Alice, assise sur un banc, fixait ses mains gantées de mitaines sombres. Elle avait retrouvé la salle attenante à l'arène, celle qui l'avait déjà accueilli avant son premier combat et elle y retrouvait la même angoisse que la dernière fois. Son genou tremblait d'impatience et d'anxiété dans l'attente. Elle était passée en demi-finale et ce fait même la surprenait encore. Elle n'avait jamais été une grande combattante, même dans Dreamland. Elle pratiquait de préférence la fuite ou l'évitement stratégique plutôt que la bataille. Finalement, elle n'avait eu recours que deux ou trois fois à ses pouvoirs pour se sortir d'un mauvais pas, et ce dans des situations désagréables qu'elle n'avait pas cherché et où d'autres voyageurs l'avaient fourrée avec un plaisir presque sadique. D'ailleurs, quand elle y repensait, elle n'était ici que parce qu'on lui avait filé un obscur prospectus, suite à un enchaînement désastreux d'évènements malheureux incluant des trolls anthropophages et des feuilles de chou lumineuse. Elle secoua la tête, avant de l'enfouir entre ses mains, elle n'avait pas vraiment envie d'y réfléchir à nouveau, tout ce qu'elle voulait c'était en finir rapidement avec cette mascarade grotesque.

Elle tira son visage de ses paumes moites et croisa ses fins doigts sous son menton pointu, les yeux clos, redirigeant ses pensées vers le combat qui l'attendait. Elle allait affronter Megan Cole, une algophobe. Comme elle, elle tirait ses pouvoirs de la douleur et étrangement, ce fait précis semblait rendre l'invocatrice encore plus nerveuse. Elle était à la fois curieuse et impatiente de connaître cette personne, elle aurait même voulu lui parler, lui poser des questions, mais elle sentait bien qu'elle allait surtout passer cette rencontre à lui jeter (littéralement) des insultes au visage et à lui mettre son poing dans les côtes. Elle soupira lourdement, laissant tomber ses bras devant ses genoux et affaissant ses épaules. La lassitude n'aurait pas du être le sentiment principal en son cœur, étant donné les circonstances, mais pourtant c'était bien ce qui l'accablait le plus en cet instant. Elle n'ignorait pourtant pas qu'une fois les trompettes guerrières sonnées, une sorte de frénésie exaltante s'emparerait d'elle et que, malgré son caractère blasé, elle se battrait, comme mue par une force inconnue et vaguement effrayante. Qu'est-ce qui la poussait à faire de telles choses dans ce monde ? Son pouvoir ? Ou était-ce juste ce qu'elle était, tout au fond d'elle ? Une personnalité depuis toujours présente, mais qu'elle avait toujours ignoré, repoussé loin d'elle comme une idée malsaine et terriblement effrayante ?

Un nouveau soupir s'étrangla dans sa gorge lorsqu'une sonnerie stridente retentit dans la pièce, lui arrachant un sursaut. Il était temps, il fallait qu'elle se lève et qu'elle y aille. Chancelante, elle quitta son banc chaud pour avancer dans l'arène. Elle plissa les yeux sous les puissants projecteurs, fronçant son front et son nez en une moue douloureuse. Elle avança pas à pas, dans une lenteur mesuré. Les deux jeunes femmes se firent face, et bien qu'issues du même royaume, n'auraient su être plus différentes. La frêle et petite Alice, faisait d'autant plus pâle figure devant la dénommée Megan, plus grande, avec ses formes pleines et ses longs cheveux d'ébènes courant le long de sa nuque et de ses épaules en boucles soyeuses et rebelles, ces derniers encadraient un fin visage blanc qu'éclairaient deux yeux d'un bleu franc. C'était un contraste parfaitement saisissant, que la cadette assumait assez mal. Elle avait l'habitude, pourtant de sa petite taille et de son allure de spectre pâlichon, mais étrangement, cette fois, ça la dérangeait encore plus !
Par leurs natures et leurs apparences, elles étaient aussi semblables que complémentaires. Deux parfaits opposés, s'attirant et se repoussant. Plus elles s'approchaient l'une de l'autre et plus cette sensation semblait se faire claire, comme si leurs pouvoirs respectifs frétillaient, libérant une tension légère mais palpable, qui envoyait des frissons d'excitation et d'angoisse le long du dos d'Alice. Elle baissa les yeux et fixant le sol, tenta d'ignorer l'étrange impression, tandis que leur arbitre s'approchait d'elles. Elle en profita pour y reporter son attention et haussa un sourcil face au changement. Plus de grand blond à lunette, mais un garçon aux cheveux châtains en bataille, un air un peu déphasé dans sa pose comme dans son visage.

Pour une raison que son esprit un peu lent ne saisit pas, il évoqua l'absence de boue sur le terrain. En quoi était-ce malheureux qu'il n'y en ait pas ? La boue c'était gluant, visqueux, glissant, ça se collait dans les cheveux, sur la peau et les vêtements. En bref, c'était dégoutant et désagréable. Alors, pourquoi noter son absence comme un dommage ?
Elle n'eut guère le temps de se poser d'avantage de question sur cet étrange regret, à peine leurs deux mains furent-elles séparées, à la fin de ces présentations sommaires, que l'environnement se métamorphosa à nouveau. Quand le terrain apparut, Alice en eut le souffle coupé, tant ce nouveau décor était splendide. Des îles flottantes ! Des vraies, pas une émulsion de blanc d'œuf sur de la crème anglaise ! De gros cailloux aux sommets couverts de végétations suspendus dans les airs, entre d'épais nuages blancs à l'aspect cotonneux ! La jeune fille prit une longue inspiration, écartant les bras, pour calmer son esprit légèrement engourdi par le traque. Megan avait disparu et elle se trouvait désormais quelques parts, sur l'un de ces rochers volants. Quant à elle, de ce qu'elle pouvait voir, elle se trouvait sur une des deux îles principales, juste en face du pont de singe.
Son nouveau combat avait débuté, la boule au fond de son estomac pulsait doucement, envoyant une étrange énergie à travers son corps tremblotant. Cependant, une question demeura suspendue dans son esprit, alors que l'action prenait place dans ce paysage des plus enchanteurs :

"Qu'est-ce que je fous là ?"

Le réveil avait donc sonné et ramenant ainsi la jeune femme bien au chaud dans son lit. En sueur à cause des couvertures, elle se pensait encore dans ce foutu désert mais en ouvrant les yeux, elle comprit qu'elle était bien dans son appartement. Elle se redressa lentement et s'étira, laissant glisser le duvet sur son corps quasiment nu. Un frisson l'a parcouru et elle tourna les yeux sur le coté pour voir sa cafetière qui n'attendait plus que d'être mise en route. Se glissant ainsi hors du lit, elle contempla brièvement sa main et remua son bras: satisfaite comme à chaque fois de voir que ses blessures durant la nuit disparaissaient toujours le matin. Elle se leva donc et bailla bruyamment alors que son chat sauta de son hamac accroché au radiateur pour courir vers sa maitresse en miaulant. Le félin se frotta à ses jambes nues et elle se baissa pour le caresser un peu. Habillée simplement d'une nuisette, elle n'avait pas spécialement chaud et ce n'était pas trop son délire de passer la journée à poil ou presque. C'est ainsi qu'elle alluma la cafetière et se dirigea dans la salle de bain pour se rafraichir un peu le visage. Megan en profita pour se changer et enfiler une robe courte, à peine plus longue que la nuisette, et revint pour se servir enfin son café. Elle se laissa tomber dans le canapé et alluma la télévision pour enfin sortir son paquet de tabac, ses feuilles et ses filtres. Fin de mois difficile, donc elle en était réduit à rouler ses clopes pour subvenir à son manque de nicotine. Se jurant qu'un jour elle arrêterait, elle allumait sa sucette à cancer... Belle ironie n'est-ce pas? Son esprit vagabonda alors, elle repensa à sa nuit: Mirage Space, le tournoi des jeunes talents, le combat contre ce Alan Stain avec ses doubles. Les invocateurs, voilà un truc qui l'agaçait énormément! Se planquer derrière son pouvoir et le laisser tout faire pour minimiser les risques, on aurait dit des campeurs dans les jeux de tire. Enfin, son adversaire s'était très bien battu et il lui avait rendu la tâche difficile. L'algopobe ne devait sa victoire que sur la décision de l'arbitre et des juges car la fin avait été quelque peu... Bourrin?

En effet, le combat s'était déroulé dans une sorte d'illusion représentant un désert. Megan avait joué avec un chapeau mexicain et s'était donc battu. La fin du duel s'était terminé sur du corps à corps tout ce qu'il y a de plus conventionnel: juste de la force et de l'endurance, faisant abstraction des pouvoirs et des armes, sans oublier l'inutilisation de feintes ou autres tactiques. On pourrait croire que son ennemi, un mec, avait pensé à ça afin de gagner face à une jeune femme et pourtant... C'était son idée à elle. Se rouant ainsi de coups tels deux malheureux chiffonniers, c'était l'arbitre qui avait mit fin au massacre suite au dépassement du temps imparti. A ce moment là, elle ne réagissait plus que par instinct, par envie de gagner et elle eut d'abord du mal à remarquer le changement de décor ou à entendre la voix de ce type. Elle entendit alors la foule de spectateur qui hurlait son prénom et elle comprit enfin ce que cela voulait dire. Elle n'eut cependant pas le temps de discuter avec son adversaire, histoire de lui dire qu'elle avait aimé ce combat même si son état disait plutôt: j'vais crever si je m'allonge pas rapidement. Le réveil avait sonné quelques minutes plus tard...

La journée fut comme beaucoup d'autre: monotone à souhait, glande, télévision et un passage sur internet. Elle eut même un appel de son frangin pour lui dire qu'il échangeait sa place pour le travail car sa copine n'était pas disponible le soir même. Megan accepta, ça lui faisait un jour de repos en plus alors pas de quoi gémir. Elle se dit que le hasard faisait bien les choses: ainsi elle pourrait se coucher tôt et arriver à Mirage Space pour son prochain duel. De ce qu'elle avait entendu, il y avait une autre algophobe et apparemment, elle allait l'affronter. Intéressant, très amusant même. L'autre fille était invocatrice, encore une. La grande question, c'était savoir ce qu'elle invoquait. Megan pensa à faire une sieste dans l'après midi pour aller voir Pijn et le questionner. Sauf que son seigneur n'allait surement pas lui parler de ses soldats... Et quand bien même lui dirait-il, cela ne l'aiderait pas à gagner. Juste à éviter les mauvaises surprises et encore. La brune s'imagina donc affronter une fille qui invoquait des engins de tortures hybrides capable de penser et agir seuls, rien que l'idée la décourageait. Elle passa un bon moment à jouer avec Ezio pour se passer le temps et ne pas trop réfléchir. Elle commanda aussi une pizza pour le diner car elle avait une flemme incroyable de cuisiner...

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Et enfin, le retour dans le royaume des fans de la guerre des étoiles. Sauf que cette fois, elle était déjà dans ce qui servait de Colisée pour le tournoi. Habillée de la même robe noir qui lui arrivait à mi-cuisses, le haut était plutôt bien décolletée mais elle portait un petit gilet gris par dessus et surtout: un leggins noir légèrement transparent. Au moins sa tenue ne la dérangerait pas pour se battre ou bouger. Sans oublier des bottines. Elle s'installa donc dans un coin en attendant le début des hostilités. Ses doigts pianotaient nerveusement son genoux et elle lançait des regards ici et là pour voir les gens, s'attendant à voir son adversaire se pointer. Discuter avec avant le combat lui disait bien, restait à voir si l'autre serait d'accord... Mais pour dire quoi? Algophobes, donc dans le même bateau, mais elles étaient aussi ennemies le temps d'un stupide tournoi. Megan avait le chic pour se mettre dans la merde, elle le savait et pour une fois, elle était venue se mettre dans les embrouilles toute seule, juste pour voir si elle était capable de gagner. Un petit challenge pour tester ses capacités en somme, le problème c'était qu'elle détestait perdre et donc, elle allait probablement un peu trop en faire pour y arriver, quitte à se surmener. Encore heureux, il était interdit de tuer mais ça voulait aussi dire qu'elle devait faire attention à ne pas aller trop loin. Une bonne galère quoi...

Au bout d'une vingtaine de minutes, d'autres participants arrivèrent. Elle aperçu la fille qui semblait un peu stresser et pas vraiment à l'aise. Megan hésita à aller lui parler, mais elle estima que ce n'était pas une bonne idée: qui sait comment l'autre réagirait? La serveuse attendit donc dans la petite salle qu'on l'appel et elle s'ennuyait à mourir. Le public allait probablement aimer: un combat de filles, deux algophobes, on allait avoir droit à un paquet de mecs en rûtes venu voir deux filles se battre de façon ultra sexy. Quoique, la nuit précédente elle avait montré son coté brutal et les spectateurs pouvaient s'attendre à ce que cette nuit soit identique. Le combat en bikini dans la boue serait pour une autre fois. Bizarrement, elle pensa aussi que l'arbitre ferait surement une blague dans ce gout là. Et on l'appela enfin ainsi que son adversaire: Alice Sauvebois. Du coin des yeux, elle observa la fille pour la jauger un peu avant le début du match: plus petite qu'elle, des lunettes, des cheveux biens plus lisses et soignés mais surtout d'un blond incroyablement clair tirant presque sur le blanc. L'une invocatrice, l'autre contrôleuse, une blonde, une brune: c'était probablement le jour et la nuit ces deux filles... Alice faisait plus chétive et moins hargneuse que Meg' mais à Dreamland, les apparences sont trompeuses, chose que la brune avait comprit depuis un moment déjà. Après, elle était invocatrice, donc sa force brute ou sa résistance n'était pas vraiment son fort, c'était son pouvoir le plus important. Bordel, elle détestait les invocateurs! Son premier ennemi Voyageur avait été un invocateur de satanées marionnettes: insensible à la douleur les trucs! Forcément! Elle pensa machinalement à Clem et fit un sourire: l'agoraphobe lui avait quand même sauvé la peau ce coup là. Elle se demanda comment il allait et ce qu'il pouvait faire en ce moment. Peut-être était-il dans le public? Enfin ce n'était pas le moment de penser à ça...

L'arbitre salua la foule et déclara les demi-finales ouvertes. Il fit une blague sur l'absence de boue pour ce combat ce qui fit sourire la contrôleuse: prévisible ce mec, vraiment prévisible. Il expliqua ensuite que l'arène serait des îles flottantes, sans la crème, forcément. Il aimait vraiment les blagues ce mec, au moins avec lui, on ne devait pas s'emmerder les nuits. Les deux jeunes femmes se serrèrent la main pour se saluer. Le contact fut étrange pour Megan: elle sentit des fourmis lui courir sur les doigts, la main puis dans tout l'avant-bras. Une sensation de douleur ou de gêne rien qu'en touchant l'autre fille. Les deux étaient liées par la douleur et leurs pouvoirs devaient "entrer en résonance" en s'approchant ou en se touchant. Elle pensa que ça pourrait servir de détecteur durant le combat: si elle sentait des picotements, c'est que l'autre n'était pas loin. Sauf que à part une étrange sensation en s'approchant, elle n'avait rien sentit avant de la toucher: niveau détecteur, on faisait mieux. Cette histoire d'îles flottantes l'intriguait pas mal et elle avait hâte de voir ça. Justement, le décor changement d'un coup. Megan perdit l’équilibre et faillit plonger en avant quand le sol sous ses pieds se mit à bouger rapidement pour emporter la jeune femme bien loin de son adversaire. Le sol se stabilisant de nouveau, elle partie cette fois en arrière mais ne tomba pas. Poussant un juron, juste pour la forme, elle contempla ce chef d’œuvre onirique qui venait d'apparaitre rien que pour elle et Alice.

Elle était dans les nuages, tout autour d'elle n'était que vide et brume humide. Sous ses pieds, une petite île d'environ quatre mètres de larges. Elle s'approcha du bord et jeta un regard en bas pour voir que le sol n'existait plus. Passant sa main dans ses cheveux, elle se dit qu'il aurait été plus sage de les attacher pour se battre. Elle vérifia que sa canne en sucre était à sa hanche, accrochée à sa robe ou plutôt collée, puis elle recula de plusieurs pas. L'île suivante devait être à quelques mètres, avec un peu d'élan, elle pourrait sauter et tomber dessus vue qu'elle était plus basse que cella où elle était pour le moment.

"D'abord le désert, maintenant le ciel. Pour la finale, je parierai sur un fond marin avec en prime des monstres pour ajouter enfin une petite difficulté. Ironisa-t-elle. Enfin... Trouvons donc cette petite Alice pour commencer!"

Excitée comme une puce à l'idée d'affronter une "collègue", elle n'attendit pas plus longtemps et bondit de son île pour se diriger vers la prochaine qui était nettement plus grosse. Elle sauta dans le vide, repliant les jambes pour tendre les bras afin de prendre une pause trop-classe-qui-déchire-tout, fallait penser au public et faire le show quoi! L'atterrissage fut moins classe, elle glissa sur le sol et finit dans un roulé boulé pour se relever tranquillement. Où aller? Il y avait une sorte de petit pond un peu plus loin pour mener sur un autre caillou flottant et sinon, elle pouvait sauter sur un autre, plus petit et plus bas. L'option de grimper semblait la moins débile pour le moment. Voir s'il faisait meilleur en haut comme on dit. Megan se dirigea donc tranquillement vers le pond tout en jetant des regards autour d'elle. La nuit allait tourner dans un jeu de cache-cache géant avec l'obligation de faire des acrobaties pour amuser le public. Un foutu ring de boxe aurait été tellement plus simple mais les organisateurs devaient trouver ça trop nul, elle se doutait qu'ils voulaient en mettre plein la vue et montrer à quel point ils pouvaient être imaginatifs.

Le fil, le lien, le pont. Nous pourrions disserter longuement sur les valeurs symboliques de ces mots, des notions qu'ils impliquent et de leurs significations diverses, variées et ô combien poétiques, dans le cœur Hommes. Ces derniers ayant la fâcheuse et désagréable tendance à voir des connexions où il n'y en a pas, le tout pour en ajouter encore et encore jusqu'à constituer des pelotes de laine immonde de couleur plus ou moins dégueulasse. Pourquoi, vous demandez-vous, ce narrateur suave vous parle de ces choses maintenant ? Quel est le rapport avec la situation présente ? Avec le combat à venir de notre protagoniste préférée ? Si ce n'est le pont de singe située juste en face d'elle, actuellement traversée par son adversaire, aucun. Mais en vous bassinant avec ça, voila que ce conteur des plus taquins s'offrent le luxe indécent de quelques lignes qui vont juste servir à combler le manque d'action honteux de la scène à suivre. Vous êtes prêt, cher gentil lecteur dont la patience d'ange ravirait même la plus sèche des personnalités ? La voici, vous l'attendiez, c'est le premier assaut de ce combat redoutable ! C'est parti !

Alice se tenait face au gouffre, devant elle, un fin pont de corde se balançait régulièrement. Au delà du vide, les nuages, diffuse brume immaculée, cachaient de son regard myope l'autre côté de l'immense fossé. Seul un brouillard blanc dansait au dessus du vide, quand soudain, en équilibre sur les fils pâle reliant les îles flottantes, une silhouette sombre se dessina, découpant des formes de plus en plus distinctes. Plissant ses yeux clairs, la jeune femme put finalement identifier l'ombre comme étant celle de l'autre algophobe. Pas qu'il y'eut d'autre option, se dit-elle après coup, Megan devait être la seule présence autre que la sienne en ces lieux virtuels. Cette dernière avant donc choisi de traverser le pont. Un choix audacieux, mais tactiquement plus qu'incertain. Pourquoi, me diriez-vous ? Eh bien simplement parce qu'il était fait de corde et que ces dernières se coupent, se détruisent, se pulvérisent, en bref, s'annihilent plutôt facilement, surtout quand on a à sa disposition deux armes à feu dont une aux tendances plutôt explosives.
Fixant la jeune femme au dessus du vide avec calme, Alice roula doucement ses épaules et laissa sa nuque craquer très légèrement. Elle leva son bras devant, perpendiculaire à son corps, côté gauche, ses doigts frémissaient dans l'air frais alors qu'un soupir s'échappait de ses lèvres. Le temps semblait ralentir, presque se figer, suspendu dans l'espace en une tension délicieuse, comme la peinture d'un maître, une photo vieillie, un peu floue. Puis, tout retomba et le silence se déchira sous sa voix claire, un mot éclata dans les airs, chantant, étrangement amical étant donné la situation :

"Bonjour !"

Immédiatement, deux formes se dessinèrent entre ses doigts fins. Bonjour et Au revoir fermement calés au fond de ses paumes, les canons brillant d'un éclat menaçant sous le soleil pâle. Un sourire fendit le visage de la jeune femme quand elle pointa son arme la plus imposante vers les attaches du pont. Aucune hésitation dans ses mouvements, aucune perte de temps, elle n'avait même pas cherché à inquiéter Megan outre mesure en exagérant ses gestes. Non, elle avait levé le bras avec nonchalance, et sans plus attendre, avait tiré. La détonation explosa dans les airs avec force, projetant un peu de poussière sur l'invocatrice qui cacha son visage derrière ses bras frêles. Mais le résultat était là : plus de pont, plus de brune. Avec prudence, Alice s'approcha à quatre patte du bord de son rocher flottant pour jeter un coup d'œil dans le vide et sans avoir peur de ce dernier, son petit cœur bondit malgré tout dans sa poitrine en se sentant si proche des nuages. Elle recula un peu précipitamment, atterrissant sur ses fesses se faisant. Elle secoua la tête, pas très sûre de ce qu'elle avait vu ou pas... Peut-être devrait-elle rejeter un coup d'œil ?

Le pont sectionné bascula entre les nuage, emportant avec lui la sombre et féminine silhouette. Alice attendit quelques minutes, penchée au dessus du vide, mal à l'aise. Aucun glas ne sonna, le décor ne disparut pas non plus et le comique qui leur servait d'arbitre ne dit pas un mot. De ces observations, l'invocatrice ne pouvait tirer qu'une seule conclusion : son adversaire était encore en vie. Elle pinça les lèvres puis remonta ses lunettes du bout de son majeur, contrariée. Non seulement elle n'avait pas péri dans sa chute, mais en plus le balancement des cordes encore accrochées à la rive d'en face, l'avait mené hors d'atteinte de ses armes, ou même hors de son champ de vision. Elle se releva prudemment, avant de se diriger vers la végétation qui poussait au milieu de l'île, cherchant à se mettre ne serait-ce que vaguement à l'abri d'un assaut éventuel, le temps de réfléchir à une stratégie, ou au moins à ce qu'elle pouvait faire en attendant.

Sur le pont, Megan n'avait pas essayé de l'attaquer, elle ne s'était pas envolé, n'avait même pas tenté la fuite. Par conséquent, on pouvait naturellement supposer sans trop risquer une regrettable erreur, que cette dernière ne disposait pas de technique à distance, ou de pouvoir lui autorisant de défier la pesanteur, de se mouvoir à une vitesse impressionnante, ou, globalement, toute capacité qui aurait pu lui permettre de ne pas subir le glas d'une chute entre les nuées célestes. Par conséquent, la meilleure solution à adopter serait une position en hauteur, le plus haut possible, de sorte à pouvoir frapper rapidement et par surprise, tout en ayant plus de facilité à tenir la brune à distance. Sans parler que le nombre de rocher flottant susceptible de la réceptionner en cas de chute augmenterait avec la hauteur. Il fallait qu'elle bouge et vite. Car une fois blessée, elle risquait d'avoir plus de mal à se déplacer d'île en île et grimper était toujours plus compliqué que de descendre. Surtout dans le cas présent.

Un lourd soupir s'échappa de ses lèvres, alors qu'elle sortait des buissons, jetant de rapide regard tout autour d'elle pour s'assurer qu'aucune mauvaise surprise n'allait lui tomber sur le coin de la face. Prudente, elle se dirigea vers le bord du gouffre et commença à en faire le tour, à la recherche d'un passage quelconque. Le caillou volant n'était pas bien grand et elle eut tôt fait de découvrir une plateforme absolument minuscule qu'elle pouvait atteindre sans mal d'un bond. Cela aurait été très simple et tout à fait dans ses cordes, si seulement elle ne sentait le vide et le vent juste sous elle. Son instinct d'être humain, créature absolument merveilleuse à bien des égards mais dépourvues d'aile, lui chuchotait qu'il ne fallait pas tenter le diable et rester sur le plancher des vaches. Sa raison, ô combien contrariante, lui disait que si elle voulait gagner sans en prendre plein la biscotte, il fallait qu'elle bouge, d'autant plus que si elle tombait, au moins, sa défaite serait rapide et sans détour. Mordillant sa lèvre inférieur, elle serra ses poings gantés. Elle préférait nettement le terrain précédent. Certes, il était bien moins joli, mais il était aussi beaucoup moins dangereux ! Saleté ! Encore un évènement dans Dreamland qui avait plus que probablement était organisé par des sadiques !

Elle prit un léger élan, et sauta sur la roche d'en face, atterrissant dans un léger nuage de poussière, saine et sauve. Elle sentit son corps tout secoué par l'adrénaline, ses mains tremblaient et elle sentait ses jambes fourmillaient. Pourtant, il fallait encore qu'elle avance par bond, d'un rocher à un autre, la plupart à peine assez grand pour accueillir ses deux pieds pourtant petits, d'autres ayant l'étrange particularité de s'enfoncer dés qu'elle s'y posait, comme un nénuphar dans une mare. Le tout rappelait singulièrement un jeu de plateforme avec un personnage particulièrement handicapé, mais Alice, entièrement novice en la matière, n'aurait su faire le rapprochement. C'est ainsi qu'elle arriva un peu essoufflé et toute tremblante, une île de taille moyenne, un peu au dessus de la principale. Ce n'était pas grand chose, mais c'était déjà ça. Malgré sa fatigue, elle prit tout de même le temps de s'abriter dans un petit buisson, profitant de sa taille modeste et de sa carrure de crevette anorexique pour s'y glisser sans mal, à l'abri des regards indiscrets.

Attendre que l'ennemie meurt de vieillesse ou se décider à aller lui botter l'arrière train. C'était un peu l'impression que devait donner Megan au public en restant adossée à son rocher. Elle tira une longue bouffée dans sa sucette à cancer et décida enfin de se relever. Elle souffla lentement la fumée par le nez et jeta son mégot dans le vide. D'un rapide coup d’œil, elle fit un état des lieux pour se trouver un itinéraire sympathique à prendre afin de gagner en altitude et de retrouver la petite binoclarde. Durant le combat contre Alan, elle s'était presque plaint du terrain: un simple désert avec des cactus, car elle avait trouvé ça trop sobre. Cette fois, elle se plaignait car le terrain était trop travaillé et un peu chiant pour elle. Elle pouvait bondir d'un caillou à un autre comme les jeux qu'on trouve sur les portables mais bon, cela ne l'aiderait pas forcément à trouver sa cible et se battre. Reste qu'elle n'avait pas vraiment d'autres solutions pour le moment... Encore une nuit bien chiante et galère comme elle en avait l'habitude: à croire qu'on s'acharnait à lui pourrir la vie. Mais pour une fois, nous ne nous attarderons pas sur le passe temps préféré de l'algophobe: se plaindre que ses nuits sont à chier. Et donc, nous enchainerons directement sur la suite de ce combat, cette partie de cache-cache (rayer la mention inutile). Un chemin en tête, elle voyait déjà par où passer et évaluait les risques d'être aperçue, de se louper ou encore de tomber et fatalement: de perdre sur une erreur stupide.

Elle sauta à pieds joints et retomba sur un petit îlot d'un mètre d'envergure. Le choc de son atterrissage fit trembler la roche et la brune réalisa que le caillou se déplaça un peu en perdant petit à petit de l'altitude. Comme quoi: son poids arrivait à influencer le flottement des îles. Et NON, Megan n'est pas si grosse que ça! Bande de mauvaises langues! D'un autre bond, elle se retrouva sur une autre plateforme qui perdit également de la hauteur dés qu'elle fut dessus. Maudissant d'avantage cet endroit, elle continua de sauter d'un caillou à un autre pour enfin bondir dans le vide, les bras en avant donnant l'impression qu'elle comptait plonger dans le vide pour abandonner.

Ses mains saisirent une liane qui pendait d'une île bien plus grosse et en hauteur. Effectuant alors une rotation autour de l'immense rocher, la jeune femme poussa un hurlement pour se la jouer en mode Tarzan. Au moins, même si elle ne se battait pas pour le moment, elle s'éclatait plutôt bien et peut-être que cela aurait au moins l'utilité d'amuser le public. Ses pieds heurtèrent la parois et elle tira sur ses bras pour escalader. Encore une ascension à faire, elle se dit que à ce rythme, elle pourrait se trouver un club d'escalade dans l'autre monde pour s'améliorer et au moins, elle aurait déjà un peu d'expérience. Tirant sur sa liane, poussant sur ses jambes, il ne lui fallut que quelques minutes pour arriver en haut du gros caillou volant, elle se hissa ainsi sur le rebord et réalisa que sa liane était en fait la racine d'un arbre incroyablement grand. Du haut de son perchoir, elle scruta les îles en contre bas et fut satisfaite de la vue; d'ici elle avait une vue quasiment imprenable et bordel qu'est-ce que c'était beau! Enroulant la racine autour de son poignet, elle se pencha au dessus du vite pour mieux regarder en bas: elle voyait l'île sur laquelle il y avait eut jadis un pont et à bien y regarder il ni avait aucune trace de Alice. La petite devait être partie ailleurs et restait donc planquée pour le moment. De son point de vue, elle tentait de voir le chemin qu'avait pu prendre son adversaire: il y avait plusieurs petits cailloux dans un coin qui pouvaient servir de support pour amener à une autre île mais rien ne prouvait que Alice ait pu passer par là.

Poussant un soupire, la contrôleuse tira sur son bras pour s'éloigner du vide et fit volt-face. Elle tira sa canne de sa ceinture, la fit tourner dans sa main et observa un peu ce qu'il y avait sur son imposante plateforme qui faisait une bonne dizaine de mettre de rayon quoique, elle n'était pas très douée pour évaluer les distances donc son jugement était peut-être exagéré ou minimisé. Il y avait pas mal de végétation: des herbes hautes d'un mètre, des arbres mais tous bien plus petit que l'immense au bord du rocher, celui-ci prenait bien un quart de l'île au vue de son gabarit. Il y avait également plusieurs rochers ici et là... Megan réfléchissait pour trouver s'il y avait quelque chose d'utile. Elle pourrait probablement utiliser l'endroit à son avantage en cas de conflit avec l'ennemi, restait encore à voir si Alice tenterait un face à face ou se contenterait d'attaquer de loin pour prendre le moins de risques possibles... Bizarrement, la brune se doutait que l'autre ferait tout pour garder une certaine distance afin d'avoir l'illusion de garder un hypothétique avantage. Même la contrôleuse n'avait aucune capacité jouant sur la distance, elle était loin d'être conne -allez, dites le contraire: je sais que vous en avez envie- et elle trouverait une solution pour s'en sortir...

Finalement, elle se retourna pour s'appuyer contre le tronc de l'arbre et jeter un regard en bas afin de voir si l'invocatrice se déciderait à sortir de son trou à rats. Et non, Megan ne cherchait pas à se cacher, elle restait en évidence pour attirer l'ennemi afin de pouvoir se battre et cesser de jouer au jeu du chat et de la souris. C'était pas forcément une bonne idée: l'autre avait montré qu'elle était douée dans les coups fourrés ou qu'elle avait en tout cas un penchant pour les actes fourbes et désespérés, mais il fallait prendre des risques pour gagner...

L'instant lui rappeler étrangement quelques souvenirs d'enfance et les parties de cache-cache trépidante qu'elle avait eu l'occasion de faire maintes et maintes fois. Elle se souvenait encore de sa respiration saccadée, haletante, au fon de l'armoire sombre, un rai de lumière glissant entre les deux portes entrouvertes jusqu'à ses pieds nus, ses yeux de fillette écarquillée dans l'ombre douce, parfumée à l'extrait d'anti-mythe. Oui, ce moment lui rappelait ces jeux insouciants et inoffensifs. Sauf qu'actuellement, elle ne faisait rien de la sorte et la peur qui lui tenait au ventre, comme un poids lourd et pesant au fond de ses entrailles, lui rappelait sans cesse le danger auquel elle s'était exposée de son plein gré. Tapie dans l'obscurité des fourrés, comme un petit animal terrorisée, elle patientait, silencieuse, observant les alentours avec précaution, évaluant les possibilités que le terrain lui offrait. L'île sur laquelle elle s'était arrêtée afin de reprendre son souffle était de taille moyenne, peu accidentée et pourvu d'une végétation assez rase, à l'exception d'un grand arbre poussant légèrement de guingois sur l'un de ses bords. Pour le moment, aucun signe de vie sur ce caillou, cela lui laissait le temps de grimper encore un peu dans les hauteurs. Seul obstacle à ce projet, aucune plateforme n'était assez proche d'ici pour qu'elle puisse y sauter sans courir de trop grands risques. Il y'en avait bien une pas trop éloignée, mais après tant de bond, elle se sentait lasse et doutait sérieusement de ses capacités à sauter si loin sur un rocher flottant d'une taille si modeste. Elle devait trouver autre chose.

Sans un bruit, elle se dirigea aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient à l'ombre du vieil arbre, ce dernier disposait de branches basses facilitant l'escalade de son tronc tortueux. Les yeux d'Alice parcoururent sa silhouette tordue, glissant le long de l'écorce et de chaque branche, avant d'apercevoir, proche du sommet, un accès possible et efficace vers les étages supérieurs du terrain. Ses lèvres s'écartèrent en un sourire satisfait, puis elle entama la montée avec précaution. Les branches étaient sèches et elle les sentait plier sous son poids au fur et à mesure qu'elle progressait parmi le feuillage. Soudain, dans un craquement sinistre, le bois craqua. La jeune femme poussa un bref glapissement avant de se rattraper prestement au végétal, pour se hisser en tremblant dans une position plus stable. Elle s'assit, le dos appuyé contre le tronc, ses membres pendant le long de son corps. Elle avait eu peur, mais elle s'en tirait à bon compte, son seul souci était que, désormais, si elle tombait, elle ne pourrait plus remonter, la branche qu'elle avait cassée permettant de rejoindre deux parties assez éloignées de la frondaison.

Elle soupira lourdement, quand elle aperçut enfin , juste sous elle, Megan qui arrivait péniblement. Une moue contrariée s'afficha sur son visage, quand une idée traversa son esprit, lui offrant une intéressante perspective à exploiter quant à son prochain assaut. D'une pensée, elle révoqua les deux armes qu'elle avait attachées à sa ceinture. Un large sourire narquois fendit son visage et elle interpela la demoiselle d'une voix claire, d'un ton bien trop concerné pour être innocent :

"Pas trop fatiguée ? Ca va ?"

Elle regarda en gloussant l'algophobe s'agitait en la cherchant autour d'elle, avant de relever finalement la tête pour l'apercevoir quelques mètres plus haut, juché sur une branche, elle et sa désagréable mimique.

"Oui, je suis là-haut. Alors ? On a aimé mon petit cadeau de bienvenue ? On a bien fait Tarzan avec la cocorde ? Dommage que tu t'en sois tirée, cela dit, ça nous aurait épargné à toutes les deux bien des désagréments et je ne suis pas très fan des solutions violentes, elle fit une pause, un instant, comme réfléchissant à ce qu'elle allait dire. Tu crois que tu pourrais te jeter dans le vide ?"

Elle rit à gorge déployée. Elle n'avait pas vraiment d'idée fixe, ni de stratégie définit. Mais ce qu'elle pouvait faire, c'était l'énervée, activant du même coup son pouvoir tout en déconcentrant la brune. C'était son seul but. C'était bas, vicieux et indigne, mais elle s'en fichait éperdument. Elle soupira, haussa les épaules et reprit :

"Dommage. Enfin, une belle petite idiote reste une belle petite idiote. Tu n'y peux rien, je suppose."

Quel intérêt avait-elle de participer à ce tournoi? La soif de gloire, de célébrité? Non pas vraiment, ce n'était pas ce qu'elle cherchait. Le dépassement de soi, repousser ses limites? Non, elle les repoussait suffisamment souvent avec ses emmerdes, son pouvoir et ce chaque nuits, inutile donc d'enchérir d'avantage. Alors pour quelle raison? L'épanouissement personnel: ressentir l'adrénaline, se sentir vivante et surtout se défouler sans se soucier des conséquences. Oui, tout ça pour avoir le droit, ne serait-ce qu'un instant, d'être insouciante. Oublier les soucis du quotidien, oublier ses responsabilités pour n'être qu'une arme dirigée par l'envie encore et toujours de se battre, de se relever et de ne jamais abandonner. Sauf que là, le combat tournait à la prise de tête: chercher son ennemi pour enfin engager la bataille. C'était plus frustrant que défoulant pour l'instant et elle en regrettait le combat précédent. Face à Alan, cela avait été simple: foncer comme une idiote, insulter l'ennemi, cogner et surtout se faire cogner. Et comme si les emmerdes ne venaient jamais seules, son adversaire était encore une putain d'invocatrice! Elle se demanda s'il était possible de faire une pétition pour demander à ce qu'on arrête d'engendrer ce type de Voyageur, on en voyait partout et ils pullulaient dans tout Dreamland. Toujours adossée à son arbre, elle avait pensé y grimper mais elle avait suffisamment jouer à Tarzan et n'avait pas envie de s'ajouter encore un souci comme: tomber de haut pour se briser les os. Elle tenta donc de se calmer, prenant une longue inspiration et contemplant le paysage. La vue était superbe, si elle n'était pas en combat ou du moins à un truc qui y ressemblait de loin, elle aurait adoré prendre le temps de s'assoir et d'observer les îlots flotter paisiblement dans ce ciel magique et créé de toutes pièces. Sauf qu'elle n'était pas là pour ça, malheureusement. Elle se demanda aussi ce que les spectateurs pensaient de ce pitoyable affrontement qui était aussi violent qu'un film à l'eau de rose. Oui, on devait avoir envie de pleurer en pensant qu'on avait payé sa place pour assister à un truc pareil.

C'est alors qu'une voix sortit Megan de ses pensées. La voix d'une fille, presque celle d'une gamine qui tentait de faire un peu d'ironie en s'inquiétant de l'état de la contrôleuse. L'algophobe tourna les yeux à gauche, puis à droite: personne. Elle comprit alors où était l'autre binoclarde: dans l'arbre, levant ainsi la tête, elle aperçu la gnome sur son perchoir qui la fixait avec un sourire triomphale. Et quoi? Elle se sentait pour la première fois de sa vie grande et Megan eut presque envie de la laisser se délecter de cet instant, se disant qu'elle pouvait au moins lui accorder un peu de pitié et la laisser se masturber mentalement. On était dans la situation d'une fable très connu et il restait donc juste à attendre que maitre corbeau soit suffisamment flatté pour fauter. Chose dont la brune ne doutait pas un instant: à vouloir jouer l'intéressante, se prendre pour la plus intelligente et la plus forte, on finit toujours par s'en mordre les doigts. Et justement, Meg' était habituée à se mordre les doigts pour avoir fauté. Sauf que pour une fois: elle se sentait incroyablement calme, sereine, comme si cette petite aussi chiante soit-elle, n'avait aucune influence sur elle. La raison? Un sentiment de supériorité venu d'on ne savait où qui gonflait la brune de confiance. Liées les deux à la douleur, Alice était une invocatrice, de ce fait, elle pouvait sourire autant qu'elle voulait mais son endurance et sa résistance étaient des plus ordinaires, elle pouvait se targuer d'être algophobe, elle n'en restait pas moins une fille comme les autres juste capable d'utiliser des armes à feu. Et la petite enchaina sur un monologue, continuant dans sa masturbation pour dire qu'elle espérait que Megan ait apprécié son cadeau de bienvenue, demandant aussi si elle avait aimé jouer à Tarzan avec ne corde. Elle nota la façon idiote de parler de la corde, comme si l'autre s'adressait à une enfant. Alice disait avoir espéré qu'elle tombe afin de solutionner le problème, se disant très peu portée sur la violence. Elle marqua une pause et demanda si la contrôleuse n'avait pas envie de sauter dans le vide pour terminer ce combat. Sous entendant donc qu'elle était si forte, si classe, si incroyable que le résultat de ce combat ne faisait aucun doute. Avec une légère pointe d'agacement, Megan s’apprêtait à répliquer quand elle prit alors un objet sur le haut du crâne. Un canard jaune et pas un qu'on donnait aux enfants durant le bain: un satané sexe toy! L'objet disparut aussi vite qu'il était apparu et la jeune femme se demanda bien ce qu'il s'était passée. Lançant alors un regard noir à Alice, elle afficha alors un sourire pour cacher le fait de sa surprise ou encore qu'elle avait été un peu vexée.

"J'avoue que ce combat, aussi incroyable et epicness soit-il à tes yeux, serait bien plus simple si je me jetais dans le vide. J'y ai songé en effet... Elle haussa les épaules. Mais au vue de ton incroyable sens de la stratégie et de ton intellect... Je me dis qu'il serait dommage de gâcher ton sentiment de supériorité et de te laisser le loisir de m'écraser par ta badasse attitude!"

Le modèle réduit d'un être humain enchaina sur le fait qu'une belle petite idiote, restait une belle petite idiote. Sur ce point, Megan était d'accord avec elle: une gnome binoclarde stupide n'allait pas devenir une bombe sexuelle possédant en plus un quotient intellectuel incroyable. Mais elle n'en dit rien. Elle ne voyait pas l'utilité d'engager une joute verbale ce qui normalement était son jeu préféré. Là, elle avait une autre idée en tête et comptait plutôt réfléchir pour une fois. Ouais, Megan qui réfléchit c'est aussi fréquent qu'une pleine lune au milieu de la journée et pourtant: ça arrive. Mais les mots de l'invocatrice résonnèrent dans sa tête. Elle avait envie de s'énerver, de se défouler. "On va voir qui est l'idiote... Salope!" et l'effet fut immédiat, elle se sentait vraiment irritée, invoquant sa colère en elle pour en faire une arme, pour être aveuglée par sa rage et enfin se sentir en situation de combat. Un autre coup sur la tête, elle vit une pierre tomber à coté d'elle, on pouvait voir le mot: "Idiote" gravée dessus. C'était donc une capacité de miss quatre z'yeux qui devait être d'invoquer des trucs aléatoire sur commande, peut-être y avait-il un prérequis mais la contrôleuse ne s'en soucia pas. Elle mordit sa canne à sucre suite à son exaspération et fulmina sur place: l'envie de grimper dans l'arbre pour botter le cul de l'autre était tellement plaisant et promettait une jouissance et un extase incroyable suite à ce défoulement et la violence dont elle pourrait faire preuve. De colère, elle colla un coup de canne à l'arbre alors que ce dernier n'y était pour rien. Elle se mit à faire les quatre cent pas entre l'arbre et le bord de l'immense rocher, cherchant un moyen d'attraper l'autre et de la faire taire une bonne fois pour toute. Elle mit alors son idée de coté: se disant que flatter l'ennemi n'était pas son fort, elle allait donc répliquer comme toute personne normale et se défouler verbalement. Toute façon, elle n'avait rien de mieux à faire pour le moment.

"J'avoue que le: petite, est très bien choisit. On ne t'a pas filé de soupe quand tu étais gosse? Se doutant qu'on lui avait déjà fait la remarque, elle s'en moquait d'innover ou de sortir des classiques. Après, je comprend ton envie de prendre de la hauteur, toute personne complexée en aurait fait autant pour enfin sentir ce que ça faisait de se sentir grande. Elle marqua une pause, affichant un sourire amusé. Et donc, tu compte me canarder de ton perchoir? Elle frappa son poing dans son autre main, comme pour montrer qu'elle venait de comprendre une évidence. Mais quelle sens incroyable de la stratégie, de l'innovation et de la fourberie! J'en suis tellement impressionnée que je vais me venger sur le décor suite à ma frustration et mon impuissance!"

C'est ainsi qu'elle mit un coup de pied dans une racine, se faisant presque mal en frappant ce qui amplifia sa colère. En guise de vengeance, elle frappa la malheureuse racine avec le manche de sa canne en vociférant des insultes. Un coup de poing dans l'arbre où se trouvait Alice et après avoir reprit ses allers et retours, elle colla un autre coup, mais à un énorme rocher au bord du précipice pour se défouler. Sa canne vibra tellement sous le choc qu'elle se secoua les mains pour éviter de subir un stupide engourdissement. Comprenant que s'acharner sur le décor ne la calmerait pas, elle se retourna, foudroya Alice du regard et laissa tomber son postérieur sur le gros caillou. Une jambe relevée et posée sur son genoux, elle y posa son coude pour soutenir sa tête, pianotant les doigts de sa main libre sur sa sucrerie géante. Elle voyait bien qu'elle ne pouvait rien faire, qu'elle était à la merci de son adversaire et à part répondre à ses répliques, elle n'avait rien pour s'occuper, pour le moment. Si seulement elle avait un pouvoir qui fonctionnait sur la distance, si seulement elle avait un pouvoir dit explosif, capable d’abattre l'arbre et de faire tomber cette petite peste! Mais non, elle n'avait rien à part un pouvoir inutile si elle ne parvenait pas à toucher sa cible! Elle devait attendre tout en espérant que tout se déroulerait selon ses idées, selon un plan même pas travaillé et surement débile qui allait se retourner contre elle. Mais comme on dit: à situations désespérées, actes désespérés... Reste qu'elle devait pousser cette fille à descendre, à venir se battre et ça: c'était tout sauf gagné!

Allongée de tout son long sur la branche, Alice contemplait la brune qui s'énervait toujours un peu plus, au point qu'elle s'escrima bientôt contre l'arbre, pensant probablement que le rouer de coup aurait un quelconque effet sur sa situation actuelle. C'est donc sans entrain qu'elle contemplait ce spectacle navrant, mené de main de maître par une personne navrante le tout devant des spectateurs probablement navré devant leur porte-monnaie vide, tout ça pour voir une jeune femme taper un arbre, qui, ma foi, était l'innocence même. Cependant, son acharnement était un poil agaçant, il faisait trembler le support de l'invocatrice, ce qui avait le don de l'inquiéter un brin, tout en étant passablement inconfortable. La branche frémissait sous son estomac, envoyant une sensation fort désagréable dans tout son corps. Elle se redressa avec lenteur sur sa branche, s'asseyant à califourchon dessus, avant de foudroyer du regard son adversaire. Ce n'était pas ses remarques puérile sur sa taille et sa lâcheté (elle se savait lâche et ne complexait pas dessus le moins du monde), pas plus que ses sarcasmes qui entamaient son calme froid. Depuis qu'elle était devenue une voyageuse, de telles vexations avaient tendance à glisser sur elle comme l'eau sur le plumage d'un canard. Non, cette irritation attaquant ces nerfs, tenait plus de la situation actuelle, celle d'un combat qui trainait une fois de plus en longueur pour de ridicules broutilles. C'est donc en sifflant entre ses dents qu'Alice entreprit de contre-attaquer :

"Ne va pas te casser quelque chose contre ce pauvre arbre, sombre idiote, ce serait dommage, problématique même, elle fit une pause, regardant le feuillage d'un air pensif. Quoique, non, continue ! Vas-y ! Tape plus fort, tape ! Tu peux le faire ! Aller Megan ! Aller !"

La morne joie qui imprégnait sa voix aurait rendu dépressif un wombat hilare, et même elle en avait conscience, c'est donc dans un lourd soupir de dépit qu'elle s'avachit à nouveau dans son lit aérien de feuille et d'écorce, appuyant sa joue molle contre son poing à peine serré. De son perchoir végétal, elle fixait l'algophobe plus bas, sans aucune motivation. Elle avait bien quelques idées sur ce qu'elle pourrait faire, mais assez peu de volonté en l'instant présent et cela lui arracha un profond soupir d'ennui. Un sourire emprunt de cruelle ironie s'afficha sur son visage, étirant ses lèvres en une expression étrange, habile mélange de cynisme et de désillusion affichée :

"Violente et idiote. Quel intéressant cumul de défauts. Allons, voyons si je peux en deviner d'autres. La lâcheté ? Sans doute, on ne fuit pas la douleur toute sa vie sans une pointe de lâcheté. Une fierté cruellement mal placé ? Oh oui ! Sinon tu ne t'énerverais pas pour rien. Qu'avons-nous d'autre ? Un égoïsme incroyable te poussant à plonger autrui dans les douleurs que tu incarnes. Quel charmant plateau."

Elle se releva avec lenteur, la toisant du regard, son expression ne trahissant pas plus d'émotion d'un rocher, pas une point d'orgueil, pas plus de mépris, juste deux yeux pâles derrière leurs lunettes, contemplant l'ombre de la jeune femme en contrebas. Comment pouvait-elle dire tout ça ? Très simplement. Elles partageaient la même nature et peu importe d'où leur venait leurs peurs, à un moment ou un autre de leur vie, chacune avait du tenter d'y échapper, c'est une chose naturelle. L'être humain ne cherche généralement pas à se confronter à ses démons, à moins d'y être forcé. L'Homme est lâche, égoïste et, malgré tout, bouffi d'orgueil comme un vieil oreiller crevé. C'était beau les généralités, ça permettait de toujours faire mouche. Ou presque.

"C'est pathétique... souffla-t-elle dans un sourire compatissant. Finissons-en. Au revoir, belle imbécile."

Dans sa main se glissa la cross froide de l'arme qu'elle voulait utiliser, Bonjour. Elle releva prestement son bras et tira, visant sans ménagement les jambes de la brune. Elle était persuadée que cette dernière avait la tête tellement dure, que ses projectiles n'aurait pas plus d'effet que le duvet d'un poussin. Ses mollets, eux, aussi lestes soient-ils, avaient des limites bien plus envisageables.

Assise sur son rocher scrutant la petite égocentrique perchée en hauteur, Megan en revenait à songer à cette fable. Comment c’était déjà ? Maitre nabot, sur un arbre perché, cherchait dans ses mots le courage. Maitre gueulard, de colère exacerbée, lui tint à peu près ce langage : Et bien, bonjour petit nabot ! Que vous êtes naïve ! Que vous semblez idiot ! Sans mentir, si vos lunettes, se rapporte à votre silhouette, vous êtes la harpie la plus moche que je vois ! A ces mots, maitre nabot, ne se sent plus pisser, et par simple vanité, il ouvre ses crocs et se jette sur sa proie. Le gueulard l’esquive et ricane. Mon bon Monsieur, apprenez que tout combattant, vit aux dépens de celui qui l’écoute : cette leçon vaut bien une victoire sans doute. Le nabot honteux et confus, jure mais un peu tard, qu’on ne l’y prendra plus. Megan fit un sourire, les paroles n’étaient plus exactement les mêmes et là, ce n’était pas non plus un résumé correct de la situation, mais reste qu’elle était satisfaite d’elle. Son adversaire alias : Maitre nabot, avait changé de position, surement pour être mieux installée ou simplement pour éviter de tomber bêtement. Tout dans le comportement de la petite blonde portait à croire qu’elle n’était pas pressée de descendre. Et bien la contrôleuse patienterait le temps qu’il faudrait. Se jeter dans l’ascension de l’arbre, sous les revolvers de l’ennemi, ne lui disait mais alors rien du tout. Impulsive, colérique, agressive voir même sadique, mais pas encore totalement folle même si Pijn, de ce coté là, commençait un peu à faire décliner la brune sur une pente douce pour terminer dans le gouffre de la démence. Et justement, la petite demoiselle reprit enfin la parole pour lui dire d’éviter de se briser quelque chose en frappant le décor. Le tout sur un ton ironique, évidemment, afin de tourner un peu plus notre Megan en ridicule, évidemment. Elle l’encourageait même sur un ton platonique à continuer finalement car miss à lunettes n’avait surement pas de meilleure inspiration sur le moment pour trouver comment vexer son adversaire.

Megan, toujours sur son rocher, soutenant sa tête de sa main regardait Alice avec un regard morne, vide de toute émotion : son cerveau était en veille tellement qu’elle s’ennuyait de ce combat qui tournait à la joute verbale de collégien. Elle regrettait son frère, avec lui au moins, elle aurait réussit à se prendre la gueule, à se balancer des pics qui font mal mais qui sont également amusant. Là, c’était juste chiant. Et c’est ainsi que l’invocatrice reprit son monologue sous un soupire de la contrôleuse qui se demandait s’il y avait une limite de temps ou si les arbitres attendraient de voir qui allait crever de vieillesse en premier. Violente et idiote. Alice avait raison, elle était violente et pas mal fonce dans le tas ce qui en faisait une idiote, une tête brulée. Elle enchaina sur la lâcheté, ce qui arracha un sourire sans joie à la brune qui écoutait seulement d’une oreille. Fuir la douleur toute sa vie était une preuve de lâcheté et il y avait apparemment une fierté mal placée. Et enfin l’égoïsme, cherchant à plonger les autres dans la douleur. Tout ceci était très intéressant, mais Megan avait peur de devoir payer un psychologue pour une consultation qui aurait servit à lui dire ce qu’elle savait déjà. Et qu’est-ce qu’elle savait ? Qu’elle se faisait atrocement chier à devoir écouter une gamine, également algophobe qui utilisait ses propres défauts, ses propres peurs pour tenter de blesser son amour propre. Franchement, elle avait que ça en magasin ? La jeune femme savait exactement ce qu’elle était : une connasse violente et sadique. L’égoïsme ne faisait pas partie de ses défauts, bien au contraire et enfin pour la lâcheté, il y avait bien une époque où elle avait peur, peur de son beau-père qui la tabassait pour une raison ou une autre. Sauf que maintenant, tout ceci avait changé, elle n’avait plus peur de lui, elle ne craignait plus la douleur. La jeune femme était devenu un tank qu’on envoi exploser les lignes ennemies et qui parvient encore à s’en sortir grâce à son endurance hors du commun. Pijn l’avait déjà modelé pour qu’elle soit consciente de sa force, de son sadisme et de ses capacités, ainsi, elle n’avait plus à avoir peur, elle pouvait affronter la douleur et les blessures : tout ceci n’avait plus la moindre importance.

Reste que cette petite emmerdeuse commençait quand même à lui taper sur les nerfs : elle parlait pour ne rien dire, s’agitait sur sa branche pour jouer son intéressante, frappait de loin car elle se pissait dessus à l’idée d’un corps à corps. Idiote, égoïste, lâche ou tout ce qu’elle veut, elle pouvait le dire, Megan n’en avait rien à foutre. Elle se promettait juste de lui faire bouffer ses lunettes pour ensuite la regarder les chier en hurlant de douleur. C’était déjà plus plaisant comme pensée, plus amusant aussi. Ce qui la vexait, ce n’était pas ses mots mais juste ce personnage, cette petite je sais tout qui se croit supérieur et plus intelligente que tout le monde ! Quelque chose lui heurta le haut du crâne et avant de voir ce que c’était l’objet avait déjà disparut dans un nuage de fumée. La contrôleuse passa machinalement sa main dans ses cheveux à l’endroit de la douleur, pensant qu’elle allait surement, probablement même, avoir une bosse. Mini pousse parla de nouveau pour dire que c’était pathétique et grand temps d’en finir. Ah enfin ! Mademoiselle se décide à attaquer ! Bordel ce n’est pas trop tôt ! Elle pointa son arme à feu sur Meg qui avait juste levé les yeux sur le canon : vas-y tire pour voir. Ose faire ton action qui sera moins lâche que tes mots, que ton coup de pute sur le pont. Le coup de feu résonna et un gant de boxe fut vomit par le canon de l’arme. La brune releva la tête, bougea son bras pour enfin écarter les jambes et voir le projectile se fracasser sur la pierre. Fissurant la roche qui vibra sous le choc, Megan put constater de la puissance de l’arme : pas mal dissuasive pour une personne de constitution ordinaire. Pourquoi viser les jambes ? Elle espérait quoi ? Que cela la ralentisse pour la suite ? Certes, c’était bien pensé, mais il y avait trop de variables à prendre en compte pour viser à cet endroit précis.

« Pathétique en effet… Elle soupira. Si un jour tu as le temps, avant de dormir mate des films d’actions. Tu verras qu’une réplique qui revient souvent c’est : viser le torse pour s’assurer de toucher sa cible. Elle pointa son index en avant, comme pour dire qu'elle lui enseignait quelque chose. Avec le recul de l’arme, la précision, on touche plus facilement le torse, avec de la chance la tête. Mais le reste c’est bien plus compliqué. Surtout pour une binoclarde dans ton genre qui ne doit pas voir à plus d’un mètre correctement. »

Ne tenant plus en place, Megan se leva pour bondir sur son rocher fissuré mais toujours aussi gros et imposant. Elle jeta un bref regard derrière elle, contempla le vide pour voir que le caillou sur lequel elle était s’enfonçait dans la terre d’encore un bon mettre : pas un petit caillou ridicule quoi. Dommage qu’elle ne puisse pas balancer ça à la face de Alice, voir une naine se faire écraser devait être hilarant. Ce qui ferait une bonne reprise des cartoons pour enfant. La contrôleuse s’appuya sur sa canne, poussa un soupire pour enfin faire un sourire en fixant son ennemie. Ce combat n’avait vraiment rien d’intéressant, pas de véritables attaques, pas de sang qui gicle, d’os qu’on brise : rien. Juste deux nanas qui s’envolent des piques car elles ont rien trouvé de mieux à faire. Navrant voir même un peu désespérant. La jeune femme raccrocha sa canne à sucre à sa ceinture et croisa les bras, soulevant un peu sa poitrine pour la rendre encore plus grosse sans vraiment le vouloir. Et non, elle ne cherchait pas à faire complexer la planche à pain même si on aurait pu le penser. Ce n’était pas son genre, quoique si, mais elle n’y avait même pas pensé.

« Bon allé, je suis gentille. J’vais te montrer que je ne suis pas égoïste et lâche, comme toi. Elle fit un large sourire et tendit les bras. Vise correctement, prend bien le temps et tire. Je ne chercherai même pas à bouger, ni à esquiver. J’en ai soupé de ce simulacre de combat alors finissons en… Elle haussa les épaules. Si tu te loupe, je t’éclate le crâne sur ce rocher. On est d’accord ? »

Et c’est ainsi que perchée sur son rocher, les bras tendu, la tête fixant le ciel que la jeune femme attendait que son adversaire se décide à attaquer. Drôle de stratégie direz vous, normal : elle n’en avait pas vraiment mais se disait que dans tous les cas, ça ferait un peu d’action et cela serait au moins distrayant pour les spectateurs qui étaient surement déjà tous mort d’ennuis. Si son arme à feu n’avait que ça en puissance, elle aurait mal certes, mais elle pourrait largement continuer le combat sans le moindre problème avec son endorphine : quelques cotes brisées ne l’avaient jamais empêché de défoncer le crâne de son ennemi. Son bref regard en arrière lui avait montré qu’elle n’aurait aucun support pour se rattraper : ça serait la chute libre et la défaite, voir même la mort. Mais étrangement, elle restait persuadée que cette petite Alice ne savait pas viser ou simplement qu’elle ne parviendrait pas à la faire tomber. Après tout, l’invocatrice avait dit qu’elle était idiote non ? Alors autant lui donner raison jusqu’au bout. Lors de son dernier combat, elle avait également joué un jeu de ce genre: proposant un truc à son ennemi, se voulant équitable, tout ça pour que cela l'arrange elle. Mais là, il était compliqué de voir en quoi se faire tirer dessus était avantageux pour la masochiste. Sauf pour son plaisir personnel si elle est réellement maso...

Raté. Elle avait raté sa cible. Elle releva tranquillement l'arme au niveau de son visage, le canon fumant encore. Elle soupira. Ca n'avait pas d'importance, de toute manière, elle l'aurait plus tard, à un moment ou un autre. En revanche, les remarques fort pertinente de son adversaire sur ses talents de tireuse ainsi que sa vue des plus déplorables l'agacèrent un peu plus que le simple fait d'avoir manqué son coup. Pas qu'elle soit réellement vexée par une vieille référence à des films d'action qu'elle ne regardait pas, mais tout de même, être liée à ce genre d'art tape à l'œil et bruyant avait de quoi déplaire. Son visage se renfrogna quelque peu, elle révoqua ses armes afin d'avoir les mains libres, puis elle posa avec nonchalance son menton dans sa paume, le coude appuyé sur sa cuisse gauche. D'une voix sans joie, elle répliqua tranquillement :

"Merci pour les conseils, mais t'inquiète pas, même avec ma myopie je vois encore très bien ton gros cul."

C'était affreusement puéril, même elle le savait, mais elle s'en fichait éperdument, elle n'était plus à ça près. Puis aucune insulte n'était assez basse pour ne pas être efficace, rien ne valait un bon vieux classique pour faire effet.
Mais la suite eut au moins le mérite de changer l'expression immuable d'ennui imprimée sur son visage depuis le début de leur discussion. C'est d'abord franchement intriguée qu'elle regarda la belle brune se tenir droite sur son rocher, écartant les bras comme pour accueillir un train invisible droit dans la face, puis ce fut avec une expression sincèrement étonnée qu'elle l'entendit lui proposer un marché des plus tordus. Ses yeux légèrement écarquillés allèrent de la pierre au fin visage de l'algophobe qui s'y tenait. Puis elle haussa les épaules, révoquant ses deux armes en silence avant de grimper plus haut dans l'arbre. Elle allait entrer dans son jeu, c'était si gentiment demandé, après tout, mais elle le ferait à sa manière, donc, en pipant les dés. En effet, la perspective de voir son nez écrasé par le gros rocher ne l'enchantait guère et par conséquent, elle allait tenter de s'en débarrasser au plus tôt et en toute sécurité... Ou, du moins elle allait essayer. Megan pouvait bien rigoler, mais elle s'en fichait totalement, elle allait lui faire ravaler son rire et ses moqueries et en grand coup de punch dans sa face. Viser, c'était bon pour les petites pointures et elle avait de quoi changer la donne.

Elle s'installa fermement sur sa branche, se rapprochant au maximum du tronc, prévoyant son action à venir et les potentielles conséquences qu'elle engendrerait. Puis elle invoqua à nouveau les deux pistolets. Cette fois-ci, ce fut son bras gauche qu'elle leva dans les airs, armant son bras pour le préparer au recul. Dans une détonation qui vrilla ses tympans, le coup parti, résonnant tout autour d'elle. Le gant de box explosa à la base du rocher, elle avait viser la demoiselle, mais elle ne s'attendait pas le moins du monde à la toucher, le but de la manœuvre était d'exploser, que ce soit elle ou les proches alentours. Et Au revoir était l'homme (ou l'arme) de la situation. En effet, l'explosion fut telle qu'elle fendit la roche aux alentours, brisant la terre dans laquelle s'était ancré l'arbre qui pencha dangereusement au dessus du vide, peu à peu, avant de tomber brusquement. Alice s'agrippa désespérément au végétal, poussant un cri aiguë. Soudain, sa chute pris fin. Le tronc était suspendu à l'horizontal au dessus du vide, retenu par quelques vaillantes racines au frêle esquif qui lui servait d'arrimage. La jeune femme se releva prudemment, tout en douceur, cherchant à constater le reste des dégâts. Enfin, elle aurait bien aimé, mais malheureusement, la roche pulvérisée avait soulevé un épais nuage de poussière, masquant la scène. Elle ne pouvait pas voir son adversaire. Elle soupira et croisa les bras, tendue, en attente, l'oreille et l'œil aux aguets. Si seulement, si seulement tout ce cinéma pouvait se finir ainsi.

Perchée sur son caillou, Megan pensa machinalement au chat perché, ce jeu pour enfant ou encore cette réplique culte des guignols de l’info: "Chat-b***! Perché! On ne touche pas son père." Enfin culte, pour quelqu'un qui regardait ça il y a une bonne dizaine d'années en arrière. Probablement que miss perchée ne connaissait pas, trop jeune, ou alors son humour de petite fille ne pouvait comprendre la subtilité, la débilité et le plaisir qu'on peut avoir à mater un truc pareil. Comme le passage avec cet américain, un garde du corps, disant que son président était incapable de penser en même temps qu'il mange sans le risque de s'étouffer. Franchement? Est-ce que tout ceci à une importance dans ce récit? Probablement que non, mais notre pauvre algophobe, debout sur son rocher, le regard fixé vers le ciel, n'avait rien de mieux à songer pour s'occuper, ne serait-ce qu'un peu. Son adversaire soufflait sur son canon, encore un truc culte, classique et une preuve indéniable d'un manque d'originalité. La petite tenta encore une réplique pour vexer la brune, comme quoi sa myopie ne dérangerait pas pour toucher son gros cul. Et pourtant... Elle venait de prouver qu'elle ne savait pas viser, gros cul ou pas. Megan fit un sourire, elle commençait à trouver cette fille amusante: entre ses monologues barbants, son jeu d'acteur déplorable et ses pseudos insultes capable de vexer une vieille bourgeoise ayant un manche à balai dans le cul, enfoncé jusqu'à la gorge. Il fallait avoir du courage pour oser s'affirmer en étant si... Nulle? Elle pouvait donc au moins lui accorder ça et ne rien répliquer, inutile de se fatiguer.

D'un geste nonchalant, la contrôleuse passa une main sur ses fesses, jugeant que l'endroit était rebondit, plaisant pour les hommes. Avec tout ce qu'elle avalait comme nourriture, elle pouvait se sentir satisfaite de ne pas avoir un cul bien plus gros. Répliquer? Se sentir vexer? Même pas l'envie de jouer la comédie. Elle se contenta donc d'un sourire en contemplant l'invocatrice qui avait révoqué (pour la seconde fois consécutive en quelques secondes) ses armes à feu afin de grimper plus haut de son pauvre arbre. Dommage qu'elle n'y connaisse rien en flore, elle aurait adoré savoir quel type d'arbre c'était, juste pour savoir si on pouvait dire que: une idiote dans un cerisier, un saule pleureur ou autre, était un signe de beau temps ou de future calamité sur le monde. Quoique, la petite avec sa langue de vipère et ses répliques à pleurer, était déjà une calamité en soit, inutile de surenchérir plus que nécessaire...

Alice décida enfin de rappeler ses flingues, elle pointa une arme, visa. Megan espérait presque la voir fermer un œil et tirer la langue à cause de la concentration, ce qui aurait eut au moins le mérite d'ajouter un peu de comique à cette nuit, mais malheureusement, ce ne fut pas le cas. Et comme l'avait tant espéré la contrôleuse, comme elle l'avait souhaité et demandé: la petite tira enfin. Le gant de boxe jaillit dans une détonation à faire mal aux oreilles, la seconde suivante le rocher sous les pieds de Megan explosa, projetant la jeune femme dans les airs, lui brulant la chaire au niveau des chevilles et des tibias. L'explosion l'avait envoyé dans le vide, ses jambes remontaient alors que sa tête descendait pour effectuer un magnifique salto arrière digne d'un plongeur de compétition. D'instinct son regard se posa dans le vide qui se présentait à elle, la peur n'était pas présente, juste l'adrénaline et l'envie d'exploser de rire suite au stresse. Elle remua doucement ses orteils puis ses chevilles: brulée mais rien de cassé, donc tout allait bien. Le rocher commença alors à se déchausser, comme une vieille dent voulant quitter sa gencive. Une partie de l'île s'éboula suite à l'explosion provoquant la chute, du moins en partie de l'arbre et faisant valdinguer l'invocatrice. Un filament blanc s'étira alors pour enfin être tendu. D'un coté: la canne à sucre accrochée à Megan, de l'autre: ce qu'il restait du gros rocher. Le filament s'étira encore et tel un élastique, ralentissant petit à petit la chute de la brune qui regardait les nuages d'un air monotone, comme si faire du saut à l'élastique était un truc commun auquel elle était habituée. Ce qui n'était pas le cas, mais elle rêvait d'en faire (ce qui est à présent chose faite en rêve justement). Elle se figea alors dans le vide, le rocher glissa un peu plus se faisant entrainé par le poids -et le gros cul- de la brune car il était à présent très peu tenu par la terre. Megan remonta alors aussi vite voir même plus encore que comme elle était descendu. Saisissant sa canne fermement, elle lécha l'artefact pour couper le filament de colle alors qu'elle croisait le rocher qui tombait dans le vide, embarquant avec lui une quantité faramineuse de terre. Comme quoi: jouer la fille en colère, taper partout, mordre sa canne, ça avait du bon. Surtout mordre sa canne pour activer en douce le pouvoir de l'objet magique. Un autre filament se tendit alors: reliant le rocher qui tombait dans le vide à la base du tronc d'arbre. La suite promettait d'être drôle et même si la brune savait qu'elle risquait sa peau ou ses os sur ce coup, elle était ultra fière de son plan. Plan aussi débile et kamikaze qu'elle, vous en conviendrez, il s'agit après tout d'accepter qu'on vous tire dessus, de tenter un saut à l'élastique qui aurait pu craquer et enfin provoquer un bordel qui pourrait vous tuer.

Megan effectua un magnifique retournement dans les airs, passant de tête en bas à tête en haut. On avait également droit à un retournement de situation pour le coup, soit deux retournements pour le prix d'un, manquait plus qu'une veste pour compléter cette remarque inutile. Elle attrapa une branche de l'arbre au vol afin d'éviter de tomber de nouveau et s'y agrippa comme si sa vie en dépendait (ce qui était quand même le cas). Notre pauvre végétal, déjà à moitié déraciné et qui tanguait dangereusement dans le vide eut tout le temps de voir des restes d'un énorme rocher qui l'avaient d'abord entrainé vers les nuages pour enfin décider qu'il était mieux de revenir à toute vitesse. Il faudra un jour qu'elle pense à retourner au royaume du sucre, certes avoir fait la connaissance de Alan, indolore râleur et chiant, n'était pas ce qu'il lui était arrivé de mieux, mais bien l'obtention de cette fichue canne à sucre collante. Alice était cramponnée à sa branche, elle contemplait autour d'elle et n'avait apparemment pas vue la représentation digne des J.O. que venait de faire Megan ni même du caillou qui venait la saluer. On repassera donc une autre fois pour la note du jury...

"Mon gros cul et moi sommes ici. Sinon, c'était quoi ce crie de pucelle que tu viens de nous lâcher?"

Durant son vol plané, Megan avait eut le temps d'entendre Alice hurler sur un ton suraigu à cause de la chute de l'arbre. Vaillante comme pas deux, Alice venait de prouver une bonne fois pour toute aux yeux de la contrôleuse qu'elle n'était qu'une poltron peu digne d'intérêt. Quand on use d'un truc explosif, faut s'attendre à du dégât et encore plus d'emmerdes si on se perche dans le truc dont on compte exploser la base... Reste qu'elles étaient les deux suspendues à un arbre qui était lui même à l'horizontal, prêt à tomber. Une situation qui disait qu'en gros: on allait encore se taper un match nul pour ce tournoi qui était probablement maudit cette année. Affichant un sourire, la brune se hissa pour courir comme elle pouvait sur le tronc pour se diriger vers Alice qui prendrait surement ça pour une tentative d'attaque, sauf que ce n'était qu'une putain de feinte: l'idée, c'était qu'elle ne voit pas le truc énorme à moitié explosé qui fonçait sur elles. Elle fléchit les genoux, agrippa des branches et attendit juste l'impact de la roche pour bondir en avant en étant propulsée.

Elle atterrit avec fracas sur le sol de l'île -qui venait de perdre la moitié de sa taille- en faisant une roulade. Ses chevilles lui faisaient mal, tant par l'atterrissage que la déflagration. Derrière elle, l'arbre avait explosé en deux et les deux parties chutaient dans le vide, emportant ce qu'il restait de l'île qui s'effondrait. Megan passa sa canne derrière sa nuque, tenant chaque extrémité, elle souriait comme une imbécile heureuse en contemplant le bordel qu'elle venait de faire. Elle avait un truc pour les réactions en chaine, elle avait découvert ça avec Clem: voler une bière, cracher du tiramisu suite à une blague pour engendrer une vendetta des habitants sur sa personne, la réclamation de sa mise à mort. Sans oublier une tentative de meurtre de la part d'un Voyageur killer. Comme quoi, il suffit de peu, voir même de rien pour provoquer un fouillis monumental et elle avait le don, voulu ou non, pour faire ça. Restait à savoir si Alice était tombée, si elle avait été broyée par la roche et agonisait dans un coin, ou si elle s'en était sortit. La contrôleuse qui pouvait se targuer de son don pour les réactions en chaine pouvait aussi compter sur un autre don légendaire qu'elle possédait: la poisse onirique. Ce qui signifiait que l'invocatrice avait forcément survécu et qu'elle allait contre-attaqué en fourbe, une fois de plus. Elle se dirigea donc vers les hautes herbes pour s'y dissimuler, espérant avoir droit à un truc du genre: une Alice sauvage apparait! Ou alors, ce serait l'inverse: Une Megan sauvage surgit des hautes herbes, vous n'avez pas de pokéballs, merci de fuir si vous voulez rester en vie. Ainsi tapit dans les herbes, elle observait autour d'elle, pensant à un autre jeu qu'elle affectionnait et dans lequel: se cacher dans les herbes vous rendait invisible aux yeux des ennemis, même sur la mini-carte. Elle soupira doucement, se disant que les jeux vidéos réglementaient un peu trop sa vie et qu'il serait grand temps d'y mettre un frein et de sortir un peu plus souvent. Surtout qu'elle ne possédait pas de capacité comme dans les jeux: aucune immobilisation magique ou ralentissement, non, elle était ce qu'on appelait une AD Carry ou encore un putain de tank, un sac à points de vie qu'on s'acharne à tuer en vain. Elle secoua la tête, cherchant à revenir à la réalité enfin à ce rêve, ce monde onirique. Elle s'amuserait à s'imaginer dans un jeu une autre fois. Là, elle était déjà occupée, un peu.

Lentement, emporté par un vent aussi virtuelle que tout ce qui l'entourait, le nuage de poussière se dissipa, dévoilant un bord de falaise consciencieusement effondré, ainsi que la disparition de son adversaire, tout comme celle du rocher sur lequel elle se trouvait auparavant. La terrible efficacité d'Au revoir avait encore fait ses preuves et, en toute honnêteté, elle voyait mal comment l'autre algophobe allait pouvoir s'en sortir cette fois. Cependant, aucun son de cloche, aucun glas ne vint annoncer la fin du combat. Le silence vibrait doucement, étendant ses ailes immenses sur l'immense arène. Puis soudain, un bruit d'air, léger, rapide, juste dans son dos. Alice pivota rapidement sur son pied droit, glissant le gauche en arrière, tournant le dos à l'île pour apercevoir une Megan volante toujours armée de sa canne collante. Arme peu orthodoxe à laquelle elle devait son miraculeux salue. Alice haussa un sourcil, avant de lâcher un soupir dépité, cette fille en tenait une couche, surtout en matière d'obstination bornée. Elle lâcha d'ailleurs un joyeux commentaire en atterrissant, qui aurait presque pu être vexant... Presque. Sauf que la demoiselle ne s'offusquait guère de son pucelage et pas d'avantage de sa voix des plus aigüe, elle était parfaitement consciente de l'existence de l'un, comme de l'autre et s'en accommodait sans mal.

Trouvant que sa phrase méritait une ponctuation adéquate, la brune s'élança sur son adversaire. Cette dernière sursauta, surprise, manquant presque de tomber du tronc suspendu au dessus du vide. Mais ce bref instant de flottement fut interrompu bien vite par l'instinct couard de la jeune femme, qui fit prestement volte-face pour se mettre à courir comme une folle vers la "rive", une meurtrière à ses trousses. Fort bien lui en pris, car, quelques secondes plus tard, alors qu'elle posait un pied sur le caillou flottant, un rocher percuta violemment l'arbre, le déracinant définitivement avant de l'emporter avec lui entre les nuages. Alice déglutit péniblement, les fesses dans la poussière. Megan aussi avait bondi de justesse, atterrissant dans la poussière lourdement.

Grognant quelques malédiction inarticulée, Alice se redressa prestement, levant son bras droit vers sa cible non loin. Cette fois, plus de quartier, elle allait lui montrer le potentiel de Bonjour. Ce fut donc une salve prolongée qui s'échappa du canon de l'arme, soulevant la poussière et envoyant la maigre végétation voler dans les airs comme des millier de confettis. Bientôt, la fille à lunette ne parvint même plus à savoir où elle tirait exactement à travers l'épais nuage voila ses yeux, elle retenait avec peine, au fond de sa gorge, quelques toussotements. Elle plissa les paupières, sur ses gardes, ses armes toujours en main, ses doigts tremblant d'excitation fébrile crispés sur les gâchettes. Elle attendait, silencieuse, retenant sa respiration lourde et haletante qui sonnait à ses oreilles comme des cloches d'église résonnant dans la calme atmosphère que couve un ciel d'orage. Quels éclairs zèbreront les astres curieux du dénouement final ? Quel tonnerre grondera, chantant la clameur guerrière du chant de bataille ? Le vent soufflait, griffant le visage pâle de la jeune femme, agitant les mèches clairs devant les verres salis de ses épaisses lunettes, elle frissonnait, mais elle n'aurait su dire pourquoi. L'air du lieu était soudainement terriblement pesant et bien qu'elle n'eut pas chaud, elle sentait la sueur coulait le long de son dos, glissant entre ses omoplates jusqu'au creux de ses reins, comme un long serpent froid soudainement d'humeur curieuse. De tout ce qu'elle pouvait ressentir, il lui semblait tout de même que c'était la peur qui dominait, la peur naturelle et bienveillante. Celle qui permet la survie dans les moments critiques, la peur qui avertit et prévient. Cette peur qu'elle avait elle-même convoqué en entrant dans ce tournoi de malheur où elle se voyait toujours en parfaite étrangère.

Toujours planquée dans les hautes herbes tel un dresseur de pokémon, Megan restait là à attendre que sa proie donne signe de vie. Ce qui fut plutôt rapide, miss lunettes avait réussit à s'en sortir, évidemment, prouvant qu'une stratégie bien préparée ou non ne servait à rien. Un coup de feu résonna, un gant de boxe traversa les herbes, les fauchant par la même occasion. La contrôleuse ayant comprit l'objectif de son adversaire, elle plongea sur le coté, roula sur le sol alors pour essuyer un feu nourrit destiné à raser la végétation. On était donc loin du: sauver un bambou et tuez un panda (ou alors c'était l'inverse?), une demoiselle pas écologique du tout même si Megan n'avait rien de particulier pour la culture bio, elle trouvait quand même que c'était moche de bousiller la flore pour toucher à l'aveuglette un ennemi. Enfin, si ça avait le mérite de détendre Alice et de saper sa frustration, qu'elle s'excite dans le vide. Se redressant pour voir un peu ce qu'il se passait, la jeune femme prit un gant de boxe hasardeux dans le visage et fit un magnifique vol en arrière pour tomber sur son gros cul, comme l'avait si bien qualifié Alice. Un peu étourdit, le nez en sang, la lèvre ouverte, elle poussa un juron à peine audible. Finalement la tactique de l'invocatrice avait fonctionné: pour une dizaine de tires, voir même bien plus, elle avait touché au moins une fois fait mouche. La brune ramassa un caillou gros comme une pomme et colla sa canne pour se fabriquer un fléau improvisé.

Faisant tourner la pierre au dessus de sa tête comme s'il s'agissait d'un lasso, elle sortit de ce qu'il restait de sa planque pendant que Alice tirait à l'opposé. Se faisant ainsi remarquer mais cela n'avait aucune importance, elle donna un coup de canne en avant pour que la pierre fille. Un gant de boxe lui percuta les cotes pour lui en briser ou fêler une ou deux et aussi lui faire cracher un peu de sang. Bordel, il fallait toujours qu'on lui nique les cotes alors que ça faisait un mal de chien. Entre se faire briser le nez ou les cotes, Megan préférait le nez même si elle en était défigurée. Tirant son artefact en arrière, elle parvint à enrouler la "fouet" autour de la jambe de Alice. D'un mouvement sec, elle fit perdre l'équilibre à l'invocatrice pour la faire tomber. La contrôleuse rompit le lien de colle et bondit sur la fille pour terminer assise sur elle, une jambe de chaque coté pour lui coincer les bras alors que l'artefact lui percuta le plexus.

"J'espère que mon gros cul ne t'as pas trop coupé le souffle. Tu m'en verrais désolée si c'était le cas..."

Elle avait parlé sur un ton faussement désolé exprimant même un peu de pitié ainsi que de la moquerie. Sa main attrapa la gorge de la fille et ses veines devenaient déjà noires tout en gonflant suite à l'activation de son pouvoir. Xchange. Faisons comme toujours un listing des blessures: une brulure à chaque chevilles, deux cotes brisées, un nez pété et une lèvre esquinté. Contre une douleur au torse pour un coup de canne: c'était disons un marché presque honnête. Megan libéra la gorge de Alice et se laissa tomber sur elle pour lui coller un coup de crâne visant le nez. Lui exploser ses lunettes et lui aplatir le nez! Voilà ce qui serait amusant! Le tout avec une bonne dose de Suffering histoire de ne pas avoir fait le voyage pour rien. La petite invocatrice avait voulu participer à un tournoi et elle se doutait donc qu'elle prendrait des coups, armes à distances ou pas, donc: aucune pitié à avoir. Amplification de douleur par deux pour une bonne mesure, de quoi sonner un mec relativement costaud. Et avec des lunettes brisées, ça serait tout de suite plus chiant pour Alice, même si la brune venait de se taillader le front avec quelques bouts de verres. Rien à foutre de finir en sang ou défigurée, elle était là pour se battre pas pour une épreuve qui désignerait laquelle des deux avait le plus de sex-appeal. Megan roula alors sur le coté, libérant ainsi son ennemie, elle se releva rapidement et fit tourner sa canne dans sa main pour enfin la poser sur son épaule.

"Tu ne voudrais pas te battre ne serait-ce qu'un peu sérieusement? Ou tu peux te jeter dans le vide comme tu me l'avais proposé, ça serait tout aussi intéressant... Reste que je me souviendrai de dire à Pijn de mieux choisir ses Voyageuses. Ou alors il va m'en vouloir d'avoir cogné l'une de ses larbins... Je ne sais pas. Elle fit un sourire. Ne le prend pas mal, je suis également une sous-fifre de ce duc obscur, grand manitou de la douleur et de la torture."

Montrant un parfait ennui dans l'intonation de sa voix, Megan espérait un peu faire réagir la petite. La fin avec Pijn était plutôt ironique, elle ne vénérait pas son seigneur mais elle le craignait: il était sadique et violent sans oublier qu'il lui avait déjà montrer qu'il ne rechignait pas à torturer ses Voyageurs pour se défouler. Elle exagérait un peu, Alice était loin d'être mauvaise mais à part fanfaronner et attaquer de loin ou en traitre, elle n'avait pas montré un potentiel si incroyable que ça. Algophobe ou pas, c'était une invocatrice et donc: Megan avait l'avantage de la résistance et de l'endurance mais Alice avait comme avantage la distance. Suffisait donc de rester à proximité pour éviter un coup du flingue explosif et tout irait bien. Quoique, au corps à corps, elle pourrait s'en servir, restait à voir sur laquelle des deux l'explosion ferait le plus mal. Passant machinalement son index sur ses lèvres, Megan avait une envie de fumer qui commençait à la titiller, surement la descente de l'adrénaline qui provoquait ça mais cela ne la dérangerait pas pour combattre. Elle serra ses doigts sur son artefact, prête à s'en servir pour se défendre ou attaquer. Vu depuis le temps qu'elles jouaient à cache-cache, puis à faire un remake du corbeau et le renard et enfin cette petite escarmouche, la contrôleuse pensait que la fin de la nuit approchait et donc, il était grand temps d'en finir: pas question de terminer sur une égalité cette fois.