Le flot de répliques avait eu raison des digues retenant la déraison. Le vernis de la civilisation avait craqué sous l’invitation. Conserver la logique revenait à maintenir une tornade dans un bocal. Les chaînes étaient dorénavant brisées.

Quel splendeur dans le verbe de ce Renard ! Comprend rien. C’est superbe ! Il se prête fort aux règles … Sa langue est bien maniée. Regardez moi ce visage … je vais me le faire ! Saignons le. Répandons sa putain de langue sur … notre corps parfait. Il faut penser à la suite … faisons des enfants ! Il nous a traités d’ananas ? Il a admirablement bien remarqué notre jeu de mots … Mortuaire ! Kama sutra, où ça ? Je rêve pas, il a dit cafard, il nous insulte ! Pourquoi l’As alors qu’il est Valet ? Je suis le seul valet de mon maître. Je me demande quel temps il fait au Japon … C’est où le Japon ? Mmh, les geishas de Luxuria …
Echec nous prendrait il ? Je le prendrais entre mes cuisses … et lui arracherais la tête de mes dents … polies d’argent !

La rupture s’exprima par bien des aspects. Les lèvres s’étirèrent. Les yeux s’agitèrent. Les paupières papillonnèrent. Les sourcils tressautèrent. Et si la plante capillaire était pourvue de muscles, elle s’en serait dressée.
Les poings se serrèrent pour étendre les doigts la seconde d’après, et recommencer dans un cycle compulsif et irrégulier.
Le corps entier devenait un spasme violent. La noblesse avait cédé le pas pour la folie. Au sein des pupilles pulsait une énergie nouvelle. Si le feu habitait ces reflets de l’âme lors des premiers échanges, alors l’apocalypse y siégeait désormais.

L’être de déraison s’approcha en titubant exagérément, les bras se balançant de part et d’autres pour pointer en direction du responsable. Le sourire carnassier se changea une grimace de peine accentuée par un ton mélodramatique :

"Cessons ces simagrées qui ne m’agréent, contre votre gré, je l’emporte, peut m’importe." La fin était presque crachée comme un venin expulsé. Il reprit en sifflant :

"Ces sons sont agressions à l’unisson." Il se débattit avec d’imagés disgrâces, bataillant ferme par des mouvements de bras. "Grâce, ces souffrances me lassent, désespérances en face à face. "

Il s’inclina, protégeant son visage d’une agression rêvée, mit un genou à terre. Mais à peine la rotule caressa le sable qu’il bondit comme un diable défonçant sa boîte pour hurler, accusateur :

"C’est son simulacre acre ! Gare, ces sous, francs, m’enlacent et des dépenses … "Il suspendit l’accusation en gardant la pose, puis la rompit en haussant les épaules : "que voulez vous que j’en fasse ? "

Il semble rejeter la présence même de l’analyste en se détournant de lui. Un silence s’installa. La première vague était parvenue, il fallait alimenter la suite. Les démons continuèrent leur participation dans cette sarabande infernale, excités de voir leur invocateur aussi débridé.
Finalement, un nouveau cri surprit les spectateurs :

"Vaincre ? Gain d’un pain bénin ?" La question supposait que sa victoire allait de soi, puisqu’il se considérait suffisamment puissant. Il s’en suivit une parodie des mimiques de Nedru afin de le tourner en ridicule : "Un insolent indolent assommant, amassant somme sainte "
"Vint, regain dépeint … et bien ?" La question rhétorique ne supposait aucune réponse, mais il l’attendit tout de même, pour immédiatement y répondre dans un enchaînement rapide : "Nain, sol, lent," Il montra Nedru, "une idole assomme," Il se désigna, "ment, amas sans somme ceinte," et termina sa tirade dans une posture de fierté non feinte.

Au cours de la nouvelle pause imposée par ses soins de parolier délirant, il savoura l’instant présent et un silence délecté plus tard, laissa libre cours :

"Voilà la voile volée." Il se pointa des doigts en souriant.
"Voit là la toile, tollé !" Ses bras s’agitèrent en tous sens pour accentuer l’effet.
"Toi, vas, l’étoile ôtée." Il indiqua un point ignoré, imaginaire, l’air profondément attristé.
"Toi, ta peine envolée." Sa tristesse s’était poursuivit en soupirant.  
"Loi, à peine dévoilée," Il retrouva un ton impérieux.
"Lot y a, peigne des voiliers." Il se laissa bercer, emporté par les senteurs salines et les douceurs marines de son esprit submergé de folie libertine.

Une pause survint derechef, son esprit parti au lointain. Il se mit à papillonner, tant du corps que des yeux ou des pensées, autour de Nedru :

"Incliné nait. Ni cligne un brin. Vilain jeux, je vis et le crains. Mot, tu sus et bouche, coup, use …" Tant d’émotions transperçaient le visage, l’attitude, les yeux ; flot ininterrompu transcrivant l’esprit confus de clarté d’un aristocrate dansant de ses démons.

Finalement il s’arrêta pour se poster juste devant son oreille attentive, son souffle dans le sien. Il lui prit la main délicatement, la recouvrant comme une plume caresse un œuf. Il le regarda avec compassion et souffla à sa seule intention :

"Deviner n’est ni ligne, ni fin. Vit l’un, je joue, vous moud le grain. Sot, tu m’eu, " Il lui caressa la joue, "et biche, qui hisse."

Et l’embrassa passionnément.