Le dos de Kaijin frappa le container avec une certaine force rendant le tout plutôt désagréable. Le container bascula assez vite pour ne pas laisser le temps au voyageur de toucher le sol. Pourtant, il aurait préféré que ça se passe ainsi, la chute provoqua un nouveau choc contre le dos de Kaijin qui le fit gémir. Il plissa ses yeux, créant plus de rides qu'il n'en fallait sur son visage, un rictus de douleur lui déforma une seconde fois le visage. Il se tourna, toujours en gémissant, il resta appuyé contre son épaule droite.

Il hissa ses jambes sur le container et se roula en boule, il allait rester là, juste un petit moment ... Encore cinq minutes. Le froid et la douleur venaient de lui foutre un coup de mou. Il allait s'endormir, mais, avec le froid qui régnait ici, c'était une très mauvaise idée. Il se mordit la lèvre pour éviter de dormir.

Pendant ce temps, Oscar, se lançait inconsciemment dans une discussion avec l'être métallique. Saluant ce dernier et le gratifiant de paroles bien ponctuées et prononcées avec éloquence. Le robot toisa le voyageur du haut de ses deux mètres quarante. Pendant un long moment, le cyborg laissa le silence dominer l'espace sonore. L'adolescent avait les yeux grands ouverts et une boule dans le ventre. Si Oscar mourait, comment Kaijin pouvait-il avoir ne serait-ce que l'ombre d'une chance de survivre ? Au final, le long soupire de Zurg raisonna. Son soupir était celui de quelqu'un de lassé par son existence.

- J'ai bien peur de ne pas aller très bien ...

Kaijin se laissa glisser contre le sol, à l'affût du moindre bruit. Tous ses muscles étaient bandés, ses coudes étaient dressés en l'air, ses mains engourdies, contre le sol.

- Je fais toujours la même chose. Défendre ça. Vous n'êtes pas les premiers à entrer ici. C'est ennuyant ...

Le Kaijin poussa sur ses mains, ses bras s'étendirent, il plia une jambe pour s'appuyer sur son genoux et se relever.

- Vous savez, je passe mes journées à me tourner les pouces ou à tuer des gens. Là, par exemple, je vais devoir vous tuer. Bon ...

Le voyageur du surnaturel avançait discrètement, à pas feutrés. Les genoux pliés, le dos courbé, la respiration contrôlée. Ses cheveux tombés sur son visage et s'écartait lorsqu'il expirait.

- Ça m'embête, vous voyez ? Tenez, le petit garçon avec vous, je ne voulais pas le tuer. C'est peut-être un voyageur comme vous, mais il a des sentiments ...

Le corps de Kaijin se plaqua contre un container, ses omoplates effleurèrent la surface glacial de l'installation. Il ne s'offusqua nullement lorsque le cyborg le traita d'enfant, il était bien trop concentré sur sa furtivité pour entendre quoique ce soit.

- Vous n'êtes pas tous dénués d'âme. Vous ne m'emmerdez pas trop, je vous aime plutôt bien.

Kaijin progressa, le dos contre le container, lentement, furtivement, il allait tenter d'arriver rapidement jusqu'à l'autre, il ne devait y avoir qu'un mètre et demi de distance entre les deux caisses. Ceci dit, si Zurg tournait la tête, il verrait le jeune homme. C'était certain. Il recula pour prendre son élan après avoir vérifié que Zurg était bel et bien concentré sur Oscar. Il réalisa une roulade et resta couché sur le sol, à plat ventre à l'affût, une fois encore.

- Bon, c'est vrai, si vous ne m'emmerdez pas, c'est parce que, je suis capable de vous réduire en tas de cendres. Mais bon, là, vous ne m'attaquez pas.

Le voyageur progressait derrière les containers, en rampant. En levant les yeux au ciel, il pouvait apercevoir les cornes de Zurg. Il essayait de passer dans le dos de ce dernier.

- Même si vous avez tué l'autre gardien. Moi, j'ai tué votre ami, je suppose qu'on est quitte. Vous n'avez l'air dépossédé d'un sens de l'honneur quelconque.

Kaijin se releva, il avait réussit à se glisser derrière le gros robot. Un sourire de satisfaction se dessina sur son visage. Il scruta la pièce à la recherche de quelque chose pouvant l'aider à prendre l'avantage sur Zurg. Il venait de trouver son bonheur.

- Tout ça me déprime, vraiment beaucoup.

Le gros cyborg se laissa tomber, las de tout cela. Le boulet, quant à lui, grimpait sur son bonheur : un container, du quel, il pourrait accéder à un autre plus haut et ainsi de suite. Des stalactites s'étaient formées sur les bords du container. Il en attrapa une et tracta son corps avec la seule force de son bras droit, il réussit à attraper le bord du container de sa main gauche. Heureusement qu'il n'avait pas mis plus de temps. La stalactite venait de se briser, il la garda précieusement entre ses doigts.

- Puis bon, être un robot c'est pas facile ... Enfin un robot. On m'a greffé des nerfs optiques, trois cerveaux et toutes ces choses. Pour que je sois un humain parfait ... ... Mais qu'est-ce que ? Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !

Kaijin venait de sauter sur le crâne du robot-humain, plantant sa stalactite dans le fameux nerf optique. Le hangar fut inondé du rugissement de la victime. Que se tortilla, en restant assise. Le Kaijin avait l'impression de participer à une attraction à sensation forte, sans toutes les protections. Le cyborg finit par se jeter en arrière, restant inerte. Un liquide visqueux s'était échappé de ''l'œil'' pendant la lutte, recouvrant le voyageur. Qui se laissa tomber une fois la lutte achevée, il s'était agrippé à sa stalactite durant tout l'affrontement. Il se releva et conduit sa carcasse jusqu'à Oscar. Tout joyeux, il trottinait en se frottant les mains, satisfait.

- Eh bien ! Une bonne chose de faîte !
- BANDE DE TRAÎTRE !

Rugit une voix cybernétique. Kaijin était définitivement un irrécupérable débile.

Sad, sad Zurg

La réponse ne manqua de surprendre celui qui l'avait posé, provoquant un haussement de sourcil notable. De la part d'un être doté d'une arme capable de réduire en cendres tout espoir d'un barbecue réussi, adopter un ton dépressif était bien une des dernières possibilités à laquelle avait pu penser le responsable de cette humeur.
Outre l'étonnement passé derrière un masque de circonstance, le soulagement se lisait sur les lèvres de l'aristocrate qui soufflaient le relâchement de la tension engendrée par l'arrivée aérienne de cet être … particulier.
Néanmoins, le soulagement céda promptement la place à un ennui léger, pouvant potentiellement muer en agacement violent. En effet, le voyageur qui s'était poliment enquit de l'état de son nouvel interlocuteur était maintenant obligé d'en subir le discours plaintif. Par son innocente question, il avait ouvert une vanne, provoquant un flot de jérémiades. Bien que prêtant une oreille distraite aux propos barbants, il ne put s'empêcher de constater que la gestion des ressources humai … herm, des ressources sociales ne semblaient pas être le point fort du dirigeant de cet entrepôt.

La voix monocorde et synthétique n'en finissait pas de saturer l'air de lamentations pathétiques si elles n'étaient pas prononcées par une créature capable de vous décongeler, de cuire et de carboniser vos aliments en même temps. Toutefois, entre la mer de remarques concernant un travail rébarbatif, le menaçant ponctuait son discours d'îlots de suffisance, avec l'arrogance de se croire capable d'occire Oscar facilement. Cette insolence offusqua l'invocateur démoniaque qui commença à fulminer sous un visage complaisant.

Pendant ce temps, Kaijin avait disparu de son champ de vision, provoquant l'inquiétude de la démonette :

"Mais où est passé Kai-chou ? Je ne le vois plus ?"

"Tu le maternes trop, c'est malsain …" Signala Khildar

"Mais non, j'ai pas mal aux seins …"

"Arrête de faire l'idiote." Demanda d'un air désespéré le double démoniaque.

Tandis que Luëst s'inquiétait du sort d'un enfant pas si innocent, l'impatience jouait. Et elle s'exprimait par la voix criarde d'un démon sadique qui se léchait les incisives (s'il en avait) :

"Claque moi ce connard cornu qui m'enquiquine !"

"Jolie allitération." Remarque le majordome.

Saënoris hésita entre poursuivre ses invectives d'éviction et demander ce que signifiait allitération. Le choix fut vite fait, et il repartit sur diverses invitations violentes contre l'insolent si chiant.

La bienséance obligeait Oscar à une écoute attentive (en apparence) des doléances du gardien et il fut plus que ravi de voir apparaître la bouille du boulet qui se voulait discret. La manœuvre était habile : profiter de la distraction et de l'inattention pour contourner l'ennemi et le surprendre. C'est que ce gamin possédait quelques ressources, finalement. Un plan simple, mais toujours efficace.

Jouant le jeu, car y voyant désormais un intérêt, Oscar prit une pose et une expression plus concentrée, témoignant de son attention par quelques gestes et mouvements de la tête. Faire semblant d'écouter était un passe temps bien vite acquit lorsqu'il fallait participer aux longues et fastidieuses réunions du Conseil d'Administration, ou toute autre réunion qu'il n'organisait pas lui-même.

Enfin, Kaijin et le plan s'ébranlèrent par le saut du premier sur un Zurg passablement surpris.
Le contact fut choquant, brutal pour se terminer de façon sanglante. En effet, armé d'un pic de glace, le jeune garçon à la chevelure glacée n'avait pas hésité à donner de sa personne pour chevaucher avec bravoure la monture récalcitrante. Et comme juste punition, un œil avait été crevé.

Khildar ne put s'empêcher de remarquer que les gardiens de ces lieux semblaient avoir un problème avec leur globe oculaire, ce qu'approuva naturellement son invocateur. Si deux ne faisaient que débuter une série, la suite permettrait de conclure en lui donner tort ou raison.
Pour le moment, le taureau avait été énervé, et une corrida se profilait, à la différence près que la bête était armée, bien que déjà à terre.

Le fait accompli, Kaijin retrouva son professeur du moment, une certaine satisfaction se lisant sur son visage. Brave petit. Une envie initiée par Luëst de tapoter la tête de Kaijin le prit, mais il se retint pour se concentrer sur l'ennemi. Il fallait réagir rapidement, maintenant que sa vision avait décrue et qu'il était occupé à ressentir de la douleur, au sol, affaibli. Brave bête.

Sous l'impulsion du démon sadique, Oscar se jeta sur son adversaire. Cette impulsion se traduisit par une posture beaucoup plus bestiale et une regard meurtrier. Un sourire carnassier dégageait la dentition et laissait échapper une langue avide de chair. Le jet se déroula sans cri aucun, la férocité s'exprimant par gestes et regards.

Un coup de pied balaya la tentative de tir en déviant l'arme et les boules d'énergie s'écrasèrent contre d'autres containers qui n'avaient rien fait, roussissant une des bottes de l'aristocrate. Accomplissant un tour sur soi même gracieux, Oscar administra au final un second coup de pied, directement dans la figure de ce gardien qui, décidément, ne lui revenait pas. Le choc fut douloureux, car métallique. Cependant, sous le coup de l'adrénaline, il paracheva son attaque d'un franc coup de poing dans la tempe. Il en résulta un cri de douleur, mais qui n'émanait pas du cyborg.

Se tenant la main meurtrie, le Lord anglais aperçut à la dernière seconde un tir et se baissa, l'arme roussissant cette fois si sa chevelure immaculée. Face à cet affront, une seule réponse s'imposait et l'esthète insulté se projeta contre l'irrespectueux. Le contre coup ne se fit pas attendre et il fut repoussé d'un coup de paume bien ajusté.

Revenu à son point de départ de manière fort peu remarquable, Oscar s'abîma dans la contemplation et dans un container qui traînait par là. Sur son noble postérieur, avachi, les cheveux en bataille, certaines mèches noircies tordues de douleurs, l'aristocrate fulminait.
Néanmoins, conscient de son piètre état du moment, il décida d'utiliser ce qu'il avait sous la main pour passer ses nerfs :

"Kaijin, défouraille ce tas de ferrailles !"

Le cri exprimait toute la rage et la frustration ressentie. Le poing serré contre le cyborg qui se relevait péniblement, l'invocateur de démons plaçait son espoir dans un morpheur imprévisible. Une mise de valeur (sa vie onirique et par extension, sa santé mentale), entre les mains d'une petite boule hasardeuse. La roulette risquait fort de devenir russe, et cela, Oscar ne pouvait le supporter.

L'énorme cyborg se redressa derrière Kaijin, insultant avec puissance les deux voyageurs. Oscar se jeta sur le gros cyborg, adoptant une posture plus bestiale, Kaijin s'écarta apeuré par la hargne de l'aristocrate. Il recula de quelques pas en le voyant s'acharner sur le cyborg tout en souffrant de ses coups. Le robot était entièrement recouvert d'alliage rendant ainsi toutes attaques au corps-à-corps vaines. Pourtant, Oscar était tenace et visiblement hors de lui. L'homme vêtu de blanc parvint tout de même à dévier l'arme du robot, mais quelque instant plus tard, cette dernière réussit à toucher les mèches anglaises.

Le morpheur observa son allié, perdre son équilibre et se retrouver assit sur un container. Pour la première fois en deux nuits consécutives, Kaijin voyait son mentor nocturne en colère, le jeune homme n'en revenait pas, mais bien vite, son attention se remporta sur le gros robot. Ce dernier commença à se tourner lourdement orientant son arme vers l'aristocrate. L'adolescent eut un haut-le-cœur. Son adrénaline lança ses jambes droit vers le robot. Lorsque les paroles d'Oscar raisonnèrent, le corps de Kaijin s'élevait déjà dans les airs. Il retomba de tout son poids sur l'arme qui fut plaqué au sol. Le jeune voyageur, se laissa glisser contre la surface métallique pour atteindre le sol. Il roula sur lui-même pour atteindre le pied-droit du robot.

Il attrapa l'armure et l'utilisa pour faire glisser son postérieur contre le sol, les doigts lâchèrent le métal, le corps roula sur lui-même pour mettre deux mètres de distance entre lui et Zurg. Qui se retourna lourdement, soulevant des particules de glaces. Le voyageur avait les jambes écartées et parallèles, la pointe des doigts de sa main droite touchaient le sol. Il se redressa lentement. Cyborg et humain se dévisagèrent. Les muscles du Kaijin se raidirent, dans la seconde suivante, l'adolescent fusa contre le robot. D'un revers de main, l'énergumène de deux mètres de haut éjecta le jeune homme qui s'écrasa contre un container.

Le container s'écroula emportant avec lui les autres. Zurg fit quelques pas se mit en position de combat, il plia son genou droit et pointa son canon vers les containers. La boule de chaleur se concentra dans son arme. Kaijin était incapable de bouger bien trop sonné pour faire quoique ce soit, de plus, son bras était totalement coincé et immobilisé. Il fut tiré de son état végétatif par le soudain déferlement de chaleur et le brouhaha assourdissant créé par le choc de la boule de chaleur contre les containers.

Il écarquilla aussitôt les yeux et respira plus fort et plus rapidement. Il commença à se débattre. Zurg de son côté tira deux nouvelles fois. Ce qui eut pour effet de bousculer les containers et Kaijin, par la même occasion. Des débris, la main privée d'une phalange en sortie. Les bouts de bois se soulevèrent et tombèrent en longeant la silhouette fumante. Cette dernière releva la tête, les cheveux noircis et moins épais, la joue gauche privée de peau, l'ensemble des vêtements déchiraient. Le voyageur se redressa peu à peu, il avança vers Zurg, qui fit de même. Kaijin accéléra, Zurg garda sa vitesse, il leva sa paume en l'air. Cette dernière fendit l'air au moment où Kaijin arriva à sa portée. Il se décala en faisant un saut sur le côté, s'écrasant sur le sol, il roula sur lui-même.

Il se redressa maladroitement, fit descendre la fermeture de son manteau, arracha le tissu de son pantalon. Il forma avec ces lambeaux de vêtements une boule. Oscar se trouvait juste derrière lui. Kaijin se retourna et lui lança la boule.

- Fous-y tes sapes et passe-là moi une fois que ce sera fait.

Kaijin chargea une nouvelle fois le robot.

He has a plan !

Tandis que le voyageurs aux démoniaques colocataires rassemblaient les morceaux de son esprit éparpillé au milieu d'un égo pulvérisé par une main aussi métallique que vengeresse, son compagnon de la nuit répondait à l'injonction et se lançait contre leur nouvel ennemi commun. La chorégraphie qui suivit fut exécutée avec une certaine agilité et si il n'était pas acculé contre un tas de containers défoncés, l'esthète anglais aurait volontiers levé une pancarte annonçant une note de 7/10. La notation n'auraient pas pu être meilleure à cause d'une finalité qui manquait de justesse. Le grand final illustré par une baffe magistrale était une marque flagrante de ce manquement. Le jury intérieur s'exprima sur cette prestation, mais ce fut une voix féminine perçante qui obtint le suffrage :

"Kaijiiiiiiiin, noooon, pauvre petit !"

Lorsque les containers enterrèrent le morpheur dans un boucan infernal, un rire sardonique parvint à se faire entendre parmi les cris horrifiés d'une démonette maternelle. Et en parlant de bruits, Oscar s'étonna de l'absence de réaction de la part des lutins travaillant au sein de cette manufacture de jouets. Plusieurs hypothèses s'avançaient : les lutins avaient été évacués, ou alors ils étaient en grève ? A moins que la pièce étaient entièrement insonorisée ? Ou encore, ces affreux êtres adorablement niais savaient parfaitement ce qu'il se passait et s'en fichaient ...

Pendant que l'aristocrate se reposait tranquillement en réfléchissant, le gardien à l'allure machiavélique (la cape faisait beaucoup), déblayait joyeusement le terrain en tirant avec frénésie sur le tombeau bordélique du regretté (par un être en particulier) garçon.
A la grande joie de celle qui pleurait avec exagération un jeune garçon rencontré la nuit dernière, les tirs révélèrent un Kaijin pris au dépourvu. La poursuite des tirs eurent un effet à double tranchant. Bien qu'elles délivraient l'enterré, les boules d'énergie ne le menaçaient que d'avantage, car ses moyens de couverture disparaissaient, balayés par les décharges.
Finalement, le zombie fraîchement déterré s'extirpa pleinement des débris restant pour trôner fièrement sur l'amas fumant du métal chauffé et fondu. Un autre cri vint percer l'esprit de l'invocateur, expression discrète de la joie de Luëst.

"Il est vivaaaant !"

"Sortez les couverts pour le barbeuc, il a l'air à point." Se pourlécha Saënoris

"Cette pose est ridiculement non sécurisé. Il fait une cible parfaite." Commenta avec cynisme Khildar.

Toutefois, le duel s'engagea avec un certain respect et l'honneur (ou la stupidité?) de Zurg l'empêcha de canarder son adversaire. Il s'ensuivit un échange jugé pitoyable qui se termina par un Kaijin à terre.

"Il adore lécher le sol ma parole !"

C'est alors que le jeune garçon commença à adopter un comportement étrange. Peut-être était ce les coups répétés qu'il avait pris ? Il se mit à arracher les tissus de ce qui restait de son pantalon pour former un conglomérat informe et incompréhensible.

"Etrange moment pour un strip tease," releva Khildar, coupant l'herbe sous le pied nue de la démonette.

Un projet étrange semblait avoir mûri dans ce petit crâne aux cheveux sentant le grillé, accentuant l'effet savant fou.

"Ce sont ses neurones qu'ont du griller, ouais !"

Kaijin jeta la boule à Oscar qui rattrapa bon gré mal gré et qui ne put empêcher un sourcil de se hausser à la demande saugrenue de participer à la formation de la masse de tissu. La santé mentale du jeune garçon préoccupait l'aristocrate qui décida tout de même d'obéir à l'ordre (il lui avait donné un ordre!). L'inventaire de ses effets fut bref, mais le choix difficile.

Ils disposaient encore de ses hautes bottes noires rembourrées, bien que légèrement roussies. Il portait également son pantalon blanc, avec des déchirures, une chemise blanche encore épargnée, un gilet rouge en coton déchiré aux boutons qui ont sauté, une veste blanche au col tout doux et abîmé et surtout une lourde pelisse blanche presque en lambeaux. Pour protéger sa chevelure teinte de blanc, une toque blanche avait chuté lors de lors course contre l'araignée. Mais ses gants étaient toujours intacts et il n'était pas question qu'il en fasse don.

Par conséquent, il se sépara sans trop de regret de sa pelisse trop abîmée, ainsi que de sa veste. Il fit même l'effort du gilet, car avoir un gilet sans bouton ne lui plaisait guère. Alors qu'il formait la boule, il ruminait :

"J'espère qu'il sait ce qu'il fait …"

La perspective de gâcher ce tissu délicat pour rien ne le mettait pas dans de bonnes dispositions. Le plan du morpheur lui échappait et cela l'énervait un peu plus. Ajouté à cela l'excitation d'un démon sadique qui n'attendait que la violence et voulait poursuivre le combat contre leur adversaire robotique, et l'humeur du noble aristocrate se devinait massacrante.

Il compléta l'amas de vêtements, la compacta en pressant de toute ses forces, et dès que Kaijin eut un instant de libre, la lui lança avec précision entre les mains.
Il était désormais bien assez reposé et remonté, et c'est pourquoi il s'était relevé pour le lancer. Malgré les douleurs qui le lancinaient, il se tenait droit parmi les containers couchés, ceux troués révélant leur contenu (ou non) festif lié à un esprit de noël qui avait déserté ces lieux sombres emprunt d'un beau bordel. Il attendait un signe ou un complément d'information de la part de son partenaire, car le plan concocté lui demeurait toujours obscur. Toutefois, il demeurait à l'affût, des boules d'énergies perdues pouvant vouloir à nouveau lui griller les mèches de cheveux ou ses bottes et cela, il était décemment incapable de l'accepter.

Les jambes du voyageur furent obligées de quitter le sol pour ne pas que leur utilisateur ne se fasse écrabouiller. Le corps s'éjecta en l'air, son épaule gauche heurta violemment le sol, mais au moins, les phalanges métalliques ses tripes ne gisaient pas par terre. Kaijin roula sur lui-même quand le cyborg éleva son poignet en l'air pour frapper une nouvelle fois. Il avait tenté d'anticiper l'endroit où Kaijin arriverait au moment de sa frappe. L'approximation de Zurg avait manqué d'un rien de précision. Le bout du nez de Kaijin fut frôlé par l'alliage délicat du poing de Zurg. Autant dire qu'il s'était quasiment fait dessus.

Il bascula pour se retrouver sur le dos, sa respiration était haletante, son cœur allait quitter sa poitrine, sa vessie se soulager de terreur. Les regards des deux ennemis se croisèrent. Le voyageur crut déceler une stupide compassion dans le regard de Zurg. Le canon vint se placer juste au-dessus du visage du boulet, étrangement, il garda son calme. En l'espace d'un instant, il avait atteint une sorte de sérénité. Il s'était résigné à la ... Non, je déconne. Mourir n'est pas Kaijin. S'il était aussi calme, c'est qu'il avait vu Oscar le regarder avec la boule entre les mains, d'un geste discret, le voyageur avait levé son pouce à l'égard de l'aristocrate, puis étendu sa main, pour que sa paume puisse réceptionner sa nouvelle arme.

Zurg poussa un long soupire, aucun doute, il éprouvait de la compassion et de la tristesse pour le sort de son ennemi. Lui et Kaijin ne s'étaient pas encore quitté des yeux. Zurg inspira longuement.

- Désolé, je te souhaite la meilleure des vies oniriques, rêveur.

Kaijin put voir du coin de l'œil le fond du canon s'éclairer, il put également sentir le tissu s'écraser contre sa peau, le visage de Kaijin fut immédiatement doté d'un sourire démoniaque.

- Je te souhaite la meilleure des morts oniriques, cyborg.

Il souleva la boule qu'il enfonça dans le canon, le bas de son corps s'éleva, sa jambe gauche poussa la boule de vêtement le plus loin possible du canon. Dès qu'elle en fut sortie, Kaijin releva l'ensemble de son corps et effectua une galipette en avant, il passa entre les jambes de l'être métallique qui poussa un rugissement de douleur. Le canon se mit à produire un bruit vraiment étrange. Une sorte de vrombissement venant d'une soufflerie. Lorsque Kaijin se retourna, il put apercevoir une sorte de lance flamme à la place du canon.

La boule de vêtement avait perturbé la formation de la sphère énergétique, les vêtements n'avaient pas suffi à stopper la boule et à la renvoyer en Zurg, mais, nombreux de ces circuits grillaient déjà, il était aussi doté d'un lance-flamme à présent, mais bon, arrêtez de pointer du doigt les défauts. Rabat-joie.

Pour ce qui était du morpheur, il courrait déjà se mettre à l'abri. Le robot tournait sur lui-même et agitait son bras et geignant. Les flammes raflaient le sol, les containers et tout ce qui se trouvait dans un rayon de cinq mètres. Le jeune voyageur s'était caché derrière un container en métal. Une sorte de fente lui permettait de voir ce qui se passait. Zurg tomba à genoux, le canon à moitié fondu. Un gémissement plaintif émanait de sa bouche, des petites étincelles s'échappaient de son œil percé. Le Kaijin s'extirpa de sa cachette, ses semelles claquèrent contre le sol tandis qu'il frictionnait l'ensemble de sa peau, nue. Le cyborg fit lentement basculer sa tête vers l'un de ses bourreaux.

- Ta victoire est complète. Maintenant, achève-moi, par pitié.

Kaijin s'ébouriffa les cheveux fixant le sol. Il balança sa tête en arrière et fit basculer son torse en arrière, faisant craquer les vertèbres de sa colonne vertébrale. Lorsqu'il redressa l'ensemble de son corps, il jeta un regard hautain à Zurg, puis il se mit à sourire.

- Hmmmm, c'est tentant, mais non. J'aime bien quand tu souffres. Et, je veux savoir comment sortir de cette merde. Si tu réponds à mes attentes, il y a peut-être une chance pour que je te tue.

And the plan worked !

Le projectile constitué de regrettés vêtements de qualité atterri avec précision dans la main de l'instigateur. Après quelques virevoltes, le cerveau de l'opération parvint à mettre en application la partie pratique de son plan. C'est ainsi que les précieux tissus s'enfoncèrent sans préliminaires au fond de l'orifice qui faisait office d'extension au bras de l'être de métal. Après s'être assuré que la boule était en place à l'aide de sa jambe, le coquin paracheva par une fuite, entre les jambes, mais pas les siennes.
Alors que l'infortuné pénétré s'apprêtait à riposter, le visage de l'aristocrate sceptique s'éclaira de compréhension. Élémentaire ! Obstruer l'arme afin que l'énergie s'emmagasine, voilà une idée d'une simplicité enfantine.
Cependant, le problème n'avait point été complètement résolu puisque désormais, des flammes fusaient du canon malmené.

Le responsable se planqua, le complice l'imita et la victime s'agita. Tandis que la bouche de son arme vomissait du feu, celle électronique déversait son lot d'injures et de lamentations. Geignant, gesticulant, tourbillonnant de flammes, Zurg subissait en pantin désarticulé, n'ayant plus qu'un œil pour pleurer.
La défaite ploya ses épaules et le gardien s'avoua vaincu dans une posture pitoyable, son arme perdue et son honneur consumé. Une plainte déchirante s'échappait de sa bouche cybernétique, tandis que des fumerolles électriques s'échappaient de son canon endommagé. Il avait failli à la tâche qui lui incombait et qui l'encombrait. Battu et abattu, l'être de fer à terre offrait un pauvre et pathétique spectacle. Si ses circuits lui avaient permis, son œil encore valide aurait verser les larmes de son désespoir. Malheureusement, il appartenait aux robots tristes qui ne peuvent pleurer ...

Loin de cette peine, le jeune garçon s'approcha de son œuvre, pour l'admirer. Elle lui supplia la grâce de la mort, mais son auteur n'en avait point terminé. Quelques coups de pinceaux demeuraient à porter, quelques intentions du sujet restaient à travailler. Il se lisait tant de lamentations dans l'interface disponible, balayées d'un sourire hautain. L'orgueil du créateur face à son art. Le pouvoir qui se formait dans le creux des mains. Cette sensation de tenir le fil de la Vie dans l'une, et celui de la Mort dans l'autre … Oscar vivait cet instant à travers ce petit. Ce garçon qu'il côtoyait depuis peu et qui promettait. A perdurer sur cet obscur chemin parsemé de créations destructrices, l'animal deviendrait aussi grandiose que ravageur.

La proposition était honnête, des réponses à leur errance contre la réponse à ses souffrances. Le voyageur démoniaque rejoignit l'enfant sadique, brièvement applaudit par un démon satisfait.

"Mouais, il pourrait faire mieux … J'veux toujours qu'il meurt, mais maint'nant, c'est moi qui va l'buter, il a mérité ça !"

Parvenu à la hauteur d'un Zurg à la tête basculée, désarticulée, l'aristocrate le dévisagea avec mépris. Il n'aimait pas les robots. Et alors que le gardien vaincu allait répondre, ses yeux affichèrent un 5 lumineux de rouge.
Il eut le temps de lâcher un : "Courrez !" Compatissant, pour ensuite répondre le temps qui lui était offert : "Méfiez vous du renne et du Gob …"

La suite ne put être entendue, l'explosion soufflant les dernières paroles et les alentours.

L'invocateur avait eu la présence d'esprit de suivre l'impératif dès son énoncé, embarquant le morpheur dans un réflexe maternel insufflé par une démonette préventive. Basculant derrière des containers renversés, ils furent protégés par le souffle et les flammes, confirmant l'odeur de brûlé flottant dans l'air.
Une fois assuré que tous dangers étaient écartés, Oscar se releva et observa la carcasse flamboyer, les débris épars formant une auréole pour ce gardien infernal. Il ne restait plus grand chose de Zurg, désormais dans les étoiles …

Le Lord anglais lâcha sur un ton léger :

"Apparemment, nos attentes ne se trouveront comblées que par nous-même …"

Et sur ces paroles, entreprit de rechercher avec son compagnon un chemin à travers le contenu de la salle pleine de pénombre afin de quitter cet endroit et d'accomplir leur mission.

Dans la salle de contrôle, le responsable de la sécurité se trouvait seul. La porte s'était refermée sur le renne qui était parti se mettre en position, conformément aux ordres.
La créature, juchée sur son siège, irritée par tant de résistance abattit avec violence son poing sur le panneau de contrôle et déclencha la sortie du dernier gardien … Soudain, par l'une des caméras, le responsable s'aperçut que quelque chose clochait. Un rapide zoom lui confirma l'erreur et il demanda avec nervosité, par haut parleur :

"Mais qu'est ce que tu fous là, toi ?"

L'être de plastique qui faisait office de dernier gardien, comprenant le réel sens de la question, répondit en fixant la caméra, un air de défi dans les yeux :

"Il était malade, alors je le remplace. Mais ne vous inquiétez pas, je vais me débrouiller !"

Et ignorant les récriminations et ordres de retour immédiat, le dernier gardien des lieux pénétra dans l'entrepôt glacial et plongé dans l'obscurité, nonobstant le foyer formé de la carcasse du précédent gardien … Jusqu'à ce qu'un flash aveuglant illumine vivement la salle.

Une fois la vue retrouvée après quelques battements de paupières, Oscar se rendit compte que la lumière avait été simplement allumée. Une voix suave mais sonnant fausse se fit entendre, du fond de la salle :

"Ah, ce n'est pas mieux, comme ça ?"

Devant ses écrans de contrôle, le responsable de la sécurité bouillonnait de colère. Non seulement son dernier gardien était malade, mais en plus, c'était cet imbécile qui le remplaçait ! Et quel imbécile ! Il venait d'allumer la lumière. Quel idiot ! Heureusement qu'il avait son dernier atout qui s'était mis en place … Il croisa ses longues mains fines et griffus, nerveux quant à la suite des événements. Ces voyageurs allaient tout faire foirer ...

Dans l'entrepôt, la voix se rapprocha d'Oscar et de Kaijin au fur et à mesure, laissant le temps à l'aristocrate et au garçon impétueux de s'accoutumer à la nouvelle luminosité, d'en profiter pour observer les lieux et se voir confirmer qu'ils se trouvaient bien dans un entrepôt remplis de containers normalement rangés mais désormais souffrant d'un désordre de bataille.
Les propos tenus étaient décousus et léger, contrastant avec les combats précédents :

"Fait froid, non ? Pfiou, quel bazar. Ils n'y sont pas allés de main morte. Va falloir ranger toussa. Et puis c'est quoi ce liquide ? Vous m'attendez, hein ?"

Et ainsi de suite, immobilisant l'invocateur d'incompréhension. Qui était ce nouveau venu ? C'était quoi ce gars ? Il dénotait franchement avec la situation, comme si il n'en avait pas conscience. Il semblait être bipède, à l'écoute de sa démarche. Il ne se déplaçait très vite, mais avec un bon rythme. Qu'est ce que ça pouvait être, après une monstrueuse araignée et un cyborg dépressif ? Ne pas savoir préoccupait Oscar et justifia l'absence de mouvement. Il était trop intrigué. Quel serait ce gardien ?

Enfin, répondant aux attentes, il apparut dans toute sa superbe plastique. Il était beau, il était grand et il aurait pu sentir le sable chaud. Ses bruns cheveux étaient impeccablement tirés en arrière, sa chemise en tissu soigné était ouverte sur un corps aux muscles impeccablement dessinés, son short dévoilait de solides jambes. Son sourire était ravageur et ses yeux bleus ne se détournaient pas. Il était Ken. Non, pas le survivant, l'autre. Celui de votre petite sœur.

Et il souriait (que pouvait il faire d'autre?) aux deux voyageurs pour leur demander avec aplomb :

"Voulez vous bien me suivre ?"

Il désignait de sa main parfaitement moulée une porte située au fond de la salle, surplombée d'un visible EXIT d'un vert criant.

Kaijin jubilait de sa victoire, il était venu à bout de ce gros robot, presque seul au final. Il ne remarqua même pas le changement de teinte oculaire du robot, il se contenta juste d'ouvrir une bouche béante lorsque son mentor l'attrapa pour le mener avec lui à couvert. Une lumière envahie la pièce, un bruit sourd retendit et de joyeux acouphènes vinrent perturber l'ouïe du petit morpheur. Zurg venait de s'autodétruire, ça avait été une sacrée explosion, heureusement que les deux voyageurs s'étaient jetés au sol, derrière plusieurs containers, dans le cas contraire, leurs vies oniriques auraient connues un triste sort.

L'intégralité des containers situés à moins de vingt mètres du cadavre de Zurg fut entièrement carbonisée, même le plafond avait eut droit aux flammes. Oscar se releva, Kaijin en fit de même, s'arrachant la peau du dos, le sol glacial s'était, comme qui dirait, attaché à Kaijin ... Pardonnez ce jeu de mots. Les débris de Zurg s'étaient recouverts de flammes légèrement orangées. Le jeune homme s'en approcha pour se réchauffer. Même après la réplique d'Oscar, il resta muet. Le comportement du cyborg avait intrigué Kaijin.

Alors que Kaijin était plongé dans ses pensées, un flash lumineux apparu d'un seul coup, suivit d'une multitude de bruits assez sourds. Toutes les lumières du bâtiment venaient de s'allumer. L'intensité de cette nouvelle lumière fut si puissante que le Kaijin sursauta. Il couvrit ses yeux, bizarrement, ces derniers lui faisaient très mal, le gratifiant d'un mal de crâne passager mais assez intense, il plaqua sa paume contre son front, tout en reculant de quelques pas. Son dos se courba, sa bouche proliféra quelques insultes. Le voyageur écarta ses mains, progressivement. Ses pupilles battirent à une vitesse assez hallucinante.

Une voix commenta la nouvelle luminosité par une question rhétorique. Kaijin se redressa, les yeux entrouverts, s'habituant à la lumière. Une silhouette de plastique se dirigeait vers lui et son mentor. Elle portait des habits, des habits putain. Un peu grand, jugea Kaijin. En effet, le jouet devait faire trois têtes de plus que lui, mais son ossature trahissait toute supériorité. Les yeux de l'adolescent s'écarquillèrent. Son visage se déforma.

- VÊTEMENTS.

Son cri raisonna dans tout l'entrepôt. Le corps à moitié nu du Kaijin s'élança vers sa future victime. L'épaule droite du chevelu s'écrasa avec une puissance non maîtrisée contre la jambe droite de Ken. Ce dernier s'écroula dans un cri mal joué.

- Ahahah ! Arrête jeune margoulin ! Hihi ! Ça chatouille ! Ahahahah ! Ahahahahah ! AhahahAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! *SCRACK*

Ce que Kaijin venait de faire ? Oh trois fois rien. Il s'était juste contenté de démembrer Ken et là, il était en train de détruire le visage de ce dernier avec son propre bras. Les mots qui tentaient de s'évader de la bouche du jouet étaient incompréhensibles. Quand même, articuler un minimum, ce n'est pas difficile. L'excuse de la mâchoire en bouillie ne marche pas, faut arrêter quand même. En moins de deux, Kaijin s'emmitoufla de vêtement chaud. Et, mine de rien, cette petite séance de sport avait réchauffé son être, c'était bien.

Il ramassa son arme, la cala contre son épaule et se tourna vers Oscar.

- Bon, je sais pas toi, mais couvrir la neige de sang de reine, ça me botte bien ! On y va ?

Il était plus revigoré que jamais à présent.

Ken doesn't survive

Le corps démembré gisait, abandonné, éparpillé. Le visage qui n'avait jamais affiché qu'un unique sourire était parvenu à voir ses traits modifiés pour exprimer une horreur panique. La mâchoire défoncée n'aidait pas non plus. Avec un bras en moins, les autres membres détachés, la composition stimulait l'esprit du noble esthète anglais.
Admirer un être de plastique, dédié à la représentation d'un mâle sans profondeur, détruit et réduit à une expression déformée représentait un axe de réflexion intéressant sur la superficialité d'un idéal masculin à la personnalité creuse et aux apparences joliment immuables.

Force était de féliciter l'auteur, ce que fit l'aristocrate avec déférence, ponctuant d'une (très) légère révérence :

"Pas mal. J'apprécie le traitement de cette plastique."

Puis il y eu la proposition. Oscar manqua de défaillir un instant, son patriotisme le rattrapant sans prévenir. La Reine ? Pourquoi parlait il de …

"Enfin une proposition qui tient la route. Ouais, allez, on va buter du renne !"

…

"Bah quoi, c'est pas ce qu'il a dit ?"

Les neurones se connectèrent et la réponse éclaircit le visage de l'invocateur. Mais oui bien sûr, une simple erreur d'expression ! Sa langue a du fourcher. Du moins, l'espérait il … Non pas que le Lord anglais fasse preuve d'un sens aiguë de fidélité envers la famille royale, mais son héritage, tant familiale que culturel lui imposait cette chaîne au fond de son cœur. Bien qu'il l'ignore la plupart du temps, car non sollicité, il était sujet à de vives réactions incontrôlées lorsque la Couronne était menacée, d'une manière ou d'une autre. Il ne s'en formalisait que peu, et lorsqu'il le fallait, se justifiait par un flegme britannique caractéristique, revendiquant ainsi sa patrie.

Sur ces entrefaits, il répondit à Kaijin en l'enjoignant à poursuivre à ses côtés  :

"Certes. Maintenant que cette affaire a été rondement menée, passons à la suivante."

Il souriait de satisfaction, l'impression d'accomplissement gonflant son fierté. Ils se dirigèrent de concert vers la sortie si subtilement indiquée, laissant derrière eux les flammes de Zurg et les membres de Ken, ainsi qu'une araignée à tête de bébé défoncée. Leurs petits cailloux semés avaient une drôle d'allure.

Après un passage rapide dans un couloir à peine éclairé, ils débouchèrent sur une immense salle. Tout en longueur, mais d'une largeur suffisante pour accueillir un match de foot, sa décoration ne dénotait en rien avec l'ambiance festive et hivernale de X-Mas Town. Des ampoules longeaient les hautes fenêtres, renvoyant des lumières de multiples couleurs. Aux carreaux, des dessins évoquaient l'esprit de noël avec des figures emblématiques. Les murs étaient agrémentés de guirlandes composées de boules, d'étoiles et de sapins, ou simplement de papiers argentés aux teintes chatoyantes. A intervalle régulier étaient disposés des bonhommes de neige, alternant avec des sapins aussi haut que l'était le plafond. Naturellement, les sapins eux-même étaient vêtus de tout ces merveilleux ornements, et je vous laisse imaginer les bonhommes de neige.
Les lumières clignotaient doucement sur ce qui occupait la majorité de l'espace, à savoir une chaîne de montage. Entre les sapins et les bonhommes de neige, d'imposantes machines. Et suivant un parcours rectiligne à angle droit, des tapis roulants. Des boîtes, des caisses et des palettes siégeaient en bout de ligne, vides ou déjà emballés. Au bout d'un autre tapis roulants, un incinérateur pour les jouets défectueux. Des outils de maintenance traînaient un peu partout. Un gâteau au chocolat et fraises patientait dans un coin. Entre les guirlandes, sur un mur, était affiché les portraits de l'employé du mois, tous ressemblant à une variation de lutins ; oreilles pointues, chapeau pointu, petit nez pointu, sourire poin … jovial et ainsi de suite.
Et toute cette mécanique reposait silencieusement. Sur les tapis roulants, des jouets patientaient, des boîtes attendaient leur jouet et l'emballage leur boîte. Les impressionnantes machines ne proféraient aucun souffle, les leviers demeuraient inertes, les voyants éteints. Seul l'incinérateur produisait un craquement de flammes et générait une agréable chaleur au sein de cette froide fabrique à l'arrêt. Seulement, il se trouvait à l'autre bout de la pièce, et les deux voyageurs avaient paru à mi-chemin, les soustrayant à cette chaleur réparatrice.

A la vue d'une telle profusion d'esprit de noël, Oscar manqua de défaillir pour se souvenir où il se trouvait. Étrangement, il lui semblait que le temps passé dans ce foutu entrepôt avait été exagérément long. La cause était sûrement les gardiens affrontés coup sur coup.
Toutefois, le caractère industriel des lieux le rassura rapidement ; il se trouvait en terrain connu. Les usines, les fabriques, les ouvriers mais aussi les artisans, les outils, les métaux omniprésent pour la formation d'armes de renom … Bien qu'il n'appréciait que peu la fréquentation de ces lieux aux odeurs métalliques et artificielles (et il ne les fréquentait que peu, bien heureusement!), il les connaissait. Être en terrain connu lui importait, car compensait son aversion pour l'esprit en vigueur.

"J'ai l'impression qu'on a oublié quelque chose …" Remarqua Khildar, alors que son invocateur embrassait pleinement les alentours de son regard bleu acier.

La présence de plusieurs caméras furent notés, tout comme ce vers quoi elles étaient tournées : eux. C'est alors qu'une voix stridente grésilla, sortant des quelques hauts parleurs disposés :

"Vous n'avez rien à faire là ! Vous m'emmerdez, vous deux, à cause de vous je … Roh et puis pourquoi je vous parle ? "

Un ricanement plus tard, le préposé à la sécurité ordonna en postillonnant sur le micro de service :

"Tue les !"

A ce moment, la présence d'un renne sauta aux yeux de l'aristocrate. Il se tenait à quelques mètres d'eux, sortant de nulle part. Il était parfaitement stoïque et les fixait.

"Bizarre, ses naseaux ne dégagent aucun nuage …" Observa le démon majordome

Le Lord anglais conseilla au garçon habitué aux élans chaleureux :

"Prudence, celui ci m'a l'air plus coriace que les autres."

Dans la salle de contrôle, le responsable de la sécurité trépignait sur son siège. Ken avait tout foiré, rien d'étonnant ! Bien fait pour sa pomme, de toute manière, il ne l'avait jamais apprécié, avec son sourire d'abruti. Au moins, il avait donné le temps à son renne de s'installer.
Il était prêt, les deux mains élevées au dessus du plateau de commande, les yeux fixés sur les écrans des caméras. D'ici, il avait le contrôle sur toute la machinerie. Ça allait chauffer !

La langue de Kaijin avait fourché, créant ainsi un lapsus qui perturba le lord anglais. Le laissant immobile et stoïque. Le jeune morpheur le regarda longtemps, sans comprendre ce qui se passait et où il avait fauté. Les deux voyageurs restèrent dans cette posture quelques instants, jusqu'à ce qu'Oscar rompe le silence en s'avançant et faisant comme si de rien n'était. Kaijin resterait dans son incompréhension pour le restant de ses jours.

- Certes. Maintenant que cette affaire a été rondement menée, passons à la suivante.

Ce fut sur ces paroles que les deux fauteurs de troubles quittèrent le hall dans lequel ils avaient passé déjà trop de temps. Leur prochain obstacle fut un couloir éclairé par de faibles lumières artificielles, les bruits des semelles contre le sol raisonnaient dans cet espace étriqué. Les deux voyageurs avaient tout juste la place de marcher côté à côte. Les portes situées au bout du couloir s'ouvrirent pour les laisser entrer dans un nouveau hangar, à l'ambiance assez ... Étrange. L'intérieur du bâtiment faisait peine à voir, les faibles éclairages et le désordre rendaient tout ceci morose. Bien que les décorations qui parsemaient les fenêtres étaient sympathiques.

Une voix raisonna, faisant tourner Kaijin dans tous les sens, cherchant la position du possesseur de cette voix qui s'adressait à eux. En réalité, il était bien au chaud devant un tas de consoles et d'écran, sa voix était diffusée via plusieurs interphones placés dans le hangar. L'expression faciale de Kaijin confondait incompréhension et peur. Un ricanement se fit entendre, puis un ordre. L'ordre de mettre fin aux voyageurs. Le morpheur arrêta de bouger.

Ça n'allait pas se passer ainsi, après tout, cette nuit était marquée par le joug de l'affrontement et de la douleur. Le voyageur plissa les yeux, serrant ses vêtements de fortune dans ses paumes, être resté immobile ne l'avait pas aidé à retrouver sa chaleur corporelle. Cependant, son intuition lui indiqua que le renne qui venait d'entrer dans son champ de vison allait contribuer au réchauffement de son corps ou, au moins, il l'oublierait le temps d'étriper ce nouvel ennemi.

Le renne était droit comme un piquet, stoïque et inexpressif. Lors de sa marche, ses bras n'avaient presque pas bougé. Il était face à eux, les défiant du regard. Oscar tenta de susurrer quelques mots à l'oreille de Kaijin, lui disant de faire attention, ce nouvel adversaire avait l'air plus coriace que ceux qu'ils avaient déjà affrontés. Ce à quoi le jeune homme ne prêta aucune attention, les tissus dont il était vêtu claquèrent dans le vent, ses cuisses l'élancèrent jusqu'au renne, qui ne bougeait pas. Il attendit que Kaijin ne puisse plus arrêter sa course, le bras velu se dressa droit devant, le visage du jeune garçon s'écrasa de lui-même contre le poing fermé de l'animal. Le morpheur du surnaturel fut projeté deux mètres en arrière, ses narines ensanglantées, son nez brisé, l'inconscience décida de s'emparer de lui, le temps de quelques instants.

Terenneminator

La bêtise frappa avec violence l'impétueux imbécile. La force employée l'envoya voler au loin pour atterrir lourdement, provoquant un vacarme retentissant. Cette splendide imitation de boomerang laissa Oscar pantois. Son visage qui exprimait une méfiance face à leur nouvel adversaire s'était décomposé pour céder place à un relâchements des muscles du visage, formant ainsi un masque d'indifférence. Dans ses yeux se lisaient une profonde lassitude. A son esprit, c'était l'éclat du sadique :

"Je retire tout ce que j'ai dit ! C'est un abruti fini."

Un souffle expira la fatigue accumulée et évacua le ressentiment envers l'attitude téméraire suicidaire de son comparse. Si l'aristocrate n'avait réagit que par une absence d'expression faciale ou gestuelle, le rire tonitruant du préposé à la sécurité résonna à travers tout le bâtiment, véhiculé par les enceintes disposées un peu partout. Au moins qui s'amusait.
En effet, le noble anglais appréhendait la confrontation avec cette créature et adapta son maintien, tout en usant du temps à disposition pour l'observer et étudier le terrain. Tout en étant en position d'attaque, prêt à bondir, il fureta les alentours pour déceler un moyen de mettre un terme à cette menace.
D'ailleurs, qu'avait il sur ce renne étrange ? Il ne respirait pas. Le poing contre le nez de Kaijin avait produit un son assez particulier, plutôt métallique. De plus, le coup avait été porté avec une vitesse et une détente peu commune pour un être organique. Surtout que le reste du corps n'avait pas bronché. La seule contribution à la pitoyable charge résidait dans la confirmation des craintes de l'invocateur de démons. Ce renne était composé d'acier. Cependant, étail il entièrement robotique ou simplement cyborg ? Quelque soit la réponse, il semblait plus discipliné que les phénomènes précédents qu'ils avaient affronté. Il se tenait parfaitement droit, les fixant de ces yeux … vides … et rouges …

"Allez, on va l'éclater !" S'exclama Saënoris, répétant un comportement qu'il venait juste de critiquer.

"Allez, tue les !"

Le renne réagit prestement en se précipitant en direction des deux voyageurs. Ses mouvements étaient d'une fluidité mécanique. Les membres qui n'étaient pas sollicités ne bougeaient pas, le corps demeurant dans une rectitude dérangeante. La distance se réduisit à une vitesse folle et Oscar prit la meilleure décision qui soit dans ce genre de cas : se soustraire à la trajectoire. Il sauta vivement sur le côté, anticipant un changement de direction de la part de son agresseur.
Il lui fallait une arme. Son regard se porta sur le bras en plastique récupéré par Kaijin.

"Je te l'emprunte un moment."

Il s'écarta à nouveau, bondissant pour s'éloigner de cette menace silencieuse et inexpressive. Le poing qui lui était destiné s'écrasa contre un mur, pour être retiré aussitôt, laissant une profonde trace. Ce renne l'effrayait, non pas par sa puissance qui était toute relative, mais bien par son caractère vide de vie. Il était bien plus plaisant de combattre un vivant, qui pouvait subir des pressions psychologiques, être perturbé par des propos, ou tout simplement qui vous faisait la conversation. Face à ce monstre de mutisme et de force, l'affrontement perdrait de sa saveur.

Un nouveau mouvement dans sa direction, un autre bond pour lui échapper. Bien que les coups témoignaient de leur puissance lorsqu'ils percutaient une autre surface, ils manquaient de précision. L'agilité et la vitesse étaient encore du côté du voyageur.
Un plan se formait peu à peu, soufflé par le majordome, tandis qu'il emprunta le chemin de maintenance qui longeait les tapis roulants. Les talons de ses bottes claquèrent sur le grillage tressé. Les pas lourds du renne résonnèrent dans la pièce, martelant de manière inéluctable, sonnant le glas. Les mailles tressautaient à chaque avancé, se répercutant même dans les gardes fous. Oscar se retourna pour enfin faire face. Au moins avait il éloigné le renne de Kaijin, lui laissant le temps de se remettre de son coup dur.
Les deux se toisèrent. Le renne analysa les différentes possibilités, le voyageur démoniaque en fit autant. Chacun guettait un mouvement pour déclencher l'offensive. Tenant fermement le bras en plastique du regretté Ken, l'aristocrate scrutait les yeux de son adversaire, devinant les circuits qui s'activaient derrière. L'hypothèse selon laquelle cet être était entièrement robotique tendait à se confirmer.

Soudain, un mouvement, un bruit. Que ce soit Kaijin qui se réveillait, une caisse qui tombait ou tout autre raison, cela déclencha les hostilités. Le renne envoya son poing à la rencontre des côtes de noble anglais. Grâce à sa garde et à sa vitesse, le bras en plastique repoussa l'attaque. Mais un autre coup arriva, de l'autre côté. Alors Oscar plongea en direction de son agresseur. Celui ci se rabattit sur une étreinte mais le voyageur se fit anguille et se faufila pour contourner la menace. Une main se tendit avec la ferme intention de le ramener. Les doigts métalliques se refermèrent sur un bras et ne lâchèrent plus leur prise. Ils tirèrent vivement et … n'eurent que le bras, le reste du corps n'ayant pas suivi. Le temps que l'information soit traité, Oscar jetait son pied dans le dos du renne qui ne tomba pas pour autant.

"Qui ne tente rien …" Marqua d'un sourire embarrassé Oscar

Pour se baisser aussitôt, le bras revenant dans un balayage horizontal. Une contre attaque au niveau des jambes s'invita à l'esprit du voyageur, mais elle fut immédiatement rejeté. Il n'allait pas se briser là dessus. Il sauta donc en arrière, en appui sur ses mains, évitant de justesse un coup de poing. Puis un coup de pied. Et encore un autre. Le renne semblait vouloir écraser l'insecte qui grouillait devant lui, enfonçant les grilles du chemin de maintenance, fragilisant la structure. Et Oscar semblait vouloir échapper à la pesante menace, se tortillant pour finalement se remettre sur pattes et fuir à nouveau en passant par dessus la rambarde et atterrir sur un des tapis roulants, encombrés de jouets prêts à être emballés. L'aristocrate bouscula le rêve des enfants sans remords, s'enfuyant sans honte. Le renne le suivit, son corps pesant lourdement sur le tapis. Il rejeta sur le côté le bras en plastique, ayant décrété cette arme inutile. Elle tomba auprès de son récent propriétaire, rebondissant mollement sur le crâne de Kaijin.

Le choc du coup-de-poing avait fait faire à Kaijin une sorte de salto arrière, assez comique. Ce qui avait eu pour effet de le laisser inconscient le front contre le sol, le popotin en l'air et les genoux contre le carrelage froid. Au moins, il ne s'étoufferait pas. Le coup du renne fit couler des flots de sang des narines de l'adolescent, créant ainsi une flaque vermeille en dessous du nez de Kaijin. Un clapotis permanent raisonnait dans la salle obscure.

Oscar et le renne se livraient un duel sans merci. Le renne était rapide et puissant, mais Oscar semblait bien compenser ce manque par sa vivacité. Ceci dit, il allait avoir besoin d'aide d'ici quelques instants. Pour le moment, les deux adversaires se regardaient dans les yeux, leur affrontement reprit quand Kaijin sursauta et tourna sur lui-même dans les airs. Réaction exagérée. Il faut le dire. Lors de son inconscience, il avait rêvé comme un rêveur. Son rêve s'était fini par sa chute d'un immeuble. Il trouva ironique de rêver dans le monde des rêves.

Pendant ce temps-là, les affrontements avaient repris. Kaijin gisait sur le sol inerte respirant doucement, son corps était secoué de tremblements à cause du froid, son nez lui faisait atrocement mal, ses yeux s'étaient humidifiés et avaient rougi. Il ne pouvait plus bouger, plus la force. Chaque autre mouvement que celui destiné à la respiration lui faisait un mal de chien. À quoi bon résister ? À quoi bon survivre dans ce monde ? Il fallait qu'il se rende à l'évidence, jamais il ne serait le meilleur. Jamais il ne trouverait les clés des songes. Il fallait qu'il arrête. Il fallait que ... Qu'il bute ce renne. On venait de lui balancer son bras en plastique dans la gueule.

Il se plaint un moment, jurant envers l'humanité et la difficulté de la vie. Puis il se redressa difficilement, faisant tomber du givre. Il reprit son arme et fit craquer ses articulations, il sautilla sur place pour se désengourdir les membres. Il donna quelques coups de bras dans le vide. Il allait lui péter la gueule à ce robot.

Notons également que Kaijin ignorait que cette chose était un cyborg, pour lui ce n'était qu'un renne un peu trop résistant. Enfin, quoiqu'il en soit c'était un adversaire en plus et, un bon adversaire est un adversaire mort ! Le voyageur décida de faire de cette phrase sa nouvelle devise, ça claquait pas mal, quand même.

Revenons-en au combat. Oscar était clairement désavantagé. Le renne avançait vers lui, lentement, mais sûrement, d'ailleurs, sa marche s'accéléra pour se transformer en course. Mais à ce moment même, Kaijin surgit de l'ombre en sautant derrière l'ennemi, et de toute sa force et de celle de sa chute, il frappa le renne avec le bras de plastique. Il bénéficia de l'effet de surprise et d'une puissance non-négligeable. Le cyborg fut déséquilibré. Il vacilla quelques peu sur le côté, laissant à Kaijin le temps de se placer face à lui, là il enchaîna cinq coups de bras visant le thorax.

C'est lorsque qu'il tenta de frapper la cage thoracique du renne avec son pied que la donne changea. Son pied fut attrapé. Le renne tourna sur lui-même tandis qu'il fit s'élever Kaijin en l'air, pour l'écraser avec violence contre le sol, le bras s'évapora dans l'obscurité. Le voyageur poussa un râle de douleur. Ses côtes avaient bien dégusté. Le renne releva l'adolescent en l'attrapant par les cheveux, il lui martela la mâchoire à trois reprises. Dans un effort imprévisible, Kaijin attrapa le bras qui le frappait avec ses deux mains, bloquant ainsi le coup.

- Oscar ! Besoin d'aide !

Le renne lâcha le morpheur, qui ne lâcha pas le bras qu'il avait attrapé. Il pivota dans le dos de son ennemi, surmontant la douleur par sa haine, il tira de toutes ses forces pour déstabiliser son ennemi et laisser à Oscar une opportunité unique.

Run on the conveyor

La situation n'était pas des plus favorable pour le voyageur démoniaque. Poursuivi par un renne dont la composition organique était soumise au doute, l'aristocrate renversait dans un désordre bruyamment amplifié les cartons de jouets éparpillés sur le convoyeur. La salle vide de toutes activités manutentionnaires résonnait des échos de la fuite, du martèlement des sabots de fer et des jouets bousculés qui venaient s'écraser de part et d'autres. Bien que ralenti par cette débauche d'objets enfantin, Oscar parvenait à conserver ses distances avec ce renne au rouge regard fixe dérangeant. Toutefois, le silencieux et implacable adversaire avançait à bonne vitesse, réduisant l'écart. Il se mouvait avec une droiture mécanique et ne se semblait pas se presser, comme assuré d'accomplir sa funeste mission. Entravé par les jouets par milliers, le noble voyageur anglais ne pouvait se permettre d'engager une réelle course, manquant de chuter et ainsi de voir son ennemi s'abattre sur lui. Son avance se réduisait au fur et à mesure. Il jetait des coups d’œil derrière son épaule et à chaque fois, la menace s'était rapprochée d'avantage. Une légère inquiétude s'empara de l'invocateur.

Soudain, le gardien de fer se fit frapper par surprise et par Kaijin. Ce dernier enchaîna une série de coup de poing sans grand effet majeur, si ce n'est ralentir l'avancé et érafler la peinture, révélant un buste de métal sous la fausse fourrure. L'hypothèse du robot complet tendait à se confirmer.
Après avoir frappé tant et plus, le jeune garçon tenta un magnifique coup de pied, malheureusement intercepté sans grande difficulté.

"Oh non, il va le blesser !"

"Ça lui apprendra à faire des conneries." Ricana le sadique.

"Cet élan de … courage ? Est providentiel, préparons la suite." Commenta froidement Khildar.

"C'est pas du courage, c'est de la connerie j'vous dit !"

Louant l'obstination du garçon (et la dureté de son crâne, aussi vide puisse t il être), Oscar fit face à la situation, serrant les poings et affermissant ses appuis. Et regardant le morpheur se faire malmener par leur antagoniste.

"On devrait peut-être agir, là, non ?" Demanda d'un ton léger Khildar.

"Naaaan, laisse le, c'est le métier qui rentre, à coup de mandales !"

Finalement, après un tour de bras plus ou moins élaboré, le garçon au visage bientôt aussi bleu que ses cheveux, tant par le froid que les coups, sollicita l'assistance de son compagnon nocturne qui réagit sur le champ. Sans plus de discrétion que cela, puisque sa présence était connue et que le jeune voyageur venait de la confirmer, l'aristocrate se lança à l'encontre du renne.
Ce dernier avait un bref instant lâché sa proie pour faire face à la seconde, dédaignant ainsi la prise d'un de ses bras par un Kaijin vindicatif. Ce déni permit à la tête brûlée de maintenir pour un court moment l'immobilisme, offrant ainsi une occasion en or. C'est pourquoi Oscar s'élançait avec détermination en direction du renne, bien décidé à briser ces globes oculaires vide de vie, histoire de supprimer au moins un sens à cet être (et de mettre fin à ce regard incommodant)

En dépit de lors efforts, le sinistre gardien n'avait rien oublié de la présence du voyageur accroché à son bras et il s'en servit comme projectile, le balançant sur Oscar, les repoussant de ce fait plus loin sur le tapis roulant inactif. Le choc fut aussi violent qu'imprévisible. Se prendre de plein fouet un garçon n'était jamais conseillé. Le temps que les esprits recollent les morceaux, le préposé à la sécurité, bien au chaud dans sa salle de surveillance aux multiples écrans, jubilait en tressautant sur son fauteuil, manquant de faire choir son chapeau de lutin. Tapant fébrilement dans ses mains sous le coup de l'émotion, il criait :

"Tue les ! Tues les !"

Sous l'injonction de ces cris répétés dans les enceintes, la créature s'approchait avec lenteur, économisant ses forces pour concentrer son énergie dans des coups plus dévastateurs.
Face à cette menace, Oscar reculait péniblement, tirant Kaijin, repoussant les cartons, pour finalement les balancer sur le robot (les cartons, mais pas Kaijin. Pas la force, mais l'idée soufflée par Saënoris ne manquait pas d'attrait : Renvoi lui donc la balle!). Les insultes aussi fusaient, mais rien atteignait l'inébranlable renne.
Finalement, profitant de la lenteur latente, Oscar rassembla ses forces et puisa dans ses ressources. Il agrippa le jeune garçon, qu'il soit inconscient ou non, et par un tour de force accompagné d'un râle, le tira pour au final l'envoyer … non pas sur le renne comme le suggérait le démon sadique, mais sur un autre convoyeur. Faiblement, il le rejoignit, évitant un sabot vengeur. Le nouveau chemin qu'ils venaient d'emprunter jouxtait le précédent lors d'un coude sur le tracé.

A peine finissaient ils de reprendre leurs esprits que le tapis roulant se mit en branle. En effet, le responsable de la sécurité avait manipulé quelques commandes lui permettant d'activer une partie de la chaîne. Oscar leva la tête. Un panneau indiquait froidement : jouets défectueux. La fin s'annonçait : l'incinérateur. Oscar tourna la tête, un bruit s'était fait entendre, en plus du ronronnement des machines. Le renne, tout acquis à sa mission, les avait suivis.
Étrangement, Oscar sourit. Son plan (mûrit par son majordome) se confirmait.

Tout s'enchaîna très vite pour Kaijin. Il avait les pieds cloués au sol et le bras bien en main, dans la seconde d'après, il volait à travers la salle en agitant bras et jambes, tout en usant de ses capacités vocales. Il heurta de plein de fouet l'aristocrate. Les deux voyageurs furent ainsi projetés sur un tapis coulissant inactif. Le jeune chevelu roula sur lui-même pour se retrouver sur le ventre à gémir. Il ne se laissa pas abattre pour autant. Posant ses mains sur le tapis, il se redressa et s'assit sur un rebord, il expira et inspira en regardant ses pieds.

Il releva la tête, faisant valser ses cheveux en arrière, décidé à aller casser du robot, sauf que non. Une main le projeta sur le côté et sur un autre tapis coulissant. Emporter par l'élan et largement désorienté, il tenta de passer au-dessus du tapis en faisant un grand pas, il éleva son pied droit, sauf que l'appareil se mouva, réduisant l'équilibre de Kaijin à néant, il s'étala au sol comme un vulgaire sac à patates. Il gémit et resta figé dans cette position ridicule quelques instants. Il avait un pied sur le rebord du tapis qu'il avait essayé de monter, son autre jambe était pliée contre son postérieur, ses bras étaient collés à son corps, ses avant-bras dressés en l'air avec les doigts crispés. Il était ridicule.

Ses omoplates avaient subi l'intégrale des chocs, dieu qu'il souffrait. Il avait envie de les arracher pour ne plus avoir mal ... Je ... Une seconde. Ah oui. Il est vraiment con. Ce qui le sortit de son état plus ou moins léthargique justifié par la douleur et le froid, furent les pas du renne. Kaijin tourna la tête en sa direction, une boule de panique lui déchira le ventre, il dégagea son pied coincé sous ses fesses et leva sa jambe en l'air qui fut accompagnée de celle déjà en hauteur. Son fessier s'éleva, ses jambes basculèrent vers son torse, faisant ainsi pencher la balance. Rien de mieux qu'une galipette pour retrouver une certaine dextérité des mouvements. Et souffrir un peu.

Il se redressa avec une facilité déconcertante après ça et fonça droit vers le tapis roulant, il sauta dessus. Le voyageur posa un genou à terre, histoire d'avoir un peu plus la classe. Il se releva, juste devant lui, à deux pas, il y avait Oscar. À dix pas de plus, le renne venait de monter sur le tapis. Le voyageur se redressa pour faire face à cet adversaire décidément trop coriace. Le jeune adolescent n'était pas fait pour les longs combats. Dès qu'il faisait un mouvement à présent, il souffrait le martyr. Son pouvoir ne devait pas montrer le bout de son nez non plus, parce que, ce qui rendait une confrontation zombie-robot amusante, c'était de voir à quel point le zombie se faisait exploser.

Kaijin avança vers Oscar avec une difficulté certaine, parce que marcher à contre-sens d'un tapis roulant, c'était jamais facile. Le renne avançait, tout ce que pouvait faire Kaijin c'était d'essayer de le ralentir. Et l'optique de taper sur le renne lui plaisait. Il glissa quelques mots à l'oreille d'Oscar.

- Je vais tenter de lui casser le gueule, un peu. Si t'as un plan, je veux bien être la diversion.

Là où le plan de Kaijin était assez foireux, c'était qu'il avait subi beaucoup de dégâts et que la fatigue commençait à s'emparer de lui. Même s'il se sentait vraiment bien, il puisait dans ces dernières ressources. Il se baissa, s'infligeant un affreux mal de côtes, mais, il s'était armé. De deux jouets cassés assez volumineux. Des grosses figurines qu'il tenait par les pieds. Le voyageur quitta le tapis, pour courir jusqu'à l'emplacement du renne et se retrouver dans son dos. Il rejoint son ennemi sur l'appareil destiné à se débarrasser des jouets défectueux. Kaijin se mit en garde et battit l'air avec les siens.

Le renne se retourna lentement, son regard croisa celui de Kaijin. Ils allaient se sauter dessus, dans moins d'une seconde.

Highway to Hell ...

Par contre, Oscar sourit moins à l'attitude de Kaijin. Qui se vautra magistralement en essayant de faire on ne sait quoi. Quel mouche avait piqué le jeune garçon turbulent ? Ne pouvait il pas tenir en place, juste le temps d'établir calmement un plan d'action ? Une certaine moutarde assaisonnée à la pile bleu électrique commençait à monter au noble nez anglais.
Par cette idiotie, l'invocateur se retrouvait seul face à leur adversaire menaçant qui avançait implacablement, position fort peu confortable, les jouets défectueux épars n'aidant pas. Il pesta entre ses dents, serra le poing, et recula, car la menace était toujours présente. La possibilité de voir le renne s'évanouir, fondant comme neige au soleil, n'était que pure spéculation et tenait du miracle de Noël. Or, la fête païenne la plus proche était Halloween, et non la célébration de l'enfant Saint. C'était donc mort.

Heureusement, le jeune impertinent rattrapa sa bourde et son aplomb par un bond … plus ou moins maîtrisé, lui permettant de reprendre le train (de l'action et du convoyeur) en marche. La colère engendrée céda place à une satisfaction qui se mua en grand sourire lorsque le jeune voyageur proposa de lui-même de faire diversion. Quel plaisir de constater que les réflexions avaient porté leurs fruits. Peut-être qu'il était envisageable d'en faire quelque chose, après tout. Mais rien n'était moins sûr. Ce jeune godelureau avait déjà prouvé par le passé qu'il était capable du meilleur, comme du pire, d'une seconde à l'autre. C'est pourquoi le sourire était de circonstance et que les espérances se modéraient par les expériences précédentes.
Il acquiesça et confirma l'existence d'un plan par un mouvement de tête, provoquant alors le départ du garçon pour … quitter le tapis. "Mais c'était pas possible ! Il le faisait exprès, c'était obligé !" "Il fallait tout de même convenir que son obstination, malgré ces blessures, forçait le respect"

Une nouvelle fois, Oscar se retrouvait face au renne, seul. Une nouvelle fois, Kaijin se retrouva dos au renne. Ce dernier aurait pu commencer à s'interroger sur la santé mentale des protagonistes et leur logique. Peut-être qu'un vague éclat de considération concernant les agissements erratiques illumina ses globes oculaires artificiels, mais l'aristocrate était trop occupé à survivre et s'éloigner pour le vérifier.
La configuration se répétait, mais le résultat s'escomptait bien meilleur. Ils étaient mieux préparés et attendaient à la suite de pied ferme. Enfin, si chacun faisait sa part correctement. Et pour le bonheur du plan et de son intégrité physique si précieuse à ses yeux, Oscar fut épargné par le renne qui décida que Kaijin était une cible plus proche et plus facile à éliminer, au vu des dégâts déjà subis. Il s'en retourna donc, portant toute son attention vers l'agité garçon.

Tandis que les deux s'élançaient pour se mettre sur la figure avec toute la verve et vigueur digne de leur puissance respective, le voyageur démoniaque décida de mettre son plan à exécution et … sauta du tapis roulant pour retomber aussi dignement que possible sur le sol de la manufacture. Ensuite, il se dirigea en direction d'un tableau de commande avec un certain empressement, estimant qu'il était nécessaire que son compagnon survive à l'échange et que pour ce faire, l'échange devait être aussi bref que possible.
La configuration du panneau de contrôle était simple au possible, en conformité avec l'inconscient collectif. Des myriades de voyants aux différentes couleurs étoilaient l'ensemble, clignotant avec une alternance incongrue, sans réelle signification. Cette guirlande ne servait concrètement à rien, et seules les indications portés sur de vieux écrans noirs aux écritures informatiques vertes importaient. Quant aux commandes elles-mêmes, au milieu des leviers, boutons et autres potentiomètres, des étiquettes indiquaient clairement leur (in)utilité. Il suffit donc au Lord anglais de parcourir rapidement l'instrument des yeux pour qu'il repérât là où il fallait agir. Cette étape accomplit avec toute la célérité requise, il tourna brusquement un bouton.
Deux réactions immédiates en découlèrent. Une aiguille signifiant la vitesse de déplacement des tapis roulants vira d'un bord à l'autre. Et ledit tapis roula à une vitesse beaucoup plus rapide. Si l'aiguille n'eut aucune conséquence, le déplacement subitement accéléré du convoyeur en eut, et pas des moindres. En effet, l'énergie cinétique entra en action et s'appliqua rudement aux deux corps disposés sur un support qui accélérait. L'équilibre devenait précaire et le conserver relevait d'une adresse possible, mais difficile. Oscar jubilait intérieurement et se permit un sourire narquois en constatant son œuvre. Il jeta un coup d’œil vers la destination : l'incinérateur. Oh oui, ça allait être d'enfer …

C'est alors que le tapis cessa brutalement d'amener vers une destination finale brûlante les deux combattants, sa vitesse s'étant drastiquement réduite. Le sens n'avait pas été modifié, mais la vitesse avait subi une modification majeure.

"Touche pas à ça, petit con !"

Ainsi, le mec à la voix criarde avait lui aussi la main sur la chaîne de montage ? Et bien, que le jeu commence dans ce cas ! Et c'est une véritable bataille de contrôle du terrain qui s'engagea, où les forces s'affrontaient par entités interposés. Ce terrain ne cessait de changer de vitesse, plus ou moins brutalement. Un véritable défi pour demeurer debout.
Cependant le préposé à la sécurité, qui avait compris le plan exagérément simple de l'aristocrate (surtout de son majordome) - mais les choses les plus simples sont les meilleures, pas vrai ? - était tiraillé entre sa volonté de réduire en cendres ces fouineurs et de conserver intact sa création. Car si ils périssaient dans l'incinérateur, qui allait s'occuper de l'autre voyageur, en blanc ? Lui Certainement pas, il n'était pas fait pour ça.
C'est donc dans ce dilemme qu'évoluait la prise de contrôle, chacun boostant ou ralentissant la vitesse du tapis. Sachant que Oscar privilégiait d'avantage l'accélération que son opposant qui semblait avoir choisit la préservation des membres du tapis.

"Attention ! Tu vas finir par envoyer Kaijinounet dans l'incinérateur." S'inquiétait Luëst.

"Au bûcher, l'abruti !" S'esclaffait le démon sadique, ravi de la tournure des événements.

Cependant, les suppliques de sa démonette n'obtenaient pas gain de cause, l'invocateur était moins soucieux de la sûreté du morpheur que de sa volonté d'en finir avec cette créature mécanique.
D'ailleurs, les deux s'approchaient toujours plus de la gueule béante avide, les jouets défectueux chutant, provoquant flammes et crépitements. A chaque nouvelle offrande, le monstre ardent exprimait son envie par des bouffées de chaleur et une intensité supérieure.
Ils n'étaient plus vraiment très loin. L'antre d'Hadès demandait plus d'âmes. Le cerbère s'acharnait sur Kaijin, tout en tentant de rétablir un équilibre constamment brisé. Les vagues brûlantes devaient réchauffer le pauvre garçon qui avait sacrifié ses vêtements. Peut-être un peu trop.
L'air puait le plastique fondu et d'autres matériaux en fusion. Et la vitesse du tapis sembla se stabiliser à une vitesse moyenne. Et les autres tapis se mirent en branle. Et d'autres machines aussi.
Dans un soucis de chaos, Oscar s'était rendu de panneau de contrôle en commandes pour activer toute la machinerie. Un boucan d'enfer accueillit l'initiative.
Les rouages se cognaient, les tapis roulaient, des chariots s'activèrent, des crochets se déplacèrent, des lumières clignotèrent et des fumées s'échappèrent des hautes cheminées, témoignant de l'activité qui reprenait. Au dehors, des lutins s'étonnèrent de la mise en fonctionnement, alors que l'alarme avait été donné et le personnel évacué. Que se passait il ? Déjà que les patrouilles de rennes avaient confirmé la présence des dangereux voyageurs de la veille …

A l'intérieur, Oscar prenait son pied en jouant avec les manettes à sa disposition. Il jouait au savant fou, tournant, tirant, poussant, gesticulant dans tous les sens, virevoltant et ponctuant ses actions de splendides "En avant !" ou de formidables "Allons y !" ou encore de "Fantastic !" Il ne lui manquait qu'un tournevis ...

Bien que les actions semblaient dénuées de logique, l'activation de l'ensemble des chaînes de montage offrait plusieurs opportunités de fuite pour Kaijin, comme un autre tapis non loin, ou encore ce crochet qui allait et venait au dessus de l'incinérateur qui, décidément, pourléchait sa bouche de flammes affamées.
Face à ce désordre engendré, le responsable de la sécurité s'arrachait les cheveux qu'il n'avait pas. Il ne voulait pas perdre sa magnifique création, son œuvre magistrale ! Il y avait consacré tant de temps, ce n'était pas pour la perdre aussi bêtement. Par conséquent, il déplia ses jambes, redressa son buste et sortit précipitamment de son bureau, faisant choir son chapeau de lutin pour dévoiler un crâne chauve, un front barré de rides de réflexions et une peau verdâtre. Il oubliait toute prudence et ne pensait qu'à sauver sa créature.
Et il manqua un jeune voyageur brun à la mine renfrogné qui passait non loin, visible par l'une des caméras de l'extérieur. C'était le contrôleur sanguin qui avait été attiré par l'agitation inhabituelle de l'usine.

Kaijin était de profil, les genoux fléchit, le bras gauche, devant lui, tenant son arme par le pied, son bras droit dans son dos, le jouet pendouillait près de la taille du voyageur. Son sang bouillonnait, il n'en pouvait plus d'attendre, les secondes n'étaient même plus des minutes tant elles étaient pesantes. Le terrain n'avantageait aucunement les deux adversaires, Kaijin devait dominer le combat, car, reculer lui serait impossible. Mais, il avait l'air de savoir ce qu'il faisait. Le renne bougea, son bras s'éleva dans les airs et s'abattit droit vers Kaijin, un rictus diabolique déforma le visage de ce dernier. Il se décala sur la droite du renne et frappa le bras avec son arme gauche, propulsant le bras vers le sol, il frappa ensuite la tête avec son arme droite. Ces actions lui donnèrent le temps pour se replacer et attaquer.

Le renne avait reculé de deux pas et à peine s'était-il arrêté que Kaijin était de retour. Il le frappa avec ses deux armes de chaque côté, tournant sur lui-même avec une certaine grâce. Il poussa son adversaire avec un coup de pied dans le torse, mais, seulement lorsqu'il fut certain qu'aucun bras ne pourrait le maîtriser. Le renne recula de trois pas, Kaijin se jeta sur lui, sauta et écrasa une de ces armes sur sa face, le faisant vaciller. Un bras métallique s'éleva juste avant le reste du corps, repoussant une deuxième attaque de la part du voyageur. Kaijin fut projeté en l'air suite un coup-de-poing. Sur cinq mètres. Cinq mètres. Cinq.

Kaijin s'écrasa de tout son long sur le tapis. Il se redressa difficilement en se tenant le ventre. Il leva les yeux. Pour voir le renne quitter son allure stoïque. Les genoux du robot fléchirent, il se mit en garde, et le meilleur arriva. Ses poignets changèrent. Le droit se transforma en une scie circulaire et l'autre fut entouré de deux armes. La vitesse du tapis variait, de quoi ajouter du piment au combat. Un boucan infernal s'empara de l'espace sonore, le tout, accompagné du bruit de la scie. Kaijin serait le premier à attaquer. Il se lança vers le renne. Jusqu'à ce que le tapis ralentisse, ce qui marqua l'entrée du renne dans la course, ce qui fut une surprise assez mauvaise pour le voyageur.

Le jeune homme devait agir vite, il le fit. Il s'arrêta et plia son genou droit et élança son bras droit en l'air au moment où l'autre arriva. L'arme frappa le menton du robot le faisant reculer. Kaijin se redressa et tenta d'attaquer de nouveau. Il était plus rapide et causait de lourds dégâts, mais ce n'était suffisant. Le tapis s'accéléra brusquement, déséquilibrant les deux adversaires. Le voyageur tenta une attaque maladroite qui avait pour but de frapper l'épaule adverse. Les deux lames se plantèrent dans le jouet et le déchiquetèrent. Kaijin lâcha son arme et donna tout son potentiel dans un dernier enchaînement avec sa seule arme. Lui faisant fendre l'air avec une vitesse impressionnante et une dextérité qui forçait le respect. Du sang gicla, des débris de jouets et des bouts de robot.

Le poignet possédant les lames du renne venait d'être détruit, mais, la scie avait eut raison du dernier jouet et avait offert à Kaijin une longue balafre tout le long du torse. Ce dernier vacilla. Posant un genou à terre. La scie et son vrombissement glacial s'élevèrent en l'air, prêt à cisailler l'épaule du chevelu. Le voyageur releva la tête, les cheveux enduit de transpiration. Il croyait que tout était perdu lorsqu'un crochet entra dans son champ de vision, c'était sa chance. Le crochet fendit l'air et frappa l'épaule du renne en arrachant une partie cyborg. Kaijin brandit son bras en l'air et resserra ses doigts autours du crochet. Il s'éleva dans les airs, serrant les dents pour ne pas lâcher sous la douleur.

Cependant, il avait gagné, ce n'était plus qu'une question de temps. Son corps fusa vers le renne. Le voyageur se mit en boule et déplia ses jambes avec le plus de forces possible contre le torse du renne. Ce dernier fut éjecté dans les flammes implacables de l'incinérateur. Un rugissement glaçant raisonna. Kaijin lâcha le crochet en même temps et fut projeté dans des caisses remplit de jouets cassés. Ses tympans ne lui en furent pas vraiment reconnaissants, comme le reste de son corps enfaîte. Il rassembla ses forces pour sortir de la masse de jouets.

Le corps de Kaijin se laissa tomber de la benne dans laquelle il était. Tout son corps lui faisait mal, son torse était de nouveau à moitié à l'air. Il se déplaça jusqu'au tapis pour rejoindre Oscar. Un crissement métallique lui fit tourner la tête. Un bras fumant émergea des flammes accompagnées d'une tête fondue, ne ressemblant même plus à un renne, un buste fondu apparue également, c'était les restes de leur ennemi. La chose rugit avec de disjoncter dans un flot d'étincelles et de retourner parmi les flammes. Les deux voyageurs avaient gagné.