Donc, Louis commença à cuisiner Pul que Shad avait soigneusement préparé. Enfin, soigneusement n’était peut-être pas le terme le plus approprié, mais il convenait assez bien. Le garçon à lunettes en culs de bouteille était complètement apeuré et s’était même fait dessus. Heureusement que Howl n’avait pas de nez.  Louis désigna la créature cauchemar comme quelqu’un qui faisait peur et cela la réjouit hautement. Elle pensait que son petit manège avait eu son effet et aimait être source d’une peur quelconque. Elle s’éloigna un peu avec le signe et alla s’asseoir sur le corps de celui qui s’occupait normalement de la salle informatique, toujours sonné par le coup qu’elle lui avait porté. D’ailleurs, était-il en état de revenir parmi les conscients ? Elle n’en doutait pas, étant donné qu’il n’avait pas une si grande force.

Hésiter à frapper un enfant juste parce que celui-ci était dégoûtant ? Que nenni, il était inutile de l’espérer, elle avait torturé des enfants pour moins que cela, lorsqu’elle était encore dans le Royaume Obscur. Elle en avait effrayé des centaines et se délectait de cela à chaque fois. C’était plus facile à effrayer que les adultes et les enfants ayant peur du noir étaient plus nombreux aussi. L’être obscur n’avait aucune honte à le faire, c’était son job. De plus, ce genre d’éthique humaine était à des années lumières du cerveau de cet individu, alors pourquoi compter là-dessus ? Totalement pathétique ce Pul.

Pul passa donc à table finalement. Il parlait avec des mots qui flattaient l’oreille de Shad, même si la voix était des plus désagréables. Dominer les foules… Parler pour que tout le monde se jette à ses pieds… Un pouvoir tellement puissant qu’il permettrait rapidement à la créature de devenir Duc Obscur ! Il fallait absolument qu’il mette la main sur ce foutu carnet !

** Minute… ** se mit à réfléchir Shad, ** Un carnet, c’est pas un truc avec des mots écris dedans ? Eh merde… **

Howl avait soudainement perdu tout intérêt dans cet objet. Lire pour lui était quelque chose d’impossible car personne ne le lui avait jamais appris, il ne savait que parler, crier et faire peur aux gens. Qu’allait-il faire d’un carnet illisible ? Totalement rien du tout. C’était un objet qui lui était inutile mais il était assez futé pour savoir que personne ne le lirait pour lui et faire ce qu’il voulait à moins d’être Duc Obscur. L’être des ténèbres était tellement dégoûté qu’il ne prêtait plus attention à ce que lui disait Louis. C’est lorsque Louis s’adressa réellement à lui avec son « alors ? » qu’il redescendit sur Dreamland. Il saisit Pul et le posa par terre avant de passer au-dessus et de dire :

- Louis, on va au « Cédéï » si tu veux, mais sans ce mioche. En plus de ne pas être propre, il pourrait essayer de nous berner car lui sait lire le carnet, sans doute. Si tu y tiens, nous pourrions y aller, mais ça ne m’enchante guère… Qu’est-ce que j’irai foutre d’un tel carnet ? Je peux bien faire ça parce que je suis quand même curieux et je n’ai pas envie d’être venu ici pour rien…

À ces mots, il commença à se diriger et à demander par un signe de main à Louis de le conduire au CDI. Une fois sur place, la créature cauchemar pris un écran au hasard et l’explosa par terre de rage en réclamant l’attention de ceux qui y étaient présents. Une fois que Louis expliqua le pourquoi de ce grabuge, Howl tirait la tronche, il était frustré, mais à un point. Il se mit à gueuler :

- Si vous ne coopérez pas, je vous latte tous jusqu’au dernier !

Après ce mots, il fit voler le clavier et la souris de l’ordinateur dont il avait explosé l’écran et donne un coup de poing dans l’unité centrale. L’élève à qui appartenait momentanément le poste de travail se prit le clavier au travers du visage et tomba à la renverse. Ce n’était pas le moment d’emmerder l’être obscur, oh, non…

Spoiler:

hrp:

La créature obscure suivit encore une fois Louis et Pul et tenta de se calmer en serrant les poings. Allons, allons, Shad. Est-ce vraiment ainsi que réagirait un futur Duc Obscur ? En y repensant, il se calma de moitié.

Un horrible morveux vint s’approcher d’eux en bégayant et l’être des ténèbres n’eut même pas à le menacer pour le faire taire, Louis s’en était chargé bien avant. Redevenu calme, Howl observa les alentours. Il y avait quelques ordinateurs pour faire des recherches express (d’ailleurs, désormais, il en manquait un) et pas mal de livres. Pour lui qui n’avait jamais mis les pieds dans un endroit possédant de tels ouvrages, il était impressionné par le nombre. Il ne lui fallait pas grand-chose, en effet. Il suivit encore Louis, et regarda par-dessus l’épaule de celui-ci pour voir Pul déterrer une boîte de très simple facture de sous une latte d’un rayon dont il ignorait la nature.

Lorsque Louis éclata la boîte par terre après l’avoir prise des mains du gniard infecte, Shad eut un soubresaut de surprise assez mitigé. Il était agréablement surpris qu’il ait pensé à la même chose que lui, mais il ne pensait pas que Louis était aussi bourrin que cela. Il fallait qu’il remarque que lui aurait profité du verrou en moins pour arracher le couvercle de la boîte. Le résultat allait être le même, mais avec une méthode légèrement différente.

L’être des Ténèbres ne remarqua rien de particulier sur le carnet –c’est à dire sa couleur rose bonbon- car, rappelons-le, il ne pouvait voir les choses qu’en échelle de rouge. Louis se retourna avec un très léger et rapide air douteux sur le visage. Néanmoins, Howl ne compris pas pourquoi et demanda :

- Eh ben quoi ? On a le carnet, non ? Ouvre-le et lis, mais ne l’utilise pas sur moi, c’est tout ce que je te demande.

Soudain, la créature cauchemar entendit un gros bruit de pas arriver dans leur direction. Des dizaines d’élèves entrèrent dans la salle du CDI et certains vociférèrent en chœur :

- Nous ne vous laisserons pas nous prendre notre trésor !

L’individu du Royaume Obscur arqua un sourcil en voyant l’équipe de bras cassés qui se dressait face à eux. Ils étaient piégés car la seule sortie de la pièce était bouchée par cette cinquantaine d’élèves. Shad sourit, enfin un peu d’action, ça allait finir de le déstresser. Lorsque les élèves approchèrent lentement, pensant qu’à autant de personnes, ils pourraient faire face à Louis et lui. Déjà, ce dernier tira une boule d’ombre à travers les livres pour en dégommer une petite dizaine. Des poids plumes ne résistaient pas à ce qui pouvait renverser violemment un homme-lézard de plus de 200kg. Etrangement, il n’avait pas fait une grosse boule, sans doute avait-il pris pitié de ses adversaires pas très forts… Ou alors, il souhaitait s’amuser un peu.

Il en lança deux autres petites afin d’en faire trébucher d’autres, mais cette fois, ils se relevèrent vite et se mirent à foncer vers les deux compères protégés pour le moment par les étagères. L’être obscur prit un livre et le plaqua contre sa paume pour tirer une nouvelle boule d’ombre. Le livre partit comme une balle pour assommer un élève. Cela n’allait pas les calmer et ils commençaient à s’organiser pour gagner du terrain. La bestiole faite d’ombre décida alors qu’il était temps de s’éclipser. Elle ouvrit une fenêtre avec ses griffes, découpant dans le verre avant de lancer le morceau par terre pour ralentir les élèves. Il passa par son trou aisément et s’accrocha aux murs avec ses griffes pour descendre tranquillement. Il se tourna pour fuir à nouveau sans se soucier de si Louis le suivait mais se stoppa net :

- Louis ? Je crois qu’on a un problème…

Toute une équipe de gros tas de muscles étaient présents, dont le surveillant en chef qui restait le plus baraqué de tous. Howl sourit en acceptant le défi et les surveillants se tinrent prêts à passer à l’action… Un mur de la mort se dressa face à eux, composé de surveillants non armés si ce n’était de leur force. Le surveillant en chef dit alors en souriant :

- Tiens donc, comme on se retrouve…

Spoiler:

Cela ne pouvait pas être vrai. Une sorte de code, voilà. Nedru retourna le carnet vers lui, dévoilant une couverture chargée de collages infâmes. Il déglutit péniblement, n'osant ouvrir la chose. Mais le moment de l'immense révélation attendrait ; des élèves surgissaient de partout à l'intérieur du CDI. Si rapidement ? C'était...

« Illogique » ?... Baaa ! L'analyste ne s'attarda pas sur ces considérations. Ils avaient un problème et Shad sa propre définition de ce qu'était une solution. Pourquoi fallait-il qu'il tombe sans arrêt sur des adorateurs de la destruction ? Bon sang, le monde réel abritait-il une si grande quantité de frustrés pour que celui des rêves concentre une telle population de violents psychopathes ? Même en tant que créature des rêves ?

Enfin, au moins, elle ne manquait pas d'efficacité ! Désordonné certes ; s'il avait été doté d'un tel pouvoir, Nedru aurait probablement couché tous les étudiants en un ou deux coups, mais tout de même. Et puis il n'aurait pas été en mesure de le calculer, prudemment en retrait derrière une étagée renversée, tout en tentant d'élaborer un plan de sortie. C'est qu'ils y tenaient, à leur trésor ! L'analyste dénombra une masse d'élève de plus en plus conséquente. Une particularité de ce royaume, qu'ils soient tous aussi déplorablement laids ? Tout en se laissant quelque peu emporter par le flux de ses pensée, le londonien trouva finalement une porte de sortie, de secours, accessible de son côté.

C'est en s'y dirigeant en bondissant sur les étagères (car si Nedru répugnait à se fatiguer, bondir dans Dreamland était pour lui une source de joie inavouée. Et parce qu'une meute d'adulte en devenir barrait la route normale ) qu'il réalisa que non. Tous n'était pas déplorablement laids ; certains n'étaient laids que de part leur nature d'enfants et de ce qu'une tête trop grande sur un corps rachitique rendait hideux. Mais ils n'était pas déplorablement laids, pas équipés d'appareils dentaires défigurant l'aspect de leurs lèvres, de cheveux imbibés par du sébum produit en quantité industrielle par une peau infecte, le tout surmontant une ramassis de tissus débraillés qu'ils appelaient sans doute « vêtements » (en exagérant à peine). Le fait que tous les agresseurs aient en commun d'être repoussants était pour le moins perturbant.

L'explication de ce mystère se fit évidente pour une partie de l'analyste. La partie analytique de son esprit, en fait. La partie surnaturellement analytique de son esprit, même. Mais Nedru décida de l'ignorer. Son pouvoir faisait parfois des erreurs grossières. Il refusait de croire qu'il avait fait tant d'effort pour du vent. Il s'engouffra par l'escalier de sortie, descendant les marches quatre à quatre, peu enclin à se laisser coincer comme un vulgaire méchant de film d'action en haut du bâtiment.

Sans surprise, le Gris se trouva bloqué aux côtés de la créature obscure, la route barrée par un mur de pseudo organique, composé de surveillants, et probablement de ce qu'ils appelaient les effaceurs à en juger par leurs tête en forme de capuchon de blanc façon Typex ou façon effaceur réversible d'encre bleue. Dans leur dos se massait déjà une quantité impressionnante d'élèves au paroxysme de l'excitation. Le Gris trouva le temps d'ironiser sur sa situation ; « hé, ce carnet contrôle vraiment les masses » . Le chef de l'entrée fit une entrée en matière plutôt calme et menaçante, à laquelle le Gris ne pu répondre que par un haussement d'épaule interrogatif. Il fit mine de ne pas comprendre la situation, sourcils arqués dans une expression quasi implorante.

-C'EST QUOI CE FOUTOIR ?! Hurla un membre du mur musclé à l'attention des élèves derrière. A leur intention oui, car depuis leur arrivée, Nedru et Shad passaient presque pour les victime d'un lynchage général. D'ailleurs, les élèves ne trouvèrent rien de mieux à répliquer que ; -Pour le caaaaaaaarneeeeeeeeeet !

Et ils chargèrent. Droit sur Nedru, d'abord. Puis comme les surveillants comprenaient la situation et refusaient de se laisser marcher sur les pieds par des gamins surexcités... Ils... firent de même. Dreamland, tout le monde ! A ces débuts, le jeune brun aurait été trop choqué pour réagir, devant l'absurde de la situation, voir aurait tenté d'entamer un dialogue. Mais l'expérience payant, l'analyste se contenta de courir ; ni vers un groupe, ni vers l'autre, mais bien vers l'un des bords de cet étau implacable et  vociférant. Alors que le choc s'annonçait, le jeune homme banda tout ce qu'il avait comme muscles dans les jambes et s'élança dans les airs. Une main vindicative faillit lui saisir l'ourlet du pantalon mais le corps de celui à qui elle appartenait se fit happer en arrière par un surveillant de six fois son poids.

Ainsi débutèrent « les troubles du carnet », comme on appellerait plus tard la période pendant laquelle tous les asociaux timides devinrent de véritables cancres ligués contre toute forme d'autorité. Pour le moment, seulement quatre d'entre eux venaient de se faire rentrer dedans suffisamment fort leur passer l'envie de pogo.

Louis avait rejoint l’obscure créature pour se retrouver entre un véritable mur de grosses masses de muscles et des élèves aussi moches que surexcités. Ils se firent face un moment ainsi, dans un silence totalement gênant, avant qu’un tas de muscle à la tronche de souris correctrice ne vocifère une question à laquelle il n’attendait pas réellement de réponse. Il voulait simplement que les enfants partent pour ne pas avoir à utiliser de force. Peine perdue, cela excita encore plus les marmots qui foncèrent sur le carnet afin de le récupérer, avec une voix générale zombifiée comme par un enchantement de masse. Louis avait-il déjà fait usage du carnet ?

La réponse était non, au contraire, on aurait cru un effet inverse de ce qui aurait dû se produire. Shad pensa alors à un objet maudit : Effet inverse de ce qui devait normalement se produire. Le mur de muscles chargea à son tour. Décidément, se disait Howl, ce carnet était vraiment convoité et il se demandait comment les autres zozos avaient pu faire pour en connaître l’existence. C’est seulement maintenant qu’il réfléchissait à la question, oui.

Les murs se rapprochaient et l’ombre n’avait que moins d’une seconde pour agir avant le choc, il savait que se le prendre allait faire mal, alors il s’agrippa avec ses griffes à la tenue d’un élève qui se fit éjecter par un effaceur. L’être des ténèbres vola assez loin, les membres écartés et tournoyant comme dans un manga comique, avant de se rattraper sur ses jambes assez difficilement sur un autre élève, l’écrasant au sol.

Plein de mains grassouillettes et/ou sales vinrent essayer de s’accrocher à la tenue de l’ombre mais ce manteau était difficilement saisissable par des mains inexpérimentées. La créature cauchemar griffa les élèves sans scrupules et se dégagea avant de se faire rentrer dedans par un des gros tas. Elle manqua cela de peu et elle courut sur les élèves le plus adroitement possible dans une situation de ce genre, mais on lui attrapa la cheville droite. Elle tomba mais distribua une boule d’ombre dans le nez d’un élève qui se fit envoyer sur le surveillant de l’entrée qui ne brocha même pas lorsque l’élève lui rebondit dessus. Ce surveillant l’aida tout de même à se relever et continua de poursuivre Shad.

Ce dernier s’enfuit, bien entendu, en utilisant le plus d’obstacles dans le décor possible. Le surveillant n’était pas Hulk : Non seulement, il avait du mal à passer à travers le décor, mais en plus, il évitait de le faire parce que casser son école, ce n’est pas bien. L’ombre sauta dans une fenêtre et entendit le surveillant pester : Il était loin d’être aussi agile. L’être obscur slaloma entre les tables vides en semant des corps d’élèves et de professeurs qu’il croisait afin de gêner le plus possible le gros mastoc. Puis, au détour d’un couloir, il se tint prêt à bondir sur le surveillant afin de l’assommer à nouveau. Il tira une boule à vue et le surveillant en chef eut à peine le temps de mettre un bras pour se protéger la tête, mais il vola quand même de deux mètres. La créature cauchemar commençait à tomber à cours de pouvoirs et cela se sentait dans la taille des boules d’ombre. Il fallait dire qu’il avait bien utilisé cette technique ce jour-là. Le gros truc à terre, Howl put s’enfuir à nouveau par une porte qu’il claqua sans vergogne. Quelques élèves venus pour le carnet trainaient encore là, mais le plus gros avait été décimé par les effaceurs. L’ombre fonça sur le côté et finit, au bout de quelques minutes, par sortir de l’enceinte de l’établissement.

À bout physiquement, il se cacha dans l’ombre d’un gros arbre et décida d’aller voir si Louis avait réussi à s’enfuir. Il n’avait pas vu son corps parmi les corps des élèves, alors il devait soit s’être réveillé, mais c’était peu probable, soit il devait être déjà parti. Pas question pour Shad de laisser le magot s’enfuir. Il sortit de l’ombre et marcha vite en direction des plaines.

Au bout de dix minutes, il y arriva et retourna là où les commanditaires avaient donné leur mission. Il y vit Louis en possession du carnet. Alors il se plaça à côté de lui et lui dit :

- Tu vas vraiment donner ce carnet à ces abrutis ? … Tu l’as lu, n’est-ce pas ?

Les « abrutis » n’avaient rien entendu, mais sortirent à peu près en même temps que la fin de la phrase. Il était temps de leur remettre cet ouvrage et de toucher la récompense.

L'analyste avait réellement acquis une détente hors du commun au fil des ans passés dans le monde onirique. Il plia ses jambes sous lui comme pour s'assurer qu'il pouvait aller vraiment haut. Le temps d'un instant, il réalisa que dans cette position, ses talons culminaient facilement à environ deux mètres de haut. Le gorille qui venait de plaquer l'élève ayant voulu lui saisir l'ourlet était carrément passé en dessous de lui.

Il profita de sa situation surélevée pour jeter un œil sur les environs. Son pouvoir décomposa la situation dans laquelle il se trouvait à toute vitesse, créant une impression de ralenti dans l'esprit du jeune homme.

D'abord, de la surprise. Qui eut cru qu'un tel chaos puisse survenir du fait d'une telle bande de nerds asociaux ? Certes, le surnombre jouait en leur faveur, mais tout de même, la différence de gabarit avec leurs adversaire faisait presque de la peine à voir. Heureusement, l'analyste ne se plaindrait pas du fait qu'un seul surveillant puisse maîtriser à lui seul une dizaine d'élèves, car ils se jetaient tous sur lui aussi sauvagement qu'ils étaient laids.
Malheureusement d'ailleurs, le cordon de sécurité adulte était sans doute réticent à écraser les bambins sous leur masse imposante et certains d'entre eux étaient quelque peu dépassés, voir hésitants à se jeter dans la cohue. L'un d'entre eux retint particulièrement  l'attention de l'enfant Etol du sommet de la parabole de son saut, jusqu'à sa complète descente.

Car à sa gauche se trouvait un surveillant que nul élève n'avait encore encerclé ; le cerbère de l'entrée. Il était encore en train de courir avant l'impact fatal car il avait probablement dévié sa course pour attraper Nedru en personne. Il couvait sur lui un regard chargé de colère. Il était l'intrus porteur de chaos, sans nul doute, et l'arrêter mettrait certainement un frein à la folie. Le sacrifier à la meute de morveux en transe, cela ne semblait guère l'ennuyer. Nedru n'eut que le temps de réaliser qu'il allait se jeter sur lui en une longue enjambée avant que la gravité ne se rappelle à lui.

Nedru retomba sans douleur sur le sol, s'accroupissant immédiatement pour éviter la paluche qui promettait de lui saisir le col. Il se jeta alors en avant à la manière d'un animal, s'aidant de ses mains pour aider ses quadriceps à le redresser quelques mètres plus loin, gardant le surveillant derrière lui, à 7 heure environ.

Ce dernier, évidemment, poursuivit son effort en allongeant une autre foulée. Avec l'élan qu'il avait pris, il attraperait Nedru sans difficulté dès la suivante et sans tenir aucunement compte de la qualité de Voyageur du Gris. Déjà, son bras droit se tendait pour saisir Nedru, à une vingtaine de centimètres seulement.  

Mais hé ! Ils n'étaient pas seul ! Un merdeux perdu sous son acné se jetait sur un Nedru pris entre l'enclume et le hochet en mousse. Le londonien jeta alors le carnet dans les airs, juste au dessus de celui qui se trouvait devant lui, dans l'espoir de le lober. Une opération aisée vu la taille du garçon et ses capacités physiques apparentes. L'adolescent se jeta désespérément à l'assaut du ciel. Bras tendus, il vit passer le carnet sous ses yeux, puis, tandis que ses bras se repliaient dans le vide, le pantalon noir du Voyageur qui sautait jambes en avant à la manière d'un athlète olympique en quête du record de longueur. Il perdit certainement connaissance après tandis que le bulldozer, incapable d'arrêter net sa course, le percutait.

Nedru rattrapa le carnet tandis que ses talons allaient cueillir l'épaule d'un autre fanatique qui avait suivi son compère. Le Renard improvisé catcheur termina ainsi son saut sur le bas ventre d'un autre élève. Il se releva prestement, avant de rouler sur la gauche. Pour se rendre compte qu'il venait probablement de se luxer quelque chose. Son mollet était en feu !

Quelques mioches roulaient dans sa direction, sur le corps gémissant de leur camarade, mais la créature des tenèbres se chargea bientôt de concentrer le plus gros de l'attention. Plus personne sur sa gauche ; Nedru ne se fit pas prier pour s'enfuir. Le surveillant « principal » devait poursuivre Bob et cesser son action vindicative contre Nedru, qui s'en tira à presque bon compte.

Toutefois, quelques élèves le prirent en chasse, échappant à la sécurité et refusant de lui céder leur bien le plus précieux. Forcé de claudiquer misérablement en jurant comme un vulgaire méchant de dessin animé, Nedru s'enfonça dans le bâtiment pour semer les misérables. Une inspiration bien étrange, car il n'avait aucune connaissance du terrain contrairement aux sales résidus de préservatifs qui le suivaient.

Malheureusement pour lui, il se fit couper la route. Impossible de tenter de sauter cette fois ; il était blessé et le plafond était bien trop bas. De plus, celui qui se tenait face à lui était un adulte, portant une sorte de masse. Alors qu'il s'apprêtait à tourner les talons, le décoloré l'interpella ;

« - Viens là, je suis de ton côté ! Je vais calmer les jeunes.

Hum ? De la part de quelqu'un tenant  une masse, la phrase n'était pas très crédible. Mais après tout, la sortie était derrière lui, et faire le tour serait une perte de temps... Peu adepte des fractures crâniennes   par objets contondants, Nedru s'arrêta au milieu du couloir, attendant que les élèves le rattrapent, faisant mine de boiter trop sévèrement pour pouvoir continuer à avancer. Si le décoloré que l'infirmière avait appelé Onizuka, avait l'intention de l'aider, il ferait barrage. Dans le cas contraire, des boucliers humains voir des otages seraient bientôt à sa disposition.

Mais celui qu'il avait croisé déguisé en éléphant quelques heures plus tôt jeta son arme pour se porter à son secours, s'apprêtant à le transporter vulgairement sur son épaule. Ce fut l'instant que choisirent les élèves pour débouler.
Quelques secondes plus tard, Nedru perdait totalement le contrôle de la situation. Sans cors ni trompettes, le jeune professeur arracha sa chemise pour se mettre en travers du couloir, avant de s'égosiller ;

« - Ce type est sous ma protection! »
« -Mais.. Sensei ! » Perte de contrôle de plus en plus notable. « -Il a le carnet !  »
« - Je sais... J'ai moi même longtemps cherché à posséder cet objet... » Sa voix devenait théâtrale, d'un dramatisme absurde . « - Mais j'ai compris que cette quête était vaine quand j'ai appris que vous foutiez le boxon. Vous vous êtes battus comme des hommes ! Vous n'êtes plus les pucea... les chiffes molles que vous étiez hier !.. Le carnet de Ken n'a-t-il pas accompli sa mission ?  »

Il y eut un moment de flottement pendant lequel Nedru chercha, en vain, le sens de tout ceci. Les yeux des puceaux (pourquoi un adulte avait-il honte de le dire?) s'embuaient  presque de larmes. Tandis que leur professeur dont la voix trahissait elle aussi l'émotion, poursuivait son speech, dos à Nedru. L'analyste aurait pu s'en aller, mais l'occasion de comprendre les secrets du carnet était trop forte.

« -Que sont des conseils vestimentaires lorsqu'on a le style au plus profond de son cœur ?! Les vrais hommes ne peuvent-ils pas trouver eux même les phrases pour briser la glace avec une femme ? Qu'importe la technique suprême du clin d'oeil de Casanova ! Ken n'a-t-il pas laissé de la place à la fin de son carnet, afin que chacun d'entre nous puisse le compléter ?
Nous devons grandir à la force de nos propres bras ! Aujourd'hui, ne vous sentez vous pas grandi ?

Nedru refusa d'écouter la suite, ouvrant le carnet sur le champ. La première page était plus riche en photos collées qu'en mots, mais ces derniers étaient déjà plus que ne pouvaient en supporter l'analyste

Carnet trop top secret de Ken <3

Je n'ai pas toujours été celui que je suis aujourd'hui !
Vous voulez savoir comment devenir une étoile plus lumineuse que le soleil ?
Voilà quelques conseils ! ;p

Qu'est ce que c'était que ces foutaises ? Les autres pages délivraient leur lot d'informations absurdes, comme la façon la plus efficace de rentrer ses lacets, la coiffure la plus hype, la hauteur maximum d'un short, la façon de nouer ses rubans autour du cou...

Cruelle désillusion ! Alors c'était là le moyen de contrôler les masses ? Devenir une étoile plus lumineuse que le soleil ? Adopter le look de Ken, le copain de Barbie ? Ceux qui payaient l'avaient-ils induit en erreur à dessein, ou bien s'était-il fait des films tout du long ? Ils allaient payer si cher... Nedru ne put empêcher un sourire crispé de lui éreinter les zygomatiques, avant de claquer le cahier et de faire demi tour en traînant un peu sa jambe.

« -Attends ! Je vais t'aider. Le carnet doit quitter cette école désorm....  »
« -Oui, je le ramène à Ken. Le style à changé depuis le temps, il voulait le mettre à jour.  »

La blague n'eut pas vraiment l'effet escompté. Des dizaines d'yeux écarquillés par une envie mal définie se posaient sur lui. Ils n'allaient quand même pas remettre ça ? Le décoloré s'avança soudainement vers lui avant de le prendre par les épaules pour le guider jusqu'à la sortie, tout en parlant un peu trop fort.

« -Ahahaha, MAIS ON S EN FICHE DE TOUTE FACON ! COMME SI ON AVAIT BESOIN DE CA POUR CHOPPER ! ALLEZ, nos remerciements à Ken  ! Il a beaucoup de fans ici ! » Il fit une pause avant de le regarder avec un air absolument hideux de vile servitude assumée. Quelque chose qui évoquait  ;un singe dégoûtant à Nedru. « -BEAUCOUP, de FANS. Dont je FAIT partie.  »

Nedru hocha la tête d'un air entendu. Message reçu. Ce tocard n'aurait jamais de quoi le payer de toute façon... mais il ferait passer l'information.

Quitter l'école ne fut pas un problème ; Shad avait attiré la sécurité sur lui semblait-il, tandis qu'Onizuka et ses élèves en avaient sans doute retenu une autre partie. Il regagna les grottes dans les plaines sans encombre, juste un peu lentement à cause de son mollet douloureux. A sa grande surprise, Shad le rejoint pour le moment de la paye...  Ba, après tout. C'était une journée perdue, pécuniairement parlant...

« -Oui, j'ai jeté un œil dessus. Cela ne t'intéresserait sûrement pas, ça ne confère pas le moindre pouvoir. Cet artefact surpuissant ne vaut guère mieux qu'un catalogue Têtu, pour ce que j'en pense...

Les commanditaires approchaient maintenant, l'oeil pétillant et l'air avide. Ils tremblaient frénétiquement lorsque Nedru leur tendit le carnet.


Un peu plus tard, Nedru sortit de ce trou, l'air lugubre. La paye avait été mauvaise...