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Des vacances pas méritées

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MessageSujet: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyMar 25 Oct 2011 - 22:34
« Arrête de fumer ; prends du coca-cola. »

Cette phrase résonnait encore dans mon oreille sans jamais y perdre son écho. A chaque fois qu’elle rebondissait dans mon esprit comme une bille de flipper sadique balancée par un joueur déchaîné, mes cernes s’agrandissaient d’un ou deux millimètres. J’étais dans un amphithéâtre. Pour la rentrée, j’étais dans un amphithéâtre. Et pas que la rentrée.

« Arrête de fumer ; prends du coca-cola. »

Ce quasi-spot de pub me bouffait mes réflexions comme une sangsue gloutonne. Ça avait été la rentrée, y avait deux mois environ. Une journée de merde en perspective que je n’appréhendais plus que d’un grognement désabusé. Cette sortie de la vacuité tranquille de mes vacances m’avait poussé à me remettre à fumer. Un acte que je désapprouvais d’habitude… J’avais fumé il y avait bien longtemps, mais j’avais réussi à arrêter par un exploit de la nature. Pendant un an, je n’avais pas touché à un briquet et j’en avais éprouvé une sorte de fierté. Maintenant, il semblait qu’il allat falloir réitérer l’exploit. Les cigarettes étaient un gouffre financier, je ne pouvais pas me permettre d’en fumer autant par jour et de continuer à avoir un « business plan » crédible. De plus, mon appart retenait le froid et les odeurs sans aucun problème. Je tentais de fumer à l’extérieur mais ça devenait de plus en plus difficile. Chaque soir, je m’en grillais une ou deux, transformant mon appart en bar cubain. Même l’eau que crachait ma douche devenait poisseuse sur ma peau, que ma serviette imbibée jusqu’à plus soif ne parvenait pas à effacer. J’avais ainsi plusieurs raisons d’arrêter. Il ne me manquait plus que le moyen.

« Arrête de fumer ; prends du coca-cola. »

J’avais écumé les sites Internet pour me donner des conseils mais la seule chose dont ils étaient capables était de déléguer vers des numéros payants et des consultations (encore plus payantes). Ma force mentale ne serait pas suffisante à arrêter seul : mon cerveau était bien grillé, les cours étaient de plus en plus chiants... La Force n’était pas avec moi, pour faire simple. Dreamland ne faisait rien pour m’aider : à chaque fois que j’entrais dans le monde onirique, il me donnait un paquet de cigarettes dans les poches de mon pantalon. J’avais quand même un petit sourire nostalgique : j’avais fumé lors de mes premières nuits à Dreamland. La surprise, la découverte de cet exutoire sensationnel avait été une des forces dominantes pour me faire arrêter. Maintenant, je ne pouvais plus compter sur ce monde. Je devrais moi-même arrêter de fumer, évitant de me faire tenter le jour autant que la nuit. Je savais que j’étais parfaitement in-ca-pable de fumer sur Dreamland en ne fumant pas la journée. Et après dix jours de recherche, c’était un de mes potes bi-curieux qui m’avaient répondu cette phrase qui sonnait comme un jingle et qui me plongeait dans un état dangereux :

« Arrête de fumer ; prends du coca-cola. »

Depuis, je m’étais interdit de fumer. Et j’avais acheté un stock de coca-cola conséquent. Depuis, j’avais toutes les peines à arrêter mais j’y arrivais. Je n’avais pas fumé une clope depuis vingt-huit jours, et dès qu’une envie me prenait, je débouchais une bouteille pour prendre quelques gorgées de coca-cola. Et étrangement, j’avais envie de fumer seulement quand mes sentiments les plus enfouis refluaient à la surface. J’étais énervé, plop, une bouteille de coca-cola. J’avais envie de pisser, plop, une bouteille de coca-cola. Je me faisais chier en cours, plop, une bouteille de coca-cola. On m’appelait MacEd maintenant mais tant que je parvenais à mon objectif, je parvenais à ne pas trop prendre ce qu’il disait avec sérieux. Ça me revenait aussi cher, niveau prix mais c’était pour la bonne cause. J’étais devenu une publicité vivante et je pourrais facilement demander rémunération à la marque.

Les puristes du régime pourraient me pointer du doigt, et Mr. Moore pourrait amener toutes les caméras qu’’il voudrait, je savais pertinemment que cet excès de boisson gazeuse n’allait pas me faire gagner un pet de grammes. J’étais du genre à avoir un organisme qui pouvait éliminer toutes les insanités qu’on pouvait lui envoyer (je fis un étrange parallèle entre mon corps et le gouvernement). Donc le remède n’était pas pire que le mal. En tout cas, j’étais devenu comique, contre moi. Et si je n’avais pas la cible de toutes ses moqueries, je pariais que je me serais bien marré devant ce type qui ouvrait d’une main tremblante un coca-cola avec les dents serrés et les yeux exorbités. Le trop-plein de sucre me faisait quand même somnoler perpétuellement, mais ça atténuait un peu l’ardeur de ma psychose. J’avais parlé à ma sœur de cet état de fait. Elle avait été contre, évidemment. J’avais rétabli la balance en rajoutant que boire du coca-cola m’empêchait de boire de l’alcool. Elle se tut. J’avais abusé d’un mal pour en contrer deux autres, voilà son point de vue. Elle exigea de moi que je fasse le plus de sport, comme du footing deux fois par semaine. Je lui avais ri au nez avant de raccrocher. Et d’ouvrir une bouteille de coca-cola.

J’étais donc dans cet amphithéâtre, le sac posé sur le sol et à moitié ouvert, histoire que si l’envie de fumer me prenne, je puisse de suite ôter le bouchon pour boire de tout mon saoul. Il fallait avouer que cette méthode avait des effets bizarres. Mon envie de fumer n’était pas aussi distincte qu’avant, comme si elle s’était finalement noyée dans un abcès de coca. Je me demandais si on pouvait devenir accro à la boisson, et on m’avait certifié oui. Je commençais finalement par avoir des doutes sur cette méthode, doute qui ironiquement me donna sacrément envie de prendre quelques gorgées de plus. A chaque fois que je pensais « cigarettes », je buvais. Mais à chaque fois. Quand j’avais envie de fumer, quand un copain fumait, ou quand je passais devant un tabac. J’avais les mains poisseuses à la fin de la journée, mais je réussissais à me dire que c’était « pour la bonne cause ». J’étais tellement patraque que j’allais plusieurs fois au Royaume de la Sucrerie pour me baigner dans les rivières de cola. De plus, il me semblait avoir versé du coca-cola dans la gamelle de mon chat. Réalité ou hallucination ? Aucune idée.

Le cours fut ponctué de gorgées sucrées, et j’avais eu beaucoup de mal à le suivre, n’attendant qu’une chose : qu’une pulsion inconsciente donne raison à mon impatience qui se saisirait aussitôt d’une bouteille. Je ne savais pas si j’étais pathétique, mais quelqu’un qui arrêtait de fumer de manière brutale ne devait pas l’être moins que moi. On se raccrochait à toutes les façons possibles et inimaginables. J’étais en pleine bataille, et il fallait bientôt que j’arrête de boire. Sinon, je tomberais de Charybde en Sylla. Je sortis du cours assez nauséeux, des cernes sous les poches tandis que résonnait encore cette foutue phrase, symbole de ma décrépitude et de ma motivation en même temps. Je ne savais pas si je devais remercier mon pote ou le frapper. Je verrais ça au mois prochain quand je ne pourrais plus tenir debout à cause de cette manie qui partait de bonnes intentions. Je me mis soudainement à penser que je devrais le matraquer à coups de bouteille de coca. Mon esprit fit une amorce facile et s’empara d’une des trois bouteilles qu’il y avait dans mon sac pour la vider entièrement.

Le soir, je me fis à manger assez difficilement (comprenez, les nouvelles boîtes de pizza sont de plus en plus difficiles à ouvrir sans paire de ciseaux). Je remplis mon verre de coca-cola, tandis que mon chat me regarda en miaulant. Il voulait quoi, du coca aussi ? Je lui en avais filé ou pas ? Est-ce que ça avait été une putain d’hallucination ou une putain de réalité ? Pour calmer mon questionnement intérieur, je vidai d’une traite mon verre avant de le remplir une nouvelle fois. On allait partir du principe que non, jamais je n’aurais osé sacrifier une bouteille pour cet enfoiré. Et j’aurais moins de mal à mentir à ma sœur si elle me demandait si je traitais bien ce gras de Bourritos. Je reniflai avant d’avaler ma pizza en entière. Je terminai le repas dix minutes plus tard, et m’installai confortablement devant mon ordinateur pour travailler. Je n’avais eu aucun article à rédiger ces derniers temps (ce qui n’était pas un problème pour le moment vu que j’avais amassé des économies en été). Cependant, il fallait vite que je trouve un autre emploi à faire à-côté, ou bien gueuler auprès de la rédaction qui m’avait promis « un travail régulier et d’autant mieux rémunéré ». Mon cul, ouais ! Oulà, un point d’exclamation…. Il était temps de calmer mes ardeurs avec quelques gorgées de coca. Je m’endormis finalement assez tôt, une bouteille de coca-cola posée sur la table de chevet comme une invitation au somnambulisme. Je lui fis un doigt d’honneur (je ne savais pas pourquoi d’ailleurs ; je m’excusais en la vidant de moitié). En tout cas, aucune gastro ne pouvait passer avec ma barrière naturelle de coca-cola. J’aurais dû tenter d’arrêter de fumer lors des saisons plus froides, quand les grippes frappaient à toutes les portes. Ce fut ma dernière pensée. Et ma dernière gorgée.

__

Changement de décor intégral, kaléidoscope de pensées et de fourmillement qui m’amenèrent dans la terre sainte du very bad trip, Dreamland. Une nouvelle nuit pour établir mes trois E :
Endroit : C’était la première fois que j’arrivais dans un endroit aussi… serein. Aussi naturel. Aussi jouissif. Une île tropicale. Une longue bande de sable blanc délimitée par une eau turquoise d’un côté, ainsi que d’une jungle tropicale de l’autre. Les vagues semblaient un peu moins dangereuses que celles qu’on pouvait trouver à Hossegor, mais elles restaient désespérément belles, comme une poésie que la mer raconterait sans se lasser. Le Soleil était haut dans un ciel sans nuages (il portait d’ailleurs des lunettes de soleil, un gag que je ne comprenais pas tant que je ne prenais la dimension littérale de l’expression). Il n’y avait pas de vent, mais les cocotiers (sans noix de coco d’ailleurs) se balançaient tranquillement comme des vieux sur leur siège à bascule. Il faisait chaud, il faisait beau. Je ne compris pas comment j’avais pu atterrir ici, même si je me disais que seuls ceux qui désiraient des vacances ou qui en avaient besoin pouvaient venir ici. Il n’y avait plus qu’à profiter de cette nuit pour relaxer mon esprit. Je me demandais s’il y avait un SPA pas loin, ce qui était tout à fait possible.
Egos : Il y avait quelques personnes, mais pas assez pour dire que la plage était bondée. Ils vagabondaient éparses, parfois en groupe, parfois en couple, parfois seuls. D’ailleurs, je n’avais aucune tête connue. Pas de Jacob, pas de Shana, pas de personnes avec qui je pourrais parler. Je m’étais déjà demandé si Fino avait déjà connu des températures bouillantes, ce à quoi il m’avait répondu qu’il y avait bien une chose qu’il détestait plus que moi, c’était les grains de sable. Tant mieux, sa présence ne risquerait pas de me gâcher la nuit. Je voyais un groupe de touristes près d’un cocotier en train de l’ausculter, je voyais des surfeurs sur les hautes vagues ainsi que quelques baigneurs qui jouaient dans les vagues, se laissant porter (quoique le terme exact serait plutôt « écrasé ») sur le sable dans de grands éclats de rire. Tous les cinquante mètres, il y avait des crocodiles dans des 4X4 ou des tours en ferraille rouillée qui surveillaient les noyades et autres incidents.
Effets : Mes tenues avaient disparu pour ne pas me faire suffoquer. A la place, j’avais des tongs militaires qui épousaient le sable avec douceur, un maillot de bain à fleurs bleu (le classique) retenu par une ficelle blanche dans un nœud savamment étudié. Par contre, je ne portais pas de haut laissant ma faible stature (j’avais les abdominaux timides comme on disait) ainsi que quelques poils lécher mon torse dans une caricature d’enfant qui aurait grandi trop vite. Je me consolais en me disant de un, que j’avais les muscles secs (excuse pathétique), et de deux, que sur Dreamland, je pouvais défoncer du gros lard à coups de poing de toutes façons. Pour terminer, je portais un pendentif en forme de lunettes de soleil en argent, luisant à la lumière dans un éclat étincelant. Et pour terminer le tout, je disposais de mes lunettes de soleil habituelles, grosses et rondes, exactement comme les kékés des villes que je dénigrais. Et évidemment, il y avait mon panneau de signalisation attaché dans le dos avec deux sangles en cuir marron. Il représentait un risque pour les voitures de plonger dans les quais. Ça ne me surprenait même pas. Et pour faire dans l’originalité, il y avait accroché à lui, un peu en-dessous de l’emplacement des panonceaux, un fanion jaune qui indiquait le niveau de danger de la mer.

Pour commencer, je virai le panneau pour le mettre sur mes mains. J’avais déjà testé le panneau brûlant du soleil en plein dans le dos et c’était douloureux. C’était comme se déplacer avec un fer à repasser géant allumé. Une torture physique insoutenable. A la main, c’était déjà mieux mais il fallait que je me dépêche de le poser quelque part. Je m’approchais un peu de la plage surveillée, d’où quelques stands se tenaient. Je m’approchais d’eux, j’avais toute la nuit devant moi. Puis ensuite, j’irais me baigner dans l’eau. La température était une invitation (ou une menace) à aller piquer une tête et il était impossible de résister à l’attrait de se baigner. Je me mis à longer les stands. Certains proposaient comme on pouvait s’y attendre, de la nourriture. Vous préfériez des crêpes, des gaufres ou tout simplement des glaces ? Ces dernières avaient une tête bizarre. Quelques-unes avaient la tête de certains Voyageurs célèbres et offraient différents effets aux gens selon le Voyageur léché, en plus de glacer le corps. Je voyais des glaces au coca-cola à la tête du tristement dévastateur Major McKanth qui donnait un trop-plein d’adrénaline (souvent agressif) à tous ceux qui le prenaient. Il y avait aussi la tête de ce connard de Jacob qui permettait d’étouffer tout bruit aux alentours tant qu’on n’avait pas terminé la glace (parfum myrtille). Je cherchais désespérément une glace à mon effigie mais le vendeur m’assura qu’une glace à l’effigie de ce crétin de Free ferait baisser ses ventes. Il m’offrit une glace gratuite avec un sourire trop faux pour être vrai quand il me reconnut avec l’aide de mon panneau de signalisation. Je le remerciais en me tirant d’ici. Enfoiré de mercantile. Je supposais la glace. Effigie de Jacob, évidemment. Je la donnais au premier petit venu. La honte que j’éprouverais à la consommer serait double : je ne voulais aucunement toucher à tout produit dérivé du beau ténébreux, et je n’avais pas envie de me réveiller en me disant que j’avais sucé Jacob.

Les autres commerçants ne proposaient pas moins de bizarreries. Je compris que le thème des vacances était l’occasion d’un marché touristique très porté sur le fan-service. Beaucoup de Voyageurs célèbres étaient développés dans certains formats (qui voulait acheter un set de café avec la tronche de Lou ? Franchement…). Il y avait même un CD des Keys to the Radio (je savais pas qu’ils avaient accouché d’un album ; d’ailleurs, peut-être que eux non plus). Jacob était toujours à l’affiche, mais je n’avais rien d’autre pour moi. C’était un peu triste mine de rien. Je voyais sinon des posters de Voyageuses célèbres en maillot de bain, comme Lithium et Shana. Je préférais regarder ailleurs. J’avais la sordide impression que leurs formes avaient été… développées. Dans le trop bon sens du terme. Je trouvais soudainement un stock conséquence serviettes avec une vieille femme joufflue tenir le stand. Ça, c’était déjà plus intéressant. Je m’approchais d’elle et posai mon panneau de signalisation sur le sable. Elle me regarda de gros yeux globuleux, attendant que je me prononce. Je commençai :


« Ça serait pour une serviette.
_ Tiens donc… Vous êtes un Rêveur ou… ?
_ Un Voyageur, effectivement.
_ Quel nom ?
_ Free. Ed Free.
_ Patientez quelques microsecondes je vous prie. »


Elle s’en alla pour entrer dans une cabane. Hey, peut-être que j’aurais une serviette qui me représenterait ? Ça serait génial, d’être dérivé en produits ! Je l’attendis pendant trente secondes avant qu’elle ne revienne avec une serviette pliée en huit sous le bras, de couleur bleu clair électrique. J’espérais par-dessous tout que ce n’était pas une serviette Jacob. Sinon, j’allais la brûler devant sa propriétaire en ricanant comme un débile. Elle me le donna, disant que c’était gratuit, un simple service pour fidéliser le commerce. Et qu’ils récupéreraient la serviette dès que je me serais réveillé. J’approuvais d’un hochement de tête avant de partir, la serviette sous le bras et le panneau de signalisation dans l’autre. Dès que je fus assez loin, je dépliai la serviette. J’émis une grimace. C’était un portrait agrandi de mon phoque détesté en train de beugler. Me nettoyer avec Fino, super… Je me demandais si je devais lui dire qu’il avait servi à sécher mes cheveux pour le faire chier, ou bien si ça glorifierait son petit égo de merde. Je verrais bien selon le feeling qu’on aurait. J’espérais que la serviette n’allait pas se mettre à beugler des insultes quand j’allais l’utiliser.

Je me cherchais finalement un petit coin de sable où me poser, pas très loin de l’océan et pas très proche des autres gens. Je posai délicatement ma serviette sur le sable et laissai à-côté mon panneau de signalisation, enfoncé dans le sable. J’avais une meilleure vision sur le Fino de la serviette, qui semblait me regarder avec des yeux furieux, comme si me baigner dans de l’eau était un crime en soi. N’empêche, j’adorais déjà cet endroit. Il faudrait que j’aille inviter toute la troupe du Royaume des Deux Déesses, y aurait de quoi s’amuser tranquillement. Je voyais toutes les activités qu’on faisait sur la plage d’habitude, à la sauce Dreamland. Le beach-volley était normal (contrairement aux participants), mais je regardais d’un drôle d’œil un pédalo qui allait à cent kilomètres heure, à moitié dans les airs à cause des vagues. D’autres gens bronzaient ou étaient allongés sur leur serviette (la différence ? Le parasol que les seconds avaient au-dessus d’eux). Je n’étais pas dans la partie nudiste il semblerait. Pour mes futures investigations, il faudrait que j’aille me renseigner en profondeur. Il y avait évidemment du surf, mais loin de l’endroit où se baignaient les gens (et là-bas, il semblait que les vagues étaient bien plus grosses). Je n’avais pas de parasol mais je m’en passerais volontiers. Je n’en avais pas vraiment besoin et si quelqu’un me faisait chier, je n’aurais qu’à lui planter mon panneau dans la narine.

C’était bien comme terrain de jeu. J’oubliais tous mes soucis (je n’avais pas pensé une seule fois à du coca-cola ou à la clope). Il y avait des Royaumes distrayants comme Circus Attraction. Mais il fallait avouer que les attractions, c’était pas trop mon truc. Ainsi que les marmots. J’avais envie de leur torcher la gueule à chaque fois que j’en voyais un gémir. J’étais enfin serein, debout sur la plage, près de ma serviette, de mon panneau. Tant que la nuit pouvait continuer sur le même ton…

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Lithium Elfensen
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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyMer 26 Oct 2011 - 18:45
Des vacances inattendues.





« Let this groove, get you to move, it's alright, alright, aaaalright !
Let this groove, set in your shoes, stand up, al.. »

Un grognement étouffé, suivi de près par le bruit que fit le réveil en atterrissant sur le sol, vint stopper net la musique. Comme pour le serpent se jetant sur sa proie, un bras s'était libéré de sa torpeur, et, aussi rapide qu'un prédateur, avait envoyé valser l'horloge moderne à l'autre bout de la pièce. Si l'alarme totalement disco et groovy des Earth, Wind and Fire l'avait réveillée, la jeune fille n'en était pas pourtant décidée à quitter le dessous de sa couette. Emmitouflée dans son drap tel une chrysalide dans son cocon de métamorphose, le coussin dans lequel elle avait plongé son visage rajoutait un point à cette image d'insecte. Il semblait que Lithium refusait catégoriquement la triste réalité qu'était la vie. Aujourd'hui, c'était mardi. Et qui dit mardi, dit Expression Plastique et Histoire de l'Art. Le seul fait d'y penser arracha un nouveau grommellement de Tyrannosaure à la dormeuse qui, visiblement, ne souhaitait pour rien au monde, assister à ces cours.

En effet, depuis peu, Lithium était étudiante dans une école supérieure d'Arts appliqués.
Quelques mois auparavant, elle avait réussi à obtenir son Baccalauréat Littéraire, le tout doté d'une surprenante mention. Concrètement, elle ne savait pas si elle aurait dû simplement être étonnée de l'avoir eu, ou tout bonnement, être perplexe vis-à-vis de l'annonce de cette soi-disant mention inattendue. Toute l'année, elle n'avait fait que bosser sans relâche, mais jamais ses résultats ne parvenaient à atteindre la moyenne visée. Étrangement, ce ne fut qu'à l'examen final, le plus important, qu'elle avait fini par briller. Un miracle s'autorisait-elle presque à dire. Mais qu'importe. Le plus important dans toute cette histoire, c'était le fait qu'elle était diplômée, et qu'à présent, elle approchait doucement de son rêve artistique.
Si le mardi était à ses yeux la pire des journées, c'était notamment à propos de ce qu'ils faisaient actuellement dans les deux matières qu'elle avait cité. Elle avait beau commencer à 13h ce jour-ci, elle ne pouvait s'empêcher de se plaindre. Cela était intéressant, il n'y avait rien à dire sur ce point-là mais.. L'ennui était que, 3h d'affilée à faire des triangles composés de formes organiques, et des carrés essentiellement construits de formes géométriques à l'intérieur, à la longue, c'était usant. Surtout que le lendemain, elle enchainait avec 4h de la même matière. Cependant, fort heureusement, ils approchaient de la fin de cet exercice laborieux. Elle ne pouvait en supporter davantage.

Toutefois, le pire restait l'Histoire de l'Art.
Sa professeure était une fanatique de l'Art Contemporain.
Et Lithium ne partageait absolument pas cette passion infondée.
Et le problème quand elle n'est pas d'accord, c'est que tout le monde le sait.
Tout ce voyait sur son visage. Dès que son ainée s'extasiait devant une "toile" de Soulages, la jeune fille, quant à elle, esquissait une grimace de dégoût. Non mais que voulez-vous voir sur un tableau entièrement noir, sérieusement ?! Et il en a fait des tonnes le bougre en plus ! Et il est payé cher pour pondre des trucs pareils, inutiles et sans intérêt quelconque. Si elle pouvait concevoir que Kandinsky, avec ses peintures étranges, pouvait être considéré, certains ne méritaient même pas que l'on s'y attarde. Mais à chacun son goût comme le disait Voltaire, si elle s'en souvenait bien. Néanmoins, cela n'était rien comparé à ce qu'elle leur avait montré la semaine dernière.
Ils avaient pu ainsi assister à un immonde kaléidoscope, où des malades s'intitulant artistes, défilaient avec leurs œuvres sous leurs yeux horrifiés. Ils purent donc se sentir nauséeux face à Michel Journiac et sa "Messe pour un corps", où, accompagné de fidèles, tous dégustaient un boudin fait avec son propre sang. Autrement dit, une secte quoi. Mais transformé en Happening. Les "Lips of Thomas", une étoile de David faite à l'aide d'une lame de rasoir sur son bas-ventre, de Marina Abramovic étaient pas mal dans leur genre non plus. Même si son "Imponderabilia" était nettement plus perturbant. Se faufiler entre deux personnes nues pour passer de l'autre côté, très peu pour elle. L'exposition de corps éventrés dans une morgue de Serrano était carrément du domaine du morbide, de même pour Gunther von Hagens. Ce dernier, un anatomiste spécialisé dans la conservation et la plastination des corps, se procurait en fait des cadavres d'êtres humains, suspectés d'être essentiellement asiatiques, les plastifiaient pour les maintenir en un parfait état de créature empaillée, et les exposait aux yeux de tous.
Le plus ignoble de tout cela, c'était que la plupart des visiteurs n'étaient point au courant de la nature de la sculpture. A cet instant précis, la classe approchait de la soudaine envie de vomir, envie qui est presque devenue une réalité quand tous virent un certain Zhu-Yu manger avidement le fœtus d'un bébé. Cette acte monstrueux et inhumain avait été sobrement intitulé "Dinner-Eating-Human". Autrement dit, elle n'avait pas franchement hâte d'y retourner.

La remémoration de ce cours ramenant instantanément les sensations du moment.
Ainsi, prise de violentes nausées, elle se jeta hors de son lit et courut vers la salle de bain.
Sans attendre, elle ouvrit d'un coup sec le robinet, et se fouetta le visage de ses mains remplies d'eau fraîche.
Une fois rafraîchit, elle se dirigea mollement en direction de la cuisine, vide, comme à son habitude ces derniers temps.
Il fallait l'avouer, sa mère était de moins en moins présente. L'on pourrait presque dire qu'à présent, Lithium était l'heureuse propriétaire d'une jolie maisonnée. Il n'en était rien. Le travail de sa génitrice avait soudainement porté ses fruits, et en conséquence, elle ne cessait de voyager, laissant à l'abandon derrière elle, sa grande fille. Non pas qu'elle n'était pas ravie pour sa maman, bien au contraire, cela l'emplissait de joie, mais elle aurait apprécié de l'avoir à ses côtés plus souvent. Au grand maximum, elle l'a voyait 1 semaine et demi par mois. Et encore, c'était vite dit. Elle déprimait presque. Bien que Kiara, sa chienne, l'accueillait chaleureusement constamment, cela ne suffisait pas à raviver son enthousiasme habituel. D'ailleurs, le canapé, la télévision, l'ordinateur et la console étaient ses meilleurs amis actuellement. Sans oublier le frigo, bien entendu.

Il n'était que 11h30 quand elle eut fini de manger.
Mais le trajet jusqu'à l'école était tel qu'il valait mieux pour elle de partir à l'instant même.
Ayant déjà préparé son sac la veille, elle eut un acte en moins à accomplir. La demoiselle revint donc vers la salle de bain, et débuta le soi-disant rituel du matin. Vêtements pris au hasard, enfilés à l'envers, les remettre à l'endroit, brossage de dents, câlin à Kiara, chasse à la clef et dehors.

1h15 fut nécessaire pour arriver à destination.
C'est un carnet à dessin sous le bras, des écouteurs dans les oreilles et un cappuccino à la main qu'elle entra en cours. Ses camarades s'étonnèrent de la prise de cette boisson à une heure pareille, mais voyant son état végétatif et asocial, préférèrent la laisser tranquille. Sans piper mot, elle se mit sans tarder au boulot. Elle s'égratigna plusieurs fois par mégarde avec le cutter, se coloria distraitement les doigts avec le Posca noir, et faillit renverser le café sur son exercice. Le cours ne fut pour elle, qu'un long ramassis de bouts de papier découpés. Le reste, elle ne s'en souvenait déjà plus. Les images d'œuvres approximatives, et autre choses morbides qu'ils virent en Histoire de l'Art, ne suffirent pas à la tirer de sa léthargie. Son esprit était ailleurs, présente sans vraiment l'être. Elle rêvait éveillée.

Vers 20h, elle rentra chez elle.
Son objectif premier fut immédiatement le canapé.
Voilà qu'elle était de nouveau couchée, là, à regarder la télé.
A force, cela en devenait franchement pathétique et pitoyable.
Ne sachant quoi regardait, elle se souvint qu'une chaîne repassait Babylon AD.
Aussi loin que sa mémoire lui permettait de fouiller, elle se souvint que c'était un film avec Vin Diesel.
Concrètement, elle n'avait rien compris à ce scénario. Et encore moins la fin de celui-ci. Tout ce qu'elle avait saisi, c'était le fait que ce n'était qu'un condensé d'explosions constantes, de Diesel, d'une fille vierge enceinte de jumeaux, de Lambert en fauteuil qui se la jouait Xavier et ressuscitait les morts, et de la dame qui incarnait la Raison dans la pub d'Allianz. Un film vachement tiré par les cheveux. Incompréhensible. Si elle se l'infligeait de nouveau, c'était pour le comprendre. Et son bol d'olives vertes entre les mains, c'était surtout pour grignoter.

Néanmoins, rien de tout cela ne put se produire.
Ce fut une occasion qu'elle ne put concevoir, vu qu'elle s'endormit dès l'instant où le film commença.
Cette journée harassante, suivi de cette sorte de dépression affective, l'avait profondément exténuée.
Lentement, le pot d'olives glissa de ses doigts et s'étala sur le sol, à la grande joie de Kiara d'ailleurs, qui ne manqua point cette opportunité de grappiller de la nourriture. Franchement, y'avait plus classe comme assoupissement.


___________


Le réveil fut.. chaud.
Et sableux aussi tiens.
Elle se retourna plusieurs fois.
Ce climat n'était pas celui de sa chambre.
Rêvait-elle ? Que se passait-il autour d'elle ?
Une réponse pour le moins claire vint rapidement répondre à sa question.
Soudainement, une violente douleur l'élança dans son pouce de pied gauche.
Surprise, elle se réveilla instantanément et ouvrit les yeux.



"BORDEL DE M.. !", injuria t-elle.


Un crabe.
Étonnée, elle le vira promptement.
Qu'est-ce que cette sale bête de crabe faisait dans sa chambre ?
Puis, elle vit ses jambes nues, et son cœur paniqua un court instant.
Mais qu'avait-elle fait hier soir déjà ? Rien de bien indécent à ce qu'elle sache.
Aussi loin qu'elle s'en souvenait, elle n'avait aucunement dormi à poil hier soir.
Méfiante, elle regarda autour d'elle avec appréhension.

Du sable clair et fin.
Des cocotiers fournis.
Des payottes exotiques.
Des gens en maillot de bain.
Ah, il est plutôt pas mal celui là tiens.
Bref, ce n'était pas sa chambre quoi.

Prudemment, elle se leva sur ses jambes.
Puis, glissa ses doigts de pieds souples dans le sable chaud.
Un sourire niais s'afficha sur son visage, et un rire nerveux suivit.
Pour la première depuis qu'elle voyageait à Dreamland, elle ressentit une certitude qu'elle n'avait jamais eue auparavant. La conviction profonde d'être en parfaite sécurité en ces lieux. Un doux sentiment de quiétude et de sérénité flottait dans l'atmosphère, le tout saupoudré d'un parfum enivrant de paix. Lithium respira à grandes bouffées l'air tiède qui l'entourait. Ce que c'était bon ! Il y avait bien longtemps qu'elle ne s'était senti aussi bien. Où avait-elle atterri cette fois-ci ? Comment un royaume de la sorte pouvait-il exister dans le monde onirique ? A ce jour, elle n'en avait jamais vu de tel. Tout était si beau, si..

Ses pensées s’arrêtèrent nettes.
Généralement, quand elle se réveillait dans le monde des rêves, elle était toujours habillée de façon dégradante.
Dans une zone pareille, comment allait-elle se retrouver ? Elle s'affola quelque peu. Avec anxiété, elle dirigea lentement son regard en direction de son corps. Ce qu'elle vit l'a plongea dans la perplexité. C'était bel et bien un maillot qu'elle portait. La poisse. Voilà qu'elle était à demi-nue dans un endroit dont elle ne connaissait absolument rien. Bon, elle n'allait pas se plaindre. L'ensemble était manifestement joli. Il était d'une simplicité qui était tout à son honneur. C'était un deux-pièces sommaire, à ficelles, d'un bleu océan proche de la couleur des yeux de la jeune fille. Vu comment il était construit, il ne lui serait point difficile de le rajuster si elle étouffait en ces liens. Toutefois, c'était justement au sujet de ces cordelettes que Lithium ruminait. Il suffirait qu'elle s'accroche à une branche pour qu'il se défasse sans le moindre souci. Ce qui la perturba d'autant plus, c'était le fait qu'elle ne trouvait point son carnet de dessin et encore moins son critérium. Où étaient-ils passés ?
En passant sa main dans les cheveux, elle rencontra un obstacle étranger au niveau de son oreille gauche. Elle s'empara de la chose, et découvrit avec stupeur une fleur d'hibiscus rouge. Elle ne chercha même pas comprendre l'utilité de son existence, et la reposa aussi sec dans ses cheveux. Elle réfléchit un court instant quant à sa destination.



"Sans mes affaires, je suis à nue.
Je veux MON sac."
, grommela t-elle.
"Il doit bien être quelque part dans les environs, non ?"


Ses suppositions s'avèrent justes.
Dès l'instant où elle leva les yeux au ciel, elle vit l'objet de ses désirs.
Celui-ci pendouillait dangereusement aux branches d'un cocotier fatigué.
Tout ses ustensiles s'y trouvaient. Elle devait absolument le récupérer.
La voyageuse ne put retenir d'apostropher cette situation.



"Mais.. C'est du n'importe quoi !
Sérieusement, quelqu'un doit bien se foutre de moi quelque part."

Spoiler:

Elle soupira de dépit, puis se décida finalement à s'approcher de l'arbre.
Sans réfléchir un seul instant à propos de comment elle allait faire descendre son sac, Lithium se colla directement contre le tronc, l'empoigna avec force, puis écarta les jambes pour espacer son poids et.. secoua l'arbuste. Aussi bête qu'elle semblait paraître aux autres plus loin, sa technique marchait. Plus elle l'agitait, plus son bien ballotait en sa direction. Après maints efforts acharnés, sa bandoulière s'écrasa mollement sur le sable brûlant. La jeune fille s'en empara rapidement, vérifia son contenu, et, visiblement fière de son travail, trottina en sifflotant jusqu'à la payotte la plus proche. Non sans récupérer une noix de coco au passage. En y repensant, c'était pas très féminin ce qu'elle venait de faire. Bref, qu'importe !

Lithium s'étonna avec bonheur de découvrir les stands qui s'offraient à elle.
Des marchands de bouées et autres ustensiles de plage, des planches design, et même un marchand de glace !
Si elle pouvait s'amuser sans se soucier de rien, alors autant y aller jusqu'au bout. Elle trottina jusqu'à la cabane, impatiente comme une gamine à laquelle on lui a promit une friandise. Curieuse, elle jeta des coups d'œils frénétiques devant elle, cherchant avec avidité le goût de sa future glace. Tiens.. Depuis quand ça a un visage une glace ? La jeune fille en resta incrédule. C'était qui lui ? Une touffe violette, une tête de dépressif.. Nope, ça donnait pas envie ça. Un peu déçue, la voyageuse se pencha vers le vendeur.



"Excusez-moi, vous n'auriez pas une glace à la menthe ?"



La créature des rêves, une sorte de mélange entre un requin et un poisson clown, avec des jambes de surfeur, se retourna vers elle, l'observa de haut en bas, sourit et s'avança vers elle.


"Tout ce que tu veux ma jolie.
Regarde, j'en ai une bien belle pour toi.
Le justicier, Vlad Siegfrey."



Elle s'étrangla de surprise.


"Pardon ?
C'est une blague ?"



Elle manqua de s'étouffer de rire en voyant le visage de la glace.
Il avait l'air tellement sérieux là-dessus, on voyait même plus sa tête à cause de ses cheveux.
Malgré la stupidité de la chose, elle la prit tout de même. Elle ne pouvait pas manquer une connerie pareille.
Elle s'apprêtait à en demander le prix, quand il l'a stoppa net.



"Gratuit pour les chefs d'œuvres.", affichant ainsi ses rangées de dents impressionnantes.


Pas compris.
Qu'importe, on s'en fout.
Elle le remercia chaleureusement, et trottina de nouveau, sa glace dans la bouche, vers les autres cabanes.
Mais c'est qu'elle était sacrément bonne cette bêtise, s'extasia t-elle, le goût avoisinait nettement plus la pomme que la menthe, mais bon. Elle aurait l'air bien fine de lui dire; "Hé salut ! Tu sais pas quoi ? Hier je t'ai... Ouais non. Elle allait garder ça pour elle hein. A force d'y penser, elle finit par en être écœurée, et à la première poubelle en vue, elle y jeta le reste de sa glace. Non pas que c'était pas bon hein, mais sucer une glace à l'effigie d'une personne en particulier, c'était assez perturbant en soit.
Bref, pour en revenir à sa visite, elle s'émerveillait devant tout les goodies et autres babioles possibles créés pour les touristes. Que ce soit des raquettes avec le même dépressif que tout à l'heure, une casquette avec un militaire qui lui était totalement inconnu dessus, voire même des tongs peinturlurés du visage de cet albinos qu'elle avait rencontré un soir d'Halloween dans un cimetière, tout lui était amusant.

Jusqu'à l'instant où elle finit par se retrouver face à un stand où des posters de voyageurs et voyageuses étaient affichés. L'un d'eux lui arracha un cri d'horreur. C'était elle. En maillot de bain. Jamais elle n'avait posé pour un truc pareil ! A part si.. Sauf si c'était lors de cette fameuse nuit où elle s'était retrouvée à Delirium City pour une énième fois, et qu'elle s'était mise à faire du saute-moutons sur les gardiens des lieux ?
Naaaaan, c'était pas possible. Ils avaient imaginés cette chose. Elle n'avait pas de si gros s.. Oh punaise. Ah ouais, classe. Non sérieusement, ils ont fait du bon boulot sur celui-là. Lithium glissa un rapide coup d'œil à sa poitrine, fière. Pour une fois qu'elle pouvait s'en réjouir. Un sourire s'étirant jusqu'à ses oreilles, elle s'approcha de l'anémone orange à tête de murène.



"Pardonnez-moi, j'aimerais savoir comment vous vous êtes procurés un poster de.. de moi en fait."

"Mais.. Vous êtes Lithium Elfensen ! La numéro 1 de la ligue Baby !", fit la créature, éberluée.

"Euh, peut-être. J'en sais rien. Mais c'est mon prénom en effet.", bafouilla t-elle.

"HEY, FRANCIS ! VIENS VOIR QUI C'EST QU'ON A PAR LA !!"

"Non mais vous n'êtes pas obligés de le crier sur tous les toits non plus.."


Une seconde anémone, zébrée cette fois-ci, vint rejoindre la première.
Visiblement, elle était plus connue qu'elle ne le croyait. Elle n'en demandait pas tant.
Embarrassée par autant de manières à son égard, elle voulut s'enfuir à toutes jambes.
Résultat, elle se retrouva à poser avec les deux groupies pour une photo souvenir qu'ils accrocheraient dans leur salon, puis se vit offrir un mug avec sa propre personne, posant d'une manière fort incitante à l'indécence. C'était quoi cet endroit ? C'était tout bonnement horrible ! Il fallait absolument qu'elle se tire d'ici. Elle accéléra le pas, cherchant désespérément un lieu où être au calme. Voyant un stand de serviettes de plages, elle y courut presque. Personne à l'étalage. Puis, soudainement, une tête toute fripée surgit de nulle part. C'était une vieille dame aux joues fortement rebondies et généreuses. L'on aurait dit un hamster. Un vieux hamster. Très vieux.



"Dites-moi madame, je pourrais vous emprunter une serviette s'il vous plaît ?"

"Vous êtes bien polie mon enfant. Pas comme l'autre crétin de blondinet.", fit-elle d'une voix chevrotante.
"Voyageuse ?", rajouta t-elle.


Crétin de blondinet ?


"Oui, oui."

"Votre nom ?"

"Lithium Elfensen."

"J'ai ce qu'il vous faut."


Elle s'évapora dans le noir de la cabane surplombant son stand.
La jeune fille patienta donc. Tranquillement, elle observa les environs en attendant.
Il y avait vraiment de tout sur cette plage. Des créatures, comme des rêveurs, et surtout des voyageurs.
Certains méritaient vraiment le coup d'œil.. Ce devait être l'un des nombreux avantages de ce royaume. Pouvoir se rincer l'œil en toute impunité. Elle eut un sourire niais et s'accouda sur la table. Une trentaine de secondes passèrent avant que la vieille dame ne revienne, une serviette fortement coloré sous le bras. La curiosité de Lithium fut attisée par cette explosion de couleurs. Une fois l'objet récupéré, elle la remercia d'une brève courbette et s'en alla vers dans le sens inverse. Il lui fallait un endroit au calme, loin de tous ces gens trop bruyants. Tiens ? Lui là au fond avec son.. panneau ? Ouais bon, y'a presque personne vers lui. Autant aller encore plus loin que sa position. Elle s'avança donc doucement, en sifflotant, en direction de la silhouette masculine.
Se rappelant soudainement qu'elle n'avait pas observé le design de sa serviette, elle la prit entre ses deux bras, continuant toujours à avancer, et la déplia. Ce qu'elle vit la fit fulminer de colère. Sur celle-ci, une immense palette de peinture trônait au centre de la serviette, mais une seule couleur s'y trouvait. Le rouge. Le rouge sang. Un pinceau imbibé de cette teinte éclaboussait la quasi-totalité du contour. Si le fond était multicolore, la couleur dominante qui en ressortait était bien la première citée. L'unique chose qu'elle n'arrivait pas à décrypter, était cette étrange forme noire qui s'évaporait dans le fond. L'on aurait dit un homme. Cette silhouette lui était d'ailleurs étrangement familière, mais.. Elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.

Cette vision pour le moins intolérable, la fit exploser de rage.
De colère, elle prit la serviette, la mit en boule et la jeta sur le sol.
Sol qui se trouvait être occupé. Occupé par l'homme au panneau de signalisation. Et la serviette venait de s'écraser sur son visage.
Le pire ne fut pas là. Tout en examinant sa serviette, Lithium avait continué de marcher, ne regardant point devant elle. Et à l'instant précis où elle avait jeté sa serviette sur le jeune homme, ces pieds s'étaient heurtés aux jambes de celui-ci, la faisant trébucher sur l'inconnu en question. Elle s'écrasa donc sur lui sans sommation.
L'humiliation fut totale. Non seulement elle venait de balancer sa serviette dans la face d'une personne, mais en plus, il fallait qu'elle lui tombe dessus. Génial. Tout simplement génial. Elle se relevant douloureusement de sa chute, et s'appliqua immédiatement à ôter l'objet du visage de l'homme blond. Blond ? Non. C'était pas possible. Et bien si. Elle venait de foutre sa serviette dans la gueule d'Ed Free. Le même qu'elle avait rencontré dans un bar quelques jours auparavant. Toujours le même sur lequel elle se trouvait à quatre pattes pour lui enlever la serviette. Et merde. Quitte à y être, autant s'y enfoncer davantage.



"ça fait plaisir de te revoir Ed.
ça va comme tu veux ?"
, un sourire embarrassé, mais néanmoins ravi, sur les lèvres.


On ne pouvait pas faire mieux.
Hormis un tsunami, le maillot qui se détache ou le vaisseau du capitaine Nemo.





.
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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyMar 1 Nov 2011 - 22:56
J’avais le réflexe typique du vacancier qui passait son tout premier jour à la plage : je me consacrai à la lourde tâche de faire en sorte de poser ma serviette la plus rectangulairement possible, éliminant tous les plis avec une méticulosité imbécile et tentant d’enlever chaque grain de sable entre mes deux ongles. Et enfin, malgré un résultat aussi harassant que mitigé, je me couchais sur ma serviette et refis exactement le même travail que précédemment. Quand enfin j’arrivai à quelque chose de potable, mes cheveux se posèrent enfin sur mes mains et je regardais le ciel avec un calme profond. Je portais toujours mes lunettes de soleil, outil indispensable pour le bronzage sur le dos. Les dards du soleil étaient d’autant moins gênants, et je n’étais pas obligé d’adopter une posture étrange avec la nuque tordue, observant un horizon de petites dunes de sable dont quelques grains étaient balayés par le vent et l’attraction de la gravité. Je voyais le ciel si bleu qu’il en devenait irréel, zéro nuage pour écrémer les hauteurs.

Les bruits des adultes, les rires des enfants, tout ça se déforma en une mélodie pas forcément agréable à l’oreille, mais que l’esprit pouvait oublier sans problèmes. J’étais entré dans un état quasiment second, le calme m’envahissait en engourdissant mes sens tandis que mon ventre devenait un four. Je poussai un soupir d’aisance, très long, si profond. Mes soucis venaient de disparaître, anesthésiés par ma posture et le Royaume. Je pouvais vraiment croire, l’espace d’un soir certes mais je n’arrivais pas à m’en inquiéter, que j’étais en vacances. De vraies vacances où tous les soucis du quotidien disparaissaient, allaient voir ailleurs. Je ne parvenais plus à penser à toutes ces mauvaises choses qui m’arrivaient ou m’étaient arrivées, à tous ces instants que je regrettais où qui me blessaient encore de leur souvenir cuisant. Et même si dans un spasme retors, mon mauvais esprit se réveillait pour me rappeler telle ou telle chose, cette telle ou telle chose ne parvenait pas à me faire soucier outre mesure. Pendant cette soirée, je pus oublier les crédits que je devais perpétuellement à différentes personnes, à commencer par ma sœur cadette. C’était fini le chat qui miaulait tout le temps pour obtenir sa pitance, oubliée cette putain d’école de journalisme de merde d’où je ne parvenais ni à accrocher, ni à décrocher. Evanoui tous les combats que j’avais mené sur Dreamland sans prendre mon souffle, évaporé les accès d’angoisse que j’éprouvais encore devant des Voyageurs à la peau plus dure que la mienne. Terminés ces justiciers hypocrites, ce Jacob qui avait le comportement miné dans tous les sens du terme et qui me suçait mes rêves avec la voracité d’un Dracula millénaire puceau. Je ne pensais plus au coca-cola qui écrasait mon budget, à ce tabac qui trouait mes poumons. C’était dingue tout ce qu’une serviette et un peu de soleil pouvaient causer.

J’avais eu besoin de vacances, c’était certain. Je ne m’étais jamais autant senti tranquille depuis des années, malgré les jours de repos que j’avais connu. Déjà parce que mes vacances étaient ponctuées de missions que je devais effectuer par l‘intérim ou bien de nombreux articles qu’on me sollicitait pour colmater les vacances des véritables journalistes. Ensuite parce que mes déboires à Dreamland ne me permettaient pas de chercher du calme lors de mon sommeil. Je ressortais de mes nuits un peu tremblant de l’adrénaline portée à bout échaudée par le réveil. Et il me suffisait d’une nuit sur les plages pour aspirer tous mes soucis, pour les extérioriser de mon être. Pour une nuit seulement peut-être, mais cette nuit allait me revitaliser pour de longues journées à venir. Il faudrait vraiment que je passe dans ce Royaume plus souvent. Je n’avais jamais pensé qu’un tel Royaume existait, certainement parce que je ne voyais en Dreamland qu’une dimension où je pouvais lutter, défier n’importe qui pour lui montrer qui était le plus viril. Un tel îlot de paix était une bénédiction, un Royaume des Deux Déesses en plein milieu d’une guerre onirique générale. Je pouvais enfin me reposer et à aspirer à une tranquillité méritée, ainsi qu’une petite félicité quand je me ressassais mentalement tous mes exploits dans la tête. Bon, par « exploits », je pensais surtout à toutes ces nuits où j’avais survécu de peu (la majorité desdites nuits n’avait pas été la dernière seulement par l’intervention miraculeuse de Jacob ; heureusement pour moi que mon égo était si puissant qu’il parvenait à écraser tous souvenirs de ces événements en les remplaçant par l’image glorieuse où j’étais debout sur une pile de cadavre avec le panneau de signalisation pointé vers le ciel rouge prometteur de l’aube, Jacob m’applaudissant de ses deux mains à-côté).

Puis soudain, l’éclipse. Une chose de consistance sèche et souple s’abattit sur moi avec violence comme une boule de sable mouillée mais chaude. Depuis ma stase, j’aurais pu sursauter bruyamment et hurler en courant comme un débile avant de me rouler dans le sable et virer cette cochonneries qui m’obstruait la vue. Certes, ce n’était pas très professionnel. Mais j’avais potentiellement le droit de le faire, vu que j’étais pris par surprise. En tout cas, mes pensées sur les vacances disparurent promptement pour laisser place à de la moutarde qui me monta au visage au fur et à mesure tandis que je gardais tranquillement ma position avec le détachement d’un cadavre anglais. Mes mains étaient toujours posées sous mon crâne, je regardais toujours vers le ciel et même la colère ne parvint pas à me faire trembler. La rage m’emportait et je me demandais quand précisément je me lèverais, débarrasserais ce truc d’un mouvement de poignet avant de défoncer la gueule à l’outrancier en lui faisant avaler sa serviette et en lui faisant répéter que jeter ses affaires sur les gens était un acte irresponsable. Déjà, ma bouche se formait en un rictus ignoble. Quel était le connard qui avait osé me confondre avec un carré de plage ? Parce qu’il y avait des limites à la stupidité et à la provocation. Et si y avait bien un truc que je détestais par-dessous tout, c’était bien la provocation. Plus que l’acte lui-même, c’était le fait qu’on me le faisait. Plus que me jeter une serviette au visage, c’était le fait qu’on ait voulu me provoquer qui m’énervait (un peu comme tout le monde en fait ; de plus, la provocation était vraiment une arme efficace maintenant qu’on y pensait).

Je voulus commencer à me lever avant de hurler une injure et de chercher le coupable qu’un truc s’écrasa sur moi (niveau jambes) de tout son long, et c’était plutôt lourd. D’abord, je crus à une attaque d’un fan de catch. Quelqu’un n’avait pas trouvé mieux que de me prendre par surprise pour commencer un combat. Je pouvais sinon croire (vu que l’attaque ne semblait pas avoir d’autre but que de me surprendre fortement) que c’était un ami à moi qui m’avait retrouvé et qui me souhaitait le bonjour avec un humour que je ne parvenais pas à digérer. En tout cas, c’était lourd et c’était humain (je reconnaissais tout de même la taille et la peau d’un humain ; de plus, je sentais parfaitement le corps, les jambes, les bras qui cherchaient un appui). Mais en tout cas, mon premier réflexe juste après qu’on m’ait écrasé de tout son poids fut le suivant : me redresser violemment en m’étranglant la gorge dans un bruit de vioque qui aurait avalé une cacahouète tout rond. La serviette se vira de mon champ de vision sous l’axe vertical qu’elle affrontait et je pus enfin voir effectivement qu’on venait de se jeter sur moi. C’était humain, c’était beige, bleu et ça semblait aussi surpris que moi et ça tenait la serviette dans la main.

Je fis la seule chose que je pouvais faire avec mon intellect déficient et mes réflexes un peu trop zélés : je réussis à me dépêtrer de la masse humaine en effectuant des roulades sur le côté, tel un enfant jouant sur la plage. Je quittai précipitamment ma serviette (qui se retrouva remplie de sable, ‘sic’) et tournai telle une danseuse ballerine sur le sable. Mon action Rambo aurait pu être parfaite si les circonstances n’étaient pas si ridicules, et surtout si je n’avais pas avalé du sable en passant. Je m’arrêtais et me mis donc à cracher en me tenant la gorge avec un bruit rauque tous les grains qui s’étaient infiltrés. Après cinq secondes de ce régime, je nettoyai mon palais avec ma langue avant de lâcher un glaviot sur le sable. Je me mis accroupi en me frottant les sourcils pour savoir qui venait de m’attaquer aussi effrontément. Je papillotais une ou deux fois des yeux avant d’apercevoir une forme relativement familière sur la serviette. C’était celle de Lithium, la Voyageuse numéro une de la Baby, que j’avais d’abord aperçu dans la vie réelle. On avait tous les deux encaissé quelques bières ensemble avant de se quitter. Elle avait toujours les cheveux blonds qui s’éparpillaient sur ses épaules et dans son dos. Je pouvais enfin remarquer ses oreilles pointues. Si je ne l’avais pas du auparavant dans le Macadam au pied de mon immeuble, jamais je ne l’aurais prise pour une Voyageuse. Les oreilles pointues étaient l’apanage des Créatures des Rêves, et c’était souvent les seules façons de différencier un être humain lambda d’un autre né sur Dreamland. Etonnant mais j’avais vu pire. Une fille par exemple qui était née avec un embryon d’oreille par exemple. Les oreilles pointues pouvaient la faire passer pour une geek disposant d’un soutien financier non négligeable (un coup d’œil invisible suffit à vérifier mon hypothèse : les posters avaient été retapé, mais pas de beaucoup).

Elle me salua comme si rien ne s’était passé mais je sentais en elle une profonde gêne. Elle semblait sincèrement contente de me voir mais je ne comprenais pas vraiment ce qu’il s’était passé. Elle pouvait être gênée, mais je m’en remettrais. Ce n’était pas comme si elle avait jeté sur mon visage sa serviette sans le faire exprès et qu’elle m‘était tombée dessus sans faire exprès quelques secondes plus tard. Il y avait des limites à la maladresse. Le fait qu’elle ne s’excusait pas m’amenait à croire qu’elle m’avait agressé à peu près en son âme et conscience. Puisque c’était une fille, je ravalai ma colère et mon désir de vengeance. Par contre, quelqu’un du sexe masculin se serait prix direct un coup de panneau de signalisation dans la mâchoire avant d’être enterré dans le sable trempé avec l’aide de multiples coups de pied rageur. Mais bon, chaque homme avait ses faiblesses et je ne parvenais pas à rendre aux femmes la monnaie de leur pièce J’estimais qu’elles en avaient le droit. Bon, je n’étais pas aussi gentleman dans les combats, j’avais tendance à considérer les femmes comme des combattants. Et les combattants, je les crevais. Il y avait des limites à la galanterie, délimitées par mon panneau de signalisation le plus souvent. Contre Hélène dans le tournoi des jeunes talents de l’année précédente, je n’avais aucunement retenu mes coups. Et elle n’était pas le seul exemple, au grand dam de ses demoiselles.


Lithium me demanda ironiquement comment j’allais. Je lui disais quoi, que j’adorais me faire écraser par des dames ? Je me relevai debout en faisant jouer mes articulations un peu endormies avant de lui répondre :

« J’adore me faire écraser par des dames, alors tout va bien. Ça va comment depuis la dernière fois ? »

Je n’allais pas lui demander si elle avait encore tué quelqu’un pendant le laps de temps qu’on ne s’était pas vus. Ça ne se faisait pas, ça pourrait équivaloir à de l’arrogance de ma part. En effet, on avait longuement discuté de ses pulsions meurtrières dans le bar. Elle m’avait avoué qu’elle assassinait des gens sur Dreamland, qu’elle les tuait. Un peu comme Vlad avec qui elle était affiliée d’une manière ou d’une autre. Je lui avais rétorqué tout le discours du gentil habituel comme quoi tuer, c’était mal, pas moral, et ça remplissait pas l’assiette. On s’était quittés en assez bon termes je croyais, même si j’avais été trop dur et trop pédagogue. Elle avait dû me remercier quelque part mais je ne savais pas si le traitement était suivi à long terme. J’avais un peu oublié Lithium ces derniers temps (disons que je n’avais pas passé tous ces derniers jours à me tracasser sur le fait qu’elle ait suivi mes conseils ou pas). D’ailleurs, je décidai rapidement en mon for intérieur de ne pas la faire chier à ce propos. Elle avait d’autres soucis en tête et le cadre ne s’y prêtait pas : je pouvais pas jouer à Freud avec des cocotiers derrière. Ça pouvait détendre certains patients mais leur vision des choses allait être biaisée. Elle serait peut-être trop heureuse ou trop excitée pour vraiment se concentrer sur ce que je lui dirais. Et puis, d’un autre côté… d’où je me donnais le droit d’imposer aussi fermement ma vision des choses à une autre personne ? Je pouvais lui dire mon point de vue, mais pas lui enfoncer dans le crâne avec violence. Bon, je pensais cela parce que je n’étais pas lancé sur le sujet aussi. Si ça dérivait vers ses problèmes comportementaux, on allait avoir du mal à me tenir.

Cependant, il y avait quelque chose de très important qui donna une toute nouvelle dimension à cette nuit. Je changeais de comportement quand j’étais dans le monde des rêves parce que je pouvais défoncer un mur d’un coup de poing. Mais Lithium, elle, était vraiment prise d’une sorte de schizophrénie. Quelque chose qui lui faisait peur, une autre entité, une autre elle. Et cette entité, mon véritable adversaire dans ce combat psychologique, ne se réveillait qu’à Dreamland. Avec un peu de (mal)chance, ce côté fallacieux pourrait se réveiller pour mettre son grain de sel. Je ne connaissais pas vraiment la nature et les conséquences de cette autre personnalité, mais il y avait matière à croire que si Lithium passait du côté maléfique de la Force, elle pourrait être tentée de me péter la gueule, voire de mettre fin à mes jours. C’était possible, je devrais un peu rester sur mes gardes. Mais si je n’abordais pas ce sujet et avec le renfort du Royaume apaisant, je ne devrais pas avoir à coller une mandale à Lithium. Ça me ferait mal. En tout cas, il valait mieux que je reste proche de mon panneau juste au cas où. On n’obtenait pas son titre de numéro une de la Baby dans une pochette surprise. Je me plaisais à dire que le classement de maintenant était sacrément laxiste parce que les trois premiers de la Baby avaient disparu du classement subitement et que Lithium n’avait battu que le deuxième avec l’aide de Vlad (et encore, ça avait frôlé l’égalité), on ne savait jamais ce qui pouvait se passer entre temps. Heureusement, j’étais d’un niveau supérieur à Héléna maintenant et je n’hésiterais pas à le prouver s’il le fallait. En parlant d’Héléna, faudrait que je fasse une descente chez les Von Jackson…

Je me rapprochais de ma serviette pour la remettre en état avant de m’asseoir dessus en tailleurs, remontant mes lunettes de soleil avec un index habitué. Je n’allais pas continuer à rester debout alors que le sable me tendait ses bras métaphoriques. Je cherchais les grains de sable qui se seraient cachés dans ma bouche sans me le dire. Lith aussi arborait un maillot de bain ainsi qu’une fleur accrochée à l’oreille. Vu que je la voyais plus comme une tueuse froide qui pouvait péter la nuque à quelqu’un d’un coup de dent, je me demandais si elle savait qu’elle en avait une. En outre, elle disposait d’une sacoche autour de l’épaule. Je n’avais aucune idée de ce qu’on pouvait faire sur l’île à deux, et y avait pas de trucs mastocs à boxer. Je ne pus que rebondir sur ce qu’elle avait fait pour entretenir le feu de la discussion :


« Et sinon, ça t’arrive souvent de balancer des serviettes aux gens ? »

Ouais, je n’avais pas d’autre chose à dire, mais j’avais pas envie de faire mon psychanalyste avec un « Et sinon, t’as tué des gens récemment ? Pas bien, pas bien du tout. Méchante fille. Tuer, c’est mal. File t’excuser aux victimes » et tutti quanti.
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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyLun 7 Nov 2011 - 19:16
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Si elle avait su qu'elle retrouverait son psychologue d'une nuit ici, elle aurait peut-être bu quelques verres avant..
Comment le hasard, cette foutue fatalité mesquine, avait-il pu oser le remettre sur son chemin ? Était-ce la providence qui se plaisait à se jouer aussi cruellement de son mental, ainsi que de ses nerfs ? Non pas qu'elle ne l'appréciait point, bien au contraire, sa compagnie était des plus agréables, mais leur dernière, et unique conversation surtout, n'avait aucunement porté sur un sujet des plus flatteur à l'égard de Lithium. Elle s'était vue dépeinte telle une véritable meurtrière, assoiffée de sang et insatiable de violence. Or, bien que cela restait d'un côté invariablement vrai, elle était en partie également une jeune fille joviale, débordant de gaieté et de joie de vivre. D'ailleurs, cela composait les trois quarts de sa personnalité originelle. Si le dernier quart obscur ne s'éveillait que selon l'instant, le lieu et l'action, il était assuré qu'il fallait le prendre en compte, malgré ses apparitions, certes incongrues, mais fréquentes. Trop fréquentes au goût de la jeune fille plus exactement. Sans cette personnalité étrangère, sans cette part sale et répugnante d'elle-même, elle serait une demoiselle tout à fait normale, et surtout inoffensive. Ce qui faisait sa dangerosité, était justement l'inconstance de cet autre-soi, l'instabilité de cet esprit pourtant jeune. Hormis la folie, l'on pouvait la considérer comme une gamine perdue, à la recherche d'une individualité, d'une nature essentiellement spécifique à sa personne.

Concrètement, c'était exactement cela.
Elle errait telle une âme en peine, recherchant désespérément à se remplir d'une quelconque substance mystique.
Tout ceci devenait particulièrement ridicule. Aucune des rétrospections existantes ne serait en mesure de la détourner de sa propre aberration. Si rien n'était encore perdu pour elle, rien n'était encore gagné non plus. Elle n'avait pas progressé d'un pouce depuis sa soi-disant promesse. Elle était toujours au même endroit, les pieds englués sur la ligne de départ. Pourquoi était-elle là, en ces lieux de sérénité absolue ? Elle était bien trop sale pour y mériter sa place. Une créature aussi mauvaise et ignoble qu'elle-même ne pouvait avoir été autorisé à se relaxer. Mais pourquoi diable donc pensait-elle à tout cela ? Était-ce le simple fait de se retrouver face à face avec cette même personne qui lui avait insufflé ces doutes infâmes et insupportables ? Peut-être. Certainement. Qui s'en souciait ? Elle n'était pas ici pour ressasser ces horribles choses. Elle s'était réveillée dans ce sable chaud pour s'amuser et profiter de la quiétude de ces terres, se délecter de ce son apaisant qui émanait de ces immenses vagues exaltées.
Après s'être malencontreusement retrouvée sur Ed, ne pouvant finir plus bas qu'elle ne l'était déjà, elle voulut donc s'informer de son état actuel, ainsi que de sa présence, pour le moins inattendue, en ce royaume paradisiaque. Bien entendu, récupérer la serviette irrespectueuse de son hôte était la première chose à faire. Un homme à tête de serviette de plage comme interlocuteur, y'a de quoi perdre ses moyens communicatifs. Pour toute réponse, elle eut droit à un retour sur son postérieur, et quelques bouffées de sable sur l'intégralité de son corps. Elle aurait peut-être dû s'excuser avant, au lieu de sortir une bêtise. C'était bien fait pour sa poire. Elle n'avait qu'à réviser l'ordre de ses priorités. La jeune fille se retrouva donc brusquement sur son derrière, suite à un violent mouvement pour le moins acrobatique de Ed. Ce fut donc suite à une belle brochette de roulades sableuses qu'elle put admirer ce qui s'ensuivit.

Ce à quoi elle assista empêcha le moindre mot de s'échapper de sa bouche.
Pas un seul terme voué au pardon et à la justification de son acte impoli ne voulut sortir.
Le spectacle mouvementé se déroulant actuellement sous ses yeux était bien trop digne d'être vu pour qu'elle ne le gâche de quelques soupirs inutiles. Personne n'aurait pu être véritablement certain de la sincérité de ce comportement pour le moins étrange, il n'allait sans dire. Mais qu'était donc cet énergumène hyperactif à voix de crécelle ? Tout en ses gestes laissaient pertinemment croire en une stupidité des plus totales. Qu'avait-il à s'agiter ainsi dans tous les sens ? Lithium ne sut si il esquissait la danse de la pluie, ou si il lui refaisait un remake de Casses-noisettes. A moins que cet entrechat ne fut tiré du Lac des Cygnes..? Et puis, c'était quoi ça là ? Un balancé enfourné d'un soubresaut ? Un spasme peut-être aussi. Bref, la voyageuse avait peine à décrypter cette danse hypothétiquement traditionnelle. Sûrement une coutume de chez lui. Elle voulut exploser de rire, ce qu'elle fit partiellement. D'une main maligne, elle retenait à contre-cœur ses rires. Personne ne pouvait rester de marbre face à un tel show tant cela était poilant.
Il finit enfin par s'arrêter après une démonstration fort bien amorcée, pour se mettre à chanter. Enfin, c'était ce qu'elle pensait du moins. Ce qu'elle put entendre ressemblait davantage à un râle de profonde et d'intense agonie, le tout offert par les soins gracieux d'un porc que l'on égorgeait. La dessinatrice plissa le nez à l'entente de ce bruit. C'était incontestablement répugnant. Mais le pire suivit dans les cinq secondes après que Ed ait exprimé sa joie de la revoir. Un immense et fort mousseux mollard fit son apparition sur les grains blancs du sable chaud de la plage. Un malaise intense fit presque remonter les entrailles de la blonde qui se retint, avec peine, d'extérioriser le fond de son sentiment. Tout simplement dégueulasse.. C'était même carrément immonde.

Ce ne fut qu'une fois son manège terminé qu'il s'aperçut de la présence de Lithium.
Cette dernière ne cessait de le regarder, oscillant entre la perplexité, le dégoût et l'étonnement le plus sincère.
Jamais elle n'aurait pu imaginer cet homme en petit rat d'Opéra, affublé d'une tête de sanglier, le tout âgé de plusieurs siècles, dansant impudiquement sur la plage.. Elle ne sut comment réagir face à lui quand elle vit son regard furieux. Bon, il fallait le comprendre. Elle s'était écrasé comme une belle pierre sur lui, le tout en lui balançant de plein fouet une serviette de plage dans le visage. Elle-même l'aurait très mal pris qu'on l'a prenne pour une serviette bien douillette. Doucement, elle se mit à rougir de honte. Elle voulut s'excuser mais ne put prononcer un mot. Ce fut lui qui l'apostropha en réponse à sa question sur son état.


« J’adore me faire écraser par des dames, alors tout va bien. Ça va comment depuis la dernière fois ? »


Elle se mit à rougir d'autant plus.
Franchement, c'est vrai qu'elle aurait pu faire attention où est-ce qu'elle mettait les pieds.
Elle était tellement distraite par moment, que cela en venait à se poser la question sur le comment elle faisait pour survivre, que ce soit dans le monde réel qu'ici. Réellement embarrassée par sa maladresse irréelle, elle s'empourpra d'autant plus et, restant sur son postérieur, détourna la tête et bafouilla avec difficulté.


"Je.. je suis désolée.
J'ai vraiment pas fait exprès. Vraiment.
C'est juste que ma serviette n'est pas.. enfin, je veux dire par là que..
Je ne voulais pas de ce type de.. Bref. J'ai été distraite.
Dorénavant, je ferais attention. Excuse-moi si je t'ai fait mal.
Ce n'était aucunement dans mes intentions.."



Mais un rapide souvenir de la danse précédemment mise en œuvre par le jeune homme l'a fit brusquement sourire. Un rire court et franc prit naissance, éloignant vivement la gêne ressentie quelques secondes auparavant. Entre deux rires, elle réussit à placer de nouvelles excuses, concernant cette fois-ci son nouvel état.

"Pardon !
C'est juste que..
Ce que tu m'as fait là tout à l'heure, c'était juste..
C'était tout simplement hilarant. J'avais jamais vu ça.
Venant de toi en fait surtout.. Désolée hein.
C'plus fort que moi."



Comment pouvait-on rester sérieux face à un babouin en ballerines ?
C'était humainement impossible de garder son calme quand on assistait à ce genre de choses.
Finalement, après quelques expirations pour retrouver une émotion neutre, elle se racla la gorge en signe de fin d'égarement sentimental, et répondit enfin à Ed quant à sa question.


"Je vais très bien merci.
J'ai pu assister à une représentation pour le moins originale aujourd'hui, donc à présent tout va bien."



Elle lui sourit avec ferveur.
Sincèrement, elle était vraiment ravie de le revoir.
Même si leur première rencontre avait été vachement étrange, le croiser de nouveau lui faisait hautement plaisir.
Ici, il n'y avait absolument aucun risque qu'elle ne se mette soudainement à péter un plomb, une durite voire même un bras en fait.. Le soleil, ce calme, le bruit lancinant des vagues, rien ne créait un tableau, à proprement dit, susceptible de réveiller en elle ses plus ardus désirs noirâtres. Si un requin venait à lui mordiller le pied, là il y avait une possibilité. Enfin, tout est relatif. Rien n'est moins sûr. Mais, au lieu de penser à quand est-ce qu
'elle pourrait débarquer, il valait mieux décider de quelque chose à faire sur cette île, sinon ils allaient s'ennuyer comme des rats morts. Ed continua sur sa lancée à propos de l'évènement passé, ce qui ne fit cette fois-ci aucunement perdre ses moyens à la demoiselle. Tout en s'adressant à elle, il remit en en place sa serviette abîmée par ses galipettes, laissant entrevoir le dessin de cette dernière. Un.. phoque ? Original. Goûts étranges. Vaut mieux pas savoir. Bonne tête quand même. Qu'importe.

« Et sinon, ça t’arrive souvent de balancer des serviettes aux gens ? »

"Oui, souvent.", dit-elle le plus naturellement du monde.
"ça me détend, je trouve ça drôle de voir les différentes réactions de tous.", elle le regarda quelques instants, silencieuse, puis reprit d'un ton nettement plus sérieux.
"Non sincèrement, comme je te l'ai dit tout à l'heure, j'ai pas fait exprès.
Ce n'est parce qu'un visuel ne me plaît pas, que je dois le jeter par terre.
J'aurais dû me contenir. Désolée.
En revanche, j'aime bien le tien.
Sympa le phoque."
, acheva t-elle en souriant.


Elle haussa les épaules en guise d'approbation à sa propre bêtise.
Un silence s'installa entre eux. Silence que la jeune fille ne put briser tant elle ne savait quoi lui dire.
Et maintenant ? Ils faisaient quoi ? Ils réitéraient leur relation psy-patiente ou ils se faisaient une bronzette muette ? Aucune de ces propositions n'étaient pour le moins alléchante à son goût. Que faire donc ? Une partie de Biche-volley ? Aha, c'est nul. Bref. Brièvement, elle jeta un coup d'œil à la mer.
L'eau bleutée, voguant vers le cyan, presque transparente, la transporta un court instant au large, loin de cet endroit. Dans les bras d'une nostalgie inconnue, elle se laissa aller à de doux mais douloureux souvenirs, une époque révolue depuis bien trop longtemps. Son regard se fit vide, ses membres se détendirent. Elle laissa échapper un soupir amer. Le temps des regrets n'a plus lieu d'être, pensa t-elle. Il faut aller de l'avant et oublier ce que nous avons connu auparavant. Une voile coloré de vert glissa sur une vague enjouée, et s'éloigna rapidement au gré du vent. Le roulement de la houle, le fracas des lames sur la plage éveilla en elle un sentiment d'exultation soudain. A la vue de cette mousse, des flots s'écrasant et se mélangeant entre eux, une envie immédiate lui vint. Ses yeux retrouvèrent leur éclat habituel, son visage s'illumina de gaieté, et elle sauta tout d'un coup sur ses jambes. Elle jeta un regard enchanté à son camarade, lui sourit avec allégresse et, sans un mot, jeta son sac sur le sol, lui fit signe de l'attendre et courut vers les stands au loin.

Elle se jeta au comptoir du premier magasin en vue et, légèrement essoufflée, les pria de la munir des objets souhaités. Une fois en leur possession, elle fit demi-tour, accéléra du mieux qu'elle put malgré le poids de ses colis, et se planta avec fierté devant Ed, deux planches de surf dans chaque main. Elle déglutit, reprit son souffle et s'adressa à lui avec une satisfaction pleinement assumée.


"J'espère pour toi que tu sais surfer.
Si non, tu vas apprendre aujourd'hui."
, dit-elle d'un air malicieux.


Amicalement, elle lui tendit une planche purement et intégralement blanche.
D'après ce que le dauphin-carpette lui avait dit, elle changeait de couleur selon la personne qui grimpait dessus.
Fondamentalement inutile, mais artistique dans un sens dira t-on.





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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyVen 11 Nov 2011 - 16:44
La première chose que je pouvais dire sur Lithium, ce fut qu’elle semblait prête à éclater de rire jusqu’à en mourir. Vous voyez l’image du hamster qui se retenait de rire, les bajoues gonflées comme une grenouille avec des petits yeux regardant vers le ciel, les petites papattes sur la bouche ? J’avais l’impression d’être en plein devant, et très naïvement, je me demandais ce qui pouvait la pousser à rire ainsi. Bon, j’avais été surpris, okay, c’était hyper marrant de la part de l’agresseur. C’était peut-être ça... Lithium était peut-être une gamine... Bon, quoi, la réalité était que j’avais roulé-boulé trois fois dans le sable. Ce n’était pas comme si je m’étais levé pour faire des saltos effrénés dans tous les sens... Juste quelques roulés boulés, certes excessif, mais je ne me souvenais pas avoir hurlé quoi que ce soit comme un guignol quand s’était abattue sur moi la sentence sous forme de serviette de plage. Je fis rapidement une petite moue visible, craignant que je fus plus ridicule encore que ce que je pensais en visionnant la scène à la troisième personne. J’aurais bien voulu rire, mais je me dis que la seule chose qui aurait pu rendre la scène plus affreuse aurait été un tsunami, le maillot qui tombait ou encore le vaisseau du Capitaine Némo qui déboulait sur la plage comme une torpille ayant changé de trajectoire soudainement pour se boire une Pina Colada sous un cocotier.

Je tentais d’oublier que je venais de cracher devant une dame, même si un bras savamment passé sur la bouche me fit rappeler que j’avais encore un peu de salive sur le menton. J’avais été ridicule, ça n’aurait pas été la première fois. Mais comprenez, c’était spécial... Je m’étais fait passer pour quelqu’un d’à peu près intelligent, et je venais de ruiner mon image avec trois roulés-boulés stupides. On ne changeait pas une formule qui gagnait, mais je n’étais pas contre de meilleures cartes quand on me les distribuait. En gros, ça nous faisait deux figures dans la main et un flop de merde. Ma moue s’accentua d’un petit millimètre largement visible par la gente féminine. Si j’avais été un gars hyper cool, j’aurais pu rire avec elle et m’excuser avant de sortir deux cocktails alcoolisés de nulle part ; mais voilà, je n’étais pas vraiment hyper cool : je me battais avec un panneau de signalisation, j’avais la mémoire courte et ma serviette de plage représentait un bébé phoque. Je me figurais à peu près les stéréotypes de l’homme cool, sûr de lui, parfaitement maître de la situation qui débordait d’un charisme débordant et qui était la cible potentielle de tout ce qui portait un soutien-gorge (ou un foulard orange). J’étais pas vraiment musclé, je tombais d’une dépendance à la fumette à une dépendance au coca-cola et j’avais le poing facile. Puis, ma petite représentation achevait déjà ce que je ne parvenais pas à cacher. Je devrais relativiser finalement ; chassez le naturel, il revenait au galop par la fenêtre avec un rire de débile mental.

Lithium se mit à s’excuser en tentant vaguement de me faire comprendre que le motif sur sa silhouette ne lui avait pas plus. Tiens, c’était peut-être ça le but de ces serviettes au rabais : avoir un motif personnalisé selon le dégoût de la personne. Ça allait être dur à expliquer à la Voyageuse si elle faisait le même constat que moi. Le Grand et Sublimissime Ed Free traumatisé par un petit phoque. Au moins, je n’avais pas jeté ma serviette au loin comme certaines. S’ils avaient osé mettre mon petit frère sur la serviette, je n’aurais rien dit. J’aurais même rejoint Lithium dans son concours de lancer de babioles stupides et on aurait décerné des médailles olympiques aux vainqueurs.

Puis enfin, Lithium se mit à rire. Mon art sur plage avait été la bouffonnerie de trop et elle se laissa aller de plus belle quand elle tenta de me parler. C’était pas du tout vexant, je t’en prie, continue Lithium. Savoir si elle avait tué des gens depuis le laps de temps qu’on ne s’était pas vus me vrillait la langue mais je me retins. Ça serait juste très, très bas. Je réussis à me contenir, à supporter ses excuses qui, on le savait tous les deux, n’en étaient pas du tout. Je devrais être content d’avoir rendu de bonne humeur une fille mais je ne parvenais tout simplement pas à rire avec elle, les mains sur les hanches. J’étais la victime d’une attaque surprise et en plus, on se foutait de moi. Comme si la seule bonne réaction serait de ne rien faire du tout, ou de dégommer illico l’outrageux. Je me sentais vraiment blessé par ce qu’elle disait. C’était une des choses les plus hilarantes qu’elle avait jamais vu, hein ? Elle se foutait tout simplement de ma gueule. Je ne parvenais pas à savoir si elle allait bien, surtout depuis qu’elle m’avait vu faire le pitre, ou si elle avait été vraiment de mauvaise humeur jusqu’à ce que j’apparaisse en tant qu’ange salvateur, défendeur de l’humour facile et de l’excessif gestuel. Allez Ed, contre bonne fortune bon cœur. Bah plus tard le bon cœur. Dès que les larmes de rire auront cessé de couler sur le visage de la jeune fille. Heureusement que je ne désirais pas sortir avec elle, auquel cas, je me serais déjà lancé dans la mer pour tenter de me noyer, faisant de ma serviette Fino un boulet mortel. Même quand son rire se transforma en sourire, je gardais une sorte de moue peu amusée. Je ne voulais pas faire mon lourd mais je n’étais pas le plus modeste des Voyageurs à cause d’un égo aussi insupportable que mon panneau de signalisation. Quand quelqu’un se foutait de moi, je prenais ça pour une agression et répondais aussitôt en dévissant sa tête avec les ongles. Mais Lithium restait du sexe féminin et tous les hommes étaient bons avec le sexe féminin, par galanterie sociabilisée. Cette sorte de galanterie m’amenait même pas à penser que ce n’était pas de la faute de Lithium si elle était tombée sur moi, mais que c’était moi qui avait été mal placé. On en était à là... Homme, infâme couillon.

Je tentais de regarder le motif de la serviette mais en boule, je n’avais aucune chance de décerner la psyché de la Blonde. Je relevai les yeux ; ce n’était pas mes affaires. Cela devait avoir trait avec ce qu’elle n’avait pas voulu me raconter la dernière. Et sur ces choses-là, on n’avait jamais besoin de me le dire deux fois. J’en profitais pour jeter un coup d’œil au ciel paresseux, si bleu turquoise qu’on aimerait se jeter dedans. Lithium répondit par ma question rhétorique de façon fort agréable (une fille qui ne maniait pas l’ironie était une future chieuse en chef). Elle répéta le fait que le motif sur sa serviette ne lui avait pas plu du tout, contrairement au mien qui était plutôt sympa. Je relevai ma tête de dix bons centimètres outrés, la fixant une seconde trop longtemps avant de reporter mes yeux vers le ciel. Effectivement, elle ne savait pas. Pour comprendre ma réaction, imaginiez que j’étais assis sur la figure d’Adolf Hitler et qu’on venait de me dire que sa frange et la moustache faisaient bon genre. J’aurais eu cette même réaction, ce mélange entre de la surprise, une certaine gêne vis-à-vis de mon interlocuteur ainsi qu’un sentiment envieux envers cette personne baignée dans l’innocence des anges. Mais je ne pouvais pas dire sincèrement à Lithium que l’être représenté sur ma serviette de plage était un être immonde, amoral, dont la principale préoccupation était de torturer pour son plus grand plaisir tous les êtres qui passaient devant sa moustache. Je me souvenais encore de cette scène, où après une dizaine de jours d’absence hors du Royaume des Deux Déesses, j’étais rentré dans un hall brillant. Le serviteur sur qui Jacob et moi avions tout contrôle, Clane, était venu pleurer à mes pieds (vraiment) pour me dire que Fino était une horreur et qu’il l’avait forcé à nettoyer le hall avec une brosse à dents juste après qu’il ait fait ses déjections en plein milieu. Par antipathie envers ce méchant diabolique, j’avais dit à Clane d’arrêter de se plaindre par une fillette, ce par quoi il m’avait répondu « Mais c’est Fino qui m’a ordonné de me plaindre ! ». Cette expérience fut traumatisante, autant pour moi que pour le pauvre Clane, martyrisé par un bébé phoque qui avait les pleins pouvoir sur lui. Il faudrait un jour que je dise à Clane de ne plus lui obéir. Il mettrait plus de cœur à l’ouvrage, j’en étais certain. Je revins rapidement à Lithium, juste pour dire :


« Son esprit est aussi sadique qu’il a l’air mignon. Tu trouverais l’image beaucoup moins sympathique si tu l’avais entendu parler. »

Pas besoin d’être aussi explicite. Je rétablissais juste un fond de vérité pour lui expliquer ma réaction vis-à-vis de sa remarque sans entre dans les détails. Elle ne connaissait pas Fino, il valait mieux ne pas lui en parler. Quand on possédait encore un peu de douceur, il valait mieux ne pas tout brûler par simple jalousie.

Un silence s’établit entre nous, causé par ce qu’elle venait de dire, mes pitreries et le fait qu’on était pour le moment, deux étrangers. On avait juste discuté autour d’un (ou dix) verres moins d’une demi-heure, et on s’était concentrés sur les accès de rage de Lithium. Ma thérapie ne servait de toutes façons pas à grand-chose vu que je devais l’appliquer à son côté obscur. Ça se terminerait certainement par quelques baffes bien placées mais au moins, la thérapie serait plus dynamique. Je me remis dans ma position d’antan, la tête couchée sur les bras, gêné du silence que je ne parvenais pas à faire disparaître. Je serais tenté de lui parler de Vlad mais ce dernier n’avait pas besoin de seconde personnalité pour buter des gens selon une théorie fasciste. Finalement, ça ne serait peut-être pas lui, la clef pour libérer Lithium de ses pulsions meurtrières. Il allait les inciter au contraire. Je ruminais ce couple étrange, dénué de morale et pourtant si motivé pour sauver la paix et la justice... Lithium partit soudainement. Je ne lui posais pas de questions, elle avait posé ses affaires sur la plage et allait bientôt me fournir la réponse. Elle avait trouvé une activité intéressante et voulait certainement m’en faire la surprise. Je continuai ma bronzette (je faisais bien de me raser les aisselles de temps à autres, ça ne faisait pas de mal sur une plage). Je résistais sans problèmes à l’envie de mater les filles sur la plage ; déjà parce que ce n’était pas mon genre, et aussi parce que la majorité était des créatures des rêves ou des Rêveuses. Je considérais les Voyageurs qui profitaient du détachement très peu prosaïque des Rêveuses pour leur « faire passer de beaux rêves » selon leur expression fétiche, comme des violeurs patentés que je corrigeais à coups de panneaux de signalisation dans l’aine. Je respirai un grand coup, incapable de savoir ce que la nuit allait nous délivrer. Pour le moment, on pouvait potentiellement faire tout ce dont on avait envie. Mais on disposait tous deux d’une réserve vis-à-vis de l’autre. On ne se connaissait pas assez, et on ne lâcherait pas totalement l’un l’autre, malgré le fait qu’on ne soit pas réservés pour un sou, surtout ici.

Lithium revint finalement avec deux planches de surf. Quelques émotions passèrent en moi, roulant les unes sur les autres comme des vagues. D’abord la surprise, évidemment. Puis ensuite, l’appréhension. Je savais faire du surf, mais peut-être pas au même niveau qu’elle espérait pour qu’on puisse s’amuser tous les deux. Je savais tenir une vague, j’avais appris le timing, l’équilibre et je pouvais commencer à développer quelques techniques simplissimes. Mais pas de quoi au génie ; surtout que je n’arrivais pas encore à assurer toutes mes vagues. Plus de la moitié de mes essais débouchaient soit sur une chute dans l’eau avant même de profiter de la vague, soit d’une simple poussée de cette dernière à cause d’un mauvais équilibre ou d’une assurance pas parfaite. Cependant, je n’avais jamais encore essayé à Dreamland, mais tout laissait à croire que l’environnement serait parfait (des vagues régulières et sans pièges) et que mes capacités physiques et sensoriels me permettront de me débrouiller suffisamment bien pour m’éclater. Je me levai, laissai toutes mes affaires ici (sauf mes lunettes de soleil ; un surfeur avec des lunettes de soleil était un kéké de force 10). J’allégeai la Voyageuse d’une lourde planche de surf avant de lui dire :


« Merci beaucoup. On va voir les baïnes que la mer nous réserve. Viens, j’ai vu le coin surfeur, ça évitera de percuter un môme. Puis les vagues sont plus grosses. »

Je pris ma planche sous le bras et ouvris la marche vers un endroit plus hospitalier aux surfeurs. Je me dis que du surf serait plus sympa que de rester sur la plage à ne rien faire d’autre que de palabrer sur des sujets inintéressants. Le sable devenait de plus en plus épais au fur et à mesure qu’on s’approchait des vagues, jusqu’à ce qu’on laisse une empreinte distincte sur la plage qui se résorbait peu à peu sous l’excès d’eau. Nous dépassâmes un fanion avant de nous rendre sur le côté surfeurs. Les rouleaux étaient bien plus conséquents tout en gardant une certaine continuité avant de s’écraser proprement sur la plage. Ce n’était qu’une succession de vagues très belles, qui donnaient envie à chacun de s’y jeter avec une planche. Vraiment très touristique par ici. Je la sentais mal cette histoire, paradoxalement. Une plage aussi paisible ne pouvait que sommeiller sur les pires bassesses de la terre. Il n’y avait vraiment rien de dangereux dans le coin ? En même temps, c’était pour ça qu’il y avait une station balnéaire. On avait dû choisir la partie de Dreamland la plus éloignée du chaos et on l’avait emménagée avec des terraformeurs plus qu’efficaces. Ça me faisait bizarre de devoir déstresser une fois de temps en temps, un sentiment étranger qui me revenait et me picotait dans toute la peau, exactement comme des jambes que je n’aurais pas bougées depuis plusieurs heures en bloquant la circulation du sang. Il fallait que je fasse gaffe aux crampes. En même temps, on ne pouvait pas m’accuser de paranoïa. A chaque fois qu’il fallait que je me détende, je restais crispé comme un malade ; quelqu’un venait, m’expliquait que je devais me décontracter et profiter de la soirée. Puis de suite après, le mauvais œil arrêtait de se faire appeler et provoquait un désastre quelconque. Comment vouliez-vous que j’arrête de baisser ma garde alors que je savais parfaitement que si j’arrêtai de regarder derrière moi, on m’enverrait un coup de dague dans l’omoplate ?

J’entrai dans l’eau avec une facilité déconcertante. Elle n’était pas chaude, mais passez froide pour faire le mauvais bougre. J’accrochai ma planche de surf avec le bout de corde qui y pendait (tiens, elle était devenue orange, perdant sa couleur virginale) et plongeai la tête la première. Ce qui était un exploit pour moi vu que je détestais être trempé. Je ressortis la tête, nageai un peu vers les vagues avant de me rendre compte qu’après cinq mètres, mes orteils avaient déjà du mal à toucher le fond de l’océan. On n’était pas là pour batifoler à ce qu’il paraissait. Je me mis sur ma planche de surf et battis des jambes pour avancer, surmontant les vagues comme un galion traversant une tempête. Je cherchais à aller le plus loin possible, vers la naissance des vagues d’où il était plus facile de prendre son élan. Les vagues gardaient environ la même taille, et sortaient de l’horizon dans le même laps de temps. Menton posé sur ma planche de surf, je vis l’océan et le ciel se confondant en une mêlée séduisante. On aurait dit une danse nuptiale. Je repris ma nage, mes lunettes de soleil toujours posées sur le nez. Le monde entier semblait me crier que j’allais les perdre à la première vague mais je ne les écoutais pas. Je franchis une nouvelle colline (même s’il était plus exact de dire que ce fut la colline qui me passa dessous). Je me mis en position assise sur ma planche de surf, juste devant Lithium. Une autre vague me trimballa avant de me laisser tranquille. Je lui criai, couvrant le bruit des tumultes réguliers ainsi que du vent qui fouettait sensiblement ma peau trempée :


« On y va ?! »

Ce fut une vague qui me répondit. Je la vis naître doucement, prenant de plus en plus de consistance juste devant mon nez. N’importe quel expert, n’importe quel néophyte vous dirait que c’était la bonne. La parfaite. Je commençai à me retourner et à battre des bras et des jambes le plus rapidement possible pour prendre la vague avec un timing méticuleux. Le plus important au surf, mis à part ces conneries de respecter la mer et de posséder l’esprit du Surf Hippie Kéké, c’était le timing. Il fallait choisir sa vague et s’engouffrer dans sa force cinétique avec une précision démentielle. Quand je disais timing, je pensais aussi bien au choix de la vague, à la vitesse à laquelle on devait aller, et enfin quand arrêter de ramper sur sa planche pour se relever et profiter de l’aventure. Prendre la vague, c’était ça qui était important et qui demandait une expérience plutôt conséquente pour arriver à quelque chose d’éminemment gratifiant. L’équilibre venait ensuite, parce qu’avant de glisser sur les flots, il fallait bien savoir y entrer. Et l’équilibre, je n’avais pas trop de problèmes. Les grandes jambes étaient aussi bien un inconvénient qu’un avantage. D’une part, on était un peu moins stable que les petites jambes ; cependant, on pouvait facilement répartir notre poids et trouver un équilibre satisfaisant. Notre point de gravité était simple à trouver. Mes membres commençaient à pagayer de plus en plus vite, soulevant de l’écume avec une aisance incroyable à chaque fois qu’elle ressortait de l’eau (je compris que j’étais bien plus fort que dans le monde réel, vu que j’allais à une vitesse conséquence seul).

Et d’un coup, je ressentis l’énergie, le timing. La vague commença à m‘agripper, à me tirer seule. Ayant peur de me déstabiliser, je ne la regardais pas. Je me vis juste en train de gravir un mur d’eau par une force plus irrésistible que la gravité. Dès que je fus environ au milieu, je me mis debout en un éclair, sans perdre de fioritures. Si on ne se relevait pas assez vite, on aurait tout le temps pour se relever une fois éjecté sur la plage. Sans vraiment comprendre ce qui m’arrivait, je faisais du surf. L’adrénaline et la force que je subissais finirent par m’arracher un sourire. La vague continuait sa route, et je traçai un sillon sur elle, en diagonale, pour garder mon élan. C’était le bruit qui était magique : du vent violé par cette trombe d’eau, de l’énergie fantastique déployée par l’océan ainsi que le frétillement de mon surf décapitant un colosse salé. Je réussis même à remonter mon bec pour prendre un peu de hauteur avant de redescendre de plus belle, le tout en moins d’une seconde. Finalement, j’étais plutôt doué. J’avais rarement fait d’aussi bonnes vagues ; je pouvais remercier Dreamland deux fois (une pour le terrain, une autre pour mes capacité physiques améliorées). J’approchais de la plage mais j’avais encore un peu de distance à faire. Soudain, un courant sauvage de la mer frappa un peu ma planche. Ma première réflexion fut la suivante : mon pied avait légèrement dérapé du centre. La seconde fut celle-ci : Dommage, j’allais rater un rouleau, une technique que je n’avais jamais réussi à faire. La troisième fut que je volais plutôt bien.

Une secousse plus violente due à l’énergie incontrôlable de la vague, l’élan que j’avais emmagasiné ainsi que mon équilibre entamé me fit voler sur une distance incalculable (dans mon esprit, je savais que c’était dix mètres ; en vrai, j’aurais parié sur cinquante centimètres). Ma planche ne me retint que partiellement avec la ficelle accrochée à la cheville avant de se lever elle aussi et de sortir en partie de l’eau, le temps que je m’éclate dans le creux de la vague avec un plat ridicule. Je fus balloté en tous sens, perdant la notion de l’espace-temps. Seule la ficelle me permit de savoir où était le haut et le bas, et je remontai à la surface une fois la vague passée. Mes deux bras passèrent par-dessus la planche pour mieux l’agripper, et une main vérifia si j’avais toujours mes lunettes de soleil en face. Je me permis un soupir de soulagement. Je ne savais pas où était passée Lithium, deux vagues me bloquant la vue de la plage et de l’horizon. Je décidai de l’attendre à l’endroit où naissaient les vagues. Je me remis en marche, me remettant à nager à contre-courant.

Plusieurs fois de suite, je revins vers l’océan et repartais sur les vagues, réussissant quelques belles choses. Par contre, je n’étais toujours pas parvenu à glisser le long d’un rouleau, dans un tunnel aquatique. C’était l’orgasme des surfeurs disait-on, et celui qui y parvenait était considéré comme un surfeur par excellence. Je réussirais, un jour ou l’autre. Je me demandais ce qui se passerait si je refaisais du surf dans le monde réel. Prenant des habitudes inconscientes seulement dues à mon corps onirique, je me crouterais comme une belle merde. Ouais, c’était comme ça que je le voyais. Je réussis quelques fois à me croûter dès le début, voire à ne pas prendre la vague qui me laissait sur le carreau. Moins handicapant que de tomber au départ, mais beaucoup moins fun. Mais le résultat fut plutôt convaincant et j’en étais content. De quoi éloigner tous ses soucis pendant un court instant, oublier de penser à soi, à son chat, à Dreamland, et ne penser qu’à cette fraction de seconde où je devrais me lever pour profiter de la vague. Repartant vers le lieu où elle naissait, torse contre la planche orange, je vis un gars posé sur sa planche que je crus déjà avoir remarqué les autres fois (le courant m’ayant rapproché). Etonné qu’il ne fasse rien sinon à regarder l’horizon, comme mort, je pagayai avec mes bras pour le rejoindre. C’était un gars, qui avait des cheveux blonds tombant jusqu’à ses épaules, un air supérieur et condescendant, posée sur une planche jaune criarde. Il avait un long maillot noir ainsi qu’un T-Shirt jaune. Il m’entendit arriver ; il me sourit d’un air idiot avant de me présenter son poing, le pouce et l’auriculaire ouverts :


« Salut ça farte ? », me dit-il avec une voix qui me prenait pour un enfant excité. Je retins mon poing de s’abattre sur sa gueule insolente et évitai la question par une autre :
« Et t’attends quoi là, mec ?
_ Tu peux m’intituler Braïce. Braïce de Naïce. Et pour répondre à ta question qui est sortie de ta bouche précédemment, j’attends Ze Big Oane. La vague du siècle !
_ Une vague ?
_ Une putain de vague, Ze Big Oane. Quand elle arrivera, je serai complètement le seul à surfer dessus.
_ Les autres te suffisent pas ?
_ Mais tu m’as confondu avec une merde ? Je te parle de my Vague »
me sortit-il très rapidement, comme surpris que je dise ça. « Ecoute, c’est pas pour te blesser que je te dis ça mais… hésite pas à dégager, tu pollues la mer offshore là.
_ Quoi ?
_ J’taicasséééé ».


Après m’être barré de cette espèce de crétin inconséquent, j’avais l’impression que mes ennuis habituels étaient passés dans les médisances d’autrui. Puis, ses prédictions néfastes d’un tsunami me firent hérisser le poil. Je pouvais piner la gueule à des Voyageurs, mais pas à une grosse vague. Et il semblait vraiment sûr de lui.

En tout cas, c’était soirée blonde aujourd’hui.

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Lithium Elfensen
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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyMar 13 Déc 2011 - 10:11
"Hawaiian Roller Coaster Ride."




.

Ainsi qu'elle l'espérait, il prit une planche de ses mains.
Une expression de bonheur transcenda son visage, et illumina ce dernier de toute la satisfaction possible. Apparemment, ils allaient enfin pouvoir s'amuser ensemble. Quitte à se retrouver dans un royaume infiniment paradisiaque, autant en profiter un maximum ! Et Lithium comptait bien se donner à fond pour pouvoir tenter d'oublier les fantômes criminels qui la suivait constamment. Ce soir, elle était seule. Complètement seule. Plus personne ne volait à ses côtés, l'œil morne et la respiration saccadée. Pas la moindre brise ne lui soufflait dans l'oreille toutes les horreurs qu'elle avait bien pu commettre en étant cette autre qu'elle était également. Pas un grain de sable ne tourbillonnait autour d'elle, lui susurrant mesquinement ce qu'elle avait auparavant commis.
Dorénavant, plus rien ne lui importait davantage que le divertissement et l'oubli de "l'actualité en cours". Cette nuit, au moins pour cette nuit, elle ne serait plus qu'une simple et innocente jeune fille sur une banale planche de surf, voguant sur le large, au gré des marées indisciplinées. Et voilà qu'elle se mettait à faire de la poésie à présent. C'était bon signe dans un sens. Signe qu'elle allait très bien, mais que la mélancolie s'emparait à la fois d'elle. Un sentiment romantique de plus à rajouter à ce paysage enchanteur, se dit-elle. Merci Friedrich et ton tableau.

Elle fut ravie d'entendre que Ed semblait savoir surfer.
Heureusement, car elle n'aurait pas su quoi faire d'autre avec lui.
Et puis, survoler la mer, la caresser du bout des doigts, jouer avec elle, il n'y avait rien de mieux.
Tout en la remerciant, il l'a délesta d'une planche, et lui indiqua un coin exclusivement réservé à ce sport extrème, histoire de ne pas "percuter un môme" comme il dit. A ces mots, elle eu un léger sourire. Au pire, ce gamin aurait fait un mauvais rêve, et en prime, aurait gagné une bien jolie bosse en guise de souvenirs. Pauvre bête. Le point que la jeune fille retint plus exactement, fut le fait que les vagues y étaient nettement plus imposantes.
Cela était effectivement un aspect catégoriquement intéressant pour s'éclater en mer. De plus, cela démontrait un certain penchant pour la difficulté chez le voyageur. Il n'était pas étonnant ensuite qu'il se retrouvait constamment au beau milieu des ennuis. Si il recherchait toujours à atteindre la plus haute d'entre les montagnes, logiquement, une avalanche finissait toujours pas se déclencher pour entraver son ascension. Ou un Dahu maladroit viendrait lui faucher les jambes à la descente. Cette image était en fait largement plus probable. En revanche, cela pouvait également laisser supposer qu'il se laissait volontiers envahir par l'adrénaline pour ajouter un peu de piment à ses nuits. Si cela était le cas, alors Lithium en serait d'autant plus enjouée.

Elle était dopée à l'adrénaline.
Plus elle était en danger, plus elle appréciait l'instant présent.
C'est quand la mort nous a frôlé de près que nous accordons davantage de valeur à notre vie.
Malheureusement pour la demoiselle, elle fonctionnait ainsi. Elle devait toujours se retrouver en position à risques pour pouvoir se sentir vivante, pour exister. Malgré son jeune âge, elle avait déjà presque tout tenté. Ou du moins, essayé. En sports nautiques, elle y allait doucement; le surf était un hobby comme un autre par exemple. Même si elle se débrouillait plutôt bien pour une femme de sa corpulence. Il lui arrivait parfois de faire de la planche à voile, mais ça, c'était gentil. Et puis, généralement, elle en détournait l'utilité première.
Il lui était arrivé une fois, tellement son poids était léger à cette époque, de s'envoler avec la voile. Mais seulement la voile. Heureusement pour elle, son voyage aérien s'était achevée sur un touriste américain qui attrapait un coup de soleil par là, une glace à la menthe dans les mains. Le Kite-surf néanmoins lui était encore inconnu. Sa découverte n'était qu'une question de temps. En revanche, le Jet-ski ou le Ski nautique, ça, elle le pratiquait dès que l'occasion se présentait. La première fois qu'elle avait grimpé sur l'un de ses engins marins, sa mère avait cru sa dernière heure arrivée. L'allure à laquelle elle filait sur la surface de la mer était tellement insensée, qu'une fois sur la terre ferme, les jambes de sa génitrice flageolaient de terreur, et sa démarche était quasi-incertaine de son but. Qu'est-ce qu'elle avait rit ce jour-là..

Elle suivit donc, en trottinant, Ed jusqu'à la parcelle de plage indiquée.
Cependant, elle n'en omis point sa fleur, et préféra la déposer sur sa serviette.
Arrivée à un certain moment, ses pieds s'enfonçaient goulument dans le sable chaud.
On aurait dit de la poudreuse ferme tant la consistance des dunes était molle et épaisse.
Cela lui donnait presque envie de prendre un billet immédiat pour Mégève, rejoindre sa tante, et skier sur le flanc des montagnes alpines. Projet qu'elle réaliserait sans aucun doute dans les mois qui suivraient celui-ci, se promit-elle. Quand ils arrivèrent face à la mer, elle resta sans voix, à la fois médusée et émerveillée par la prestance des vagues.

Rien n'était symétrique, tout n'était qu'instinct.
Quelques surfeurs, expérimentés ou non, étaient déjà dans l'eau.
Mais Lithium préférait d'abord admirer ce qui défilait sous ses yeux ébahis avant d'y entrer.
L'allure de ces rouleaux aquatiques étaient telle que l'on en était immédiatement subjugué de ravissement. Cette contenance, cette grâce et cette puissance dans leurs mouvements constants les rendaient irréelles, transparentes. Pas le moindre défaut ne pouvait venir entacher cette beauté qu'elle décelait dans ce paysage maritime. La mer avait beau être aussi dangereuse et cruelle qu'elle était belle, la jeune femme n'en avait que faire. Bien au contraire. Elle lui ressemblait à cette vaste étendue d'eau. Impitoyable, mais à la fois généreuse. Féroce, mais aussi douce que sa surface. Sa malléabilité n'était qu'une illusion qui nous laissait croire ostensiblement à notre supériorité face à elle. Il en était rien. L'océan était le maître de toute vie, et quiconque entrait en ses eaux, devenait prisonnier de ses filets.
Les tonneaux qui s'écrasaient sur la berge laissait sous-entendre une force incommensurable, il ne valait mieux pas pour une tierce personne, de s'y retrouver coincé en dessous. La fermeté et l'intensité de ces vagues lui rappelait celles de Rio de Janeiro au Brésil. Quand elle était plus jeune, elle y était resté quelques jours avant de se rendre à Imbassaï, avec sa mère et son frère, pour y rejoindre son grand-oncle et sa femme. Dans la ville du fameux carnaval rythmé au son de la Samba, elle avait eu affaire à cette mer vicieuse et doucereuse. Plusieurs fois, elle manqua de se faire happer par cette dernière, étouffant dans ce mélange de sable et d'eau hautement salée. Les vagues, même une fois au sol et en apparence inoffensives, l'avait désarmé et l'avait envoyé au sol. Dans les quelques minutes qui suivirent, une seconde était venue se briser sur ses jambes, l'a déstabilisant avec rage, tout en l'envoyant violemment au tapis.

Parfois, il valait mieux ne pas se fier à la mer.
Elle était bien trop imprévisible pour que l'on soit certain de son acte prochain.
Mais c'était justement ça qui était bon ! Ne pas savoir ce qui nous attend, la surprise de la suite.
On ne pouvait rêver mieux. Découvrir petit à petit ce que la vie nous réservait était une chance qu'il ne fallait pas rejeter. C'est pourquoi elle ne comprenait pas non plus ces gens qui s’entêtaient à consulter ces soi-disant voyantes et autre charlatans de la vision interstellaire. Ces personnes-là n'étaient que des imbéciles, terrifiés à l'idée de commettre une erreur qui compromettrait leur existence toute entière. Mais c'est de nos erreurs que nous apprenons. Une vie parfaite, sans accrochage et aucune difficulté ne valait pas la peine d'être vécue. C'était en tout cas ce qu'elle pensait à ce sujet. Ainsi, à chaque proposition de la mère de sa meilleure amie de lui tirer les cartes, elle répondait à la négative. Le destin n'était pas véhiculé par de simples morceaux de plastiques géométriques. A nous de le construire.

Ed n'attendit pas une seule seconde pour se jeter à l'eau.
La jeune fille en fut hautement surprise, mais aucunement impressionnée.
Au moins, il était réellement enthousiaste à l'idée de monter sur les planches.
Elle en fut d'autant plus ravie et enchantée. Peut-être n'était-il pas aussi coincé qu'il en avait l'air.
Avec ses lunettes violettes, et son allure de pseudo-détective spécialisé dans les problèmes psychologiques de criminels, il semblait tout bonnement trop sérieux. Vraiment trop. Ce n'était pas possible d'être ainsi. Cette activité lui permettrait sûrement de briser cette image qu'elle possédait de lui en cet instant.
Elle le regarda s'éloigner en battant des jambes, silencieuse. Étrangement, pour une raison qu'elle-même ignorait, elle hésita à le rejoindre. Et si par malchance, elle s'étalait ? Ce serait un peu honteux tout de même. De plus, elle avait de l'expérience, cela ne pouvait point lui arriver. Non. Enfin.. Non.

Soudain, elle inspira un grand coup et s'engouffra dans l'eau à son tour.
Elle frissonna un court instant, mais se reprit vivement. La mer était d'une fraîcheur revigorante.
L'intégralité de son corps ruisselant fut parcouru de picotements, tel un doux et agréable courant électrique. La planche sous le bras, elle s'avança avec prudence, vérifiant sans arrêt si un malencontreux crabe ne passait point par là. Elle avait en horreur ces bêtes-là. Et puis, ça fait mal ces sal*peries !
Une fois suffisamment éloignée de la berge, elle déposa sur la surface de l'eau claire sa planche, puis, avec douceur et maîtrise, elle s'y installa avec adresse. Une fois correctement et confortablement installé, elle ramena contre son buste sa jambe droite et y accrocha le scratch. S'ensuivit une modification de la teinte et des nuances de couleur de sa planche. Au départ, elle vira au bleu. Lithium nota que cette couleur était synonyme du rêve, de la loyauté, de la vérité mais également de la mélancolie. Ensuite, les traits tournèrent, et un semblant de rouge vint teinter le bout de bois lustré. Elle déglutit à cette vue. Généralement, cela symbolisait l'amour et la passion. Mais négativement, elle représentait également la colère et le danger, et par la même occasion le sang. Une boule vint se coincer dans sa gorge, manquant de la faire pleurer. Ses joues s'enflammèrent de rancœur à l'égard de sa propre personne. Finalement, tout se mélangea devant ses yeux, et les couleurs définitives s'accrochèrent enfin à la planche. La tête était d'un bleu azuré, clair et lumineux. Quant à la queue de l'objet, elle étincelait d'un rouge sang éclatant, le tout saupoudré d'une pointe de vermeil. Cependant, étonnamment, les deux teintes colorées se combinaient en une sorte de spirale violette au centre. Une chose pour le moins bizarre sur laquelle elle ne préféra point s'attarder. C'était un détail qui ne méritait pas son attention.

Une fois solidement lié à sa planche, elle s'installa sur le ventre et commença à crawler en direction de Ed. La voyageuse battit puissamment des bras, glissant sur les vagues enfantines, et s'arrêta finalement derrière le blondinet aux lunettes fumées. Elle jeta un coup d'œil à la planche orangée du garçon et en éprouva un certain pincement au cœur. Couleur de la créativité, de la joie et de l'optimisme, mais également du kitch, elle n'en était pas moins sa seconde couleur préférée avec le jaune. Dommage. Au moins, elle ne pouvait pas dire que la sienne n'était pas colorée.. C'était vraiment un cocktail explosif cette chose. A l'instant même où Ed lui intima qu'il était temps de s'y mettre, une vague prit naissance juste sous leur nez. Celle-là, ils ne pouvaient pas la louper.

Pour seule réponse, elle se mit à battre avec force des bras, un immense sourire aux lèvres.
Il fallait qu'elle gagne de la vitesse, beaucoup de vitesse, avant que la vague ne décide de se soulever.
Une fois que sa vitesse fut correctement ajustée, elle sentit enfin un changement dans le comportement du rouleau aquatique. Il était temps de s'y mettre. Elle rama avec davantage de rapidité, puis se souleva sur ses jambes, redressa son buste et plaça sa jambe gauche à l'avant de la planche. Bien qu'elle était classée dans le camp des Regular, elle était tout autant capable d'être dans la catégorie des Goofie. Certes, si on la poussait en avant, elle se réceptionnait sur sa jambe droite, mais elle avait largement plus de stabilité sur sa gauche que sur l'autre. Et lorsqu'elle faisait du snowboard, chose qu'elle n'accomplissait que rarement vu que sa loyauté allait au ski, elle ne ressentait aucune différence dans les techniques utilisées.
Dans un sens, elle était assez polyvalente, un peu ambidextre des jambes en quelque sorte. Mais la position Regular était la plus sûre pour elle. Les autres termes, elle ne les connaissait pas. Elle ne se souvenait que de ces deux-là, expliqués au cours d'une tentative d'apprentissage en groupe, finalement délaissé par la jeune fille, n'appréciant pas les manière du professeur.

Elle adopta une posture penchée, recourba le dos et fléchit ses membres inférieurs.
Son esprit se vida totalement, laissant place à une sensation de sérénité, d'une plénitude doucereuse.
Le vent souffla dans ses cheveux dorés, bouclés et ondulés par l'air salé de l'océan. Elle fut effleurée par la fraîcheur de l'air, et frémit à son contact. L'atmosphère était parfaite pour une virée solitaire en mer. Bien qu'elle lui avait quelque peu imposé ce choix, ce sport ou occupation était initialement réservé pour des trips en solo. Bonjour l'activité en groupe !
Et là, elle l'a vit. Elle l'a sentit du plus profond de ses membres.
Son corps tout entier ressentit ce soulèvement océanique, puissant et enivrant. Instantanément, tout en retenant son souffle, elle retourna d'un coup sec et contrôlé sa planche, se releva quelque peu, puis glissa à tout vitesse et en toute impunité sur sa surface. Elle plia de nouveau, mais davantage, ses jambes, prête à ramener son support de glisse contre elle et son torse. Une fois certaine de la suite de son projet, elle s'accroupit et acheva sa manœuvre.
Spoiler:
Elle se sentit revivre un court instant, sereine et paisible. Non seulement elle maîtrisait la situation, mais elle en était maîtresse incontestée. La mer accompagnait ses mouvements sans rechigner une seule seconde. Son timing était parfait, même pas besoin de calculer. Qui compterait le laps de temps entre une vague et une autre, sérieusement ? Elle voguait sur l'océan en parfaite touriste. Cependant, l'adrénaline n'y était pas encore. Elle devait persévérer pour espérer ne serait-ce seulement que la caresser.

Elle recommença.
Plusieurs fois. inlassablement.
A mesure qu'elle ramait avec force jusqu'aux murs écrasants d'eau et de sel, ses muscles se tendaient, son cœur battait à une cadence nettement plus rapide que son rythme habituel. Cela commençait enfin. L'envie arrivait, la passion l'enflammait d'un désir ardent de briser cette vague par sa technique, de lui imposer de se séparer en deux parties distinctes tel Moïse et l'indomptable Mer Rouge. Ouais bref, n'exagérons rien. Elle s'amusait en quelque sorte.
Une fois face au monstre salin, elle pagaya avec rage, se releva promptement et hurla finalement de jubilation, d'un cri de joie mêlé à une clameur de victoire. L'écume moussante décorant les plis saillants de l'océan s'accrochait à sa peau imprégné de cristaux saumâtre. Elle virevoltait sur les vagues, caressant de ses doigts leur étendue, zigzaguant sur sa surface lisse mais néanmoins fougueuse. A chaque secousse envoyé à son intention par la mer, elle ramenait contre elle sa planche, esquissant ainsi un ballet artistique, accompagné par cet océan impétueux qui grondait d'allégresse. Elle réitéra ses tentatives infatigablement, ne tarissant point sa réserve d'énergie monstrueuse, cette soif de risque et de perdition grandissante. Si dans le monde réel elle savait déjà maîtriser une planche comme pas deux, ici bas, elle la dominait de toute sa hauteur.

Un souffle léger la mit en alerte.
Cette odeur, ce roulement de tambour..
Quelque chose allait arriver, une chose énorme.

Ce qu'elle attendait, c'était LA vague.
La vague de la mort qui tue, qui déchire sa grand-mère en string à coups de bambou.
Cette vague là-bas en fait dans un sens, nota t-elle d'un haussement d'épaules, surfant toujours avec adresse. Soudain, son cœur s'arrêta, ses jambes se crispèrent, et un frisson lui parcourut violemment l'échine. Une forme hallucinante, quasi-surnaturelle se matérialisait non loin d'elle. Un relief insolite qui rendait la mer irréelle. Un tube. Un tube s'apprêtait à se former et à apparaître sous leurs yeux. Une occasion comme celle-là ne pouvait pas être ignorée. C'était maintenant ou jamais.
Instinctivement, elle chercha frénétiquement Ed du regard. Quand elle put enfin l'apercevoir, elle le vit en compagnie d'une grande blonde élancée, à moins que ce ne soit un homme ..? Qu'importe. Là n'était pas la question. Elle hurla à son intention, le tout en agitant furieusement les bras dans l'espace aérien. D'une voix tonitruante, accompagnant la brise qui se faisait d'autant plus cinglante, elle vociféra:



"EEEEEEEEEEED !
Y'A UN PUTA*N DE TUBE, LA DROIT DEVANT !!!
MAGNES-TOI, IL VA ETRE GIGANTESQUE !
ON NE PEUT PAS LE LOUPER !!!!!"



C'est parti.
Il était temps de se jeter sur la cible.
Tel un oiseau de proie, Lithium fondit sur la vague naissante.
Elle pagaya avec rage, brûlant d'une ferveur habituellement peu commune.
Jusqu'ici, elle n'avait jamais eu l'occasion de connaître la sensation que procurait un tube.
Tout ce qu'elle en savait, c'était Point Break avec Patrick Swayze, ou des vidéos à la télé et sur le net.
Aujourd'hui, une occasion en or se présentait à elle et Ed. Ils se devaient de la saisir de toutes leurs forces et de ne pas la lâcher.

Maintenant.
La vague s'éleva devant elle.
Elle en eut le souffle coupé, envahi d'une légère appréhension mêlé de terreur.
Et si elle se faisait engloutir par cette chose ? Et si elle faisait un faux mouvement et glissait ?
Non, il ne fallait pas qu'elle pense à tout cela, son esprit devait absolument se vider de toute pensée hautement négative et influençable.

Un imposant mur d'eau s'installa devant sa rétine, et elle pivota, s'engouffrant dans ce tuyau aquatique. La jeune fille aspira une immense bouffée d'adrénaline, son cœur accéléra sa cadence cardiaque déjà bien élevée. Elle était dans le tube. Cette somptueuse sensation de réussite et de victoire était tout simplement exquise. Jamais elle n'avait ressenti un tel sentiment jusqu'à ce jour. Concentrée, elle maintint son équilibre sur la planche colorée sur laquelle elle se tenait. Elle devait se projeter au loin, ne pas perdre des yeux cette pointe de lumière qui stipulait l'existence de la sortie de ce gouffre d'eau. Ce voyage lui sembla interminablement ensorcelant. Elle aurait voulu que ce trajet dure davantage encore.
Doucement, elle voulut tenter une imbécilité. Celle-ci aurait pu la faire tomber si elle n'y était pas allé avec attention, mais il n'en fut rien. Précautionneusement, elle effleura de ses doigts le bleu de l'océan qui s'enfuyait à ses côtés. Elle ria intérieurement, et un large sourire éclaira son visage. C'était juste une formalité, elle en avait toujours rêvé. Pouvoir toucher cette surface immuable et intangible, était une chose à laquelle elle avait toujours aspiré. Idiotie qui était à présent devenue une réalité.

Le grognement assourdissant de l'eau qui s'écrasait à mesure que le canal avançait lui bouffait les oreilles, l'isolant intégralement de ce qui l'entourait. Elle ne vit, et n'entendit, donc point cette forme noire aux contours sombres qui flottait dans les alentours troubles qui se situait à sa gauche. Perdue dans sa contemplation des rayons du soleil traversant le tube, elle ignorait ce qui se passait. Lorsque cette "chose" agrippa son tibia, elle émit un violent cri de stupeur, pétrifiée d'une soudaine horreur. Une créature venait de la toucher ! Qu'était-ce ? Ou était-ce ?
Elle retira brutalement sa jambe pour la ramener du côté de sa seconde gambette. Stupidité de sa part. Elle perdit l'équilibre. Elle vacilla d'avant en arrière, tentant maladroitement de récupérer son point d'appui. Non ! Elle était presque sortie, elle ne pouvait pas s'écrouler maintenant ! Déterminée à ne pas tomber, elle esquissa tout un tas de mouvements stupides et débiles pour se rattraper. Elle battit des bras dans l'air, grimaçant à l'idée de s'écraser sur l'eau. L'on aurait dit un oisillon qui souhaitait quitter le nid et voler pour la première fois. Une jambe s'envola en avant, puis se jeta en arrière, manqua de s'engouffrer dans l'eau qui composait le mur épais et compact des fondations du tube. Elle poussa quelques cris aigus et des marques d'améliorations de son état. Finalement, après une ridicule danse de la joie, elle réussit à récupérer sa place sur la planche et à continuer en direction de la lumière. La sortie.

Les rayons chauds de l'astre solaire la transperçèrent de leur chaleur.
Elle relâcha ses bras, et par la même occasion, la pression qu'elle avait ressenti.
Elle s'écrasa sur sa planche, se laissant vaguement glisser sur l'océan, incertaine de sa destination.
Une sale bête avait failli tout gâcher. Cependant, elle avait réussi. Quel bonheur elle en ressentait à présent ! Lentement, elle se redressa, assise sur son postérieur, les pieds dans l'eau, et attendit que Ed la rejoigne à ses côtés, histoire qu'ils partagent leurs aperçus de cette aventure.





(HRP: Désolée pour ce laps de temps monstrueux..)
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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyJeu 29 Déc 2011 - 15:49
Les vagues me soulevaient avec régularité et sans trop me décaler par rapport aux piquets sur la plage ; fallait croire que le courant était quasiment inexistant, et qu’il n’était là que pour ne pas donner un air trop artificiel à cette plage qui sentait quand même bon les forces naturelles sous le service public. Je me retournai justement pour rechercher la blonde des yeux. Je sondais chaque surfeur, éloignés à des dizaines voire des centaines de mètres de moi en tentant d’apercevoir la fille qui devait se trouver quelque part, à moins qu’une vague n’était en train de la soulever, hors de mon champ de vision. Je réajustai mes lunettes de soleil sur mon nez d’un doigt habitué et m’éloignai du gars jaunâtre pour me diriger plus vers la plage. Ses prédictions stupides allaient me faire glacer le sang : sans être phobique, j’avais peur des puissances impressionnantes que pouvaient dégager la mer. Il suffisait d’une vague pour planter n’importe quel individu dans le sable ; il suffisait d’un éternuement pour créer une baïne ; et des milliers de choses qui donneraient l’envie à un enfant de continuer ses vacances au ski, et de ne jamais plus revoir la mer autrement que sur une carte postale. Et ce n’était pas comme si les hommes pouvaient appréhender toute l’immensité culturelle, géographique, physique et autres, des océans. La mer était une inconnue et la seule chose qu’on pouvait y faire, c’était de se tremper les pieds sur la plage. On était allés dans l’espace, mais on n’arrivait toujours pas à entrer dans les profondeurs de l’océan.

Je m’assoupis sur ma planche à cause de la fatigue qui vint engourdir mes membres ; maintenant que j’avais fait retomber un peu l’adrénaline, la fatigue commençait à reprendre le dessus. Je me sentais un peu moins dans le coup qu’auparavant, et ça me brisait un peu les burnes. Etrangement, sans faire de parallèle égocentrique, je sentais que les vagues se faisaient de moins en moins fortes. Je montais moins haut, descendais plus bas et l’espace entre les différentes vagues avaient tendance à s’allonger, comme si on aspirait leur vitalité. Je me remis à penser à l’immense vague qu’attendait cet espèce de crétin, et dénigrai les pensées qui me menaçaient de tsunamis. Je n’avais pas que ça à faire de céder à la peur dans un endroit qui était dédié au fun et toutes ces bêtises. C’était un Royaume tranquille dont la vocation était de calmer les esprits qui y vagabondaient, Rêveurs, Créatures des Rêves ainsi que Voyageurs. Ce n’était pas pour provoquer des catastrophes climatiques, survivre à des éruptions atomiques et se battre contre des individus d’autres archipels qui vivaient encore comme les sauvages d’autrefois, dont la société était gouvernée par la chasse, la pêche, et les dons. Alors, il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. J’allais tranquillement reprendre mes esprits, m’étirer et repartir à l’assaut des vagues qui me catapultaient gentiment avant de me relâcher. Aucun problème, les cons restaient des cons et ce qui sortaient de leur bouche étaient généralement des conneries. Oui, mais voilà, ce n’était pas parce que c’était sorti de la bouche d’un idiot que ça ne pouvait pas se réaliser. Les coïncidences étaient justement là pour ne pas déprimer les crétins.

Je vis soudainement quelques surfeurs regagner le rivage, pointé le doigt vers l’horizon avec différents sentiments qui allaient de la peur à l’émerveillement, je voyais même pas mal de têtes se tourner sur la plage, gueuler quelques trucs que le vent et la distance effaçaient, et chacun se mit à décaler sa serviette vers l’arrière et sur les côtés, de façon largement distincte. J’étais dos à l’horizon, je ne pouvais donc pas savoir ce qui se tramait dans mon dos, mais je me mis déjà à maudir les puissances divines qui ne pouvaient pas se refuser une bonne blague quand j’étais dans les environs. Je fis un immense soupir qui dura le temps que je me retourne entièrement pour constater de mes yeux la monstruosité aquatique qui gâchait l’horizon et prenaient des proportions de plus en plus importantes au fur et à mesure qu’elle approchait. L’eau semblait vrombir au fur et à mesure de son avancée. Ce qui était étrange, à chaque fois, c’était que la vague semblait arriver dans moins de cinq secondes, et pourtant, elle semblait si éloignée qu’il lui faudrait parcourir deux kilomètres environ avant de me menacer. Dire que je la voyais d’aussi bien alors qu’elle était si éloignée… Je ne voulais pas savoir le mur d’eau que ça serait quand elle se sera rapprochée : la proximité ainsi que l’eau qu’elle allait amasser comme une boule de neige lancée sur une pente couverte de poudreuse allaient lui donner une taille phénoménale que je ne parviendrais pas à mesurer à l’œil. Putain de bordel de merde, j’étais si éloigné de la plage que mon cœur commençait à se serrer dangereusement. Il fallait que je me casse bien vite. J’entendis la voix de Lithium traverser la distance pour me dire qu’il fallait absolument qu’on la prenne. Je lui fis un signe explicite en agitant ma main paume ouverte comme pour faire un coucou, mais le geste du poignet est plus insistant, pour signifier « Compte pas sur moi ». Mais elle continua à se diriger vers la vague avec un enthousiasme que je ne pouvais pas lui enlever. Je répondis à voix basse pour me parler à moi-même :


« Bien sûr que si je vais le louper ce tube. »

Je me mis à observer la Voyageuse se diriger vers cette immense vague, battant bras et jambes pour obtenir un timing irréprochable. J’attendis deux secondes, puis je me remis à avancer vers la plage. Je le rappelais, mon expérience en tant que surfeur était moins importante que la liste des promesses tenues par les présidents de la République Français. Je savais juste me tenir dans la position basique, tentant juste par l’instinct de trouver mon point d’équilibre, tombant sur les petites vagues par manque flagrant de pratique. Ce que je venais de faire ce soir était ma meilleure série, et n’allait certainement pas se conclure par une chute de plusieurs mètres spectaculaire, qui repasserait en boucle dans ma mémoire comme un cauchemar qui refusait de me réveiller. Et où je hurlerais comme un dément avant de me noyer sous l’eau et de me faire balloter par les courants formidables que devait employer cette trombe d’eau. Non, très peu pour moi. Je n’étais pas du genre à chercher le bâton pour me faire battre, quelle que soit la nature du bâton ; une sorte de tsunami en devenir n’était pas mon fouet préféré en plus. Je n’étais pas du tout contre de m’engager dans un tube, et j’avais tendance à sauter les étapes dans différentes disciplines à cause de mon caractère impatient importé tout droit de Dreamland. Mais voilà, même là, je savais qu’il y avait un moment où la difficulté était bien trop difficile et qu’il valait mieux abdiquer. Je n’avais pas la force nécessaire, je ne pourrais pas affronter ce cataclysme humide. Il y avait des limites aux étapes qu’on pouvait ignorer en misant tout sur la chance. Et puisque le surf n’était pas mon activité préférée, je n’étais pas prêt à sacrifier trop pour obtenir des résultats probants. Je n’étais pas véritablement fan des sports en mer (je venais de vous parler de la peur latente que me provoquaient cette importante masse d’eau inconnue). Le surf était fun, mais pas assez pour justifier qu’à mon seul niveau, je fonce sur le mur avec un entêtement abruti et suicidaire. Donc, non, je n’irais pas foncer dans ce mur.

Ce qui était largement plus facile à dire qu’à faire. Parce que si toutes les vagues avaient perdu de leur vigueur, c’était parce qu’elles se préparaient à se rassembler en un seul point dévastateur. De cette expression, on pouvait en retirer le fait que l’océan était en train de se faire aspirer par ce chaos d’écumes et de grondements… ainsi que tous ceux qui en étaient un peu trop près. On pouvait voir cela comme le siphon d’une baignoire, avec des conséquences opposées. Et relativement dangereuses. Je pédalais dans la semoule, donc. Mes bras et mes jambes entraient dans l’eau et en ressortaient en faisant autant de bruit que l’immense trombe. Malheureusement, toute la force que j’y mettais ne servait pas à grand-chose face à l’inspiration de la vague. Je ne savais pas si vous voyiez parfaitement le problème : aviez-vous déjà été en situation dangereuse près d’un rivage, et que vous tentiez de foncer et foncer vers celui-ci alors que les vagues et le courant vous compliquaient la tâche, sans compter le fait que vous évaluiez très mal les distances dans l’eau à cause d’un manque certain d’expérience dans ce domaine et les vagues s’écrasant sur le sable modifiant sans arrêt les distances ? La réponse était : on avait l’horrible sensation, comme un cauchemar, que malgré tout l’effort qu’on déployait, on ne parvenait pas à avancer. Soit on ne parvenait effectivement pas à avancer à cause de la trop grande force d’attraction ou des courants belliqueux, soit tout simplement, on avançait mais on ne s’en rendait pas compte. Et comme on ne parvenait pas à faire la différence entre les deux, alors il suffisait de croiser les doigts et d’espérer se retrouver sur la plage quelques secondes plus tard, exactement comme par magie.

Que dire de ma progression ? Mi-figue, mi-raisin. Je ne savais pas vraiment mais je pensais que je parvenais à avancer. Surtout, je n’étais pas trop stressé du fait de la raison suivante : j’avais des paires de portail à utiliser, et les cinquante mètres environ qui représentaient la distance maximale entre chaque porte me permettraient largement de pouvoir traverser la vague sans aucun autre effort et sans crainte de se retrouver à moitié crevé sur la plage. Donc, il n’y avait pas vraiment de quoi paniquer. Quand on arrivait à se dire qu’on n’avait pas besoin de paniquer quand une vague géante allait vous engloutir, c’était généralement qu’on avait atteint un bon niveau dans la maîtrise de son pouvoir (ou que ledit pouvoir permettait quelques facilités). Je jetai un coup d’œil derrière moi pour vérifier l’avancée du mur d’eau. Et non seulement je me rendis compte qu’il n’était pas très loin, mais surtout, je vis une ombre étrange dans l’eau, comme un énorme déchet qui surferait en même temps dans la vague. J’émis une grimace en remarquant qu’elle faisait bien une dizaine de mètres sur une quinzaine. Je cherchais rapidement Lithium du regard pour savoir si elle n’avait rien à craindre de cette apparition gigantesque. Je ne compris que la seconde d’après que mon surf se mit à se relever gentiment à cause des prémisses de la vague. Et je vis enfin la Voyageuse surfer, aux frontières de l’ombre, laissant un sillage d’écume. Le grondement s’intensifiait de plus en plus et je pouvais toujours rêver pour me sortir de l’emprise démente de la vague. De plus, il me suffirait de quelques secondes pour que je finisse en plein milieu de cette ombre géante. La dernière chose que je remarquais ensuite fut que le blondinet n’était pas visible du tout. Avec un peu de chance, il s’était fait balayer comme le fétu de paille qu’il était. Et si je ne me décidais pas de suite d’une stratégie, ça allait me broyer aussi.

Calmement, je réussis à me relever sur ma planche de surf, trouvant un équilibre plutôt bon puisqu’il se révéla être satisfaisant. Je me mis à m’envoler après avoir gagné un peu d’élan au tout. Et peu à peu, je me relevais au fur et à mesure, gagnant de la vitesse et me profilant à mon tour dans une sorte de tube démentiel qui aurait pu se transformer en tunnel alpin autoroutier. L’ombre qui se cachait dans les flots était moins visible qu’avant mais je savais que j’étais en plein dedans. Je voyais devant moi, comme une sorte d’ange dansant dans les cieux et les nuages, Lithium qui continuait son périple en maintenant le cap avec une grâce impressionnante pour un être aussi chétif, dans un cadre aussi monstrueux. Je n’étais pas encore entré dans le tube et j’en étais ravi. Déjà que je ne me sentais pas surf pile à ce moment, ce n’était pas pour qu’on me refourgue dans un immense tube d’où ma marge de manœuvre serait réduite. Enfin, ce n’était pas comme si je parviendrais à faire demi-tour. Ma planche de surf balbutia devant la puissance phénoménale de la vague et je dû me contenir pour ne pas me casser la gueule. Je n’avais pas un équilibre parfait, mais j’avais trop peur de décoller mes pieds ou de les faire glisser sur une planche en plein dans un immense colosse d’eau.

Et avant de rentrer dans le tube, il me fallut affronter un stéréotype plutôt flippant : l’ombre qui se déployait devant moi et dont je pouvais voir le dernier tiers bougea. Et une paupière s’ouvrit et se tourna, si bien qu’au milieu de cette étrange monstruosité que je ne pouvais appréhender du simple regard, une sorte d’œil jaune floutée par l’eau et les remous frôla la surface sans la crever. J’entendais presque des violons monter dans les aigus pour souligner le caractère ignoble de cette découverte. Ce fut le détail de trop : mon pied pour une raison tout aussi obscure que l’ombre dérapa solennellement, sans me laisser le temps de rectifier quoique ce soit. J’eus trois pensées qui arrivèrent dans cet ordre dans un intervalle de 0,003 secondes : il y avait des chances que nos serviettes soient trempées (c’était maintenant que je captais), que j’allais tomber, puis enfin seulement les terribles conséquences d’une chute. Je me mis à tomber et ma planche de surf fut obligée de suivre le mouvement à cause du cordon qui nous maintenait tous les deux ensembles. Je pouvais entendre la planche me maudire tandis que j’étais en train de tomber sur plusieurs mètres. Ce fut la vague qui me rattrapa avant que je ne rattrape la mer. L’élan que j’avais obtenu de la chute plus la force indomptable du tsunami firent que je fus trimballé dans l’eau salé comme un vulgaire… fétu de paille. Je sentais les courants me donner des coups de poings, me faire faire des roulés boulés dans de l’écume et me crapahuter jusque sous le plancher des algues, le tout sans que je puisse rejoindre la surface. Vous saviez comment c’était dans ces moments-ci ? Vous aviez peur de ne plus pouvoir respirer alors que vous n’étiez pas passés cinq secondes dans l’eau ? Bah là, c’était pareil, mais après une minute passée à se faire manipuler par tous les fonds marins. Je me mis rapidement à tourner de l’œil et fis tout mon possible pour prendre mon élan quelque part, même si le haut et le bas avaient changé de place plus souvent qu’à l’accoutumée si bien que j’en avais oublié les notions.

Je sentis une longue branche épaisse m’enserrer à la hanche. Je ne parvins pas à me débattre, même quand je sentis que cette longue branche n’était pas aussi inoffensive qu’elle voulait le faire croire. D’ailleurs, ça n’était même pas un bout de bois sous-marin, une algue ou encore un corail qui se serait échappé de son bassin. J’en eus même la certitude quand je fus soudainement soulevé hors de l’eau par une puissance mystérieuse (j’avais perdu ma planche, putain de merde). Je vis alors un tentacule violet sortir de l’eau et me soulever à plus d’une vingtaine de mètres au-dessus de la surface. Oh, bordel de bordel. Ce n’était vraiment pas juste toute cette connerie. Me voilà planté comme un débile à une trentaine de mètres par rapport au niveau de l’eau, à la merci d’une sorte de pieuvre à couleur étrange. D’ailleurs, je la vis un peu sortir de l’eau, me regarder d’un œil jaune avec une fente noire au milieu. Elle était gigantesque, et je ne savais pas si elle était plus grand ou pas que ses confrères du monde réel. Ce fut ma dernière réflexion avant que la pieuvre eut l’idée de me faire écraser sur l’eau. Je sentis comme une sensation de montagnes russes, l’estomac qui me remontait dans la gorge (de façon plus ou moins imagée). Le tentacule allait m’abattre dans la mer sans aucune concession. Je serais le clou de ce sublime spectacle et je n’allais pas me relever. Autant charger un camion roulant à cent kilomètres à l’heure avec ma tête. Mon pouvoir s’activa sous l’emprise de la peur et de la nécessité élémentaire de survie :

Premier Portail : A un mètre au-dessus de l’eau, prêt à me réceptionner et à m’empêcher de m’écraser comme un fruit trop mûr dans l’eau redevenue plus calme.
Second Portail : Ce portail-ci était tourné vers la plage, donc vertical. Il se situait à une vingtaine de mètres de hauteur, le plus proche possible de la plage.
Effet Provoqué : Au lieu de percuter l’eau de façon mortelle, je me retrouvais à continuer mon chemin dans les airs, de façon horizontale. La pieuvre qui ne s’était pas du tout attendue à ce spectacle, et possédant un cerveau modeste, défit ses tentacules par habitude, constatant trop tard que sa victime ne s’était pas terminé en steak dans un gros Splash. Si elle ne m’avait pas lâché, j’aurais tout tenté pour qu’elle le fasse. Donc ainsi, avec l’élan donné par le tentacule géant de la pieuvre, je fis un magnifique vol plané jusqu’à la plage, sans oublier de crier comme un fou furieux, bien entendu.

Je pouvais profiter du paysage, ne serait-ce que quelques secondes si cela m’intéressait. Mais finalement, ce ne fut pas ma préoccupation première : je fus trop occupé à chercher une solution pour me tirer vivant de ce lancer humain. Je pouvais utiliser une autre paire pour amortir ma chute. Ça ne serait pas une si mauvaise idée même si je n’aimais pas faire une consommation excessive de portails à la suite, à cause de ma trop grande frigidité à ce point de vue : je ne les utilisais pas beaucoup pour être certain de pouvoir les utiliser au bon moment. Alors quand venaient les instants où je dépensais plusieurs paires en un coup, j’avais l’impression de me tirer proprement une balle dans le pied. Une personne qui faisait un régime ne pouvait pas en une seconde adopter un caractère boulimique. De toute façon, je sentis que l’atterrissage ne serait pas trop douloureux. Pourquoi ? Peut-être parce j’avais enfin de l’expérience dans ce domaine, et que je sentais que je pourrais facilement survivre. En effet, le lancer avait été faramineux mais je perdais peu à peu de la vitesse à cause du frottement d’air bien connu. Et comme j’avais été lancé dans un cadre parfaitement rectiligne, faisant fi de la gravité par la puissance du lancer, je commençais peu à peu à ralentir tandis que la gravité reprenait ses droits. J’étais à une vitesse excessivement lente et le tentacule ne m’avait pas spécialement envoyé haut. Ce fut ainsi que je rebondis quasiment sur la place comme un galet plat qu’on envoyait faire des ricochets. Je sentis une douleur sourde sur mon ventre tandis que je fis un roulé-boulé sur la plage trempée pour continuer sur une dizaine de mètres avant de m’enfoncer définitivement dans le sable. Je comprenais mieux ce que pouvait ressentir un jouet quand on le balançait à travers la pièce. J’avais la tête à moitié enfouie dans le sable blanc, une jambe dépassant comme un poteau téléphonique. Le reste, j’étais en trop mauvais état pour faire l’inventaire des positions de tous mes bras, jambes et nuque.

Je me relevais douloureusement, enlevant de l’eau et du sable de mes oreilles en agitant ma tête. Je tentais de me réhabituer à la solidité du sol et marchais doucement et avec mes jambes tremblotantes jusqu’au rivage. Je voyais Lithium dans l’eau, plutôt proche du bord à un endroit où à cause de quelques récifs ou magies, les vagues ne la secouaient pas trop. Je tentais de la rejoindre en prenant la route la plus droite possible. J’avais mal au bide comme si mon nombril était le centre de gravité d’une pierre de cinquante kilos. J’avais aussi mal aux bras et à un genou. Je boitai avec ferveur quand je m’approchais de la mer, aussi pépère qu’une dame dans sa villa près de la piscine. Je cherchai un moyen de locomotion et le trouvai : sur la plage s’écoulait parmi les vagues une planche de surf jaune criarde. Trop pété pour avoir une once de regret pour le crétin, je pris la planche qui reprit vite une couleur orange et je me mis à nager maladroitement vers la Voyageuse. Je n’avais aucune idée de si elle avait compris l’énorme présence qui avait accompagné (provoqué ?) cette énorme vague. Elle ne s’était pas écrasée sur le bord, contrairement à ce que j’avais cru et donc n’avait pas emporté plus d’affaires que cela. Je rejoignis Lithium dans l’eau, du sable encore sur le corps et déclarai à voix lente :


« Je crois que je t’ai pas dit que je n’avais qu’une vague notion de surf. »

Le jeu de mot me passa totalement par-dessus la tête. Je continuai d’une voix monocorde et un peu brisé, après avoir toussé du sable qui s’était infiltré jusqu’à ma trachée :

« Peut-être que le Royaume était pas si calme que ça en fin de compte. C’était bien, le tube ? »
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Lithium Elfensen
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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyMer 12 Sep 2012 - 19:16
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Si le royaume était réputé pour être calme, et bien la brochure s'était bien foutu d'elle.
Qu'était cette chose, cette créature abyssale qui ne s'était point gênée de lui titiller le talon ?
Lithium s'étonnait de ne pas avoir ressenti l'aura, ni même la simple présence de la bestiole marine. Était-ce parce qu'elle n'était en aucun cas menaçante, ou tout simplement le fait qu'elle-même avait été assez stupide pour baisser sa garde ? C'était la première leçon qu'elle s'était inculquée après avoir commencé ses descentes dans les rues. Ne jamais, au grand jamais, tourner le dos à un ennemi. Et si t'as la flemme de te retourner, frappe par précaution, ou disperse des punaises sur ton passage. Tape d'abord, parle ensuite. Ah non, ça c'était avec les voyous.
Sans trop se poser de questions, elle se replaça correctement sur sa planche, glissant de sa position assise pour se retrouver à plat ventre. Elle enfonça ses mains dans l'eau fraîche de la mer, et pagaya en direction de Ed. Tiens, en y réfléchissant, elle ne l'avait pas vu dans l'étreinte du tube. Il s'était dégonflé ? Quelle lavette. En quoi était-ce effrayant ? L'adrénaline de se retrouver dans une telle merveille de la nature était au-delà de toute imagination. Le plaisir que l'on y ressentait, celui d'être au centre d'un évènement rare et puissant, imprégnait le corps de chaque être humain ouvert. Elle s'y était senti vivante en son sein. Et il avait loupé ça. Vraiment dommage.

Lithium soupira.
Il semblait connu dans Dreamland.
En quoi était-il aussi célèbre ? Qu'avait-il fait ?
Il fallait vraiment qu'elle se tienne au courant du jus.
Elle ne savait jamais ce qu'il se passait dans ce monde onirique.
Le peu de connaissances qu'elle avait accumulé, c'était lors de ses promenades et autres requêtes d'habitants de rêves. Elle ne connaissait strictement rien de cet endroit. Les Seigneurs que certains mentionnaient, les Rois, Reines, Ducs, alliance, allégeance et autres trucs de politiques attardés. Si une guerre éclatait, elle en serait la dernière informée. Et encore, ce ne serait que par un pitoyable hasard qu'elle se retrouverait sur les lieux du crime. Comme cette histoire qui la poursuivait encore. Ce gars là, ce Dimitri Vladof. Elle avait eu le malheur avec Vlad de se retrouver sur son chemin. Un malentendu monstrueux qui s'était terminé en un bain de sang. Encore. Le décompte serait long si elle devait être jugée pour ses actes. Étrangement, elle ressentait au plus profond d'elle-même que ce n'était que le commencement d'une longue série de cadavres. Pas qu'elle le souhaitait, mais quelque chose, quelqu'un d'autre le désirait ardemment. Et ce quelqu'un était en elle.

Mais qu'est-ce qu'elle racontait ? C'était insensé.
Cette personne, c'était elle-même, et elle seule bien sûr.
En chair et en os. Il n'y avait pas d'autre entité ni de personnalité dans son corps.
Elle était maîtresse de son âme et de sont destin, et aucun individu ne pouvait revendiquer ce droit. Elle cru entendre ricaner dans un coin de sa tête. Malgré le frisson qu'il lui parcourut l'échine lorsqu'elle perçut ce rire, elle continua d'avancer vers le blond. Il attendait tranquillement sur la plage. Décidément, les rumeurs qu'elle entendait à son sujet ne semblait pas se vérifier quand on l'observait en réalité. Il devait bien cacher son jeu. Très bien. Trop bien même. C'était ça l'ennui au fond. Mais là n'était pas la question. La déception qu'elle ressentait était celle d'avoir était completely alone dans son bonheur. Elle aurait bien voulu qu'il s'amuse un peu avec elle, histoire de se détendre. Elle n'allait pas le mordre. Enfin, normalement.
Une fois arrivée à une profondeur qui lui permettait de fouler le sable souterrain de ses pieds, elle descendit de son moyen de locomotion et marcha jusqu'à la rive où elle rejoignit Ed. La jeune femme déposa sa planche trempée sur le sol, qui récupéra une couleur parfaitement neutre, puis se laissa tomber sur celui-ci. D'une moue faussement déçue, elle regarda le garçon.


"T'as franchement loupé quelque chose."


« Je crois que je t’ai pas dit que je n’avais qu’une vague notion de surf. »

"Je t'aurais appris.", fit-elle en souriant.

Cela aurait même été un plaisir.
Ils auraient eu de quoi faire de leur nuit surtout.
Vers quoi allaient-ils donc se tourner maintenant ?
La voyageuse jeta un rapide coup d’œil autour d'elle.
Une foule s'activait au loin vers la place où les stands résidaient.
Curieuse, Lithium se leva, récupéra sa planche de bois, la reteintant par la même occasion, invita son camarade à la suivre et s'avança vers les cris de joie et de surprise. Elle fit un détour chez la vieille femme à tête de hamster, lui rendit son dû, la remercia platement, échangea une accolade chaleureuse et une promesse de se revoir un jour, puis retourna vers les badauds, vérifiant que le blondinet la suivait toujours. Elle poussa quelques personnes, s'infiltra dans la nuée et découvrit la raison de cette agitation. Un jeu plagiesque à la sauce Dreamland se déroulait. Mais les règles du jeu en question échappait complètement à la dessinatrice. Pourquoi diable ces gens étaient-ils dans des huîtres et sautaient avec. Ah tiens, y'en a un qui vient de se faire cracher. Mais.. Qu'est-ce qu'il fait ? Pourquoi diable frotte t-il sa perle ? Et depuis quand une huître possède une perle surtout ? Quel jeu débile.
Elle se détourna de l'attraction et remarqua une seconde agitation. Elle s'y hâta, interrogatrice. Mmh, une partie de Moule-Volley. La moule géante est la balle. Sauf qu'elle est un peu bâtarde sur les bords. Elle te pince si elle veut pas que tu sois vainqueur. Ouais, très interactif tout ça, mais encore plus inutile. Le Noisonnier, la balle au prisonnier avec une noix de coco. Le badminThon, la raquette est le thon, le volant, un poisson-volant, rien de plus simple. La pêche aux Crabes Ninjas, fatiguant.

Que pouvaient-ils faire ?
Un jeu attira davantage son attention que les autres.
Le concours du château de sable, le summum de l'été.
Les yeux de la jeune fille scintillèrent. Elle se tourna vers Ed, insistante.
Elle le suppliait du regard, des étoiles pleins les mirettes. Mais qu'importe sa réponse, elle ne lui laissait pas le choix. La compétition se déroulait par équipe de deux. Et vu qu'ils étaient deux.. Il n'allait pas la laisser toute seule, hein ? Voyons !
Sans même attendre une quelconque approbation de sa part, elle attrapa sa main et courut vers la liste d'inscription. Ils participeraient, et gagneraient. Les travaux manuels avec des matériaux naturels étaient parmi ses spécialités. Ed semblait être doué également. Enfin, elle l'espérait.
Elle inscrivit rapidement leurs noms respectifs, toujours la main de Ed dans la sienne, et l'emmena à leur place. Toute heureuse, elle souriait comme une gamine devant un nouveau jouet. Elle lança un sourire ravi à l'encontre de son compagnon de jeu;


"T'es prêt ?
On va leur mettre la pâté !"


Elle observa furtivement leurs adversaires.
Un poulpe avec des palmes et un Magicarpe à cisailles de sécateur. Eliminés d'office.
Un phoque vert pomme à crinière iroquoise arc-en-ciel accompagné de son acolyte, un voyageur à branchies. A prendre en compte. Tout un tas d'espèces marines, pas mal de voyageurs. Une demi-douzaine étaient considérés comme parfaitement apte à les maîtriser. Ils allaient devoir se battre. Mais ils vaincraient. Au pire, c'était pas grave. Ce n'était qu'un jeu après tout. Mais quoi de plus gratifiant que de gagner à un concours de château de sable ? Profitant du fait que rien n'avait encore commencé, elle sortit rapidement son carnet de croquis, gribouilla un dessin pendant quelques minutes, n'inscrivit rien de plus dessus pour ne pas l'invoquer, et le montra finalement à Ed. C'était un patron de leur futur château. Il devait être imposant, mais d'une sensible délicatesse et leur permettre de prouver leur supériorité aux autres, que ce soit dans l'originalité de la construction ou dans sa difficulté d’élévation. La bâtisse était un savant et délicieux mélange entre la cité d'Atlantica de la Petite Sirène, les tours de la Belle au Bois Dormant, les gargouilles angéliques de la Belle et la Bête, relevé d'un soupçon oriental avec le surplomb du palais d'Agrabah, et pour terminer des décorations, dont elle se chargerait, inspiré de l'Atlandide. Au moins, ils prendraient du plaisir à construire leur chef d’œuvre. Elle échangea quelques directives avec Ed, ce dont il devait s'occuper, de quoi elle prendrait la responsabilité, etc.. En résumé, il érigerait principalement les tours, s'occupant de leur donner la forme souhaitée, du portail admirablement stylisé, elle de la base du château, des décorations artistiques et des gargouilles. Le reste, ils se débrouilleraient avec le temps.


"Concurrents, concurrentes.
Êtes-vous prêts pour cette 1036ème édition du plus beau château de sable ?
A vos marques.. Prêt ? PARTEZ !"


"C'partiiiiiiiiiiiii !", jubila la jeune fille.

Le temps qu'il leur était imparti était court.
Pas si court, mais pas suffisamment long pour se permettre de bailler aux corneilles.
Lithium s'attaqua immédiatement aux bases avec l'aide de Ed pour qu'il puisse ensuite faire les tours du bâtiment. La demoiselle gardait un œil parfaitement attentif sur leurs adversaires qui pouvait à tout moment leur tendre un piège, et ainsi se faire s'effondrer leur travail. Elle put notamment vérifier ses suppositions; le poulpe à palmes galérait avec son camarade le Magicarpe-Insécateur. Mais le voyageur à branchies et le phoque, pas tant que ça. Ils avançaient à la même allure. Mais, soudainement, elle vit un mince filet d'eau s'approcher de leur construction. Bordel, les fourbes ! Ils tentaient déjà de les ralentir. Jamais ! Tout en continuant à solidifier la base, elle gribouilla un Krabby d'une taille minuscule. Instantanément, il se dirigea de côté vers le château adverse, le contourna rapidement, et s'occupa de pincer la queue du phoque punk. Celui-ci hurla de douleur, un cri d'éléphant de mer, et s'écrasa sur son compagnon qui stoppa net l'attaque, surpris et déstabilisé.
La blonde sourit malicieusement. Si elle avait bien entendu le peu de rumeurs dont elle avait vent, Ed maîtrisait le pouvoir des portes. Avec ces dernières, il serait parfaitement en mesure de prévenir ce genre d'attaque puérile. Plusieurs concurrents abandonnèrent, trop à la ramasse à cause des attaques de ceux en tête. Les deux jeunes gens durent affronter plusieurs mesquineries. Leur château avançait promptement. Quelques façades s'effondrèrent de temps en temps, arrachant un grognement à la voyageuse qui s'empressait de réparer les dégâts. Ils ne purent éviter l'arrivée d'un castor lilliputien sur leur construction. Celui-ci se sentit si bien dans cette nouvelle architecture, qu'il faillit s'y installer. Pour l'en sortir, ce ne fut pas de tout repos. Il leur fit perdre pas mal de temps, mais avait construit pour leur plus grand bonheur, des meubles intérieurs pour le confort.

Ils attaquèrent également bien entendu.
Ils devaient conserver leur avance si chèrement gagné.
Lithium ne manqua pas d'envoyer plusieurs petites créatures détruire de l'intérieur les bâtisses de sable, des projectiles plus ou moins incongrus atterrissaient par la même occasion sur leurs adversaires, pour être certains d'en faire abandonner le plus possible. Ils n'étaient plus que 3 dans la course au final, dont le voyageur-poisson et son phoque. L'autre groupe n'était pas vraiment en avance. Ils refusaient simplement de laisser tomber. Au pire, ils arriveraient troisième. Les châteaux approchaient de leur aspect final. Tout se jouait dans les dernières minutes du combat dans le bac à sable. Les spectateurs retenaient leur souffle tant la pression ambiante les troublaient. Les concurrents étaient tellement concentrés que cela en était époustouflant.
L'amphibien tenta une dernière attaque pour pouvoir prendre l'avantage que conférait la tête. Une boule violente d'eau condensé filtra jusqu'à leur construction presque achevée. Lithium voulut intervenir, mais il était trop tard. Elle injuria ces sal*pards intérieurement. Pourtant, alors qu'elle attendait le choc et l'effondrement de leur boulot, elle entendit un hurlement de détresse et de fureur plus loin. L'eau avait fini son ascension sur le château de son maître. Comment ? La jeune fille lança un regard interrogateur au voyageur à lunettes, qui lui, continuait paisiblement sa partie du travail. Elle sourit doucement et se tut, s'attelant à la dernière phase de sa tâche, la décoration et autres ramures. Ils finirent à temps. Et surtout.. Leur château était le seul à être entier et achevé dans son intégralité

Une véritable merveille architecturale.
Il était exactement comme le croquis qu'elle avait fait.
Ces courbes, ces piques, cette cambrure.. Parfait. Il était tout bonnement parfait.
La justesse de sa construction ne montrait aucune différence d'un point à un autre.
Personne ne saurait dire si il avait été érigé par une, deux ou six personnes. Tout concordait, et l'ensemble final était d'un originalité particulière. Le pari avait été amplement réussi et respecté. La jeune femme s'émerveilla devant leur chef d’œuvre de sable. Le fait de savoir qu'il était éphémère lui arracha un soupir mélancolique. Il n'était que la beauté d'un instant, un instant particulièrement précieux. Lors de ce concours, elle s'était senti incroyablement sereine, aucunement agressé par les éléments extérieurs. Et même les stupides attaques des autres concurrents n'avait point fait monter la colère en elle. Rien n'avait déclenché chez elle une rage incontrôlable. A croire qu'il y avait des limites à l'idiotie de sa colère. Face à la splendeur de leur travail, elle avait même du mal à imaginer qu'elle avait en parti contribuer à son élévation. Comment une personne sale comme elle avait pu être impliqué dans la création d'une chose aussi belle ? Étonnant. L'humain est étrange.

Le présentateur avait sifflé la fin de l'épreuve du sable.
Il s'avança vers eux, appela le jury avec lui, et ils firent le tour des 3 bâtiments.
Leur visage à chacun trahissait leur préférence. Et si son jugement était bon, Ed et elle était en très bonne voie. Ils revinrent bon nombre de fois vers leur château, l'observant sous toutes les coutures, analysant les moindres détails parfaitement réalisés. Ils semblaient ravis de ce qu'ils voyaient. Leurs yeux ne les trahissaient point. Ils s'éloignèrent enfin, leur calepin à la main, et se réunirent sous un cocotier pour décider des vainqueurs. Malgré le fait qu'elle sentait qu'ils étaient proches de la victoire, elle ne pouvait empêcher son cœur de battre à un rythme légèrement affolé. Attendre une réponse dont vous n'êtes pas tout à fait sûr de son penchant, est toujours un moment difficile à passer. Elle l'avait ressenti pas plus tard qu'en juin, ou elle avait patiemment attendu, dans le stress le plus total, le résultat qui déciderait si oui ou non, son rêve serait à portée de main. Heureusement, cela avait positif en sa faveur. Le soulagement que l'on ressent après une si longue attente est toujours plaisant à apprécier. Et c'était justement un des ces instants. Pas au point de sauter de joie peut-être, ni de s'affoler, mais à savourer.
Après délibération, les juges revinrent vers eux, deux médailles dans les mains et un sourire coi sur les les lèvres. Ils avaient choisis le groupe vainqueur, et ils s'apprêtaient à l'annoncer. Lithium serra les poings, prête à entendre le verdict. Elle se rapprocha de Ed pour ne pas avoir à se sentit seule.


"Les vainqueurs sont..", ils marquèrent une courte pause.

Ah les fourbes.
Ils prennent leur temps les saligauds..
Le morse à tête de pingouin sortit un papier d'une enveloppe.
Sans laisser paraître d'émotions, il lut intérieurement le résultat, et se tut.
L'on se croirait à une finale d'une émission de télé-crochet de seconde zone. Manquait plus que la caméra. Ah bah tiens ? Cette coquille saint-Jacques avec des ailes de poulet n'en était pas une par hasard ? Boh.


".. L'indomptable et bien connu Ed Free, et l'adorable et précieuse Lithium Elfensen !!!"

Le soulagement se fit sentir.
La dessinatrice trépignait de joie sur place.
Elle ne nota point l'allusion "précieuse", mais s'en contrefichait.
Elle se permit de faire une accolade amicale à son camarade, le remerciant de l'avoir accompagné dans ce jeu de gamins vachement interactif. Au moins, ils s'étaient bien amusés. En tout cas, elle oui. La foule de badauds acclamèrent les jeunes vainqueurs avec une fièvre hallucinante. Le jury leur remirent autour du coup leur médaille. La demoiselle se permit de la détailler davantage. La représentation exacte de leur château était gravé sur leur dû. Pour une raison complètement débile, elle se sentit tout de même sacrément fière. Soucieuse d'apprendre le sort futur du fruit de leurs entrailles, elle s'informa auprès du juge en chef. Celui-ci la rassura en lui disant que chaque château qui remportait la palme gagnante était cimenté et précieusement conservé dans la salle d'exposition de l'Algue Majestueuse, et qu'ils étaient tous visibles, chaque nuit, sur la Bordure Maritime du Royaume. Bon, et bien c'était bon à savoir.
Elle revint en trottinant vers Ed. Maintenant que la plus grande partie de leur nuit s'était évaporée avec leur concours, quel était la suite du programme ? La chasse sous-marine au thon aux écailles du Soleil, la pêche à l'huître ou le moule-volley ?


"Eeeet.. Qu'est-ce que l'on fait maintenant ?", dit-elle innocemment.

Ils pouvaient tout aussi bien rencontrer la créature abyssale.
Pas qu'elle en mourrait d'envie non plus, mais peut-être découvrir une nouvelle race d'habitant des rêves. Ou un monstre tout écailleux, effrayant et mangeur d'enfants ? Heureusement qu'elle avait passé l'âge d'en faire partie. Ils pouvaient également tout aussi bien se réveiller. Cela faisait un petit moment qu'ils s'occupaient comme ils pouvaient cette nuit..


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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyLun 26 Nov 2012 - 11:46
Je supposais qu’après cette gigantesque dérouillée, toutes les autres vagues feraient plus penser à la Méditerranée qu’une mer gentiment déchaînée pour jeunes surfeurs. Je restais un peu contre le sable ; n’avoir rien à faire alors qu’il y avait tout à faire avait un effet reposant. Une preuve qu’on n’était pas obligés de se déchaîner à tous les instants pour parvenir à ses objectifs. Rester sur le sable, sur une serviette orange à me dorer la pilule, c’était plus difficile qu’annoncé. Mais il suffisait d’attendre quelques instants, de tenter, pour se rendre compte que plus que la sensation d’avoir la tête contre la plage et les narines exposées à la pénétration de grains fallacieux, pouvoir se calmer et se reposer, c’était un droit.

De nombreux sports étaient pratiqués sur la plage, mais résister à l’appel de la serviette de la volupté était très dur. J’avais besoin de repos. Message ou pas de Dreamland qui voulait dire : « Calme-toi », je n’en avais rien à faire. Il n’y avait pas non plus besoin de tergiverser sur le fait de mériter ou pas de prendre du bon temps sur les Tropiques. J’en avais besoin, même si la veille, j’aurais envoyé chier le premier qui m’aurait proposé l’idée. C’était un peu comme le portable : inutile jusqu’à ce qu’on en avait un, indispensable dès qu’on l’avait enfin. Voilà ce qui était formidable avec la plage : on pouvait autant en profiter en ne faisant rien qu’en courant partout. Je ne savais pas ce dont j’avais le plus besoin actuellement. Je n’avais pas envie de me réveiller tout de suite, c’était certain. Pour une fois que j’avais le droit à une nuit reposante. Chez un Voyageur, une nuit apaisante (à ne pas confondre avec « tranquille ») était un luxe qu’on recherchait tous. Mes mauvaises pensées étaient siphonnées, et il ne me restait à l’intérieur de la tête qu’un doux flottement prometteur. Je regardais Lith ; elle avait envie de bouger. J’avais eu assez d’une sœur hyperactive dans ma vie pour comprendre le langage du corps.

Elle s’était levée, le regard cherchant un endroit où se poser, et si possible, un endroit où il y avait de l’action. Je suivis Lith sereinement, mon maillot de bain à fleurs séchant tranquillement sur ma peau comme un calamar sur le grill. On déposa ensemble nos planches de surf, non sans remercier la locataire qui nous regarda d’un œil torve. Toute la plage était remplie d’activités différentes ; je farfouillais chaque mètre carré pour rechercher une activité à laquelle me joindre, cédant aux souhaits de la blonde. Dire que c’était une psychopathe. Je ne cherchais pas à savoir ce que ça lui faisait de prendre du plaisir tout en sachant qu’une autre elle l’habitait : une autre elle qui attendait patiemment son tour. Je n’étais pas un tueur, je n’avais pas de pulsions dangereuses à atténuer (même si j’avais facilement rempli mon quota avec mes différentes croisades), je n’étais pas non plus un sociologue, un psychologue, et en prime, je n’avais pas l’empathie nécessaire pour comprendre ce qu’elle ressentait. Je me demandais juste si la culpabilité qui l’habitait n’allait pas la pousser au pire, afin de l’effacer à tout jamais. Une sorte de spirale infernale dont il était impossible de s’en défaire. Que foutait Vlad quand on avait besoin de lui ?

Parmi tous les sports qui se jouaient autour de nous, je devais avouer que j’avais une préférence pour la balle au prisonnier avec une noix de coco. Si on enlevait tous les participants pour les remplacer par des monstres ou des Voyageurs, on aurait de quoi provoquer une nouvelle guerre (qui serait surveillée par un arbitre, très bien planqué). Je me demandais si quelqu’un avait déjà eu l’idée de dessiner sur la noix de coco la tête du Major. Ça devait être effrayant ; d’ailleurs, je me rappelais de mauvais souvenirs. Je me grattais la tête à l’endroit où j’avais été blessé contre ce type (en fait, c’était très simple. Il me suffisait de me gratter n’importe où pour toucher une blessure de guerre datant de cette nuit-là). Partout, on vendait des produits marketing à l’effigie des plus célèbres des Voyageurs. Je fis la chasse à ceux où on avait épinglé ma tête dessus. Évidemment, il n’y avait rien de chez rien. Je pouvais tenter de me consoler en disant qu’il y avait une rupture de stock dans les mugs Ed Free. Ça ne marcha pas.

Je ne savais pas vous, mais j’avais l’air soucieux. Pourtant, le sourire de Lith devant les merveilles oniriques semblaient me faire du bien ; on ne débordait pas tant d’énergie positive sans en faire profiter le monde qui nous entourait. Il fallait chasser mes mauvaises pensées. Je n’étais pas toujours en guerre contre des gens. Pourtant… Pourtant rien, mais pourtant si. Marcher avec une psychopathe, tueuse, ne me dérangeait pas plus que ça ? Pouvait-on mettre au compte d’un passé ou de la schizophrénie tous ses péchés ? Avais-je le droit de me balader près de Lithium Elfensen sans éprouver le besoin de l’envoyer en prison, autant pour elle que pour ses victimes ? Pensait-elle à se suicider pour s’empêcher elle-même de commettre plus de meurtres, ou n’y avait-elle pas songé un seul instant ? Jusqu’où allait sa seconde personnalité ? Jusqu’où pouvait-elle être considérée comme une ennemie du bien ? Ça se jouait en pourcentage de terrains d’esprit que chacune des personnalités possédait ? Jusqu’où serais-je responsable des morts à venir par la suite ?

Je camouflais toutes mes pensées derrière un visage d’analyste qui semblait jauger toutes les activités proposées afin de pouvoir aider les réflexions de Lith. Lith... Belle. Très mignonne. Pire que tout, parfaitement normale. De corps et d’esprit. En ce moment précis, parfaitement normale... Je détournais encore une fois mes pensées. M’empêtrer dans des hypothèses psychologiques non vérifiables n’allait pas m’aider à retrouver le moral. Je tombais en même temps qu’elle sur un concours de château de sable. Son regard s’y arrêta plus d’une seconde : elle était intéressée. Son regard s’y arrêta plus de trois secondes : elle avait choisi. Sa main prit la mienne : je n’avais pas le choix. Mais là, il n’y avait aucun problème. Parce qu’en château de sable, je m’y connaissais.


« Avec plaisir. Je crois qu’on va bien s’amuser. »

Quand j’étais jeune, je passais pas mal de temps à la plage. Les châteaux de sable et autres, j’y avais mis la main à la pâte rapidement. On pouvait voir de nombreuses photos de moi et de Clem en train de nous amuser dans le sable et former des gros pâtés informes (généralement, les trous causés par les portions de sable qu’on ponctionnait servaient à enterrer l’autre dans des débauches de larmes et de rire ; larmes, rires, tout dépendait de la personne qui allait être enterrée). Le stade supérieur était la consécration de notre apprentissage. Cartel, Clem et moi chercions à créer un château de sable capable de résister un temps conséquent à la marée. Et les résultats étaient souvent impressionnants. Les trous étaient les tranchées, on savait apprendre à différencier le bon sable du « pas bon sable », et on utilisait soit l’un soit l’autre afin de rendre les constructions solides et belles. Pâtés avec des sceaux, immense agglomérat de plusieurs dizaines de kilos de sable, sculpture, utilisation de bâtons pour renforcer les défenses, coquillages... On était rapidement passés maître, et les badauds aux alentours étaient nombreux à venir voir notre construction se combattre contre irrésistible marée montante.
Ensuite, quand on fut plus âgé, le but de Clem et de moi étaient de détruire la construction de l’autre sans aucune considération pour le travail réalisé. C’était rigolo aussi.

Pas besoin de refaire un résumé de notre participation et du concours en général. Mais je pouvais rajouter les détails suivants : le plus important, c’était la base. Il fallait la soigner car c’était elle qui allait nous permettre de pouvoir faire tenir le château. Plus elle serait large, plus celui-ci pourrait être gros. Ensuite, le sable mouillé était plus malléable que le sable sec, mais il était bien trop lourd à utiliser. Il fallait faire attention au dosage et préférer du sable très légèrement humide sans chercher celui qui était trop sec. Pour les détails sur les châteaux, on n’avait aucune règle à utiliser. Je mis mes lunettes de soleil magiques à disposition afin que les branches servent à dessiner tous les petits détails. Je laissais tout ça à Lith ; elle avait fait le croquis en quelques secondes et avait déjà la méthode dans sa tête ; un exercice méthodologique qu’elle devait tirer de ses talents de dessinatrice, et dont j’étais totalement dépourvu. Je lui laissais le rôle de contremaître, et aidai plutôt à consolider le château avec le sable disponible. Le vent n’était pas fort pour permettre à la bonne participation du concours. On en profita pour ériger des tours.

Lithium avait un respect pour les détails qui forçait l’admiration. Je m’acharnais à rendre le tout solide selon ses instructions. De l’autre côté, il fallait regarder ce que faisaient les concurrents. De façon générale, ils n’étaient pas aussi doués que les talents hors-pair de la blonde. La victoire avait de grandes chances d’être de notre côté. Il y avait encore un champ sur lequel se battre, mais malheureusement pour les adversaires, c’était celui de la tricherie autorisée. On eut le droit à quelques attaques un peu perverses, mais on répliquait aussi sec. Le tout restait minime, mais pouvait agacer. Et évidemment, ce qui était le pire des adversaires dans tout chantier de construction qui se valait, c’était le temps. La time-line était serrée, et il fallait se bouger au plus vite pour produire un chef-d’œuvre dans les délais.

Mais enfin, quand le chronomètre brisa tous les espoirs de chacun, on put se rendre compte que notre château était un foutu château. Je savais où Lith allait pêcher toutes ses inspirations mais je n’en fis pas mention. On avait des gargouilles, on avait même des briques tracées à certains endroit, on avait réussi des coupoles. Le château atypique, mais vachement réussi dans le domaine. Ceux des autres ne valaient pas tripette, tant que j’en étais désolé pour eux. L’arbitre passa voir les châteaux terminés et les jugea d’un œil critique souligné par un sourcil froncé. Sa moustache gigantesque empêchait de déterminer ce qu’il pensait. Il lâcha tout de même le verdict final ; même quand on croyait en soi, il était très difficile de ne pas redouter ce terrible moment. J’avais une jambe qui avait la bougeotte ; je la fis taire en enfonçant le pied dans le sable. Je n’étais pas peu fier d’avoir construit ce truc de taré. Je savais que je ne réussirais jamais à faire une telle œuvre, alors je priais pour que cette consécration soit récompensée.

Elle le fut.
Je fis le signe du « Fuck Yeah » avant de répondre à l’accolade de Lithium. Une sorte de petite joie toute fière me submergea gentiment. J’étais très content de moi, autrement que quand je jouais les justiciers dans Dreamland peut-être, mais tout à fait comparable. En fait, le sentiment qui m’avait envahi, je le connaissais surtout du Monde Réel. C’était la joie qu’on éprouvait quand on avait gagné quelque chose de simple, sans avoir à risquer sa vie ou à se fatiguer. C’était de la normalité réjouissante ; pendant quelques temps, j’avais eu l’impression d’être de retour dans le monde réel, et d’avoir accompli quelque chose de grand dans le monde réel.

On partit nos médailles autour du cou, super contents, sous les applaudissement des spectateurs. J’étais content, c’était tout. Mais maintenant, on retombait dans l’inactivité. On se dirigeait vers un autre bout de la plage, déjà beaucoup plus calme. Je ne savais que faire pour écourter la nuit ou trouver un autre passe-temps ; beaucoup d’entre-eux avantageaient tous les Voyageurs et leurs capacités physiques mystifiées. Je savais qu’ à une partie de voley-ball, il suffisait que je frappe une balle dans un smash terrifiant pour la faire exploser. Me contrôler, je ne savais pas faire. Je n’arriverais pas à me retenir de toutes mes forces ; pas sur les smashs en tout cas. Lith s’enquit de notre prochaine activité. Je ne savais pas quoi lui répondre. En fait, c’était peut-être ça la solution. Discuter. C’est ce qui restait normalement. On continuait à marcher afin de trouver de bonnes idées, mais il y avait toujours matière à faire passer le temps comme deux personnes totalement normales et ne possédant pas de pouvoirs particuliers propres.


« Merci pour le concours. Ça faisait longtemps que j’avais pas fait de châteaux de sable. J’en faisais avant avec mon frère et ma sœur. C’était y a longtemps. » Je réfléchissais sur mes prochains mots. « Ça me rappelle quand mon frère et moi avions couru chercher du sable mouillée alors que la mer était basse. On n’avait jamais entendus parler de la vase parce qu’on était des gosses. On s’est magnifiquement croûtés comme deux merdes exactement en même temps. C’était magnifique. Après, on marchait si délicatement sur la vase qu’on n’entendait plus parler de nous à chaque fois qu’on y allait pendant un quart d’heure. » C’était vraiment débile, vraiment inutile, mais c’était juste un bout de mon passé. Je changeais de sujet rapidement, mais tout en restant dans l’optique de la discussion tout à fait banale :
« On n’a plus le temps maintenant. Enfin, on se revoit très peu. Vu que j’ai déménagé à Montpellier et qu’ils sont restés près de Paris. Je les vois en été des fois, et pour Noël. » Et à Dreamland pour dérouiller mon frère, mais ce n’était pas très nostalgique. « T’habites où d’ailleurs ? Et tes grands talents de dessinatrice, ça vient de ton pouvoir ou de ton entraînement ?»
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Lithium Elfensen
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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyMar 27 Nov 2012 - 1:08
"Parfois, il suffit simplement de parler."






Une médaille.
Elle avait eu une puta*n de médaille !
Elle jubilait de bonheur et de fierté rien qu'à la voir.
Ce petit bout de métal forgé représentait l'intégralité de leur chef d’œuvre.
La demoiselle était tout bonnement heureuse, heureuse d'en faire partie, d'y avoir contribué.
Que de joie pour un acte aussi banal et infantile. Et pourtant, cela suffisait à la griser complètement. Si les étoiles dans ses yeux trahissaient son euphorie, le corps suivait de prêt. Les doigts de ses mains se resserraient, se desserraient frénétiquement. Jusqu'à finalement s'assouplir, et reprendre une cadence lente. L’allégresse dû à la victoire s'effaça tranquillement, laissant place au silence de ses membres. Les deux jeunes gens marchèrent en toute sérénité sur la plage, à l'écart des foules et badauds bruyants. S'éloigner était certainement la meilleure chose à faire pour récupérer de tout ça.

Le blond lui fit des remerciements pour le concours.
La voyageuse fit de même, surprise d'en recevoir par ailleurs.
Lithium lui sourit doucement, ravie que cette activité simple et parfaitement normale, lui ait plut.
Au moins, il avait l'air déjà nettement plus détendu que tout à l'heure. Ce qu'elle avait retenu de tout cela ? Le surf, c'était pas son truc. Les châteaux de sable, ça, il gérait carrément. Elle s'était bien amusé en sa compagnie, et souhaitait au fond que cette nuit continue un petit peu plus. Pour une fois, elle se sentait calme, sereine. Elle ne ressentait pas le besoin constant de faire quelque chose, de commettre certains actes, d'aider des gens, de découvrir une base et d'arrêter ses criminels. Ici, tout était presque trop simple. Le vent frais apaisait les âmes et soulageait son cœur. Pour cette fois-ci, elle s'autorisait un instant de repos. Elle en avait bien besoin.

Elle découvrit également, étonnée, un Ed bavard.
Ainsi, par les quelques paroles qu'il prononça, elle apprit qu'il possédait un frère et une sœur.
Était-ce donc des voyageurs tout comme eux également ? Peut-être qu'une nuit, elle croiserait un second Free quelque part, accomplissant des actes héroïques. Ou pas. Elle fut surprise d'apprendre que cela faisait longtemps que les châteaux de sable était pour lui un lointain souvenir. Bon, il fallait dire qu'elle se comportait encore parfois comme une gamine, certes. A la plage, elle continuait toujours à faire des constructions étranges, et à chasser le crabe entre les rochers. Mais elle ne s'en souciait guère. Elle n'allait pas changer ses habitudes enfantines en fonction de son âge. Peut-être lorsqu'elle n'arriverait plus à s'accroupir, là, elle devrait songer à la retraite du sable.
La jeune femme ria lorsqu'il lui raconta son épopée avec son frère dans la vase. Elle aurait bien voulu elle aussi avoir un frère ou une sœur avec qui s'amuser. Elle était constamment seule. Sa mère en déplacement, ne venait que rarement, ou ne communiquait que via le fameux Skype avec sa fille. Dans cette grande maison, elle déambulait avec sa chienne Kiara, ne sachant quoi faire de ses journées. Elle songeait sérieusement à prendre un appartement, pour quitter cet espace bien trop grand et vide pour elle.
En tout cas, son histoire dans la vase était marrante. Néanmoins, elle trouvait cela étrange qu'il lui partage aussi facilement un bout de son passé. Elle ne s'en plaignait pas, au contraire, mais elle ne s'y attendait pas. Elle crut percevoir un brin de gêne lorsqu'il acheva son court récit, mais ne lui en tint point rigueur. La notion du temps dont il parlait lui était plus que familière. Il faut toujours rester proche de sa famille. C'est parfois le seul refuge qu'il nous reste. Ou notre unique prison.
Il s'enquit finalement du lieu où elle habitait, et s'intéressa à l'origine de ses capacités artistiques. Ecartant quelques mèches de cheveux qui lui passait devant le visage, elle lui répondit en toute simplicité.


"J'habite à Montpellier, tout comme toi. Enfin, j'y suis née de prime abord. J'étais à Castelnau, et deux autres villes encore auparavant. Avec leur divorce, on a pas mal bougé. A présent, c'est fini. Enfin, je n'ai pas trop le choix non plus, on va dire. J'aimerais prendre un appartement. La maison de ma mère commence à être un petit peu trop.. grande pour moi.", elle soupira doucement.

Sa mère pouvait faire un effort tout de même.
Lithium se demandait même si sa génitrice n'avait pas rencontré quelqu'un sur son lieu de travail, et avait choisi d'y rester, sans même en informer sa progéniture. Cela ne l'étonnerait même pas. Et depuis un certain temps, la voyageuse reconnaissait les mêmes tapisseries criardes, et de mauvais goût, sur les murs à travers la caméra de sa mère. Qu'est-ce qu'elle croyait ? Qu'elle ne s'en doutait pas ? A force, elle avait appris à mieux "connaître" la femme qu'était sa maman. Elle pensait plus à elle qu'à autre chose. Son bonheur passait avant toute chose. "Chose" incluant Lithium. Un soupçon de colère l'envahit un court instant, puis s'évapora en même temps qu'elle répondait à la seconde question de Ed.


"Pour mes talents comme tu dis, ça, c'est parce que j'ai bossé pour ça.
Je dessine depuis.. environ 6ans je crois bien. Enfin, en tant que véritable passion.
Après, j'ai gribouillé comme tout le monde des petits machins informes toute ma vie. Ce n'est que depuis le lycée que je m'y consacre constamment, après m'être mise en tête une idée comme quoi, je voudrais faire du dessin, ma vie. Une petite graine qui a germé et qui a contribué à me faire m'améliorer par tous les moyens. Et maintenant, je profite de mon temps libre pour continuer en attendant de reprendre une activité scolaire régulière."


Elle ne savait si elle devait aborder ce sujet ou non.
Sachant que l'origine de sa phobie à elle était d'une stupidité monstrueuse.
Peut-être que celle de son camarade Ed, serait un bien douloureux souvenir.
Elle se reprenait parfois à penser que, sans ce foutu livre, rien de tout ce qui se passait actuellement ne se serait produit. Jamais elle n'aurait accompli toutes ces choses, jamais elle ne se serait sentie aussi sale et souillée, jamais elle ne se serait vu attribuée le portrait d'une assassin. Mais.. Sans ce livre, jamais elle n'aurait vécu toutes ces aventures phénoménales, elle n'aurait pas découvert ce monde si riche en couleurs et en histoires. Et surtout, jamais elle n'aurait rencontré toutes ces personnes qui avaient croisé son chemin. Le petit Fhörn par exemple, et sa salopette. Le garde de Statu Quo, détail malheureusement important qu'elle n'avait découvert que bien après, qu'elle avait tué, avait était l'une des premières personnes morte par sa main. Une série qui s'était longuement alourdie depuis. Y penser la rendait malade. Elle laissait une pile de cadavres sur son passage. Et parfois, elle ne s'en souvenait même pas. C'était sûrement ça le plus horrible. Ne pas se souvenir des morts. Surtout des siens. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait plus rien à rien. Un léger tremblement secoua son bras droit.

Elle devait oublier tout ça.
Mais comment faire ? Personne ne l'aidait.
Personne ne voulait l'aider, ou n'était en mesure de le faire.
Elle avait cru un instant avoir trouvé quelqu'un capable de la rattraper, mais non.
Vlad n'était pas cet homme-là. Il ne faisait rien, ne pouvait rien. Il n'avait pas les capacités, ni même la prestance requise pour lui venir en aide. Il avoisinait l'erreur de parcours. Ses pensées étaient cruelles, mais réalistes. Il embrassait un idéal de justice qui se combinait au meurtre. Dire qu'il jugeait les criminels serait une aberration. Il les tuait, et puis c'est tout. Même elle était capable de faire la différence. Le temps passé à ses côtés lui avait fait comprendre que la Folie n'était pas loin de son esprit. Il n'était pas la pureté qu'elle recherchait, l'innocence souhaitée. Il était corrompu comme elle. Non. Le comparer à sa personne était faux. Lui, il s'obstinait à courir dans la même direction. Elle, freinait du mieux qu'elle pouvait. Elle faisait de son mieux pour faire demi-tour, même si cela lui arrachait des cris. Il ne l'aiderait pas. Jamais il ne le ferait. Au plus profond de son âme, elle savait pertinemment qui était le malheureux qui le pouvait. Mais jamais, au grand jamais, elle ne le reverrait. Il était parti.

Et puis, c'était sans compter sur cette Lithium Bis.
Franchement, cette garce ne lui facilitait pas la tâche.
Elle l'appelait ainsi pour la nommer, savoir la distinguer.
Et puis, elle avait cru l'entendre maintes fois s'affirmer en tant que telle.
Elle ne souhaitait pas lui donner raison, mais il était vrai que là, elle savait qui elle était.
Ce monstre interne devenait de plus en plus agressif. Pour le moment, Bis se contentait de la doter de pulsions assassines, meurtrières. Elle contrôlait parfois son esprit et son corps, mais n'avait pas encore réussi à prendre le contrôle intégral de son enveloppe physique. Lithium se battait pour conserver son intégrité. Mais elle ne résisterait pas bien longtemps. Elle sentait qu'un jour, trop proche à son goût, elle réussirait à trouver une faille pour s'emparer d'elle, même un court instant. Cela marquerait le début d'une longue, trèèèès longue bataille intérieure. Elle était une âme brisée, cassée. Elle n'était plus performante. Et si elle ne l'était plus, sa force diminuerait.
Ses cicatrices dorsales encore bien visibles, la brûlèrent mentalement. Les enfants sont tous des connards en puissance, des psychopathes. Comment croyaient-ils, tous, qu'elle était devenu une détraquée, une schizophrène instable ? S'acharner sur elle n'avait fait qu'accroître les faiblesses qu'elle arborait déjà. Mais ces traces physiques la maintenaient en constante ébullition, en quête d'amélioration. Elle voulait devenir plus puissante à chaque instant, pour ne plus avoir à être une victime, une pitoyable créature sur laquelle on se défoule. Elle voulait inspirer du respect. Pas de la crainte, comme le suggérait si malicieusement Bis. Elle cracha le dernier mot dans sa tête. Bis.. Ce n'était qu'un double qu'était cette seconde Lithium. Une copie, l'autre côté du miroir, rien d'autre qu'une erreur. Une aberration de la Nature. Elle seule était LA véritable, l'unique Lithium Elfensen. Il ne pouvait pas en exister deux. Malheureusement, Dreamland s'acharnait à rendre les choses impossibles et irréelles, possible ET réelle. Et voilà qu'elle était née. Un enfer qui ne faisait que commencer. Ses sourcils se froncèrent, durcissant les habituels doux traits de son visage. Elle se reprit rapidement, ne voulant pas créer un sentiment d’ambiguïté sur son humeur actuelle.

Finalement, elle prit son courage à deux mains et se lança.
Ce n'était qu'une bête question, mais elle pouvait amener sur tant d'autres.
Et puis, pour une fois, elle pouvait bien discuter sur une plage en maillot de bain, non ?
D'ailleurs en passant, celui de Ed était typique. Elle sourit rien qu'au simple fait de le regarder.
Fallait avouer que c'était pas un gars banal. Enfin, selon elle. Il existait tellement de personnes impersonnelles. Elle ne savait pas exactement comment il était dans la vie réelle, mais ici, il avait une certaine réputation. Le peu de nouvelles dont elle avait eu vent l'avait souvent cité en tête de liste. Et pas pour des actes à deux balles. Malgré le fait que presque tout le monde le connaissait, elle, ne le connaissait qu'à peine, une parcelle. Elle était curieuse de savoir, mais trop soucieuse des mots qu'elle prononcerait pour oser s'intéresser à quoi que ce soit à propos de lui. Peut-être que, moins elle en savait, mieux elle se porterait. Bref, ce n'était qu'une question.


"Dis-moi.. Si c'est impertinent, fais comme si je n'avais rien dit ! Mais.. Elle t'ai venu d'où ta phobie ?"

Certains voyageurs étaient encore traumatisés de leur phobie.
Ce n'était heureusement plus le cas de Lithium. Elle attendit patiemment la réaction de Ed.
Toutefois, une toute autre question brûlait ses lèvres. Ils en avaient longuement parlé la première fois qu'ils s'étaient rencontrés dans ce bar. Un mince sourire éclaira son visage. Elle l'avait presque agressé, "Hé, c'est quoi le DreamMag", une parfaite demeurée strictement au courant de rien. Voilà pour quoi elle avait dû passer. Puis une véritable psychopathe en furie. Mais il lui avait fait prendre conscience de pas mal de choses ce soir-là. Tout n'avait pas réussi, mais elle avait entamé une tentative d'escalade de la pente sur laquelle elle était engagée. C'était difficile, mais elle progressait. Lentement. Très lentement même. Mais elle faisait des efforts. Elle y arriverait.
Un ricanement résonna au sein de son crâne. Mais maintenant, il y avait Bis. Ce soir alcoolisé alors qu'ils discutaient, elle n'avait pas encore totalement découvert l'existence de celle-ci. A présent, oui. Et elle comptait pas se faire évincer aussi facilement. Un médecin spécialisé ne suffirait pas à la soigner. En parler avec Ed non plus sûrement. Mais elle ne savait pas à qui d'autre confier ça. A Vlad ? La bonne blague ! Le peu de fois qu'ils s'étaient vus tous les deux ces derniers temps, l'avait conforté dans son idée qu'elle devait assurément stopper leur relation. Mais en douceur, pas comme une brute voyons. Elle se risqua donc à poser une seconde question à son interlocuteur à lunettes.


"Sois franc.
J'ai un problème, non ?
Je ne vais pas bien ?"
, fit-elle, un visage froncé.
Spoiler:

Ses lèvres roses tremblèrent doucement.
Elle tenta en vain de se contrôler maladroitement.
Non.. Elle n'allait tout de même pas pleurer quand même ? Elle se comportait vraiment comme une vraie gamine. Lithium savait parfaitement qu'elle n'allait pas bien du tout. Alors pourquoi éprouvait-elle le besoin masochiste qu'on le lui affirme ? Non, non, elle ne voulait pas que ça se passe comme ça. Se faisant violence, elle se reprit avec force. ça ne se passera pas comme ça. Aucune larme de mauviette ne coulera. C'était stupide.


"Excuses-moi, j'ai rien dit.", elle passa une main faussement contrôlée dans ses cheveux.
"On marche un peu ?", changeant de sujet.
"J'ai entendu dire que des Dauphins-volants faisaient souvent une sorte de ballet aux alentours de ces heures, dans ce coin là-bas. Les Medusioles, les éclairent par le fond. ça doit être joli à voir.", sa voix se brisa sur la fin.

Un spectacle à voir d'après la vieille aux joues de hamster.
Oh et puis, elle en savait rien. Elle ne réfléchissait plus. Une tristesse délicate s'emparait doucement d'elle. Il fallait qu'elle voit autre chose. N'importe quoi.





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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyJeu 29 Nov 2012 - 20:31
Marcher sur le sable était apaisant ; sentir les grains rouler entre les orteils me replongeait dans une enfance chahutée, mais toute tranquille. La vie était plus simple quand on était un gosse ; et même si on le cherchait à le rester toute sa vie, on ne pouvait pas échapper à la Compréhension du monde et à sa Complexité. On apprenait peu à peu que tout était en interaction, et que la majorité des acteurs de la planète cherchaient à vous écraser pour en tirer profit. C’était la vérité. Il n’y avait plus d’innocence maintenant, car on n’avait plus d’idée sotte comme considérer six milliards d’inconnus en six milliards d’amis potentiels. Mais sur la plage, tout était simple. Il n’y avait que des coups de soleil dont il fallait s’occuper, il n’y avait que la marée qu’on devait suivre des yeux, et si la mer s’agitait, il suffisait de faire attention aux vagues et au courant. Il n’y avait plus d’obligations administratives, plus de responsabilités héroïques ; juste le sable, la mer, sa serviette, et si on avait de la monnaie dans sa baudruche, le marchand de glaces du coin, isolé dans sa petite cabane en bois, dont devant était placé une des Sept Merveilles du Monde quand vous étiez gosse (entre le Père Noël et les dinosaures) : le panneau affichant toutes les glaces disponibles dans la boutique.
Pour conclure, marcher me faisait énormément de bien.

Le soleil restait haut dans le ciel, et même si je sentais qu’il était en train de se préparer à son long déclin pour s’enfoncer dans la mer comme une pièce en cuivre dans une tirelire, il laissait abonder ses rayons sur le sable. Celui-ci était d’ailleurs chaud sans être brûlant. Un régal de poser ses pieds dessus. Ça devait être le Royaume le plus paisible que je connaisse. Je m’étais certainement fait la réflexion plus tôt, mais il fallait absolument que j’y amène Jacob. Certes, il ne pourrait pas profiter de l’eau, d’accord, il ne pourrait pas profiter de la chaleur, okay, il n’entendrait pas le bruit des vagues s’ébattant sur la berge... Mais il adorerait quand même. Il y avait des morceaux de plage peu fréquentés, et ça, Jacob, il aimait beaucoup. C’était étrange qu’un gars comme lui, tout seul dans sa bulle, recherche encore plus de solitude. Jacob était devenu médisant à propos de la foule, presque condescendant. Il considérait les Voyageurs comme des abrutis enivrés de leur pouvoir. Je supposais que je faisais aussi partie du lot de kékés qui s’affrontaient sans ménagement pour voir leur classement dans la Ligue augmenter.

En parlant de ça, maintenant que j’étais devenu plus célèbre qu’à mes débuts, je me demandais quoi faire sur Dreamland. Je n’avais pas d’objectif précis sinon débarrasser un peu de vermine dans un quartier quand j’y passais. Évidemment, j’avais toujours ce rêve de donner un coup de pied au cul dans Dreamland afin qu’on se souvienne de moi (comme 85% des Voyageurs, je présumais). Mais si avant, ce rêve était intact, je ne pouvais plus me vanter d’être motivé par ce but. Je ne disais pas que je ne voulais plus devenir une légende ; mais la seule pensée ne m’alimentait plus en énergie comme avant. Je devenais un peu désœuvré, un peu confus, et je tournais maintenant en rond sans objectif, comme dans une plaine vierge. Je voulais défendre les innocents, mais j’avais cette partie égoïste de moi qui désirait aussi qu’on ramène un peu l’affaire à mon nombril. Je voulais être fier d’un rêve à accomplir, d’un objectif, même désuet, qui me permettrait d’œuvrer mes journées à une cause que j’adhérais. Il fallait vraiment que je me trouve un but, où j’allais devenir aussi aigri que mon compagnon. Je pouvais accroître ma croisade contre le mal, mais... comme je venais de le dire, il me fallait plus que ça. Je n’étais pas un paladin qui ne se nourrissait que de remerciements et de vivats. Mon ego n’était pas assez satisfait (à mon grand dam). M’occuper du Royaume des Deux Déesses ? J’aimerais bien, mais je n’étais pas à Dreamland pour affronter des papiers administratifs et faire de la gestion. Je laissais ça aux étudiants imbéciles qui trimaient en Management. M’éclater, faire la fête ? Je le faisais assez dans le Monde Réel. Partir à l’aventure et découvrir de nouvelles contrées ? Je préférais me laisser cette friandise pour les journées. Je démystifierai le plaisir de voyager dans des régions inconnues si je traversais les landes oniriques. Je préférais d’abord découvrir mon monde avant de passer à Dreamland.
Raaah... Je me cassai la tête pour rien... Je trouverais bien un moment ou à un autre.

Pour le moment, il n’y avait qu’à écouter la douce voix de Lithium qui racontait sa situation familiale. Parents divorcés, tiens donc. Il y en avait de plus en plus en France ; comme le voulait la célèbre blague, on serait tous étonnés dans la cour de récréation quand un gamin viendrait dire que ses parents étaient, contre tout attente, encore ensemble et ravis de l’être. Sinon, je constatai qu’elle aussi avait du mal à conjuguer ses envies à sa famille. Il y avait un moment où le désir de partir était plus fort que le confort ; le désir de partir, ou le désir d’être seul, d’ailleurs. Je ne savais pas si les deux idées pouvaient s’accorder, ou étaient indépendantes, ou bien se nourrissaient l’une l’autre. J’étais parti du nid familial parce que j’avais envie de partir, mais aussi parce que je désirais ne plus rester coincé avec des vieux coincés. Je n’étais pas la crème des fils de mon côté, mais il y avait des fois où mes vieux étaient bornés comme une autoroute. J’étais donc parti. Une fois à Paris, mais ils étaient encore trop proches. A la fin de l’année scolaire, j’avais décidé d’agrandir encore la distance pour être certain de ne pas les croiser dans la rue, ou devant la porte de mon appartement. Cette fin d’année-là, perdu dans mon studio avec les vapeurs toxiques de la capitale... Mon Dieu... J’avais eu mes examens de fin d’année auxquelles je ne comprenais rien, et Dreamland qui s’en était mêlé, plus des nouvelles engueulades avec mes paternels. Conséquence : une envie de tout détruire, de parler de la Révolution dans un café en lançant mon mug dès qu’il serait vite, ELLE qui m’avait quitté… puis boum.
Puis boum, j’étais à Montpellier.

Lith expliqua ses talents de dessinatrice. Alors comme ça, elle dessinait depuis toujours ? Chapeau bas l’artiste, j’avais beaucoup de mal ne serait-ce qu’à représenter un bonhomme avec des bâtons. Alors un véritable portrait avec des lignes, des détails... Laissez tomber. J’avais extrêmement de mal à me visualiser une image et à réussir à la reproduire. Je faisais alors tout par instinct, tout au fur et à mesure, mais il n’y avait qu’en mathématiques que deux et deux et deux et trois et quatre faisaient un magnifique et neutre treize. J’aurais bien voulu savoir dessiner, mais je n’étais pas doué là-dedans. Je passais plus de temps à m’entraîner à faire de la merde qu’à faire de la merde. Ma motivation s’estompait rapidement du fait de mon incompétence. Vraiment dommage. Je répondis tout de même à Lithium :


« C’est cool que t’aimes bien ça. J’avais une amie qui me disait tout le temps qu’une personne de passionnée était toujours une personne très intéressante à écouter, voire très intéressante tout court. »

La balade continuait. On longeait la mer, on longeait les gens en serviette. L’intérieur de l’île était évidemment une jungle tropicale impénétrable, certainement vierge de beaucoup de présences humaines. Un mystère à aller découvrir. Ça ne serait pas étonnant qu’il y ait un, voire plusieurs trésors à aller dénicher dans les environs. En fait, la seule fois où les créatures vivantes (et conscientes) s’étaient aventurés dans les environs, c’était uniquement aux frontières de la jungle afin d’abattre quelques arbres et faire pousser à la place des stations balnéaires d’une beauté à couper le souffle. Des hôtels de forme toujours modernes et originales, aux murs parfaitement blancs, capables d’accueillir de nombreuses personnes (avec piscines à l’intérieur). Si j’avais été une Créature des Rêves, j’aurais adoré dormir là-dedans. Mais étant un Voyageur, je supposais que ça aurait été vraiment stupide de ma part : un beau gâchis d’EV.

Ce fut à mon tour de passer aux interrogatoires. Comment m’était venue ma phobie ? Ah. J’aurais eu plus de mal à répondre si elle m’avait demandé mon prénom tant c’était simple. Je haussai les épaules comme pour préparer au peu d’originalité qui sortirait de ma réponse :


« De la façon la plus conne qui soit, comme la très très grande majorité des phobiques : sans aucune raison valable. Je ne sais pas si je suis né comme ça ou si ça s’est développé petit à petit à partir de rien. C’est très con, une phobie. Je l’ai eu à l’âge de dix ans environ, je crois. Dix ou neuf. En même temps, mon frère devenait Agoraphobe et refusait de sortir dehors quand il fallait simplement se balader. Quand les parents voulaient nous amener au parc, c’était toujours la misère. Mais bon, ça a jamais été trop grave dans mon cas. Je pouvais passer des portes après quelques réflexions, et je n’avais peur de rien quand c’était une porte que je connaissais. J’étais un peu claustrophobe en même temps, mais je n’étais pas non plus un fou furieux perdu sans sa chambre, terrassé par l’image de sa porte. J’étais juste un peu stressé quand je devais rentrer dans une pièce que je ne connaissais pas sans personne pour m’accompagner. »

Oh oui, je m’en souvenais maintenant... Les pauvres parents qui avaient dû se battre contre Clem et moi à chaque fois qu’il fallait prendre l’air... C’était amusant de m’en souvenir maintenant. Mais en tout cas, c’était vrai. Je n’avais jamais vraiment été complexé par ça ; déjà, je le cachais bien. En fait, la phobie des portes n’était que de la claustrophobie toute simple qui avait trouvé un bouc émissaire. Une des grandes craintes d’un claustrophobe était de se retrouver dans une salle fermée à clef de peur de ne jamais en sortir. Moi, j’avais juste reporté ma peur de l’enfermement vers cette porte qui ne me laisserait plus jamais sortir si je venais à la traverser. Mais heureusement, tant que quelqu’un était avec moi, je pouvais combattre aisément la boule naissante dans mon ventre. L’origine, soit je ne la connaissais pas, soit elle n’existait pas.

Lithium resta muette quelques instants, et je supposais qu’elle méditait sur le peu que donnait ma réponse à méditer. Je n’avais pas compris de suite qu’elle avait poursuivi une discussion mentale dans sa tête et qu’elle était allée très loin dans ses réflexions. Bien trop loin. Je la considérai quelques temps sans rien lui trouver à dire, et je remarquai qu’elle était devenue légèrement plus pâlotte que d’habitude. C’était quasiment une étrangère qui se tenait près de moi, toutefois sans que sa personnalité ne se fut passée dessus par la seconde, nettement plus... vorace. Quelque chose ne semblait pas aller. Je me demandais ce qui lui passait par la tête, mais j’eus très rapidement la réponse : elle était anxieuse de l’être infectieux qui pourrissait son comportement jusqu’à l’attirer dans des mœurs abyssales et sales comme du goudron et du sang. Elle était constamment au bord du gouffre, il semblerait. Je ne savais pas quoi lui répondre car elle m’avait surpris. Je n’avais jamais réfléchi jusqu’à quel point elle se sentait envahie par cette seconde personnalité. Est-ce que ça faisait d’elle une coupable ou une innocente ? Au diable la polémique, tous ceux qui pouvaient voir à l’instant le visage si désespéré de la blonde ne pourraient lui inculper ses crimes commis. Je décidai de ne pas me préparer mentalement à la bataille contre une seconde Lithium. Comment la rassurer ? Etait-ce possible avec des mots envolés en une nuit ? Non, certainement pas.

Elle changea rapidement de discussion, constatant son moment d’égarement. Le temps d’une phrase, son esprit comateux avait laissé s’exprimer ses réels désirs. Elle était terrifiée par cette Lithium qui l’habitait. Je me promis d’en savoir plus sur le syndrome du Jumeau de Minuit afin de pouvoir aider la fille dans ses pérégrinations psychologiques. Plus ça allait durer et plus elle allait en souffrir. Certains ne s’en remettaient jamais complètement. J’étais bien placé pour le savoir, même si le Jumeau de Minuit qui m’habitait était finalement un être dynamique gardant les mêmes valeurs que moi. Je lui en devais une par ailleurs, oserais-je penser. Non, je connaissais quelqu’un qui était possédé par son démon intérieur, mais avait réussi à le vaincre. En laissant des séquelles psychologiques qu’un gars heureux aurait appelé « un éveil au monde ». Je me tus car je ne voulais pas continuer la discussion même si je mourrais d’envie de la rassurer. Je n’allais certainement pas la laisser là. Elle tenta de ramener la discussion à des dauphins volants de merde, et je ne sus que répondre sinon un :


« Ça doit être magnifique... », aussi peu naturel que pouvait l’être un centre commercial.

Je restai si tracassé par ses dires, et ça tua net la conversation. J’en vins rapidement à d’autres élucubrations à propos de la seconde personnalité de Lithium mais je préférais les garder pour moi. Ce n’étaient que des arguments à servir à la double personnalité. En fait, mes réflexions me demandaient si j’étais bien en face de la véritable Lithium Elfensen, ou si je ne parlais qu’à une partie de Lithium Elfensen. Je considérais comme véritable la Lithium qui existait avant ce changement de personnalité. Peut-être qu’elle s’était scindée en un côté clair et côté ténébreux. Ce qui était peut-être arrivée à mon amie.

Rah, et merde. Je m’arrêtai de marcher, restant sur mes positions. Je regardai Lithium crânement et lui déballai la réponse qu’elle voulait à tout prix (ne pas) entendre :


« Bien sûr que t’as un problème. Le savoir est le premier pas de la guérison. Quand tu te seras mise dans la tête qu’il y a un mal à combattre, tu pourras alors le combattre. C’est très tautologique mais ça doit être explicite. Lithium, fais pas un déni de maladie et écrase la crétine sauvage en toi. Y a un truc que tu dois savoir avant tout : les problèmes psychologiques sont les problèmes les plus difficiles à surmonter, mais aussi les plus simples. » Très très facile à dire quand on n’était pas touchés, mais je tentais la méthode du placebo. Si Lithium réussissait à se dire qu’effectivement, son mal pouvait être très facilement combattu, il y avait des chances pour qu’elle s’en persuade assez pour guérir. Un procédé plutôt magique. Mais je n’étais pas certain qu’on puisse guérir des maux pareils aussi facilement. Je n’oubliai pas la dernière précision alors que je me remis à marcher : « Et dans le pire des cas, si tu te fais submerger, oublie pas qu’il y a plein de Voyageurs dans Dreamland qui peuvent défoncer ta seconde personnalité d’une pichenette, alors n’aie pas peur et combats-la franchement quand tu sens que t’as envie de la piétiner. »

C’était la première fois que je tentais de rassurer une personne en lui promettant qu’elle se ferait tabasser dans le meilleur des cas. Comme quoi, la pauvre Lith n’était peut-être pas tirée d’affaire.
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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyVen 21 Déc 2012 - 1:43
"Franchouillard."




Woh.
ça, ça avait au moins le mérite d'être clair.
Lithium resta scotchée face à tant de franchise.
Cela faisait bien longtemps que l'on n'avait pas osé la brusquer ainsi.
La jeune femme s'était arrêté net lorsqu'elle n'avait plus entendu le crissement des pas de Ed sur le sable. Et ce ne fut qu'à l'instant où le blondinet s'était tut, après ce long discours prononcé sans le moindre ménagement à l'encontre de la demoiselle, que cette dernière s'était retourné pour lui faire face. Elle l'observa doucement, sans aucune intention hostile, conservant un visage parfaitement neutre. En réalité, elle réfléchissait sur ses paroles. Et affichait intérieurement un air ahuri également, ne croyant jamais entendre ce genre de phrases de sa vie.

"Bien sûr que t'as un problème", qu'il avait dit.
Oui, c'est vrai. Un véritable et ennuyeux problème.
Bis en était bien entendu la cause principale, l'unique.
Si en être consciente tait déjà un bon début pour s'en débarrasser, et bien, elle avait hâte de connaître la suite dans ce cas ! L'écraser, certes. Mais comment ? Psychologiquement, ça c'était certain C'était facile de dire ça. Mais le faire.. C'était une toute autre histoire. Quels remèdes existaient-il à Dreamland, pour se débarrasser d'une part de soi-même "légèrement" envahissante, qui avait grandi toute seule à l'aide de ses propres moyens ? Car oui, il fallait se l'avouer. Même si en temps normal, Bis ne parlait pas, quand elle désirait inciter sa maîtresse à faire quelque chose, là, elle devenait sacrément chiante. Etrangement, et heureusement surtout, elle n'existait pas dans le monde réel. Pourquoi seulement ici alors, dans le monde des rêves ? Un truc qu'elle avait avalé, mal digéré ? Un effet secondaire de quelque chose ? Ou peut-être avait-elle toujours eu des penchants schizophréniques en réalité, et ce n'était qu'à cause des points illogiques de Dreamland, le foutoir qu'il représentait, ou un détail du même genre, qui avait déclenché le processus.

Qu'est-ce qui avait déclenché tout ça ?
Aussi loin qu'elle s'en souvenait, rien de toute cela ne s'était produit.
Jusqu'au collège, elle avait toujours été une adorable petite fille, mignonne comme tout, et souriant à chaque seconde de la journée. Puis vint le passage de sa courte vie qu'elle préférait zapper, et ensuite.. Oui, ce n'était qu'après qu'elle avait commencé à devenir particulièrement agressive lorsqu'on s'en prenait à elle, ou bien à son entourage. Dès qu'elle percevait une injustice, elle voyait rouge. Puis, ses objectifs ont déviés. A force de traîner dans les rues, se la jouant un peu Batman - pathétique, pensa t-elle - elle avait fini par apprécier ce qu'elle faisait. Et finalement, faire de la violence son passe-temps. Et malgré ça, elle restait douce et attentive.
Au départ, elle avait très bien vécu ce qu'elle faisait. Manger, frapper, dessiner, bastonner, boire, dodo. A l'énumération de ces termes, Lithium eut quelque pitié d'elle. Elle ne saurait dire si tous faisaient parti du passé, ou non. Mais il fallait avouer que, dernièrement, elle s'était calmé ! Sauf que, le plus important n'était pas le "maintenant", c'était le "comment". Comment en était-elle arrivé à laisser carte blanche pour l'élaboration d'une seconde personnalité ?

La liberté.
Peut-être était-ce la liberté dont on jouissait à Dreamland qui en était la cause ?
Car oui, en y réfléchissant, en débarquant sur ces terres de rêves, elle avait été parfaitement libre de faire ce qu'elle voulait. Elle s'était battu, avait tué à plusieurs reprises, et aucune conséquence, ou presque, n'avait eu de répercussion sur elle. Enfin, elle était quand même bien soupçonné par Statu Quo pour avoir éliminé ce garde qui avait kidnappé un gosse, pour la retrouver. Sans oublier Onirion, dont elle avait raccourci les rangs d'un voyageur. C'était lui ou elle. Mais à force de réflexion, elle avait fini par comprendre ce qui était "bien ou mal". Bien sûr, on l'avait aidé à penser cela. Elle n'avait pas été seule. Aucun désir de vengeance ne l'avait motivé. Enfin.. La jeune femme déglutit.
Si. Elle criait bien vengeance. Après qui ? Elle avait du mal à mettre le doigt dessus. Mais elle se vengeait allègrement sur les connards qu'elle croisait. Ah ça, c'était de bons connards ceux là hein ! Mais faire justice soi-même, c'est pas très classe. Et la réputation qui s'ensuit par la suite, non plus. elle ne voulait pas devenir une seconde Vlad en puissance. Elle voulait aider les gens, mais en faisant le moins de dégâts ou blessés possible. A savoir si maintenant, elle s'y tiendrait.

Se persuader de guérir ne marchait pas.
Du moins, pas dans le cas de la jeune fille.
Ce n'était pas faute de se l'être dit et redit encore.
"Je vais guérir, je vais guérir, je vais guérir, je suis guéri."
Un problème de cette ampleur ne se soigne pas à l'aide de quelques mots.
Elle avait besoin de bien plus que cela. Une véritable aide. Mais surtout.. De réponses.
Tant qu'elle ne serait pas en paix avec elle-même, rien ne pourrait être entrepris sans échouer lamentablement. Ses tentatives seraient vaines tant que tout ne serait pas correctement en place dans ta tête. Elle voulait savoir. "Pourquoi" était le seul mot qu'elle avait en tête, l'unique mot qui lui brûlait les lèvres, et ce, tous les jours.

Puis elle sourit enfin.
Et se mit ensuite à rire.
Explosa de rire en fait même.
Elle était prise d'un violent fou rire à la suite des dernières paroles d'Ed, dont elle avait peine à se défaire. Plus sérieusement, elle se calma doucement, ramena ses cheveux en arrière et essuya quelques larmes. Relevant la tête de son petit instant de "divertissement", elle plongea son regard amusé dans celui du blond.


"T'as une drôle de façon de consoler les gens toi hein !
Rappelles-moi de t'appeler quand je fais une dépression."

Spoiler:

Elle le prenait très bien.
Un peu trop bien même d'ailleurs.
La jeune femme avait beau dire qu'elle préférait la dure vérité, à'un doux mensonge, on s'obstinait à lui monter un bobard immense, pour adoucir la situation. Mais apprendre ensuite la réalité des choses après avoir été trompée, elle trouvait cela davantage cruel et blessant. Pourquoi mentir ? En quoi cela été considéré comme "mieux" ? C'était tout simplement stupide. Une fois dite, la vérité peut certes parfois faire souffrir, mais elle est plus facile à digérer par la suite. Alors qu'un mensonge, un bon gros mensonge, alimenté même sur une courte durée, pouvait détruire l'élaboration entière d'une confiance. Elle en savait quelque chose. On lui avait tant de fois fait le coup, qu'à présent, elle se méfiait de tout. La franchise dont faisait preuve Ed à son égard était une véritable bouffée d'air frais pour la demoiselle. Vraiment.


"Et puis, je ne pense pas que Bis se laissera aussi facilement abattre.
Et moi non plus. Pas envie de mourir maintenant."
, rajouta t-il en reprenant sa marche aux côtés de Ed.

Spoiler:
Le soleil se couchait sur le Royaume des Tropiques.
Les couleurs chaudes se mêlaient aux froides de l'océan.
Tout se transformait sous les yeux émerveillés de la voyageuse.
Ses yeux s'imprégnaient de toute la beauté à laquelle elle assistait.
Elle n'avait rien vu d'aussi magnifique depuis bien longtemps, et avoir l'opportunité de recevoir un tel présent de la part de Dreamland, sans aucune obligation, était le plus beau cadeau que ce monde pouvait lui faire en cette soirée. Une telle palette de couleur, aussi vive et puissante, pour seulement quelques secondes, elle ne pouvait qu'être reconnaissante pour cela.
Le sang du soleil rougeoyant, mourant à l'horizon, glissait doucement dans la profondeur des eaux. La chaleur de l'astre s'aventurait jusqu'à la plage, enveloppant de sa douceur tiède les deux jeunes gens. Les rayons ensommeillés de cette immense étoile de braise se posaient délicatement sur la peau de tous, les illuminant de sa fièvre déclinante. Lithium s'abreuvait en silence de cette tiédeur. Autant de quiétude pour une seule nuit, ce n'était pas donné à tous.
Mais le plus étrange était à venir. Lorsque la jeune femme rouvris ses paupières, elle assista au spectacle le plus inattendu de toute sa nuit. Les créatures imaginaires dont on lui avait parlé sur la plage étaient là. Elle écarquilla les yeux de stupeur, et s'approcha en trottinant du bord de l'eau. Comme une enfant, elle observait tout et stockait les éléments dans sa mémoire. Elle éclata de rire lorsqu'elle vit un premier Dauphin Volant sauter, puis planer un court instant. Un second et un troisième firent de même, se croisant au dessus de la mer. Dans un majestueux ballet aquatique, les mammifères oniriques dansaient ensemble en rythme et en parfaite harmonie. Crachant par moment de l'eau dans les airs, elle tombait en perles de cristal à la surface de l'eau.
Le tableau devint encore plus splendide lorsque les Médusioles entrèrent en scène. Depuis les profondeurs de l'océan, elles montèrent en tout délicatesse des abysses, pour finalement illuminer de leur présence la scène depuis le fond. Des lumières bleutées et légèrement violacées vinrent éclairer la surface. La voyageuse s'approcha davantage, s'accroupit et glissa ses doigts dans l'eau multicolore. Elle sourit doucement. C'était si chaud. Une Médusiole vint flotter autour de ses mains, sans jamais les toucher, avant de repartir lentement. Un Las Vegas aquatique. Original. Et poétique.

Lithium soupira.
Tout ce à quoi elle assistait était unique.
Pas le moindre de ces détails ne seraient le même demain.
C'était pourquoi elle trouvait cela si beau et délicat. Cet instant était éphémère.


"Ce coucher de soleil, ainsi que ce spectacle, n'est visible qu'à cet instant précis.
Sa couleur, ses formes, tout va changer avec le temps. C'est parce qu'il est vivant que ce paysage ne naîtra pas deux fois."
, murmura t-elle.
"Et j'ai besoin de ce temps.."

Elle se perdit dans ses pensées.
Faut dire que, ce panorama était sacrément beau dis donc.
Pourquoi n'avait-elle jamais de couleurs lorsqu'elle en avait besoin ?
Rah. Au moins, elle imprimait dans sa tête, c'était le plus important.
Profiter de l'instant présent, admirer ce à quoi l'on assiste.
Tout était si lumineux, si pur. La Nature est parfois bien faite.




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MessageSujet: Re: Des vacances pas méritées Des vacances pas méritées EmptyLun 14 Jan 2013 - 1:06
Je n’étais pas bon psychologue parce que les psychologues, même si la plupart étaient considérés comme des charlatans incompétents, faisaient au moins l’effort de se mettre à la place de la victime, et de la conseiller selon un schéma de pensées théoriques qu’ils avaient potassé durant plusieurs années. Moi, en comparaison, je ne faisais vraiment pas d’effort. J’étais plutôt du genre à remercier la personne d’être venue me voir dans mon cabinet et de lui prescrire de ne plus penser aux maux qui la tourmentaient, ce qui devrait normalement les faire disparaître. Mais y avait un moment où j’étais étudiant en journalisme, où j’étais pigiste, où je n’avais pas de cabinet de psychologie et que mes principales activités, loin de travailler sur la psyché humaine, était de glandouiller sur mon canapé tandis que ma main cherchait un paquet de chips à portée. Lithium était gravement atteinte d’une psychologie toute onirique que peu de monde pourraient combattre, et les succès n’étaient évidemment pas garantis. Moi, j’étais juste le clown qui faisait rire les patients pour qu’ils oublient l’espace d’un petit sourire voire d’un franc éclat de rire, qu’ils allaient crever dans quelques semaines. Le docteur Adams aurait été certainement fier de moi, mais je ne pouvais pas supporter la guérison de Lithium plus loin que ça, si espoir de guérison il y avait.

Evidemment, j’aurais voulu l’aider. Mais si je n’avais pas un monstre ou une organisation visant à saboter le monde à cogner, si je n’avais pas une entité physique pouvant occasionner des dommages, mon panneau de signalisation ne servait à rien, sinon à interroger les badauds qui passaient à-côté. Il faudrait un spécialiste de tout ça, des comportements sur Dreamland, pas un aventurier baffeur comme moi. Et si possible, qu’il évite de retourner le cerveau de Lith pour en faire une blonde machine à tuer. Il serait très aimable. Elle était devant moi, le visage hésitant pendant une seconde l’expression à afficher, un regard neutre qui pouvait tout accueillir, et elle était possédée par elle-même, ce qui n’était jamais agréable niveau culpabilité. Et elle sourit. Avant d’éclater de rire. Je me creusai encore la tête afin de déterminer si c’était une bonne ou une mauvaise chose, mais elle s’arrêta assez vite pour que je le prenne mal et qu’elle me rassure avec ses prochaines paroles.

Hin, hin, « j’ai une drôle façon de consoler les gens ». Ouais, la subtilité, c’était un peu le gras de la viande de ma vie, le truc un peu dégueulasse que je mettais sur le bord de l’assiette d’une expression répugnante tandis qu’une partie de l’assemblée me dirait que c’était le meilleur morceau tandis que le reste m’affirmerait qu’effectivement, c’était dur à avaler et ça n’avait même pas de goût. Je levai la main en signe d’excuse en regardant le sable tandis que je rejoignis les côtés de Lith en riant un peu avec elle (peut-être que voire un sourire ne vous en arrachait pas un, mais je pouvais vous garantir que quand quelqu’un riait, il était très, très difficile de ne pas l’accompagner ; j’en voulais comme preuve les vidéos de fou rires sur Youtube). Je dis à la jeune fille tandis qu’on se remit à marcher :


« Désolé, hein ? La meilleure manière que j’ai pour faire arrêter quelqu’un de déprimer, c’est de l’assommer. » La méthode marche pendant quelques heures ; après, il faut recommencer.

Mais au moins, elle se sentait un peu mieux, ce qui, à part vouloir dire que j’avais rencontré un peu de succès, voulait aussi signifier que je ne passais pas trop pour un bouffon. Je la remerciai chaleureusement pour ça. Auprès de Lithium, je jouais un peu mon gourou à la connaissance plutôt infuse et à la manière de vivre plutôt relax, cool, calme, la vision parfaite d’un mec dans son jardin, un hamac comme cocon, et qui se penchait pour cueillir une fleur. Je ne pouvais pas cacher non plus le fait que j’étais très fier de moi de lui servir à quelque chose. Ça faisait très petit chienchien toujours content d’être là pour sa maîtresse, mais voilà, on se sentait toujours glorieux d’arriver à quelque chose, surtout dans un secteur où vous n’étiez pas partis pour marquer des points.

Lithium me dit aussi que son double aurait du répondant à une confrontation avec un bélligérant. Et elle aussi. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que des Voyageurs mastocs comme le Major McKanth avaient aussi du répondant et pourraient détruire un immeuble en faisant des étirements à l’intérieur. Je ne connaissais pas du tout le niveau de la blonde, et évidemment, je préférais ne pas me fier à mon instinct comme aux classements SMB qui mettaient quelques temps avant d’évaluer les forces entre les différents participants. Mais si elle était assez puissante pour botter le cul à des grands de ce monde, nul doute qu’on serait déjà au courant. Ce n’était pas comme si elle se baladait avec une autre personnalité dans la caboche d’humeur agressive. Je tiltai sur un petit détail et en profitai donc pour faire relancer la conversation :


« Tu l’appelles Bis, donc ? Hééé, c’est meugnon comme tout. Si c’est toi qui la baptises, je te conseille de la renommer. Bis, tu vois, ça fait trop toi-même, mais en deux fois. Nan, appelle-la plutôt par un truc rigolo. Je sais pas moi, Couche-culotte. » J’aurais donné des millions d’EV pour pouvoir appeler Fino ainsi. Malheureusement, il était du genre susceptible, et il serait capable de me faire cracher le flouze, ET de me déboîter l’aine à coups de fusil à pompe après. « Tu peux sinon tenter un Blanquette de veau, Abrutie, Madame Putain, Loulou. T’as le pouvoir sur elle, non ? Faut au moins que tu puisses l’appeler comme tu veux. »

Dès que je terminai de parler, je trouvai qu’appeler une personnalité multiple Blanquette de veau serait une excellente idée. Comment un pote à moi avait décrit la schizophrénie, déjà ? Ah oui, une collocation de personnalités. Le pauvre était aussi dérangé, donc je ne lui en voulais pas trop. Je continuais pour rassurer la fille :

« Je te parlais pas de mourir, juste d’être assommée, arrêtée. Oublie pas que je parle de personnes qui ne tuent pas les gens, tu n’as rien à craindre. » Enfin, y en avait quelques-uns comme ça, c’était vrai.

Par contre, au procès, si elle tentait l’excuse de la schizophrénie, elle risquerait de ne pas être très bien accueillie. Non seulement c’était une excuse pourrie, digne de « il était pas beau alors je l’ai buté », mais en plus, bah, même si les juges la croyaient, ils l’enverraient quand même à Lost Shadows, la célèbre prison de Voyageurs, recluse au fin fond de la zone 4, et plus personne ne pourrait quelque chose pour elle jusqu’à sa libération. Elle pourrait se donner toute entière à ses remerciements mentales à Blanquette de Veau (enfin, Bis) de l’avoir fourrée dans le pétrin. Si elle parvenait à résister à ses tortionnaires et aux embûches constantes de la prison.

Si on revenait au délicieux Royaume des Tropiques, on pourrait se rendre compte que le crépuscule était tombé. Un magnifique crépuscule, avec un soleil rouge ardent qui plongeait à son tour dans l’horizon après avoir veillé sur tous les baigneurs pendant la journée. Evidemment, au lieu d’être une simple pièce de monnaie qui plongeait au loin de la ligne d’horizon, il fallait un soleil magnifique et énorme, dantesque comme dans les œuvres littéraires, les films à grands spectacles. Il allongeait les ombres et offrait une vue splendide sur l’océan devenu bien plus calme, dont on entendait encore les remous réguliers qui berçaient les esprits qui s’y laissaient prendre. Le grain était devenu d’une douceur encore inconnue, les gens étaient partis se réfugier dans les hôtels, car la vue était bien plus belle devant la télé, la brise était bien plus fraîche, et le monde était devenu… silencieux.

Y avait aussi eu joli spectacle avec des animaux partout qui brillaient, mais bon, ça ne devait intéresser que les filles.

Je suivis tout de même Lithium au bord de l’eau sans trop chercher à me mouiller. Sentir le sable sous ses pieds était très agréable, sentir l’eau vous chatouiller les orteils aussi, mais le sable mouillée, y avait rien de plus casse-couilles. Le nombre de fois que j’étais passé sur la plage, pendant mon enfance, à tenter de me débarrasser du sable mouillé, et ma seule idée efficace était d’aller dans l’eau à nouveau pour enlever tout le sable et… retraverser la plage. J’étais bête à cette époque (plus bête que maintenant, oui).

En tout cas, le spectacle disparut et je me grattai un semblant de barbe tandis que Lithium se montra absolument touché par le spectacle qu’elle avait vu. C’était peut-être son côté artiste qui voulait ça. Elle regardait encore le soleil couchant avec un visage que je devinais passionné, et je me sentis un peu lourdaud de ne pas ressentir les mêmes sensations qu’elle, et à ne penser qu’au sable mouillé sur mes semelles. Les couchers de soleil sur l’océan étaient toujours magnifiques de toute façon. Ceux de Dreamland avaient encore plus de béatitude à distribuer, ils vendaient du rêve, mais je pensais que je préférais la modestie de ceux réels. Je m’émerveillais dans ce soleil rougeoyant, mais un vrai soleil bien réel me tranquillisait comme peu de choses pouvaient me tranquilliser.

Lithium lâcha enfin quelque chose sur la beauté de l’éphémère, comme quoi ce qui était beau résidait dans les merveilles qu’on voyait ainsi que sur leur espérance de vie très courte. Oui, c’était une des lois humaines re-masterisées : il fallait profiter de ce qu’il y avait, et il fallait d’autant plus profiter si la chose était rare, magnifique, ou brève. Je me demandais si je devais redire quelque chose à ceci et déballer une fois de plus mes pensées et mes réflexions afin de présenter mon point de vue à la miss, voire retourner sur le sujet de sa maladie psychotique en trouvant des parallèles et une morale à retirer de tout ça. Il ne manquerait plus, enfin, qu’un « The End » apparaisse dans le ciel et le film serait terminé. Il faudrait un baiser aussi, mais même si Lith restait une fille bien faite, je préférais me concentrer sur d’autres lèvres (d’autres filles, je précisais). Je n’étais pas du genre à profiter de la faiblesse d’autrui pour m’introduire dans… dans… dans sa vie privée. Enfin, tant que ce n’était pas moi-même qui avait déclenché cette faiblesse (avec la célèbre technique d’engourdir les sens d’une fille à une soirée à coups d’alcools, ou plutôt, « d’eau minérale » d’origine russe).

Je mis quand même mes mains dans les manches de mon maillot bien sec et content de l’être tandis que je cherchais dans ma tête quelques réflexions intelligentes qui pourraient en sortir. J’abandonnai rapidement l’idée et continuai la discussion avec les premières pensées qui me venaient à l’esprit, qui étaient étrangement les plus véritables sur ce que je voulais dire, bien qu’aussi explicites qu’un film de Malick :

« Si ça bouge, si c’est vivant, alors ça peut être encore plus beau. Donc, y a pas à se plaindre de l’éphémère, j 'dis. »

Je ne disais pas qu’elle s’était plainte. C’était juste le continument de ma pensée. J’aurais pu dire autre chose sur le fait qu’elle ait besoin de temps, mais j’avais du mal à comprendre si elle souhaitait juste du temps pour peindre le panorama, ou du temps pour quelque chose de bien trop profond pour que je puisse comprendre.

Croyez-le ou non, même si ce n’était pas moi de mentir, mais je me réveillai trente secondes plus tard, accompagnant le réveil du soleil dans cet autre monde.
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Des vacances pas méritées

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