Le dégueulasse marquait un point, si les voleurs étaient assez bons pour faire entrer trois personnes inconscientes, les déposer dans un labo sécurisé, voler quelque chose puis repartir, c’était bizarre qu’ils se soient donné cette peine. Ils n’auraient eu qu’à entrer, prendre ce qu’ils voulaient et repartir sans se soucier d’avantage. Sauf s’ils ne voulaient pas qu’il y ait d’enquête lorsque le vol serait constaté ou s’ils ne voulaient pas qu’on s’étonne qu’ils soient eux aussi en possession de la chose volée si ça venait à ce savoir. Ou, comme le suggéra l’abomination olfactive, les criminels étaient internes à l’entreprise. Des collègues jaloux ou même des cadres haut placés qui comptaient se lancer en solo, les hypothèses ne manquaient pas.

Entendre enfin quelque chose de pertinent sortir de la gueule de ce type désagréable sembla perturber tout le monde. Toutefois la féline ne perdit pas le nord et lui demanda comment il comptait faire concrètement pour retrouver les coupables. Il botta en touche en demandant au voyageur s’il avait une idée pour sortir de là, même si ce n’était que le premier problème sur la liste. Il fallait qu’ils trouvent la sortie tout en évitant leurs poursuivants puis il faudrait qu’ils essaient de savoir qui leur avait fait ça. C’était beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Le voyageur se creusait les méninges, ils ne pouvaient pas se contenter d’emprunter les escaliers, couloirs et ascenseurs au hasard, il y avait trop de chances qu’ils tombent dans un piège ou nez à nez avec leurs ennemis.

« Je pense que pour retrouver ceux qui nous ont fait ça, le plus simple c’est de retourner dans le labo dans lequel on s’est réveillés, le B341. Si on comprend à quoi sert la formule qu’ils ont volé, on aura peut-être plus de chances de savoir qui nous a fait ça. »

Ca ne répondait pas vraiment à la question mais il estimait que ça faisait un peu avancer les choses.

« C’était quatre étages en dessous de là où on t’a trouvée. » Dit-il à la fourmi géante. « Tu penses que tu pourrais nous y ramener? »

« C’est pas comme si j’étais dans ma fourmilière, j’étais enfermée à double tour dans cette foutue cage, ils ne me sortaient que pour leurs expériences… » On sentait clairement la rancœur de l’insecte onirique.

« Moi je dois pouvoir vous y amener, je sais pas vraiment comment sortir de ce bâtiment mais je connais ses entrailles par cœur. »

La créature obscure fit quelques pas puis s’accrocha au mur pour monter jusqu’à une grille qui bloquait l’accès à un conduit de ventilation.

« Par contre si on veut éviter de tomber nez à nez avec eux, il vaut mieux utiliser ce genre de chemins… »

L’héliophobe sentit la plupart des regards se tourner vers lui, il était le seul que ça risquait de déranger, mais ce n’était pas son genre de se plaindre. Il n’était pas spécialement fan de l’idée de se trimballer dans ce genre de conduit étroit avec deux créatures obscures mais c’était toujours plus tentant que de risquer de tomber nez à nez avec le type aux balles de golf.

« Allons-y… » dit-il en haussant les épaules.

Tu écoutais le plan du voyageur avec attention. Il ne faudrait pas que tu en loupes une partie. Ainsi, il comptait retourner là où vous vous étiez réveillés ensemble pour enquêter. Tu tournas machinalement la tête vers la porte par laquelle vous êtes entrés et te dis que tu n’avais pas pensé à regarder dans cette pièce pour trouver des indices sur votre enlèvement. Tu étais bien trop en colère de t’être fait avoir ainsi pour avoir réfléchi à cela… et les enquêtes, ce n’était pas tout à fait ton truc.
Force est d’avouer que ce serait désormais nécessaire, une fois de retour là-bas.

Tu suivis ensuite la conversation entre la chatte d’ombre, la fourmi et l’humain sans trop rien dire. Tu réfléchissais. Tu réfléchissais au guêpier dans lequel tu t’étais fourré et que ceci ne serait jamais arrivé au royaume obscur. Tu plongeais ton regard dans celui de l’autre créature obscure sans vraiment y prendre garde. Tu te demandais rapidement depuis combien de temps elle était là, mais tu chassas vite cette pensée : Il était l’heure d’agir.

Tu allas saisir la grille d’aération avec tes griffes et tiras dessus jusqu’à ce qu’elle cède, ce qui ne requerra pas tant de force que cela. Tu grimpas à la suite du sombre félin et utilisas ton fondu d’ombre pour te déplacer dans l’aération sans être gêné. L’énorme avantage de cette technique. Tu ne prenais plus de place mais il fallait faire attention à ce que personne ne te marche dessus, car c’était très désagréable.

Tu emboîtas à ta manière le pas du cyclope silencieusement. De là où tu étais, tu sentais que tout avec une perspective différente. Tout te paraissait plus gros. Enfin bon, l’heure n’était pas à l’admiration de la déformation de la perspective proche. Il fallait tourner à cet angle, puis celui-là… et enfin, celui-là.
Tu entendis des voix qui n’appartenaient à aucun de tes compagnons. La petite créature obscure ralentit la cadence jusqu’à s’arrêter à côté d’une grille d’aération qui donnait de la lumière dans le conduit. Elle ne pouvait pas aller plus loin. ELle voulut faire demi-tour, mais tu te rematerialisas. Tu voulais prêter attention à la conversation. Un mot t’avait interpellé.

“ Les voleurs de la formule sont toujours en vadrouille ?

- Malheureusement oui, chef.

- Qu’est-ce que vous avez foutu, bon sang ? Je vous avais confié un Goliath, pourtant !

- C’est qu’ils ont été malins, ils ont neutralisé notre escouade pour rendre confus le Goliath. On a un mal fou à le calmer, chef !

- Retrouvez-les, bon sang ! On nous paie pour défendre les labos, pas pour se pavaner ! Retrouvez-les-moi en une heure, sinon, vous aurez mon club de golf dans le derrière, est-ce bien compris ?!

- Oui chef !

- Oh et au fait ! Essayez d’utiliser un Plaguehound. Je parie qu’il se fera un plaisir de les croquer. Mais assurez-vous qu’il ne croque pas les documents volés ! ”

Cela s’annonçait mal, bien que des bruits de pas s’éloignaient, la mention de Plaguehound n’était pas une bonne nouvelle. Bien que tu ne saches pas ce que c’était, il n’était pas bon de vouloir le voir en vrai, d’après toi. Tu bouchas de ton corps la grille d’aération pour que ta camarade puisse continuer, puis tout reprit son cours…
Ou presque, sans doute.

Spoiler:

L’héliophobe laissa la plupart de ses camarades passer devant lui et aida l’insecte pour lui éviter un effort inutile il ne restait plus que lui et il était plutôt content de ne pas avoir de publique. Il prit un peu d’élan prit appui sur le mur avec son pied droit mais comme il n’était pas habitué à porter des chaussures de ville, il glissa et se rattrapa de justesse évitant de s’aplatir contre le mur. Ayant maintenant conscience de l’adhérence de ses godasses, il fit un nouvel essai et parvint cette fois à s’agripper et à se hisser en lâchant un petit bruit d’effort dont il se sentit instantanément coupable. Les deux créatures obscures ne semblaient pas l’avoir attendu et ce n’était pas plus mal, il emboita donc le pas de la fourmi géante qui se mit à avancer dans le conduit. Il se rendit vite compte qu’on était loin des scènes de film d’action où le héros rampe dans un conduit nickel, superbement éclairé. Il voyait à peine les pattes de l’insecte qu’il s’efforçait pourtant de coller et ses mains étaient déjà sales et poisseuses après quelques mètres. Lui qui n’avait pas l’habitude de la crasse allait devoir prendre son mal en patience pendant encore un moment. Ils bifurquèrent à plusieurs reprises, certains conduits étaient plus ventilés, d’autres presque étouffants, mais il tenait bon, se concentrant sur le fait d’avancer pour éviter de penser à ses genoux et à la paume de ses mains qui commençaient à souffrir.

Alors qu’il apercevait, grâce à la lumière qui provenait d’une grille d’aération, qu’il allait falloir soit descendre, soit monter d’un étage, la fourmi s’arrêta soudain. Il faillit la percuter mais se reprit et allait demander ce qu’il se passait lorsqu’il entendit les bruits légèrement étouffés d’une conversation qui avait lieu dans le couloir. De ce qu’il comprenait, ça n’avait rien de réjouissant pour leur petite bande. Les gardes étaient toujours à leur recherche, ça n’avait rien de surprenant mais Corey n’avait pas pu s’empêcher d’espérer qu’ils se lassent ou aient usé toutes leurs forces. Au contraire, ils semblaient avoir gardé un atout majeur dans leur manche et se décidaient seulement maintenant à le sortir. Le nom de cet avantage de dernière minute n’avait rien de rassurant, ça évoqua tout de suite un limier des enfers dans l’esprit de l’héliophobe qui avait déjà croisé ce genre d’adversaire dans des jeux vidéo mais qui n’était pas pressé d’en affronter dans Dreamland. Tous comprirent, sans le dire à voix haute, qu’il fallait qu’ils se dépêchent. La seule chose qui rassurait le geek, c’était que leur odeur devait être diffusée dans tous le bâtiment grâce à leur présence dans les conduits, donc même si leurs poursuivants comprenaient que c’était ce chemin qu’ils avaient emprunté, ils mettraient du temps à les localiser.

Ils montèrent sur deux étages, éprouvant un peu plus le physique du voyageur qui avait déjà bien souffert, après encore quelques minutes de crapahutage horizontal puis vertical pour remonter d’un niveau, la créature féline se stoppa. Elle força pour retirer la grille, qui lui donna un peu plus de fil à retordre que la précédente et se laissa tomber directement dans la pièce. L’autre créature suivit, puis la fourmi, un peu moins discrètement, et enfin le geek se laissa glisser et se réceptionna assez souplement. Il jeta un coup d’œil et compris qu’ils étaient dans un bureau plongé dans la pénombre non loin du labo dans lequel ils avaient repris connaissance au début de la nuit. Il s’approcha de la vitre qui bordait la porte et aperçut leur destination, avec l’entrée dégagée.

« La voie à l’air libre … » Chuchota-t-il en mettant sa main sur la poignée et constatant qu’elle était fermée, heureusement le verrou était à l’intérieur et il put le faire tourner sans soucis. Il allait ouvrir le battant lorsqu’il entendit le bruit de l’ascenseur qui s’ouvrait à cet étage, il se figea. « Attendez ! Planquez-vous … »

Lui-même se plaqua contre le mur, non loin de la porte, il voulait pouvoir entendre pour essayer de comprendre qui venait d’arriver. Si l’occasion se présentait, il jetterait même peut être un coup d’œil. Ses alliés du soir s’étaient planqués et n’étaient pas visibles depuis le couloir, il ne leur restait plus qu’à attendre un peu que la situation se débloque. Tout ce que le voyageur entendait c’était des bruits de pas étouffés et quelques mots échangés à voix plutôt basse. Les arrivants devaient être dans le labo qui les intéressait, sinon il aurait mieux entendu leurs voix. Un moment passa, puis les bruits se rapprochèrent et il entendit distinctement la voix d’un des hommes.

« Allez cherches ! On sait qu’ils sont passés par là ! » Puis des grognements bestiaux en réponse.

Il retint son souffle, c’était probablement le Plague Hound, c’était logique qu’ils lui fassent sentir un endroit où ils étaient sûrs que les intrus aient passé beaucoup de temps. La question maintenant était de savoir si le chien infernal parviendrait à les sentir sous la porte…

La chatte d’ombre à nouveau devant, le crapahutage à l’intérieur des conduits d’aération put reprendre son cours. Tu réutilisas ton fondu d’ombre pour être tranquille et avancer sans trop d’efforts. Après avoir bifurqué dans un conduit un peu plus large, la féline te glissas le plus bas mais audible possible :

- Si ce clébard nous repère, on est mort. Alors pas de conneries, d’accord ?

Tu acquiesças intérieurement, incapable de parler sous cette forme, de toute façon. Comme elle n’attendait pas de réponse de toute manière, la créature obscure ouvrit le chemin jusqu’à des bureaux plongés dans la pénombre dans lesquels tu repris ta forme originelle.

Tu inspectas les environs avec plus ou moins d’attention, avant de repérer la porte d’entrée. Il y avait beaucoup de bazar sur les meubles, dont quelques récipients remplis de diverses substances colorées. Tu décidas que cette fois, tu ne t’amuserais pas à tester les mélanges, tu étais bien trop occupé à réfléchir à quel point le Plaguehound pouvait être terrible.

C’était alors qu’arriva enfin le voyageur et camarade d’infortune. Il se dirigea vers la porte avec une retenue certaine, puis sonda les environs. Au début, il semblait vouloir ouvrir la voie, mais il se ravisa vite lorsqu’un grondement régulier et de plus en plus fort se fit entendre. Des gens arrivaient, c’était sûr. Ton compagnon d’une nuit confirma ces pensées en reculant après avoir signalé le danger.

Ni une, ni deux, tout le monde se trouva une cachette. Tu grimpas sur un meuble et fondis d’ombre dans un creux. À moins que ces nouveaux arrivants n’arrivent à percer l’ombre, ils ne devraient pas pouvoir te trouver. Tu te mit à attendre car tu ne savais pas si tu pouvais les affronter… et ce Plaguehound ne te disait rien qui vaille. Pour le moment, tu n’en avais pas peur, mais le fait était que la chatte d’ombre s’en inquiétait. Elle devait sans doute mieux connaître les environs que toi.

Après quelques dizaines de secondes à te demander ce que foutaient les gens qui avaient débarqué, Tu entendis du mouvement se rapprocher. Tu te demandais comment ils étaient, mais tu n’étais pas pressé de connaître l’apparence du “clébard”. Vous aviez déjà eu pas mal de fil à retordre avec la grosse chose nommé “Goliath”, il ne fallait pas provoquer votre chance plus que de raison. Et puis, vous n’aviez pas que ça à faire.

Aux grognements qui suivirent l’ordre de recherche lancé par l’un des hommes présents, tu vis l’autre créature d’ombre avoir peur au point de sursauter, heureusement, sans faire de bruit. C’était un chat et les chats détestent les chiens, non ? Peut-être qu’il n’y avait pas trop de soucis à se faire en réalité. Tout devait paraître gros pour cette petite chose à un seul oeil.

Tu entendis alors des pas très lourds et griffus commencer à piétiner dans le couloir à votre recherche. Divers petits grognements commençaient vraiment à mettre la pression à toute l’assemblée de tes compagnons et te gagnait toi aussi. Pourvu qu’ils ne s’attardent pas, vous n’aviez vraiment pas que ça à faire, après tout.

La chose vaguement canine s’approcha de la porte derrière laquelle vous étiez et commença à renifler lourdement. Le voyageur pouvait apercevoir, de là où il était, la tête horrible et grosse comme un chevet du Plaguehound. Visiblement dépourvu d’yeux, il avait un museau osseux proéminent et de la chaire fondue un peu partout sur la tête. Sa peau brune tournait au violacée par moment. Les dents avaient l’air si affûtées qu’elles rentreraient aisément dans n’importe quelle peau.

C’est alors que la chose éternua. La créature d’ombre faillit une nouvelle fois sursauter en emportant un tube à essai non loin d’elle. Quelque chose avait perturbé son odorat pourtant développé, si bien qu’après une petite plainte le Plaguehound décida de renoncer à sentir et à continuer son chemin. Mais le soulagement ne vint pas immédiatement. On entendit l’un des hommes accompagnant le chien infernal émettre une idée :

“ Eh ! Tu crois qu’ils pourraient être là-dedans ? ”

Il y eut un moment de flottement trop intense juste après cette phrase. L’un de ses compagnons réfléchissait, ce qui n’augurait rien de bon. Mais, au bout de quelques secondes interminables, sans doute le petit supérieur du groupe lui rétorqua :

“ Mais non, abruti ! Si le Plaguehound ne les a pas senti, c’est qu’ils n’y sont pas !

- Mais…

- Eh bah vas-y, toi ! Mais ne nous fait pas perdre notre temps ! Le chien est déjà loin, je te signale ! ”

Seul un grommellement d’acquiescement se fit entendre avant que l’entièreté du petit groupe ne se remette en marche dans la même direction que l’hideuse créature. Finalement soulagés, vous vous détendez un minimum, tout en restant sur vos gardes. Vraiment, te disais-tu, heureusement qu’il n’y avait que des trous du cul qui faisaient mal leur boulot, dans ces labos !

Tu te rematérialisas et descendis de ton perchoir avant de marcher plus ou moins discrètement vers la porte et le voyageur qui t’accompagnait. Il fallait faire vite, désormais. Tu te demandais quand même comment quelque chose avec un odorat élevé comme un chien pouvait vous avoir manqué ainsi. Il fallait dire que, dépourvu du tiens, tu ne pouvais pas sentir les relents de vomi mélangés avec la substance dangereuse de tout à l’heure et un zest des liquides présents dans cette salle-ci qui masquait la vôtre. Cela occasionnait donc une odeur bien piquante qui avait sans doute dû déclencher l’éternuement de la bête et son renoncement. Qui avait sincèrement envie d’insister lorsque cela puait autant ? Toi, sans doute.

La bête et ses accompagnateurs passèrent un peu de temps dans le labo dans lequel les deux voyageurs et la créature avaient repris connaissance en début de soirée. Une fois que la créature cauchemardesque se fût bien imprégnée de leur odeur, ils revinrent dans le couloir en lui demandant de suivre la piste olfactive. En toute logique cette dernière les conduirait dans les escaliers par lesquels les trois intrus avaient quitté l’étage avant d’y revenir quelques heures plus tard par les conduits d’aération. L’inconvénient était que même si la sente ne les menait pas directement au petit groupe, elle les faisait passer non loin de la porte et si l’odorat du monstre était aussi développé que celui d’un limier il parviendrait peut être à les flairer quand même. L’héliophobe ne put s’empêcher de retenir son souffle lorsque les pas pesants de la bête s’approchèrent de la porte. Il était assez prêt pour entendre les inhalations rapides du canidé sur une piste olfactive, il entendit ce bruit régulier se rapprocher d’avantage. Le plaguehound devait être juste derrière la porte, il commença à se demander ce qu’il allait faire si jamais les garde ouvraient la porte pour voir ce qui intriguait leur guide à quatre pattes.

Si une telle éventualité venait à survenir, il faudrait réagir vite pour profiter de l’effet de surprise, mais même si les humanoïdes n’inquiétaient pas trop le Zenith, il ne savait pas à quoi s’attendre de la part du monstre qu’ils avaient avec eux. Les sons s’approchèrent d’avantage et il vit bientôt des ombres apparaître dans le rai de lumière qui passait sous la porte et une silhouette apparut devant la partie vitrée a côté de cette dernière, celle d’une tête venue tout droit des enfers, on aurait dit celle d’un dogue géant qu’on aurait trempé dans de l’acide puis rafistolée avec des lambeaux de chair. Il ne semblait pas avoir d’yeux, laissant penser qu’il se basait uniquement sur l’odorat. Ils étaient proches, avait-il senti quelque chose ? Il renifla encore plus bruyamment, laissant deviner sa taille énorme et, surprenant presque tout le monde dans la petite pièce, éternua bruyamment. Malgré sa concentration l’héliophobe sursauta légèrement mais heureusement avec le bruit sourd émit par la bête son mouvement passa inaperçu. Le monstre se détourna et, même si l’un d’entre eux aurait bien eu envie de vérifier que le bureau était vide, les deux gardes le suivirent. L’héliophobe mit quelques instants à comprendre que c’était probablement à cause de l’odeur pestilentielle dégagée par la créature obscure masculine que le monstre avait éternué. Il lui en avait voulu de l’avoir exposé à cette puanteur mais cette fois il l’aurait presque remercié.

Tous attendirent qu’ils s’éloignent pour se remettre en mouvement, il ne fallait plus perdre de temps, l’horreur sur pattes risquait de faire demi-tour à n’importe quel instant. Il se décolla du mur et déverrouilla la porte avant de la pousser pour traverser le couloir, vite suivi par les autres. Ils pénétrèrent dans le labo, encore ouvert, dans lequel ils avaient commencé leur aventure en ces lieux.

« Fouillez tout, il faut essayer de trouver quelque chose, n’importe quoi, il faut qu’on comprenne ce qu’ils mettaient au point ici. Si on comprend ce qui a été volé, on trouvera peut-être ceux qui ont cherché à nous piéger. »

Joignant le geste à la parole, il commença à fouiller les tiroirs devant lui, et à lire les dossiers qu’il y trouvait, mais il devait avouer que ça ne l’avançait guère. La plupart du temps c’était du charabia scientifique et le reste du temps c’était des références à d’autres dossiers ou d’autres numéros d’expériences tout aussi obscurs. Il changea d’armoire, mais pour tomber sur le même genre de documents. Il commençait à se demander si ça avait été une bonne idée de prendre tous ces risques pour venir ici et obtenir si peu de résultats. Il releva la tête pour essayer de voir si un de ses camarades avait plus de réussite que lui mais ça n’avait pas l’air d’être le cas. La créature féline semblait cependant absorbée par la contemplation du contenu d’un frigo vitré, accroupie devant ce dernier elle regardait intensément les rangées d’éprouvettes et de tubes à essai.

« Tout va bien ? » Lui demanda-t-il en s’approchant.

« Il en manque une… » Ce fut la seule réponse qu’elle consenti à lui donner, sans le regarder.

« Une quoi ? »

« Une éprouvette… Deuxième étagère en partant du haut. Rangée de droite. »

Il suivit ses indications et remarqua qu’en effet sur un des supports qui contenait habituellement dix éprouvettes, il n’y en avait que neuf et que celle qui manquait était en septième position. Il ouvrit la porte et constata que sa serrure avait été forcée, puis se saisit du lot en question, et étudia la première fiole. Elle était repérée par une étiquette pré-imprimée sur laquelle il y avait l’identifiant du labo puis des cases pour renseigner le numéro de l’expérience et enfin deux cases à cocher « concluant » et « effets secondaires ». Le numéro de l’expérience 458D-YUS était répété sur chaque flacon et sur les 5 premières il n’y avait aucune case de cochée alors que sur la sixième et les trois dernières elles étaient toutes deux cochées. On pouvait émettre l’hypothèse que celle qui manquait était peut-être la seule qui avait eu uniquement la première case cochée sans la seconde.

« Bien vu ! La porte a été forcée, c’est probablement ça ! Quelqu’un a trouvé des dossiers concernant l’expérience 458D-YUS ? »

Les deux autres répondirent par la négative.

« Il faut qu’on trouve quel était son sujet et on pourra peut-être deviner qui l’a volé. »

« Ou sinon il suffit qu’on en boive une pour voir ce qu’elle fait… »

« Quoi ? Ça se trouve ce n’est pas une solution buvable et celles qui restent ont toutes eu des effets secondaires apparemment. »

« Peut-être mais ce sera toujours plus rapide que de chercher un dossier qui n’existe peut-être même pas car trop confidentiel. » Elle marquait des points. « En plus on a quelqu’un qui adore boire des trucs repoussant non ? » Elle se tourna vers Shad pour voir ce qu’en pensait ce dernier.

Sans attendre et perdre plus de temps que cela, vous décidâtes de presser le pas le plus discrètement possible afin de réinvestir les lieux initiaux de votre capture. C’était encore le bazar complet, le peu de personnes qui étaient venues ici n’avaient pas pris le soin de ranger. Alors, sur la pointe de tes pieds nus, tu avançais en évitant les bouts acérés et pointus. Le voyageur qui t’accompagnait donna un ordre des plus évident : Fouiller pour trouver.

Tu t’occupas de fouiller les meubles les plus proches de l’entrée puisque les autres étaient affairés dans le fond. Ton objectif, à ce moment-ci était de trouver quelque chose avant les deux autres, afin de passer pour quelqu’un d’intelligent et de te la péter en les rabaissant. Alors tu pris le meuble le plus proche et entrepris de l’ouvrir brutalement, avant de te rendre compte qu’il était bourré de papiers. Dans un premier temps, tu fis l’effort d’essayer de déchiffrer ce qui était marqué dessus, mais tu étais toujours incapable de lire quoi que ce soit. Il y avait des symboles et des groupes de symboles communs, mais c’était bien inutile de le savoir.

Du coin d’oeil, tu vis alors la chatte d’ombre concentrée sur quelque chose. Les événements qui suivirent te firent remarquer que tu avais perdu ton pari. Elle avait une piste et pas toi, tu ne pourrais pas te vanter outrageusement devant eux. Alors tu t’approchas d’eux pour mieux écouter, des papiers encore en main. L’expérience “458D-YUS” ? Savoir lire aurait vraiment pu être utile, là, en fait. Il faudrait vraiment qu’un jour tu t’y mettes. Genre, sérieusement, en plus.

- Nan.

Répondis-tu simplement, irrité par l’état de fait que tu aurais été tout bonnement incapable de trouver le dossier même si tu l’avais eu sous les yeux. C’était frustrant. De la discussion qui suivit, tu en tiras le fait que ces deux débiles voulaient te tester les solutions dessus. Tu aurais été ravi de le faire, mais ça aurait été complètement inutile. Tu le fit savoir le plus calmement possible, mais on sentait une pointe de supériorité de ta part, comme de la vantardise :

- Ça aurait vraiment été cool de le faire, mais je suppose que le but de boire ces trucs est que le corps les absorbe, non ? Laissez-moi vous apprendre que je ne suis pas conçu pour ça. Les mettre en bouche ne suffira sans doute pas à en provoquer les effets.

Tu réfléchis à ce que tu pouvais faire pour eux. À un moment donné, tu eus un éclair de génie salvateur, selon toi :

- Tu disais que la serrure avait été forcée, non ? Il ne s’agit donc pas de personnes qui bossaient sur le projet directement, ou qui avaient accès aux clés de ce truc. Ce ne sont pas non plus les gardes, vu qu’ils se seraient pas donné le mal de nous laisser ici avant de crapahuter partout pour nous retrouver. Il ne reste donc que du personnel scientifique en cause. Il nous faut leur liste. Je pense qu’ils devaient travailler aujourd’hui, sinon, on se serait étonné de leur venue. Vu le bordel qu’on a fait et l’état d’alerte, ils sont sans doute partis avec la cohue. Je pense qu’ils sont déjà loins.

Après ton monologue, tu conclus par une rire et cette réplique :

- On aurait dû se casser de là depuis le début ! Ce qu’il s’est passé ne nous regarde pas. Je ne compte de toute façon plus mettre un pied dans ce royaume pourri. Et encore, toi, le voyageur, t’as juste à te réveiller pour en être débarrassé ! Ce n’est pas notre cas.

Tu étais quelque part en colère et jaloux du voyageur. Tu le faisais bien comprendre.

L’interpellé les informa de son incapacité à absorber les liquides, c’était assez étrange mais dans ce monde onirique pas spécialement choquant. Il n’avait probablement pas besoin de boire ou de manger de la nourriture, pour vivre il se contentait peut être de dévorer de l’ombre ou ce genre de choses. Ça devait être un peu triste mais bon, ça ne faisait pas avancer leur situation, si ils avaient pu connaître les effets de ce breuvage ils auraient pu tenter de deviner qui était susceptible de s’en emparer. L’héliophobe ne savait plus quoi faire, s’ils ne trouvaient pas les vrais coupables ils allaient devoir se contenter de fuir la queue entre les jambes. Ce serait difficile mais possible, une fois à l’extérieur ils auraient moins de chances de se faire attraper par la sécurité des lieux. Il n’aimait pas ça mais c’était peut être le mieux qu’il leur restait à faire.

« Oui elle a été forcée et alors ? »

Le type étrange eut une réflexion intellectuelle étonnamment pertinente pour lui qui les avait habitués à un mode de pensées beaucoup plus primaire. Il émit l’hypothèse que les coupables du vol pouvaient être exclus de trois groupes, les gardes, les scientifiques et les membres du personnel absents aujourd’hui. Il était vrai que ça réduisait considérablement le nombre de suspects, durant leur fuite ils avaient bien croisés quelques scientifiques à l’étage où ils avaient libéré la fourmi géante mais pas beaucoup d’autres. Certains avaient probablement fuit dès que l’alarme avait retenti mais les coupables étaient probablement restés sur les lieux pour voir si leur supercherie avait fonctionné. Comme pour compenser son excès de clairvoyance la créature obscure se mit presque à paniquer et le voyageur le laissa terminer avant de tenter de le remettre à sa place.

« T’as fini ? Oui j’aurais pu me casser depuis longtemps ou juste me planquer en attendant de me réveiller. Dès demain je serais probablement à l’autre bout de Dreamland et ces types ne me retrouveront probablement jamais. Mais je ne fais pas parti de ces voyageurs qui foutent le bordel et qui se barrent sans en assumer les conséquences. Je porte les couleurs d’un royaume et il est hors de question que je laisse dire que j’ai commis des crimes dans ce royaume alors que ce n’est pas le cas. En plus j’ai passé un marché avec elle. » Il désigna la créature féline de la tête « Et je suis un homme de parole. Je vais vous aider à sortir d’ici et si possible sans avoir une grosse société, qui croit que vous lui avez piqué une formule qui vaut une fortune, sur le dos. »

Il n’évoqua pas le fait qu’il avait vraiment envie de rendre sa liberté à l’insecte mais c’était aussi une des raisons qui le forçait à vouloir classer toute cette histoire.

« Ceux qui ont voulu nous désigner comme coupables à leur place ont bien du nous faire rentrer dans le bâtiment, ils ne sont probablement pas rentrés par la grande porte. Ils sont peut-être passés par les parkings, si on arrive à atteindre la salle de surveillance on pourra essayer de voir qui était au volant ou qui est descendu au moment où la camionnette est arrivée. Je sais qu’ils n’ont pas beaucoup de caméras mais s’ils filment une chose ce sera l’entrée et la sortie du parking. »

C’était plus que risqué, mais le temps commençait à être compté, la nuit approchait probablement de sa fin et il allait peut être se réveiller d’une seconde à l’autre. Foncer dans la gueule du loup dès maintenant ne l’enchantait pas mais il fallait agir, ils pouvaient tenter le tout pour le tout et au pire des cas il se sacrifierait pour donner du temps aux créatures en espérant qu’il se réveille avant de mourir.

« Ils nous cherchent de partout mais ils ne s’attendent certainement pas à nous voir nous pointer dans leur salle de surveillance. » Il se tourna vers la créature féline. « Tu sais où elle est n’est-ce pas ? » Elle acquiesça de la tête et expliqua qu’il s’agissait d’une pièce au premier sous-sol protégée par un digicode. Il était logique que si elle était dans ce bâtiment depuis longtemps et qu’elle comptait s’en échapper tôt ou tard elle ait repéré le cœur du dispositif de sécurité.

« Je sais que c’est risqué et qu’il y a peu de chances que ça aboutisse à quelque chose. Donc c’est vous qui voyez, au pire j’y vais seul et j’essaie de saboter tout leur système pour que vous puissiez vous tirer sans soucis. »

Il ne savait pas trop comment allaient réagir les deux créatures obscures mais comme il l’avait espéré la fourmi géante annonça qu’elle venait avec lui. « Je ne serais peut-être pas d’une grande aide mais je viens avec toi voyageur, je pourrais peut être m’occuper de couper les câbles. » Elle ne le spécifia pas mais on devinait qu’elle se lançait dans cette mission suicide car elle avait une dette envers lui pour l’avoir aidée à sortir de sa cage.

« C’est vous qui voyez, si vous ne venez pas laissez-nous une demi-heure et tentez une sortie par la grande porte. » Il s’adressa à la chatte d’ombre. « Si je m’en sors en vie j’irais au parking pour te sortir de là dans le coffre d’une voiture. »

Il tourna les talons et se dirigea vers l’ascenseur, il était résigné, tant pis si il y avait des gardes dans la cabine, tout ce qu’il craignait c’était se trouver nez à nez avec le molosse immonde. Il appuya sur le bouton d’appel et attendit, bientôt tout serait joué et les deux autres avaient intérêt à vite faire un choix.

Bien que tu avais parlé de te casser fissa, tu n’avais jamais émis l’hypothèse d’abandonner ni la fourmi, ni ta consoeur. Même si tu pensais que ce voyageur s’emportait un peu vite, tu fis tout de même une mine renfrognée parce que, tout de même, il essayait de te remettre en place. Il parlait de porter les couleurs d’un royaume et tu trouvais assez étrange qu’une personne qui ne soit pas réellement née dans un royaume en soit fière à ce point. Tu étais satisfait de voir un comportement de plus de la part des voyageurs, comportement intéressant, de surcroît. Cela te servirait quand tu deviendras un jour Duc Obscur.

Le monologue assez long de ton compagnon humain se termina avec une sorte de plan. Un plan pour sortir, c’est ce qu’il fallait. Tu étais assez d’accord avec lui, s’il y avait un réseau de surveillance, il fallait l’exploiter. Bon, il fallait aussi que tu t’avoues que tu n’avais pas encore saisi toute la subtilité de la chose, mais tu ferais un effort pour passer outre et exécuter le plan. Le premier sous-sol ? C’était loin d’ici, apparemment. C’était loin en-dessous.

Il était vrai que c’était extrêmement risqué, mais il fallait agir. Les créatures ne pouvaient de toute façon pas sortir autrement d’un si gros bâtiment qu’en passant par l’une des entrées et sorties. La chatte d’ombre n’était que moyennement rassurée car elle ne connaissait pas la puissance exacte du voyageur. Mais elle ne comptait pas croupir ici non plus. Alors elle s’avança vers une grille d’aération, plus petite que celle par laquelle il étaient venus et te glissa d’un air hautain :

- Je vais plutôt emprunter ces conduits pour me préparer à sortir. Il y a beaucoup trop de lumière par les chemins que vous allez prendre.

Et elle n’avait pas tort. Ton fondu d’ombre sera complètement inutile dans l’ascenseur. Mais tu rejoignis le voyageur et sa fourmi au moment où l’ascenseur arriva à votre étage. Tu informas le lumineux de la décision de l’autre créature d’ombre en entrant dans la cage :

- L’autre bestiole prend un autre chemin pour aller vers les parkings. J’aurais pu prendre le même, mais n’étant pas autant gêné par la lumière, je préfère aller là où il y aura un peu plus de fun. J’ignore à quel point tu es débrouillard, mais je ne suis pas du genre à attendre qu’on fasse tout le boulot pendant que j’attends. Ceci dit, je vais sans doute regretter ma décision si ça commence à craindre vraiment...

Dans ladite cage, il y avait effectivement beaucoup de lumière, ainsi qu’une douce musique qui était diffusée. C’était assez amusant, en fin de compte, de prendre l’ascenseur. Tu laissas ton compagnon activer la descente vers un autre étage qui ne pouvait être le premier sous-sol car il fallait une clé de sécurité de niveau 2.

Une fois que vous étiez arrivés à l’étage adéquat, les portes s’ouvrirent alors que tu étais planqué dans un coin. Il y avait un silence total à l’extérieur de la cage. Tu te glissas dehors avant que les portes ne se referment puis observa autour de toi. Il y avait les double-portes qui menaient encore à des escaliers. Tu regardas le voyageur avant de pousser les portes vers le premier sous-sol, étrangement déverrouillées contrairement à toute norme de sécurité. C’était sûrement inconscient de ta part, mais il y avait vraiment un silence de mort qui te poussas à descendre.

Une fois en bas, il y avait quelques portes, dont une déjà entrouverte. Il y avait pas mal de lumières multicolores dedans, alors tu t’y dirigeas sans attendre, avant de te plaquer contre la paroi murale et d’entrer discrètement dans la salle de contrôle de la sécurité. Tu avanças avec une certaine méfiance jusqu’aux contrôles, mais tu étais bien incapable de savoir ce qui contrôlait quoi. Alors tu te tournas en direction de la dernière position connue de ton compagnon voyageur et demanda :

- Alors ? Quel est ton plan ?

C’est alors que tu vis un homme sortir de sous un bureau. Il était habillé en sombre, avait un sourire aux bords des lèvres, une chemise criarde, une cravate violette et un chapeau brillant très propre qu’il posa sur le côté… avant de prendre un club de golf disposé sur le bureau en question. Pour toi, il avait l’air très dangereux.

- Je vous attendais, les cocos...

La descente en ascenseur lui parut interminable, il n’était vraiment pas sûr d’avoir fait le bon choix, il y avait probablement d’autre solutions, plus sûres. Il était presque persuadé qu’il était passé à côté d’une option évidente qui lui aurait permis de mettre fin à cette histoire sans prendre de risque. C’était à cause de ce genre de doute qu’il n’aimait pas se retrouver en position de leader, mettre sa propre existence onirique en jeu ne le dérangeait pas mais jouer avec celle des autres le mettait mal à l’aise. La porte s’ouvrit sur le premier sous-sol, ils n’avaient pas été interceptés, c’était déjà un beau coup de chance. Il aurait suffi d’un garde suffisamment attentif pour voir que l’un des monte-personne était en marche et ils se seraient trouvés face à un gros problème. Au lieu de ça, la voie était libre, c’était presque trop facile.

Ils s’avancèrent prudemment, la créature obscure ouvrant la voie, prête à se fondre dans les ombres au moindre signe de danger. Ils continuèrent et trouvèrent des portes qui auraient normalement dû être closes, c’était louche mais maintenant qu’ils étaient là ils n’allaient pas faire demi-tour. Ils progressèrent discrètement jusqu’à une porte entrouverte qui semblait donner sur la pièce qu’ils cherchaient. Leur éclaireur pénétra dans la pièce et comme il ne donna pas l’alerte les deux autres le rejoignirent dans ce qui s’avéra être le centre de surveillance que le voyageur avait espéré trouver. Avec tous ces écrans, ces boutons et ces manettes, il lui faudrait probablement un moment mais le geek était sûr de pouvoir se débrouiller. Il fallait qu’il trouve comment sélectionner une caméra en particulier, une fois qu’il aurait repéré celle qui l’intéressait il faudrait qu’il arrive à revenir en arrière pour regarder les archives. Déjà concentré pour essayer de comprendre le fonctionnement de ce matériel, il réagit bien trop tard à la présence de l’autre voyageur.

« Merde… »

Il connaissait son pouvoir et à cette distance ils auraient du mal à esquiver les balles de golf surpuissante qu’il était capable d’expédier. Corey se dit que son club était probablement une arme de corps à corps tout aussi redoutable, ils s’étaient jetés dans la gueule du loup et ce dernier était en train de refermer ses mâchoires. Il grimaça, cherchant une échappatoire mais il ne semblait pas y en avoir, la seule issue de la pièce était celle par laquelle ils étaient entrés et leur adversaire aurait le temps de les transformer en passoire avant qu’ils l’atteignent.

« Ben on pourra dire que vous nous avez fait courir mais votre petite cavale est terminée. » La façon dont il tenait son arme indiquait clairement qu’il était prêt à faire feu au moindre geste brusque. « Bon allez, ne perdons pas plus de temps. Rendez-moi la formule et dites-moi qui sont vos commanditaires. Si vous coopérez je ferais en sorte que vous ne souffriez pas… »

Il avait l’air terriblement sûr de lui et après l’avoir vu à l’œuvre un peu plus tôt dans la soirée, l’héliophobe savait que cette assurance était probablement justifiée. Il n’était pas forcément un voyageur surpuissant mais il était probablement de taille à leur régler leur compte en solo. Il fallait qu’ils le persuadent de leur innocence, mais il avait l’air clairement persuadé de leur culpabilité. Le jeune homme se concentra, il se devait d’essayer, il fallait qu’il prenne la parole et le convainc même si ce n’était pas sa spécialité.

« Mais bordel ! Vous vous dites pas que si on avait vraiment la formule en question on se serait cassés depuis longtemps ? Au lieu de tourner en rond comme des abrutis ? » Sans s’en rendre compte, le jeune homme commençait à relâcher la pression accumulée en parlant puis en criant de plus en plus fort. « Si on avait été assez malins et assez bien préparés pour rentrer sans déclencher l’alarme on ne l’aurait pas déclenchée en sortant non plus ! On est des diversions, des chiffons agités devant vos yeux pour que vous ne regardiez pas ailleurs. Alors que vous nous courrez après et nous traquez dans tous le building, les coupables sont tranquilement en train de copier la formule ou même de l’utiliser. Ils sont même peut être déjà sorti du royaume, en train de la vendre. » Le rouge lui était monté au visage, l’autre n’était pas forcément réceptif à ses paroles mais il ne pouvait plus s’arrêter. « On est des foutus pigeons des gus sélectionnés au hasard et capturés en pleine rue. Quand on s’est réveillés dans le labo les coupables étaient déjà probablement loin, on était juste des jolis cadeaux laissés là pour vous. Pour que vous ne cherchiez pas les vrais coupables. Vous vous êtes fait baisés presque plus fort que nous, vous aurez beau nous torturer et nous tuer vous retrouverez jamais ce que vous cherchez parce qu’on ne l’a pas et qu’on ne sait pas où elle est. Quand vous chercherez enfin du bon côté ce sera trop tard, un des employés de cette entreprise, un cadre, un scientifique ou même un membre du conseil d’administration se sera mystérieusement envolé et un concurrent sortira ce à quoi sert la formule. Qui ? J’en sais foutre rien ! Mais je suis presque sûr que la réponse est quelque part là-dedans ! » Il pointa les écrans d’un geste rageur. « Les enfoirés qui nous ont enlevé ont bien dû trouver un moyen de nous faire entrer dans le bâtiment puis de nous faire monter. Il faut regarder si la camionnette noire dans laquelle ils nous ont enlevé est entrée dans le parking et si elle en est ressortie ! Ou alors il faut regarder si ceux qui nous ont transportés quand on était inconscients ont été filmés mais c’est pas en nous menaçant pour rien que vous retrouverez votre foutue formule ! »

Il commençait à se calmer, ayant lâché tout ce qu’il avait, il n’était pas sûr d’avoir réussi à faire douter son interlocuteur mais au moins il aurait essayé. Tout en attendant la réaction de l’homme au club de golf il se tenait prêt à esquiver une éventuelle attaque et à contre-attaquer.

L’homme à la chemise criarde semblait vraiment sûr de lui, d’après son sourire hautain qui traduisait son auto-satisfaction d’avoir enfin mit la main sur les fugitifs. Il était si sûr de tenir en joue les deux principaux coupables de cette rocambolesque escapade. Un sourire aux dents blanches, comme dans une publicité pour un dentifrice.

Toi, Shad, tu étais une hanche appuyée sur une séparation entre des bureaux, un poil inquiet, lorsque le voyageur à tes côtés se mit à relâcher ce qui semblait lui peser. Prenant des popcorns virtuels, tu assistais avec attention au déversement de colère le plus magnifique que tu aies vu depuis un moment. Tu t’assis sur le bord d’une des consoles de commande et restas complètement silencieux pendant plusieurs minutes.

À entendre certains termes parfois très crus, tu ne pus t’empêcher de pouffer de rire, surtout en voyant la tête moins assurée du type au club de golf. Tu le regardais perdre son assurance face aux différentes évidence énoncées. À la fin de son monologue colérique, tu avais du mal à retenir ton rire. C’était, d’après toi, de toute beauté. Mais l’homme armé tenta une dernière fois de briser ta bonne humeur avec cette réplique :

- Mouais, vous n’avez pas tort. Mais je dois quand même vous défoncer : Vous avez foutu un sacré boxon dans les labos et parmi nos gars.

À ces mots, tu eus cette réaction cinglante, mais pleine de vérité :

- C’est bien la preuve que vous n’êtes que des blaireaux. Trois pauvres gars paumés ont réussi à échapper à cette sécurité douteuse… Peut-être la formule était celle d’un staff de sécurité plus compétent...

Mais tu ne puis terminer ta phrase victorieuse et gratuitement violente car elle fut interrompue par une balle de golf en pleine mâchoire. Tu t’étalas par l’impact sur les consoles avant de glisser au sol, assommé. Tu te secouas la tête après quelques secondes, à peu près au moment où ton agresseur reprenait :

- Bon, soit. Regardons ces vidéos. Ce n’est pas comme si je n’avais pas déjà eu un doute, après tout.

Puis, après s’être approché de toi le sourire aux lèvres, il termina :

- Pour information, nous avions réussi à capturer votre dernier collègue. Mais il s’est réveillé avant que l’on ait plus faire quoi que ce soit.

Tu te relevas alors et partis de l’autre côté de la pièce en te massant la mâchoire. Il n’avait pas balancé sa balle de golf à pleine puissance, mais tu le sentais déjà bien passer. Tu n’étais pas vraiment décidé à les aider. De toute façon, tu ferais pire que mieux.

Quelque chose disait que vous n’alliez pas être au bout de vos surprises… Le destin s’en délectait d’avance.

Le geek, encore sous le coup de l’énervement et de l’adrénaline ne put retenir un soupir de frustration et de dépit lorsque leur ennemi annonça que sa tirade n’avait servi à rien. Il l’avait un peu craint mais une fois lancé il n’avait pas pu s’arrêter, le bon côté c’était que ça lui avait un peu permis d’évacuer la frustration et la tension accumulés depuis le début de la nuit. Malheureusement ils allaient sûrement devoir affronter cet adversaire qui, même s’il ne payait pas de mine, avait déjà prouvé qu’il avait une puissance offensive redoutable. Leur seul avantage était qu’ils étaient dans un espace assez réduit mais qui leur laissait quand même des possibilités d’esquiver les balles. L’héliophobe hésitait, peut être qu’une tirade supplémentaire permettrait de faire changer le voyageur d’avis, mais il ne savait plus quoi dire, il avait déjà tout exposé. Ce fût finalement la créature obscure qui l’accompagnait qui prit la parole et il n’était pas sûr que ce soit une bonne idée. Il baissa les yeux pour vérifier la position de l’insecte géant afin de ne pas se prendre les pieds dessus lorsque viendrait le moment, probablement proche, où il devrait esquiver la première attaque. Suite à la réplique cinglante de son camarade d’infortune, le swing partit presque aussitôt, droit dans la mâchoire de celui qui venait de provoquer leur ennemi. Etrangement on aurait dit que ce dernier avait retenu son coup, comme s’il voulait juste le punir de son affront mais sans abréger son existence tout de suite.

Mais son énième provocation avait suffi à fissurer la belle assurance de leur interlocuteur qui annonça qu’il acceptait de leur laisser une dernière chance en visionnant les vidéos des caméras de sécurité. Dans l’esprit de Corey son optimisme se heurtait à son pessimisme, l’un était persuadé qu’il y avait la preuve de leur innocence ainsi que l’identité des vrais coupables sur les bandes, l’autre pensait que si le complot avait été autant travaillé ils ne feraient pas l’erreur de laisser une preuve sur les vidéos.

« Allez, mets-toi au commandes, vu ta tronche de geek tu devrais t’en sortir avec ce matériel. » Le jeune homme voulu répliquer mais il devait avouer que c’était probablement vrai.

Il tira un siège pour se mettre devant la console qui servait probablement à piloter l’affichage, il essaya de repérer une caméra qui filmait l’entrée du parking puis il appuya sur son numéro en l’associant avec d’autres commandes jusqu’à ce qu’elle soit affichée sur l’écran le plus grand. Une fois que ce fût fait, il essaya divers boutons et molettes jusqu’à en trouver un qui permettait de remonter dans l’enregistrement, il dosa la vitesse de défilement pour être sûr de ne pas louper un éventuel indice. Il ne s’y passait pas grand-chose d’intéressant puis deux ou trois véhicules arrivèrent devant les grilles qui, jusque-là fermées, se levèrent pour les laisser entrer. Corey ralentit repassa la scène.

« Des hommes à moi qui étaient sur un autre site du groupe.  Le les ai fait venir après le déclenchement de l’alarme et j’ai donné l’ordre qu’on leur ouvre. »

Il continua donc à remonter l’enregistrement, presque déçu que ça n’ait pas été aussi simple, puis soudainement les grilles s’ouvrirent (comme ils lisaient la vidéo à l’envers, ça voulait dire qu’elles se fermaient. Il baissa donc la vitesse de défilement pour être sûr qu’ils ne loupent rien. Rien de bien intéressant, quelques employés qui prenaient ou quittaient leur service personne qui sortait en faisant crisser les pneus, l’air réjouit d’avoir réussi un sale coup. Il fallut attendre encore quelques instants pour voir arriver puis ressortir une camionnette noire aux vitres teintées. L’héliophobe ralentit, cherchant une image où on voyait le conducteur.

« Voilà, c’est dans cette camionnette qu’on nous a fait entrer, je suppose que ni le véhicule ni le chauffeur ne vous disent quelque chose ?  »

Il secoua la tête négativement. « Jamais vu, désolé mais ça prouve rien, ça pourrait être votre complice. »

« Ça veut juste dire que ceux qui se sont chargés de la formule ne sont pas ressortis par là. Est-ce que vous avez des caméras sur les autres issues possibles ? »

« Celle-ci, c’est l’entrée de service. » Il en pointait une en haut à droite, puis il en désigna une seconde un peu plus bas. « Voilà l’entrée principale. La 3. »

Suivant son instinct il maintint enfoncé le bouton qui lui avait permis de faire basculer sur l’écran principal, puis il appuya sur les chiffres de chacune des caméras indiquées. Comme il l’avait espéré les deux enregistrements désignés apparaissaient désormais en plus grand sur le moniteur principal.  Il remonta rapidement les bandes jusqu’à arriver aux times codes qui l’intéressait et qu’il avait repéré sur celle du parking. Là encore il y avait des allées et venues d’employés, de clients, jusqu’à ce que l’alarme se déclenche et que la sécurité mette en place des contrôles à l’entrée principale et condamne celle de derrière. Il repassa les moments qui précédaient le déclenchement de l’alarme  une nouvelle fois, à vitesse réelle, mais il ne voyait rien qui lui sautait aux yeux. Dans la pièce un silence pesant s’était installé alors qu’il sentait son cœur battre de plus en plus fort. Il laissa défiler un peu après le déclenchement de l’alarme, puis revint un peu avant. Au niveau de la sortie de service il n’y avait presque rien à voir, un employé de l’entretien qui sortait les poubelles quelques dizaines de minutes avant l’incident puis plus rien après. La sécurité avait probablement fait verrouiller la porte. Il concentra donc son attention sur celle à l’avant et passa une nouvelle fois la bande, il avait le sentiment que ce qu’ils cherchaient était juste sous leurs yeux mais qu’il ne le voyait pas. Il espérait qu’un des autres allait voir quelque chose parce que l’ambiance pesante qui les enveloppait ne l’aidait pas à se concentrer. Il n’osait pas rompre le silence, il refit défiler, une énième fois, craignant que le voyageur ne l’attaque par surprise. Lorsque ça lui sauta aux yeux.

« Là ! Ce groupe de trois. » Il avait fait pause au moment où trois employés, trois scientifiques en blouses blanches, deux hommes et une femme, sortaient du bâtiment. « Il y a quelque chose qui cloche avec eux…  »

A l’écran, on voyait les trois employés qui sortaient en même temps, avançaient ensembles, avant de sortir du champ de la caméra. Un peu après on voyait trois hommes, en costume sombre, eux aussi allaient dans la même direction.

« Le comportement des trois premiers est bizarre, ils sont clairement en groupe mais ils ne discutent pas, ils s’ignorent comme s’ils ne se connaissaient pas, mais vont au même endroit, à la même vitesse. Les trois autres ça pourrait fortement être ceux qui nous ont enlevés. Celui-là a l’air blessé. Ils ont quasiment le même comportement.» Tout en parlant il pointa un des hommes en costume noir qui ne semblait pas en forme, sa veste était boutonnée, comme pour cacher une blessure.

Corey se retourna vers le voyageur qui les tenait, espérant que ça suffirait à le faire douter.

Au premier abord, tu parvenais bien à ne pas aider ces deux zouaves dans leur tâche. Tu t’étais assis sur le bord d’un bureau qui traînait là, comme par magie scénaristique. Tu regardais le plafond pendant que le voyageur de lumière, lui, s’asseyait au siège de commande des caméras de sécurité.

Il y avait de l’animation sur les émetteurs de lumière colorée. Piqué de curiosité, tu te mis à observer toi aussi ce qui se passait sur les écrans les plus zoomés. Bien que tu ne voyais que du rouge, tu pouvais apprécier avec détail ce qu’il se passait là-bas. Ta faculté à pouvoir percer les ombres te permettait de voir dans les recoins sombres comme s’il étaient éclairés par une petite veilleuse.

Mais rien ne put aider directement la situation car tout se passait relativement à la vue de tous. La camionnette, tu la reconnus instantanément, c’était bien celle dans laquelle tu t’étais battu contre tes ravisseurs. Tu fulminas presque instantanément mais silencieusement. Tu te rappelas alors des dires du Voyageur Semi-Permanent qui te disait d’utiliser ton intelligence. Tu réfléchis alors un peu et tu eus une idée brillante.

- Hé mais ! Le quadricycle automobile sombre doit encore se trouver là-bas, vu qu’ils sont sans doute ressortis par là ! Nous pourrions commencer par investiguer par-là et voir s’ils n’ont pas laissé des preuves sur leur identité ? Ou alors, au pire, nous pourrions toujours regarder l’identité de ces lascars avec la tête qu’ils ont à la caméra...

- Monsieur Oliver Wilde, monsieur Adam Strauss et madame Éva Brown-Leere.

Une voix était venue de beaucoup plus bas. Comme elle avait désormais l’attention de toutes les personnes dans la pièce, la fourmi géante reprit son explication :

- De tous les docteurs qui nous ont “étudiés”, ces trois-là étaient les pires. Je pense connaître ce qu’ils ont volé, mais je pourrais me tromper. Si c’est le cas, alors votre bâtiment est gravement en danger.

Bien entendu, le voyageur chargé de la sécurité connaissait déjà les risques et la nature de la formule volée. Seuls ton compagnon voyageur et toi, Shad, n’étaient pas au courant.  L’homme au club de golf était en train de sourire intensément, presque de manière malsaine lorsque tu reportas ton regard et ton attention sur lui. Tu fis écho à lui juste avant qu’il ne sorte un talkie-walkie de sa poche avant d’ordonner de manière très autoritaire :

- Unité de Protection et d’Assaut, nous avons des noms ! Nous recherchons trois individus suspectés d’avoir volé notre objet ! Je veux que vous me trouviez Oliver Wilde, Adam Strauss et Éva Brown-Leere ! Attention, ils sont potentiellement armés et dangereux ! Ceci n’est pas un exercice !

À ces mot, l’homme à la chemise criarde reporta son attention sur les trois individus composés d’un voyageur, une créature obscure et une fourmi parlante. Il s’apprétait sûrement à dire quelque chose, à disposer d’une certaine manière de ceux-là. Restait à savoir quoi ?

Le voyageur au club de golf rose paraissait à demi convaincu, il semblait être en train de se demander si les gars qu’il avait attrapés essayaient de le manipuler ou s’ils étaient sincères. Corey devait avouer qu’à sa place il aurait eu du mal à trancher, ceux qui avaient piégé l’héliophobe et ses compagnons d’infortune avaient bien prévu leur coup et ils faisaient de parfait coupables. Le geek espérait vraiment que la vidéo allait finir de le convaincre de leur innocence mais rien n’était moins sûr. Les trois scientifiques qui sortaient quelques minutes avant l’alarme pouvaient n’être que des collègues, légèrement en froid, qui se rendaient à un rendez-vous à l’extérieur. Pour les hommes de main en costume sombre une explication était beaucoup plus dure à trouver, c’était peut-être ce qui leur permettrait d’avoir la chance de prouver leur innocence.

Il s’apprêtait à demander ce que le voyageur en pensait mais ce fût la créature obscure qui brisa le silence, au début le jeune homme s’attendait au pire, connaissant un peu le tempérament… Changeant… de son acolyte de circonstance. Mais la remarque qu’il fit était tout à fait pertinente, le véhicule devait toujours être sur place et l’inspecter leur donnerait peut être quelques indices. Puis en imprimant le visage des six suspects et en le montrant aux autorités ou aux ressources humaines de la société ils obtiendraient peut-être des noms.

« On pourr… »

Ce fût cette fois la fourmi géante qui prit la parole pour annoncer le nom des trois scientifiques qu’elle avait reconnu, ils étaient apparemment affectés à l’étage où elle avait été retenue captive. Voilà qui allait grandement leur faciliter la recherche de l’identité de ceux qui les avaient utilisés comme boucs émissaires. Le voyageur transmit immédiatement l’information à ses équipes en leur disant de retrouver et de capturer les trois scientifiques pour récupérer la formule. Il se mit à les fixer silencieusement et le geek comprit qu’il était en train de se demander quoi faire d’eux maintenant.

Son silence s’éternisait trop et l’héliophobe tira rapidement ses propres conclusions. « Enfoiré… »

« Désolé mais même si vous êtes innocents vous en savez trop et vous nous avez tourné en ridicule toute une partie de la nuit. Je ne peux pas laisser passer ça… »

Il avait armé son club de golf et il ne lui faudrait qu’une fraction de seconde pour faire feu, Corey ne pouvait pas être assez rapide pour le prendre de de vitesse, il fallait qu’il gagne du temps.

« On ne dira rien à personne, vous pouvez dire que vous avez fini par nous attraper et que vous avez déjà incinéré les corps. » Ca ne suffirait pas à le convaincre, il fallait qu’il continue à l’occuper pour trouver un moyen d’agir. « La nuit prochaine je serais à l’autre bout de Dreamland, et je n’ai aucune envie de revenir par ici. Lui, » Il désigna Shad « Je ne pense pas qu’il attire l’attention sur lui, vous comprendrez facilement pourquoi, et même s’il le criait sur tous les toits, qui le prendrait au sérieux ? » Il jeta un regard à son camarade comme pour lui dire que ce n’était pas le moment de se vexer. « Et elle, » regardant l’insecte « Je suis persuadé qu’elle a passé bien assez de temps ici et qu’elle ne veut plus jamais s’approcher de se royaume, elle a bien assez souffert par votre faute. » Montrant la paume de ses mains en guise de bonne foi, il rajouta. « Allons… Laissez-nous partir, ça ne changera rien pour vous… »

L’héliophobe lut dans le regard de son interlocuteur que sa plaidoirie n’avait pas été couronnée de succès il réagit donc immédiatement, alors que la sentence allait être prononcée, en expédiant deux puissants flash lumineux depuis ses paumes ouvertes et tournées vers le voyageur.

« On fonce ! » Il partit au quart de tour, épaule en avant, pour profiter de l’aveuglement temporaire causé par sa technique, en donnant une grande bourrade à celui qui leur bloquait le chemin. Il lui balança une chaise de bureau dessus pour le ralentir encore un peu et sortit dans le couloir.

« Vers le parking ! »

C’était là-bas que leur dernière alliée les rejoindrait et comme ils ne pouvaient pas espérer se faire disculper par la sécurité du bâtiment, il ne leur restait plus qu’à s’enfuir comme des coupables. Le Zenith n’aimait pas ça mais pour l’heure il ne voyait pas d’autre option, ce qui le contrariait, mais l’essentiel était de s’en sortir entiers. Ils n’avaient pas beaucoup d’avance, il entendait déjà leur poursuivant se remettre sur pied et vociférer dans son talkie. D’ici peu ils auraient tous les gardes restants dans le bâtiment, et leurs chiens infernaux, aux trousses. Rien de réjouissant, mais heureusement le parking n’était pas loin, ils étaient déjà au bon niveau, d’ailleurs au bout du couloir une lourde porte anti-feu signalait probablement l’entrée de la zone.

« Baissez-vous ! »

La fourmi, qui avait une meilleure vision périphérique et un meilleur instinct qu’eux, les prévint juste à temps. L’héliophobe se jeta en avant et une balle de golf surpuissante le frôla avant d’aller laisser une grosse marque dans la porte devant lui. Déséquilibré par cette soudaine esquive, il perdit l’équilibre et fit une sorte de roulade maladroite avant de se stabiliser à peu près, par réflexe, il fit feu sur leur agresseur pour l’empêcher d’armer un nouveau tir destructeur. Ses rayons n’étaient ni concentrés ni précis, mais ils forcèrent le voyageur à faire un pas de côté pour les esquiver. Il continua de tirer pour que leur ennemi reste à couvert le temps que ses compères se glissent par la porte. Il les rejoignit au moment où une nouvelle attaque finissait de défoncer le battant métallique derrière lequel ils venaient de disparaître.

« Vite il faut une bagnole ! »

S’ils ne trouvaient pas très vite un véhicule leur poursuivant allait finir par les tuer avec une de ses balles surpuissantes.

Après un silence qui vous parut plus long que nécessaire, le voyageur de votre groupuscule semblait savoir ce qui allait se passer. Le type au club de golf estimait que les trois zouaves qu’il avait en face de lui en savaient trop. Enfin, pour la fourmi, c’est pas comme si elle ne le savait pas déjà ; C’est juste que les deux étrangers, eux, s’étaient retrouvés dans une intrigue qui ne les concernait pas. De plus, le fait que des types qui ne connaissaient pas les lieux aient pu ainsi tourner en ridicule leur sécurité, ça en donnait un grand coup au moral… Il faudra d’ailleurs que le voyageur à la chemise criarde touche deux mots à ses agents après tout ceci.

Pendant la tentative d’apaisement de ton compagnon humain, tu acquiesçais simplement pour appuyer, même lorsqu’un léger tacle se dirigea contre toi et qu’un regard implorant le silence se braqua sur toi. Tu étais un peu épuisé, trop pour relever, en fin de compte. Et puis, tu avais reconnu la tentative ; Tu ne voulais pas tout faire rater, même si cela te blessait un peu.

Par la suite, cela se passa très vite. Alors que tu regardais le jeune homme placer ses mains devant lui comme pour prouver sa bonne foi, tu te fis aveugler par un puissant flash de lumière qui en sortit. Fort heureusement, contrairement au type armé d’un club, ton instinct te poussa à aller vers la source de la technique -sans doute pour lui casser la figure dans un premier temps- pour t’enfuir à ses côté le temps que ta vision se remette du choc. Tu voyais tout en très clair et courir t’étais difficile, mais le moment faisait que tu avais à nouveau de l’énergie à revendre.

- Arg ! Ça fait un mal de chien, ton truc !

Car oui, tes yeux te piquaient comme des insectes facétieux. Au bout de quelques dizaines de secondes, ta vision se remit en état juste à temps pour voir ton compagnon aux cheveux sombres effectuer une manoeuvre d’évitement cadencée par la prévention de la fourmi. Tu t’écartas pour regarder rapidement derrière toi et te glissas sans demander ton reste dans le fameux parking tant attendu.

Tu eus alors une idée salvatrice, alors que la porte d’entrée du sous-sol finirait peu après de s’ouvrir sous les assauts des balles de golf. Tu écrasas avec un boule d’ombre l’interrupteur de la lumière du parking qui la fit s’éteindre sur la totalité des lieux. Avec un peu de chance, cela suffirait à gêner le voyageur à l’attaque dévastatrice. Il fallait un véhicule. Et vite. La pénombre ainsi créée te permettait de fondre dans l’ombre, ce que tu fis pour minimiser les chances de te faire repérer. Derrière toi, une lumière de lampe-torche éclairait les environs, c’était celle de l’assaillant.

Sans plus attendre, tu repéras un véhicule qui te plut immédiatement. Il était noir à l’arrière et l’avant était recouvert de vinyl de flammes, comme dans certains films d’action. Ce véhicule était proche de ceux des années 60-70, une muscle car des familles qui aurait assez de pêche pour sortir de là rapidement. Tu te glissas dans l’interstice de la portière grâce à ton fondu d’ombre, puis tu ouvris la portière, attiré par cet objet chromé qui était en fait la poignée. Repérant ton comparse, tu crias en mode murmures pour attirer son attention sur toi et ta trouvaille.

- Tu saurais démarrer ce truc ?

Puis, tu t’installas sur le siège passager en attendant que le voyageur de lumière rapplique. Tu entendis alors une voix familière :

- Il était temps que vous arriviez ! Je me demandais ce qui s’était passé, mais je crois avoir saisi l’essentiel.

La féline d’ombre était déjà entrée dans la voiture au moment où tu avais ouvert la portière de la voiture. La fourmi grimpa à son tour dans l’engin avant que la portière ne se referme. Il était temps de se barrer de là, pensais-tu.

Il commençait à avancer dans le parking, à la recherche d’un véhicule pour s’en sortir, lorsque soudain ils furent plongés dans l’obscurité. Il ne savait pas si c’était l’œuvre d’un de ses alliés de circonstance ou si c’était leur ennemi mais dans les deux cas ça ne l’arrangeait pas. Il progressait à tâtons, parvenant à peine à discerner la forme des véhicules dans la faible lueur projetée par les éclairages des sorties de secours. Il suivit la fourmi, car c’était la seule dont il arrivait à repérer la présence et il devait avouer qu’elle lui inspirait plus confiance que l’autre créature.

A l’entrée, leur poursuivant était en train de les chercher grâce au faisceau d’une lampe torche, l’héliophobe se jeta à couvert derrière une voiture juste à temps pour éviter d’être repéré. Mais il savait qu’il ne parviendrait pas à rester discret éternellement, ce n’était vraiment pas sa spécialité. Il essaya d’ouvrir la portière du pick-up contre lequel il était appuyé mais c’était fermé, il avança jusqu’à une sorte de mustang dont le propriétaire devait avoir des gouts douteux. Il allait passer à un autre véhicule, se disant que celui-là ne serait pas forcément le plus adapté à leur tentative d’évasion mais quelqu’un ouvrit la portière et lui demanda s’il savait démarrer.

« Euh… peut-être … » chuchota-t-il.

Il se souvenait d’un jeu vidéo où il fallait faire se toucher les bons fils d’une voiture pour la voler sans déclencher l’alarme, avec un peu de chance les véhicules de ce monde seraient fait de la même façon. Il fallait aussi que les concepteurs du jeu aient fait l’effort d’être fidèles à la réalité, ce n’était pas gagné, ils avaient peut être simplifié énormément les choses afin que ça reste ludique pour les joueurs. Il entrouvrit lentement la portière et se glissa sous le volant, il s’attendait presque à trouver une trappe avec une poignée rouge bien en évidence, mais il n’y avait rien, ou alors il ne le voyait pas dans cette obscurité quasi-totale, il fallait peut-être arracher le cache ? Il commença à chercher des prises à tâtons. Il fut déconcentré par une voix à laquelle il ne s’attendait pas et sentit la créature féline se glisser dans l’habitacle en passant agilement au-dessus de lui. Il se redressa pour estimer le temps qu’il avait devant lui avant que leur poursuivant ne leur tombe dessus. Il était encore assez loin mais il fallait quand même qu’il se dépêche. En retournant sous le volant il posa ses yeux sur le Niemann et constata qu’il y avait une clé qui était fichée dedans, comme si elle en était indissociable, il la tourna et le moteur se mit à vrombir et les phares s’éclairèrent.

« Vite !» cria-t-il à la fourmi tout en l’aidant à se glisser dans l’habitacle.

Il s’installa au volant, mais se rendit compte que c’était la première fois qu’il allait conduire une vraie voiture. Il avait joué à de nombreux jeux de simulation et se dit que ça ne devait pas être trop différent, il positionna donc le sélecteur de vitesse sur R pour reculer et appuya sur la pédale de droite. La muscle-car bondit en arrière et percuta le véhicule garé là, surprit par la violence de l’accélération la tête du Zénith heurta le volant. Il lui fallut plusieurs secondes pour évacuer la vague de douleur qui irradia de son nez, probablement cassé, puis pour passer la voiture sur N et accélérer tout en tournant dans la direction opposée à celle d’où leur agresseur arrivait. Il mésestima encore une fois la puissance du véhicule et heurta une camionnette mais parvint à continuer d’avancer. Un bruit sourd se fit entendre alors qu’une balle de golf venait heurter le coffre. Le geek écarquilla les yeux en voyant le mur se rapprocher à toute vitesse, il se souvint juste à temps de l’emplacement de la pédale de frein et pu ralentir pour pouvoir tourner. Il prit un autre virage in-extremis et ils arrivèrent en face de la grille baissée.

« Accrochez-vous ! » cria-t-il en lançant la muscle car à fond.

Il n’était pas sûr que son véhicule parvienne à enfoncer la sortie, mais ils n’avaient pas d’autre choix, il fallait qu’ils s’écartent de ce voyageur qui voulait les réduire au silence. L’impact fut violent mais les chevaux de la bagnole eurent raison de la grille même si le capot et la calandre furent arrachés. Pour la discrétion c’était loupé, il fallait qu’ils comptent sur la fuite pour essayer de se faire oublier. Le geek freina de toute ses forces dès qu’il comprit qu’ils débouchaient à toute vitesse perpendiculairement à un boulevard fréquenté mais c’était trop tard ils percutèrent l’arrière d’une limousine qui fut projetée sur le côté. Il récupéra un semblant de contrôle et remonta la file de voiture en contre-sens pendant quelques mètres avant de rejoindre le bon côté de la chaussée.

« On fait quoi maintenant ? » demanda-t-il tout en essayant de slalomer entre les véhicules qui allaient dans leur sens sans les percuter. Sa visibilité était gênée par le pare-brise qui était fissuré dans tous les sens et par l’épaisse fumée qui s’échappait du radiateur. Autant dire qu’une éventuelle course poursuite n’avait pas de grande chance de tourner à leur avantage.