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Le Tatoué, version Onirique

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Ed Free
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MessageSujet: Le Tatoué, version Onirique Le Tatoué, version Onirique EmptyDim 12 Mai 2013 - 1:54
Rare de me voir en-dehors de mon Royaume sans courir les rues pour arrêter un petit connard ; quand je n’avais pas de mission spécifique, je pouvais être trouvé dans le hamac de la cour des Deux Déesses, remplacé dix fois depuis qu’il était devenu une des victimes favorites de Fino, surtout quand quelqu’un était à l’intérieur. Il avait remarqué que c’était la seule façon de blesser Jacob : une courte chute qu’il ne pouvait pas anticiper. Mais à défaut de pouvoir le faire une centaine de fois par nuit, et que Jacob ait un comportement bonne poire, il ne réussirait pas à le tuer par une commotion cérébrale légère. Ce qui ne l’arrêtait évidemment pas.

Aaaaah, Fino… C’était à cause de lui qui je me trouvais dans le Royaume des Chats, à rechercher dans le marché en périphérie de la ville quelques ustensiles qu’on ne retrouvait pas dans notre propre marché local. Si Fino n’avait pas cramé la moitié des brosse-à-dents pour inventer un nouveau jeu avec Clane dont j’avais refusé de connaître les règles, je n’en serais pas là. Je ne parlerais pas du vide-grenier dont la moitié avait disparu mystérieusement, tout ce qui était sucré et gras. Le phoque avait même tenté de m’accuser avec une haleine sentant le chocolat. Et on s’était rendu compte qu’il s’était servi d’une bonne partie des casseroles comme pot-de-chambre. Et c’était tout ce qu’il fallait acheter… Ah non, j’oubliais aussi un nouveau hamac.

Il semblait traverser une mauvaise passe, le phoque. Il rongeait son frein, il ne savait plus emmerder, donc il violait sans honte les règles du Royaume sans même se cacher. Autant que comme punition et pour le faire un peu sortir, je l’avais pris avec moi. J’étais un peu maso, certes. Le forban qu’on surprendrait la main dans le sac regretterait d’être sorti du ventre de sa mère. En tout cas, après avoir demandé la somme qu’on pouvait emprunter à Germaine (il a fallu argumenter pendant des heures qu’on ne pourrait pas réaliser toutes nos courses avec seulement sept EV dans les poches), on était parti pour le marché. La limace avait eu énormément de mal à monter la somme sans bousiller son plan comptable, mais à force de persuasion, de menaces, de mensonges, de plainte, de complainte, ainsi qu’une sérénade à sa fenêtre, elle avait accepté de monter à huit EV. Mais que l’année prochaine, ça serait vache maigre. Fino avait jacté que ça serait largement assez. Me doutant d’un plan pour faire fructifier notre petite somme sur place, je l’avais laissé faire. Et s’arracher les cheveux devant Germaine était à peu près aussi utile pour lui soutirer de l’argent que de chouiner devant Fino pour exiger qu’il se déguise en clown pour faire plaisir à une classe de bambins dans un hôpital de charité.

Je marchai donc dans le marché de Felinia, Fino sur mon épaule, et la liste de courses en main, je recherchais les produits demandés. Sachant que le marché était bien plus grand qu’un hypermarché quelconque, je n’hésitais pas à demander aux autres marchands de m’indiquer les mercantiles qui m‘intéresseraient. Je compris après avoir demandé mon chemin trois fois que Fino jetait des regards tellement menaçants à mes interlocuteurs que ceux-ci tremblaient. Le bébé phoque que la balade ennuyait sérieusement (et j’étais d’accord avec lui, je n’étais pas assez ménagère de quarante ans, et oui, j’adorais les stéréotypes) commençait à s’agiter sur mon épaule. Il me railla une nouvelle fois quand j’eus besoin d’une quatrième personne pour m’aider à me repérer (comme si les autres avaient été utiles).


« Bonjour.
_ Hey. J’ai du melon, du bon melon, du gros melon !
_ Ils ont l’air dégueulasses »
, commenta Fino d’un regard dédaigneux. Je dis au marchand de ne pas faire attention à lui et en vint directement au fait :
« Oui, excusez-moi, je voudrais savoir où est-ce qu’on pourrait acheter un hamac.
_ Un amas ?
_ UN HAMAC, CONNARD !!! REPONDS A LA QUESTION !!! »
, beugla Fino en explosant.

Cinq minutes plus tard, très loin du marchand et des gardes qui étaient accourus, je m’engueulai copieusement avec le phoque pour son exécrable caractère. On n’était pas discrets, non.

Il nous fallut une heure pour trouver un vendeur des casseroles. Non seulement, il fallait éviter les gardes qui avaient un portrait-robot de nous (et les plus intelligents pourraient se souvenir que ce n’était pas la première fois que je foutais le barnum dans le marché), mais en plus, il fallait se retrouver dans ce labyrinthe qu’était le plus grand marché de tout Dreamland. Un centre commercial américain en plein air, et si chaque boutique avait une identité, on aurait pu en faire une ville. Mais à force de cachettes, de patience et de chance, on réussit à trouver un étal où étaient étalés et accrochés des poêles et des casseroles. On s’approcha et il nous remarqua bien vite. Il leva les bras comme pour mieux nous accueillir. On échangea des formalités habituelles avant d’en venir aux produits en eux-mêmes. Je lui demandai à combien étaient les prix, et il me répondit :


« Neuf EV.
_ QUOI ??!! NEUF EV ??!! TU TE FOUS DE MA GUEULE !!! »
, éructa Fino une nouvelle fois. On pouvait certainement marchander.
« Malheureusement, je n’ai que huit EV sur moi.
_ Ahah, évidemment ! Tous les Voyageurs me font le coup. Qui part avec une somme d’EV pile-poil inférieure au prix du produit qu’ils veulent acheter ?
_ Un gars avec une comptable.
_ Pour vous, j’ai déjà baissé le prix ! Je les fais à quinze EV normalement, je me saigne. Puis vous êtes un Voyageurs, vous êtes composé d’EV. Et mes casseroles sont les meilleures du marché !
_ Je chie dans tes casseroles ! »
, l’interrompit Fino ; le chat ne pouvait pas se douter que c’était une des activités favorites du phoque, littéralement.

Le marchand refusa de baisser ses prix, surtout devant la hargne d’un bébé phoque, et je dû m’excuser une nouvelle fois sans rien dans les mains, sinon les huit EV. Et comme si j’allais déverser une seule rognure d’ongle pour les dégâts de ce connard de phoque… Fino me dit enfin qu’il allait jouer de sa connaissance du terrain pour qu’on gagne de l’argent. Nous y voilà. Comme d’habitude, il me guida vers la frontière du marché, là où presque plus de marchand ne criait à la sauvette. Par contre, il y avait des petits félins qui jouaient dans la rue, à la balle. Le phoque me dit qu’ils jouaient aussi un peu d’argent avec des jeux de hasard. On allait extorquer des gamins pour payer des barres chocolatées et des casseroles ? Si le Paradis et l’Enfer existaient et que notre karma déterminait notre ticket d’entrée dans une des deux régions, alors Fino irait tellement bas qu’il creuserait un tunnel dans les Enfers pour s’arrêter encore plus profondément

On les interrompit dans leur jeu, et Fino leur expliqua qu’on voudrait se faire beaucoup de fric. Premier mensonge qu’il leur sortit : on n’avait pas cinquante EV sur nous, juste huit. Cependant, la mise fit reculer beaucoup de chatons, et seul le plus âgé d’entre eux accepta de parier contre nous. Il avait presque quatre ans. Fino se moqua copieusement de lui en disant que c’était un bébé, vu que lui-même ne devait pas être âgé de plus de cinq ans. En tout cas, les règles furent les plus simples possibles : trois jets de deux dés, et il fallait remporter deux manches. Rien de plus con. Rien de plus dangereux aussi, je n’avais pas d’autre EV sur moi, sinon mes bras. Mais il était trop tard pour arrêter le phoque sans détruire son plan monnaie. Alors je le laissais s’enfoncer dans ses machinations ridicules. Je ne savais pas pourquoi, j’avais l’impression que Fino allait leur jouer un sale tour.

Tout le monde se mit un peu cercle autour du jeu, et quelqu’un apporta deux dés blancs communs, sur un petit plateau (pour être certain que les dés ne seraient pas cassés). Fino leur parla un peu, et il sortit lui aussi des dés, et le jeu pouvait commencer. Ce fut le bébé phoque blanc qui commença, et là où je m’attendais à un résultat honteux tel un double six, je vis au contraire que Fino fit un chiffre parfaitement normal, un huit qui lui arracha une grimace. Le chaton souffla sur ses dés, et les balança à son tour sur le plateau. Il fit un magnifique onze. Fino fit ensuite un six, et le chaton fit un autre onze devant les sifflements de joie de ses camarades. La partie venait de se terminer ; c’était mal connaître Fino.

« Alors mes pigeons, on a des dés truqués ? Hum.
_ Nan, on n’en a même pas ! »
, répondit d’un ton heureux l’adversaire. Le phoque continua avec un sourire imperceptible :
« Fais voir tes dés, alors.
_ On triche pas ! »
Ce fut cette défense sincère qui leur fit donner les dés à Fino. Il les lança négligemment sur le plateau, et ils firent un onze. Il les reprit, il fit un autre onze. Il les reprit, et le cinq et le six ressortirent encore. Il testa les dés deux fois encore ainsi, ce qui fit courir des rumeurs parmi les rangs des bambins.
« Bon, les minous, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous. La mauvaise, c’est que j’ai un Voyageur près de moi et il aime pas les tricheurs. La bonne, c’est que si on part du principe que J’AI gagné car vous avez perdu par tricherie, alors je veux mes cinquante EV. »

Je ne saurais que plus tard que les chatons n’avaient pas triché, mais qu’ils avaient eu la malchance de défier quelqu’un qui avait des dés truqués, très doué en pickpocket, sans aucune morale, et qui savait pertinemment qu’il était plus efficace de gagner en accusant son adversaire de tricherie que de tricher soi-même. Il avait aussi su que s’il m’avait avoué sur place le mauvais tour qu’il leur avait joué, j’aurais tiré un trait sur les cinquante EV volés à de pauvres garnements. Mais Fino avait bien caché son jeu, et il m’avait aussi détruit l’esprit à force d’hurler sur les marchands. Je ne désirais qu’une seule chose à cet instant : terminer mes courses le plus rapidement possible.
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MessageSujet: Re: Le Tatoué, version Onirique Le Tatoué, version Onirique EmptyLun 13 Mai 2013 - 1:00
Par contre, pour récupérer la somme, il fallait que le gamin aille chez lui, dans la capitale qu’entourait le grand marché. On allait le suivre, mais on fut très vite arrêté par la loi du pays : il fallait passer par un des quatre temples, chacun régi par un Lord du Royaume, pour avoir le droit de passer ici. Je n’avais aucune idée de pourquoi, des épreuves qui pourraient nous attendre, donc Fino m’aida à m’aiguiller. On irait donc chez le chat Tatoué. Et le gamin resterait devant le Temple, à un endroit où on pourrait le surveiller. Fino ne lui faisait aucunement confiance quant au fait qu’il parte devant et qu’il nous attende, ou nous ramène la somme. Franchement, moi non plus. Cinquante EV, ça devait être un beau montant pour un gamin comme lui. De plus, je lui en voulais encore d’avoir utilisé des dés truqués. Rapidement, on arriva dans une grande salle un peu sombre, dont l’intérieur faisait penser à des temples grecs et autres acropoles. Je me demandais pourquoi Fino m’avait fait venir ici, et si je devrais le soupçonner d’une quelconque idée malveillante à mon égard. Pour le moment, rien de très impressionnant si l’espace et l’ambiance qui se dégageait de l’ensemble. J’aimais bien le ton, par contre. L’espace était immense, et je me demandais si un cri créerait de l’écho. En parlant de cri…

« HEY !!! CRAZYYYYYY !!! TU MONTRES TES BURNES ??!! »

Répondant à l’appel de Fino (et tiens, il n’y avait pas d’écho), une forme gigantesque sortit d’une salle adjacente fermée par un rideau. Ce fut un énorme chat, aux formes longilignes, qui en sortit. Pas besoin de voir sa gueule pour comprendre que le mec était un taré : une cicatrice sur le front, une langue reptilienne assortie d’un piercing et des mouvements particulièrement fluides. Sa voix rauque et sifflante donnait aussi le ton du personnage :

« Hey, j’ai senti ton odeur d’enculé avant même que t’ouvres ta gueule.
_ Alors, Crazy, on se les touchait ?
_ Lord Crazy, cafard.
_ Pas pour moi.
_ Surtout pour toi.
_ Petite salope ! T’as déjà oublié le bon temps ?
_ Tu vas même aller jusqu’à me faire croire qu’on était potes toi et moi. T’étais juste une merde qui tentait de profiter de mes services. »


Ils avaient l’air de bien s’entendre. Le seul truc qui me gênait dans leur dialogue, c’est que Lord Crazy se rapprochait de plus en plus de Fino, bref de moi. Je voyais sa longue queue fouetter l’air : elle avait l’air vive. Les deux se mirent rapidement les souvenir du « bon temps », même si finalement, il n’y avait pas tant d’anecdotes que ça. Ils ressemblaient plus à des connaissances, voire à des collègues de travail si je saisissais bien ce qu’il se disait sans chercher à m’expliquer.

« Tu te servais de mon atelier comme d’une salle de torture.
_ Nan, arrête, je te laissais faire ton travail tranquille ! Juste que je leur faisais croire que tu pouvais les mettre à mort si ça nous chantait…
_ Tu sers le « nous », maintenant ? Tu deviens enfin une larve servile ?
_ En tout cas, ils divulguaient beaucoup d’infos.
_ J’ai mis du temps à comprendre que ce que je croyais être une excellente journée remplie de clients n’était qu’un attrape-nigaud.
_ J’adorais mes faux prospectus : « Crazy a décidé de tatouer les grands Voyageurs sans douleur pour la semaine entière ». Putain de merde, je me fais rire tout seul !
_ Tu as tenté de me faire passer pour un idiot.
_ T’es toujours fâché ? Le grand Lord Crazy fulmine dans son petit atelier minable comme un gosse ? T’aurais dû demander au roi de mettre un mandat d’arrêt sur ma pomme, il t’aurait même passé une sucette pour te récompenser.
_ Les crétins reviennent toujours sur les lieux de leur crime ; tu débarques comme une pucelle en pensant que je serais ravi de te voir. D’ailleurs, tu fous quoi dans les environs ? Encore en train d’extorquer des gosses ? »
Je me raclai la gorge, pour moi-même. Lord Crazy avait mis directement le doigt dessus. Dommage qu’il me regarde enfin à cause de ça : « Voyons voir… Fino, tu me rapportes des tantouzes maintenant.
_ T’as l’œil, Crazy. Mais je veux pas que tu le tatoues, ça m’énerverait vraiment. Mais je sais que t’as autre chose à foutre que tatouer des Claustros.
_ Ouais, ils sont trop communs, ces merdeux. Ils se multiplient sans cesse. »


Ce fut fou comme j’encaissais très bien les remarques du chat tatoueur ; soit les critiques incessantes du bébé phoque pendant deux ans m’avaient endurci, soit au contraire, m’avaient ramolli. Vu la haute teneur en tension que dégageaient les deux personnages près de moi, on pouvait plutôt croire, moi le premier, que c’était la seconde option la bonne. Les deux se regardaient comme s’ils avaient envie de se bouffer, même si la victoire reviendrait certainement à Lord Crazy. Celui-ci reprit avec les oreilles plus en alerte :

« Mais dis-moi Fino… T’es là pour quoi, au juste ? T’es pas assez con pour venir ici juste pour la causette.
_ Evidemment. Moi et mon chien, on voudrait passer. »
Lord Crazy éclata instantanément d’un énorme rire démoniaque. Il fallut attendre dix secondes que le Lord se calme, en enlevant presque une larme du coin de son œil.
« Putain, Fino, t’es encore plus crétin que je le croyais ! Tu débarques comme si de rien n’était, et tu me demandes un service illégal qui pourrait me faire perdre ma place ! » Un autre rire de cinq secondes, qui énerva sérieusement Fino. « Faut vraiment que t’aies pas de couille pour pas craindre pour elles !
_ Ta gueule, Garfield ! Ferme-la un peu ! Tu veux quoi alors ?! Pour qu’on passe, tu demandes quoi ?!
_ Comme d’habitude, imbécile, on va garder le même tarif. Un Tatouage de Lord Crazy. Il faudra supporter jusqu’à la fin. Trouve-moi un autre matériel, je suis pas sûr que ton animal de compagnie puisse supporter la douleur.
_ C’est ton Prince qu’a pas supporté la branlée que je lui ai mise lors du Tournoi du Royaume des Chats. »
Ce fut moi qui avais parlé, et je m’en surpris presque. Alors comme ça, je ne méritais pas d’avoir de tatouages de Lord Crazy, je succomberais avant ? Ma phrase avait giflé en quelque sorte le Lord, qui se mit à sourire plus que de raisons, et il approcha son regard tellement proche du mien que je pouvais sentir nos fronts se frôler.
« Petite pédale, tu crois que c’est un haut-fait suffisant ?
_ Foutre la honte aux Lords qui croyaient dominer le Tournoi ? Bouaif, t’as raison, c’est pas si terrible que ça, en fait.
_ T’es le Ed Free, nan ? »
Il venait de se remémorer mon nom. Il me fixait, il me jaugeait, et j’avais même l’impression qu’il réfléchissait. En tout cas, c’était rare que quelqu’un n’écorche pas mon nom. Ce type était doué. Je ne savais pas comment il avait encaissé ma dernière réplique audacieuse, mais j’étais remonté à bloc. Lui et moi nous fixions pendant quelques secondes, et il cracha : « T’as massacré notre Prince ? Si tu te frottais un peu aux épreuves de mes aiguilles, voire si tu pourras aussi rigoler ? Je te préviens, pauvre merde, que si tu abandonnes, je cracherais ton nom à tous mes futurs clients et que je leur expliquerai comment je t’ai fait fermer ta gueule.
_ J’accepte, Crazy.
_ C’est Lord Crazy. »
, se retourna-t-il d’un geste fluide. Sa queue faillit me fouetter le visage au passage, un geste pas innocent. Fino sur mon épaule sourit et me dit que j’avais bien joué. Il revint à Crazy en jactant :
« Si Ed réussit l’épreuve, je passe aussi.
_ Rêve pas de la merde, idiote. Tu passeras que dalle. »


Fino l’insulta, évidemment, mais il me dit que finalement, ça ne changeait rien : on n’avait besoin que d’une personne pour aller chercher le fric. Je me grattai la tête, et sentis enfin le stress me faire comme un trou dans le ventre : il paraissait que Lord Crazy y allait pas de main morte. Mais vraiment, vraiment pas. Je déglutissais tandis que je m’avançais. Fino me dit de ne pas lui faire honte, et de penser à toutes les casseroles qu’on allait pouvoir acheter après. Tu parles d’une carotte. Moi, je pensais plutôt à la gloire que j’allais recevoir si Lord Crazy me tatouait. Ouais, ça serait énorme, ça. J’allais les montrer à Jacob chaque nuit qu’on se verrait. J’imaginais déjà les grosses couilles que je pourrais déballer devant les autres personnes maintenant.

Je rentrai enfin dans l’atelier de Lord Crazy : un rideau flottant découpait la pièce du reste de l’énorme hall. Je voyais des chaînes poindre au plafond, une table en bois, et sur des étagères, de nombreuses encres en flacon. Tandis que Lord Crazy farfouillait les tiroirs, il me demandait de me désaper le haut. Je m’exécutai, heureux de ne pas être une femme, et mis les vêtements en boule dans un coin. Il y avait un miroir dans l’atelier, mais le reflet qu’il me renvoya n’était pas très flatteur : des poils qui poussaient comme des mauvaises herbes sur mon torse, plutôt timides, et des muscles discrets. Cependant, je savais que ceux-ci étaient plus secs qu’on ne pouvait le croire : mes entraînements quotidiens les avaient peu gonflés, mais ce n’était pas si terrible que ça. Même s’ils faisaient penser qu’il n’y avait pas grand-chose à croire ici. Lord Crazy se retourna et me tendit deux bouteilles d’Encre presque vides :


« Tu veux quoi, poussin ? De l’Encre de la Vérité ou de la Revanche ? Faut que je les termine, là. J’hésite. »

Je n’avais personne sur qui me venger ; au contraire, beaucoup de personnes devaient rêver de posséder ce Tatouage pour me défoncer la gueule avec. Par contre, la Vérité m’intéressait beaucoup plus. Je ne m’étais jamais posé cette question : qui j’étais ? En fait, de la question et de la réponse, on s’en foutait. On se disait juste, « j’étais moi », puis basta. On savait quelles qualités on avait, quels défauts, notre comportement, et la somme du tout faisait très partiellement le moi. Mais avoir une véritable réponse, c’était extrêmement excitant. Je lui dis que je préférais avoir l’Encre de la Vérité ; il hésita légèrement, puis reposa avec sa queue le pot de l’Encre de la Revanche sur l’étagère.

« On va bien voir qui tu es, sale merde. Allez, lève tes bras. » Il m’accrocha avec des chaînes au plafond. Mes pieds ne touchaient même pas le sol, et pendu par les poignets, je vis Lord Crazy se mettre devant moi, avec le pot d’Encre près de lui, dans lequel il plongea sa longue griffe fine. « Tu vas pleurer ta mère.
_ Tu loupes pas ton Tatouage, hein ? Je veux un truc funky.
_ Petite merde... »
Il se rapprocha encore une fois de moi et sa queue commença à m’étrangler. Il avait un énorme sourire de dents pointues. « Je suis Lord Crazy, le plus grand Tatoueur de Dreamland. Si tu survis jusqu’à la fin, tu auras un tel chef d’œuvre sur le bide que tu me suceras tous les jours si tu le pouvais. Et tiens, tu sais pourquoi je veux te le faire au bide ? Parce que toi, je veux te voir souffrir. »

Il prit un rouleau de papier que je ne reconnus pas. Il me dit que la première étape, ça serait d’enlever mes poils de torse à la cire. Tous mes poils. Le Tatouage ne serait pas aussi grand, mais il fallait bien respecter l’homogénéité de pilosité. Le connard y alla pas de main morte. Deux minutes après qu’il m’eut posé les bandes sur le torse, le bas du ventre et aussi le bras, il me les arracha d’un geste sec. Ce fut douloureux, mais de là à dire que c’était insurmontable, il y avait un monde. J’avais tout de même serré les dents à chaque fois qu’une des griffes du chat m’enlevait une des bandes de cire. Je n’arrivais pas à voir jusqu’à quel point mon torse était vierge, mais je supposais que j’avais retrouvé une peau de bébé, maintenant. Je ne fis aucun commentaire, et commençais à me concentrer : la véritable douleur allait venir. Dès que Lord Crazy fut satisfait, il se lécha les babines, et je pus voir sa griffe briller à la lumière des bougies et s’approcher de mon torse.

Et là, oui, ce fut douloureux. Dire qu’avant, je me plaignais pour un vaccin. Là, la griffe était extrêmement fine, si fine que le sang ne coulait pas. Mais ça ne l’empêchait aucunement de mettre mes nerfs à vif. Une souffrance brutale, contenue dans une petite griffe, faillit m’arracher la langue sous le choc. Point important, je réussis à ne pas hurler, mais ce fut tout juste. Et ce n’était que le début. Mais si je hurlais, Fino le saurait, et ça lui ferait plaisir. Je pouvais sans peine imaginer ses petits yeux porcins fixer le rideau, et me voyait au travers en train de souffrir le martyre. Lord Crazy bougea sa griffe, lentement, très très douloureusement. La douleur qu’il taillait du bout de son ongle non seulement était toujours aussi vive, mais demeurait même quand la griffe s’en allait, voire s’étendait dans les alentours tel un poison lent. J’agitai des pieds au début pour faire disparaître la douleur, mais le Lord arrêtait de bouger tant que je faisais de même. Je compris bien vite le message quand sa griffe restait dans ma peau, immobile, et que je m’agitais comme un poisson hors de l’eau. Je devais maintenant endurer la douleur dans son ensemble.

Ce fut comme ça que Lord Crazy me charcuta, pendant cinq longues heures. En grand sadique et en grand professionnel, il ne prit pas une fois de pause, et je lui en étais reconnaissant : quitte à souffrir, autant que ça passe le plus rapidement possible. Je le voyais déjà regarder sa création en construction, patienter quelques secondes, avant de revenir comme un peintre dont l’inspiration revenait à toute vitesse. Ce fut un long travail, un très long travail. Je soufflais quand je pouvais, tentant de résister à la douleur qui prenait de plus en plus de place sur mon ventre. Il commença en-dessous du torse, et remontai petit à petit, englobant le mamelon, tout le poitrail droit, et petit à petit, il fit l’épaule, sur l’omoplate, et alla enfin au bras droit qu’il recouvrait de signe dont je ne distinguais rien. Je continuais à ne pas crier, même si Lord Crazy s’appliquait à faire hurler mes nerfs de concert. Pour bien s’occuper de mes bras accrochés à une chaîne, il resserra ces dernières pour être certain que je ne bougerais pas trop.

Comme je l’avais déjà dit, ce fut long, très long, d’autant plus que le Tatouage n’était pas petit : un tiers du ventre, toute l’épaule et même au-delà de l’avant-bras. Cependant, Lord Crazy était plus rapide que n’importe quel tatoueur, et il ne fallut que cinq heures pour terminer cette longue œuvre. Cependant, ça faisait longtemps que je ne sentais plus rien au torse. La douleur avait retourné toute autre forme de sensation, et je sentais du bois dans le meilleur des cas ; cependant, un simplement mouvement revigorait la souffrance comme si elle n’avait jamais disparu, et se superposait ainsi avec les dégâts causés actuellement par la griffe du chat. Et évidemment, c’était de pire en pire, tout s’accumulait. Rien que le début, c’était insoutenable, mais maintenant, c’était au-dessus de ce qu’on pouvait imaginer : une torture, tout simplement. Je me souviendrais toujours de cette sensation d’avoir atteint une douleur telle qu’elle ne pouvait que redescendre, et le désespoir quand je me rendis compte que non seulement elle ne disparaîtrait pas, mais qu’en plus elle augmenterait avec le temps. J’étais pris dans un étau bouillant de lave. Je me demandais comment je pourrais avoir plus mal, et la seule réponse qui me venait était de m’arracher une dent brutalement et de taper sur le nerf avec un pilon brûlant. Par un crétin de justicier shonen.
Imaginez, quoi.

Et c’était interminable : la douleur multipliait les secondes sans aucune honte, et chacune d’entre-elle que je parvenais à supporter était le fruit d’un long combat. Et à chaque fois, je me disais : c’est bon, il avait terminé, non ? Et nan, il passait à l’épaule, il remontait tellement qu’il passait derrière moi, et dès que je pensais qu’il avait terminé l’omoplate, il revenait au bras. Cependant, je parvenais à ne pas crier. Si c’était un miracle au début, mon corps s’était peu à peu habitué à ne pas hurler à la douleur, et je n’étais plus obligé de l’y obliger. Je pouvais lutter et me perdre dans la douleur de mon corps en flammes, et de plus en plus en sueur. C’était plus qu’éprouvant, comme si tous mes muscles étaient bandés sous le coup de la souffrance. Tandis que Lord Crazy était en train de me défoncer le biceps, il ralentissait encore son aiguille et me demandait :


« Alors ? On chouine toujours pas ?
_ Hein ? Ah si, excuse-moi. Aïe.
_ Petite crevure. »
, sourit-il en repartant de plus belle. Cette fois-ci, il me fit lâcher un « Aïe » sincère. « Tu vois quand tu veux.
_ Ouais, tu pourras te vanter que c’est tellement douloureux que même le grand Ed Free a dit aïe pendant un tatouage de cinq heures.
_ Et le sang qui coule de ta bouche, je pourrais m’en vanter aussi, petite burne ? »


Effectivement… depuis le début, je me mâchonnais la langue et les lèvres intérieures, mais les sursauts de douleur étaient si nombreux et vifs que j’avais depuis longtemps écorché ma langue et déchiré les deux lèvres. Je passais mon temps à avaler mon propre sang, à le sentir, et maintenant que j’étais ankylosé de partout, un filet de bave et d’hémoglobine coulait régulièrement de ma bouche. Lord Crazy enleva lui-même la salive rouge pour éviter qu’elle ne tombe sur le tatouage. Et je continuais à boire, à souffrir, à bouffer mes lèvres, et Lord Crazy continuait son œuvre. Pendant cinq heures de suite.

Et enfin, ce fut terminé. Enfin. Enfin…

« Et voilà, fumier. Maintenant, tu ressembles à quelque chose !
_ Quoi ? »
Ma voix était beaucoup plus faible qu’espérée. Presque sifflante. « T’as quelque chose à dire sur mon corps sculptural… ? » Lord Crazy éclata de rire comme il l’avait fait quand Fino lui avait demandé s’il passerait aussi alors que j’étais le seul tatoué.
« T’es un petit comique, ducon. Si tu fais pas jouir tes cageots, cherche pas la raison plus loin.
_ Va te faire enculer, Crazy.
_ Lord Crazy. Je vais te le répéter combien de fois avant que ton cerveau percute ? »


Il ne releva pas mon insulte ; peut-être que la petite excitation d’avoir terminé son œuvre apaisait son agressivité. Le miroir n’était pas bien placé pour que je puisse apercevoir mon Tatouage, mais Lord Crazy se dépêcha de m’envelopper dans du lin soyeux, englobant tout mon torse et mon bras droit. Je ressemblais à un blessé par balle qui avait le bras cassé. Quand il me retira les chaînes, je tombai sur le sol comme un bambin, ce qui arracha un autre éclat de rire au Lord. Je me relevai après une minute d’essai, et mes jambes tremblaient de l’expérience. Je ressemblais à un grand malade, et je ne pouvais plus pivoter le torse ou utiliser mon bras droit. D’ailleurs, quand j’essayais, je me gifler par la queue du chat.

« Bouge pas, pauvre con ! Reste immobile, au moins ton bras, fais pas de folie. Puis tu retires le bandage dans trois nuits.
_ Et sinon, il se passe quoi ?
_ Je te conseille de ravaler ta curiosité et de faire comme je dis. Maintenant, dégage de mon atelier, pauvre merde.
_ Je vous remercie.
_ T’as de quoi, ouais. Allez, dégage, je te dis. »


Et je partis en soulevant le rideau tandis que Lord Crazy rangeait son petit atelier. Fino, sans se soucier de mon état cadavérique, me demanda de rechercher la somme d’EV en passant de l’autre côté. Ce que je fis en traînant des pieds, avec le petit chat devant moi. La course la moins bandante de l’histoire de l’humanité…

__

Lord Crazy termina de ranger son atelier. Il jeta le pot d’encre de Vérité maintenant qu’il était terminé, et passa un coup de chiffon sur les chaînes. Il cracha dans un pot prévu à cet effet et sortit de sa petite pièce satisfait de lui. C’était un énorme travail. Une autre de ses œuvres allait se balader dans Dreamland, et la réputation allait rejaillir sur lui encore une fois. Le business roulait du feu de dieu. C’était pas ce Tatouage qui allait contrefaire ça. Il s’était bien appliqué, et si le travail avait duré plusieurs heures, au moins, ça en valait la peine. Dès que le blond crétin ouvrirait son bandage (et il avait plutôt intérêt à ramener du monde pour s’en vanter), il pourrait admirer son œuvre fait par l’Encre de Vérité. Un énorme labyrinthe lui couvrait le torse et une grande partie du bras droit : il avait des chemins sinueux, des virages, des culs-de-sac partout. Vers le début du labyrinthe, il y avait, formée par des couloirs, une tête de buffle minimaliste. Et pour terminer, sur le bras, toujours dessiné par les couloirs du labyrinthe, on pouvait apercevoir une tête de mort avec des lunettes de soleil et un joint entre les dents. Ce crâne concluait le labyrinthe, avec un dernier couloir sur lequel il y avait marqué : « Until the Death… ».


Lord Crazy retrouva le bébé phoque dans la salle d’attente. Il lorgna cette dernière rapidement pour voir s’il y avait d’autres clients, mais la salle était vide. A un petit trou du cul près. Le Voyageur semblait déjà parti autre part, certainement vers Félinia. Etonnant qu’il puisse encore marcher, vu à quelle vitesse il était sorti de la salle… Le pauvre allait certainement crever d’anémie en cours de route.

« Alors, Crazy, on n’a même pas réussi à le faire hurler ? T’as la patte douce, maintenant ?
_ Il a failli me claquer entre les pattes sans que je ne m’en rende compte, cet enculé. Il s’était bien bouffé les lèvres.
_ J’ai vu. J’ai rigolé. Il ressemble à quoi son Tatouage ?
_ Je l’ai fait à l’Encre de la Vérité.
_ C’est pas une réponse, abruti.
_ La prochaine fois que tu m’interromps, cafard, je te cloue à ma porte avec mon aiguille préférée. »
Lord Crazy lui expliqua rapidement l’œuvre qu’il avait faite, une fois qu’il eut forcé Fino à l’appeler LORD Crazy. A la fin de son explication, Fino railla :
« Je trouve que ça lui va bien. Et je parie qu’il est moche, ton Tatouage.
_ On doit pas avoir les mêmes goûts. En ce qui me concerne, je fais autre chose que sculpter de la merde comme toi.
_ J’espère que la bourrique va en apprendre quelque chose. J’appelle ça un putain d’avertissement. S’il fait pas gaffe, il va crever ou faire crever des gens autour de lui. Enfin, je m’en fous, c’est Maze qui va être content.
_ Tu l’as amené ici juste pour te faire mousser ?
_ C’était pas prévu à la base, mais ouais, c’est ce que je vais lui faire croire. En tout cas, si je comprends bien son Tatouage, il est pas dans la merde.
_ Ah bon ?
_ Secret Défense, Crazy. Si je t’en parlais, je me ferais décapiter aussi sec. »


Fino savait où se trouvaient ses intérêts, et ne voulait pas finir comme Clem. Mais il médita tout de même sur le futur conflit contre le Seigneur des Ombres. Ed allait certainement encore s’attirer des emmerdes. Le bébé phoque espérait qu’il serait là pour ramasser les miettes après avoir craché dedans.
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Le Tatoué, version Onirique

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