Bon, le bon point, c'était que le boulet avait arrêté de gueuler comme une pucelle. Le mauvais point, c'était que ça les sortait pas des masses de la mouise. Mara se sentit même un poil humiliée quand elle vit l'autre commencer à la dépasser et à la tirer, comme si elle le ralentissait. Du coup, deux possibilités se foutaient sur la gueule dans son esprit: dire fuck à ses couilles et se laisser porter, ou faire la fière et courir, au risque de ralentir. Bon, de toutes façons, avec fierté ou sans, crever à cause d'un immeuble bourré qui se ramasse sur toi, ça reste une mort à la con. C'est donc en grimaçant que la gosse prit son élan et sauta sur le dos de l'autre Voyageur, qui réussit plus ou moins à la réceptionner.

Entre temps, le duo s'était dangereusement rapproché du fight entre les deux tarés, qui se balançaient carrément du Jurassic Park à la trogne. Le tout commenté par une réflexion presque judicieuse de la monture de l'enfant. La fillette faillit lui foutre une beigne pour le faire taire et pas attirer l'attention, mais elle voulait pas le mettre au sol. Ça serait bête.

En tous cas, ils continuaient de courir comme des idiots le long des rues désertées par tout ce qui pouvait encore bouger. En fait les amas de bâtiments logiques et aléatoires mélangés formaient un mélange si étrange que la chose la plus surprenante que Mara vit, c'était que l'un des pavillons du fonctionnaire était encore débout dans un état normal, si ce n'était les tags "peace&love" et autres trucs de tafiole qui recouvraient ses murs. Cette vision miraculeuse prenait tellement la virile petite qu'elle ne vit pas le rayon perdu qui fusa vers elle.

En même temps, c'était un rayon transparent.

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Tandis que le Facteur X et l'Expert-comptable menaient leur titanesque combat, seules quelques silhouette fuyaient encore. C'était l’hécatombe, les immeubles tombaient les uns sur les autres, les bouteilles volantes pleuvaient des nuages, tout se déréglait. L'affrontement était violent, et quand les invocations n'étaient pas annulées par l'adversaire, elle partaient semer le chaos dans le reste de la ville. Même pour la cité de l'alcool, une telle débauche de violence et de folie n'était guère fréquente.

Peu couraient donc encore, et les deux combattants portaient peu d'intérêts à ceux-ci. Seulement, il y avait de nombreux tirs perdus. Comme ce tir, là. Celui-ci était évidemment destiné à l'ennemi, mais par un curieux jeu du destin, un souffle de vent le détourna et il bondit sur un lampadaire vert, partant vers le ciel et rebondissant sur l'un des rares nuages (celui-ci se transforma d'ailleurs en cachalot, qui n'eut que peu de temps pour prendre pleinement conscience de son statut avant de s'écraser au sol), le rayon partit en ligne droite, ricochant contre un mur (qui se couvrit de banana split), avant d'effectuer un dernier rebond sur le dos d'une petite fuyarde blonde (qui se sentit des ailes, une queue et un pelage pousser, tandis qu'elle se transformait en ragondin ailé à queue de serpent), et de finir sa route droit sur l'Expert-comptable, qui le reçu de plein fouet, épargné de la transformation car le laser n'avait plus de batterie.

"Squik?"
(Hein?)

La bestiole s'agrippait à la peau de sa monture d'un air terrifié, les yeux exorbités et les griffes plongées dans leur prise. Couinant à répétition, ballottée par la course, ses pattes arrière battaient l'air pour attraper quelque chose et sa queue virevoltante n'aidait pas, son petit cœur fragile de rongeur battant à une vitesse avoisinant le triple du seuil critique. Puis il se passa des trucs. À force de bouger tous ses muscles au hasard dans tous les sens possibles, l'improbable se produisit: elle battit des ailes. Bon, fallait pas se leurrer, c'était pas glorieux. C'était même relativement pitoyable. Surtout qu'elle n'avait pas la moindre idée d'auquel des muscles qu'elle activait était-ce dû. Du coup elle restait figée et ultra tendue, le corps secoué de spasme tandis que ses plumes s'agitaient de façon désynchronisée.

Elle n'a pas la moindre idée de ce qui se passe autour, son esprit est uniquement concentré sur les éléments essentiels de sa survie: ne pas tomber et manger un truc. Pour le deuxième problème, elle admettait cependant que ça pouvait attendre. Elle avait vaguement le sentiment qu'un énorme truc cachait parfois le soleil, mais elle préférait ne pas y penser. Jusqu'à ce qu'elle fut un peu forcée d'y penser.

"Squi... Squiiiiiiik!! Squi squik ik squuuiiiiik!"
(Que... Naaaaan!! Nan mais part paaaaaas!)

En effet, la créature se ramassa peu glorieusement contre le sol, entouré des restes de fumé de son compagnon disparut. Ses pattes prenant le contrôle sur son esprit, elle piqua un sprint entre les éboulis, profitant de sa petite taille. Elle perdit sa queue en chemin, mais elle s'en tapait pas mal tant qu'elle continuait d'avancer. Se plaquant contre un cachalot écrasé, les poumons en feu, elle eut à peine le temps de réfléchir qu'elle se réveilla à son tour.

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Gnn... Mal... à la tête...

... Y s'est passé quoi cette nuit...? Me souvient de rien... Nan, ch'uis pas morte?... Nan, nan, me souvient de Dreamgnnnnn... Pourquoi ça fait ça... gn. S'pacé quoi... Hein... maman... ah parle moins fort... j'entends rien... enfin trop... ch'ai pas...

Gnaaa, mais sérieux... y s'est passé quoi cette nuit...



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À Delirium City, le combat des rivaux continuait, détruisant tout pendant encore quelques heures. Les populations saines d'esprit avaient fui la zone, et nombre de Rêveurs avaient vu leur nuit brutalement interrompue. Mais dans la mesure où la majorité étaient ivres, ils ne s'en rappelèrent pas. L'atomisation collatérale du Royaume prit fin dans des circonstances curieuses: en effet, le Facteur X disparut. Impossible de savoir pour quelles raisons, sans doute allé voir ailleurs si quelque chose de plus intéressant se profilait, à moins qu'il n'ai été pris par une urgence.

Toujours était-il que face à ce qu'il interpréta comme un abandon spontané, l'Expert-Comptable resta un peu pour remettre la ville en ordre, la couvrant de pavillons propres et bien rangés, faisant pousser ici et là quelques quelques immeubles d'affaires ou bâtiments culturels. Probablement satisfait de sa création, il quitta le Royaume pour retourner à ses document, laissant la ville aux mains des Rêveurs américains. À l'occasion d'une migration aléatoire de crus locaux connus pour être particulièrement dévastateurs, la ville retrouva le soir même un état de ruine, et deux cycles de Rêveurs ivres suffirent à lui rendre l'aspect et la faune que les habitués lui connaissaient.