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[Tatouage] Les lignes se croisent

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Mara Leros
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Mara Leros
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MessageSujet: [Tatouage] Les lignes se croisent [Tatouage] Les lignes se croisent EmptyDim 30 Oct 2016 - 18:40

- Comment elle s'appelle déjà, la morveuse, là?

- ... Qui?

- L'autre chiarde dont on parle parfois, la Voyageuse dont personne peut expliquer qu'elle soit encore en vie.

- La joueuse de Hamelin? Mara Leros, non?

- Ouais voila. Je me demande jusqu'où va sa chance...

- ... Vous...

- C'est quand même un sacré cas... Je me demande ce que ça fait de tatouer un si petit corps...

- Vous ne pensez pas...

Un éclat transparaît dans la pénombre, signe d'un sourire aux dents longues.

- Allez, va donc me chercher, j'ai que des merdes qui durent pas en ce moment! Je sens déjà ce défi qui m'appelle...

~~~~~~~

La fillette courrait à en perdre haleine à travers les rues, son épaisse cape de fourrure martelant ses mollets. Elle profitait de sa petite taille pour se faufiler dans la foule, se mettant de profil le temps d'un instant pour passer agilement entre deux habitants locaux, sautant avec une force que sa jeunesse ne laissait pas présager pour ne pas renverser un étal, semant ici et là des "pardon", des "désolé" et autant d'excuses quand sa rapidité lui faisait bousculer quelqu'un... Son empressement était tel que quand elle apercevait un virage, elle dérapait facilement sur un petit mètre avant de pouvoir changer de direction dans les ruelles du marché félin.

Autant dire que ses poursuivant ne prenaient pas de telles précautions.
La bande de chats cauchemars qui semblaient déterminés à ne pas la lâcher d'une semelle (à quelques mètres près) la traquait avec une détermination et une rage qui semblait sans faille. Renversant les obstacles, faisant s'élever sur leur sillage des cris de protestation ou de douleur, ils étaient bien loin de prendre des pincettes avec leur environnement. De toute manière, en tant que créatures cauchemardesques, ce n'était pas comme s'ils avaient grand chose à perdre dans l'estime des locaux. Malgré tout ce que certains pouvaient dire, imaginer ou constater, le Royaume des Chats était quand même un Royaume de Rêves. Mais ceci n'est pas vraiment la question.

En effet, non contente d'être impliquée dans une course poursuite qu'elle trouvait aussi absurde qu'incompréhensible, Mara était pour ainsi dire complètement paumée. Si elle avait eu du souffle à y accorder, sans doute se serait-elle plainte pour la énième fois de Dreamland, du goût de ce monde pour les situations improbables et de préférence mortellement dangereuses, de sa propre stupidité de ne pas être restée dans les Plaines comme elle avait pris l'habitude de le faire depuis quelques temps, et surtout, surtout, elle se serait plainte du fils de chat qui l'en avait convaincu. Quand elle se rappellerait enfin de son nom, elle le retrouverait et lui crierait tout son avis et sa manière de penser sur la chose.

Mais pour l'instant, elle pensait surtout à des questions autrement plus vitales, tel que "Est-il possible de les semer?", "Est-ce que ça vaut la peine de tourner au prochain croisement?", ou encore "Ce n'est pas la troisième fois que je vois cette enseigne?". Bref, autant dire que la situation était plutôt serrée. Alors oui, bien sûr. Évidemment, la jeune Voyageuse pourrait les étaler, ces chats cauchemars. Ils étaient quoi? Trois? Quatre? Rien d'insurmontable. Elle ne s'en tirerait pas sans égratignures, mais ça se gérerait parfaitement. Mais ce serait sans compter le fait qu'après l'escalade de violence qu'avaient été ses nuits durant les derniers mois, elle avait purement et simplement fait une overdose. Trop d'aventures, trop d'enjeux, trop de sang, trop de fatigue. Trop de responsabilités. Trop de morts. Du coup, elle avait pris la simple et saine résolution de s'installer dans les Plaines pour une période indéterminé. Elle avait craint pendant un instant que ce ne soit qu'une résolution passagère et qu'après quelques nuits, elle ne décide de repartir à l'action, mais elle était finalement plutôt stable. Elle se baladait parfois dans d'autres Royaumes calmes, donnait un coup de main ici et là, mais sans plus. Pas de vengeance, pas de drame, pas d'explosion ou d'armes brandies. Elle goûtait au réel plaisir des nuits reposantes.

Mais bon, au risque de se répéter, ce n'était donc pas le cas cette nuit-là. Pourtant, un nouvel élément intervint dans l'environnement de la jeune fille, un élément  qui pourrait peut-être lui éviter de faire pour la quatrième fois sans s'en rendre compte le tour du même quartier. Un chat qui lui tendait la patte, lui faisant frénétiquement signe de venir dans la ruelle d'où il dépassait. Sans réfléchir plus d'un quart de seconde, ignorant totalement la possibilité d'un piège, la petite autophobe se dévia d'un coup de pied dans le sol et se jeta en direction de son potentiel sauveur, tellement convaincue qu'elle serait en sécurité qu'elle ne prit même pas la peine de  se réceptionner proprement, rebondissant et s'étalant au sol comme une loque. Le chat la tira derrière les tonneaux et leva la tête vers la rue principal, regardant ce qu'il se passait tandis que la poursuivie tentait de faire le moins de bruit possible malgré ses poumons en feu et le point de côté qui lui rongeait le flanc droit.

Des cris hargneux retentirent, des sons de bousculade, des martèlements sourds qui se rapprochaient, se rapprochaient... puis qui s'éloignèrent. Alors même que leur cible n'était plus là, ils continuaient de courir comme si de rien n'était, sans même libérer une remarque surprise ou quoi. Pendant un instant, la jeune fille se demanda s'ils allaient bientôt remarquer sa disparition, mais elle revint rapidement à la réalité en se tournant pour détailler son sauveur.

Il s'agissait d'un chat, donc, plutôt dans la moyenne de taille, blanc avec quelques tâches brunes-rousses ici et là. Il portait un pantalon plein de poches et un veston en toile ouverte sur son torse, et une paire de grosse lunettes rondes semblait grossir ses yeux alors qu'il lançait un dernier regard prudent à la rue. Finalement, tandis que Mara commençait à reprendre son souffle, elle croisa enfin le regard du félin et le gratifia d'un large sourire de reconnaissance, qu'il lui renvoya avec un air... qu'elle n'aurait pas vraiment su décrire. Si elle avait dû poser un mot sur l'expression qui se déguisait sur le visage de la créature, le terme "gourmand" lui serait immédiatement venu à l'esprit, mais... elle ne l'aurait pas vraiment compris. Sa perplexité fut telle que son sourire se crispa très légèrement, craignant finalement une nouvelle source de problème. Pourtant, celui qui lui faisait face ne semblait pas vraiment relever cette attitude, gardant son expression excitée et commençant même à dire:

- C'était formidable! Incroyable! Vous autres Voyageurs êtes une source i-né-pui-sable d'inspiration! Je sens déjà les idées fuser en moi!

La fillette commença à ouvrir la bouche, puis renonça, non plus méfiante mais légèrement impressionnée par l'orateur qui lui faisait face, continuant sa tirade:

- Les idées fusent, j'imagine déjà la scène! Le personnage courant dans les rues, poursuivit par un gang! Avec des plans en hauteur pour poser le décor, puis des plans de profils, sur le fuyard, puis les poursuivants! Après un plan de dos, pour montrer le personnage qui se retourne, et enfin! Enfin! Avec une caméra fixe, en plein centre d'une large rue! Le fuyard déboule d'un virage en courant vers la caméra, et un instant après! Tout le gang, révélant l'ampleur de la course-poursuite! il fit une légère pose dans ses grands gestes descriptifs, agitant à présent le doigt en acquiesçant. Oui, à ce stade, le spectateur se demande ce que sont les enjeux de la course, ils veulent comprendre, il veulent savoir... Et la paf! L'image se fige, avec un bruit de... de... de scratch de vinyle, tient, ça pourrait surprendre... Et là! Le fuyard seul se remet en mouvement, l'air de rien, et là, il dirait...

D'un coup, le chat semble prendre la pose, se redressant et passant sa main dans une mèche virtuelle, avant de dire d'une voix presque différente, un peu grave et tranquille:

- Présentement, vous vous demandez sans doute comment j'ai fini dans cette situation, hein? Et bien c'est très simple...

Puis il s'arrêta, et sembla enfin se rappeler de la présence de la jeune fille, qui le fixait à présent avec un mélange de fascination et de consternation. Mais encore une fois il ne s'en soucia visiblement pas et lui demanda:

- Tu peux me dire ce qui t'est arrivé? Je cherche une bonne idée là! Un truc fort, improbable mais qui raconte quelque chose! Allez vite!

- Hein? Je... euh... Bah je suis venue ici et pendant que je cherchais, j'ai bousculé un étal... J'ai rien fait tomber, hein! Mais juste, y a ces trois types, là, ils m'ont reconnu et ont commencé à me poursuivre... J'crois que c'est des anciens d'un gang que j'avais pas mal dérangé y a longtemps... Mais c'était y a longtemps, style plus d'un an, quoi... C'est des malades ces types...

Mais le reste de sa phrase se noya un peu dans sa bouche face au regard brillant et à la bouche souriante légèrement entrouverte de son interlocuteur. Visiblement, se réponse le satisfaisait... Ce qu'il confirma en attrapant vivement ses mains et en les secouant vigoureusement, s'exclamant:

- Excellent! Génial! Ça fuse, ça fuse! Je me présente, Martin Hitchcat, un réalisateur, et je compte bien apposer ma patte au cœur de Hollywood Dream Boulevard! Il me faut ton histoire, tes idées! Je t'en prie, accompagne-moi!

- Je... euh... il y avait tout de même de quoi être pris au dépourvu. Je suis désolée, je cherche quelqu'un là... Un chat noir assez grand qui m'a donné rendez-vous... Il avait un nom de dieu nordique, j'me souviens plus vraiment... vous voyez de qui j'veux parler?

- Fifnir, retentit une voix tandis que Martin semblait plongé en pleine réflexion. Je te retrouve enfin! Toi qui me disais vouloir être tranquille, tu as quand même le don d'attirer l'attention.

Mara fit volte-face et se retrouva devant un grand chat qui, contrairement à l'ensemble des créatures de son espèce, avait un corps plutôt humain, malgré sa tête, une fourrure noire et une queue qui fouettait l'air. Son regard or fixait la fillette avec un air où semblait poindre une légère exaspération, mais il reprit d'un ton posé, les mains/pattes sur les hanches:

- Dans tous les cas, je suis content que tu sois venue, tu n'avais pas l'air très enthousiaste hier. Il poursuivit en tendant la patte: Tu viens?

La fillette allait lui emboîter le pas, mais la voix pressante de Martin retentit derrière elle:

- Attendez un instant! Fifnir... Vous n'êtes pas le serviteur de Lord Crazy?

- Non, je suis l’apprenti de Maître Saturn, lâcha-t-il avec une pointe d'agacement. Je rends juste servie aux Lords de temps en temps.

- Ah, du coup, vous l'emmenez voir Saturn? Pourquoi?

- Non, je l'emmène voir Lord Crazy, répliqua sèchement le chat voyageur.

- Oh... ses oreilles baissées semblaient exprimer autant la crainte que la déception.

- Dites, intervint Mara, qui en avait marre d'être écartée d'une conversation la concernant. J'aimerais bien qu'on m'explique, en fait!

- Tu comprendras vite... fit Fifnir avec un petit sourire gêné.

- Bonne chance, souffla l'autre d'une voix qui n'avait rien pour être rassurante.


Mara suivait le grand chat au fil des rues, ruminant dans le silence qu'il maintenait. Les maisons passaient, les routes se croisaient, et elle aurait été incapable de revenir sur ses pas -en même temps, pour aller où?-, mais tout ceci n'avait pas grande importance puisqu'il lui suffisait de rester sur les talons de son guide. Celui-ci ralentit d'ailleurs le pas au pied d'un grand escalier qu'il se mit à gravir sans grand enthousiasme, signe qu'ils devaient arriver. Il n'y avait pas grand monde dans les environs, voir même personne, et la fillette sentit de plus en plus la nervosité poindre. Dans quoi est-ce qu'elle s'était fourrée... Finalement, au sommet des marches, elle vit une sorte de grand temple vaguement antique, avec des relents de Chevaliers du Zodiaque, temple dans lequel Fifnir pénétra sans plus d'hésitation qu'il n'en avait montré jusque là.

Il faisait plus frais dès que l'on entrait à l'intérieur, la frontière entre l'air extérieur et l'air resté à l'ombre se faisait bien sentir. La petite fut même prise d'un frisson avant de redresser sa cape au niveau de son cou. Le silence qui régnait dans la rue paraissait d'autant plus oppressant à présent que d'épais murs de pierre les enfermaient. Ils étaient dans une étrange salle, des formes se distinguaient sur les murs et le plafond se perdait dans la pénombre. Son compagnon lui dit d'attendre là d'une voix qu'il espérait probablement rassurante et passa l'une des grandes portes, qui sembla l'engloutir. Elle regarda quelques instants dans sa direction et se détourna vers le mur qui avait retenu son attention. De quelques pas qui résonnèrent terriblement contre les dalles, elle atteignit l'objet de son intérêt, qui s'avérait être une ligne de petits tableaux. Ceux-ci étaient accrochés à hauteur d'yeux pour un adulte moyen, soit un peu trop haut pour elle. Le peu de luminosité l'empêchait de bien voir ce qu'ils représentaient, mais il lui semblait distinguer des traces noires et des morceaux de silhouette, c'était difficile à dire.

Finalement, un grognement retentit de l'autre côté de la salle. Elle fit volte-face juste à temps pour voir entrer une énorme silhouette féline, à quatre pattes cette fois. Le poil ébouriffé par la saleté et la négligence, absent aux endroits où se dessinaient des cicatrice, les yeux fous et une longue queue ornée de piercings et d'anneaux qui battait l'air. Le Lord fit tomber son regard sur la fillette qui oscillait entre l'ébahissement et la peur. Elle ne faisait même pas la moitié de sa patte. Il grogna:

- Putain, elle vraiment petite...

En beaucoup d'occasions, l'enfant aurait pris la mouche sur sa taille, mais présentement, sa terreur était si grande qu'elle ne songea même pas à fuir. Il ne lui vint même pas à l'esprit qu'elle avait moyen de fuir la mort prochaine qui se dressait devant elle en faisant pendouiller sa langue. Pendant un instant, elle se demanda même si avoir vécu pendant presque deux ans à Dreamland valait la peine d'expérimenter une telle mort. Elle n'eut pas le temps de trouver une réponse, toute réflexion instantanément bloquée à la vue du chat géant qui avait approché son museau à un mètre de son visage.

- Dis-moi, la chiarde, est-ce que t'as de l'ambition?

Mara de bougea pas d'un pouce, fixant les immenses yeux qui la pétrifiaient sans savoir comment réagir. À cette vue, la bouche d'un félin s'ouvrit, révélant ses longs crocs tandis qu'un ricanement emplissait l'air. À présent un large sourire aux babines, la créature gronda:

- Au moins t'es pas crevée de peur, t'as un minimum de couille. Allez, viens par ici, j'ai quelques projets pour toi...

Il la saisit d'une patte, exhibant sous ses yeux des griffes particulièrement aiguisées et de la taille d'un de ses bras, griffes d'où se dégageait une odeur étrange, bien loin de celles d'un félin. L'instinct de survie de Mara reprit enfin contact avec son corps, et après un petit cri terrifié, elle se mit à agiter furieusement les jambes et à multiplier les ondes de confiance pour tenter de se libérer. Ce qui ne semblait en rien gêner le Lord qui traversait un rideau.

- Calme, t'imagines pas le nombre de couillons qui tueraient pour être à ta place. Sauf que toi, t'as une chance de pas crever. Allez, les gens me remercient après.

Ils venaient d'entrer dans une salle assez grande, à la mesure de Crazy. Elle remarquait des reflets métalliques dans la pénombre du plafond et des murs, mais son regard fut attiré par des étagères où trônaient de curieuses fioles. Elle n'eut cependant pas le temps de s'y attarder que la grosse carcasse féline se mettait en plein milieu de la vue et la posait au sol, lui disant de "virer sa cape et son haut". Pour une fois, l'immobilisme nerveux de la fillette se fit enfin sentir par le chat géant: en effet, après avoir retiré sa cape en dégrafant le col presque inconsciemment, elle laissa retomber son bras en regardant la créature. Celle-ci lui renvoya donc son regard, alors que le vêtement de fourrure se désagrégeait en tombant. Le regard de Mara se détacha des pupilles du Lord, survolant de nouveau les flacons d'encre, et revint encore sur le visage mal éclairé qui la fixait. Pour la première fois depuis qu'elle voyait le chat, alors que les observations et les souvenirs finissaient de former des conclusions, elle parla:

- ... Vous êtes Lord Crazy?

- Ooooh, tu me connais? Quelle surprise! l'ironie était tangible, mais Mara ne la releva pas.

Elle n'avait pas vraiment tilté quand le nom était survenu dans la conversation entre Martin et Fifnir, ni même quand ce dernier lui avait parlé la nuit précédente, mais la réflexion avait fini de faire son petit bonhomme de chemin. Et les quelques souvenirs qui lui donnaient toutes les raisons d'avoir peur du Tatoueur étaient encore bien trop frais pour lui permettre d'être à l'aise en sa présence. Quelque part, elle l'imaginait autrement. Elle ne savait pas comment, mais elle n'aurait pas deviné qu'il puisse s'agir d'un gigantesque félin qui avait l'air d'avoir quelques piercing en plus dans le cerveau. Et qui avait visiblement l'air déterminé à s'occuper d'elle. Elle avait peur. Si elle fuyait, est-ce qu'il pourrait la rattraper? Certainement. Il l'avait fait chercher, il ne la laisserait pas partir aussi facilement, si...? Elle avait un peu peur d'essayer. Finalement, tentant d'évacuer sa nervosité en tordant ses doigts, elle demanda lentement:

- ... J'ai le droit de choisir l'encre?

- KAHAHAHAHAH! s'esclaffa le monstre, approchant de nouveau son énorme tête devant celle de la petite. Mmmnan, j'ai déjà une idée assez précise de c'que je vais faire. Quoi, t'avais une préférence?

- Pas vraiment... souffla la petite en tentant bravement de ne pas afficher toute l'étendue de sa peur. Juste... L'encre que vous avez choisie, elle va faire quoi?

- Surpriiise... Disons juste qu'elle va mettre un peu de... "dynamisme" chez toi? Ses crocs étaient très près.

L'enfant ne sut quoi répondre, passant nerveusement sa main contre sa nuque comme pour la protéger. Ses yeux étaient comme attirés par un flacon particulièrement noir, qui semblait plein de mauvaises intentions, pour peu qu'un liquide puisse en avoir. C'était lui. Elle était sure que c'était lui. Et le Chat Percé suivit son regard, notant l'objet de son attention et ricana un peu:

- Aaaah, bonne idée, tiens... Ça pourrait être bien marrant aussi...

La Voyageuse lança un regard effaré vers lui. Elle avait l'impression d'être dans l'une de ces légendes où plus on tentait d'éviter un événement, plus on s'en rapprochait. Ces histoire de "destin". Elle les détestait, elle les méprisait, et elle en avait peur depuis qu'elle en avait eu un entraperçu quelques mois plus tôt. Pourtant, c'était absurde, c'était impossible, il n'y avait aucune raison que...

- Je plaisante, grogna-t-il en interrompant ses pensées, j'utilise jamais cette encre sans une bonne raison, je vais pas la gaspiller avec toi. En plus, 'faut tatouer directement le cœur, alors déjà que c'est pas simple avec un couillon d'un mètre quatre-vingt-dix, j'ai pas envie d'essayer avec une mioche qui donne la moitié de la surface de travail. Pas tout de suite en tous cas.

L'enfant avait l'impression de respirer. C'était ça, c'était bien ça, c'était bon. Elle ne risquait rien. Et alors que le Lord se détournait de nouveau en lui criant de "virer ce foutu haut", s'affairant devant un flacon presque vide et plus normal que l'autre, elle s’exécuta finalement. Après lui avoir coupé les cheveux d'un coup de griffe, il lui passa des sortes de menottes aux poignets et là, la maigre assurance qu'elle avait récupéré s’évapora brusquement. Sauf que ça commençait à être trop tard pour s'enfuir. Il la hissa vers le haut et alors qu'elle avait la sincère impression de se faire déboîter les épaules, elle sentit ses pieds quitter le contact rassurant du sol. Elle respirait de plus en plus fort, sa cage thoracique mise à rude épreuve alors qu'elle pendouillait au niveau de l'immense chat tatoueur. Elle sentit une épine s'enfoncer dans son épaule et lâcha un "Aouh!" plaintif, son corps se balançant un peu après cette impulsion. Un grognement agacé retentit derrière elle et le Lord entreprit de pester contre sa légèreté qui allait rendre son travail impossible. Il résolut le problème en asseyant la fillette sur un petit tabouret, jambes attachées pour éviter qu'elle ne bouge trop, le bras droit tiré vers le haut pour la maintenir un tant soi peu droite, et le bras gauche vers le côté pour dégager son épaule.

- Tiens, et fous ça dans ta bouche, lâcha-t-il et plaçant devant celle-ci un bout de tissu plus ou moins propre. Les supports de mes œuvres ont souvent trop d’ego pour crier mais si tu commences à couiner à la première piqûre, ça va vite bien me faire chier. Surtout que tu vas finir par te couper la langue, et j'aime pas tatouer les cadavres.

_____________

Autant ne pas décrire la scène en détail. Au delà du voyeurisme glauque et sadique que serait l'observation du calvaire d'une enfant, la séance fut assez longue puisqu'elle prit deux nuits. La première, la plus longue, fut l'apposition d'une encre normale selon un motif anarchique qui s'étendait sur son dos, son épaule, une partie de son bras et le haut de son torse. La fillette avait souvent fait de son mieux pour éviter les ennuis, plus ou moins en vain, mais elle n'avait jamais expérimenté la torture. Souvent, la douleur des blessures au terme d'un combat particulièrement difficile; régulièrement, l'épuisement total de son corps au terme d'une nuit éprouvante; parfois, l'impression d'être à deux doigts d'imploser à cause de l'utilisation excessive de son pouvoir. Mais jamais rien de comparable à cette fois-ci.

Ça avait été long, plusieurs heures sans doute, on perd souvent la notion du temps quand notre cerveau nous hurle que chaque centimètre carré de notre peau se fait violemment perforer. Elle avait hurlé, la mâchoire coincée et ses cris étouffés par la boule de tissu. Elle l'avait mordu ce tissu, mordu, encore et encore, dans une tentative désespérée et vaine de se focaliser sur autre chose, elle l'avait déchiré ce tissu, ce tissu qui s'était légèrement rougi du sang de ses joues raclées par ses dents. Une douleur de plus. Et elle avait pleuré de ce supplice, ses larmes avaient coulé comme jamais à Dreamland, sa gorge se nouait, son nez se bouchait, sa respiration se bloquait alors que l'air peinait à trouver une voir vers ses poumons, elle suffoquait. Une douleur de plus. Et la griffe de ce monstre qui se plantait, ici et là, toujours proche d'une zone si douloureuse, elle avait l'impression d'en être brûlante de fièvre. Mille douleurs de plus. Elle suppliait de s'évanouir, d'arrêter de recevoir ce supplice, de sombrer dans un coma sombre, confortable et silencieux, loin de ce sifflement qui s'implantait dans ses oreilles. Suppliait qui? Allez savoir. N'importe qui, pourvu que le qui en question ne la sauve. Mais ça ne venait pas. Crazy prenait son temps et s'appliquait, faisant juste assez de pauses pour que la conscience de Mara ne s'éveille une seconde, pleine d'espoir de voir la fin arriver.

Telle fut la première nuit, et presque telle fut aussi la seconde. Cette dernière bien plus courte fut consacrée à l'apposition de l'encre de l'Adrénaline. Il en restait peu à Crazy pour ce qu'il voulait faire, le forçant à l'injecter très lentement et soigneusement, rallongeant la séance pour un motif qui s'ajoutait au précédent. Avec une encre qui donnait l'impression à la fillette d'avoir ses nerfs en feu. Au terme de chacune des deux sessions, elle avait à peine sentit le chat la détacher et la laisser se reposer sur une banquette à l'écart. Elle était chaque fois dans un état pitoyable, de la salive un peu rose ayant fuit le long de son menton, les yeux gonflé, le nez rouge et coulant. Fifnir lui avait un peu tenu compagnie jusqu'à la fin de la nuit, sans doute par pitié. Si elle s'était rapidement réveillé au terme de la première, elle avait eu encore la majorité de la nuit à tenir après la seconde. Elle n'avait pas vraiment su quoi penser dans son brouillard mental en entendant son tortionnaire se plaindre qu'il aurait largement pu finir en une nuit sur une personne normale et moins douillette.

Finalement le tout était passé difficilement, mais passé quand même. Elle avait erré lors des nuits suivantes avec un amas de pansements et de bandages qui couvraient son dos, son bras et une partie de son torse, avant de pouvoir les retirer. Ainsi, au moment venu, dès qu'elle avait trouvé un moyen de voir son reflet, elle avait entreprit de les retirer pour observer le résultat des deux pires nuits de sa vie de Voyageuse.

Tout ce qu'elle vit fut une étrange structure noire qui ressemblait plus à des silhouettes de branches mortes décharnées qu'à autre chose. Celles-ci faisaient le tour de son épaule gauche comme une couronne, quelques traits descendant sur son bras comme des veines, et un grosse branche jaillissant vers son torse avant de remonter à la base de son cou pour envahir son dos. C'était assez étrange. Et un peu macabre, même si Crazy lui avait dit que l'encre qu'il avait utilisé paraîtrait noire au début mais qu'une fois bien absorbée, elle changerait de couleur au fil des Royaumes qu'elle traverserait.

Cependant, il lui avait aussi dit que le motif qu'il avait dessiné lors de la seconde séance serait probablement quasiment invisible à quelques reflets près, vu la quantité qu'il avait mis, et que le seul moyen de le faire ressortir restait d'augmenter son rythme cardiaque. Mara n'avait que moyennement envie de courir à fond sur des kilomètres pour pousser assez son corps de Voyageuse, donc elle choisit une méthode bien plus simple, quoique plus brève. Se concentrant légèrement, elle généra une puissante onde de confiance et lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle vit pendant quelques secondes que son tatouage semblaient avoir... éclos. Des lignes brillantes s'enroulaient autour des branches, passant de l'une à l'autre en leur donnant presque vie dans un ballet végétal d'où émergeaient ici et là quelques fleurs.

Alors même que la vision s'atténuait pour rendre au tatouage son aspect un peu triste, évoquant finalement peut-être plus des branches en hiver que des branches mortes, Mara sourit légèrement. Elle n'avait plus à craindre de petite signature, de petite marque sur la nuque apposée par un tatoueur frustré que son œuvre ne soit pas exposée au monde entier, mais condamnée à ronger un cœur jusqu'au bout de l'endurance de son porteur. Non, elle avait le droit d'être optimiste. Et elle comptait bien l'être.
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[Tatouage] Les lignes se croisent

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