"Et toi là tu me passes un œil pour finir ma partie de billes?"

Il y a un an de cela, il serait sans doute resté sans voix devant le nain bedonnant qui lui faisait cette demande, mais Saylen avait eu largement le temps de s'habituer à ce monde onirique, et alors qu'il en était à son énième verre d'un mélange un peu douteux, il savait où il commencerait sa nuit. Même s'il avait su se faire diablement discret, note Manieur n'en avait pas moins d'expérience, car cela faisait bien plus d'un an qu'il parcourait les terres déjantées de Dreamland. Loin de la quête commune de puissance, lui préférait visiter le domaine visible, profitant de ce monde qu'il pouvait contempler.
Prenant une profonde inspiration, il posa ses yeux d'aveugles aux alentours, admirant ce royaume qu'il n'avait que très peu visité. A vrai dire il n'était pas du genre à trop s'épandre, aussi rares furent les occasions où l'alcool l'emmena dans le monde des rêves. Pourtant, Délirium city était un royaume qui valait le détour! Petit joueur de nature, notre héros ne s'était jamais réveillé autre part que dans le quartier Sud, celui de l'alcool Joyeux. Évidemment il avait déjà un peu visité les autres, mais disons que dans un endroit où les bâtiments changent de place toutes les 4 heures, on était jamais à l'abri de inattendu.

"AH!!!"

Il était rare d'entre le Johns crier, mais avouons qu'éviter de justesse une hache géante était un évènement assez incongru. Oui, le nain bedonnant s'était agité, et sortant de nul part un gigantesque hachoir trônait désormais dans ses mains, entrainant le voyageur dans une course forcée!

"MAIS DONNE MOI TON PUTAIN D’ŒIL! PENSE A MA PARTIE BORDEL!"

Au moins avec ça, l'ambiance générale ne faisait aucun doute, et alors que d'autres nains "hacheurs" rejoignirent leur confrère, notre homme continua sa course. Non, il ne s'inquiétait pas de la route qui prenait un malin plaisir à tenter d'esquiver ses pieds, ni même aux haches qui volaient à ses cotés. En ce moment, son sourire comblé était celui d'un homme grisé par l'aventure, celui d'un Voyageur.

Dreamland n'étant pas totalement dénué de justice, le gang des nains finit par se lasser, laissant notre escrimeur dans une ruelle peu accueillante. Comment diantre avait-il réussi à se faufiler dans ce piège à rats, mystère, mais quoiqu'il en soit, à l'ombre de deux immeubles, il se retrouvait dans un lieux qui, même dans cette ville, captait l'attention. Était-ce cette odeur de crasse et de fer, ou les étranges halètements qui troublaient le silence... LE SILENCE?! Voila qui redoublait le mystère de l'endroit... car sincèrement, il y avait-il un seul lieux calme dans la Ville du Délire? Bref, laissons à d'autres la lâcheté, d'autant plus que ce n'était pas une ruelle un peu sombre qui allait effrayer le maître du Sabre Blanc. Voyant aussi parfaitement qu'en plein jour, le manieur continua sa route, sa main droite caressant le pommeau de son arme tandis qu'il constatait les marques rougeâtre qui tachaient les murs. Au moins, l'odeur ferreuse venait de révéler son origine... UN peintre hémophile se promenait dans le coin! Plus il avançait, et plus les traces se faisaient présentes, saisissantes, et diablement plus brutales. Saylen avait beau faire de son mieux pour garder son calme, ses petits froncements de sourcils, les mordillements incessants qu'il infligeait à ses gencives, et ses doigts qui tapotaient de plus en plus sur son pommeau trahissait sa préoccupation.

Toc, toc...toc.

Lentement, elle roulait jusqu'à lui, ses yeux encore écarquillés témoignant du drame qu'elle avait du subir. Rebondissant un peu sur les pavés teintés de rouge, ses lèvres semblaient étirées par une immonde cicatrice. Coïncidence ou destinée, cette chose finit sa course aux pieds du Johns, ce dernier manquant évitant au dernier moment d'écraser les oreilles effilées de la pauvre créature.

"Et merde..."

Sans doute dit-il cela pour calmer son propre désarroi, mais la poigne féroce de sa main sur son arme ne trompait personne. Et franchement, qui ne serait pas troubler de voir ainsi une tête roulée à ses pieds?! Mettant fin au froid qui s'emparait peu à peu des entrailles du Sabreur, un corps fila dans sa direction, ne laissant au jeune homme que le temps de se plaquer contre un mur afin d'éviter le funeste projectile. Au moins il avait résolu le mystère de la tête sans corps, même s'il aurait sans doute préféré s'abstenir d'une solution aussi percutante. Hélas, la nuit ne faisait que commencer, et très vite, son cœur changea de cadence, des bruits de pas se faisant de plus ne plus clairs, tandis qu'une silhouette grotesque prenait forme dans l'ombre.

"JoJo... Bo-goss!"

Hum...comment dire... inattendu? Tout se prêtait à l'épique, que ce soit le cadavre encore chaud, la tête sauvagement décapité, la ruelle sombre et la silhouette sans cesse grandissante, tout appelait à un dénouement de toute beauté. Sauf que nous étions à Délirium city, et au lieux d'un monstre digne des légendes, une chose à moitié humaine sortie de l'ombre, les protubérances déformant son dos étant sans doute la partie la plus belle de sa personne. Malgré le fait qu'il n'est jamais eut à jugé son prochain sur l'apparence, Saylen ressenti comme une répulsion naturelle à l'égard de cet homme. Était-ce à cause du sang qui ruisselait sur sa peau copieusement déchirée? Était-ce son visage qui, ravagé par les cicatrices, n'avait plus rien d'humain? Ou cela venait peut-être de son ensemble en cuir du parfait petit masochiste? Qu'en sais-je? La seule chose certaine ici était le regard luisant de cette chose, dont les iris rougeâtre semblaient déjà jouir de leur futur proie.

Tandis que l'un se muait dans le silence, l'autre fit résonner un rire bestial, trainant dans un horrible grincement de métal une espèce de... HACHE?!

"Vous en avez pas marres!"

Quoi, ça non plus ce n'était pas très approprié, je vous l'accorde, mais comprenons un peu ce jeune homme qui semblait être maudit par l'arme de métal. A croire qu'il y avait une braderie générale dans le coin ou un truc du genre...Bref! Ayant réussi, par cette incongruité à retrouver ses moyens , le sabreur fit quelques pas en arrière, heurtant au passage le corps préalablement décapitée. Il n'avait pas remarqué, mais elle était assez jeune, même si évidemment cela ne signifiait pas grand chose pour une créature des rêves. Cependant elle n'en restait pas moins une femme, une personne sans défense qui n'avait comme seul faute que d'avoir croisé la route d'un salaud.

"Je ne suis ni un démon, ni un héros...- S'arrachant du corps inerte, ses iris nacrés s'enfoncèrent dans les perles sanguines du bourreau. Mais...

-JOJO BOOOO GOSSSSSSSSSSSSS§"

Qu'importe qu'il n'est pas pu finir sa phrase, coupé par le hurlement au combien pathétique de ce pathétique adversaire, l'intention de ses mots pouvant très bien se lire sur son visage. Ses sourcils étaient toujours contractés, un léger mordillement taquinait toujours sa lèvre, mais la main ferme qu'il posa sur son arme était celle d'un homme décidé. L'autre l'avait également compris, et déjà il accélérait la cadence, espérant, sa hache maintenu en l'air, trancher d'un coup le gringalet qui l'affrontait. L'ouverture était immense, l'angle parfait, aussi... pourquoi lorsqu'il dégaina son arme, il n'y eut que de l'air pour s'opposer à sa lame? La confiance en soi est nécessaire, mais son surplus peut se montrer fatal, et alors qu'un brouhaha de métal siffla derrière lui, le sabreur comprit qu'il avait bien sous-estimer sa proie. Malgré la vivacité de sa roulage, le fer griffa son dos, lui laissant en plus d'une méchante entaille, une violente douleur sous ses omoplates. Certes, ça faisait mal, mais pensez-vous qu'il avait le temps de se poser et de pleurer pour sa pauvre peau? A peine eut-il reprit ses esprits que notre héros se jeta contre un mur, protégeant son dos d'une autre attaque importune. Balayant la ruelle du regard, il dégaina de nouveaux son sabre, envoyant une lame de lumière, aussi fine que tranchante dans un coin sombre. La surprise le permit de toucher sa cible, mais quoi de plus normal, le maître du Sabre blanc ne saurait être aveuglé par de simples ténèbres.

Encore un rire, comme s'il fallait absolument que ce monstre fasse preuve de sa folie, m'enfin au moins laissât-il au Manieur le temps de reprendre son souffle, et déjà ce dernier envoya deux autres salves rejoindre la bête. Cette fois, malgré ses yeux divins qui auscultaient sa cible, le bourreau disparut de nouveau, pénétrant dans...l'ombre? Quoiqu'il en soit, plaqué contre un mur, le Johns était prêt à parer l'imprévu, enfin...sait ce qu'il pensait, car lorsqu'une main hideuse apparue derrière lui, saisissant sans même lui laisser le temps d'agir son cou, il ne put rien y faire. Pris au piège pour avoir, de nouveaux, sous-estimer le danger, il suffoquait, son corps s'éloignant du sol au fur et à mesure que la créature sortait de l'ombre. Allait-il réellement mourir contre un être aussi pitoyable? Lui, héritier d'un puits d'un lumière, pouvait-il seulement se permettre de périr dans si piètre occasion?

"N..ON!"

Plus murmuré que crié, ce mot n'en fut pas moins une preuve de sa détermination, et profitant de l'agitation de Jojo, qui, trop content de martyriser un voyageur, ne faisait plus attention à l'essentiel, Saylen sortit sa lame de son fourreau, irradiant dans le même instant la lumière de son infaillible volonté. Montrant de nouveaux la splendeur de son pouvoir, le Sabre blanc illumina la scène, confrontant ce monstre à la proximité d'un soleil. Pour un homme habitué aux ténèbres, cela était sans doute une douloureuse agression, tant est qu'il en relâcha sa prise, trop pressé par le besoin de dérober ses yeux à ce trop plein de splendeur. Une contre-attaque à ce moment aurait sans doute opportune, mais c'était un peu trop demander à notre cher héros, qui, quelques secondes plus tôt manquait d'air. Ainsi, alors que l'un récupérait son souffle, l'autre cherchait désespérément un coin d'ombre, perturbé par ce changement d'atmosphère. Tout deux eurent besoin d'un temps d'adaption, et en bon vivant le destin les remit d'aplomb au même moment. Certes, monsieur agitait toujours sa hache, mais sans ses curieux stratagèmes, ce psychopathe ne faisait pas vraiment le poids face à un voyageur déterminé.
Ne cessant pas de propager sa lumière, Saylen fonça vers sa proie, sa griffe léchant tout d'abord son flanc, puis son dos, son bras, sa jambe... Ralenti par sa vue brouillée, Le "bo-goss" péchait un peu à parer un affront si passionné, et si quelque fois il sentit le doux contact de sa hache et d'un morceau de chair, ce ne fut que pour constater non sans amertume qu'il ne faisait que brasser l'air.
L'un comme l'autre avait un atout dans la main, sauf qu'hélas, un maître des ombres contre un Héros de Lumière, les dés étaient faussés. La lueur du Sabre Blanc ayant chassé les ténèbres, quels espoirs restait-il à ce piètre tueur? A quoi pouvait lui servir la force dantesque qu'il mettait dans sa hache, contre la vitesse et la réactivité d'un épéiste?

Non, il n'allait pas perdre parce qu'il était moins fort, ou moins déterminé, mais tout simplement parce qu'il était tombé sur la mauvaise personne, et alors que, après avoir élégamment esquivé un violent coup de hache, Saylen bondit dans une estocade, l'affrontement se termina. Traversant un cou pourtant anormalement musclé, le métal se teintait de rouge, le sang s'enroulant autour de la lame avant de dégouliner. Les yeux écarquillés du malheureux cherchaient désespérément ceux du vainqueur, sauf qu'il n'eut pas droit à cet honneur. Retirant violemment son arme, le Manieur propulsa le corps d'un coup de pied, s'évitant ainsi une douche "forcée", et surement peu agréable. Se rapprochant d'un des bâtiments, il y posa son dos, profitant de cet appui pour descendre lentement au sol. Évidemment, il haletait, mais qui ne serait pas fatigué après un combat? Car si, dès qu'il eut chasser les ombres, la victoire fut presque acquise, n'oublions pas qu'il avait tout de même du enchainer les morsures, afin d'éviter à ce masse, balourde certes, mais puissante, de se reprendre pieds. Son salut il l'avait eut dans harcèlement, et sa poitrine qui maintenant voulait se détacher de son corps en était un des effets secondaires.
Seulement... Dreamland n'a jamais été une terre de repos, et alors qu'il commençait à peine à récupérer, un bruit d'horloge annonçait que 4 heures étaient passées, et que les bâtiments désiraient valser.

"Et c'est parti..."