par la colonne vertébrale, pour apparaître progressivement, comme s’extirpant d’une tombe de chair et d’os, ses bras sortant des bras, ses jambes sortant des jambes, et sa monstrueuse tête ovale aux contours coupant jaillissant du crâne de l’invocateur au sol qui était secoué de toutes parts, hurlant à la mort d’un rire corrompu.
Les cris se mêlaient dans une symphonie morbide et infernale, illustrant la chute du voyageur démoniaque. L’arène s’emplit des hurlements, des rires, des gargouillements, provoquant l’incompréhension, le dégoût ou la fascination chez un public comblé d’horreurs.

Pourtant, ce n’était pas encore terminé. En effet, l’invocation achevait juste sa naissance qu’il plongea ses bras fait de lames, comme le reste de son corps, dans les jambes du contrôleur. Qu’importe que d’autres jambes se trouvent sur le chemin, tout serait transpercé avec une aisance de boucher. La cible demeurait le joueur de marteau, qui s’en était retrouvé dépossédé par un reflet qui tendait l’Artefact comme une offrande au démon sadique. Ce dernier s’apprêtait à enfoncer sa tête en pointe dans la poitrine du voyageur chaotique, prêt à passer à travers le corps de l’être en face de lui.
C’était véritablement un rire de l’Enfer qui couvrait les hurlements de la Douleur.

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Et d’un coup sec l’autre lui arracha son arme des mains, qu’il ne put retenir dans la situation actuelle. Lucien paniqua, sans son marteau, il était nu comme un ver, littéralement et sans mauvais jeu de de mot. Il fallait absolument qu’il le récupère. S’il n’avait pas compté jusqu’à trois, s’il était passé immédiatement à l’action, cela ne se serait pas produit. Il maudit une fois de plus les règles qui l’empêchaient de tuer son adversaire car c’était bien celles-ci qui venaient probablement de lui coûter la victoire. Une fois de plus, il avait été en passe de vaincre et une fois de plus, il s’était retrouvé à devoir menacer plutôt qu’à exécuter. Il grogna et agit le plus vite possible. Sans se soucier de rien, il vit que l’autre, dont la mâchoire était complètement défoncée à présent, avait récupéré son arme. Il fallait qu’il la lui reprenne et cela ne serait guère difficile. Ignorant tout le reste de la scène en cours, il usa de ses deux mains, à présent libres pour pousser l’autre sur le côté, le faire tomber sur le sol de ce combat brouillon. Il se redressa dès qu’il le put et tendit sa main valide vers l’arme que l’on tendait à

« AAAAAAAAAAAAAAAAAH ! » hurla-t-il à l’instant où ses doigts se refermaient sur le manche. Il ne l’avait pas vue, mais une nouvelle invocation venait d’apparaître. Alors qu’un des deux clones lui tenait les mollets pour l’immobiliser – il n’avait même pas fait attention à cela tant il était obnubilé par la récupération du marteau – et un démon fait de lames venait d’y planter des ciseaux. C’était atroce, il était à présent cloué au sol et la douleur qu’on venait de lui arracher était à ce point intense que l’espace d’une longue seconde ou deux, il ne fit rien d’autre que d’avoir mal. Néanmoins, le danger imminent le rappela à l’ordre.

Le démon qui venait d’apparaître n’avait pas fini et par une horrible excroissance tranchante issue de sa tête, il allait l’embrocher au niveau de la poitrine. Un coup qui aurait probablement été mortel, un coup parfaitement interdit, mais un coup qu’il pouvait dévier. Alors qu’un arbitre serait peut-être intervenu pour le sauver et déclarer que l’autre avait abusé en essayant de tuer son adversaire, Lucien réfléchit seulement à la façon dont il allait sauver ses fesses. A la vitesse de l’éclair, une l’idée lui vint et il l’appliqua. Il tira un peu le manche du marteau qu’il tenait pour l’axer dans la bonne direction et l’agrandit juste comme il fallait. Le bout du manche toucha la créature au cou, sur le côté et parvint à dévier la course de cette tête pour la diriger vers le sol plutôt que vers sa poitrine. La lame plongea profondément dans la terre à quelques centimètres de lui. Ensuite, il dégagea son arme de la prise de l’autre grâce en la rapetissant d’un seul coup, puis la leva en l’alourdissant et frappa la tête du monstre encore plantée dans le sol. Il envoya autant de coups qu’il le put et aussi rudement qu’il le put pour enfoncer l’invocation au maximum dans le sol et pour lui éclater le crâne si possible : il frappait avec le côté pointu de la tête du marteau.

Cela ne prit que quelques rapides instants et il tourna ensuite ses yeux rouges de sang et de folie meurtrière vers les deux clones qui restaient encore à proximité : les véritables sources du problème. Il envoya son marteau pour écarter celui à la mâchoire défoncé, puis fit de même avec l’autre. Gagnant ainsi quelques instants et quelques mètres de liberté pour se dégager des cisailles qui lui avaient transpercé la jambe. Il se saisit de celles-ci et les arracha à sa plaie en poussant un nouveau hurlement de douleur. Il ne savait même pas lui-même comment il tenait. Tout ce qu’il s’avait, c’était qu’il allait maintenant tout faire pour tuer ces deux salauds, peut-être que s’il en tuait un, cela suffirait à tuer l’autre. Il ne chercha pas à se relever, il perdait son sang plutôt vite et il ne sentait plus sa jambe : impossible de tenir debout. Il se mit donc à ramper vers sa victime à la mâchoire décrochée, s’aidant de son marteau pour avancer, le regard veiné par la haine et la faiblesse. Il se traîna donc, nu sur ce sol, en se mettant à la poursuite d’ennemi qui n’avait que trop abusé de sa patience.

« Je vais te bouffer les couilles petit morveux… »

Le démon sadique ne pouvait s’en empêcher. Il s’était jeté sans ménagement sur la proie qu’on lui offrait. Les règles, le contexte, les raisons, il s’en foutait royalement. Tout ce qui lui importait, c’est qu’il allait pouvoir tuer, saccager, éventrer, désosser, étriper et autres verbes sanglants à base d’organes quittant le corps d’origine. Il s’était donc donné à cœur joie, faute de cœur ouvert, et avait planté net Lucien qui exprima son ressenti par un beuglement des plus réjouissant.

Le hurlement de douleur accompagna les précédents, complétant l’harmonie sinistre des rires démoniaques. Néanmoins, il n’en resta pas là et décida que sa poitrine ne valait d’être ainsi pénétré. Il usa donc de son marteau dont il avait été dépossédé par la manœuvre audacieusement douloureuse, parvenant à le reprendre de sa main valide pour diriger la tête tranchante vers des surfaces moins charnelles et personnelles.
Celui qui était parvenu à la victoire de soustraire son atout à l’adversaire était trop occupé à souffrir et perdre la raison dans les limbes de la douleur pour empêcher le propriétaire de reprendre son bien, et ainsi le contrôleur fut sauvé et put écarter définitivement la menace argenté en lui écrasant la tête.
Le démon ne pouvait faire grand-chose, déjà planté dans les jambes de son gibier qui se débattait comme un diable. Il subit donc les coups à répétitions, son crâne se tordant petit à petit. Cela ne l’empêcha tout de même pas de remuer avec frénésie les lames dans les plaies, cherchant à cisailler un os, les tendons étant déjà en charpie.

Lucien profita du moment de folie causée par l’immense douleur qui ravageait l’esprit de l’invocateur et le corps de son invocation reflet et utilisa une fois de plus son marteau avec une habilité remarquable pour une seule main disponible, l’autre faisant le deuil de son pouce.
Les deux êtres furent projetés à quelques mètres, saluant la prestation de nouveaux cris et rires monstrueux. L’état mental pouvait inquiéter le public, qui avait eu son lot de sang, après une attente et des échanges étranges. Khildar et Oscar semblaient déconnectés de cette réalité, évoluant dans une sphère plus sombre, bardée de piques tournées vers l’intérieur. Et ils se roulaient dedans avec joie et horreur. Ils n’étaient plus que douleurs, sang, chair, craquements et gorge en feu, les cordes vocales trop sollicités.

Finalement, le chaotique voyageur décida qu’avoir des lames dans les jambes n’était pas très recommandé pour la santé et parvint à s’en dégager, non sans émettre d’autres cris savoureux. La souffrance inondait l’arène et le sang coulait, que demandait le peuple ? Le peuple demandait un vainqueur.
C’est pourquoi Lucien se dirigea … rampa vers l’un des reflets, faisant une promesse bien ridicule pour quelqu’un qui évoluait (nu) comme un (ver) de terre. Sa réplique fut accueillie par des gargarismes et une quinte de toux formidable projetant quelques perles de sang.
L’être qu’il avait fait sa cible était couché sur le côté, la mâchoire, ou ce qu’il en restait, pendant lamentablement. Une main tentait de soutenir, sans grand succès, l’autre servait d’oreiller. Les jambes étaient étendues en ciseaux brisés et d’au dessus, il aurait paru courir. Il fixait avec une intensité infernale son adversaire qui lui promettait monts et merveilles, et les étincelles des regards auraient pu produire une explosion si elles se percutaient. Même avec une bouche défoncée, il donnait l’impression de sourire, ultime bravade, dernière moquerie, pour agacer un opposant bien mal en point.

Pendant que Lucien évoluait vers Khildar, Oscar regardait les étoiles. Il les écoutait aussi. Elles lui chuchotaient en hurlant, perçant les tympans de sifflements suraigus. Elles dansaient aussi, valsant autour d’un astre inconnu qui se mouvait lui aussi. Une galaxie dans les yeux, le big bang dans la tête, une météorite dans la bouche. L’enfer de la création explosait son corps sans remord. Les cris s’étaient éteints, la gorge ravagée. Il avait la bouche sèche. Le regard vide mais hagard.
Il n’était plus rien. Il avait trop souffert. Il s’était perdu. Tout était noir désormais autour de lui. Les étoiles étaient allées voir si il y était. Le silence s’était imposé, l’écrasant. Seul la douleur, sourde, persistait. Une douleur qui avait atteint des sommets pour dévaler comme une avalanche les nerfs et inonder le cerveau. Un cerveau qui ne répondait plus. Ou si peu …

Au loin, un point. Il avait cru que ce n’était rien, et pourtant. Il y avait quelque chose. Imperceptible, ridicule, infiniment atomique, voire moindre, et pourtant. Si la douleur ne le rappelait pas à l’ordre, il ne l’aurait pas remarqué.
D’ailleurs, où était il ? Il tourna la tête et à l’instant où il initia les muscles, il se rendit compte de la vacuité de sa volonté. Il n’y avait rien. Il était dans rien (et réciproquement). Hormis ce point, au loin. Qu’était ce donc ? Il ne le savait, mais une force intérieure, un murmure, légèrement plus élevé que sa sourde douleur qui immobilisait son corps, lui souffla que c’était important. Par conséquent, il décida de se rendre à ce point étrange. Pourquoi ne pas faire confiance à un murmure, lorsque nous sommes drapés dans le noir ?
Seulement, son corps refusa de répondre. Cette douleur l’engonçait. Il n’était pas ligoté, mais il ne pouvait se mouvoir. Cette incohérence l’interpella. Comment était ce possible ? Rien ne l’entravait, et il ne pouvait imiter les premiers Hommes, se relevant pour marcher, découvrir, explorer ? Allons donc, il ferait beau voir ! Pourtant, il demeura immobile. L’incongruité de la situation titilla sa nervosité. Et puis, qu’est ce qu’il foutait là, aussi ? Un nouveau murmure l’invita à rejoindre le point qui, maintenant, lui parut pourvu de lumière. Oui, à bien y regarder, ce point brillait. Faiblement, mais il brillait. Une curiosité. Comment résister ? En étant incapable d’avancer.

*Bon sang ! Par le Diable, Goddam ! Putain ! BORDEL !*

L’énervement l’envahit plus rapidement qu’il ne l’aurait cru. Un fugace souvenir de minotaure le frappa. Puis celui d’une tombe. Puis d’un vampire. Puis d’un manoir. Puis de … Ju …

"RAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !"

Si ces cordes vocales n’étaient pas explosées, c’était chose faite.
Les coups des souvenirs et la colère lui avaient permis de se défaire de l’étreinte pesante de la douleur. Il s’était précipité vers ce point lumineux, qui se révéla être de plus grosse taille qu’il ne l’aurait cru. Son corps criait au supplice, ses muscles le tiraient avec férocité, son crâne compressait son cerveau. Mais il n’en avait cure. Il devait se rendre là bas. Aller au point lumineux, qui était maintenant un globe étincelant. Pour ses souvenirs. Pour cesser. Cesser d’être incapable d’agir. Etre maître de soi.

Lorsqu’il était venu au globe, la vérité lui éclata au visage. Il n’était pas dans le rien. Il était dans les vapes. Et ce globe, c’était la vision du monde onirique extérieur. D’intenses lumières. Des étoiles. Une arène.
Il avait donc hurlé. Il était revenu. Et ça allait chier.

Il se redressa, ignorant les protestations de son crâne. Il lui imposa de se taire, lui confirmant par un mouvement de la main, qui lui tira une grimace, que sa mâchoire à lui était toujours en place. Khildar s’était sacrifié, il avait subi l’essentiel, mais son sacrifice ne sera pas vain. (Le kitsch de la réflexion lui fit hésiter un instant de sa santé mentale ; il serait resté dans les limbes ?)
Oscar prit appui et se releva, au prix d’importants efforts et de douleurs, et de souffrances, et de cris perdus dans une gorge asséchée. Enfin. Il était debout. Il embrassa les gradins du regard, la tête lui tournant encore un peu. Il était debout, l’autre était à terre. Et il pissait le sang.

Voyant le retour de reflet originel, Khildar prit le parti de s’éloigner de la menace qui rampait vers lui. Il se mit donc à tourner sur lui-même, comme un tonneau, dérivant plus loin. Et Oscar demeura sur place, trop heureux d’être dressé. Il respirait lourdement, son corps était un hommage aux martyrs, mais il était debout. Pas l’autre. Il se répétait ce constat en boucle, pour se persuader d’être encore là. Debout.

Surnom : Le Chaos Messages : 267 Date d'inscription : 24/08/2010

Et Lucien continua d’avancer. Après tout, tant qu’on ne s’occupait pas de lui, pourquoi s’arrêter ? Le véritable problème – l’unique en fait – qu’il rencontrait, était que sa proie tentait de s’éloigner en rampant tout aussi lamentablement que lui. Certes, Lucien n’était pas en bon état et il risquait fort de ne plus tenir très longtemps. Cependant, vider un homme de son sang sans avoir tranché l’une des artères principales – ce qui était juste presque immédiatement mortel et donc pas tellement légal dans ce tournoi – nécessitait du temps. Plusieurs minutes même. Alors pendant tout le temps qui lui était imparti, il allait tenter de faire payer à son adversaire tout ce qu’il lui avait subir, y compris le fait qu’il ne pouvait plus vraiment se lever et qu’il était plus ou moins obligé de traîner sur le sol comme un espèce de cadavre en décomposition. Le tournoi était juste sorti de son esprit, tout ce qu’il voulait, c’était sa vengeance et il n’hésiterait pas, lui non plus, à tuer pour y parvenir… Du moins, si lui-même était encore capable d’un tel geste.

Et encore une fois, alors qu’il sentait de léger vertiges le gagner et qu’il clignait des yeux un peu plus que de raison – le genre de chose qu’ils se passaient lorsque l’on perdait du sang en grande quantité et qu’on ne mangeait rien… et qu’on continuait à en perdre –, il vit sa cible s’éloigner. Il avait beau ne pas surveiller ses arrières, personne ne sembla chercher à l’arrêter. Aussi décida-t-il de changer de stratégie. Si l’autre comptait attendre qu’il se vide de son sang sans rien faire, il allait être surpris. Lucien disposait encore d’un ou deux tours dans son sac et le public n’allait pas être déçu. Ce combat continuerait jusqu’au bout, quelles qu’en soient les conséquences, apparemment. Ni l’un, ni l’autre des participants ne semblaient avoir le moindre égard pour eux-mêmes.

Alors, Lucien arrêta de ramper un instant, visa avec son marteau en tirant la langue – comme si ça pouvait aider à se concentrer – puis agrandit terriblement son arme pour que la tête arrive à quelques dizaines des centimètres au-dessus de sa cible, avec les proportions d’un piano à queue et le poids d’un éléphant. Là, il n’eut plus qu’à laisser tomber l’immense pièce de métal extrêmement lourde sur le corps du reflet pour l’écrabouiller tel un vulgaire insecte. L’avantage de la situation était que l’instantanéité de ces changements, combinée au manque de vélocité des déplacements adverses, lui assurait de ne pas rater sa cible. Il put donc commencer à ricaner de plaisir en songeant « et de un ! ». Là-dessus, il se tourna vers l’autre reflet, qui était encore debout. S’il ne restait plus que lui et s’il ne comptait pas bouger, ce serait simple de l’avoir.

« J’arrive… » tenta-t-il de crier, ce qui malheureusement manquait de force.

Puis, il ravala son marteau et il se remit à ramper.

L’ombre s’était étendu au dessus de Khildar, menaçante. Il n’avait pas pu s’éloigner suffisamment de Lucien pour éviter l’allonge de son marteau et l’arbitre ne s’était pas décidé de déclarer un vainqueur, attendant sûrement une infraction de la part d’un des deux participants pour les départager.
La masse s’abattit de tout son poids sur l’infortunée invocation à la mâchoire défoncée, qui se permit de jeter un air de défi et un doigt obscène. Il fut écrasé sans ménagement, victime de la cruauté d’un combat qui dérivait vers des méandres cruels et sauvage.

Le contre coup fut brutal pour Oscar. Il s’était attendu à une déclaration quelconque, justifiant son retour, sa position verticale et celle horizontale et pitoyable de son adversaire qui rampait toujours. Cependant, ce fut un impact violent qui fut ressenti à travers tout son corps. Il tressauta, écarquillant les yeux de surprise. Que venait il de se passer ? Le reste de ses nerfs encore disponible semblait avoir explosé, littéralement. Son crâne comprimé dans un étau venait d’en être libéré, pour lui éclater le cerveau d’une sensation atroce d’écrasement.
Titubant, il se tourna vers les deux qu’il avait laissé et trouva la confirmation de ses nouvelles sensations contre lequel il luttait avec la force puisée de son retour d’entre les limbes infernales. Khildar venait de périr écrasé par ce maudit marteau, son porteur n’ayant pas l’air de vouloir en démordre alors que sa défaite était inéluctable. Comment pouvait il espérer vaincre sans pouvoir se mouvoir ? C’était risible de s’obstiner ainsi … Risible … Ridicule … Ouh, des étoiles en chandelles … Jolies …

Se sentant dans des dispositions incertaines et voulant éviter de quitter à nouveau le champ de bataille, il dirigea ses hésitants à l’opposé où se trouvait Lucien, usant de l’avantage de tenir pour le moment sur ses deux jambes, lui.
Ses yeux papillonnaient à n’en plus finir, son cerveau semblait couler de ses oreilles, son nez pulvérisé, ses côtes broyées, son thorax défoncé. Mais tout cela n’était qu’informations partagées … Il devait s’en persuader … Résister … Ne pas sombrer …
Hurler ne servait à rien, de toute manière, il en était désormais incapable. Ses forces tétanisaient ses jambes et ses bras, dans un réflexe étrange. Il n’avançait plus que par saccades, comme un automate déréglé, son reflet ayant brisé, les fils découpés.
Une lutte apparut dans ses yeux, il agitait la tête, prit dans un débat intérieur. Il continuait de marcher, ou plutôt d’avancer un pied, puis l’autre, ses chaussures traçant dans le sable des sillons. Il se dirigeait avec lenteur, mais plus rapidement qu’un homme aux jambes brisées.
Finalement, il tomba à genoux, face à la porte qui les avait vus sortir côte à côte, dans une synchronisation parfaite. La chute lui tira une nouvelle grimace de douleur. Il ramena ses bras autour de lui, son dos formant la carapace de l’œuf qu’il était. Il ne bougea plus, mais un événement surgit rapidement.
La coquille fut brisée et la dernière invocation s’extirpa du corps immobile de son maître. Laënoris, le démon majordome. Son visage était fermé. Son livré était impeccable. Il se tint parfaitement droit face à son opposant, responsable de ce carnage. Son regard mêlait agacement et mépris. Et il s’élança d’un coup, à pleine vitesse.
Que le marteau vienne à sa rencontre, il l’attraperait et l’attirerait à lui d’un coup sec, l’écarterait si il prenait des proportions désagréables et s’en éloignerait par des bonds, éloignant le combat de son maître. Sa mission était simple : parvenir jusqu’à Lucien, lui ôter ce marteau de malheur et lui faire admettre son état lamentable. La tâche la plus rude n’était pas celle qui paraissait. Mais il avait l’avantage d’être en pleine forme, de n’avoir reçu aucune blessure et d’avoir face à lui un contrôleur ayant usé de son pouvoir, reçu des coups, avec un pouce arraché et des jambes en sang. Saënoris avait fait un travail de boucher, mais c’était ce qu’il faisait de mieux. Il l’avait payé de sa tête. Tout comme la pauvre Luëst.

Il devait se dépêcher, Oscar ne tenait plus qu’en se ressassant les démons du passé, les plus douloureux. Il n’était plus en état de bouger, et son esprit s’étirait à l’infini.

*Minotaure … Manoir … Vampire … Décembre … Cimetière … Marque … Manoir … Vampire … Audréa … Minotaure … Décembre … *

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Et voilà qu’au moment où il allait chercher sa vengeance à pas sonnants et trébuchants – surtout trébuchants en fait – une dernière et ultime invocation surgit du corps de son adversaire endoloris et vint à sa rencontre. Lucien jura avec ce qu’il lui restait de force et poussa un grognement traînant en plissant un œil pour mieux repérer la cible qui fonçait sur lui. Il fallait qu’il l’écarte de son chemin, mais celle-ci se déplaçait relativement vite et était cachés derrière une série de points blancs. Lucien commença à maudire cette invocation et ses pouvoirs lumineux. Et puis, si le sol avait arrêté de tourner, cela aurait pu être plus simple, aussi ? Pourquoi tournait-il d’ailleurs ? Il était déjà au sol, non ? Alors qu’il était sur un coude, il se décida à lancer son attaque, croyant qu’il avait enfin l’autre à portée. Il agrandit à nouveau brutalement son marteau et… manqua le coureur de deux bon mètres. Merde. Il fallait qu’il recommence. Un peu plus à droite. Il rembobina son arme et visa à nouveau, plus à droite. Le marteau passa à trois mètres de sa cible cette fois et failli bien lui échapper de la main. Il le rattrapa cependant et tenta de savoir où il devait frapper à présent. Mais il eut comme un black-out et l’instant suivant on frappait sans son marteau et on l’éjectait de sa main.

« Non ! » cracha-t-il avec une voix déjà zombifiée. « Salaud ! Rend-moi mon marteau… »

Et pour forcer l’autre à le faire, l’esprit embué du voyageur ne trouva rien de mieux à faire que de s’agripper à l’une des jambes de son adversaire, enroulant ses bras sur le membre de l’invocation. Comme un enfant se serait agrippé à la jambe d’un parent lors d’un caprice. Il leva ses yeux malades vers cette silhouette indistincte et le fixa de son visage blafard. Il était au bord de l’évanouissement et s’accrochait comme il pouvait, tenace dans sa folie meurtrière.

« Rend-moi mon arme, putain… » lâcha-t-il sur un ton rauque à inquiéter des infirmières.

Puis, il se mit à donner des coups de tête à la jambe qu’il tenait… Mais autant dire que parler de « coups » était un peu prématuré…

L’enfant s’accrochait au parent qui venait de confisquer son jouet. Il geignait, s’accrochait, tentait vainement d’obtenir son hochet, essayant la parole, puis les coups. Mais des coups si faibles qu’ils n’atteignaient pas la figure parentale qui, après avoir posé un regard chargé de mépris, se détourna, signifiant la futilité de la demande capricieuse.

Le démon majordome était parvenu à atteindre Lucien sans trop de dommages et il fallait lui reconnaître une défense des derniers instants, l’animal griffant encore. Cependant, les attaques n’avaient pas porté et profitant de la faiblesse latente du jeune homme, Laënoris s’était emparé de son symbole, son Excalibur, de son marteau.
Il le tenait à pleines mains, ses gants le protégeant des souillures de l’Artefact. Il avait accompli sa mission et selon son estimation, permit d’accéder à la victoire. Son visage n’exprimait si ce n’est la satisfaction du travail accompli, sans aucun orgueil. Ses yeux conservaient l’antipathie à l’égard de Lucien, dont il s’extirpa de l’étreinte d’un coup de talon dans le nez de l’insolent.

Débarrassé du parasite, il se dirigea avec cérémonie auprès de son maître qui continuait sa litanie, récitant son antienne d’une voix éteinte, s’agitant légèrement, la respiration rapide. La démarche du majordome était lente, un maintien impeccable, et il apportait le marteau comme il apporterait le thé.
A la hauteur d’Oscar, il se plaça au devant et il s’agenouilla respectueusement, courbant l’échine et présenta en offrande l’Artefact symbolique du chaos. Les récitations cessèrent immédiatement. L’aristocrate ravagé, exténué, délirant, releva lentement et avec difficulté la tête, sa nuque supportant terriblement le poids d’un crâne en morceaux. Des yeux habituellement d’un bleu superbe et désormais aussi éteints qu’empreints à une agitation anarchique se posèrent sur la principale raison de son état, fixant les pupilles sur l’objet.

"Maître, veuillez accepter cette modeste preuve de votre combativité."

Tout d’abord, il n’y eut rien. Puis, petit à petit, imperceptiblement, un sourire naquit sur les lèvres gonflées du voyageur. Il demeura prostré, la tête soutenu par des ligaments au supplice et souriait faiblement.

Le spectacle était terminé.

Rideau

Ça ne manqua pas, paie ta violence. J’avais même l’impression que les deux Voyageurs, oblitérant carrément la raison du combat avaient décidé d’ajuster leur niveau afin de proposer le duel le plus sanglant du moment… D’ailleurs, afin que la misère humaine et les os brisés se fassent bien sentir, le combat se déroula même jusqu’à ce que les gens rampent en sang. Désolé Lucien Sandman, mais tu ne pourrais pas continuer sans provoquer ta mort, et je sais que t’adorerais et tu sais que moi aussi, mais nan, j’avais un taff, j’allais devoir le gérer.

Je m’avance sur l’arène et je salue tout le monde avec mon micro, et dès que tout le monde peut m’entendre, je hurle à travers l’engin :

« Qui a dit boucherie ?! En tout cas, pour le match le plus sanglant de tout le Tournoi, félicitons nos deux psychopathes avec mention victoire pour Khildar Blacksilver, des Vive Mort Courtoise ! Encore plus fort les gens ! »

Voilà, plus qu’à m’éloigner des deux timbrés… Le taff était fait, les finales allaient bientôt commencer. En espérant qu’il y ait moins de carnage qu’avant.

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