Malheureusement pour moi, mon petit discours que je pensais bien trouvé n'avait soulevé aucune réaction dans cette foule d'idiots congénitaux. C'est lasse par tant de sottises que j'acceptais de me faire rosser en publique tout en maudissant la bêtise humaine. Mais alors que tout semblait perdu, un homme fit irruption, le chef de cette manifestions sans logique. Un certain Nick Wright ou un truc du genre. Apparemment moins stupide et violent que la plupart des gens ici présents, sa simple présence avait suffit à calmer la foule. Ok, niveau charisme ce mec se posait là, au dessus du lot et disait même merde à ma présence ou celle des autres qui tout comme moi, avaient finit finir lynché. C'est alors qu'il nous pointa du doigt et expliqua qu'on était différent du reste de la troupe. Sur ce point, j'étais d'accord... On était moins... Stupide? C'est justement la conclusion qu'il fit en disant que nous étions capable de réfléchir et agir par nous-même contrairement à eux qui agissaient en simple moutons. Finalement ce type commençait à me plaire, il était presque aussi connard et manipulateur que moi. Ma seule question, c'était comment parvenait-il à avoir ce petit monde dans sa poche en leur sous entendant qu'ils sont cons? Quoique... Ils ne sont peut-être pas suffisamment futés pour remarquer le dit sous entendu. C'est surement le cas.

Pour résumer, Nick ressortit ce qu'on avait dit un peu plus tôt: montrer une forme de pacifisme lors de cette réunion afin de nous faire entendre mais pas nous faire dénigrer pour un acte de violence. Reste que je me demandais toujours une chose: pourquoi ce royaume? Pourquoi venir faire ça ici, sérieux? Reste que son argumentation: monde réel égal pas cool car société de merde, chefs qui nous commandent, lois ou autres trucs, devaient justifier notre liberté et notre absence de bonnes manières dans le monde onirique, était pour moi une honte. Ouais, une honte. En quoi avoir une vie de merde justifie qu'on foute la merde dans l'autre monde? Car c'est le monde des rêves, car on y vit pas vraiment, on peut se permettre de faire ce qu'on veut? On vit dans les deux mondes, dans les deux on est tenu d'être un minimum civilisé. Si foutre le bordel est une seconde nature, autant le faire dans les deux ou alors, par sens moral, se tenir à carreau. Reste que je le voyais ainsi et c'est pourquoi j'avais, depuis peu, commencé à réfléchir à différents projets pour Dreamland, mais aussi pour le monde réel. Évidemment, ces projets n'étaient pas liés, sauf par ma présence il en va de soit. Je comptais devenir un minimum important dans ce monde, mais trouver le moyen de me faire de l'argent dans l'autre. Courtier serait intéressant, détenir et vendre des informations, utiliser une organisation pour ça. Oui... Mais pour ça, j'avais besoin d'avoir des relations. Et je parle de relations sociales, ceux qui ont pensé aux relations sexuels sont priés de sortir dans les plus brefs délais. Merci.

Sur ce, la foule hurla, acclama et continua sa petite vie. Je commençais à m'éloigner en me disant que je ne trouverai strictement rien d'intéressant cette nuit, donc autant trouver un endroit pour passer le temps. Mais le chef vint alors vers moi et c'est là que je notais la présence du blond un poil timide. J'ignorais son nom à celui-ci tiens. Enfin, était-ce vraiment important? Je suppose que non... Donc, Nick venait nous féliciter de notre intelligence à ne pas suivre bêtement les autres. Il expliqua qu'il venait vers nous pour nous confier une mission car il nous estimait à la hauteur de celle-ci. Mouais... J'avais le droit de lui dire que j'en avais rien à foutre ou je risquais encore de me faire rosser par la foule? Dans le doute, je ne dis rien, juste au cas où comme on dit. Ainsi notre mission était d'accrocher une banderole en haut du château, tout ceci dans la plus grande discrétion... Donc si je résume, le blond et moi allons prendre tous les risques et si on se fait prendre, on dira qu'on a agit de nous même, c'est ça? Poussant un soupire, je pris la banderole roulée que je fourrais sous mon bras. Tournant les yeux vers le blond pour voir s'il comptait le faire ou non. J'ignore pourquoi, mais vraiment pourquoi, mais je comptais le faire... En réalité, ce Voyageur un peu timide avait quelque chose qui m'intriguait. Donc, je voulais en apprendre un peu plus sur lui mais aussi, aider ces gens pourrait s'avérer utile plus tard. Si je rejoignais les rangs de Liberté Voyageur, j'arriverai peut-être à avoir quelques avantages ou des relations non?

"Bon... Tu veux qu'on s'occupe de ça ou on trouve un larbin ou deux pour le faire à notre place? En tout sincérité, si tu veux sous traiter le travail, je ne t'en voudrai pas le moins du monde. Et enfin: puis-je savoir comment tu t'intitule?"

On notera la petite référence que je venais d'employer. Tout ça pour me montrer plus sympathique ou dans mon rôle de bouffon qui fait un brin d'humour. On pourra noter également que je ne prenais pas la peine de me présenter, en même temps, je ne le faisais jamais dans le monde onirique. Je ne voyais pas l'intérêt de me présenter à des gens que je ne reverrai pas... Et surtout: j’espérai garder un minimum d'anonymat pour le moment. Illogique direz vous avec mon envie de gloire et célébrité? Certes, mais tant qu'à faire, je voulais le faire à ma manière, soit être connu sans l'être afin d'éviter les emmerdes.

On l'avait... oublié. La foule l'avait oublié, le mec qui avait débarqué ne l'avait même pas mentionné, Raphaël lui-même avait failli oublier que quelques minutes plus tard, il aurait du tailler dans la foule à coup d'épée pour s'en sortir. Maintenant, il n'était que perdu, une épée à la main et aucun but à poursuivre pour le reste de la nuit. Le blond avait parlé, le second blond et l'autre roux iraient se taper le boulot pour accrocher une banderole "foutrement gigantesque" sur le palais. C'est donc une épée à la main qu'il se retrouva tout con dans une foule d'inconnu. La plupart l'évitaient et il avait donc un espace vital conséquent autour de lui. Après tout, personne n'avait envie de se frotter à un borgne armé. Sur son banc, il pouvait voir la plupart des gens de la foule, dont le leader qui s'était frayé un chemin jusqu'au deux gus. Ce blond qui avait limite déclamé le contraire des arguments de Raphaël à savoir: "foutre le bordel dans le monde onirique parce que c'est pas le nôtre et que finalement, les voyageurs sont très enchaînés par une bande de gars qui vivent leurs vie... Après on s'étonne que certains Royaumes sont hostile au voyageur avec des couillons pareil.". Et c'était plutôt vrai, le leader dont Raphaël avait oublié le nom avait pointé son cul, repris du Luther King pour faire bien et coller au monde des rêves et avait calmé les gens en leurs disant qu'ils étaient cons et qu'il fallait pas être des moutons. Et comme des moutons, il s'étaient calmés. C'était navrant à en pleurer un charisme pareil pour une stupidité de ce niveau. Descendant de son banc, il marcha vers les deux chargés d'affichage de la pancarte et se présenta;

"- Je suppose que vous allez avoir besoin d'un garde du corps ou d'un quelconque troisième larron pour porter ça non? Je me présente, Raphaël Graypath, sauveur de dames, voyageur des glaces et pleins d'autres choses sans grand intêret."

Il espérait vainement convaincre les deux gus que le leader comme les autres membres étaient des idiots inutiles et qu'il faudrait mieux ne pas faire ça. Car si le plan aboutissait, la vague de connerie allait s'amplifier dans tout Dreamland et assurément un pas de géant vers des armées de couillons avec des banderoles et des idéaux biaisés pour résulter en hausse du ressentiment contre les voyageurs.

A peine avais-je fini de parler qu'un type vint nous déranger. Ouais aucun respect: vas-y que je me pointe et que je m'installe dans la conversation sans me soucier d'interrompre un truc ou non. Par chance, c'était le rouquin avec l’œil en moins, le mec qui avait hurlé et qui avait dit des trucs plutôt intéressant. Je pouvais donc le pardonner, enfin... Un peu en tout cas. Reste qu'il voulait proposer son aide, il disait se nommer: Raphaël Graypath. Jamais entendu parler. Ouais en même temps, je ne connaissais pas grand monde et hormis ma petite personne, qui avait de l'importance ici? Je sens que vous voulez le dire pour moi, mais c'pas un spectacle vivant, je ne peux me permettre de faire participer le public. Donc, la réponse est belle et bien: personne. Enfin il avait dit le mot magique: larbin. Il acceptait donc d'être mon larbin et de porter la banderole? Parfait! Que demander de plus? Ni une ni deux, je l'arrachais des mains de l'autre pour les fourrer dans les mains de ce Graypath. Je lui fis alors un sourire.

"Parfait. Donc tu vas déjà porter ça et on va attendre la réponse de mon acolyte à coté pour avoir son avis. Mais tu seras parfait comme larbin, je n'en doute pas."

L'autre prit enfin la parole, Calvin qu'il s'appelait. Un peu étrange comme prénom mais pourquoi pas. Je n'allais pas jouer mon raciste alors qu'il est déjà timide et un peu gêné. Il acceptait de mettre la banderole sur le toit mais sous condition. Il voulait éviter de foutre le bordel. Un mec censé, on peut lui reconnaitre ça. Reste que l'idée d'aller demander gentiment si on pouvait l'installer pour la photo puis l'enlever... J'avais un doute que le roi ou un de ses sous-fifres acceptent. Mais pourquoi pas. De toute façon, on avait rien de mieux à faire. Au pire, on avait Raphaël le larbin qui pourrait s'avérer utile en plein combat, espérons le en tout cas. Haussant les épaules, je me dirigeais lentement vers la porte du château. Comment pourrait-on réussir à les convaincre?

"J'ai un doute sur le fait qu'ils acceptent, mais d'accord."

J'arrivais devant la porte, je me raclais la gorge avant de frapper en espérant qu'on m'ouvre. Après plusieurs secondes de silence, je tapais de nouveau. Un chien en armure vint alors m'ouvrir pour me regard de ses yeux larmoyants. Le coup des yeux du chien battu! Le coup en traitre!! J'eus envie de hurler car il venait de me déstabiliser et que j'en avais perdu mes mots. Prenant une longue inspiration tout en sautillant un peu sur place, un réflexe nerveux, je cogitais en quatrième vitesse.

"Bonjour monsieur le chevalier. Veuillez m'excuser pour mon arrogance en venant vous perturber mais voilà. Mon ami ici présent voudrait voir votre roi pour lui soumettre une proposition. L'idée étant simple: nous ne voulons pas que la manifestation déborde, j'imagine que vous aussi. Donc, nous avons peut-être un compromis..."

La réponse ne se fit pas attendre: le chien en armure me claqua la porte au nez sans même me dire quoique ce soit. De frustration, je collais un uppercut dans la porte, m'éclatant presque les phalanges, je me retrouvais à jurer à cause de la douleur. Me retournant vers les deux autres: Calvin et Raphaël pour leur soumettre ma nouvelle idée. Et celle-ci était très simple: faire bruler ce château ou au moins ce clébard juste pour laver mon amour propre. Je me voyais lui arracher ses oreilles puis tirer sur ses babines jusqu'à les décoller de son museau. Alors que j'allais prendre la parole, une fois encore. La porte s'ouvrit de nouveau et le chien se planta devant en me fixant de son regard mélancolique. Putain de de Saint Bernard! J'étais sur le point de lui sauter dessus en braillant mais il leva la main pour me dire de me calmer.

"Notre roi veut bien vous accorder deux minutes."

Reprenant contenance, je fis un sourire agréable en cherchant à ne pas l'insulter. Puis, avec la plus grande dignité dont je pouvais faire preuve, j'avançais d'un pas conquérant pour entrer dans ce château. Un truc me traversa l'esprit: un jour, moi aussi j'aurai un château. Ben ouais, pourquoi pas? On peut rêver non? On est à Dreamland après tout!

"Larbin? J'ai dit larron espèce d'enflure!" Décidément, personne n'écoutait ce que Raphaël disait, et quand on prêtait une oreille, même distraite à ses dires, on déformait ce qu'il disait. Donc il se retrouva avec la banderole sur l'épaule comme un sac a patate, qui au final ne pesait pas si lourd. Ils marchèrent à travers la foule, les badauds s'écartant facilement, peut-être à cause de l'arme que trimbalait Raphaël avec lui. Enfin bon, ils arrivèrent devant le palais et Régis demanda une audience avec le Roi pour afficher l'affiche, comme l'avait proposé Calvin. Vu comme ça, était tout de suite plus acceptable. Si le seigneur acceptait, cette aura de défiance entre les créatures et les voyageurs se dissiperait peut-être. Restait à espérer que le roi n'était pas un mauvais bougre.

"Bon, à toi le second larbin de porter la banderole."

Raphaël souleva la banderole et la chargea sur le dos du roux. Chacun son tour, ils étaient trois dans cette galère, l'autre devait porter un peu. Il avait l'air plus frêle que lui, restait à espérer qu'il ne s'écroule pas sous le poids du tissu s'il n'était pas habitué aux efforts physiques. Le borgne se frotta les mains et suivit d'un pas égal le garde, différent du portier de tout à l'heure, qui les menait vers la salle d'audience.

"-Excusez moi, vous pensez quoi de cette manifestation?

-Bah moi, j'en sais trop rien, c'est une bonne cause, mais on fait rien au voyageur, faudrait peut-être que vous pensiez à faire ça autre part.

-Oh, vous savez, je me suis retrouvé pris là dedans sans vraiment trop savoir comment. J'accompagne juste les deux autres pour pas que ça dégénère, j'ai pas envie que ça finisse en émeute, déjà que certaines créatures des rêves peuvent pas encadrer les voyageurs, mieux vaut ne pas mettre de l'huile sur le feu."

Le garde aux allures de labrador acquiesça comme si c'était son avis à lui aussi, et Raphaël s'en félicita: si le seigneur était aussi censé que ses sujets, tout se passerait bien. Ils arrivèrent enfin dans la salle dans laquelle le roi les attendait. Il fit signe à Calvin de prendre la parole en premier, il semblait pétri de bonne volonté et ne parlait pas trop mal. Et je pense avoir oublié de mentionner qu'il avait laissé son épée à l'entrée du palais pour ne pas avoir l'air d'être un négociant musclé.