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[Quête solo] J'ai rêvé de toi hier.

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Jacob Hume
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MessageSujet: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptyJeu 5 Juil 2012 - 13:04
J’ai rêvé de toi hier

1.


Je n’ai jamais aimé lire la thèse d’un autre. Autant, pour la lecture d’un roman, on peut se lancer dans l’histoire, s’attacher aux personnages, réagir au suspense et avancer rapidement. Je peux lire des centaines et des centaines de pages d’un roman – s’il est bon, bien entendu – sans m’arrêter. Par contre, lire une thèse philosophique, c’est pas que ce n’est pas intéressant, mais qu’on est systématiquement invité à s’arrêter, se poser pour réfléchir et laisser son esprit jongler entre des réflexions personnelles, des tentatives de compréhension du texte et des analyses métaphysiques plus générale sur le sujet du bouquin. Sans parler bien sûr d’être contraint d’avoir un dictionnaire à côté de soi pour le consulter au besoin et ne pas hésiter à discuter les concepts. Bref, pour lire ce genre d’ouvrage, tous les étudiants vous le diront, soit il faut s’accrocher, soit il faut trouver un résumé assez simple sur internet, soit il faut penser avec deux esprits, un qui correspond à l’auteur du texte, un bien à soit. Résultat, je dépasse rarement la lecture de plus de dix pages de philosophie par jour, me faisant très rapidement chier avec une telle activité, alors que je suis capable d’emmagasiner plus de quatre centaines de pages d’un roman bien écrit, à condition qu’il en ait autant entre le lever du jour et le crépuscule, le tout sans même avoir besoin d’allumer la lumière. Le problème, c’est que je suis en faculté de philosophie et non en littérature moderne. Alors je me retrouve toujours avec des tas de livres conseillés et recommandés par mes profs, ou dont la lecture est plus ou moins rendue obligatoire pour suivre les cours de l’un ou de l’autre, en n’en lisant qu’un sur vingt dans la liste et nécessairement le plus court et le plus simple. Quoi qu’il en soit, même si je peux adorer les discussions métaphysiques, je suis un cancre intraitable au niveau des lectures et emprunt à la flemme qui frappe l’ensemble des étudiants français, tous unis contre l’effort. Je participe donc en général beaucoup en classe, mais je reste complètement arriéré au niveau de mes connaissances des différents auteurs discutés.

Ce matin là, je m’en souviens très bien, j’avais plus ou moins décidé de me lancer dans la lecture du Banquet de Platon. Je l’avais très vaguement étudié des années plus tôt, en terminale, et n’avait déjà pas trouver l’idée transcendante. À présent qu’avec toutes mes nouvelles connaissances, mes nouvelles réflexions et mes nouvelles conceptions du monde je me relançais dans la lecture de celui-ci je le trouvais encore une fois lassant et sans intérêt par rapport à mes propres convictions. Même si l’idée de Platon n’était que de donner une image très métaphorique de ce qu’il souhaitait dire réellement au final, le fondement de sa pensée ne s’accordait pas trop sur la question avec la mienne. Ainsi donc, mon compte rendu de lecture s’axerait sûrement sur un démontage en règle de la théorie, au risque de me taper une note risible pour cause d’insultes proférées envers l’auteur favoris du professeur ou plutôt, en termes plus légaux, d’obstination critique et manque d’ouverture d’esprit, si ce n’était pas la simple mention « vous n’avez pas compris le texte. » En réalité, il y avait belle lurette que je ne me préoccupais plus tant des mes résultats scolaires – sûrement à partir de la quatrième, quelque chose comme ça. J’avais décidé de vivre de façon beaucoup plus intéressante qu’en me destinant à une vie de professeur ou de connard rébarbatif incessamment invité sur les plateaux télévisés dans les émissions intellectuelles de la nuit, après Soir 3. J’avais de toute manière cent fois plus envie de me lancer dans quelque chose de plus concret, d’avoir un boulot qui me donne la sensation d’être utile et pas seulement de me faire plaisir dans des discussions métaphysique sans jamais passer à la phase application des préceptes. Je me voyais plutôt devenir un charpentier, un assistant social ou un bénévole indemnisé à temps plein. Je m’étais déjà lancé dans une aide plus ou moins importante aux associations qui m’étaient accessibles et dans un vague petit boulot de vendeur les samedis après midi, sans parler des deux ou trois services que je rendais à droite à gauche. Mon seul objectif était donc de me trouver un emploi ou une occupation régulière et assez bien rémunérée pour me permettre de vivre tranquillement dans ce monde et de pouvoir en profiter pleinement. Je n’allais à la faculté que dans l’intention d’occuper le temps que je ne consacrais pas à une telle recherche.

Mais pour en revenir à Platon, mon désarroi quant à son texte ne venait pas du fait qu’il n’y avait rien de concret dans ce qu’il disait, mais simplement du fait que sa conception de l’amour restait un peu fumeuse pour moi. Il était certain que l’idée assez fleur bleue que nous n’étions tous que la moitié d’un autre et qu’une fois cet autre rencontré nous devenions plus forts et plus puissants que les Dieux eux-mêmes avait son intérêt. Pourtant, je ne croyais pas à cette idée qu’il n’existait qu’un seul individu qui puisse nous convenir à ce point. Cette conception des choses me paraissait fausse et non avenue. J’étais plutôt centré sur l’idée que l’amour était à sens unique, qu’il y avait un aimant et un aimé. Je ne sais plus dans le bouquin lequel des personnages émet cette idée, néanmoins, je la trouvais déjà beaucoup plus juste. Rien n’empêche bien entendu que l’un choisisse d’aimer un second et que le second en question décide d’aimer le premier en retour. Hélas, l’on entendait bien souvent ces histoires d’amour où l’un aimait l’autre. Je ne me souviens plus exactement quelle histoire a pour principe que machin aime machine qui aime truc qui aime chose qui aime Hector, sachant qu’Hector est mort. Cette histoire, comme celle de Bérénice et de Titus par exemple, illustre parfaitement cette idée de gens qui en aiment d’autres sans être aimés en retour. Cela n’empêchait pas que deux personnes s’aiment sincèrement, mais simplement qu’ils évitent de chercher partout l’âme sœur et d’attendre d’être frappés par la foudre pour croire au bonheur. Telles étaient alors mes conclusions sur l’ouvrage que je relisais ce matin-là et dont, après trois jours de dur labeur placés dans sa lecture – je reconnaissais au moins à Platon l’avantage d’avoir écrit des dialogues plutôt que des essais, bien plus aisés à lire –, j’approchais enfin la finalité. Néanmoins, ce matin-là, nous étions un Mardi, un jour que mon emploi du temps chaotique avait décidé de laissé en général libre, en compagnie du Dimanche et du Mercredi. Jours que je consacrait donc usuellement aux bonnes œuvres, aux travaux personnels ou, plus souvent, à des sorties de détente diverses. Que je passe mon temps au cinéma, à discuter avec des amis, à me baigner ou à glandouiller çà et là sous des prétextes un peu miteux, ces journées étaient souvent plaisantes et naturellement commune à beaucoup d’étudiants en faculté.

Aussi, à cet instant précis où mon réveil sonnait à côté de moi, je lâchai mon débat métaphysique interne, reposai l’objet de son origine sur ma table de nuit et actionnai la fin de l’alarme matinale. Depuis longtemps, je ne me levais plus avec la sonnerie usuelle qui tirait mes camarades du lit à des heures indues, j’avais pris l’habitude de détester assez le sommeil pour que le soleil en se levant, caresse mes yeux et les ramènent à la réalité. Parfois même en couchant bien après sa disparition derrière l’horizon. Je dormais de moins en moins et développais une capacité d’endurance toujours plus grande et plus étrange pour éviter le lit tout en m’activant pendant la journée. Parfois, il m’arrivait de compenser par une nuit de sommeil plus longue ou par une petite sieste rapide dans le courrant de l’après-midi où lors d’un cours un peu trop passionnant pour ma maigre capacité d’attention. Le café et les autres tonics du genre me maintenaient en forme aussi longtemps que je le désirais, mais surtout, en éveil. Mon corps, paradoxalement, avait fini par s’habituer à mon manque de sommeil et ne se plaignait plus tant. Je n’avais pas exactement la force d’abattre un travail harassant pendant toute la durée de mon éveil, mais au moins je pouvais tenir dans cet état plus longtemps que la plupart des gens. N’ayant jamais été insomniaque, en revanche, je rêvais qu’un tel défaut vienne me libérer de mes nuits. Toutes ces mauvaises habitudes avaient commencées plus d’un an auparavant, lorsque par une nuit printanière comme une autre, j’avais écrasé ma plus grande peur au royaume des rêves. Ce petit exploit m’avait transformé en un voyageur, un être capable d’arpenter le monde des rêves comme j’arpente celui-ci. Mais qui m’avais aussi condamné à passer l’ensemble de mes rêves – à présent éveillés – enfermé dans une bulle qui provoquait en moi douleur, isolement et dépression onirique. Depuis cette fameuse nuit, j’étais privé de nuit paisibles, privé d’un sommeil tranquille et mérité, je ne pouvais plus que souffrir mes rêves au lieu des les accueillir à bras ouverts. Un tel calvaire était insupportable et poussait mon esprit et mon corps à éviter la nécessité de dormir au maximum. Et depuis cette fameuse nuit qui avait été ma première à Dreamland, je cherchais par tous les moyens à ma disposition à mettre un terme à mes peines en quittant l’état de voyageur pour redevenir enfin le rêveur que j’étais auparavant et pouvoir de nouveau mener ma vie d’antan, bien plus heureuse et bien plus simple aussi.

Pour trouver le chemin de la liberté onirique, je devais trouver la mort dans ce monde brutal et délirant. Hélas, la prison dont j’avais acquis le contrôle me maintenait en vie mieux que n’importe quel conseil médicinal. J’étais d’ailleurs passé par des souffrances, des dégâts et des peines incroyables sans avoir trouvé le moyen de mourir. Un autre voyageur avait une fois tranché l’un de mes poumons en deux, une telle plaie aurait sûrement dû me tuer en quelques minutes, pourtant, la bulle m’avait bravement maintenu dans un état de survie précaire jusqu’à mon réveil. Et ce n’était là que l’un des exemples qui faisaient de ma vie rêvée un enfer indésirable. Dans ma quête de décès, je m’étais cependant allié à un autre jeune voyageur, un certain Ed Free, devenu à présent l’un de mes plus proches amis, ainsi qu’à deux gentes demoiselles, Shana et Hélène. Nos aventures oniriques m’avaient mené à endosser le rôle étrange d’un combattant du bien, j’y passais mon temps à tenter d’améliorer les rêves des uns et des autres, à tenter de protéger les créatures les plus faibles des créatures les dangereuses, le tout en me souciant le moins du monde du danger, puisque j’étais impeccablement protégé et que de toute manière, je cherchais la mort, en vain. Ces quelques péripéties m’avaient mené, avec mes camarades, à prendre le contrôle d’un petit royaume, pris aux mains de félons et de cancres que nous avions vaincus. Cette nouvelle position nous avait permis de créer un refuge pour ceux qui le souhaitait et fonctionnait doucement sur la pente de l’altruisme. Néanmoins, cela nous avait aussi apporté quelques ennuis supplémentaires et de multiples complications politiques dont nous n’avions pas besoin. Nous ne pouvions pas exactement laisser en plan ceux que nous avions juré de protéger et nous ne pouvions pas non plus affronter tous les dangers de ce monde et les mille terreurs qu’il renfermait. Nous étions donc contraint d’user d’une subtilité politique qui m’agaçait bien souvent. Par exemple, il y avait cette famille de voyageurs, à la tête de l’une des guildes les plus impressionnantes que l’on connaisse, qui avait décidé sans raison de nous affubler de la responsabilité de la mort d’un de leurs membres et donc de lancer leurs troupes à notre poursuite. Dans un geste d’audace, je m’étais rendu dans leur repère et leur avais dérobé quelques informations précieuses pour négocier la cessation des hostilités. De plus, certains autres royaumes semblaient plus ou moins s’intéresser à notre position, sans parler du fait qu’un seigneur que je ne connaissais pas, ou dont personne n’avait entendu parler, avait semble-t-il décidé de s’intéresser à mon cas. Toutes ces choses ne me permettaient plus d’agir aussi librement que je le souhaitais et m’imposaient bien souvent des missions et des actes que je n’aurais pas fait en temps normal. Hélas, ma vie onirique n’était pas de tout repos et je ne pouvais m’en défaire. Toutes ces obligations avaient fini par me faire d’autant plus regretter mon ancienne position de rêveur et s’imposaient aussi à moi la journée afin que je réfléchisse aux différentes solutions adéquates. La plupart du temps, je chassais ces pensées aussitôt et me concentrai sur la vie que j’avais choisie comme la mienne : celle du monde éveillé.

Ce matin-là, après que mon réveil n’ait sonné pour me prévenir que l’heure de quitter le lit était venue, j’étais bien décidé à ne pas me laisser hanter par les différents problèmes qui me venaient de mes rêves. Cette journée libre de toute forme de travail régulier serait donc entièrement consacrée à la détente et aux loisirs. Sûrement aurais-je l’occasion de traîner un peu en ville pour m’amuser, une sortie cinéma n’était pas à exclure, une rencontre avec quelques amis était même probablement ce qui m’arriverait de mieux. Je me levais donc avec énergie, saluait avec un petit sourire le bordel qui ressemblait à ma chambre et les montagnes de papiers divers qui s’étaient rassemblés sur mon bureau. Je n’étais pas exactement l’homme le plus maniaque du monde et l’on pouvait deviner la chose au premier regard sur la chambre où je dormais. Pourtant, je n’étais pas davantage centré sur le désordre et cette situation où marcher sur le plancher devenait difficile m’exaspéra un peu. Avant même d’entreprendre toilette, petit déjeuné et autres activités usuelles que l’on accomplissait au réveil, je me lançais dans une mission délicate : mettre de l’ordre dans mes affaires. Le simple fait de mettre le linge sale dans un coin, de faire des piles dans mes papiers et de remettre livres et DVD sur mes étagères dégagea le terrain et me donna entière satisfaction. Je me contentai, dans ma bonne humeur, de faire un brin de ménage pour compléter l’ensemble. Une heure plus tard, sans disposer de la chambre la plus impeccable de la ville, j’avais de quoi considérer l’endroit comme d’une propreté suffisamment confortable. Il ne restait plus qu’à poursuivre cette journée du mieux que je pouvais.

Quelques mois plus tôt, j’avais déménagé sur le conseil de mes parents et de certains de mes amis pour prendre un appartement plus grand et plus adéquat à ma vie d’adulte. Le studio que je partageais avec Lucia ne convenait plus depuis longtemps et mes nouveaux revenus, entre les jobs d’été et mon travail à temps partiel me permettaient un style de vie sensiblement plus élevé. Sans parler des deniers versés mensuellement par ma famille le temps de finir mes études et de trouver quelque emploi plus régulier. Fini donc le petit studio en centre-ville, j’étais à présent passé à un merveilleux trois pièces dans des quartiers moins élégants, certes, mais tout aussi pratiques pour mes besoins. Ce qui m’avait donc aussi amené à changer de colocataire, contre la jeune et féminine Lucia, je me retrouvais à présent en compagnie d’un vieil ami de lycée, Nicolas, geek infatigable, demeuré au possible et fort sympathique en fin de compte. Nicolas était cet éternel fainéant, cet associable merveilleux, cet archétype du jeune en année sabbatique. Décrire tel personnage n’était une tâche aisée et pourtant, manquer une telle occasion serait une faute grave de ma part. Nicolas avait le physique même de l’homme qui restait planté devant un écran à longueur de journée pour jouer à ces jeux idiots sur internet en insultant le soleil chaque fois que sa puissance lui imposait de régler la luminosité de son écran. Porter des vêtements, ou plutôt quitter son pyjama et son vieux peignoir vert bouteille, était pour lui une rude épreuve à laquelle il ne se soumettait que dans le cas exceptionnel où ses pas l’amènerait en dehors de l’immeuble. Se raser lui paraissait bien souvent inutile et il avait la plupart du temps une barbe de quelques jours sur le visage dont il ne se préoccupait pas tellement. D’ailleurs, sa chevelure, quoi qu’entretenue courte assez régulièrement, demeurait ce perpétuel fouillis de brun légèrement bouclé. Les douches n’étant pas non plus son sport favoris, j’étais parfois forcé de lui rappeler subtilement que nous vivions à deux dans cet appartement et qu’il sentait déjà suffisamment l’homme ainsi. Pourtant si son apparence physique laissait à désirer, il était encore plus intéressant de s’appliquer à observer sa façon d’être en société. Et la réponse première qui pouvait vous venir à l’esprit était naturellement que cet homme-là n’avait pas vu la société depuis un long moment. De fait, il était le genre d’individu à avoir accepté la dépense incroyable d’un grand écran HD, d’un home cinéma et d’un canapé hors de prix, dans le seul objectif d’y brancher son ordinateur afin de « jouer correctement à WOW. » Et lorsqu’il ne jouait pas aux jeux en ligne, Nicolas passais son temps devant son écran d’ordinateur, dans sa chambre, à surfer sur le net, où invitait ses camarades de jeu à des parties nocturnes de jeu de rôle. Pourtant, le petit malin ne vivait aux dépends de personne et payait son loyer sans l’aide de ses parents et sans avoir à sortir de chez lui. Il avait trouvé l’emploi parfait pour sa vie de troglodyte, il avait pour charge de tester certains jeux vidéos pour en écrire des critiques très appréciées par une dizaine de sites et journaux spécialisés sur la question. Pire encore, ses capacités informatiques avaient fait de lui un programmeur de seconde zone, mais assez brillant pour avoir inventé un jeu en ligne complètement inutile et pour lequel il touchait de maigres droits publicitaires de temps à autre. Sa vie était donc centrée sur l’univers des écrans et des jeux-vidéos, alors que j’étais plutôt un homme de terrain et d’extérieur.

Néanmoins, malgré la différence de nos styles de vie, notre colocation fonctionnait à merveille. Une fois passé le cap des régulières remontrances pour obtenir un peu de rangement de sa part où une propreté plus adéquate, nous nous entendions très bien. Certes, Nicolas était un peu à la ramasse en matière de sociabilité et avait bien du mal à comprendre les subtilités d’une relation normale. De même son intelligence en la matière dépassait parfois des limites de maladresse affligeante. Beaucoup l’auraient sûrement jugé comme manquant clairement d’esprit, néanmoins, c’était peu le connaître. Moi qui vivais avec lui pouvais affirmer sans le moindre doute qu’il excellait en son domaine : la connerie humaine. C’était un art que peu d’entre nous pouvaient pratiquer avec autant d’aisance et de naturel. Cet énergumène pouvait vous sortir les idées les plus absurdes du monde au pire moment comme personne n’aurais jamais pu le faire. Ses rares relations féminines avaient été des désastres dignes d’entrer dans les annales de la bêtise. La première, qui était peut-être tout aussi geek que lui, l’avait quitté après une engueulade sérieuse ayant pour base le manque d’initiative dudit compagnon. Pour tenter de remédier au problème, Nicolas avait alors déclaré solennellement que ce n’était pas vrai puisqu’il avait créé sa propre guilde et en citant d’autres exploits de rôliste. La pauvre Nathalie, qui espérait alors qu’il ait plus souvent la volonté de l’inviter, de passer du temps avec elle, de lui faire des surprises ou même de lui offrir quelques modestes cadeaux comme de doux mots d’amours, avait été diablement déçue par une telle réponse. Pour se consoler de cette rupture qu’il ne comprenait pas Nicolas avait programmé son jeu idiot qui consistait très justement à amener un petit personnage à travers un décor en 2D jusqu’à une princesse en le perdant dans des labyrinthes assez simplistes, mais qui requerraient la résolution d’énigmes mathématiques. Pour y avoir joué plusieurs fois, je peux vous affirmer que notre petit génie d’informatique a inventé là un jeu digne d’intérêt pour tous ceux qui désirent occuper inutilement leurs journées. D’ailleurs, il y rajoute certaines mises à jour lorsqu’il lui en prend l’envie, créant quelques niveaux supplémentaires ou en changeant une ou deux énigmes, attirant donc toujours de plus en plus de joueur sur son petit bijou. Sa seconde aventure n’avait pas duré bien longtemps, quelques jours tout au plus. Rencontrée via un site prévu à cet effet, elle s’était présentée chez nous pour passer quelques jours avec lui. Tout s’était bien passé les deux premiers jours, néanmoins, à l’arrivée du troisième, dans un grand accès de romantisme, mon héros favoris l’avait invité à repartir chez elle pour qu’il puisse se consacrer à WOW tout le week-end, puisque sa guilde devait accomplir un mission d’importance première, prévue depuis bien longtemps et naturellement impossible à repousser. Encore une fois, il n’avait pas particulièrement compris pourquoi la demoiselle n’avait jamais rappelé après son départ. Enfin, la troisième et dernière personnalité féminine à avoir franchi le seuil d’entrer en relation intime avec mon colocataire, une certaine Agnès, avait été le fruit d’une changement étrange chez lui. Après l’avoir rencontrée et tout le mois qu’a duré cette relation, Nicolas s’était mis en tête de garder celle-ci coûte que coûte. Il en fit sa priorité absolue, devant ses différentes activités en relation avec les écrans, devant ses soirées entre copain et même à mon grand désarroi, devant son fidèle colocataire qui décida pourtant de l’aider au mieux de ses capacités dans cette affaire. La belle Agnès devint donc l’objet de toutes ses attentions et il l’invita assez souvent, délaissa régulièrement son personnage de WOW, tenta de s’intéresser à la musique que lui faisait écouter sa dulcinée – tentant malgré tout d’initier un peu sa compagne aux jeux de rôles, ce à quoi, je dois l’avouer, elle ne fut pas aussi attentive qu’il l’avait espéré –, mais plus encore, il accepta réellement de sortir assez souvent à l’extérieur pour s’occuper d’elle. Néanmoins, son incroyable retard en matière de relations humaines fini par le rattraper et malgré tous ses efforts, il parvint à dégoûter de lui la pauvre Agnès en lui sortant bon nombre d’inepties involontaires dont la plus remarquable fut certainement de vouloir la comparer – pour la complimenter – aux personnages féminins qu’il avait rencontrés sur WOW et qui étaient si alléchants d’apparence et dont les joueuses étaient, selon lui, des filles assez géniales, dont il fit ensuite la longue description avec un engouement déplacé. Quoiqu’elle ne quitta qu’un peu plus tard, je ne l’aurais hélas que trop bien compris si elle l’avait fait auparavant. Car peu importait les efforts qu’il faisait, il n’arrivait pas à la concevoir aussi bien, voire meilleure, que des jeunes filles dont il ne savait au final, pas grand chose et qu’il idéalisait sûrement un peu trop.

Ainsi donc était mon nouveau colocataire, que j’appréciais à la fois pour le ridicule dont il faisait preuve et pour son amitié qui malgré tout, restait indéfectible. Pourtant, j’avais beau me moquer de ses aventures amoureuses, mon amour propre en la matière n’avait pas exactement de quoi se vanter non plus. À l’époque je n’étais pas un garçon des plus attentionnés et des plus stables en matière de cœur. Je n’avais pas essuyé un néant complet, bien au contraire, mais le sérieux manquait clairement à mes relations. Il m’était arrivé à plusieurs reprises d’entretenir de façon brève et succincte et sans la moindre illusion, des aventures avec des jeunes filles fort jolies. J’en avait ramené plus d’une dans mon lit et même parfois quelques amies qui, lorsque l’envie les prenait, revenait partager ma couche. Je crois d’ailleurs avoir été utilisé à deux reprises pour rendre d’autres mâles jaloux et l’avoir fait sans le moindre remord. M’attachant à une liberté sentimentale toute futile, j’avais fini par n’être rien d’autre qu’un coureur de jupon, un amant occasionnel et un homme qui n’était pas considéré par ces dames comme un compagnon potentiel, mais plus comme un moyen de se détendre les soirs d’hiver. Certes, il y en avait bien eu une qui y avait cru, hélas, par sincérité envers elle, je lui avais avoué mon manque de désir de poursuivre cette affaire et il me vient encore une sensation étrange chaque fois que je pense au mal que je lui ai fait sans le vouloir et par inattention de ma part. Bien que nous soyons encore amis, je soupçonne qu’elle m’en veuille encore un peu et qu’elle ait bien raison. Mon attitude n’était d’ailleurs que la conséquence de mes soucis oniriques et de mon étrange volonté de ne pas vouloir me sentir oppressé par la présence d’une demoiselle dans ma vie. Une petite peur qui cependant, n’allait pas durer. Ce fut une coïncidence étrange que, ce jour-là précisément, je rencontrais les deux femmes qui stabiliseraient mes deux vies, onirique et réelle.

Ce matin-là, je ne croisais naturellement pas mon camarade de vie actuel et mon frère de célibat. Si j’étais habitué à me lever aux aurores, mon colocataire était habitué à se lever toujours plus proche du crépuscule que de l’aube. Il vivait l’après midi et la nuit, lorsque je me régalais du matin. Une fois ma chambre rangée, j’en vins à faire ma toilette, à me coiffer rapidement, à engloutir un petit déjeuné fait de céréales au chocolat et de lait, à écouter un peu de musique et à élaborer des plans pour ma journée, en me demandant ce que j’avais envie de faire. Une sortie au cinéma était peut-être une bonne solution, hélas, la période manquait clairement de bons films à voir. Quant à sortir avec quelques copains, j’avais malheureusement plus ou moins le souvenir que la plupart travaillaient le Mardi et que les rares qui pouvaient être disponibles n’étaient pas exactement ceux que j’avais envie de voir aujourd’hui. Ainsi, j’irais sûrement flâner dans les rues ou dans les alentours de la ville, peut-être même irais-je jusqu’à la plage. Après tout, le temps était assez beau et l’exercice ne serait pas exactement une mauvaise chose pour moi, surtout avec ma façon de manger. Je gardais en la matière mes vieilles habitudes de gamins, peu de légumes, beaucoup de sucre. Un paradoxe assez étonnant puisque en réalité, j’adorais cuisiner et j’aimais manger des plats de légumes ou de fruit bien préparés. Hélas, une flemme commune à tous les étudiants et les jeunes de mon âge me poussait à haïr l’effort surhumain que représentait la création d’une salade de saison. Fort de cette nouvelle idée, je me préparais donc à une journée agréable de détente bien méritée. J’avais terriblement tort, cette journée serait pleine d’émotions, de questionnements et surtout d’événements que jamais je n’aurais cru pouvoir m’arriver en une seule journée. Je suppose que cette journée de suractivité n’était que la conséquence de toute celles qui l’avaient précédées, tranquilles et sans histoires. Il fallait bien que tout éclate un jour ou l’autre.

Tout commença lorsque j’allais récupérer le courrier qui nous était destiné, à moi et à Nicolas. Entre les factures, les publicités débiles et les relevés bancaires, je trouvais deux lettres ayant chacune l’occasion d’être intéressante. Et les deux m’étaient adressées. Mon colocataire était bien trop axé sur les emails et autres moyens de communication rapide et permis grâce à internet pour recevoir des lettres. Tout passait par son ordinateur et je le soupçonnais d’avoir oublié quel était l’usage des timbres. De fait, la dernière fois que le destin lui avait quémandé l’effort d’envoyer une lettre par la poste, il m’avait simplement prié de le faire à sa place en prétextant qu’il ne connaissait pas l’adresse de la boîte de dépôt la plus proche. Peu m’importait après tout ses déboires en la matière, à l’époque j’avais simplement été heureux de trouver une occasion de sortir un peu de l’appartement. La première de ces deux lettres venait directement du magasin où j’occupais une place de vendeur les samedis et le reste des vacances d’été, qui s’annonçait déjà comme une fiche de paye bien grasse. Je ne fus pas déçu. En remontant l’escalier, j’attachais donc plus d’attention à celle-ci qu’à l’autre dont je ne connaissais rien de l’expéditeur et dont je ne pouvais évidemment pas deviner la teneur. Il s’avéra pourtant, au moment où j’entrais enfin de nouveau dans l’appartement, que celle-ci dicterait davantage les pas de ma journée que la précédente bonne nouvelle. En apparence, cette lettre précise n’avait rien de particulier. Mon nom y avait été écrit à la machine, avec mon adresse. Comme toute enveloppe envoyée par une entreprise, il n’y avait pas de timbre, simplement cet espèce de tampon auxquels nous autres, les non-initiés, ne comprenions absolument rien. En haut à gauche du rectangle, on avait judicieusement placé le logo de la compagnie expéditrice, qui ne disait absolument rien. Il s’agissait d’un petit croissant de lune ressemblant à la « Dreamworks », mais basculé dans la transversale et accompagné d’une petite étoile à quatre branches, digne des plus grands Disney. Au-dessous de ce petit dessin à l’encre noire, les trois lettres S, D et C avaient été imprimées dans la même couleur. Sobre et efficace, je me demandais simplement quel organisme utilisait un tel logo ou pouvait se cacher derrière ces trois initiales. Finalement, je me rappelai juste que le symbole s’en rapprochant le plus était celui des pays musulmans, dont la plupart l’arboraient sur leurs drapeaux respectifs. Avec quelques différences tout de même avec l’objet actuel de mon attention. À commencer par le croissant de lune renversé et qui ne traçait qu’un demi-cercle, là où les drapeaux en question présentaient un cercle quasi complet. Enfin, l’étoile n’avait ici que quatre branches et avait presque l’air d’une simple croix. Seul l’élément céleste nocturne qui se trouvait à côté prouvait qu’il s’agissait sûrement d’une étoile.

Ne parvenant à déchiffrer seul l’énigme du logo, je me décidais donc à ouvrir, supposant qu’il s’agissait d’une association du quartier sollicitant mon aide, comme certaines le faisaient à présent. À force de m’impliquer dans la vie associative du quartier et de la ville, j’avais fini par être connu des réseaux en question comme un bon bénévole occasionnel, une petite fierté personnelle dont je ne me vantait que rarement auprès de mes amis. Notamment parce que j’avais le vice d’attendre que l’on m’appelle à l’aide plutôt que d’aller proposer mes services aussi souvent que je le pouvais, cette journée en serait l’exemple même. Avec un intérêt tout particulier et un air intrigué, je retournai l’enveloppe pour pouvoir ouvrir le rabat. Là était notée l’adresse de l’expéditeur et je m’arrêtai immédiatement dans mon mouvement. La lettre venait de Londres, ou au moins des environs, je ne savais pas exactement comment fonctionnait le système postier londonien et encore moins comment étaient notées les adresses sur les enveloppes. Quoi qu’il en soit, je me laissais surprendre par ce détail et me rappelait alors seulement que l’adresse sur l’endroit de l’enveloppe mentionnait effectivement « France » juste après « Montpellier ». Face à cette révélation, toutes mes hypothèses se trouvèrent infondées et je ne m’en trouvai que plus étonné encore. Il devenait urgent d’ouvrir cette satanée enveloppe pour connaître le fin mot de l’histoire. Ce à quoi je m’attelai donc immédiatement.

La lettre n’était en réalité qu’une seule feuille de papier pliée en trois pour rentrer dans le format de l’enveloppe. Je la dépliai et en entamai la lecture. Elle commençait par un très aimable « Monsieur Jacob Hume, la SDC est fière de vous annoncer… » et continuait par la plus surprenante des propositions. Si bien que je pensais même après une première lecture que Nicolas m’avait joué une mauvaise blague, dont la sophistication dépassait pourtant ses capacités mentales usuelles. Dans cette lettre, la SDC, dont les initiales n’étaient toujours pas expliquées, avait repéré mon cas grâce à ses services de renseignement et voulait me proposer un poste au sein de leur société, ils m’expliquaient aussi que ce post s’effectuerait depuis mon domicile et qu’il ne nécessiterait donc mon déménagement – ce qui entre nous n’était pas exactement une bonne nouvelle, j’avais toujours rêvé d’habiter à Londres. L’on y parlait pas de salaire, ni même l’on ne donnait ne serait-ce qu’une seule information sur le poste que l’on souhaitait m’offrir. L’on m’indiquait simplement qu’il y aurait une période d’essai et un rendez-vous auquel je devrais me présenter si j’étais intéressé. La date et l’heure du rendez-vous se trouvait justement être cet après-midi là, à 15h30, dans un café que je connaissais très bien et dans lequel je me rendais souvent. Là, mon esprit eut un premier moment d’arrêt, sans même prendre en compte le fait que je puisse être intéressé par cette offre, j’étais surtout très intrigué par la teneur de cette lettre et la précision avec laquelle ces services de renseignements avaient effectués leur travail. Non seulement, ils me connaissaient depuis Londres pour des raisons que j’ignorais entièrement, de plus, ils s’étaient procurés non seulement mon adresse, mais aussi un des lieux dont je faisais partie des habitués, sans parler du fait qu’ils avaient à ce point parié sur ce rendez-vous qu’ils avaient envoyé cette lettre de façon à ce qu’elle arrive pile le jour du rendez-vous, jour où mon emploi du temps me laissait un tel temps libre que je pouvais très précisément n’avoir aucun empêchement. Plus qu’intriguant, je trouvais presque ça flippant en fait. Je commençais à me demander si en mélangeant les lettres de la SDC je ne réussirai pas à reconstituer MI6. Néanmoins, la toute dernière phrase de la lettre, juste avant les formules de politesse d’usage, était constituée de telle sorte que je m’y arrêtai plus d’une fois. Contrairement au ton solennel employé dans le reste de cette lettre officielle, cette phrase était étrange d’un bout à l’autre, le ton y était informel, presque trop familier et elle n’avait en soi pas grand intérêt dans la lettre, comme déconnectée du reste. Elle avait été rédigée de cette façon par un petit malin « Soyez cependant assuré que cette place est celle dont vous avez toujours rêvée, que les avantages sociaux qui la concernent sont juridiquement intouchable, que nous aimerions que vous acceptiez de voyager avec nous, enfin n’oubliez pas son numéro de référence : 3275M. » Rien de plus n’était expliqué à ce sujet et un individu lambda n’aurait jamais compris de quoi il s’agissait. Heureusement, je n’étais pas un individu lambda et je savais à présent qu’il s’agissait précisément de la raison pour laquelle j’avais reçu cette lettre.

Croyez-le ou non, c’est en lisant cette phrase dont le sens était complètement absurde, totalement illogique dans une lettre aussi solennelle que celle-ci, que je découvris enfin que cette lettre n’était, premièrement, pas une mauvaise farce de mon colocataire, deuxièmement, envoyé par un autre voyageur, et un voyageur monstrueusement renseigné qui plus est. Ce qui m’avait fait réagir était d’abord l’absence de logique de cette phrase par rapport au reste, en relisant, les quatre mots souhaités me sautèrent aux yeux comme des petites loupiottes. Le premier était « rêvée » évidemment, une place rêvée puisqu’il s’agissait sûrement d’une place dans le monde onirique lui-même. Le second était « intouchable », il m’avait marqué pour deux raisons, d’abord la faute d’orthographe qui y était collée, sûrement volontairement, dans la phrase, le mot aurait dû prendre un s, en revanche, mon surnom de voyageur n’en prenait pas, et l’on m’indiquait ainsi que l’on savait à qui l’on s’adressait. Le troisième était « voyager », pour un emploi supposément à domicile, voyager semblait peu approprié, surtout qu’ils faisaient le déplacement jusqu’à Montpellier pour me contacter, là encore, il s’agissait d’un moyen d’attirer mon attention sur le fait qu’il s’agissait de voyageurs. Enfin, la référence du poste était aussi magistralement bien choisie, je me demandais ce qu’elle signifiait un bon moment avant de me rappeler qu’il s’agissait sûrement de ma dernière position dans le classement des voyageurs. Il me semblait effectivement que le numéro était le bon, que les instances des ligues m’avait effectivement attribué jusqu’à nouvel ordre la place 3275 dans la ligue M. Autant dire que ceux qui m’avaient envoyé cette lettre savaient pertinemment ce qu’ils faisaient, plus encore, ils cherchaient à me montrer à quel point ils étaient renseignés et à quel point ils étaient déterminés à me rencontrer. À ce moment là, j’avais cependant un peu peur d’eux, la lettre était signée « Cordialement, Miss Ann Darrow, Directrice de la SDC. » Et l’on redonnait l’adresse de la société. Une ample et délicate signature parcourait le bas du papier afin de me prouver qu’elle m’avait été envoyé très personnellement. Il devait y avoir à travers le monde entre cinquante mille et trente mille voyageurs, qui s’amuserait à apposer autant de signatures pour faire plus personnel ? Non, Ann Darrow s’était assurée que je me sente très personnellement visé par son billet et elle n’avait pas manqué son coup. Elle savait précisément que je buterais sur cette dernière phrase et que j’en repérerais les clés secrètes qui y résidaient. Moi et personne d’autre que moi. J’étais même certain qu’elle avait utilisé un tel subterfuge dans l’espoir que si quelqu’un d’autre venait à la lire pour une raison ou une autre, il ne puisse pas en comprendre le sens. Ed aurait peut-être été la seule autre personne de mon entourage à pouvoir décoder, mais le je le soupçonnais de manquer terriblement de neurones pour cette tâche compliquée.

Dreamland était un monde dangereux et tous les voyageurs n’étaient pas exactement amicaux. Certains cherchaient avec une ferveur incroyable à détruire leurs homologues, ou à les forcer à servir leurs intérêts. Aussi cette lettre me laissait pantois. J’avais l’impression que ces gens en savaient un peu trop sur moi, qu’ils étaient un peu trop renseignés. Bien sûr, à Dreamland, n’importe quel voyageur aurait pu savoir, en se renseignant un tout petit peu que mon surnom était l’intouchable, ainsi que ma place dans le classement. Pourtant, de là à connaître mon adresse exacte, mon emploi du temps et mon café préféré, il y avait une certaine limite. Je ne le clamais pas sur tout les toits des rêves, d’ailleurs, je ne clamais rien du tout sur les toits des rêves puisque j’étais privée de parole à Dreamland. Même Ed ne connaissait pas l’adresse de ce café, il vivait dans un autre quartier de la ville et nous ne nous y retrouvions jamais. Hélène ? Shana ? Non, impossible, elles-mêmes n’étaient pas très au fait de la chose. Et je n’avais jamais rencontré aucun autre voyageur dans le monde réel, du moins, pas en sachant que c’en était un. M’aurait-on reconnu dans la rue ? M’aurait-on cherché ? Cette seconde possibilité me paraissait plus plausible, la probabilité pour qu’un autre voyageur que nous quatre habite aussi Montpellier était déjà faible – sept milliards d’individus, à peine trois ou quatre dizaine de milliers de voyageur, le pourcentage était faible, réparti entre toutes les villes du monde, c’était déjà un miracle que nous quatre nous nous connaissions – alors si en plus il fallait que ce voyageur m’ait croisé dans les rêves. Non, ces personnes, cette organisation, cette Ann Darow avait cherché à me rencontrer et avait mené une enquête sur moi pour cela. Il n’était alors pas foncièrement difficile de trouver mon adresse, de me reconnaître, d’obtenir mon emploi du temps auprès de ma faculté et de m’observer un peu pour comprendre que j’allais une fois tous les deux jours dans ce fichu café. Oui, je ne vivais pas exactement caché, pourtant, cette façon de faire me foutais les jetons. Il fallait absolument que j’éclaircisse ce mystère. Qu’était donc la SDC ? Avait-elle un rapport avec mes ennemis ? Depuis que cet homme masqué m’avait sauvé des Von Jackson Five, je me doutais que « son maître » me contacterait un jour. Était-ce là ce dont il s’agissait ? Je me devais d’être prudent et mon premier recours serait de me renseigner auprès de mon puits de science onirique : Ed Free, le seul de notre groupe à se tenir constamment au courant de toutes les affaires possibles et inimaginables concernant les voyageurs. Je filais alors vers ma chambre où je posai la lettre avant de me munir de cette brique de lait qui me servait de portable. Je m’apprêtai à l’appeler lorsque deux éléments me vinrent immédiatement à l’esprit. Par un malheureux concours de circonstances, mon forfait était au plus bas et il ne serait rechargé que le lendemain. De plus, je commençais à être un peu paranoïaque à cause de cette lettre et je me demandais un instant si l’on ne surveillait pas mes appels aussi. Vous me prendrez sûrement pour un fou, mais on n’est jamais trop prudent. Je laissais donc mon téléphone dans ma poche et me décidait à sortir un peu plus tôt que je ne l’avais prévu en prenant la direction de l’appartement de Ed, après tout, n’avais-je pas prévu de faire une sortie aujourd’hui, la voilà toute prévue et toute organisée.
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Jacob Hume
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptyJeu 5 Juil 2012 - 14:14
2.



Finalement, après deux SMS infructueux pour prévenir mon éternel coéquipier blond de mon imminente venue, je me résignais à sortir sans attendre la confirmation officielle de sa présence à son domicile. Je savais que comme moi, il avait arrangé son emploi du temps pour ne pas travailler ce jour, ou du moins, pour ne point être pris par ses cours. Pourtant, mes deux tentatives d’établir le contact avec mon acolyte onirique et ami, n’eurent pour seul résultat qu’un silence radio étonnant. Lui qui la plupart du temps me harcelait de messages brefs pour me parler de tout et n’importe quoi – et surtout de n’importe quoi –, je me demandais bien ce qui le poussait à ne pas me répondre cette fois-ci, alors que je lui spécifiais justement que la chose était à la fois urgente et importante. Fut-il énervé contre moi pour des raisons que j’ignorais, je ne le voyais pas me snober de la sorte. Même si nos divergences d’opinion et nos accrocs étaient assez fréquents, nous étions plutôt dans une période de calme et d’entente cordiale. Même à Dreamland, j’avais temporairement suspendu ma quête de suicide, et avait commencé un peu plus à chercher à me faire une raison pour mes souffrances nocturnes, ce qui m’avait permis d’apprécier un peu plus cet univers parallèle dans lequel nous nous étions alliés, cela n’était d’ailleurs pas sans lui plaire, à lui qui m’avait toujours argué de ne pas savoir profiter de la chance que j’avais. Aussi, commençais-je à m’interroger sur les raisons de cette absence de retour de sa part. J’émis en réalité deux hypothèses concernant des situations assez improbable, mais pas impossible. La première, la plus simple et sûrement la plus évidente, était que le portable de mon comparse se trouvait dans l’incapacité de fonctionner ou de lui transmettre mes messages. Que sa batterie soit déchargée, qu’il ait été rendu inutilisable lors d’un terrible accident – j’avais moi-même perdu un an plus tôt mon ancien téléphone portable par un tragique événement, il était malencontreusement tombé alors que je téléphonais et s’était brisé en deux –, ou encore plus simplement que Ed lui-même ne se trouve pas à côté de son précieux appareil, toutes ces raisons n’étaient sans doute pas totalement inimaginables, quoi que la dernière paraisse réellement absurde au vu du minuscule studio dans lequel il logeait. La seconde solution qui me vint à l’esprit, était que justement, cette organisation l’ayant aussi contacté, devenu aussi paranoïaque que moi, il avait préféré éviter toute tentative d’établissement de contact avec moi, de peur de nous faire tomber tous les deux dans un abominable piège tendu par quelque organisation de malfrats voyageurs aux sombres intentions. Je dois avouer que pour conclure une telle chose, je devais moi-même me trouver dans une situation fort peu raisonnable en matière de paranoïa, si je commençais à nous croire épiés en permanence, c’était qu’il fallait que je commence à regarder la réalité en face et que je cesse tout de suite de paniquer sans raison, tout cela n’était peut-être qu’une farce après tout.

Naturellement, j’en étais bien incapable et je me contentais de filer droit en jetant quelques regards suspects autour de moi. La journée s’annonçant belle et peut-être même chaude, je ne m’étais muni de vêtements trop imposants et m’étais contenté d’une veste de costume en plus de ma chemise, juste dans le cas hypothétique où le vent se lèverai un peu et surtout parce que tous mes papiers et autres documents utiles de la vie quotidienne se trouvaient dans les poches de celle-ci. Cette veste de lin n’avait visiblement pas été prévue pour les soirées de gala, mais simplement pour être une petite veste d’extérieur. Aussi n’était-elle pas vraiment accordée avec mon pantalon – un simple pantalon de coton beige clair – sans pour autant jurer dans les tons avec l’ensemble que je portais. Ma chemise était débraillée et je n’avais pas attaché les deux boutons de mon col, plutôt par flemmardise que par style d’ailleurs. En règle général, je conservais un certain sérieux dans mes tenues en faisant de mon mieux pour passer pour l’homme respectable que je n’étais pas. De fait, je ne me présentait pas au travail, je n’allai pas à un rendez-vous galant et je ne m’attendait pas à rencontrer des personnages importants (ou mes parents), à l’arrivée de ma petite promenade. Je me rendais d’un bon pas chez mon bon copain Ed, dont les habitudes de paraître et de méticulosité étaient aussi terribles que les miennes. Pas besoin d’impressionner cet individu là, qui serait d’ailleurs sûrement assez peu heureux de me voir débarquer à l’improviste alors qu’il avait fait exprès de ne pas me répondre pour que je n’insiste pas et que je le laisse tranquille pour profiter d’une conquête féminine bien méritée. Je n’avais donc pas l’air totalement dépenaillé, pourtant je n’étais pas l’homme le plus impeccable du monde, je devrais m’y faire. Encore une fois cependant, je me trompais totalement dans mes prévisions et la rencontre que j’allais faire, si j’avais su ce qu’elle serait, m’aurait sûrement poussé à passer plus de temps devant ma garde robe pour savoir comment paraître sous mon meilleur jour.

Le trajet entre mon trois pièces où somnolait encore mon insaisissable colocataire et le studio de Ed n’était pas si long. À tout casser, vingt minutes suffisaient pour rejoindre les deux points. Et le voyage en lui-même ne comportait jamais le moindre incident notable. Dans une grande ville comme Montpellier, il était finalement assez rare de croiser des connaissances en chemin. Parfois, je regrettait mon vieux village campagnard où l’on saluait tout le voisinage à chaque fois que l’on allait faire des courses. Bien sûr, certains quartiers, certaines rues des villes disposaient d’une telle ambiance. Ce n’était malheureusement pas le cas de nos barres d’immeubles sans âmes. Un élan de nostalgie pour les rues dans lesquelles j’avais grandi me submergea. Un instant je regardai l’impressionnant boulevard que je longeais et regrettai le temps où j’apprenais à faire du vélo au beau milieu de la rue. Trop tard, ce temps était révolu, j’étais désormais un citadin à plein temps, je savais faire du vélo et je n’avais aucune envie de tenter d’aller apprendre à qui que ce soit à en faire au milieu de toutes ces voitures s’élançant furieusement sur la chaussée. Je décidai donc, faute de pouvoir revenir aux temps anciens, de poursuivre ma route en m’inquiétant un peu de ceux qui marchaient çà et là autour de moi. Quelqu’un était-il en train de me suivre ? Si le cas avait été, autant dire que je n’en sus jamais rien et qu’il s’était montré assez doué pour ne pas être repéré par mes yeux inexperts. De toute manière, en arrivant devant l’immeuble de mon comparse, mes idées s’en allèrent immédiatement ailleurs et j’en vins rapidement à oublier ma paranoïa stupide. Une main dans une poche, j’appuyais avec l’autre sur la sonnette de son appartement, afin qu’il m’en ouvre la porte. Puis j’attendis sa réponse, avec l’espoir de ne pas m’être déplacé inutilement et de ne pas le trouver chez lui.


« Oui ? » répondit alors une voix douce et un peu trop aiguë à travers l’interphone.

Je ne répondis pas dans l’instant, un peu trop interloqué par la teneur de cette voix, qui ne ressemblait pas à la virilité naturelle de mon blondinet préféré. Peut-être la machine transformait-elle un peu les sons produits par ses cordes vocales, à moins que lui-même ne les aient esquintés par une quelconque maladie. Un peu trop troublé et m’étant imaginé trouvé une aventure féminine – improbable – avec mon ami, je ne pus m’empêcher de garder le doute quant au propriétaire légitime de ces intonations particulières.


« Euh… Ed ? » tentai-je à tout hasard avant de reprendre mes esprits.

« Vous lui voulez quoi ? » trancha alors la voix de l’autre côté, me laissant dans l’incertitude la plus totale.

« Ben… C’est Jacob, je voulais… » balbutiai-je sans conviction.

« Attendez, je vous ouvre, ce sera plus simple. Sixième étage. » fit alors la voix avant de rompre la communication.

Automatiquement, une petite sonnerie sourde retentit, me signalant le déverrouillage de la porte et je tirai celle-ci avant de me laisser surprendre par sa fin, qui me forcerai à sonner une nouvelle fois et à me couvrir de ridicule auprès d’une personne que je ne connaissais visiblement pas. De fait, je venais enfin de comprendre qu’il y avait quelqu’un d’autre qu’Ed dans l’appartement, lui-même ne m’aurait jamais rappelé où se trouvait son studio dans l’immeuble ; il savait pertinemment que je connaissais le chemin jusqu’à sa porte. Cette présence ne m’empêcha cependant pas d’être intrigué et je me précipitai vers l’ascenseur afin de connaître l’identité de mon ou de ma mystérieuse interlocutrice – je penchais plutôt pour une voix féminine. Mon acolyte aurait-il enfin trouvé chaussure à son pied ? Seul dans l’ascenseur, je palpitais d’excitation à l’idée de rencontrer la dulcinée secrète de mon compagnon onirique. Lorsque les portes du moyen de transport inter-étage s’ouvrirent devant moi et que je les passais en me tournant immédiatement vers la porte du studio de Ed, que j’espérais entrouvert pour m’y accueillir sur son vieux canapé entre la cuisine et son ordinateur portable, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir dans l’entrebâillement de l’ouverture, une silhouette blonde qui m’observait derrière deux verres en demi-lune avec un air d’inquisiteur face à une probabilité d’hérésie.

Ce qui se tenait devant moi hélas me tint coi pendant quelques instants et je demeurais sous les néons du couloir tandis qu’elle se présentait à moi sous la lumière du jour qui provenait du minuscule appartement dont elle surveillait l’entrée. Nous nous observâmes tout deux dans un silence de plomb, presque gênant, analysant et jugeant chacun l’autre en fonction de son apparence. Je ne sais pas exactement quelle fut sa première impression sur mon personnage éminemment débraillé, je crois d’ailleurs que je n’ai pas exactement fait mouche dans son estime à cet instant. Sous ce regard nouveau, je me sentit comme complètement nu, comme un condamné qui attend une sentence, et diable que j’avais envie qu’on m’accorde la grâce en cet instant, ce regard dégageait une autorité étrange et une supériorité honorable qui me poussait à croire que son approbation m’était absolument nécessaire. Si par mégarde j’avais eu vent d’une quelconque idée de rejet, la chose m’aurait sûrement accablé. Heureusement, j’avais plus d’un tour dans mon sac pour impressionner les gens que je rencontrais au détour d’un couloir. Quand à elle, je ne pouvais dire qu’une chose de cette apparition étrange, je me trouvais devant mon fidèle ami Ed Free, mais qui aurait soudain subi une opération chirurgicale pour changer de sexe – parfaitement réussie d’ailleurs – au cours de la nuit. Je ne pouvais pas m’enlever de l’idée que je me trouvais devant mon kéké préféré, mais qu’on l’avait affublé d’une paire de seins, de hanches sensiblement plus amples et dont la courbe était infiniment plus agréable à regarder. De même, son visage était quelque peu plus doux et plus féminin que celui de mon ami, pourtant, dans l’ensemble c’était à si méprendre. La même coupe de cheveux, la même dégaine, les mêmes lunettes, les mêmes yeux. Inutile de dire que j’écartais immédiatement ma thèse de la petite amie cachée, non seulement c’était assez peu probable, et puis, il y avait quelque chose de Free dans ce personnage ce qui me poussa à croire immédiatement que j’avais à faire à l’un des mystérieux membre de la fratrie du même nom, dont je n’avais jamais rencontré que l’aîné.

En réalité, je ne savais que peu de chose des quelques bambins qui avaient partagé l’enfance de mon acolyte au sein de son foyer familial. J’avais seulement conclut qu’il existait quelque par un frère dont il ne parlait pour l’immense déception qu’il lui avait causé à lui, l’aîné, et autre part une sœur dont il ne parlait pas non plus pour l’immense déception qu’il lui avait causé à elle. Non pas qu’il ne les aimait pas, ni même qu’eux ne l’aimaient pas, seulement qu’il évitait de parler de ces sujets qui, dans les deux cas, auraient sûrement entaché son image. La femme qui se présentait à moi dans une chemise de bûcheron à la courbe adapté à son ventre plat et dans une jean plutôt sobre, était bien trop jeune pour être une mère dont je ne pouvais que supposer l’existence. Pourtant, de là à conclure qu’il s’agissait de la fameuse Cartel, il y avait un monde. Comment savoir si mon énergumène de camarade d’aventures ne m’avait pas non plus caché, ou avait plus ou moins omis de mentionner, l’existence d’une autre sœur jumelle, ou encore d’une cousine adorée lui ressemblant à s’y méprendre. Et je ne voulais pas commettre d’imprudence face à cette entité qui captivait alors toute mon attention.


« Tu as bien changé Ed… » lançai-je sur le ton de l’ironie pour signaler ma confusion.

« Ed n’est pas là pour le moment, vous êtes Jacob, c’est bien ça ? » répondit la femme du sixième étage avec une certaine froideur.

« Oh, il vous a parlé de moi ? » fis-je soudain, mue par une certaine fierté que mon acolyte mentionne mon nom de temps à autre.

« Vous m’avez dit votre nom dans l’interphone tout à l’heure… » rétorqua alors la voix si élégante en me renvoyant avec brutalité à ma place de petit minable du couloir. « Vous lui voulez quoi à Ed ? »

La personnalité tranchante de mon interlocutrice me laissait de moins en moins de doute. Des bribes d’information que je possédais sur Cartel, son tempérament acide et implacable envers tout ce qui l’entourait et cette étrange capacité à savoir remettre à sa place quiconque en viendrait lui adresser la parole, m’incitait à croire que je me trouvais devant le phénomène en question.

« Vous êtes Cartel, n’est-ce pas ? » tentai-je en me dirigeant dangereusement vers elle.

« Oui, vous lui voulez quoi à Ed ? » reprit-elle, sans dévier de son sujet.

Au cours de ce dialogue bref et intense en émotion, je m’étais doucement avancé dans le couloir pour parvenir jusqu’à la distance raisonnable entre deux être humains cherchant à échanger quelques mots pour une conversation ordinaire. Me plantant là devant elle, je pus alors constater avec satisfaction que je faisait à peu près la même taille qu’elle, alors que j’étais clairement dominé d’au moins une tête par mon acolyte. De même je pouvais à présent distinguer davantage de détails sur une jeune femme qui s’imposait dans une froideur insoutenable. Je rencontrais enfin un membre de la famille de mon ami et je me trouvais immédiatement subjugué d’informations contradictoires à son sujet. Tout ce que je savais, c’était qu’il fallait que je lui réponde pour ne pas passer pour un insolent moins que rien. Cette dame était mon professeur et je n’étais qu’un idiot d’élève que l’on interrogeait sur une leçon que je n’avais pas révisée. De fait, tout le long du chemin, je n’avais cessé d’y penser, pourtant, il me fallut une bonne seconde pour retrouver les raisons de ma venue et réaliser soudain que je ne pouvais pas les exposer comme cela à n’importe qui. J’avais été troublé par cette rencontre imprévue et devait revenir à la réalité. Cartel, jusqu’à nouvel ordre, n’était pas une voyageuse et ignorait donc tout, malgré son incroyable intelligence, de Dreamland et des voyageurs. Il était donc hors de question de lui laisser entendre même brièvement, qu’il existait un tel monde et que je pouvais l’arpenter à loisir. J’étais donc contraint de répondre, mais les mots ne me venaient pas et je balbutiai stupidement quelque chose censé expliquer les raisons de moi arrivée intempestive.


« Je… j’étais… J’étais venu poser… euh… quelques questions à Ed sur… euh… des choses et d’autres… »

Inutile de dire que cette explication soudaine et sans conviction ne parvint qu’à m’offrir le spectacle d’un regard suspicieux lancé à mon encontre. Elle se doutait de quelque chose, elle était réellement brillante. Quoi qu’il en soit, elle n’eut jamais l’occasion de me demander de plus amples informations sur les questions qui avaient justifié mon déplacement. À l’instant où elle allait m’interroger, son téléphone vibra sur le bois du bureau, détournant instantanément son attention. Je crus entrevoir une pointe d’agacement filtrer sur son visage et elle me fit signe de patienter tandis qu’elle allait répondre. Visiblement, je ne m’en tirerais pas aussi facilement. Elle s’engouffra donc à l’intérieur, libérant instantanément le passage vers l’antre de mon comparse des rêves et j’y pénétrais humblement avant de refermer la porte sur ce couloir où la minuterie avait éteint les néons. Et le spectacle de ce que j’y trouvais me laissa une impression quasiment choquante. L’appartement de Ed, d’habitude aussi bordélique ma chambre les soirs de semaine, ou que celle de Nicolas le reste du temps, ou que n’importe quel lieu typiquement masculin, était soudain minutieusement rangé et nettoyé, jusque dans les moindres détails. Le lit était fait, la cuisine de la veille ne traînait pas, le sol manquait de poussière, les étagères n’étaient plus encombrées, le bureau seul témoignait d’une quelconque vie dans ce studio puisqu’il regorgeait de piles de papier diverses mais visiblement classées, qu’étudiait sûrement Cartel avant mon interruption. Même la litière du chat était impeccable et je crois que le parfum que je sentis ce jour là n’était autre que celui de la jeune demoiselle qui parvenait à ensevelir les aspirations corporelles masculines de mon camarade. Je put aussi conclure que Ed n’était pas là, d’un seul regard, le tour de l’appartement était fait et à moins qu’il ne soit cloîtré dans la douche – ce qui était parfaitement improbable et qui n’aurait sûrement pas empêché Cartel de le dénoncer – il n’était pas sur place.

Alors que la sœur de Ed tentait d’abréger la conversation téléphonique avec une amie qui lui demandait peut-être des précisions sur leurs cours communs, le chat, dont j’avais encore une fois oublié le nom, vient miauler en se frottant à mes jambes, me montrant toute son affection envers moi ou son envie de caresses. Cette intervention me permit de me reconcentrer sur ce qui m’intéressait vraiment : Cartel, et comment ne pas la décevoir en lui répondant avec plus d’intelligence que je ne l’avais fait jusqu’à présent. Hélas, l’esprit d’un homme est parfois plus tortueux qu’on ne l’imagine et plutôt que d’inventer un mensonge plus ou moins pathétique, je réalisais soudain qu’instinctivement je cherchais à plaire à cette demoiselle et ce pour une raison très simple elle me plaisait. De fait, quoi qu’elle ressemblât à Ed par un air de famille évident, elle demeurait très jolie et surtout montrait déjà une capacité intelligente qui dépassait la moyenne de mes conquêtes usuelles. De même, malgré sa froideur apparente, je sentais que ce n’était là qu’un masque dont elle se paraît pour m’empêcher d’être trop indiscret et peut-être même pour me chasser au plus vite puisque je n’étais pour elle qu’un perturbateur venu l’interrompre dans ses révisions intenses. L’idée qu’elle veuille me chasser si vite me chagrina un peu et je dois avouer que ma seule idée fut bientôt de trouver le moyen de prolonger notre entrevue. Sans avoir particulièrement à l’esprit d’en faire une conquête de plus, je voulais simplement en apprendre plus sur elle et sur les raisons de son acharnement éducatif. Ce qui me rappela alors que, m’étant plutôt préparé à aller rencontrer mon acolyte, ma tenue et mon apparence étaient un peu négligée. En quelques gestes rapides, j’arrangeai un peu l’ensemble et tentai de revenir à une élégance plus sobre avec mon accoutrement. Ma chemise rentra soudain dans mon pantalon, les quelques mèches rebelles que j’aurais pu avoir furent réduite à l’obéissante et je réajustai même la façon dont ma veste tombait sur mes épaules dans un soucis de précision. Dorénavant, j’étais plus présentable aux demoiselles qu’avant.


« Ok… Oui, mais là, je n’ai pas le trop le temps, il y a un mec qui est là, est-ce que je peux te rappeler après ? » en usant de cette méthode vieille comme le monde, pur exemple de procrastination, elle cherchait à reporter la conversation afin de pouvoir se débarrasser de moi tout aussi efficacement. Son ton changea tout à coup du tout au tout : « Mais non, ce n’est pas mon… Tu me prends pour qui ?! Bon, je te rappelle. »

Et d’un geste agacé, elle coupa la communication en soupirant. Face à l’erreur de sa camarade de classe à mon sujet, je dois avouer qu’un petit sourire me fut arraché. D’ailleurs, je suis plus ou moins convaincu que l’insinuation erronée de cette demoiselle dont je ne sus jamais le nom fut un des éléments décisifs qui précipita entre autre la suite des événements. Sans avoir incrusté cette pensée saugrenue dans son esprit, qui sait si les choses ne se seraient pas passées autrement. De nouveau, elle se tourna vers moi, pour m’interroger encore une fois sur les raisons de ma venue, mais anticipant cette question à laquelle je n’avais toujours pas d’autre réponse qu’une vérité inavouable. Elle s’arrêta cependant en remarquant mon soudain changement d’apparence qu’elle jugea puéril d’une simple expression de visage qui me mit un peu mal à l’aise. Je détournai immédiatement la conversation.

« Je ne sais pas comment vous avez fait, mais je suis impressionné, vous êtes sure que c’est le bon appartement ? » dis-je dans l’espoir de la faire sourire, avec une sincère reconnaissance des bienfaits de sa présence sur ce petit monde ordinairement réserver à l’homme, Ed avait décidément besoin d’une présence féminine dans les parages.

« Au, je n’ai pas fait grand chose, mon idiot de frère sait préparer le terrain avant que je n’arrive. » lança-t-elle en mordant à l’hameçon l’espace d’une seconde, mais je sentais déjà qu’elle s’apprêtait à ramener la conversation au sujet qui l’intéressait plus précisément me concernant, ce qui m’invitant à anticiper une seconde fois.

« Vous devriez venir plus souvent. » lançai-je avec une réelle envie de la savoir plus souvent dans les parages. Cependant, il s’agissait plus d’avoir de nouvelles occasions de la rencontrer que d’améliorer le quotidien de mon acolyte.

« C’est un grand garçon, il faudrait surtout qu’il apprenne à se débrouiller seul pour parvenir à ce résultat. » trancha-t-elle.

Je ne sus pas exactement si elle parlait d’un appartement rangé ou de la présence d’une demoiselle dans cet espace minuscule. Dans un cas comme dans l’autre, impossible de la contredire et j’étais parfaitement d’accord. Pourtant, il fallait bien avouer que moi-même, parfois, j’avais du mal à me convaincre de faire l’effort nécessaire pour ranger mon lieu de vie. Je le faisais peut-être plus régulièrement que la moyenne, ce qui ne m’empêchait pas de subir le mal qui frappait tous les jeunes hommes du monde moderne : la flemme. Peut-être connaissait-elle assez mal les hommes au final pour penser qu’il fallait qu’ils rangeassent et nettoyassent d’eux-mêmes leurs appartement sans avoir à le faire pour recevoir une dame. En un sens, elle avait peut-être plus à apprendre que ce qu’elle tirait de ses bouquins.


« Pourquoi vous êtes venu ? » tenta-t-elle de me rappeler et cette fois avec plus de succès que précédemment, de fait, j’avais soudain plus d’assurance en sa compagnie et n’hésitai plus à lui répondre.

« Je voulais simplement poser deux ou trois questions à Ed à propos de… de pas grand chose d’intéressant en fait, mais d’un peu urgent. » dis-je sur un ton plus naturel. « Il ne répondait pas sur son portable, alors je suis venu. »

« À quel sujet précisément ? » persista-t-elle, plus têtue qu’une mule.

« Au sujet d’un ami commun que je verrais sûrement ce soir ou demain matin et à qui je devais transmettre certaines indications de la part de Ed. » finis-je par dire à court d’inspiration ou de mensonge plus tonitruant pour me mettre en valeur.

C’était un peu bancal comme histoire, mais cela pouvait tenir debout pour convaincre une fille dont les à priori au sujet de notre duo d’idiots suffisaient à se dire que tout manque d’intelligence de notre part était certes exaspérant, mais clairement attendu. Je me contentais donc de cette considération, faut d’avoir trouvé mieux dans l’instant. Ce ne fut qu’après que je me rendis compte que j’aurais peut-être pu prétexter avoir besoin d’Ed sur un devoir, ce qui l’aurait peut-être incité à vouloir m’aider pour montrer l’incommensurable merveille qu’étaient les rouages de son intelligence. Hélas, je n’avais pas eu ce génie et au final, je crois qu’elle ne m’aurait pas autant apprécié si j’avais eu besoin de son débile de frère pour m’aider à faire mes devoirs. Et même, aurais-je été aussi intriguant si je ne m’étais pas montré aussi peu attaché à mes études ? Quoi qu’il en soit, j’avais enfin une raison à avancer et je n’étais plus sous le coup de soupçons insistants.


« Ed n’est pas là, son patron au journal lui a demandé de faire un article sur un film, il est allé le voir. » expliqua-t-elle alors, résolvant du même coup le mystère du silence radio de mon ami. « Je peux peut-être prendre le message et lui demander de vous rappeler lorsqu’il rentrera. »

« Non merci, je pense qu’il verra mes messages immédiatement en sortant de la salle. » concluai-je simplement en évitant d’avoir à lui laisser entre les mains quelques informations compromettantes concernant un monde des rêves.

« Comme vous voulez. » fit-elle avec une indifférence réelle qui me laissa un peu pantois. « Si c’est tout ce dont vous aviez besoin, j’ai encore du travail… »

Par ces simples mots, elle me chassais de sa vie, me renvoyait dans les tréfonds de ma solitude pour que j’y croupisse en silence et qu’elle puisse enfin reprendre ces précieuses révision. Et moi debout devant cette porte de sortie que j’avais close, je me trouvais un peu déçu de devoir la laisser là et abandonner toute perspective de prolonger notre entretien. Une impulsion soudaine me poussa à repousser immédiatement cette invitation polie à quitter les lieux.

« Vous travaillez sur quoi ? » demandai-je, curieux.

« Euh… » fit-elle, surprise qu’on puisse lui poser cette question, ce qui ne répondait pas exactement aux normes sociales selon lesquelles j’aurais dû la laisser tranquille à présent. « Un concours… »

« Vous êtes venu à Montpellier pour passer un concours ? » m’étonnai-je alors, compatissant soudain à son calvaire.

« Oui… » dit-elle en reprenant un peu de contenance et en me parlant comme s’il s’agissait là d’une évidence.

« Vous parlez de vacances ! » lançai-je avec un sourire aimable, la vérité était que je ne concevais pas qu’une parisienne brillante vienne passer quelques jours chez son frère simplement pour passer un concours. La côte d’azur n’était-elle pour Cartel qu’un lieu de plus ou travailler ? Je pensais sérieusement à cet instant que sa conduite avait quelque chose d’absurde. « Il fait beau dehors, sortez un peu au lieu de vous enfermer ici, profitez du soleil et bronzez un peu. Vous n’aurez pas ça une fois rentré à Paris. »

Je devins alors à cet instant l’homme le plus exécrable du monde. Pour qui me prenais-je donc à lui parler ainsi ? À lui reprocher de vouloir réussir sa vie ? Comment pouvais-je seulement oser lui reprocher son attitude ? Le temps de s’énerver pour l’impolitesse de ne pas la laisser travailler était passé, à présent, ne restait plus que ce minable qu’il fallait écraser comme une mouche, que cet idiot flemmard et insupportable qui osait lui apprendre à elle, ce qu’il fallait faire.

« Désolé, mais je ne compte pas gâcher mon temps à traînasser dans les rues ou sur une plage. » trancha-t-elle avec une pointe de mépris. « Je n’obtiendrai pas ce concours en gardant les mains dans les poches… »

Ses insinuations désobligeantes au sujet de mon attitude désinvolte me firent vaguement sourire. Je n’accordais que peu d’attention à mon laxisme en matière de travail. En vérité, j’étais même pratiquement certain de ne pas avoir à m’en inquiéter. Jusqu’à présent, je m’étais toujours débrouillé pour avoir assez d’argent pour assurer mes dépenses et à modérer celles-ci de façon à ce qu’elles rentrent dans mon budget. De fait, je ne me serais sûrement pas plains de pouvoir améliorer mon quotidien en ayant un salaire plus fixe et plus élevé par exemple. Mais dans l’ensemble, je n’avais pas encore trouvé l’envie de m’atteler réellement à trouver un emploi et n’avait pas non plus la volonté de faire les efforts nécessaires pour gagner plus d’argent. La vérité était que je peinais tant dans ma vie secondaire, dans le monde des rêves, que j’espérais plus ou moins éviter d’avoir à faire le moindre effort qui ne sois pas absolument indispensable dans la vie réelle. Je n’avais donc pas envie trimer doublement simplement pour satisfaire quelques envies de richesses passagères, le monde me tendait les bras pour ma détente et mon plaisir, je n’avais qu’à le saisir, et je ne m’intéressais pas aux reproches que l’on pouvait me faire sur mon manque d’ambition ou mon irresponsabilité. En revanche, je trouvais l’attitude de Cartel un peu méprisante à l’égard de ceux qui, contrairement à elle, avait choisi de profiter de leurs jours plutôt que d’assurer leur ascension sociale.

« Je pense surtout qu’il n’est pas nécessaire de s’acharner à travailler comme ça, si ça vous empêche de profiter d’une belle journée telle que celle-ci, alors où est l’intérêt ? »

Hélas pour moi, je n’étais pas exactement au courant de l’incroyable capacité de Cartel à répondre avec brio, aussi ma question supposément purement rhétorique trouva une réponse à laquelle je ne m’attendais pas.

« L’intérêt est que je compte faire quelque chose de ma vie et que je dois donc m’assurer de mettre toutes les chances de mon côté pour réussir plutôt que de manquer toutes les occasions de succès sous prétexte qu’il fait beau. »

Même si j’étais un peu pris de court par cette réponse, je compris rapidement que si je voulais atteindre mon but, je me devais de continuer sur cette lancée et de ne pas m’écraser devant elle.

« Et que diable veux-tu réussir à ce point ? » insistai-je en passant presque sans m’en rendre compte au tutoiement.

« Mes études, ma vie professionnelle, entre autres. » pointa-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine pour me montrer la fermeté de sa détermination.

« C’est bien beau, mais dans quel but ? Je te soupçonne de vouloir simplement réussir tout ça pour nous montrer, à nous autres petits inconstants hédonistes, que tu es bien meilleure que tout le monde. »

Elle marqua alors un silence et haussa un sourcil. De mon côté, je croisai les bras aussi et appuyai mon épaule contre la porte pour montrer à quel point j’étais décontracté, ce qui naturellement était faux. Je venais clairement de la traiter de petite orgueilleuse et j’avais un peu peur qu’elle me chasse sans autre forme de procès. Même si j’étais un peu déçu par son attitude un peu méprisante pour ceux qui, comme moi et Ed, préféraient ne pas gaspiller leur énergie dans un labeur trop harassant, je n’avais toujours pas envie de mettre fin à la conversation trop rapidement. Heureusement pour moi, Cartel était de ces femmes qui préféraient avoir le dernier plutôt que d’esquiver la défaite par une démarche aussi peu subtile que de chasser l’un ou l’autre. Connaissant Ed, je savais qu’il devait s’écraser le plus souvent face à sa petite sœur et même qu’il ne devait pas être le seul. Quoi qu’il en soit, j’avais touché un point sensible visiblement et je le regrettait presque au cours de ce silence. Pourtant, elle reprit finalement le cours de la discussion et semblait plus déterminée que jamais à me prouver qu’elle avait raison. Ce qui, soit dit en passant, ne faisait qu’étoffer ma théorie au sujet de son orgueil un peu démesuré.

« En réalité, il s’agit plutôt de me donner les moyens d’effectuer un métier qui me plait tout en étant à l’abri du besoin. » dit-elle simplement. Cette explication me paru légère et simpliste, pourtant, à y réfléchir, il n’y en avait pas de meilleure. Elle voulait simplement ne pas avoir à craindre de tout perdre par la suite. Sa vie était peut-être déjà toute tracée, elle était néanmoins assurée d’être plus tranquille et moins chamboulée que la mienne. Elle travaillait peut-être dur, mais elle ne galèrerait pas autant à l’avenir et pourrait même s’offrir tout ce que j’avais décidé d’écarter de mes dépenses justement à cause de la maigreur de mon salaire.

« C’est pas faux non plus. » avouai-je alors, insinuant donc que je gardais à l’esprit qu’elle souhaitait sûrement plus se montrer supérieure à tous qu’autre chose. « Néanmoins, tu reconnais donc que le travail n’est pas un objectif en soi et qu’il doit surtout nous permettre d’avoir les moyens d’accéder au plaisir. Par conséquent, pourquoi travailler autant si l’objectif au final est de s’amuser ? »

« Je n’ai pas envie de gâcher ma vie maintenant sous prétexte qu’il fait beau, Jacob. » m’imposa-t-elle, sans démordre de ses positions.

« Certes, mais n’as-tu pas la moindre envie de t’amuser un peu plutôt que de travailler ? » tentai-je alors en essayant une autre voie pour la convaincre du bien fondé de la façon dont je menais ma vie.

« Mon concours est demain. » tonna-t-elle solennellement, évitant du même coup de répondre à la question posée.

« Raison de plus pour se détendre un peu ! » rétorquai-je, usant des vieilles recettes de grand-mère pour avancer mon point de vue. « Tu dois déjà connaître tes cours par cœur à l’heure qu’il est, et si ce n’est pas le cas, c’est qu’il est déjà trop tard. C’est pas bon de travailler comme ça juste avant l’examen. Ce dont tu as besoin maintenant c’est de t’éclaircir les idées, pas de ressasser ce que tu sais déjà. »

Une fois encore, je fis mouche. Je crois que mon argument sur le fait qu’elle connaisse déjà son cours ou qu’il soit déjà trop tard avait de quoi attirer son attention. Elle savait que j’avais raison et ne pouvait pas réellement me contredire. Pourtant, elle n’allait pas non plus accepter de se laisser vaincre de la sorte. Il lui fallait le dernier mot et elle laissait encore une fois planer le silence pour le trouver. Cette fois-ci, j’étais prêt, plutôt que d’attendre, je décidai d’enfoncer le clou.

« Peut-être qu’à force de travailler aussi dur, tu ne sais plus comment on peut se détendre pendant aussi longtemps. Peut-être qu’en réalité, à force de trop travailler, tu ne sais plus rien faire d’autre… »

Je ne pensais pas qu’elle accepterait cette idée. De fait, personne ne pouvait être à ce point mordu de travail pour ne jamais se reposer ou s’amuser une peu. Elle devait bien avoir quelques plaisirs, mais c’était justement ce que je voulais qu’elle me dise, je voulais qu’elle accepte l’idée de vouloir s’amuser un peu plutôt que de prendre sa journée pour bosser. Hélas, elle était plus futée que moi et savait déjà où je voulais en venir avant même que je n’y songe.

« Tu veux m’inviter à passer la journée avec toi sur la plage, c’est ça ? » fit-elle avec un petit sourire moqueur, m’ayant percé à jour plus aisément que je pouvais en être moi-même capable – de fait, je n’aurais pas dit non –, se sentant très fière d’avoir déjoué mes plans.

« À la plage, ou ailleurs. » dis-je n’étant pas tellement gêné par ce regard qu’elle me lançai, l’air de dire que j’étais bien ridicule de vouloir tenter ma chance de cette manière. « Je ne suis pas contre les ballades, les expositions, les musées, les spectacles, faire les boutiques, aller cinéma ou même plus simplement une visite guidée de la ville… »

Je n’étais pas partie sur la défensive et je n’avais pas nié qu’elle me plaisait assez, elle n’avait pas réussi à m’intimider et une fois encore, cela n’était pas la réaction qu’elle attendait de moi. Je m’accrochait dans cette discussion et ne pliait pas d’un pouce face à elle, et je voyais que c’était un fait nouveau qui lui plaisait aussi, un défi qu’elle n’avait pas encore relevé.

« Pourquoi j’accepterai ? je te connais à peine. » dit-elle pas encore décidée à lâcher prise.

« Justement, ce serait l’occasion de me connaître. »

« Et qu’est-ce qui te fais penser que j’accepterai ? » demanda-t-elle alors avec un léger sourire malicieux.

C’était la pire de toutes les questions pièges. Ceux qui ont déjà fait une lettre de motivation ou qui ont déjà passé un entretien d’embauche le savent, cette question est une horreur absolue. Lorsque l’on vous demande : pourquoi pensez-vous qu’on devrait vous prendre ? Vous ne pouvez pas répondre : parce que j’ai envie du poste ; eux n’ont pas forcément envie de vous l’accorder. Il faut que vous fassiez valoir tout les avantages que vous représentez pour eux, sans pour autant être un gros hypocrite, sans trop vous vanter non plus, il faut doser votre éloge de façon à ce que vous puissiez paraître indispensable sans paraître obligeant. Dans le cas présent, la question était grandement similaire, je devais la convaincre qu’elle tirerait profit à passer du temps avoir plutôt que seule ou même avec quelqu’un d’autre, sans pour autant prétendre ce que je ne pouvais qu’espérer, à savoir, que ma compagnie était suffisamment intéressante pour elle. La vérité était que je n’avais absolument aucune réponse à cette question. J’en avais l’envie, mais je ne faisais qu’espérer qu’elle aussi. De plus, j’hésitais encore quand à la démarche à suivre. La prétention était de toute manière exclue, mais fallait-il la laisser gagner ou pas ? S’intéresserait-elle plus à moi parce que j’étais capable de poursuivre ce pugilat encore un moment ou justement parce que je savais m’écraser au moment propice. Je décidai donc de jouer cette partie avec l’élément de mon anatomie qui faisait de moi un homme et me lançai dans la réponse la plus hasardeuse de ma vie.


« Pourquoi pas ? » dis-je en haussant les épaules. « Ça te changera de Ed de voir quelqu’un d’autre pour une fois. »

Et je pus alors lire dans son regard l’ampleur de ma victoire. J’avais parfaitement raison, d’un bout un autre et elle ne pouvait plus me contredire. Il était clair que continuer à travailler était à présent obsolète, je l’avais déjà convaincu qu’il n’était plus temps de bosser, mais de profiter un peu de la journée. De même, la compagnie de son frère était peut-être suffisante, elle n’avait rien de très exotique. Et justement, quitte à s’amuser un peu, quitte à se changer les idées, mieux valait s’éloigner des valeurs sures et tenter l’expérience de la nouveauté. La seule question était alors de savoir si j’étais suffisamment intéressant pour elle, si je méritais ou non qu’elle passe du temps avec moi plutôt qu’avec son frère. À cet instant, ni moi, ni elle ne le savions réellement, j’espérais l’être assez et elle penchait peut-être déjà en ma faveur. Néanmoins, ce n’était pas encore suffisant pour déterminer si je valais le coup.

« Et qu’est-ce qu’on ferait, on discutera toute l’après-midi ? » me provoqua-t-elle, peut-être dans l’espoir que je dévoile un peu plus mon jeu et mes intentions à son égard, peut-être aussi pour voir si j’assumerais jusqu’au bout mes envies.

Hélas, ce qui me vint à l’esprit à cet instant, lorsque je commençais à m’imaginer ce que nous pourrions faire cet après midi tous les deux, ne fut pas exactement ce à quoi elle pouvait s’attendre. Les raisons réelles de ma venue n’était pas de draguer la sœur de mon meilleur ami, mais de lui parler d’un problème concernant une lettre reçue ce matin à propos d’un rendez-vous planté au milieu de mon après-midi. Comment accepter de passer du temps avec Cartel maintenant alors que je devrais couper notre entrevue pour un temps indéterminé. Il fallait donc que je trouve un compromis. Je ne pouvais pas ne pas me rendre à ce rendez-vous. Cette lettre était trop intrigante pour que je ne tente pas d’élucider le mystère. En revanche, je n’avais aucune envie de laisser mes chances de passer du temps avec Cartel disparaître pour cette seule raison. J’aurais sûrement plusieurs heures dans cette journée à lui consacrer aussi et je n’allais pas la laisser tomber parce que j’avais un rendez-vous au beau milieu de cette journée. Je me dis alors que le meilleur moyen de répondre à la question qui m’était posée et de résoudre le dilemme qui était le mien, résidait dans une demande des plus simples, mais aussi des plus risquées, en exposant les raisons de celle-ci en ne disant que la stricte vérité.


« En fait, j’ai un rendez-vous pour un boulot cet après-midi, je ne sais du tout combien de temps ça me prendra, mais je ne peux pas dire que je serais libre à ce moment. » dis-je avec une petite mine désolée. « Néanmoins, si ça t’intéresse toujours, je pense qu’on pourrait aller dîner quelque part ce soir, non ? »

Un léger sourire, à la fois un peu surpris et un peu amusé par cette demande soudaine, s’afficha sur son visage, le rendant immédiatement sept fois plus agréable qu’il ne l’avait été jusqu’à présent et cette image fut-elle fugace, m’inspira une immense satisfaction. Je crois qu’en lui rappelant, sans le vouloir, que moi aussi je travaillais tout de même et demeurait responsable tout en m’amusant, je l’avais surprise. En fait, elle réalisait soudain qu’elle ne m’avait pas aussi bien saisit qu’elle le pensait. Peut-être n’étais-je pas aussi irresponsable que je l’avais laissé paraître jusqu’à présent. Parce que j’étais plus qu’un simple étudiant et parce que je prenais malgré tout ma vie ne main, je devenais un oiseau soudain plus intéressant pour elle, je revêtais aussi un aspect plus adulte et plus sérieux qui ne manqua pas de lui plaire, ou moins d’attiser sa curiosité.

« Ce soir ? Tu n’étais pas censé voir un ami ? » m’interrogea-t-elle, me signifiant dans la foulée qu’elle avait davantage suivi la conversation que moi.

Un ami ? Quel ami ? Qui devais-je donc voir ce soir à part mon abruti de colocataire ? Je mis une ou deux secondes à me rappeler mon mensonge idiot pour expliquer ma venue dans l’appartement de son frère.


« Je le verrais demain matin. » assurai-je.

« Alors, d’accord. » répondit-elle enfin et un grand sourire s’étira sur mes lèvres.

« Huit heure, en bas de l’immeuble ? » proposai-je.

« Entendu. Sois à l’heure, Jacob Hume. » m’avertit-elle dans un petit sourire amusé.

« Je verrais ce que je peux faire, Cartel Free. » lançai-je en ouvrant la porte d’entrée de l’appartement. « À tout à l’heure. »

« Au fait, je voudrais manger chinois. »

Je hochai simplement la tête en guise d’approbation avant de quitter les lieux et de filer dans le couloir. De nouveau seul, je me trouvais étonnement jovial et victorieux. J’avais l’impression que cette conversation et ce qui en était sorti, un rendez-vous avec Cartel Free, était comparable à avoir remporté le premier prix au marathon de New-York. J’avais gravi le mont Everest. Contrairement à la plupart des filles que j’avais fini par fréquenter au détour me ses soirées, Cartel était une conquête bien plus difficile. Obtenir un simple dîner en sa compagnie avait été plus difficile que de conclure avec toutes les autres. Et je n’avais fait que la première partie du chemin, tout n’était pas encore gagné. J’empruntai cependant l’ascenseur plein d’espoir et de gaieté, chantonnant mon succès par l’intermédiaire de quelque refrain populaire. Je nageais littéralement dans le bonheur et j’avais hâte de dévorer les quelques heures qui me séparaient encore de notre rendez-vous. Tout le reste m’étais sorti de la tête. Il fallut cependant que quelqu’un me rappela à la réalité.
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Jacob Hume
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptyVen 6 Juil 2012 - 15:21
3.


Cette personne frappa à la porte de mon rêve éveillé où je m’imaginais charmant Cartel à la manière de Clark Gable, et elle me répondait alors comme Vivian Leigh, d’abord revêche, puis s’abandonnant à moi avant que je ne parte combattre les fédérés. Dans mes rêveries cinéphiles, j’avais cependant oublié un détail que cette personne allait me rappeler sans même le savoir, comme un mauvais rebondissement dans une comédie romantique de Hugh Grant. De fait, quelqu’un d’autre était impliqué de fait dans cette relation, quelqu’un d’autre à qui je n’avais pas pensé lorsque j’avais invité Cartel et qui pourtant, aurait dû me sauter devant les yeux comme une centaines de panneau clignotant de Las Vegas pour me signaler que je fonçais sur une voie dangereuse qui risquait bien de mettre un bordel monstrueux dans une vie déjà bien chaotique. Car cette personne était encore mon seul lien entre le monde ordinaire et celui tant détesté des rêves, ma seule bouée de sauvetage, ma seule ancre pour me rappeler à l’ordre : Ed Free, le frère de Cartel. De fait, la relation que j’entretenais avec lui était vraiment particulière, vraiment unique aussi, puisqu’elle complétait les deux tableaux de ma vie. Dans la vie réelle, Ed était un ami que je voyais souvent et avec qui j’échangeais de bons moments, c’était aussi la personne dont je prenais pitié en entendant ses déboires quotidiens, tout en m’en moquant allègrement lorsque la situation s’y prêtait. J’avais bien d’autres amis, dont l’un des principaux était sûrement Nicolas et ce que nous partagions n’avait donc rien de très exceptionnel. En revanche, il était mon acolyte onirique, mon partenaire dans Dreamland, l’autre membre de notre duo infernal. Et je dois bien avouer que sans lui à mes côtés au cours de ces longues et interminables nuits de souffrances, je n’aurais jamais pu garder un semblant d’équilibre, au moins dans la vie réelle. Car s’il était une chose dont il avait la clé, c’était bien le secret de mes souffrances nocturnes et de cette constante manie de vouloir me convaincre que ma dépression n’était qu’une aberration, qui passait peut-être le quart de son temps à tenter de me remonter le moral, notamment en m’entraînant dans mille et unes aventures rocambolesques et inutiles. Malgré toute l’exaspération qu’il m’inspirait, je devais bien reconnaître que, sans lui, j’aurais peut-être franchi le pas du suicide dans la vie réelle tant ma situation me paraissait insupportable – qui aurait supporté le poids de la solitude avec une peur chronique du sommeil ? La dérive aurait été inévitable.

Ed, en bon compagnon, était sortis du cinéma, avait rallumé son portable et était tombé sur une série de SMS insistants pour qu’on se voit dans l’urgence, il m’avait donc envoyé une réponse fort prompt pour s’assurer que tout allait bien : « J’étais au ciné. S’passe quoi ? ». Lorsque je reçu le SMS, je faillis ne pas me rappeler les raisons qui m’avaient poussé à le contacter. L’esprit tout en liesse à l’idée de mes retrouvailles prochaines avec ma jolie blonde à lunette, j’étais tranquillement rentré chez-moi, oubliant instantanément tous mes projets de ballades et autres qui avaient pu me traverser l’esprit. Le temps avait passé depuis mon réveil, mais Nicolas continuait de profiter de sa nuit matinale et je n’avais pas vraiment le cœur à le tirer du lit alors que selon ses critères, il venait à peine d’y entrer. Il m’était déjà arrivé, une fois, de m’endormir en songeant à lui afin de découvrir quels étaient ses songes, le résultat avait naturellement été que mon camarade de vie, bien qu’apparemment silencieux dans sa chambre, n’était pas du tout plongé dans un profond sommeil et que le rejoindre dans le monde onirique aurait signifié souffrir des heures et des heures de décalage par rapport à mon rythme ordinaire. Je n’avais jamais retenté l’expérience et je ne l’avais jamais croisé en un tel lieu, même par hasard. Au fur et à mesure que le temps passait, j’en étais venu à croire qu’il valait mieux que je ne sache jamais. J’avais encore un long moment avant mon rendez-vous de l’après-midi avec cette mystérieuse société et j’avais donc décidé de le consacrer à la préparation d’un déjeuner à la fois copieux et travaillé. S’il était bien une chose que j’appréciais, c’était de prendre le temps de me préparer de très bon plats, et plus généralement de faire de la cuisine, j’adorais cet art et m’y exerçait aussi souvent que je le pouvais. Il fallait dire que si mon esprit étudiant induisait une flemme exemplaire en ce qui concernait le travail scolaire, j’aurais pu passer des heures à cuisiner. Rien ne me détendait plus que cette activité, d’autant que j’en profitais pour grignoter, presque systématiquement. Souvent, bien entendu, je rentrais beaucoup trop crevé pour faire quoi que ce soit de plus que de prendre un plat surgelé et de le mettre au four. Néanmoins, lorsque je cuisinais, mon esprit se libérait de toute pensée négative et je pouvais me plonger dans mes rêveries éveillées sans la moindre difficulté. Pour mieux entraîner mon esprit à penser à Cartel, je m’étais donc adonné à la confection d’un plat particulièrement difficile, tout en m’imaginant montrer les détails de mon entreprise à cette nouvelle conquête dans l’espoir de l’impressionner – ce qui fonctionnait très bien dans mon imagination mais ce qui, je m’en doutais, serait nécessairement beaucoup plus complexe dans la réalité, Cartel aurait probablement trouvé le moyen de briser mon enthousiasme en une réplique cinglante ou traumatisante. Et pourtant, ce talent que je développais toujours plus avant était un excellent moyen de charmer ces dames avec qui je partageais régulièrement ma couche. De fait, leur préparer, rien que pour elles, des mets exquis qu’elles pourraient ensuite déguster et s’émerveiller en en découvrant les incroyables saveurs, avait un charme fou, surtout si l’on s’arrangeait pour que le plat soit plus ou moins hautement aphrodisiaque sans qu’elles ne le sachent forcément – même si certaines savaient d’avance qu’en avalant ce qu’on leur servait, la soirée se terminerait nécessairement dans la pièce d’à côté. En réalité, pour me faciliter la tâche, peut-être aurais-je dû inviter Cartel à dîner chez moi, hélas, elle s’était imposée dans sa volonté de manger chinois et je n’avais pas la moindre envie de la décevoir de ce côté là, malheureusement, j’étais bien incapable de me métamorphoser en traiteur chinois, art culinaire que je ne maîtrisais pas du tout. C’est à cet instant précis, alors que je me préparais une poêlée d’aubergines et de gésiers de canard marinés, que je sentis la vibration soudaine de mon téléphone contre ma cuisse.

Tirant l’appareil de ma poche et découvrant le message de mon ami, j’eus un choc violent qui m’abattit magistralement sur ma petite chaise de cuisine. Ed, je l’avais complètement oublié dans cette affaire, comme j’avais complètement occulté ma peur panique d’une société secrète visant à m’espionner dans mes moindres gestes. Hélas, si cette réaction excessive à une simple lettre d’une certaine Ann Darrow méritait de ne plus se prolonger, je sus à cet instant que jamais je n’aurais dû oublier Ed dans cette équation, il était l’un des piliers de ma vie, peut-être le plus important, je ne pouvais l’ignorer. Et ce que je venais de faire m’apparut soudain comme une réalité tranchante, me frappa comme une météorite. Je venais de demander à la sœur de mon meilleur ami de me retrouver pour un rendez-vous galant. Ce faisant, je venais aussi de risquer la seule relation qui me permettait de survivre à cet univers hostile qui était le mien. Ed était un ami proche, comme Nicolas et comme quelques autres, comme d’ailleurs toutes mes conquêtes, il connaissait clairement mon passif en histoires de cœur. Il ne me l’avait jamais reproché et peut-être même m’avait-il souvent envié. Pourtant, Ed n’était pas une personne indigne et il tenait à ses amis au moins autant qu’à sa famille. Quoi qu’il put penser de sa sœur et de son frère, il les aimait et j’étais sûr qu’il ne supporterait jamais qu’ils se fassent avoir par une bande de connards dans mon genre. Si j’allais jusqu’au bout de cette affaire et que je suivais mon ambition usuelle, je risquais fort de me heurter à un rejet plus fort que nos disputes régulières. Je deviendrais alors le salaud qui aurait profité de sa sœur, je serais naturellement le méchant de cette histoire, celui qui n’a pas de cœur et brise celui des autres sans le moindre remord. C’était faux, mais il n’aurait aucune raison de ne pas me percevoir de cette manière. Or, s’il décidait de mettre un terme à notre collaboration onirique, s’il décidait une bonne fois pour toute qu’il en avait fini avec ma sale tronche de voyageur muet, je ne serais plus rien et à moi la dérive. Car, il fallait bien l’avouer, je n’étais rien de plus que le salaud que j’avais toujours été à ce moment et je n’avais pas dans mes projets de changer d’attitude avec Cartel simplement parce qu’elle était plus brillante et plus difficile d’accès que les autres. Au maximum, aurais-je accepté de profiter de sa compagnie jusqu’à ce qu’elle reparte, et encore, le tout en étant le plus honnête possible quant à mes envies en ce qui la concernait. Rien de sérieux pour ma part, je n’en voulais pas, je ne me sentais pas prêt à m’engager dans quoi que ce soit. Cartel m’avait tapé dans l’œil, mais elle ne représentait pas encore pour moi la créature à laquelle je voulais m’accrocher.

Je ne me leurrais pas non plus sur mes capacités à causer du tort à Cartel, je savais pertinemment que, vu la façon dont elle pouvait lever des murs puissant entre elle et les autres, simplement par amusement, même si elle pouvait se sentir quelque peu touchée par l’utilisation que je comptais faire de sa personne, elle était suffisamment forte pour passer outre, elle-même devait déjà bien comprendre ce que je lui avais réellement proposé. En réalité, je crois que cela faisait un très long moment que Cartel avait pris l’habitude de refouler ses émotions en les écrasants sous ses montagnes de travail et sous son mépris affiché des autres. C’était une femme qui, pour une raison ou une autre que j’ignorais encore, avait décidé de ne pas se laisser faire et de pas subir ses passions, qui, par conséquent, avait établi des murailles puissantes autour de ses sentiments les plus accablants. En réalité, des deux, je risquais d’être le plus durement touché par mon attitude et par cette culpabilité qui s’installait toujours plus grande en moi alors que mes yeux s’enfonçaient progressivement dans la contemplation de l’écran de mon portable, dont la luminosité s’était à présent réduite d’elle-même pour en économiser la batterie. Je savais que je venais de faire une connerie que je risquais de regretter, que je venais de mettre en danger la seule compagnie qui pouvait encore me maintenir à flots, et en même temps, je ne pouvais que réaliser à quel point j’avais envie de m’enfoncer toujours plus profondément dans la complication. Je ne désirais pas seulement Cartel, cela allait bien au-delà, sa conquête était un réel défi et ne pas le relever, me défiler pour une affaire de mauvais frère me semblait un peu léger comme excuse. Et puis l’idée de cette soirée était à présent tellement ancrée dans mon esprit que je n’avais plus la moindre envie de revoir mes plans pour la soirée. Enfin, j’avais la désagréable impression que le regard accusateur que Cartel aurait lorsqu’elle apprendrait mon changement d’avis, me détruirait intégralement. J’avais ressentis cela dès qu’elle avait posée les yeux sur moi, une puissante et incroyable envie de lui plaire, d’être à la hauteur de ses espérances, de ne pas la décevoir. Elle dégageait un aura d’autorité tel qu’on avait automatiquement envie d’obtenir son approbation et ses encouragements, comme on les aurait attendu d’une mère. La décevoir était donc une chose à laquelle je ne pouvais me résoudre, de plus, je savais que sa relation avec Ed était suffisamment distante et qu’elle était suffisamment intelligente pour que nous puissions cacher l’aventure à l’intéressé. J’étais persuadé qu’elle avait déjà compris d’elle-même l’intérêt du silence en la matière. De mon côté, je devais donc aussi remplir ma part du contrat et ne pas chercher à lui mettre la puce à l’oreille. Je me saisis donc de toute ma volonté tremblante pour lui répondre ceci : « Aucune importance, j’ai réglé le problème. Bon film ? ». La réponse fut odieusement négative.

Pourtant, je n’avais pas réglé le moindre problème en réalité, si ce n’était que ma paranoïa du matin s’était soudain transformée en une série de questionnement soucieux. En définitive, je venais plutôt d’accumuler les problèmes. Pourrais-je vraiment ne jamais dire à Ed ce que j’avais fait avec sa sœur ? Pourrais-je vivre avec le souvenir d’avoir souillé l’une des seules filles qui auraient dû disposer d’une immunité face à mes avances ? Mais à ces questionnements, s’ajoutèrent immédiatement ceux qui concernaient la lettre elle-même, car en me demandant ce qu’il se passait, Ed m’avait naturellement fourni une bonne excuse pour m’y intéresser de nouveau. Quels voyageurs pouvaient bien rechercher mes services ? Quelles étaient les intentions réelles de la SDC à mon égard ? Devais-je m’inquiéter ou non ? À cette dernière question, je sus plus ou moins répondre rapidement. De fait, on m’avait donné rendez-vous dans un lieu public, qui était d’ailleurs assez occupé à l’heure où j’allais m’y rendre, je n’avais donc ma vraiment à m’inquiéter d’un malade mental s’en prenne à moi et ne me kidnappe. De fait, on serait immédiatement intervenu en ma faveur, j’y connaissais trop de monde. Cette entrevue serait donc purement pacifique et je commençais à me rassurer de ce point de vue là. Néanmoins, cette perspective n’enlevait pas toutes les autres questions, toutes ces interrogations sur l’identité de cette Ann Darrow. Même en tant que voyageur, je n’en avais jamais entendu parler. Bon, il fallait bien dire aussi qu’en restant systématiquement dans ma bulle, j’en étais venu à m’isoler de tout ce qui se référait aux dernières informations concernant le classement. Je ne connaissais ma place que parce que Ed en avait parlé à plus d’une reprise. Une fois encore, je me dis que Ed aurait peut-être su la resituer, hélas, j’avais déjà répondu que j’avais réglé le problème et je préférais éviter tout autre contact avec lui pour la journée, de peur de me faire coincer. Ce qui était très idiot dans la mesure où je pouvais difficilement lui avouer ce que je n’avais pas encore fait. Divertir sa sœur ou même la lui prendre une soirée afin qu’elle cesse de lui casser les pieds avec ses remontrances diverses lui aurait sûrement apparu comme un acte d’une immense charité. Aussi me retrouvai-je comme un con, plein de question et d’anxiété, alors que j’avais, quelques instants plus tôt, le cœur léger et la sensation de pouvoir conquérir le monde par la seule force de mon optimiste. Heureusement pour moi, la journée que j’allais vivre s’avèrerait bientôt pleines de surprises plus agréables que ce que mon état ne laissait alors croire. En y repensant, je dois d’ailleurs avouer que mes inquiétudes n’étaient pas réellement fondées, mais que, de plus, ce fut aujourd’hui que je trouvai l’équilibre réel qui m’avait toujours manqué.

J’étais en train de déguster ce que j’avais préparé, avec un enthousiasme quelque peu sapé cependant, lorsque mon colocataire imperturbablement à l’ouest quitta son lit pour enfin affronter la lumière du jour. Titubant dans notre salon-salle à manger, il plissa les yeux en voyant la fenêtre ouverte et courageusement, porta son corps jusqu’à l’énorme fauteuil qui accompagnait notre canapé devant la télévision. Il me lança alors un sourire engourdi avec sa barbe désordonnée de trois jours et ses cheveux en épis indomptable.


« Salut ! » dit-il simplement avant de bailler de tout son saoul et de s’étirer pour exprimer toute son envie de quitter le monde des rêves.

« Salut. » répondis-je. « Bien dormi ? »

« Oui, oui… » affirma-t-il l’air encore peu adapté au monde réel – je ne voulais définitivement pas savoir ce dont il rêvait. « Tu manges quoi ? »

Il avait posé cette question par simple curiosité, son estomac était encore trop engourdi pour la moindre fringale, j’en avais conscience. Néanmoins, mon colocataire n’avait pas été habitué à voir de la nourriture variée et saine au cours de son enfance, ou peut-être était-ce une dégénérescence volontaire de sa part le poussant à lui faire perdre une bonne partie de son vocabulaire culinaire et de sa compréhension de l’intérêt d’un légume. Instinctivement, le mot « aubergine » créait en lui une répulsion catégorique des plats concernés. Cela ne m’empêchait pas de lui en faire manger sans le lui dire chaque fois que je le voulais, et je le faisais toujours de l’exacte même manière :

« Une poêlé maison viande/légume. » déclarai-je en haussant les épaules. « Des restes quoi. »

Un instant il huma l’odeur – par je ne sais quel procédé d’ailleurs, puisqu’à sa place, son odeur corporelle naturelle m’aurait sûrement obstrué les narines.

« Ça sent bon. » conclut-il avec espoir.

« T’en fais pas, je t’en ai fais aussi. » rassurai-je en souriant ce qui le fit sourire béatement, il me servit donc son usuelle et lourdingue expression de sa gratitude :

« You’re the man ! » en allongeant bien le a, afin d’en accentuer le côté fumette.

Mon colocataire était en effet, comme moi, un adepte de la flemme, à la différence qu’il étendait cette flemme à l’ensemble absolu de toutes les activités qui pouvaient être les siennes. Aussi, la cuisine se résumait souvent à commander des pizza, mettre un plat tout prêt dans un micro-onde ou accepter sans la moindre discussion tout ce que je pouvais préparer pour moi-même et que je faisait nécessairement en double, sachant qu’il allait piocher dedans à un moment ou à un autre. Dans l’ensemble, tant qu’on pouvait désigner ce qu’il avait dans son assiette comme de la nourriture, il n’avait aucune difficulté à l’avaler. Il avait même tendance à apprécier les plats que je pouvait faire, malgré leur sophistication. Néanmoins, lui parler avec trop de précision de leur contenu n’était pas une bonne idée. Je m’y étais essayé une fois et il avait tout recraché en me demandant si tous les ingrédients que je venais de lui citer étaient comestibles. En essayant de comprendre sa réaction, j’avais découvert que, pour on ne savait quelle raison, Nicolas en était venu à se persuader que le basilic était un serpent hautement venimeux. J’ai bien failli lui répondre que ça n’avait pas d’importance puisque j’avais aussi mis des larmes de phénix, néanmoins, je me contentait du silence de lui assurer que je n’en mettrais plus jamais dans mes plat. Ce qui était absolument faut, j’adorais le basilic, j’en mettais presque systématiquement.


« Tu fais quoi c’t’aprem ? » m’interrogea-t-il soudain alors que j’étais prêt à me replonger dans mes pensées.

« Mmh. » fis-je pour avaler ce que j’avais dans la bouche. « J’ai un rendez-vous de boulot à trois heures. Et ce soir, j’ai un rendez-vous avec un fille. »

Son expression, de moins en moins ensommeillée, se réveilla alors totalement et il sembla soudain s’inquiéter, ce qui me surpris un peu, usuellement, cela ne le choquait pas des masses.

« Euh… tu comptes la ramener ? » me demanda-t-il soudain soucieux.

Je lui lançai un regard intrigué en me demandant où il voulait en venir exactement.


« Oui… C’est plus ou moins le principe… »

« Tu peux pas aller chez elle plutôt ? »
supplia-t-il abruptement, ce qui n’était pas habituel chez-lui, d’ordinaire, il s’en foutait et c’était plutôt moi qui devais m’arranger pour qu’il reste bien au chaud dans sa chambre. Car il avait une fâcheuse tendance à entrer en scène toujours au mauvais moment et à sortir les pires inepties pour le coureur de jupons que j’étais. L’une de ses plus belles performances étant naturellement le « Bon, je peux sortir, c’est bon, tu l’as embrassée ou pas ? J’ai vraiment besoin d’aller aux chiottes là. », qui suivait en réalité une autre soirée où il m’avait fait le plaisir d’entrer en peignoir dans le salon et de venir poliment saluer la jeune femme que je tentais de séduire par un : « Alors, c’est toi la copine du soir ? », ce qui n’était naturellement pas très bien passé à l’époque. Je me demandais donc si la raison pour laquelle il ne voulait pas que j’invite une fille chez nous ce soir là était justement parce qu’il n’avait pas envie d’être coincé une fois de plus dans sa chambre, puisque telle était la règle que nous avions établie après ses intervention successives. Naturellement, il était absolument impossible que je vire Ed de chez-lui pour monopoliser son studio afin de coucher avec sa sœur, ce qui rendait nécessairement l’idée d’aller chez elle peu probable. Je ne me voyais pas non plus me payer une chambre d’hôtel. En revanche, j’avais assez confiance dans les talents de négociateur de mon camarade pour pouvoir ne pas m’inquiéter de ses supplications.

« Non, pas trop. » tranchai-je en toute honnêteté. « Pourquoi ? »

Il eut une moue de mécontentement.

« Nan, mais ce soir, j’avais plus ou moins prévu de me mater les trois Matrix d’affilé. » ronchonna-t-il.

Ce type me sidérait, mais je ne savais pas encore si je devais être exaspéré ou moqueur quand je l’entendais parler. D’abord parce que son rendez-vous de la soirée, qu’il avait sûrement planifié une bonne semaine à l’avance, consistait simplement à voir Néo foutre une raclée à Smith trois fois de suite. Ensuite parce qu’il pouvait tout simplement décaler sa soirée au lendemain, j’aurais même été heureux de voir les films avec lui. Enfin, parce que pour un mec qui passait son temps à télécharger des films d’une qualité atroce pour les regarder sur son écran d’ordinateur avec une qualité de son à pleurer, et ce même pour les plus grands chef-d’œuvre jamais produits, il voulait absolument voir ces trois films sur son écran full HD et avec son home cinéma ce soir-là précisément. Qu’il veuille profiter de la qualité, je pouvais comprendre, surtout pour Matrix, néanmoins, son inquiétude me paraissait un peu décalée.


« Pas de problème, on ira dans ma chambre. » assurai-je avec le sourire.

De fait, puisque l’on dînait à l’extérieur, je n’avais pas la moindre raison de monopoliser le salon. D’autant que je préférais savoir qu’il regardait ses films plutôt qu’il me traîne dans les pattes. Au moins, il y avait peu de chances qu’il décroche ses yeux de l’écran. Je pourrais ainsi me vanter auprès de Cartel d’avoir mon propre autiste à la maison. Il mit un temps à comprendre ce que je voulais dire par là – plus parce qu’il était à moitié endormi qu’autre chose –, puis, il sembla avoir une illumination.


« Hey ! » lança-t-il souvent. « Si vous voulez, on le regarde ensemble ! »

Tout content de sa trouvaille, il me lança le plus beau des sourires. Je pris une grande inspiration pour ne pas lui sortir un flot de conneries parfaitement insolentes et haineuses.

« Elle les a déjà vus. » répliquai-je. « Ma chambre sera très bien je pense. »

En silence il acquiesça, puis il haussa les épaules. Notre conversation dériva alors sur d’autres sujets des plus futiles. Cependant, je parvins à le convaincre pas à pas que s’il voulait mériter l’usage du salon, il fallait qu’il occupe une part de son après-midi à effectuer un ménage et un rangement conséquent dans toutes les pièces qui nous étaient communes. Je savais déjà que le résultat ne serait pas grandiose, hélas, je n’avais pas vraiment le temps de le faire moi-même. Lorsque j’eus fini de manger, je fis la vaisselle pour le soulager au moins de cet incroyable fardeau qu’il jugeait déjà insurmontable, puis commençai à me préparer. Étrangement, puisque j’en étais venu à la conclusion plus ou moins évidente que mon rendez-vous étant un entretien d’embauche, certes des plus atypiques, je devais me présenter à mon futur et probable employeur sous un jour sérieux qui lui permettrait d’avoir confiance en moi. Je me changeais donc et décidait de me coiffer pour en ressortir sous un aspect qui ne m’étais pas tout à fait ordinaire, sans être coincé dans un costume et une cravate, j’avais très nettement l’allure d’un cadre supérieur. Ma chevelure, cependant, n’avait rien de très coiffé, on aurait plutôt dit qu’on s’était contenté d’y mettre de l’ordre, part fantaisie, je les coiffais toujours – lorsque je les coiffais – de façon à garder un esprit libre dans leur présentation. Un coup d’œil à ma montre m’indiquant qu’il était temps d’y aller, je sortis affronter le grand mystère de cette lettre en espérant très sincèrement que cette rencontre n’aggraverait pas mes problèmes oniriques.

Le café dans lequel on m’avait demandé de retrouver mes futurs employeurs des rêves se trouvais à une bonne demi-heure de marche et puisque je détestais emprunter les transports en commun, autant dire que je préférais user de mes jambes pour aller partout. Ce qui naturellement, me fis arriver avec cinq bonne minutes de retard sur le point de rendez-vous. Mais en vérité, je m’en foutais un peu, d’abord parce que s’ils avaient fait le déplacement depuis Londres, il y avait peu de chances qu’ils se barrent pour un retard de cinq minutes. Ensuite, parce que je trouvais leur proposition un peu perturbante et que je la percevais presque comme une violation de ma vie privée. Dans l’ensemble, j’avais un peu envie de leur faire comprendre que je n’aimais pas beaucoup leur attitude et je comptais bien le leur dire une fois arrivé à destination. De fait, j’avais toujours séparé ma vie normale et ma vie onirique, parce que je considérais que l’une et l’autre devaient communiquer le moins possible. On ne parlait pas de Dreamland, c’était la règle. Peu importait ce que l’on faisait dans le monde réel, chacun était libre de vivre sa vie comme il l’entendait. Mais si un groupe de voyageurs commençait à épier les voyageurs en dehors de leur vie Onirique, cela ne me plaisait pas le moins du monde. Je comptais bien ne pas laisser les voyageurs dicter ma vie ordinaire de quelque manière que ce soit. Si cette société secrète se montrait trop oppressantes, je risquais fort de tout mettre en œuvre pour la dénoncer et la faire tomber. La plupart des voyageurs, l’immense majorité même, n’aimeraient pas l’idée et se ligueraient contre elle. Cependant, nous n’en étions pas là et peut-être allais-je découvrir tout autre chose. Même si j’étais particulièrement méfiant, je n’étais pas non plus d’un naturel belliqueux, je ne m’emportais pas à la moindre menace probable ou ressentie. Je leur laissais donc une chance de m’impressionner et de me surprendre avant de lâcher les chiens sur eux. Même si les Private Jokes n’étaient pas très appréciés par tout le monde, ils étaient suffisamment renommés pour regrouper un maximum de monde dès qu’ils en auraient besoin.

J’ouvris la porte vitrée du café, le cœur battant, je ne savais pas à quoi m’attendre et je commençais sérieusement à avoir le trac. À l’intérieur, il n’y avait pas plus d’une demi-douzaine de personnes, dont le gérant et l’une de ses serveuses. Deux des clients étaient assis sur les hautes chaises du bar et discutaient avec eux de la politique du logement social dans la ville, le tout en consommant des bières. Un autre, que je connaissais simplement de vue parce qu’il venait souvent ici était assis à une petite table, deux ou trois tasses de cafés consommés devant lui et profitant du soleil qui passait par les vitres pour écrire et écrire encore dans un petit cahier – ce qu’il faisait toujours ici, j’en était donc venu à supposer qu’il s’agissait d’un auteur ou autre chose du genre. Je remarquais très rapidement la personne qui m’attendait, à la fois parce qu’elle se démarquait énormément dans ce petit environnement franchouillard, ensuite parce qu’il s’agissait de la seule autre femme présente en dehors de la serveuse, que je connaissais bien. Je me doutais bien que les deux clients qui se trouvaient au bar, avec leurs atours et leurs façon de parler, ne venaient sûrement pas de Londres. Quant aux avis qu’ils exprimaient sur le monde, je pouvais déjà comprendre qu’ils n’avaient jamais entendu parler d’un subconscient collectif constituant un royaume des rêves ou même plus simplement de la condition des voyageurs. Enfin, aussi perturbant que cela puisse paraître, la femme qui se trouvait assise dans le fond du café, à l’écart des autres, me souriait comme si elle me connaissait, et je devais bien avouer que moi aussi, il me semblait déjà l’avoir croisée quelque part. Je déglutis, salua brièvement le gérant en lui indiquant que j’allais rejoindre la femme en question et me dirigeai vers elle.

En avançant, je pris le temps de l’observer un peu mieux et j’essayais de comprendre d’où venait cette impression de déjà vu. C’était une femme blonde, d’une trentaine d’année, peut-être un peu plus, deux magnifiques fossettes entouraient le sourire à la fois poli et enchanté qu’elle me servait. Ses cheveux étaient lissés, longs, et lui tombaient élégamment sur les épaules et le dos. Son visage était fin, mais il paraissait aussi emprunt à une certaine malice et une certaine sagesse, une belle tranquillité aussi. Il n’y avait absolument aucun doute sur la question, elle avait une charme poignant, une élégance incroyable et une façon d’être qui me poussait presque à croire qu’elle faisait partie de la famille royale. Elle se leva pour me saluer et m’accueillir et je me rendis soudain compte qu’elle n’était pas seulement belle, féminine et classieuse, elle était aussi un peu plus grande que moi et me faisait penser à un cygne. Elle était peut-être plus âgée, je n’en était pas moins impressionné par sa présence naturelle. De plus, elle était attifée à la dernière mode parisienne, ce qui accentuait grandement son élégance. Elle portait une veste blanche à double bouton qui s’adaptait à ses épaules et à sa poitrine, ainsi qu’un long pantalon de costume de la même couleur. Sous sa veste, le col de sa chemise apparaissait avec quelques voiles très élégants et elle portait de nombreux bijoux, à la fois discrets et puissant. Cette femme n’était pas n’importe qui et j’avais vraiment l’impression de me trouver face à une grande dirigeante d’entreprise de la mode. Elle me tendit une main pour me saluer et je faillis bien m’incliner tel un humble sujet face à sa souveraine. Même si l’apparition de Cartel avait eu quelque chose de plus vivant et de plus attirant, j’avais presque le souffle coupé face à l’élégance d’Ann Darrow.


« Enchanté Monsieur Hume. » dit-elle avec un léger accent, définitivement anglais. « Je suis ravie que vous ayez accepté ce rendez-vous. »

« Enchanté aussi. » assurai-je avec un sourire un peu poli et gêné. « Vous êtes Madame Darrow je suppose ? »

« Mademoiselle. »
indiqua-t-elle en m’invitant à m’asseoir. « Voulez-vous boire quelque chose ? »

« Non, pas pour le moment, merci. »
répondis-je, tout en sachant que le gérant viendrait de lui-même m’apporter un café noisette, puisque je commandais toujours cela et que je prenais toujours quelque chose. Nous nous installâmes l’un en face de l’autre autour de la table, dans cette partie un peu déserte du café, loin de l’heure de pointe où tout le monde était venu déjeuner. Il s’installa alors un petit silence gêné entre nous où je me demandais bien ce que je pouvais bien dire pour faire la conversation avec cette personne que je ne connaissais pas le moins du monde, mais dont je savais qu’elle était une voyageuse. Pourtant, j’avais aussi le sentiment que ce n’était pas à moi de parler en réalité et que je devais plutôt attendre qu’elle entame la conversation. C’était elle après tout, qui m’avait convoqué ici.

« Vous avez lu la lettre ? » demanda-t-elle un peu anxieuse et en jetant très furtivement un regard vers le bar où la discussion suivait doucement son cours.

« Oui. » affirmai-je sur un ton neutre, sans savoir que dire de plus.

Elle eut un petit sourire nerveux et je compris à cet instant qu’elle trouvait elle-même sa situation plus embarrassante que la mienne. Fait que je trouvai alors plus que rassurant.


« J’imagine que vous avez dû la trouver un peu étrange, un peu… surprenante. » avoua-t-elle en baissant un peu le yeux, ce qui était atrocement touchant. « Mais vous devez comprendre, c’était le seul moyen que nous avions de vous contacter et de vous faire comprendre qui nous étions… »

« Ce n’est pas un soucis. »
assurai-je soudain, sans même m’en rendre compte. Mais qu’est-ce que je racontais ? Bien sûr que c’était un soucis ! Pas d’autre moyen ? Pourquoi pas m’aborder dans Dreamland même ? Même si je n’y étais pas très loquace, je n’étais pas non plus fermé à toute conversation. Mais où diable était passée ma volonté de lui reparler de ses méthodes d’approches ? Je n’étais rien d’autre qu’un lâche.

« Nous ne pouvions pas vous contacter… là-bas… » sourit-elle maladroitement, ce qui m’intrigua immédiatement. « D’abord parce que nous travaillons la plupart du temps lorsque nous y sommes. Ensuite parce que je préfère ne pas parler de ce que nous faisons là-bas, on ne sait jamais qui écoute et… nous ne sommes pas très appréciés par tout le monde. »

Elle m’envoya alors un petit sourire d’excuse et je commençais à être très intrigué par ce qu’elle me racontais. Je plongeai mon regard dans le sien pour tenter de sonder ce qu’elle voulait bien me dire et soudain, je me souvins d’où je la connaissais. C’était une voyageuse, pas n’importe quelle voyageuse. Une voyageuse qui avait fait plus ou moins scandale dans le DreamMag quelques mois plus tôt. Je n’en avais regardé que la couverture où elle apparaissait à côté d’un titre choc : « Darrow engagée contre le Roi des Chats, où sont les limites de la SDC ? » Je n’avais pas lu l’article, parce que je m’en foutais. Il me semblait que j’avais encore une dette monstrueuse envers le Roi des Chats pour avoir, en compagnie de Ed, creusé un profond sillage dans son immense marché, je n’avais pas vraiment envie  de voir ce qui arrivait à ce brave bonhomme félin à ce moment là. De plus, le DreamMag avait une certaine tendance à embellir les choses et à avoir des titres chocs plutôt que des titres peu accrocheurs. Je me doutais qu’aucun voyageur n’aurait réellement pris le parti de se lancer seul contre le royaume des Chats, même avec une petite équipe, il fallait bien être rang S pour espérer y faire quelque chose. Les circonstances devaient être bien particulière et ce titre devait cacher une affaire beaucoup plus complexe en réalité. Quant au classement de mademoiselle Darrow, je l’estimais assez haut, sans réellement en connaître la place, ce qui voulait plus ou moins dire qu’elle n’était pas non plus dans la ligue S. Mais en réalité, je ne savais absolument rien d’elle, ni ses pouvoirs, ni ses exploits, ni la nature de son entreprise. Cependant, je me doutais qu’elle était l’objet de scandales ou qu’effectivement, comme elle le disais, elle n’était toujours très appréciée par les autorités Dreamlandesques. En un sens, cette petite précision me suffisait amplement pour la trouver plus que sympathique à mes yeux.

« Je peux comprendre, en effet. » dis-je en souriant à mon tour, de manière un peu complice. « Maintenant, peut-être pourriez-vous m’expliquer exactement ce dont il s’agit… »

Mon approche était un peu directe, néanmoins, je me voyais mal languir plus longtemps pour connaître le fin mot de l’histoire. Nous étions d’accord pour dire que sa lettre était étrange et intrigante, maintenant, il était temps de savoir de quoi il retournait précisément pour que je puisse me faire un avis réel sur cette proposition soit disant alléchante. Elle me sourit avec plus sérieux cette fois.

« Oui, vous avez raison. » soupira-t-elle de soulagement. « Nous sommes une petite entreprise de… voyageurs, qui offre ses services aux autres voyageurs et aux rêveurs en échange d’une rémunération. Précisément, nous sommes engagés par différents individus pour ‘arranger leurs rêves’, nous nous – comment dire ? – nous nous proposons de nous servir de notre talent particulier pour faire accomplir ce que nos clients ne peuvent pas faire eux-mêmes ou pour les protéger dans cet l’univers onirique. Quant à moi, je suis la gérante de cette petite entreprise, concrètement, je vous propose un poste dans cette compagnie… »

Je l’écoutai sans rien dire et m’imposai un puissant silence lorsqu’elle eut fini. Ann Darrow n’était définitivement pas n’importe qui et ce qu’elle me proposait ne faisait que susciter en moi une série de nouvelles questions, toutes plus importantes à mes yeux les unes que les autres. Sa société était réellement particulière, car elle proposait des services qui n’acceptaient pas la moindre concurrence. Mais le fonctionnement de cette machine m’intriguait et je voulais en savoir plus avant de donner la moindre réponse. J’avais clairement quelques réserves quant aux conséquences d’une telle créations.

« Qu’entendez-vous par rémunération ? Des EVs ? » demandai-je alors, en me proposant une série de question.

« Eh bien, comme n’importe quelle entreprise, nous faisons payer nos services… en euros. » répondit-elle appréhendant un peu l’interrogatoire auquel j’allais la soumettre.

« Qui sont vos clients ? »

« Des voyageurs et des rêveurs… »

« Des rêveurs ? Mais comment peuvent-ils… ? »

« Mmh, laissez-moi vous expliquer. »
dit-elle en prenant une attitude songeuse. « Les voyageurs nous connaissent principalement grâce à nos actions… là-bas. Parfois, ils nous demandent de travailler, non pas pour eux-mêmes, mais pour des rêveurs. Ils représentent la majorité de nos clients. Quant aux autres, nous sommes toujours recommandés par des voyageurs, ou des rêveurs ayant fait appel à nos services par le passé. Nous avons des cartes de visite qui circulent, mais rien de très officiel, aucune façade sur internet ou ailleurs. Nous sommes très… comment dire ? Très discrets. On ne nous connaît que par le bouche à oreille. Cela nous permet cependant d’obtenir des clients exclusivement rêveurs… »

« Vous voulez dire qu’ils sont mis au courant de l’existence de Dreamland ? » demandai-je, ahuri face aux dangers que pouvait représenter la naissance d’une telle rumeur pour notre petit monde ; s’il était bien une chose pour laquelle j’étais prêt à me battre, c’était pour la liberté de cet univers par rapport au monde ordinaire. Sinon, il aurait été trop facile pour certains de profiter des possibilités offertes pour manipuler les autres. Elle sourit cependant, comme si elle était amusée par mon inquiétude.

« Non, bien sûr que non. Ils ne savent rien de tout cela. Tout ce qu’ils comprennent, c’est nous pouvons intervenir dans leurs rêves. Le fait est qu’avec tous les films qui circulent sur la question, les gens sont assez crédules pour croire que c’est plus ou moins possible. En réalité, ils ne nous contactent que par téléphone et nous envoient leur argent par la poste, nous nous chargeons du reste. Ils ne nous rencontrent jamais, mais sont toujours satisfaits. C’est tout ce qui compte. Les voyageurs, eux, nous contactent directement là-bas, mais ils nous payent de la même manière. »

Le pire était que c’était effectivement très facile à croire. Il suffisait que je regarde proche de moi un individu tel que Nicolas aurait gobé l’affaire en deux temps trois mouvement et j’aurais hérité de son appartement dans les quelques secondes suivantes juste pour lui assurer une nuit aux alentours de ses héroïnes de film préférées dont les dialogues étaient bien souvent limité à des onomatopées enthousiastes et répétitives. D’autant que, si comme prévu, la SDC s’acquittait de son travail, les client ne s’en réveillaient que plus étonnés d’avoir précisément l’impression du travail réussi et ils recommandaient eux-mêmes les services de l’entreprises à leurs connaissances, tout en s’assurant que nul personnage officiel ne divulgue publiquement l’information, comment avouer avoir eu recours à une entreprise dans la légalité restait à désirer ? Mais tout de même, si je comprenais à présent un peu plus la teneur de la SDC, je ne pouvais que m’inquiéter de certaines dérives faciles.

« Mais… » soufflai-je en fronçant les sourcils. « Cela veut dire que pour de l’argent vous pourriez… »

Ce type de mercenariat était vraiment dangereux et si l’on y réfléchissait, la connaissance d’une telle possibilité entre les mains de la mauvaise personne, disons une personnalité suffisamment riche pour obtenir ce qu’elle désirait et surtout cherchait à imposer sa volonté à d’autre, pouvait être moralement très mauvais. Le visage d’Ann s’assombrit un peu lorsqu’elle compris où je voulais en venir avec cette phrase laissée en suspend. Je m’en voulus un peu sur le coup de lui avoir ravi sa bonne humeur, mais je ne pouvais pas laisser tomber mes principes pour la majesté naturelle d’une personnalité importante. Si elle faisait ce que je craignais, elle deviendrait mon ennemie numéro 1, quitte à supporter des milliers et des milliers de nuits supplémentaires dans cette fichue bulle pour trouver le moyen de la vaincre et de l’empêcher de continuer. D’un seul coup, toute la vigueur de ma colère, celle qui s’était estompée dès que je l’avais vue, celle qui avait commencée lorsque j’avais lu pour la première fois cette lettre, me revint et je fus presque prêt à lui faire la morale, elle qui devait bien avoir quinze ans de plus. Peut-être même aurait-elle pu être ma mère à y réfléchir. Et pourtant, je n’en restais pas moins très déterminé à camper sur mes positions. La liberté de deux mondes étaient en jeu.

« Monsieur Hume. » dit-elle avec gravité. « Je suis heureuse de voir que nos avis ne divergent pas sur la question et je comprends votre inquiétude, croyez bien que je ne prenne pas le sujet à la légère. Néanmoins, soyez assuré que jamais, et je tiens à l’affirmer, jamais nous n’avons fait et jamais nous ne ferons une telle chose. Tant que je serais à la tête de cette entreprise, jamais je n’accepterais de telles missions et jamais je n’en ai acceptées. Nous choisissons les missions que nous accomplissons avec le plus grand soin. Nous ne rendons que des services aux rêveurs ou au voyageurs qui n’impliquent qu’eux-mêmes, ou plutôt qui ne vont jamais au détriment des choix d’une autre personne. Nous faisons très attention à cela, c’est la première règle de la compagnie. Sans quoi d’ailleurs, la Ligue nous aurait déjà anéanti et croyez-moi, elle attend la moindre occasion pour le faire. »

Le sérieux avec lequel elle venait de me répondre avait suffit à me convaincre. Ni elle, ni moi ne pouvions en parler directement, c’est un fait trop dangereux pour qu’on en mentionne même l’idée. Je devais la croire, j’étais forcé de la croire, même si je conservais une certaine méfiance au fond de mon cœur. À présent, je le savais, je surveillerais de près les agissement d’Ann et de sa SDC, comme sûrement beaucoup de créatures de Dreamland et même beaucoup de voyageurs. La Ligue avait-elle dit, quelle Ligue ? Sûrement pas une référence au classement SMB, cela n’avait aucun sens. Cette question n’était cependant pas aussi importante que l’autre qui m’étais immédiatement venu à l’esprit.

« Je vous crois. » déclarai-je avec la même gravité. « Mais si vous le faites, comment être sûr que les autres ne le ferons pas ? »

« Les autres ? »
demanda-t-elle soudain surprise qu’on puisse en mentionner.

« Vous n’êtes sûrement pas la seule à le faire, peut-être vos concurrents n’ont-ils pas vos états d’âmes. »

Et contrairement à toutes mes attentes, c’est avec un nouveau petit sourire amusé qu’elle me répondit, ce qui eut le don de me désarçonné complètement une nouvelle fois.

« Non, il n’y a aucun concurrent, il est impossible qu’il y en ai. » assura-t-elle. « La Ligue ne le permettrait pas d’abord, elle a été dupée une fois, elle ne le sera pas d’eux, elle surveille tous les mercenaires avec une attention particulière maintenant. Mon entreprise est déjà à la limite de la légalité dans Dreamland et dans le monde réel. Sans parler du fait qu’il faut pour créer une telle entreprise se créer un réseau parmi les voyageurs, mais aussi dans le monde réel. Cela prend du temps. Un temps fou même. Croyez-moi, quelqu’un qui voudrait chercher à nous faire de la concurrence serait écrasé avant même d’avoir commencé. Nous avons le monopole du marché, ce qui ne veut d’ailleurs pas dire que nous puissions faire ce que nous voulons. Je vous l’ai dit, la Ligue nous surveille de très prêt et nous devons faire d’autant plus attention à ce que nous faisons. »

La Ligue encore une fois, elle semblait jouer un grand rôle dans cette affaire. Je ne pouvais pas réellement rester dans l’ignorance. Il semblait que la clé de toute cette affaire, le rempart contre tous les abus que je craignais se trouvait être cette fameuse Ligue dont je n’avais jamais entendu parler. Il fallait bien dire qu’à Dreamland, je n’entendais pas grand chose.

« Ok, il va falloir que vous m’expliquiez ce qu’est la Ligue, c’est sûrement pas la Ligue S, ou M, ou B. » concédai-je en prenant sur moi le fait d’être complètement ridicule. « C’est une équipe de voya… »

Je m’arrêtais aussi net que le coup de pied qu’elle venait de me donner sous la table, assez discrètement pour qu’on ne le remarque pas, assez puissant pour que je le sente passer et m’arrête. Je fus plus étonné qu’autre chose et la douleur, certes fugace, commença à venir l’instant suivant, ce qui me poussa à lui en vouloir et à chercher des explications pour ce geste déplacé. Comme un idiot, je m’apprêtai à regarder sous la table plutôt que de m’adresser directement à elle. Heureusement, j’eus le temps de voir son regard porté, non plus sur moi, mais derrière-moi. Je me retournai d’un bloc et compris immédiatement le problème. Le bar se trouvait dans mon dos depuis le début et le patron, conscient de ma demande non formulée pour une café noisette m’apportait ma commande implicite. Je lui lançais un sourire masquant assez bien ma douleur et mon agacement pour cette interruption brutale et il posa la tasse sur la table.

« Tout va comme vous voulez madame ? » demanda-t-il avec la politesse des tenanciers de brasseries pour leurs clients aux heures les plus creuses.

« Mademoiselle. » précisa-t-elle à nouveau en lui souriant avec une politesse plus circonspecte, typiquement le genre d’attitude un peu coincée qu’on aurait attendu d’une anglaise issue de l’aristocratie, néanmoins sincère. « Oui, tout va pour le mieux. »

Le patron lui sourit et en revint à moi et me fit un clin d’œil amical, complice aussi. « Jacob, je compte sur toi pour glisser un mot en ma faveur à cette charme Mademoiselle. » lança-t-il avant de repartir vers le bar. J’eus soudain plus honte de l’attitude du personnage envers Ann que de l’ignorance dont je venais de faire preuve en lui posant ma question avant cette interruption. Étrange idée que pour flatter une jeune femme, un français à la beauté plus que passable se sentît obligé de faire mention de son envie de la séduire. Heureusement, Ann se contenta de sourire, toujours avec la même politesse, même si l’on sentait à présent plus aisément sa propre exaspération. Elle n’en décida pas moins de passer rapidement à autre chose.

« C’est étonnant que vous ne sachiez pas ce qu’est la Ligue… » fit-elle, mais sans me reprocher quoi que ce soit. « Mais après tout, elle est souvent tellement présente qu’on ne se pose pas la question de son existence, inconsciemment, on le sait, c’est tout. La Ligue est une association de créatures oniriques et de voyageurs, dont les dirigeants font partie des plus puissant que l’on puisse trouver. C’est la Ligue des Gentleman Onirique. Le garde fou de Dreamland, qui veillent au respect des lois sur les voyageurs et sur leur indépendance, ainsi que sur l’équilibre des forces à Dreamland. Plus quotidiennement, vous avez à faire à elle lorsque vous effectuez une mission payez en EV, ce sont eux qui organisent la plupart de ces mission. Vous comprenez sans aucun doute pour quelle raison ils nous surveillent de près. Ils veillent assez efficacement à ce que les choses ne dégénèrent pas. Et si nous n’avions pas les soutiens que nous avons, nous ne pourrions exister. Ils n’apprécient pas du tout la concurrence que nous leur faisons, ne serait-ce que sur le principe d’aider les autres à leur place et de nous faire payer pour cette raison. »

Oui, aucun doute, je comprenais à présent. Je m’étais toujours demandé moi-même comment s’organisaient le paiement de ces quêtes que l’on nous proposait régulièrement. Il me semblait effectivement qu’il y avait une organisation importante derrière tout cela, qui se chargeait de récupérer les propositions et de les relayer au voyageurs. Il apparaissait maintenant que cette organisation allait bien au-delà. Je m’imaginais assez bien une bande de super-voyageurs et super-soldats oniriques réunis dans une salle sombre et cherchant à savoir s’il fallait intervenir sur tel ou tel front pour faire le bien et pour protéger Dreamland et les Voyageur contre tous leurs ennemis, contre toutes les menaces. Nécessairement, je m’imaginais une espèce de gangs de super héros, comme dans ce film qui sortirait bientôt dans les salles et dont le titre ne disait rien à personne, sauf peut-être aux fans de comics.

« Je vois… » dis-je finalement.

Il ne me restait à présent plus qu’à régler la question la plus simple et en même temps la plus complexe à résoudre. Devais-je accepter la proposition et cautionner ce système aux dérives plus que douteuses ? Je ne pouvais pas vraiment faire ce choix à la légère. Je ne voulais pas être embarqué dans une sale affaire et qu’on finisse par me considérer comme le représentant de tout ce contre quoi je me battais. Précisément, ce que l’on pouvait faire avec une entreprise telle que la SDC, m’horrifiait. Je n’avais jamais réellement réalisé la perspective que cela représentait que d’être voyageur lorsque l’on avait décidé de s’en servir d’une certaine manière. Oh, bien sûr, il y avait eu Clane et son plan de contrôle de la zone 1, mais je ne m’en étais pas plus formalisé que cela. D’abord, nous l’avions arrêté avant même qu’il ne commence à faire le moindre dégât. Ensuite, clairement, son plan était aussi minable que possible. Le risque ne m’avais pas paru réel à l’époque. Or, ce que me proposait Ann était beaucoup plus insidieux et presque plus dangereux même que la tentative de Clane. D’abord parce que pour le coup, on me demandait précisément d’y participer, ce qui me faisait plus facilement prendre conscience du problème. Puis parce qu’il y avait cette attention particulière portée justement à ce que cela n’arrive pas et qui me faisait douter du fait qu’on le fasse possible. Et si Ann n’était qu’une manipulatrice hors pair ? N’avait-elle pas assuré qu’elle ne le faisait pas pour me rassurer et petit à petit m’entraîner vers un bourbier dont je ne pourrais me tirer ? Peut-être après tout. C’était la première fois que je la rencontrais et je ne savais rien d’elle.

Ce qu’il craignais exactement ? Ce n’étais pas réellement définissable. Je l’avais toujours crains, au fond de moi, j’en avais toujours plus ou moins saisi l’importance sans jamais chercher à le formuler auparavant. C’était à la fois la raison pour laquelle j’aspirais à quitter cette bulle ignoble. C’était aussi la raison pour laquelle je désirais plus que tout retrouver ma vie de rêveur. C’était en grande partie le combat que Ed et moi menions incidemment en gérant la Garde du Royaume des Deux Déesses, ce que nous voulions faire de ce petit royaume que nous avions conquis sur Clane. C’était la raison pour laquelle le châtiment de ce dernier, quoi que le pire qu’on puisse lui attribuer ne m’avait jamais réellement choqué en fin de compte. C’était tout ce qui faisait la Ligue des Gentleman Oniriques, tout ce qui poussait Ann Darrow, directrice de la SDC, dont j’apprendrais finalement plus tard l’immense intégrité, à faire plus que jamais attention dans l’exercice de son métier. C’était une crainte qui constituait tous les voyageurs, même les pires d’entre eux, une crainte absolue et tellement ancrée en chacun de nous qu’il n’étais pas question de laisser un seul instant une telle chose arriver. Dans l’ensemble, je crois que les pires voyageurs, les plus cruels et les plus volontaires dans le sadisme et la malfaisance auraient été les premiers à créer une Ligue pour s’en protéger s’ils avaient estimé qu’un être soit capable de le faire. Pourtant, aucun de mes mots ici ne pourrait mieux le décrire que tel qu’il me fut présenté en tant que projet par un autre protagoniste dans une aventure qui m’arriva bien après celle-ci, aussi ne chercherai-je pas à en dire davantage pour l’instant et me contenterai-je de passer à la suite pour y revenir au moment opportun.

Au final, je me rendis compte que j’aurais été bête de ne pas accepter. D’abord parce que je détestais Dreamland, autant qu’au fond je pouvais l’adorer. Je ne supportais pas ma vie de voyageur et j’avais un mal terrible à m’intégrer dans ce milieu. Si l’on m’offrait un poste qui me permettrait de vivre dans le monde réel de la façon que je l’entendais et qui me permettait d’occuper mes nuits à une besogne que je rechignait à faire dans ce monde-ci, je ne pouvais pas vraiment dire non. Je me retrouverais alors à travailler et à gagner ma paie dans Dreamland, univers auquel j’aurais en fin de compte trouvé une utilité, et à faire de mes journées une vie de rêve à bronzer au soleil. Ne serait-ce que pour ça, cet emploi était un rêve en soit. Mais plus encore, j’avais d’autres raisons d’accepter et l’une d’entre elle était que j’avais plus besoin d’argent que d’EV. Il me semblait que j’avais là une chance de renflouer un peu mon compte pour l’instant, tout en m’évitant de devoir peiner pour trouver quelques journées de travail là où il n’y en avait pas usuellement. Enfin, je finis par me rendre compte que je voulais faire confiance à Ann et que s’il y avait un hic, je devrais de toute manière chercher à la combattre d’une manière ou d’une autre. Soutiens ou pas soutiens – lorsque j’appris plus tard la teneur de l’un de ses soutiens, je n’eus plus jamais la même certitude –, si j’apprenais qu’elle franchissait trop facilement la limite de l’acceptable, j’aurais tout fait pour l’arrêter. Or, quelle meilleure manière que de s’assurer que l’on respectait les règles qu’en étant au plus proche de cette entreprise douteuse ? Au sein même de celle-ci ? J’avais toutes les raisons de croire que je conserverai sans problème mon intégrité face à elle et face à ses choix et que je prendrais toujours le recul nécessaire pour ne jamais me laisser emporter dans quelque chose de fondamentalement immoral. Et j’avais raison de le croire puisque lorsque vint le temps de se battre contre ce mal particulier, qui ne vint d’ailleurs pas d’Ann ni de la SDC, je me montrai parfaitement capable de ne pas succomber, ni à la tentation, ni à la lâcheté de fermer les yeux. Mais encore une fois, tout cela n’intervint que bien plus tard pour lors je songeais simplement à garder un œil ouvert sur cette entreprise que j’allais bientôt rejoindre.


« C’est d’accord, j’accepte le poste. » finis-je pas dire. « Mais à la condition que je puisse quitter l’entreprise dès que je le souhaiterais, notamment si vous ne respectez pas les engagement que vous venez de me faire aujourd’hui. »

« Je n’en aurais pas attendu moins de vous, Jacob Hume. »
sourit-elle d’une telle façon que je me sentis aussi fier qu’un enfant voyant qu’il avait réussi à attirer l’approbation maternelle sur ses choix les plus importants. « Néanmoins, ne hâtez pas les choses. Ce n’est pas un travail facile et nous ne sommes pas encore sûrs que vous soyez à la hauteur. Avant de prendre toute décision définitive quant à votre embauche, nous devons nous assurez de votre qualité pour remplir le poste. Vous devez d’abord réussir une période d’essai. Dreamland est un monde dangereux… »

Et aussitôt, toute fierté disparue. On m’avait certes contacté, je n’en étais pas moins un voyageur parmi tant d’autre. Même dans le monde des rêves c’était la crise financière, mes concurrents étaient nombreux et je ne pouvais que m’incliner devant la loi du marché. D’autant que le poste qu’on me proposait était unique au monde. J’avais simplement été présélectionné. Même si l’honneur qui m’avait été fait était grand, je ne pouvais pas le nier. Mais un tel honneur, il faut le mériter. Il y avait une autre montagne à gravir ce jour-là et je me sentais d’attaque pour le faire. Après tout, n’avais-je pas décroché un rendez-vous avec Cartel ? Oui, que pouvais être une nuit de labeur dans Dreamland après cela ?

« Quel genre de test ? » demandai-je avec détermination, près à renverser des armées entières pour remporter l’emploi de rêve – sans mauvais jeu de mots.
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Jacob Hume
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Arpenteur des cauchemars
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptyVen 6 Juil 2012 - 15:24
3.
(suite)


Elle me sourit encore une fois et la complicité qui s’en dégageait me fit comprendre qu’elle adorait son métier au moins autant qu’Ed adorait Dreamland. J’avais enfin posé la bonne question et nous pouvions enfin nous entendre, parler sur la même fréquence. Et il fallait bien l’avouer, j’étais particulièrement intrigué par le genre de mission que l’on allait me confier histoire de s’assurer que j’étais à la hauteur de la tâche.

« Y a-t-il un lieu ou nous pourrions parler sans être interrompu et surtout sans craindre qu’on nous écoute ? » s’enquit-elle est un enthousiasme léger, elle semblait beaucoup apprécier le côte complot de sa démarche, comme si elle venait à moi pour me parler d’une conspiration dans laquelle il fallait absolument que je m’enrôle ; j’eus même un peu peur que ce soit le cas sur le moment. J’en réfléchis pas moins sérieusement à sa demande, elle avait raison, ces discussions pouvaient être délicates. Ed et moi préférions d’ailleurs éviter de trop en parler dans les lieux publics, même aux heures où l’affluence se limitait à quelques clampins éloignés – enfin, c’était ce que je préférais moi, Ed n’avait pas la même gène à cet égard. Le problème était que lorsque l’on réfléchissait trop sérieusement à une question, le sujet avait tendance à s’échapper, on cherchait la solution et celle-ci s’évanouissait toujours. Résultat, le seul lieu auquel je pus penser fus mon appartement, alors même qu’il était occupé par Nicolas. D’un autre côté, j’y avait fait un peu de ménage durant la matinée et je pouvais même espérer que mon abruti de colocataire à la flemme légendaire, avait peut-être déjà commencé à ranger le reste. Et puis, dans l’ensemble, Ann savait bien à quoi s’attendre lorsqu’elle m’avait contacté et lorsqu’elle m’avait posé cette question précise. Et ma chambre restait toujours plus confortable que la première ruelle pleine de poubelles venues, plus intime même lorsqu’il s’agissait de garder un secret. En revanche, aucun doute, c’était tout aussi louche comme lieu pour un rendez-vous professionnel. Le seul point qui m’agaçait, c’était toutes les questions qui risquaient de tomber après, lorsque je me retrouverais seul avec Nicolas.

« Allons chez-moi, ce sera plus simple. » affirmai-je en me levant et en déposant quelques pièces sur la table, regrettant déjà de devoir m’en séparer – dure vie d’étudiant.

« D’accord, je vous suis. » fit-elle en se levant à son tour et en commençant à rassembler ses affaires.

Tandis que j’attendais qu’elle eut fini de tout remettre sur ses épaules et de payer sa part, je ne pus qu’admirer encore une fois son élégance, sa majesté naturelle. J’avais vraiment du mal à l’imaginer en voyageuse. C’était une citadine, une femme faite pour les soirées de gala et les bureaux d’une grande entreprise, pas une guerrière prête à se battre contre des hordes de kékés imperturbablement cons et nécessiteux de prouver leur valeur au travers d’un classement finalement très fluctuant et qui ne prenait pas en compte l’intelligence ou la bienveillance des uns et des autres. Les meilleurs voyageurs n’étaient en général que des grosses brutes insatiable. Alors comment imaginer cette créature raffinée dans ce monde ultra violent ? Nous partîmes ensuite directement pour mon appartement et n’échangeâmes pas un mot pendant toute la traversée – qui ne prit pas plus de quelques minutes – tous les deux trop préoccupés par ce que nous allions dire. Il fallait qu’elle organise ses idées pour me dire ce qu’elle attendait de moi et il fallait que je réfléchisse à tout cela. J’avais accepté de faire l’essai, mais je commençais déjà à clarifier en mon for intérieur les limites que je devais poser à mes actions au sein de la SDC. Ne jamais faire ceci, ne jamais accepter cela ; la liste commençait déjà à être longue et il faudrait que note tout cela plus tard pour m’en souvenir. La feuille sur laquelle je l’ai fait est toujours quelque part dans mes affaires, mais je n’ai jamais eu à la ressortir après l’avoir faite. Ann est réellement quelqu’un d’honnête, mais c’était notre première rencontre et je ne pouvais pas encore en être sûr.


Lorsque nous fûmes sur le palier de mon appartement, je me rappelais soudain que je n’avais pas encore fait mention de mon merveilleux colocataire à ma visiteuse. Je mis une main sur la poignée et me tournai vers elle.


« Oh, j’ai oublié de vous dire, il y a mon colocataire à l’intérieur. » dis-je avec un petit sourire gêné.

« Vous n’avez pas peur qu’il nous entende ? » s’inquiéta-t-elle soudain.

« Non, aucun risque, il est en général trop à l’ouest pour comprendre quoi que ce soit à ce que je dis, je voulais juste vous prévenir qu’il… qu’il est un peu spécial, pas méchant, mais pas brillant non plus… Enfin, vous verrez, mais ne soyez pas trop surprise. »

Puis, avec un petit sourire cachottier, j’ouvris la porte et laissait galamment la Dame passer la première dans l’antre de Nicolas. Je refermai après être entré et me dirigeai vers l’intérieur en la précédant cette fois, comme pour faire rempart de mon corps entre elle et l’espèce d’ours que j’accueillais ici. Et surprise, une fois n’était pas coutume, mon animal de compagnie favori, respectant l’accord que nous avions passé un peu plus tôt, enfin réveillé, avait commencé à faire le ménage dans l’appartement, ce qui se traduisait pour l’instant à être assis sur le canapé et à trier les choses qui se trouvaient à sa portée en mettant les déchets dans la poubelle. Un bon début en somme. Je lui lançai un sourire satisfait et il me répondit avec un petit sourire fier de ce qu’il était en train de faire. Alors, ses yeux engourdis et encore légèrement bouffis trouvèrent sur leur voix l’élégante Miss Darrow et il fit une moue d’étonnement ravi et se releva immédiatement – comme quoi, les femmes pouvaient faire des miracles.

« Bonjour. » fit-il en tentant vainement de mettre ses cheveux en place. « Nicolas. » se présenta-t-il en tendant une main pour serrer celle d’Ann.

« Ann. » répondit-elle en lui souriant poliment, toujours avec son merveilleux accent anglais.

Il se tourna vers moi et me fit un sourire complice.
« Tu ne m’avais pas dit que ta copine était plus vieille que toi. » Ce sur quoi il me fit un clin d’œil et je me demandai s’il se rendait compte que la femme dont il parlait pouvait l’entendre et le voir.

J’inspirai à fond pour ne pas trop m’énerver ou paraître désabusé. J’étais moi-même assez habitué à ces remarques déplacées, mais lorsqu’il s’agissait de ma future employeuse et certainement pas d’une conquête, cela devenait bien plus gênant. Je jetai rapidement un regard à Ann qui se contentait de regarder Nicolas avec le sourire, comme s’il s’agissait d’une curiosité exotique. En quelque sorte, ça l’était. Je levais les yeux au ciel. Après tout, j’avais effectivement prévenu Nicolas que je recevrai une galante compagnie dans la soirée et maintenant que je ramenais un individu du sexe opposé dans ce temple de la masculinité, je ne pouvais pas non plus lui en vouloir totalement. J’aurais du le prévenir que mon autre rendez-vous de la journée concernait le boulot. Et en même temps, comment pouvais-je savoir que j’amènerai Ann ici ? Passant sur l’incident, je décidai de lui expliquer un peu plus clairement les choses afin de ne point avoir d’autres commentaires puérils.


« Il s’agit en fait d’un rendez-vous pour un travail. » précisai-je. « On va s’installer dans ma chambre pour que tu puisses tout nettoyer tranquillement. »

« Chef, oui chef ! » railla-t-il pour signifier qu’il ferait bien ce qu’on lui demandait.

J’invitais donc Ann à entrer dans ma chambre en me félicitant une fois de plus d’y avoir fait le ménage en me levant. Parfois, les intuitions masculines peuvent être merveilleusement efficace. Alors que je lui montrais la chaise de mon bureau pour qu’elle puisse s’asseoir décemment, je me débarrassais de ma veste et commençais à refermer la porte. C’est alors que je vis Nicolas me pointer du doigt et bouger les lèvres pour formuler un inaudible « you’re the man ! ». En fait, il n’avait toujours pas compris. Je refermais la porte, clignait des yeux pour chasser mon exaspération puis, je me tournais vers Ann.


« Désolé. » Il n’y avait rien de plus à dire lorsque l’on venait d’avoir une telle entrevue avec un personnage aussi peu recommandable en matière de relations sociales.

« Il n’y a pas de mal, la charité est une bonne qualité. » son allusion me fit sourire et nous passâmes à autre chose. Inutile de s’étaler plus longuement sur le sujet. Je m’installai sur mon lit puisqu’il n’y avait pas d’autre chaise et fit face à la voyageuse, qui avait à présent un coude sur mon bureau et les jambes croisées. Même dans ma chambre minable elle était élégante à la manière d’une lord de la chambre.

« Bien, vous alliez me dire ce que vous attendiez de moi. » repris-je sur un ton plus sérieux, j’étais plus concentré que jamais, curieux de découvrir ce qu’on voulait de moi.

« Oui, ce n’est pas si compliqué en fait. » commença-t-elle en retrouvant un air un peu plus sérieux, tout en gardant son sourire so british. « Comme je vous l’ai dit, nous aimerions vous faire faire une période d’essai. Concrètement, nous voudrions que vous nous accompagnez pour une ou deux missions de petite envergure et si vous vous montrez à la hauteur de nos attentes, nous vous garderons. »

« Qu’appelez-vous des petites missions ? »
demandai-je intrigué.

« Oh, juste des petites missions, des missions d’une nuit, des missions qui ne sont en théorie pas les plus complexes non plus. » me rassura-t-elle. « Celle que je compte vous proposer est très simple en réalité. Mais il faut bien l’avouer, l’immense majorité des missions qu’on nous demande concerne des services de ce type. Vous n’imaginez pas le nombre de demandes qui peuvent paraître anodine et qui sont pourtant très importantes pour nos clients. »

« Allez-y, surprenez-moi. »

« La mission à laquelle j’aimerais que vous participiez ce soir consiste en fait à permettre à un tout jeune voyageur de rejoindre sa belle dans Dreamland et de faire une mise en scène de manière à ce que, lorsqu’elle se réveille, elle ait l’impression qu’il est l’homme de sa vie… »


Je restai un moment silencieux avant de pouffer de rire. Malgré tout le travail de préparation qu’Ann avait consentit à faire, je n’en était pas moins conscient du ridicule de la situation. Avec tout le danger que représentait une telle entreprise, avec toute la politique de Dreamland dont je commençais peu à peu à connaître les rouages complexes, je ne m’étais pas attendu à cela une seule seconde. Des mercenaires, dans mon esprit, correspondaient plutôt à des personnes que l’on employait lorsque la situation était désespérée, dans des guerres, pour effectuer des missions difficiles que l’on ne pouvait faire soi-même. Mais là, un homme, tout ce qu’il y a de plus normal visiblement, étant certainement trop timide pour aller à la rencontre de la fille qu’il appréciait et lui demander d’aller boire un verre. Je savais que j’étais une exception dans mon assurance avec la gent féminine, mais je ne m’attendais pas du tout à cela. Et pourtant, comme Ann venait justement de le préciser : quoi de plus naturel en réalité que cela ? Les gens ne cherchaient pas naturellement à influer sur la politique de Dreamland, à imposer leur volonté aux autres ou même à chercher à ce que violence soit faite. Même si Dreamland était un monde violent, il ne fallait jamais oublié que le monde des hommes, comme le disais si bien Alain Souchon, tournait au rythme des jupes des filles.

« D’accord, je vois. » dis-je finalement en me calmant un peu, après tout je me moquais plus de moi que d’autre chose. « Effectivement, je conçois parfaitement cette demande. Votre client manque un peu de cran, mais pourquoi pas après tout. Ce soir ? »

Il n’avait pas vraiment prévu quoi que ce soit pour sa nuit à Dreamland, à part bien sûr se lamenter une fois de plus sur son sort, rester tranquillement au royaume des deux déesses. Alors après tout pourquoi pas. Mais en même temps, je n’avais pas vraiment envie d’avoir une heure à laquelle me coucher, pas ce soir, pas avec Cartel. C’était un détail que j’aurais préféré éviter. Je n’avais pas envie de dire au bout d’un moment à la sœur de Ed qu’en fait on devrait se dépêcher parce que c’était pas tout ça, mais je devais rejoindre le rêve d’un autre. Non, cela me paraissait inconcevable. En même temps, peut-être pourrais-je concilier les deux. Même si cela serait sûrement des plus compliqués, je restais confiant dans ma capacité de faire les deux.

« Très bien, expliquez-moi tout ça en détail. » l’invitai-je en me concentrant de nouveau.

En quelques minutes, elle m’expliqua toute l’affaire. Il s’agissait donc bien d’aider Marc, jeune chef d’une entreprise de photocopie, un voyageur qui venait à peine d’entrer en lice, incapable de se battre correctement ou même de sortir de la zone 1. Il avait le béguin pour Jane, son avocate, une jeune femme à la belle et visiblement assez attachée aux signes du destins, qui en tout cas, croyait à ces choses là. L’idée c’était que l’un et l’autre devraient partir d’un point d’un royaume tandis qu’une tente serait dressée pile entre eux d’eux. Ils devraient alors traverser certaines épreuves pour se rejoindre dans la tente et s’étreindre. Ce plan était assez simple et enfin de compte, assez basique et même assez finement joué. En surmontant ainsi des épreuves, elle aurait l’impression que rejoindre son futur amant était un devoir, un besoin. Quant à lui, il pourrait faire le ménage dans son esprit : savoir si elle valait la peine ou non de prendre de tels risques. Je recevrai pour cette simple nuit, tant que je ne leur faisait pas défaut, cent euros. C’était ce qu’Ann concédait à me donner pour une nuit d’essai. Elle m’expliqua cependant que leurs salaires étaient bien plus élevés en temps normal, mais qu’elle préférait ne pas perdre trop d’argent sur un élément qu’elle n’était pas sûr de pouvoir prendre par la suite. Je ne cherchais pas à la contredire, même si j’aurais été moins avare pour ma part, je comprenais ses raisons. Et de toute manière, les calculs étaient rapides. Même à ce rythme là, à raison d’une mission toute les deux nuit, je dépassais déjà largement le smic et entrait totalement dans mes frais. Avec le tarif ordinaire, à raison d’une ou deux missions par semaine, je pouvais me considérer comme ayant assez de rentrées d’argent pour vivre tranquillement la journée, pleinement même. En vérité, je commençais à comprendre que pour que ma vie s’arrange, il fallait que je fasse de mon mieux ce soir. Si je pouvais trouver une utilité à Dreamland dans le monde réel, je crois que je ne pourrais qu’en être ravi. Surtout si elle me permettait de ne pas être obligé de travailler dans le monde réel, ou de ne faire que ce qui me plaisait. Je me forçai donc à poser la question fatidique qui me ruinerai sûrement ma soirée :


« Bon, quand et comment je dois vous rejoindre cette nuit ? »

« Oh, pour nous rejoindre, c’est très simple, vous vous endormirez en pensant à moi. »
dit-elle, un peu surprise, c’était visiblement une question à laquelle elle n’avait pas pensé. « Ensuite, pour l’heure, nous devrons tout installer avant et il faudrait être sûr que je sois endormie avant vous, que vous ne vous retrouviez pas dans le vide. Je dirais qu’il vaut mieux que vous ne vous couchiez pas avant vingt-trois heures et que vous essayez d’arriver avant une heure du matin. Je sais qu’il est parfois plus difficile de s’endormir qu’on ne le voudrais, je ne vous en voudrais pas si vous être en retard. En règle générale nous ne commençons pas avant que tout le monde soit là, mais dans le pire des cas, on partira sans vous et vous nous rejoindrez sur la route. »

Elle me sourit alors pour me rassurer, mais je savais qu’en réalité, elle disait cela parce que ceux avec qui elle travaillait était habitués à s’endormir presque tous au même moment. Elle serait déçue si je ne venais pas à l’heure. Et pourtant, l’heure convenue me laissait une belle marge de manœuvre pour passer une bonne soirée avec Cartel. De toute manière, même avec une si jolie fille dans les bras – en espérant qu’elle y serait – je ne croyais pas pouvoir tenir beaucoup plus longtemps qu’une heure du matin. Et malgré mon entraînement à dormir le moins possible pour éviter les problèmes.

« Entendu, vous pouvez compter sur moi, je vous rejoindrai. » déclarai-je pour conclure la conversation, déterminé.

« Je suis sûre que vous ne me décevrez pas. » dit-elle en se levant, maintenant que leur entrevue touchait à sa fin, elle pouvait repartir.

J’avais cependant l’impression d’oublier un détail primordial. Une chose évidente dont je n’arrivais pas à me rappeler. Je cherchai quelques microseconde avant d’être frappé par un éclair de génie.


« Merde… » Cela m’avait échappé et je m’en voulus d’autant plus l’instant d’après. Ann, étonnée par mon intervention me regarda avec un air ahuri, je m’expliquai aussitôt : « Je dois vous prévenir, je viens de m’en rappeler… À Dreamland, je suis constamment entouré d’une protection invisible… qui me rend sourd et muet entre autres. Cela risque de poser d’importants problèmes de communication… »

Elle hocha la tête, soucieuse, visiblement, elle l’ignorait.

« Cela ne devrait pas poser problème, je pense que je trouverais une solution, sinon, tant pis pour ce soir, je vous ferai des gestes. » finit-elle par dire au bout d’un moment de réflexion. « Y a-t-il autre chose à savoir ? »

« Pas spécialement non, du moins, c’est le seul inconvénient que je vois de votre côté. » répondis-je, cette fois certain de ne plus avoir de mauvaise nouvelle à annoncer.

« Alors très bien, nous nous retrouverons cette nuit. » lança-t-elle en souriant de nouveau avec raffinement.

Je la raccompagnais donc jusqu’à la porte de mon appartement. Nous passâmes une nouvelle fois devant Nicolas, occupé à présent à allumer un aspirateur. Il avait très bien avancé et l’appartement commençait vraiment à être présentable. Ann me sourit une dernière fois, nous nous serrâmes la main, puis elle me dit avec gentillesse :
« À ce soir monsieur Hume, je suis sure que vous nous prouverez votre compétence et votre efficacité, vous êtes l’intouchable après tout. » J’eus un petit pouffement lorsqu’elle mentionna mon surnom et elle sembla presque sur le point rire avant de tourner les talons et de disparaître derrière ma porte refermée. Dans l’appartement, le vrombissement de l’aspirateur se fit enfin entendre.

« A ce soir. »repris-je sur un ton plus sérieux, j’étais plus concentré que jamais, curieux de découvrir ce qu’on voulait de moi.
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Jacob Hume
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptySam 7 Juil 2012 - 14:04
4.


Je n’aurais jamais cru que les choses se passeraient aussi simplement ce soir-là, et en réalité, je n’avais pas alors eu tout à fait tort, mais à cet instant précis, je ne m’en doutais pas vraiment. J’étais venu la chercher devant l’immeuble de son frère en appréhendant un peu ces retrouvailles. Il fallait d’abord dire que je m’en voulais toujours un peu de m’en prendre à la sœur de mon meilleur ami et que j’étais presque sur le point d’aller lui dire à elle que finalement, c’était peut-être une mauvaise idée, d’autant que Ed serait sûrement-là pour m’accueillir. Je n’y avais pas vraiment pensé lorsque je l’avais invité, mais je n’avais pas demandé son numéro personnel, pour la joindre je n’avais d’autre choix que de passer par Ed ou d’aller directement au studio de ce dernier, en espérant qu’elle y soit seul – ce qui était peu probable au vu de la façon dont mon partenaire onirique parvenait à squatter celui-ci tout en étant le légitime locataire des lieux. J’y étais allé néanmoins, quoi qu’il se passe, l’appartement de Ed était la direction que je devais prendre. Puis je l’avais vu, et cela avait tout changé dans mon esprit. Elle avait déjà faussé compagnie à son frère et s’était assise sur un banc avec un livre relatif à ses révisions pour m’attendre. À la voir ainsi, toujours studieuse et concentrée, je ne pus m’empêcher de sourire comme un niais, au moins en mon for intérieur. Elle s’était changée et portait à présent une tenue beaucoup plus appropriée à une soirée galante tout en conservant le sérieux travailleur et responsable qui lui était propre. C’était une robe d’un élégant bleu-vert, avec un long jupon évasé, dont le haut s’ajustait parfaitement à son corps et laissait avec le possibilité de trois boutons – dont deux ouverts – au niveau du décolleté. Le tissu était orné de motifs discrets, brodés avec un fil de même couleur et représentant très certainement des fleurs. La robe avait des manches courtes, aussi, puisque la soirée était fraîche, elle portait un petit gilet noir très appréciable, fermé uniquement par un bouton au niveau de la poitrine. De même, pour couvrir ses jambes, elle avait opté pour un collant transparent mais sombre qui avait des reflets noirs et n’était pas encore filé. Le tout avec une pair de chaussures à talon élégantes et simples qui étaient fermées à la manière de balerines. Elle avait aussi arrangé sa coiffure, portant à présent un chignon qui laissait quelques mèches libres pour cercler son visage et ajouter une touche de charme à cette agréable vision. Je devinais qu’elle s’était aussi maquillée, légèrement cependant, à peine de quoi gommer les quelques irrégularités qui pouvait subsister sur son visage, ou juste de quoi souligner ses traits les plus fins et les plus jolis.

Moi aussi, en réalité, je m’étais clairement arrangé. Je n’avais pas, dans ma garde robe, de costume de soirée, mais j’avais pris une veste et un pantalon qui s’accordaient, ainsi qu’une chemise propre, repassée et s’accordant parfaitement avec le reste. Ce n’était pas grand chose en réalité, mais cela pouvait suffire à convaincre une demoiselle de mon côté sérieux et volontaire dans ce rendez-vous. De même, je m’étais coiffé, j’avais ordonné la tignasse qui me couvrait la tête de façon à ne point laisser dépasser les épis. Mes chaussures avaient aussi été cirées et proprement nettoyée. Je n’avais rien laissé au hasard, j’avais la sensation que Cartel ne me laisserait pas la conquérir si elle trouvait la moindre chose à me reprocher. Et pourtant, j’étais resté quelques secondes à l’observer de loin, à lire son livre, sans bouger, comme on aurait pu rester coi devant les chutes du Niagara ou le Grand Canyon. Aussitôt, toutes mes appréhensions, toutes mes craintes s’étaient envolées et je ne m’étais simplement rappelait à quel point elle me plaisait et à quel point j’allais adorer passer la soirée avec elle. Dans ces moments là, on ne réfléchit plus tellement, j’étais complètement sous le charme, déjà conquis par simple présence, à moi de faire le reste. Et le monde autour, Ed, Dreamland, la SDC, Ann, Nicolas, les associations charitatives, mon compte en banques faiblement approvisionné ou même la misère dans le monde, tout cela n’importait plus. Dans mon esprit, les choses se limitaient à cette fille et au moment que nous allions partager. Les mains dans les poches pour les avoir autre part qu’à ballotter inutilement sur mes flancs, je m’étais approché en souriant, me montrant sincèrement charmé par son apparition. Elle m’avait entendu, avait levé la tête et avec eut un petit sourire étrange en me dévisageant, m’examinant de haut en bas, l’air de dire : « C’est mieux. » Puis, elle avait fait peser sur moi un regard assez lourd qui pouvait tout aussi bien me reprocher quelque chose que me signifier qu’il en fallait plus pour l’impressionner. M’étant souvenu de sa dernière mise en garde je l’avais saluée naïvement en disant avec une pointe de fierté :


« Je ne suis pas en retard. »

« Tu n’es pas en avance non plus. »
avait-elle tranché et moi, idiot, j’avais trouvé cela suffisamment mignon pour lui proposer une main qui l’aiderait à se relever et un sourire presque désolé… me retenant de lui répondre en citant Gandalf, j’aurais fait meilleure impression en arrivant en avance et je le savais.

Elle avait accepté cette excuse silencieuse et galante en souriant, rangé son livre dans son sac à main et s’était relevé en usant de mon aide servile. Et tout c’était ensuite très bien passé, je l’avais invité à me suivre dans une petite promenade jusqu’au restaurant que j’avais choisi, heureusement, il en existait un très bon à peu près à égale distance de mon appartement et de celui de Ed. Un lieu idéal en réalité, qu’elle accepte directement mon invitation finale ou que je doives la raccompagner, le temps marche serait à peu près le même, juste ce qu’il faudrait pour la convaincre. Alors que nous nous y rendions, j’avais engagé la conversation assez simplement sur l’objet de ses concours et l’intérêt qu’ils pouvaient avoir pour sa carrière, l’écoutant parler de ses plans d’avenir parfaitement orchestrés. De fil en aiguille, nous avions continué à parler sans nous arrêter, j’étais curieux et j’écoutais avec intérêt ce qui me semblait être le portrait de la parfaite future femme d’affaire, déterminée, ambitieuse, talentueuse, mais diablement réaliste aussi. J’avais l’impression d’être une petite fourmis à côté d’elle : aucun de plan de carrière, ce que j’avouais très volontiers, mais avec une moue de honte néanmoins, une vie d’étudiant sans histoire et sans projets réels qui semblait ne mener nulle part. Et pourtant, malgré le fait que je sois minable comparé à elle, il fallut bien que je me rende compte qu’elle ne s’ennuyait pas. Elle était presque flattée que je reconnaisse sa supériorité si facilement tout en lui parlant de philosophie et de l’intérêt que j’avais à faire de telles études : c’est-à-dire une curiosité passagère et déjà presque entièrement épuisée. Nous avions eu un bref débat sur l’intérêt de la philosophie, car je trouvais son approche trop scolaire et je voulais néanmoins défendre mon opinion sur la question. Je trouvais la discipline essentielle pour savoir comment guider sa vie, elle, plus terre à terre, trouvait la chose simplement intéressante mais estimait qu’elle ne nourrissait pas. À ma grande surprise, elle avait accepté mes arguments avec un petit sourire sans trop insister. Je me demandai alors si elle était convaincue, impressionnée, ou simplement qu’elle n’avait pas la moindre envie de poursuivre sur ce sujet car j’étais trop idiot pour tenir la route. Et à présent que nous avions commandé et que nous étions dans le restaurant à dévorer tranquillement notre repas, nous poursuivions notre conversation sans la moindre interruption. Et tout semblait simple, facile, nous exprimions nos points de vues lorsqu’il le fallait et nous argumentions. L’un semblait toujours tomber d’accord avec l’autre très rapidement, qu’il s’agisse d’un film, d’un livre ou d’un fait de société. Malgré sa perspicacité naturelle, je parvenais à tenir la route, après des années d’exercice avec des professeurs rôdés pour les débats les plus métaphysiques, je me défendais très bien et pouvait calmement, sans le moindre mépris pour ses positions, lui démontrer la véracité des miennes. Si notre conversation avait été un match, je devais bien dire que nous étions à égalité.

Penché l’un vers l’autre sans même que nous ne nous en soyons rendu compte, avec une belle table pour nous séparer, nous nous entendions très bien. J’avais enfin trouvé un adversaire à ma taille, une personne capable de discuter de tout et de rien et d’argumenter sans lâcher le morceau jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour. La plupart des gens ne cherchaient pas à discuter jusqu’au bout, on se lassait vite lorsqu’il s’agissait de débattre et bien souvent, mes opposants mettaient un terme à la discussion au moment où ils comprenaient qu’ils s’ennuyaient. Cartel n’était pas de cette trempe là, l’emporter, démontrer son intelligence, était une affaire d’état. Qu’elle ait raison ou qu’elle se rende compte qu’elle ait tort, ou encore que nous concluions que nous avions des goûts différents sur la question, elle me prouvait sans cesse la merveille chose qu’étaient son esprit et sa réflexion, et comme j’écoutais ses arguments sans jamais me moquer, les trouvant tous plus pertinents que je n’aurais pu l’imaginer, nous nous apprécions visiblement. Ne serait-ce que pour une rencontre amicale, sans la moindre arrière pensée, je devais bien me rendre à l’évidence que de telles conversations seraient toujours de bons moment à passer. Surtout lorsque l’on avait une si belle créature à regarder en même temps. Il me fallut néanmoins un certain temps pour me rendre compte que j’avais fait mouche en lui montrant de mon côté aussi un esprit pertinent, imaginatif et ouvert à la fois. Nos deux points de vue différaient du fait que nous n’avions pas du tout été élevés de la même manière, mais notre goût pour l’argumentation était le même. Nos avis pouvaient diverger, je sentait que nous étions fait de la même étoffe, nous avions en réalité les mêmes objectifs et nous nous accordions parfaitement. Nous passions un bon moment et j’avais un peu de mal à le croire. Je ne m’étais vraiment pas attendu à ce que les choses se passent si bien. Hélas, si nous nous entendions assez bien pour être amis, je n’avais pas encore réussi à la convaincre que j’étais aussi un homme capable de la séduire, capable de lui plaire à un autre niveau. Jusqu’à ce qu’enfin, elle en vienne au fait, alors même que nous en étions au dessert.


« Alors, Jacob. » fit-elle après que nous ayons parlé d’un film de Clint Eastwood et que nous ayons bien ri sur l’échec de celui-ci. « Tu m’as dit ce que tu faisais comme études, mais pas ce que tu faisais lorsque tu n’es pas à la fac. Je suis sûr que tu as beaucoup de temps libre avec les études que tu fais et la façon dont tu les mènes. »

Je lui souris, c’était une petite pique de sa part, mais j’étais habitué maintenant et elle ne m’aurait pas ainsi. Pensant à plaire, j’eus néanmoins une réaction toute inutile dans un premier temps. « Je partage ce temps avec de séduisantes jeunes femmes… » Un seul regard de sa part et un recul sur son siège me démontra plus efficacement que toutes les répliques que j’avais fait un faux pas et que je l’avais déçu. « Non, » me rattrapai-je en laissant là ce qui n’était qu’une plaisanterie de mauvais goût, les compliments ne fonctionnaient pas avec elle, du moins pas ceux qui étaient aussi évidents que celui-ci, « je fais pas mal de choses différentes en réalité. Je travaille le week-end, dans un magasin, comme vendeur, pour me faire un peu de sous et le reste du temps, je fais du bénévolat pour deux ou trois associations caritatives du coin. »

Cette simple déclaration, que je trouvais en réalité assez minable par rapport à tout ce qu’elle faisait elle, eut l’effet d’une bombe : elle haussa un sourcil de surprise, elle ne s’y attendait pas – et je ne m’attendais pas plus à sa réaction. « Du bénévolat ? » demanda-t-elle, essayant d’avoir l’air de rien.

« Ouais, du bénévolat. » dis-je, un peu honteux, car cela ne permettait pas de vivre et je savais qu’elle avait une notion toute particulière de l’importance qu’il pouvait exister à rapporter de l’argent. « C’est pas grand chose. J’aide à distribuer des repas, je m’occupe de mômes, j’aide à ranger ou à transporter des trucs… Ce genre de choses là. Je donne un coup de main quoi…. Bien sûr, de temps à autre, j’aide aussi à organiser deux ou trois événements, mais c’est beaucoup plus rare. Enfin, ça occupe et j’aime bien rendre service. »

Elle m’observa au cours d’un long silence qui me gêna presque, c’était le premier depuis le début de notre rendez-vous. J’avais l’étrange sensation qu’elle ne savait pas quoi répondre à présent, qu’elle avait perdu son incroyable talent pour la répartie, ce qui m’inquiétait presque.

« Et qu’est-ce qui t’a donné envie d’en faire ? » demanda-t-elle au bout d’un moment, intéressée.

Là, je devais m’avouer un peu pris de court à mon tour et fis mine de réfléchir. Je savais parfaitement pourquoi et c’était assez simple, l’envie d’aider mon prochain, le fait que je supportais mal d’entendre parler de choses horrible sans ne rien pouvoir y faire. Mais je voyais immédiatement la question suivante venir : qu’est-ce qui me faisais croire que je pouvais y faire quelque chose en étant un simple bénévole ? Qu’est-ce qui me donnait envie de faire quelque chose à ce propos plutôt que d’ignorer les maux de la Terre entière en m’enfermant dans un monde d’étudiant riche et bien portant ? Et là aussi, je connaissais la réponse sans pouvoir lui dire. Je ne faisais pas du bénévolat depuis toujours, seulement depuis que j’étais un voyageur, même après un certain temps après que j’ai été un voyageur. J’avais toujours plus ou moins souhaité aider les autres sans trouver le courage de passer à l’acte, je m’étais toujours quelque peu laissé prendre par la flemme institutionnelle des jeunes de mon âge et reporter la faute sur les autres. Que pouvais-je y faire ? Je n’avais que deux bras et deux jambes et il en aurait fallut des milliers, sans parler des sommes colossales qu’il aurait fallut soulever et que je ne possédais évidemment pas. Puis, à Dreamland, je m’étais rendu compte que j’avais un pouvoir et que lorsqu’une chose immorale avait lieu, je pouvais y faire quelque chose, me battre, faire le bien quitte à en crever – je cherchais plutôt à en crever d’ailleurs. Et lorsque je revenais dans la vie normale, sans mes pouvoirs, j’avais eut de plus en plus l’envie d’en découdre, de faire quelque chose aussi. J’avais finalement trouvé la force de m’y mettre et cela ne faisait qu’augmenter. J’estimais même que si je parvenais à obtenir un emploi stable avec Ann, je pourrais m’y consacrer à plein temps. Je ne pouvais pas décemment lui dire cela, je ne pouvais pas lui avouer que j’étais voyageur. Il fallait que je trouve autre chose et en même temps, je n’avais pas vraiment envie de lui mentir.


« Quand on est étudiant en faculté, soit on décide de travailler jusqu’au bout pour les études et on a peu de temps à soit à cause de toutes les lectures qu’ils nous donnent et nous conseillent et de tous les devoirs qu’on doit rendre. » expliquai-je. « Où, si le diplôme et les notes nous intéressent moins que les cours eux-mêmes, on se retrouve avec une énorme quantité de temps à occuper. Personnellement, j’étais très content de pouvoir m’amuser grâce à ce système au départ. Mais je me suis rendu compte que je supportait mal l’inactivité et que je culpabilisais pas mal du fait que d’autre souffrent sans que j’y fassent rien. Je sais bien que je ne pourrais jamais y faire grand chose au final, mais même, rester à ne rien faire et laisser les autres dans la misère, je n’aime pas vraiment cela. Quitte à me débattre toute ma vie pour améliorer le quotidien d’un ou deux autres, ça me va, je ne mourrais satisfait d’avoir fait de mon mieux. D’autant que j’y ai beaucoup réfléchit et que je suis plutôt d’accord avec la phrase, de je ne sais plus qui, qui dit que la meilleure arme du mal est l’inaction des hommes de bien. Alors voilà, j’ai commencé à faire ce que je peux, peut-être qu’un jour je ferais plus… j’aimerais bien en tout cas. »

« Edmund Burke. »
précisa-t-elle. « C’est très altruiste de ta part, mais comme tu l’as dit, c’est rarement foncièrement utile. Tu ne peux pas faire grand chose et tu risques de ruiner ta propre vie à trop t’attacher à cela. »

« Non, je ne crois pas. »
dis-je, soudain beaucoup plus sûr que moi. « Non, une vie n’est pas gâchée si elle est dédiée aux autres à mon avis. Et je ne juge pas plus qu’une vie soit gâchée simplement parce qu’on a pas fait carrière. Et même si c’était le cas, je préfère gâcher ma vie qu’abandonner celle des autres. »

« Ce n’est pas toi qui fait que ces associations fonctionnent, elles s’en sortiraient très bien sans ton aide, tu ne fais pas ça pour les autres, tu fais ça pour ta satisfaction personnelle. »
analysa-t-elle en recommençant à se pencher vers moi. « Donc, si tu fais ça pour ton bien, ne vaut-il mieux pas que tu commences par t’occuper de toi ? Le bénévolat ne nourrit pas et reste une activité extraprofessionnelle, si ça te permet de te sentir bien, c’est une chose, mais si cela fais de toi un nécessiteux, où est l’intérêt ? »

Ce n’était pas faux, évidemment, je ne pouvais le nier, je faisais plus ça pour me sentir bien moi-même, pour effacer ma culpabilité de mec qui pouvait se permettre de faire du bénévolat. Mais elle ne me reprochait pas non plus d’en faire, simplement d’en faire une priorité. Je baissais les yeux et avalait une bouchée de ces affreux gâteaux chinois que je n’aimais pas mais que j’avais commandés pour ne pas rester sur ma fin. Rapidement, une solution simple m’apparut, encore une fois, mes discussions métaphysiques internes me sauvaient de l’échec. Car je savais que si elle emportait ce débat, je risquais d’en sortir profondément changé.

« Nous sommes tous nécessiteux. » affirmai-je en relevant la tête et en plongeant mon regard dans le sien. « Tu ne peux pas produire tout ce dont tu as besoin pour maintenir ton rythme de vie. Personne ne peut vivre par ses seuls moyens, il doit toujours compter sur les autres, quelles que soient les circonstances. C’est un fait établit. C’est pour cette raison qu’un maçon n’a pas besoin d’être agriculteur et qu’un agriculteur n’a pas besoin d’être maçon. L’un construit le toit, l’autre nourrit, l’échange de service permet d’avoir de meilleures toits et plus de nourriture. L’humanité a grandement avancé grâce à cette interdépendance. Maintenant, si nous suivons tous ton conseil et que nous veillons d’abord à pouvoir assurer nos arrière sans le secours des autres, nous vivrions tous isolés les uns des autres. En revanche, si nous donnons tous notre temps aux autres, pour les aider, leur apporter tout ce dont ils ont besoin, un toit, de la nourriture, ou même juste un peu d’attention et un peu d’amour, alors je veux bien être nécessiteux. Car si tout le monde le fait, je veillerais sur les autres et les autres veilleront sur moi. Personnellement, je préfère largement dépendre des autres et aider les autres dans le même temps, cela me paraît plus juste. Je préfère aider mon colocataire à s’intégrer à la société plutôt que de rester un homme des cavernes modernes plutôt que de m’occuper de moi, parce que je sais que si un coup dur arrive, il sera là pour moi. C’est comme ça que je vois les choses. »

Cette fois, elle ne resta pas silencieuse, elle m’avait vu venir et j’avais parlé trop longtemps pour qu’elle n’en profite pas pour préparer sa réponse : « Le problème Jacob, c’est que si tu te dévoues entièrement aux autres, tu n’es pas sûr qu’ils te le rendent. »

À moi de l’avoir vu venir, je me sentais plus fort que jamais. « Tu ne m’aiderais pas toi ? Tu me laisserais mourir de faim si je t’aidais à avoir tes concours ou si je t’avais aidé à l’hôpital le jour où tu en aurait eu besoin, si je m’étais occupé de tes enfants gratuitement, le temps que tu gagnes assez bien ta vie pour payer une nourrice ? »

« Non, évidemment. »
fit-elle, peu convaincue par l’argument. « Mais tout le monde n’est pas comme moi non plus… »

« Bien sûr que si Cartel, bien sûr que si. »
répondis-je en souriant. « Tous les gens que je connais sont prêt à aider ceux qui les aident. Tu aides beaucoup Ed en ce moment par exemple, il te le rendra un jour, dès que tu en auras besoin et tu le sais. Même mon colocataire, cet abruti de Nicolas ne me laisserait pas tomber. Je ne connais personne qui accepte l’aide des autres et ne fait rien en retour lorsqu’il y en a besoin, personne n’est comme ça. Et même s’il y en a, ils ne sont qu’une poignée, une exception qui a tendance cacher le reste des gens derrière sa réputation. Pourquoi paie-t-on des impôts après tout ? Pourquoi donne-t-on notre argent à l’état ? Parce qu’en échange, il nous rend service, il permet à nos enfants d’aller à l’école, il nous protège, il fait respecter la loi, il enferme les criminels, il donne des allocations familiales à ceux qui en ont besoin, ce système d’entraide est très présent en fait. »

« On paie nos impôts parce qu’on est obligé Jacob. »
trancha-t-elle.

« Ça n’enlève rien à ce que je viens de dire. »

« Non, en effet, mais tu n’as pas peur que ces gens dont tu parles et qui ne rendent pas ce qu’on leur donne abusent de ta bonne volonté ? »
tenta-t-elle, je sentais qu’elle commençait à faiblir.

« Si ça peut leur faire plaisir. » dis-je en haussant les épaules. « Ils ne me font pas peur et si je me rend compte de leur égoïsme, ils perdront mon aide. Alors pourquoi ne me rendraient-ils pas service en échange. D’autant qu’à moi seul, je peux en aider plus d’un. Et si je suis capable de m’occuper de plus d’une personne, je peux compter sur plus d’une personne pour m’aider en retour, non ? »

Elle laissa planer un petit silence et avec un sourire me fit face. « C’est un bon principe, mais je ne pense pas que tu héberges des SDF chez toi non plus. »

Jeu, set et match. Salope, elle était beaucoup trop forte. Elle avait d’abord cherché à me faire revoir mes idées, pour que je les affirmes et à présent, elle m’achevait en me montrant la distance qu’il y avait entre ce que je faisais et ce que je pensais. Vlan ! Dans ma gueule. Non, je n’hébergeais pas de SDF chez moi et j’étais même plutôt contre l’idée de le faire. Concrètement, ça m’aurait fait chier de devoir accueillir quelqu’un chez moi, quelqu’un que je ne connaissais pas et qui aurait eu besoin de beaucoup plus d’aide que j’aurais pu lui en donner. Pire que tout, j’aurais pu lui répondre qu’en fait si, j’en accueillait pas mal, mais encore une fois, c’était Dreamland que je le faisait, pas ici. Diable, elle était forte, trop forte et elle me plaisait pour cela.

« Non, c’est vrai. » dis-je. « Mais je n’ai jamais prétendu être parfait non plus. Déjà, il m’a fallu du temps pour que je me mettes à faire du bénévolat. Peut-être que j’ouvrirais un centre d’accueil permanent plus tard. Et puis d’un autre, comment choisir qui accueillir, je ne peux pas accueillir tout le monde, je serais obligé de choisir ceux que j’aiderais. Ce ne serait pas juste pour ceux que je n’aide pas. Alors que je peux distribuer des repas à tout le monde équitablement… à peu près au moins. »

Elle sourit. « Oui, ça se tient. »

Et je me rendis compte qu’elle avait accepté mon argumentation sur le principe et que le simple fait que j’évoquais l’idée d’aller jusqu’au bout assez sérieusement lui suffisait. Elle m’avait complètement écrasé, mais je lui avait plus. J’étais à présent un homme de principes, un homme capable d’aller jusqu’au bout des choses. Peut-être même, j’espérais, un homme bien, un homme qui croyait en la bonté humaine et qui en était capable. Mais ça, c’était plus la façon dont j’aurais aimé qu’elle me voit. Elle eut peut-être plus l’impression que si je m’engageais dans une relation ou une autre, ou par exemple si je décidais de fonder une famille, j’irais jusqu’au bout et serait prêt à assumer toutes les responsabilités nécessaires. Quoiqu’il en soit, il s’en suivit un silence contemplatif au cours duquel nous nous contentâmes de nous regarder dans le blanc des yeux avec de petits sourires satisfaits. C’était fait, je l’avais séduite, à cet instant précis, elle se sentait prête à s’abandonner, à accepter d’aller plus loin. J’avais réussi en m’affirmant plutôt qu’en me déguisant et au final, c’est ce qui fait qu’une histoire peut fonctionner. Même si à cet instant, je demeurait accroché à l’idée d’une nuit unique, mais merveilleuse : ne repartirait-elle pas bientôt de toute manière ? Le serveur profita que nos assiette soient vides et que nous ne parlions plus pour nous proposer des cafés, que nous refusâmes tous les deux, il était tard, presque 22h, et j’avais gardé quelque part dans mon esprit que je voulais m’endormir vers minuit, sans trop me rappeler pourquoi. Je payai l’addition, plus parce que j’invitai que parce que j’étais l’homme, je doute que cela ait eu le moindre effet sur Cartel et nous prîmes nos affaires avant de sortir affronter le froid de la nuit.

Ce soir là, il faisait beaucoup plus froid que la journée et la soirée ne l’avait laissé présager en réalité et lorsque nous fûmes dehors, elle frissonna sous le choc. Assez naturellement, en voyant sa peine, j’ôtais ma veste et la lui proposai pour qu’elle se réchauffe. Pas un mot d’échangé, mon regard était toujours posé sur elle et sa belle robe bleu vert. En fait, j’étais très charmé par la beauté qu’elle dégageait en cet instant. La rue était déserte, seule la lumière de quelques restaurants témoignait d’une activité dans les parages. Un instant, je me demandai même comment elle en était venu à penser, lorsqu’elle avait préparé ses affaires pour venir quelques jours chez son frère, qu’elle pourrait avoir besoin d’une telle robe, comme si elle s’attendait à un rendez-vous galant. Je ne compris que plus tard qu’en réalité, Cartel préférait être toujours parée à toute éventualité, quelle que soit les circonstances. Ses mèches blondes, celles qui n’étaient pas prises dans son chignon, furent emportées par un coup de vent. Elle me sourit alors que je lui tendais ma veste, pour me remercier et passa doucement ses bras dans les manches tandis que je la lui tenait sur les épaules. Elle se retourna vers moi pour me remercier encore. J’avais pleinement conscience qu’elle était beaucoup plus près de moi qu’elle ne l’avait été avant et que dans ses yeux brillait une lueur de plaisir d’être là, avec moi. Ses lunettes lui allaient si bien. Sa bouche était entrouverte. Tout cela ne dura pas plus d’une seconde. L’instant suivant, sans que je ne me sois rendu compte de rien, je l’embrassai, nos lèvres se touchaient avec tendresse, j’avais une main sur sa joue, l’autre sur sa hanche, et ses deux bras m’enserraient, l’un par dessus l’épaule, l’autre sur mes côtes et mon dos. Nos deux corps s’étaient rapprochés et nous nous serrions l’un contre l’autre, sa poitrine contre la mienne, ses jambes contre les miennes. L’agréable contact d’une compagnie féminine dans toute sa splendeur et mes yeux étaient fermés pour que je puisse profiter de l’instant jusqu’à la moelle.

Persuadé que ce n’était qu’un rêve, nos lèvres se détachèrent et nous reculâmes nos visage pour nous regarder quelques instants. Sa bouche était toujours entrouverte et le souvenir de ses lèvres toujours présent sur les miennes, j’étais presque déçu que notre baiser ait cessé et en même temps, je n’étais que très heureux de réaliser que c’était bien la réalité.


« Où habites-tu Jacob Hume ? » chuchota-t-elle sans me quitter des yeux.

« Pas très loin. » assurai-je.

« Emmène-moi. » dit-elle dans un soupir en éloignant son corps doucement du mien.

Ce ne fut qu’alors que je sentis mon cœur battre et battre fort et rapidement. Étrangement, je n’avais pas noté ce détail plus tôt.
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Jacob Hume
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptySam 7 Juil 2012 - 19:08
4.
(Suite)


Le trajet se fit en dix courtes minutes et nous ne cherchions pas à avancer spécialement vite. Nous marchions d’un pas tranquille, irrégulier, comme un vieux couple d’amants sur les bord de scènes. J’avais salopement froid sans ma veste et avec le vent qui rendait tous mes efforts de coiffures absolument vains. Mais je m’en fichais, Cartel se tenait à mon bras et elle me réchauffait tout entier par ce contact léger. J’avais réussi et nous nous apprêtions à aller plus loin, aucun doute sur la question. Pourtant, à ce moment là, je n’avais plus le soucis de gravir une montagne, les choses se passaient et je les prenais comme elles venaient, sans sourciller. C’était la meilleure chose à faire, nous étions tombés d’accord sur ce qui allait suivre et nous n’avions plus qu’à vivre l’instant. C’était un instant assez magique, je dois bien l’avouer. Dans les rues, il y avait encore du monde ou des voitures qui circulaient, mais sur le chemin lui-même, notre bout de trottoir, notre route, nous ne croisâmes personnes. Comme si les forces divines avaient écarté la mer devant nous pour nous ouvrir le passage. De toute manière, nous nous foutions un peu du monde alentour. Nous venions de nous embrasser, et plutôt bien d’ailleurs, et nous allions commettre l’irréversible sans nous soucier des conséquences, juste parce que nous en avions envie. Le reste du monde pouvait bien s’arrêter de tourner que nous ne l’aurions pas remarqué. Nous avancions côte à côte et c’était tout ce qui importait.

Puisqu’elle m’avait entendu le mentionner, elle me posa une série de question sur mon colocataire. J’essayai de lui répondre honnêtement et de peindre le plus fidèle portrait de mon compagnon de vie, sans trop le rabaisser non plus, mine de rien, je l’aimais bien Nicolas et j’étais d’assez bonne humeur pour lui pardonner tous ses écarts de conduite. Elle me demanda toute sorte de choses sur lui, ce qu’il faisait pour vivre, à quoi il ressemblait, ses loisirs. Nous rîmes de ses déboires et de ses maladresses, mais en réalité, cette conversation ne faisait que combler une attente. Nos mains ne se quittaient plus, nos bras ne se lâchaient plus. Je la dévorais des yeux et elle me lançait toujours ce petit sourire que j’estimais charmé. J’imaginais qu’elle était quelque peu impressionné à ce moment précis, mais encore une fois, je ne pouvais pas vraiment le savoir et je ne faisais que deviner ce qui m’arrangeait et ce qui me mettait en valeur. Nous arrivâmes finalement jusque devant mon immeuble, après que je l’ai prévenue que Nicolas serait dans l’appartement à regarder Matrix I, II et III, mais qu’il ne nous dérangerait pas. En quelques instant, nous fûmes sur le palier de la porte et je me rendis compte d’une stupidité toute matérielle : mes clés étaient dans ma veste, ma veste était sur les épaules de Cartel. Je n’allais pas non plus sonner pour que mon ours en hibernation mette dix minutes à nous ouvrir. Alors qu’elle me regardait avec insistance, attendant que je prononce la formule magique pour que mon antre nous ouvre ses portes, je m’approchait une fois de plus d’elle, dans l’espoir de pouvoir glisser ma main dans la poche de ma veste. Une fois de plus, nous nous retrouvâmes à nous embrasser, cette fois un peu plus longuement et avec plus d’ardeur aussi je dois dire. Progressivement, nous nous collâmes l’un à l’autre, presque incapable de nous séparer.


« Attends. » dis-je finalement en prenant les clés dans ma veste et en glissant la bonne dans la serrure. Inutile, le jeu était lancé et elle m’embrassa de nouveau et j’acceptais encore l’étreinte tout en essayant de tourner maladroitement la clé avec une main libre. Finalement, l’opération s’avéra un succès sans que je ne sache trop comment et je poussais la porte dans la foulée, Cartel et moi entrant dans la place en nous embrassant, alors que le son du Nebuchadnezzar entrant dans Zion nous parvenait. Mais la réplique de Link fut coupée net par mon colocataire et sa télécommande. Cartel et moi nous séparâmes, un peu à contre cœur et nous tournâmes vers le salon pour en saluer l’occupant.

« Bonsoir ! » lança aimablement Nicolas avec un grand sourire. Je constatai alors avec satisfaction qu’il avait quitté son usuel peignoir et s’était habillé d’un T-shirt et d’un vieux jean, ce qui était assez décent, mais n’enlevait rien à son apparence merveilleusement geek.

« Salut. » répondis-je en souriant.

« Bonsoir. » fit Cartel, très poliment.

Nicolas examina alors ma conquête et alla pour lui serrer la main. J’avais un peu peur qu’il reconnaisse les traits de famille de Ed, mais il n’en fit rien. Il ne manqua pas de remarquer, ni son élégance, ni sa beauté en revanche et voulut lui faire un compliment en s’adressant à moi, une subtilité qui allait nous perdre tous les deux.


« Jacob, deux femmes aussi jolies dans la même journée, je suis jaloux. » déclara-t-il avec son grand sourire niais. Crétin ! Je fermais les yeux pour éviter ce qui allait suivre.

« Deux femmes ? » s’étonna Cartel en s’écartant imperceptiblement de moi.

Incapable de se rendre compte de son erreur, mon ami poursuivit sur sa lancée :
« Oui, tout à l’heure, il a ramené une autre femme, mais tu n’as rien à lui envier, d’autant qu’elle n’était pas aussi jeune. »

Maintenant, Cartel était complètement séparée de moi et j’avais une main sur les yeux pour m’empêcher de traiter Nicolas de tous les noms devant celle que j’avais pourtant réussi à embrasser quelques instants plus tôt. J’inspirais à fond le temps de trouver une explication à tout cela qui ne mentionne pas le fait que je sois un voyageur devant deux rêveurs. Finalement, la vérité avec omission m’apparu comme la solution la plus simple. Crétin ! Pensais-je encore une fois avant d’ouvrir les yeux pour voir ma compagnie féminine les bras croisés avec un regard de reproche. Quiproquo de merde !

« C’était ma patronne, ou plutôt ma probable futur patronne. » bafouillai-je en tentant de retrouver mes esprits. « Je t’avais dit que j’avais un rendez-vous dans l’après midi pour un boulot. »

Elle sembla me croire, mais garder ses réserves, c’était déjà cela. J’avais juste l’impression que ma soirée était complètement foutue et que mon colocataire allait perdre ses attributs masculins très rapidement lorsque celui-ci, sur son grand cheval blanc, vint en rajouter une couche.

« Oui, c’est ce que tu m’as dit, mais tu m’as aussi dit que tu avais un rendez-vous galant ce soir. » essaya de comprendre mon colocataire.

« C’est le cas, avec Cartel. » dis-je en essayant au mieux de ne pas m’énerver.

« Ben, pourquoi elle t’a dit à ce soir alors, Ann ? »

Je ne savais pas du tout qu’il avait entendu cela et ça me paraissait presque absurde de croire qu’il avait précisément retenu ce détail plutôt que le fait qu’il s’agissait d’un rendez-vous professionnel. Il m’exaspérait, il me détruisait, il m’enfonçait profondément dans ma tombe et je ne pouvais rien y faire. C’était comme un grand enfant, dont la vérité sortais de sa bouche de façon incontrôlée. Incapable d’avoir le moindre bon sens lorsqu’il s’agissait de ne pas effrayer Cartel sur mes intentions à son égard. J’étais mal, très mal. Je devais effectivement voir Ann ce soir, en plus de Cartel, mais uniquement en rêve ! … Je ne sais d’ailleurs pas s’il faut considérer que c’est pire ou non… Quoi qu’il en soit, mon seul rendez-vous galant de la soirée était avec la sœur de mon meilleur ami et pas avec une anglaise qui avait dix ou quinze ans de plus que moi et qui comptait monopoliser mon temps de sommeil pour du mercenariat onirique. Hélas, comme je ne pouvais pas vraiment expliquer l’affaire Dreamland à l’un ou l’autre, j’étais coincé, obligé d’inventer un mensonge quelconque pour m’en sortir. J’étais si près de réussir avec Cartel, pourquoi avait-il tout gâché ! Il me le paierait et il me le paierait cher !

« Oui, c’est vrai, mais je suis passé la voir juste avant. » fis-je en bredouillant magistralement. « Elle… elle voulait que je lui donne deux trois papier qu’elle m’a laissé et que je devais remplir… Des infos pour ma période d’essai. »

Un silence s’installa et nous nous lançâmes une série de regards différents. Cartel jonglait entre nous deux pour essayer d’établir si je disais la vérité ou si Nicolas ne venais pas, par sa bourde, de révéler que j’étais un connard fini. Mes yeux filait entre ma belle blonde pour espérer voir en elle ne serait-ce qu’une lueur de compassion et mon colocataire que je voulais étriper. Quant à Nicolas, il oscillait entre un regard réfléchit qu’il m’adresser, il essayait de comprendre ce que je venais de dire, de recoller les morceau, et dans le même temps, il ne pouvait s’empêcher de lancer des regards à Cartel, comme pour essayer de savoir si c’était bien une personne différente de Ann. Finalement, puisque quelques détails lui échappait, il décida de les demander très franchement.

« Mais, elle est pas anglaise Ann ? » demanda-t-il soudain, brisant le silence.

« Si. » confirmai-je, un peu surpris.

« Ben, t’as pas pu aller en Angleterre puis revenir le même soir ! » s’étonna-t-il avec une moue de réflexion, il manquait définitivement plus d’une case à ce garçon.

Là, ce fut au tour de Cartel de comprendre ce qu’il se passait et la connerie notoire de mon colocataire. Elle haussa un sourcil désabusé par sa bêtise, mais visiblement, me blanchissait de toute erreur, voire, me donnait du crédit pour la patience que j’avais avec lui. Heureusement pour moi, sa bêtise me sauva aussi et je pus aisément lui répondre.
« Comme tu as pu le remarquer tout à l’heure, Nicolas, Ann n’est pas en Angleterre aujourd’hui, elle est en France, dans notre ville et dort dans un petit hôtel avant de reprendre l’avion pour rentrer chez elle. Je n’ai donc pas eu besoin d’aller en Angleterre pour lui remettre ces papiers… Et quand bien même serait-elle rentré, je me serais contentée de les lui envoyer par la poste. »

Le regard que je lui infligeais ensuite lui fit comprendre qu’il avait fait une connerie et il baissa les yeux, tout honteux. Je me tournais ensuite vers Cartel pour m’excuser, mais elle gardait une certaine méfiance.

« C’est étrange que le rendez-vous ait eu lieu ici, si c’est un rendez-vous professionnel. » nota-t-elle avec un petit sourire victorieux, satisfaite de m’avoir mis en mauvaise posture.

« Pas tellement, elle n’a pas de bureau en France et nous nous sommes rencontré dans un café à cinq minutes d’ici. » expliquai-je très naturellement. « Le patron nous interrompait, on a décidé de venir ici pour être plus tranquille. Sur le moment, ça m’a paru une bonne idée, mais maintenant… »

Autre regard de reproche vers Nicolas qui commençait à se faire tout petit maintenant.

« Quel genre de boulot ? » demanda-t-elle. « Un boulot en Angleterre ? »

Diable, elle ne me lâcherait jamais ! Un instant, je me demandais même si je ne ferais mieux pas de tout lui avouer et de lui expliquer la chose dans les détails, ainsi que les raisons qui me poussait à être ami avec une loque comme Ed. Après tout, elle était sûrement suffisamment intelligente pour comprendre ? Mais j’évitais soigneusement de le faire, je n’allais pas en plus passer pour un fou à lier.

« Non, non, c’est un boulot que je peux faire à domicile. » assurai-je. « Sur… sur Internet ! » J’avais été un peu trop fier de ma trouvaille et j’espérais que cela ne se verrait pas trop. Mais ils ne semblèrent pas le relever, le visage de Nicolas s’illumina soudain.

« Oh ! Comme moi ! » remarqua-t-il, tout heureux, comme un gamin découvrant qu’il a le même prénom que son voisin en classe. « C’est trop bien ! »

« Exactement, comme toi. »
dis-je avec le sourire, satisfait d’avoir trouvé un échappatoire potable, priant intérieurement pour que Cartel avale le mensonge.

Celle-ci hocha la tête, satisfaite :
« Un job qui te permettrait d’accorder plus de temps aux associations… » fit-elle. « J’espère que ça marchera. »

Avec le sourire qu’elle me tendit l’instant d’après, je sus que j’étais tiré d’affaire, j’avais réussi à la convaincre de nouveau, je m’étais blanchi de l’erreur de Nicolas. Une immense vague de soulagement m’envahit. Je n’étais pas fautif, mais je n’étais pas passé loin. Je commençais aussi à croire que ma vie de voyageur prenais une trop grande place sur ma vie réelle et qu’il serait peut-être temps que je fasse plus attention à ce sujet-là. Je n’allais pas non plus devoir inventer des millions et des millions de mensonges aux uns et aux autres pour m’en sortir. De même, j’éviterais de mêler Nicolas à mes affaires à présent et tâcherait de bien lui expliquer qui était qui ou ce qu’il ne fallait pas dire dans telle ou telle circonstance plus tard. Étrangement, le sourire de Cartel me fit oublier ma colère à son égard, il était pardonné puisque je l’étais. Malheureusement, le moment quelque peu tendre et agréable était passé et s’y remettre simplement paraîtrait un peu artificiel, il faudrait trouver un autre moyen de recoller les morceaux pour recréer une ambiance aussi romantique, je le craignais. Mais je l’avais fait une fois, je saurais le refaire. Je m’apprêtais, à déclarer à Nicolas que nous prenions congé de lui et que nous lui laissions le salon lorsqu’il me devança :

« Bon, ben moi je vais retourner voir Matrix ! » fit-il, tout content de son programme pour la soirée.

« J’aime bien Matrix. » déclara gentiment Cartel.

« Ben c’est cool ! » s’emballa mon colocataire. « Vous pouvez regarder avec moi ! Je viens à peine de commencer le deuxième ! »

Et c’est tout sourire qu’il nous invita à prendre place sur le canapé. Moi, j’avais plutôt dans l’idée d’aller s’installer dans ma chambre et de parler un peu avec Cartel, elle non. Ou plutôt voulait-elle me charrier un peu plus, me tester davantage avant de passer dans la chambre. Ou peut-être encore avait-elle en tête de découvrir un peu plus le personnage de Nicolas, je ne savais pas vraiment. Elle se contenta d’accepter l’invitation, d’ôter ma veste et de la mettre sur le dossier du canapé, puis d’aller s’y installer. Heureusement, je réussis à me placer à côté d’elle plutôt que de mettre Nicolas entre nous. Nous étions tous les deux sur un côté du fauteuil, tandis que Nicolas occupait l’autre accoudoir, affalé sur toute sa moitié de sa manière usuelle. Il relança le film et Link put achever sa réplique et le Nebuchadnezzar se posa sans encombre. Neo, Trinity et Morpheus poursuivirent leur aventure devant nous, sous nos commentaires amusés ou impressionnés, mais je ne les voyais pas. Je regardais Cartel, à côté de moi, entre nous deux. Elle avait les jambes croisées et s’appuyait sur le dossier avec un bras replié, sa main soutenant sa tête. J’étais juste à côté d’elle et je ne pouvais que l’admirer telle qu’elle était. D’un œil, je suivais le film, pour paraître n’être pas trop captivé par elle. Elle, elle essayait de se concentrer sur les histoires de Zion, mais je la surpris à plusieurs reprises à regarder dans ma direction, ou dans celle de Nicolas. Au bout de quelques minutes, j’osais aller plus avant doucement, je commençais à approcher ma main du bras dénudé de Cartel. Mes doigts entrèrent en contact avec sa peau, mais je ne les regardais pas, je me contentai de les faire glisser contre sa peau, admirablement douce. Je la vis sourire à mon attention, un bref sourire, à la fois surpris et amusé de mon avance. Elle ne retira pas son bras et se laissa faire, acceptant mon geste tel qu’il était, comme une marque de tendresse agréable, dont il fallait profiter. Elle garda un petit sourire ensuite, mais continua de regarder le film sans dire un mot sur la question.

Ayant réussi cette petite approche, je me reconcentrai un peu sur le film. Cela faisait un petit moment que je n’avais pas fait le moindre commentaire, ou même ri à ceux de Nicolas. Il allait peut-être se sentir vexé, même si un coup d’œil dans sa direction me montra qu’il était à ce point captivé par la séance qu’il s’en fichait royalement de ce que nous faisions à côté de lui. Nous en étions au moment où Morpheus est appelé à faire un discours dans la caverne de Zion, devant toute la foule réunie des êtres humains libres, prête à en découdre avec des machines qui n’arriveraient que dans l’épisode suivant. Aussitôt, cette scène, cette représentation d’une humanité confinée dans les sous-sols de la terre, harcelée par des machines me fit réfléchir à certaines choses un peu tristes. En réalité, cette perspective ne me plaisait pas, je n’aurais pas aimé vivre ainsi. Mais pire que tout, je me rendais compte que c’était un peu ma situation onirique : en tant que voyageur, j’étais acculé dans une bulle, confiné, attaqué de toutes parts par un monde violent dont je ne comprenais pas l’intérêt. Avec Ed pour me faire des discours pour me redonner espoir et aller combattre ces fichus machines contre lesquelles notre seul espoir était Keanu Reeves en réalité. Mais le rapprochement était lointain et l’association d’idée délicate, j’eus simplement un retour de désespoir en voyant le désarroi des derniers humains du film. Ma mine s’assombrit un peu à l’idée de souffrir encore et encore dans toutes les nuits à venir. Même si Ann m’offrait une perspective nouvelle, je ne m’y étais pas encore fait. Et puis, cela n’enlevait pas la souffrance. Je me disais simplement que j’étais là, tranquillement assis avec deux amis, si ce n’était plus en ce qui concernait Cartel, à regarder un film de science fiction particulièrement réussi, alors que je savais que tout ce qui m’attendait au final, quel que soit la tournure que prendrait cette soirée, je finirais par souffrir, comme toujours.

Cartel remarqua sans mal mon changement d’attitude, même si je continuais à caresser doucement son bras tout en me plongeant dans mes pensées les plus sombres, mon visage trahissait mon mal sans le moindre problème. Lorsque je repérais qu’elle me regardait, je sortis en un instant de l’abîme dans lequel je m’enfonçais et je lui souris. Elle était belle, agréable et je sentais qu’elle s’inquiétait un peu pour moi sur le moment, compassion que j’appréciais. Sans rien faire, elle m’avait tiré de cette mauvaise passe et cela me suffisait pour l’instant, je pouvais être plein de gratitude pour elle. À l’écran, les choses s’accélérèrent, la vrai fête dans la caverne commença et avec cela l’une des scènes d’érotisme collectif les plus réussies de l’histoire du cinéma. Mais Cartel et moi étions passé à autre chose à présent. Alors que l’homme avec qui je partageais mon toit restait silencieux, les yeux grands ouvers devant l’ébat de Néo et Trinity et la partouse générale du sous-sol. Elle et moi nous regardions silencieusement, en souriant, moi de gratitude et d’émerveillement discret, elle d’être rassurée. Cela ne dura pas plus de quelques secondes, puis elle se pencha vers moi. Je crus qu’elle allait m’embrasser mais elle ne s’approcha pas assez et me fixa droit dans les yeux plutôt que de continuer vers mes lèvres.


« Allons dans ta chambre. » chuchota-t-elle pour que je sois le seul à l’entendre.

Je lui fis un signe de la tête pour lui montrer que j’étais d’accord, puis j’ajoutai qu’il valait mieux ne pas faire de bruit pour ne pas déranger Nicolas. Elle accepta et nous nous levâmes presque en même temps, en silence, tandis que mon colocataire restait captivé par la débauche qui se prolongeait devant lui. Je doutai qu’il repéra notre départ avant que le Nebuchadnezzar ne soit appelé par l’Oracle. Et à cet instant du film, nous étions déjà loin, à l’abri dans ma chambre, en toute sérénité.

Je la laissai passer en premier et refermai derrière-moi, Cartel resta un instant à examiner ma chambre qui était fort heureusement rangée et sembla satisfaite de ce qu’elle y vit. Sa nuque était devant moi et je dus repousser une envie folle de la toucher. Elle s’éloigna heureusement pour aller s’asseoir sur mon lit et me sourire. Jambes croisées, ses lunettes et ses yeux posées sur moi, les bras écartés m’offrant une vision si désirable de son décolleté, dont le troisième bouton s’était mystérieusement dégrafé. J’allais m’installer à côté d’elle, sur le coin du lit, tourné aux trois quarts. Elle se trouvait du côté des coussins et froissait les draps. Je ne pouvais m’empêcher de penser qu’elle était belle et mon propre sourire ne devait pas ressembler à grand chose de probant. Un mêlé, entre le bienheureux et le reste d’élan de tristesse que j’avais eu. Elle détacha ses cheveux dans le geste le plus féminin et le plus élégant qui soit, les remettant en ordre immédiatement après, mais sans les rattacher.


« Il est un peu spécial, n’est-ce pas ? » dit-elle en désignant la porte du menton, elle voulait sûrement parler de Nicolas.

« Oui, il n’est pas très adroit en matière de relations sociales… » fis-je, elle avait enfin découvert que je n’avais pas mentit lorsque je lui avait parlé de lui un peu plus tôt. « Mais c’est Nicolas, et quoi qu’il fasse, ça reste un excellent ami et quelqu’un de bien. Il fait des bourdes, mais en même temps, c’est pour ça qu’on l’aime bien aussi. »

« Il me fait un peu penser à Ed. »
dit-elle sur le ton de la plaisanterie.

Elle n’avait pas tort, les deux personnages avaient certaines choses en commun, même s’ils étaient très différents. Et plus encore, nous étions peut-être tous les deux, pour eux, les parfaits grand frère et grande sœur pour nous en occuper. Mais ce ne fut pas cela qui me frappa, ce fut la pensée de la relation qu’elle entretenais justement avec Ed. C’était sa sœur que j’avais en face de moi. Sa sœur avec qui je passais la soirée, sa sœur que j’avais dragué, embrassé, dont j’avais caressé le bras et que j’avais ensuite traîné jusque dans ma chambre. Qu’est-ce que je faisais ? On s’entendait très bien avec Cartel, mieux que je ne l’avais espéré et je n’avais pas envie de la faire souffrir. Pourtant, c’était ce que je m’apprêtais à faire. Nicolas avait ses défauts, mais j’étais un connard fini en matière de conquête féminine. Je décidais de ne pas y songer. Je m’en voudrais plus tard. Pour le moment, j’étais juste trop bien avec elle pour le moment et je ne voulais pas tout gâcher, je ne pouvais plus arrêter ce que j’avais commencé, peu importait les conséquences.


« Oui, c’est mon petit frère à moi. » dis-je en souriant. « C’est pas facile tous les jours, mais j’y peux rien, je l’adore. »

« Et Ed, tu t’en occupes aussi ? »
lança-t-elle avec une pointe de tendresse pour son frère aîné qui n’était pas aussi responsable.

Je pouffai et tombai à la reverse sur le lit pour mieux scruter le plafond. Je n’avais jamais pensé à Ed comme ça, comme d’un frère. Ni à Nicolas d’ailleurs, mais ça ne faisait rien. Après tout, notre amitié était profonde dans les deux cas, elle tenait à plus de choses que nous ne pouvions l’imaginer et malgré toutes nos disputes, pourtant fréquentes, on se serait toujours les coudes. On s’aimait, c’était sûr, on s’adorait même. Autant qu’on pouvait se détester. Je me souvenais de comment c’était avec ma petite sœur quand je vivais encore chez mes parents. C’était un peu comme ça aussi, un genre d’amitié bizarre, mais foutrement solide. Est-ce que je m’occupais de Ed ? Est-ce que je veillais sur lui ? Bien sûr, tout le temps. Surtout la nuit d’ailleurs, parce que c’était là qu’il avait le plus besoin de moi. Là où Cartel ne pouvait rien, malgré toute sa volonté et sa détermination.


« Oui, je m’en occupe. » assurai-je en relevant la tête et en l’appuyant sur ma main, elle-même supportée par mon coude, bien enfoncé dans le matelas.

« Tu as des frères et sœur ? » me demanda-t-elle, soudain plus sérieuse.

« Oui, deux soeurs. » expliquai-je avec un petit sourire nostalgique. « Deux sœurs. Je suis l’aîné. La plus grande est en train de passer son Bac, elle s’appelle Juliette. L’autre est plus petite, elle est en quatrième, elle s’appelle Nathalie. Elles sont toutes les deux très indépendantes et très intelligentes. Juliette va sûrement faire une école d’architecte. Nathalie parle d’être actrice en ce moment. Mais je ne pense pas que ça restera. Elle s’est mise au théâtre et elle s’en sort plutôt bien. Je vais la voir à la fin de l’année pour la représentation qu’ils donnent. J’ai un peu hâte de voir ce que ça donne. C’est vrai qu’elle adorait se donner en spectacle dans le temps. Elle était un peu petite pour jouer avec moi ou Juliette, mais on adorait s’occuper d’elle. Elle est trop mignonne… J’espère que Juliette va déménager en ville, on pourrait se voir plus souvent. »

Cartel avait à présent un sourire attendri, charmé, elle essayait sûrement de m’imaginer avec mes deux petites sœurs. J’avais un peu raconté ma vie, parlé sans trop m’en rendre compte, plein de nostalgie dans la voix. C’est vrai que j’adorais mes sœurs et que j’étais toujours super content de les retrouver. Mais en même, j’aimais mon indépendance. Et puis, j’avais Nicolas pour me tenir compagnie, ainsi que Ed et les autres. J’avais une belle vie en réalité, c’était mes nuits qui posaient problème. Cartel, qui était resté assise, se pencha un peu plus vers moi, sans se coucher.

« Cartel… » dis-je, voulant lui avouer une bonne fois pour toute à quel point elle me plaisait.

« Chuut. » souffla-t-elle, conquise.

Elle s’approcha encore et m’embrassa, d’un baiser tendre, long et généreux, tandis qu’une de ses mains était posée sur mon cœur. Je plaçai la mienne sur son cou, juste sous ses mèches blondes et soyeuses, fermant les yeux pour profiter du moment, essayant de me relever un peu, vers elle. J’entendis ses chaussures tomber quelque part sur le sol de ma chambre, mais je n’y prêtais guère attention. Je sentis sa jambes remonter contre ma cuisse et son corps se poser sur le mien. Mes mains prirent un autre parti et commencèrent à la serrer contre moi tout en explorant les formes de son dos. Les siennes se dirigèrent lentement vers les boutons de ma chemise. Doucement, simplement, mécaniquement, tendrement, nous passâmes à l’acte. Ce fut un moment magique, plein de tendresse et d’admiration réciproques, nous agissions sans penser à rien d’autres, mieux que dans un rêve, mieux que je ne l’avais espéré, le tout sur un fond lointain des aventures rocambolesques de Néo. C’était parfait, peut-être précisément ce qu’il nous fallait à tous les deux pour oublier tout le reste, même si j’avoue qu’elle interpréta plus facilement le rôle de Rhett Butler que je n’incarnai celui de Scarlett O’Hara. Environ une demi-heure plus tard, j’étais allongé sur le dos et Cartel s’endormait la tête posée sur mon épaule, entièrement calée contre moi, aussi nue que je l’étais. Je remontais la couette pour qu’elle n’attrape pas froid et fermait les yeux à mon tour.

Putain, comment pouvais-je penser à Ann après ça ?
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Jacob Hume
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptyDim 8 Juil 2012 - 17:23
5.



*Je trouve ça trouve ça triste de devoir m’endormir en pensant à Ann alors que mon corps est entre les bras de Cartel. Je suis un sale petit connard et je ne compte pas vraiment la rappeler non plus, mais quand-même. Je sais pas. Il y a quelque chose de triste dans cette affaire. J’ai l’impression d’être encore plus un connard. D’autant que c’était tellement bien ce soir que j’aurais préféré en profiter plus longtemps encore. Peut-être aller visiter les rêves de ma belle, je sais pas. Enfin, ce qui est fait et fait Jacob et il va falloir t’y faire. Ta vie onirique risque bientôt d’appartenir à ton employeuse et tu n’en profiteras que mieux des moments éveillés. Tu verras Cartel au matin et tu oublieras rapidement ce détail de merde.

Bien, où je suis là ? Merde, on dirait bien une jungle. Je crois pas vraiment avoir déjà été dans une jungle comme celle-ci à Dreamland. En fait, je suis même pas sûr d’avoir croisé de jungle sur mon chemin. Ce qui veut dire que je suis en terre inexplorée, du moins de mon point de vue. Voyons le bon côté des choses, c’est un endroit de merde pour un rendez-vous d’affaire, mais c’est un endroit que vais pouvoir découvrir en chemin. Je vais pouvoir admirer tranquillement cette végétation, euh, comment dire ? Ouais bon, je vais bosser, on va pas en faire un plat. Un jungle, c’est un peu chiant à cause de la végétation très dense et on va sûrement progresser très lentement. Dans le plan de la mission qu’elle m’a expliqué, elle a parler de traverser tout le royaume histoire de faire rencontrer les deux zigotos au milieu. Je ne sais pas vraiment si je suis assigné à l’homme ou à la demoiselle, mais si j’ai atterri par là, c’est que Ann doit être dans les parages. Je lui demanderai quel est mon rôle exact quand je l’aurais trouvé… Parce que là je dois dire que je suis un peu paumé, je ne sais pas vraiment où je suis par rapport à elle à part, euh… pas loin ? Il faut dire que je ne vois pas à plus de trois mètres devant moi avec cette connerie de végétation. Peut-être que je devrais voler pour la retrouver plus facilement ? Non, ce serait gaspiller de l’énergie trop facilement, j’en aurais peut-être besoin plus tard. En attendant, inutile de rester en mode ballon, j’ai besoin de pouvoir me faufiler entre les branches, je vais passer en mode collé au corps.*
Changement imperceptible, la bulle prend la forme de Jacob et le recouvre parfaitement. Puis, instinctivement, il se met en route dans une direction qu’il estime la bonne, ou plutôt dans laquelle il paraît avoir repéré quelque chose d’anormal.

*Mmh, bizarre cette fumée d’ailleurs. Elle a l’air de se propager un peu partout ici. Il se peut que ce soit un truc particulier du royaume. Je ne risque pas d’en profiter pour autant, pas avec cette fichue bulle… Ah ah ! Effectivement, j’avais raison. C’est bien là. C’était pas un tronc d’arbre, c’était un bout de tente. Bon, au moins j’ai trouvé om je devais aller. Comme il y a rien d’autre à l’horizon – faut voir l’horizon aussi… - je suppose que ma patronne se trouve là. Elle m’avait dit qu’il y aurait un peu de préparation avant, je pense que ça doit être ça. Youpi, du camping en pleine jungle. C’est peut-être le principe du royaume. Un genre de truc comme : la jungle des n’aventuriers ou la jungle parsemée de tentes beiges modèle classique ? On se dirait dans un film des années cinquante, je m’attends presque à voir une horde de zoulou débarquer dans ce qui apparaît comme un territoire amazonien. Oui, les producteurs Hollywoodien ont toujours eut un problème avec les géographie, même à l’époque coloniale.* C’était une tente beige qui semblait avoir une petite base de vingt centimètres de haut avant de former un toit pointu à la mode d’une petite maison. Jacob marcha jusqu’à elle en faisant attention à ne point trébucher sur une racine où un enchevêtrement de végétation quelque peu tortueux. *Je me demande bien comment ils ont pu trouver un espace suffisamment dégagé pour monter cette fichu tente. Diable de plantes de merde. Je vais mettre trois quart d’heure à faire six mètres. Je vous parle même pas du trajets avec des épreuves qui est prévu au programme. Non mais vraiment, on a pas idée de faire une mise en scène dans un lieu pareil. À ce train là, on sera jamais arrivé pour rejoindre la dame et le plan sera foutu en l’air… Allez, tu t’en fous Jacob, tu es piégé dans une bulle, rappelle-toi, tu ne crains pas vraiment ces conneries qui ont l’air de faire chier leur monde. Vois toujours le bon côté des choses. Tu viens de coucher avec une femme superbe, très intelligente et qui te plais vraiment. Et toi, tu te plains parce qu’il n’y a pas de terrain dégagé sous tes pieds, tu t’attendais à quoi ? Un parterre de roses ? Ça aurait pas été mieux en fait. Bon disons un tapis rouge, l’expression me semble plus approprié. Oh, j’en ai marre ! Je vais pas voler, mais je vais pas me priver pour sauter d’une racine à l’autre.* Le voyageur, agacé par la lenteur de sa progression, saute donc sur la racine la plus proche et s’élance vers la suivante. Aussitôt, le chemin est dévoré sans le moindre problème. *Gloire ! Et oublions le fait que je n’y pas pensé plus tôt. Bien, je suis devant la tente et… Oh. Ceci explique cela : une piste. La tente est posée dessus. Tu m’étonnes qu’ils ont pas eu de problème pour la monter. J’imagine que la piste continue de l’autre côté. Bref, entrons, maintenant qu’on est là.*

Jacob entre dans la tente en écartant l’un des pans et en le laissant tomber derrière lui. Ce qu’il découvre le stupéfait. La taille de l’espace semble quelque peu démesuré par rapport à la taille de la tente vue de l’extérieur, mais pas non plus de manière excessive. À l’intérieur, une série d’objets sont posés sur des petits meubles d’installation rapide mais répondant tous à la mode coloniale. Il y a aussi quelques chaises pliable dans le lot, sur lesquelles sont posées deux personnages, en pleine discussion. Le premier est un homme, entre la vingtaine et la trentaine, un peu banal, qui le regarde, surpris, avec deux yeux marrons et deux sourcils très noirs. La seconde personne en revanche… *Bordel ! C’est Ann ! Ann Darrow ! Putain, ça fait presque mal aux yeux. La différence est… whou ! Incroyable. Finit la lord anglaise élégante et raffinée, habillée à la dernière mode parisienne. Là, je sais que je viens d’entrer dans une dimension parallèle où ma citadine par excellence s’est transformer en Xena, princesse guerrière. Franchement étonnant. La queue de cheval, le T-shirt blanc moulant qui écrase la poitrine, le pantalon épais avec plein de poches, une ceinture serrée autour de la taille et les rangers ? Diable, mademoiselle, qu’avez-vous fait de ma patronne ? Elle a même les bandes de tissu sur les avant bras pour tenir ses poignets ! Et moi j’ose me pointer en mode Jean et chemise ouverte ? Ouais, c’est bon, je suis convaincue, c’est une voyageuse pro que j’ai en face de moi, une aventurière comme il n’y en pas deux. Indiana Jones au masculin. Où est-ce que vous avez caché le chapeau et le fouet ?

Bon, par contre, ce bonhomme n’est pas mieux habillé que moi. Un polo et un pantalon en coton ? Dans la jungle ? Ça va être drôle. Mais c’est plus ou moins élégant en fait. Ça fait ressortir son côté muscle. C’est vrai qu’il a de l’épaule le gaillard, je crois qu’il doit faire plus de sport que moi. Diable, faudrait que je m’y mette. Bon après, je reste du bonhomme n’est pas très exceptionnel. Un citadin, pas un aventurier. C’est sûrement notre voyageur client. Enfin, je suppose que c’est lui, puisque je ne vois pas d’autre nana dans les environs pour assumer le rôle de la dulcinée du jeune homme. Il faut donc bien que quelqu’un tienne le rôle du chevalier filant vers sa demoiselle en détresse, et ce n’est pas moi, sûrement pas après ce qu’il vient de se passer ce soir ! J’ai encore l’impression de sentir le poids de Cartel sur ma poitrine…*
Ann se lève et lui sourit, un peu surprise elle aussi, elle dit quelque chose. *Ah, elle a la mémoire courte. Donc, c’est parti pour l’usuel geste du singe sourd, histoire de lui faire comprendre, à elle et à lui d’ailleurs, que je ne pourrais entretenir de longues conversations philosophiques. D’autant que j’en ai déjà eu une bonne dose un peu plus tôt.* Ann se souvient en le voyant faire le geste et semble se rappeler d’un autre détail en même temps. Elle lui fait signe d’attendre un peu et va prendre un objet posé sur une étagère. Il s’agit d’un type de de micro que l’on accroche à l’oreille, elle le met en place et parle : « Et là, tu m’entends ? » demande-t-elle en regardant Jacob, qui fait les gros yeux, surpris et hoche la tête pour confirmer. « Très bien. » continue-t-elle. « C’est un objet que nous utilisons souvent, il permet de parler directement à quelqu’un dans ses pensées, il suffit de le régler sur la bonne personne. Ça nous permet en général de communiquer quand on est loin les uns des autres ou de donner des instructions à un élément isolé de l’équipe. Le problème, c’est qu’il faudrait que tu puisses parler dans le micro pour que ça fonctionne dans l’autre sens. On trouvera un moyen de te faire répondre autrement que par des geste plus tard, ce soir tu te contentera d’hocher la tête. » Et le manieur hoche la tête de bas en haut une fois de plus pour montrer qu’il a compris, toujours aussi étonné par le concept d’entendre des voix dans sa tête.

*C’est perturbant. J’ai l’impression d’entendre mes pensées, mais avec la voix de Ann et c’est pas les miennes. Ça m’étais jamais arrivé avant. C’est pratique aucun doute et je risque de m’y faire, d’une façon ou d’une autre. Mais il me faudra un temps d’adaptation. Au moins a-t-elle cherché une solution plus viable au problème que les portails de Ed, je lui en suis extrêmement reconnaissant… Hey, mais ! J’y pense, elle ne vient pas de dire qu’elle chercherait une solution au problème de mes réponses plus tard ? C’est bon signe ça ! Elle a dans l’idée de m’engager pour plus qu’une mission, ça pourrait donc fonctionner. Il va vraiment falloir que je me présente sous mon meilleur jours et Ça va d’ailleurs ? Tu n’es pas malade ? Tu te sens bien ? Arg ! Trop bizarre ! Bon, concentrons nous. Voilà, oui, hochement de tête vertical. Je vais bien, aucun problème, si ce n’est la voix qui résonne dans ma tête à ma place. Pourquoi ça Ah, c’est étrange… l’air est censé être toxique ici… Bordel, arrêtez de m’interrompre ! Bon, air, toxique ? En effet, problématique. J’imagine que c’est la raison pour laquelle on se retrouve dans une tente, elle doit avoir un genre de clim qui nettoie l’air ou le purifie. Enfin bref, qui les met à l’abri tous les deux. Moi je ne suis pas vraiment concerné par le problème, mon air est confiné dans ma bulle et s’autopourrit tout seul. Comment lui faire comprendre que je suis pas en contact avec l’air sans les mots ? Il n’y a rien pour écrire dans les parages. Mmh, attend j’ai une idée.* Jacob tend la main à Ann qui s’interroge sur ses intentions en haussant un sourcil d’incompréhension. D’un geste, il l’invite à la toucher. Elle s’exécute, intrigué et aussitôt se rend compte qu’elle ne touche pas de la peau : elle ne touche rien en réalité, mais c’est dur quand même. *Et voilà madame toute l’explication de mon surnom d’intouchable alors… Et ça te recouvre tout le corps ? Nouveau hochement de tête, j’ai l’impression d’être un sujet d’étude là, c’est assez gênant en fait.* Ann commence à lui toucher le bras tentant de trouver une faille, Jacob se laisse faire, un peu gêné par ses gestes de palpage. * Vraiment intouchable alors ? Oui, aucun doute là-dessus.* Il dégage son bras et elle le lui laisse. *Bien, maintenant que ça, c’est fait. Quel est le programme exactement, on reste assis là et on attend que l’air devienne moins toxique ? Parce que, c’est pas pour me vanter, mais vous, vous avez pas de bulle. Comment vous comptez vous balader à l’extérieur ? À moins que la tente ne se déplace d’elle-même sur la piste ? Ouais, j’en doute. Ah ! voilà que l’autre s’y met ! Je ne m’en sortirais jamais ! Pourquoi cette manie de vouloir toucher l’intouchable ! C’est impossible bordel.*

Jacob lance à l’homme qui s’est levé pour venir lui tâter l’épaule un regard noir pour qu’il retire sa main, ce qu’il fait en souriant timidement. *Gentil toutou. Et ne t’avise pas de re Bien, puisque tu es là, je pense que nous allons pouvoir commencer, tout est en place de l’autre côté aussi. Je t’explique comment ça se passe ce soir et je leur donne le signal de départ. D’accord, d’accord, vas-y, je vais essayer de ne plus me laisser surprendre maintenant. Donc, voici Marc, c’est notre client, notre rôle consiste avant tout à lui faire traverser les lieux jusqu’au point de rendez-vous avec l’autre équipe. Le terrain est… primitif, dangereux. Truffé de monstre et de créatures de rêves fort peu sympathiques. Donc on va se contenter de suivre la piste jusqu’à l’arrivée du parcours. Ne sors jamais de la piste, elle est dure à retrouver une fois qu’on l’a quittée. Notre rôle est de protéger le client avant tout. C’est pas une mission compliquée, on devrait s’en sortir, mais attention tout de même. C’est pas un royaume tranquille, donc prudence. Si on est les premiers à arriver là-bas, on attend les autres. Ils me tiendront informé au cas où ils ont un problème. Ok, pas de soucis, ça a l’air d’être sympa comme mission. On suit la piste, on écarte les monstres qui bloquent le passage et on protège le client. Parfait patronne, j’attends avec impatience de commencer. Ça va être une partie de plaisir, je le sens bien. Je suis en forme. Mieux, je suis de bonne humeur. Tient, je suis de bonne humeur ? Dans ma bulle ? C’est étrange ! Ben, c’est surtout parce que c’est le début de la nuit. Et puis aussi peut-être à cause de ce que j’ai fait avant de m’endormir. Rien qu’un sale petit connard lubrique en fin de compte, hein ? Bref passons à autre chose. J’ai le cœur léger, presque envie de danser, profitons-en à mort. Marc, je prendrais les coups à ta place ce soir, c’est mon job et même que je sens que je commence à l’apprécier. Tient, Ann parle, mais je reçois plus… elle doit avoir réglé son micro pour parler à son autre équipe. C’est vrai que c’est pratique cette affaire.* Ann finit par passer un autre micro à Marc, afin qu’il puisse communiquer avec l’intouchable en cas de besoin, il l’essaie immédiatement : *Ça marche !? Oui, pas besoin de gueuler… Ça ne fait pas vraiment mal aux oreilles non plus, m’enfin. Je préfèrerais que t’évites, ça marche ? Bien sûr que non, je suis sûr que tu vas continuer à crier comme un taré chaque fois que tu auras quelque chose à me dire. Comme un petit vieux qui vient de découvrir le téléphone : il parle trop fort, parce que son destinataire est loin, il risquerait de ne pas l’entendre.*

Ann ayant prévenu ses comparses qu’il est tant de commencer cette aventure, elle recalibre son micro pour parler à Jacob. *Bien, Jacob, nous allons pouvoir commencer. Marc et moi allons devoir nous vêtir de combinaisons un peu spéciales pour pouvoir sortir sans risque, puisque tu n’en as besoin, rassemble le matériel dans ce sac à dos, les meubles sont censés se plier suffisamment pour rentrer à l’intérieur. Merci. Quoi ?! Sérieusement ? Raaah ! Heureusement que j’ai besoin de ce job ! Bordel, je commence déjà à jouer le rôle du larbin, je suis le petit nouveau, je sens qu’on va me refiler toutes les autres conneries dans le genre. Jacob, va donc me chercher un café pendant que je défonce les monstres qui nous barrent le passage. Jacob, monte donc la tente le temps que je sécurise les lieux. Ouais, elle avait pas besoin de combattant, pas besoin de l’intouchable, elle avait besoin d’un homme à tout faire qui ne peux pas protester. Pas bête la guêpe. M’enfin, un boulot est un boulot. Et c’est aussi à moi de faire mes preuves de mon côté. On me donne les tâches de merde parce qu’on peut, mais si je me montre assez efficace pour pouvoir me battre à leurs côtés, ils m’accepteront dans le groupe et effectueront avec moi toutes les tâches de merde. Ou alors je resterais leur larbin, mais au moins, je serais grassement payé pour le faire. Et quitte à devoir souffrir toutes les nuits, je préfère rester à l’arrière. C’est bien, toujours voir le bon côté des choses, ça commence à rentrer hein ? Allez, certes Ann, je vais le faire.* Et Jacob se met au travail, s’empare du sac à dos et commence à fourrer tout ce qui a l’air bien solide dans le fond, pour pouvoir mettre les objets les plus fragiles dessus, histoire de ne point les écraser. La tente est pleine d’un matériel étrange, qu’il ne connaît pas, il essaie cependant de se souvenir de tout ce qu’il range dans le sac, estimant qu’on risque de les lui demander à un moment ou à un autre. Pendant ce temps là, Marc et Ann revêtent leurs tenues, deux combinaisons moulantes et marron qui les recouvrent de la tête au pied, en ne laissant qu’une ouverture pour les yeux, ouverture recouverte par une paire de lunettes de plongée. *Diable, ça doit vraiment être dangereux pour qu’ils ne laissent à ce point là aucun espace et prennent le risque de ne ressembler absolument à rien en matière d’esthétique. J’ai l’impression d’avoir à faire à deux extraterrestres, on distingue très biens leurs formes, on peut juste deviner que l’un est un mec et que l’autre est une femme. Faut pas avoir une mèche de travers et vouloir la remettre la-dedans. Bref, ils ont l’air drôle, mais au moins, ils sont protégés. Et moi, comme un petit veinard, je peux sortir tranquille à l’extérieur, sans ne rien risquer, et garder mes vêtements ordinaires. De fait, nous autres voyageurs semblons avoir un faible pour un habillage digne des meilleurs Final Fantasy, ou au moins assez classe pour se démarquer dans ce monde loufoque qu’est Dreamland. Ce soir, seul moi ait ce privilège.

C’est bon Jacob, on est prêt à partir. Effectivement, et vous êtes bien drôle. De toute manière, j’ai fini, les meubles sont pliés en 64 et cachés dans le fond du sac, il n’y a plus que nous dans cette tente. Prend le sac et rejoins-nous dehors. Affirmatif ma dame, un plaisir même devrais-je dire. Je vous rejoins dans deux secondes.*
Ann et Marc sortent de la tente pour aller tester l’efficacité de leurs combinaisons. *Oh putain, ce sac est beaucoup plus lourd que ce que j’avais imaginé ! Nan mais sérieux, plier ces machins ne les rends pas plus léger en fait. Quand je les ai mis dans le sac, je me suis pas rendu compte, mais en fait, tout ensemble, c’est carrément lourd ! Chiasse, je vais devoir me taper près de vingt kilos de matos pendant tout le trajet ? On échangera les rôles à un moment hein ? Nan parce que Marc a l’air d’avoir du muscle, comparé à moi. Bon, ok, c’est peut être pas vingt kilos, peut-être entre dix et quinze plutôt, n’empêche que ça va me pulvériser le dos à la longue. Allez, c’est parti. Humpf, putain ! Je vais m’y habituer, je vais y arriver…* Jacob sort à son tour de la tente, le sac sur les épaules, qui lui arrache déjà la colonne vertébrale, bien qu’il résiste bravement à la douleur. *Il faut vraiment que je me mettes à faire du sport, sinon je vais bientôt avoir un petit ventre bien bedonnant et je serais incapable de porter ces saloperies. C’est lourd, mais concrètement, j’ai fait pire. Pas sur un aussi long trajet, mais tout de même. Je vais y arri Démonte la tente et roule-la, normalement, elle s’attache au haut du sac. Pendant ce temps là, on commence à avancer, tu nous rattraperas.* Jacob fait oui de la tête et les deux s’en vont tandis qu’il se tourne vers la tente. Longue inspiration pour chasser l’appréhension. Il pose le sac et se met au travail. *Je le savais. Je suis sûr qu’elle jubile derrière sa combinaison, qu’elle doit être très contente de se servir de moi comme ça. Toutes les tâches merdiques sont pour moi et elle apprécie beaucoup de pouvoir se décharger sur quelqu’un d’autre. Je suis un stagiaire ici. C’est bien connu, les stagiaires sont là pour être les esclaves de leurs responsables jusqu’à ce qu’on estime qu’ils méritent de faire des tâches moins ingrates. Endure Jacob, accepte la douleur, elle pourrait te mener à un avenir meilleur. Tu peux le faire, allez, dès qu’elle aura besoin de tes talents de combattants – à supposer bien sûr que tu en aies – tu sauteras sur l’occasion pour lui montrer à quel point tu peux beaucoup plus utile qu’en s’occupant du matériel.

Bon, cette tente n’était pas très compliquée à ranger. Au moins, on peut compter sur les rêves des gens pour inventer des tentes réellement pratiques, pas comme les tentes qu’on déplie en deux seconde mais qu’on met trois quarts d’heure à replier. C’est déjà ça de pris. Ok, j’ai tout récupéré, je suis prêt à les rejoindre. Tout s’est fait rapidement, ils ne devraient pas être très loin. Cette jungle n’a pas l’air vraiment inquiétante en réalité, même si on pourrait sûrement facilement s’y perdre. Je ne sais pas ce qu’elle renferme, et je sais qu’à Dreamland il vaut mieux se méfier des apparences que de se laisser prendre par derrière, m’enfin, là, c’est calme. J’ai rien vu de méchant pour le moment et ils ne m’ont pas appelé à l’aide, ça veut dire que tout va bien. Bien on remet ce sac sur les épaules et on les rattrape en trottinant. Oui, c’est bien Jacob, fais-toi bien voir en te montrant motivé. C’est comme ça que tu décrocheras le boulot. Elle t’a à la bonne, c’est le moment pour faire ce que tu sais faire le mieux. Humpf ! Bordel, il est juste super lourd ce sac. Et cette tente paraît peser soixante kilos de plus maintenant qu’elle est dessus. Rah ! Saleté. Allez, penchons-nous un peu en avant, répartissons le poids et allons-y gaiement. Il va falloir t’y faire Jacob, tu devras porter ce fichu sac jusqu’au bout de la nuit.*
Jacob se redresse, regarde un instant la piste entre les arbres, inspire et se met à avancer, le temps de trouver son nouvel équilibre avec ce poids sur le dos, il trotte sur la piste pour rejoindre plus rapidement les deux autres. Au bout d’une minute, ne les voyant pas, il commence à s’inquiéter. *Putain, je suis pas resté seul longtemps pourtant ? Bordel, ils se sont mis à faire un sprint ou quoi ? Ils essaient de me semer ? Non, c’est absurde, j’ai tout leur matériel, il ont besoin de la tente pour quitter leurs combinaisons et c’est moi qui l’ait. Il leur est peut-être arrivé un truc ? Non, ça m’étonnerait. Ann m’a juste l’air d’être une voyageuse hyper compétente. C’est Indiana Jones au féminin c’te nana. Elle va pas s’emmerder. Bon arrêtons de trotter pour le moment, ne gâchons pas toute notre énergie maintenant, surtout avec ce connard de sac sur le dos, ça n’aide vraiment pas. Je vais marcher un peu et dès que je me sentirais prêt à courir à nouveau, je m’y mettrai. Je vais pas non plus marcher comme un escargot. Allez, un peu d’énergie et tout ira bien, ils ne doivent plus être loin maintenant.*

Mais Jacob marche pendant une minute et se remet à trotter, personne n’apparaît encore sur la piste. *Putain, j’ai raté un croisement ou quoi ? C’est pas possible c’t’affaire ! Ils avaient des vélos cachés dans un coin ou quoi ? C’est pas un terrain hyper facile, je sais que sans ma bulle pour me rattraper de temps à autre, je me serait déjà foulé une cheville trois ou quatre fois là. Comment ils font ? Ils volent ? Ils ont quitté la piste sans me le dire ? Non, ils m’auraient prévenu avec leur micros. Ils n’ont pas l’air de s’inquiéter non plus. Ils doivent s’attendre à ce que je sois un peu en retard. C’est bon signe d’un certain point de vue… OH ! MERDE ! C’ÉTAIT QUOI ÇA ?!* L’intouchable s’arrête net dans sa course, il vient de voir un mouvement très rapide passer sur sa droite, quelque part dans la jungle. *Quelque chose de pas beau, de rapide et de vraiment pas net. Ça se déplaçait vraiment bizarrement, comme dans… nan, sûrement pas. Je ne crois pas. Enfin, j’espère pas surtout. Oh bordel, est-ce que c’est encore là ? Est-ce que c’est juste passé ? Tu sais quoi Jacob, je crois qu’il vaut mieux ne pas rester pour le savoir. Je sais qu’il y a des monstres dans les parages, pas la peine d’en faire tout un drame, ça m’a surpris, voilà tout. Allez du nerf, ils ne sont sûrement plus très loin. Allez, cours, rejoins-les. Je serais rassuré avec eux. C’est étrange d’ailleurs qu’on se sente si facilement rassuré en présence de gens qu’on connaît. Ils ne sont pas forcément à même de nous protéger en fait. M’enfin, allons-y, j’ai pas la moindre envie de traîner là.* Il se remet en route et accélère le mouvement, fait de plus grandes enjambées pour arriver plus rapidement jusqu’à eux. *Putain, mais combien pèse ce sac ? Ah, il est salopement lourd. Mais ça mieux déjà, je me suis fait au poids, l’équilibre du truc et bon, il tombe bien sur mes épaules. C’est chiant, ça me tue le dos, mais je commence à m’y faire. Rah, plus vite je les aurais rejoins, mieux ce sera.* Jacob continue sa route à la même allure pendant encore une ou deux minutes avant d’arriver à un virage.

De l’autre côté du virage, une fois celui-ci passé, un autre décor commence à s’offrir à lui. La jungle paraît un peu moins dense, mais pas moins insalubre. *En plus de la jungle, voilà qu’ils ont réussi à nous coller un marais sur le dos ? C’est quoi ce royaume ? L’île de King Kong ? Celle du film de Peter Jackson évidemment. Parce que les deux précédentes étaient plutôt soft à côté. Où est le mur ? Où sont les indigènes ? Ah ! Les voilà mes deux zigotos en combi ! Enfin, c’était pas trop tôt. Ils marchent sans trop de problème, assez vite, mais pas excessivement. J’ai juste mis plus de temps que je ne le pensais à rouler la tente. Où le sac me ralentit, allez savoir. Bref, il faut que je les rattrape. J’espère qu’ils sont au courant pour le monstre… Bien sûr qu’ils sont au courant, je suis con. C’est parce qu’il y a des monstres que leur petite aventure a lieu ici et parce qu’il faudra sûrement prouver sa valeur en les écartant du chemin. Attendez-moi !* Il accélère et les rejoins en quelques enjambées, en l’entendant venir, ils se sont retournés et l’ont attendu. Il récupère un peu de souffle et leur fait signe que c’est bon, ils peuvent repartir. La marche reprend son cours normalement. *Alors, je suis en retard ou p C’est bien Jacob tu as fait vite. Tu n’as pas rencontré de problème je suppose ? Non, en effet je n’en ai pas rencontré. Petit mouvement de la tête. Je commence à m’y faire à ce truc des pensées. Quoi que, je devrais peut-être lui dire que j’ai vu un truc courir dans leur direction et courir vite d’ailleurs. Je vais essayer de lui faire quelques signes en ce sens, on va voir ce que ça donne.* Il commence par lui montrer ces yeux, l’air un peu suspicieux. Il a vu quelque chose, comprend-t-elle. Lorsqu’il fait courir ses deux doigts sur sa paume et pointe la direction dans laquelle ils vont. Elle hoche la tête. *C’était quoi, tu sais ?* Il fait non de la tête. *J’ai pas eu le temps de voir, c’est passé trop vite. Mais ça avait l’air d’un truc a deux pattes. Après, j’en sais absolument rien. Je sais aussi, ma chère Ann, que tu sais précisément ce que ça peut être, mais que tu ne vas pas nous le dire, que tu nous réserves la surprise et même que tu y prends un malin plaisir, j’aim Ça avait l’air dangereux ?!* Jacob, surpris par la réplique de Marc, encore une fois beaucoup trop forte, fait une drôle de tête. Il lui faut un temps pour réagir et hausser les épaules en signe d’incertitude totale. *Bon, on n’a pas à s’inquiéter pour le moment. Et Marc, tu n’as pas besoin de crier pour te faire entendre de Jacob. Merci Ann ! J’espère qu’il va t’écouter… D’ailleurs, je viens de remarquer, mais… Tu nous tutoies depuis tout à l’heure ? Qu’est-il arrivé par la gente dame bien polie que j’ai rencontré tout à l’heure dans un café ? Élégante raffinée et anglaise ? Si elle s’est changée pour devenir une aventurière, elle a aussi viré son attitude de duchesse ? C’est bizarre, surtout avec un client. Je croyais plus ou moins qu’elle voulait qu’on soit plus familier, c’est plus facile, surtout quand l’autre peut pas répondre. Mais là, nécessairement, je trouve ça étrange. À moins que. Oh, mais oui ! Évidemment, la dame est anglaise, elle parle anglais. Le monde des rêves nous permet de nous comprendre car nos esprit parlent plutôt par des concepts qu’autre chose. Hors, le vouvoiement n’existe pas dans la langue anglaise, le concept même lui est étranger… Drôle, je n’avais jamais remarqué cela sur personne d’autre avant…*

Ils continuent d’avancer et Jacob oublie peu à peu son sac, le décor ne change pas vraiment, c’est une jungle, doublée d’un marais. Ils arrivent cependant rapidement à une rivière, trop profonde et trop large pour être passée à guet, avec un courant trop fort pour y passer à la nage. *En fait, tout ressemble à ces vieux décors de films d’aventure sans intérêt. Cette rivière je la connais parce que je l’ai vu cent fois. Il faut la traverser sur un radeau de merde et ensuite repousser les aligators, ou les autres monstres marins que l’on pourrait imaginer dans cette eau dégueulasse. Je crois que c’est le moment de se la jouer un peu badass et de passer l’obstacle en volant. Ça me pompera un peu d’énergie, mais je ne pense pas non plus qu’on en aura tant à dépenser après. Pour le moment, c’est plutôt soft co Bien, nous y voilà. Je pensais qu’on se retrouverais ici, quand nous aurions commencé à rassembler du bois pour faire le radeau, mais bon, Jacob est arrivé avant, ça ira donc plus vite. Jacob, tu veux bien nous sortir la corde ? Oui m’dame, sans problème. Je suis là pour ça.* Il pose le sac sur le sol et l’ouvre pour en sortir la corde, ravi de pouvoir poser ce poids quelque temps. Ann prend la corde et tous les trois commencent à chercher du bois. *Je devrais peut-être leur montrer que je peux voler de l’autre côté sans problème. On gagnerait un temps fou. Ouais, mais il faudrait que je fasse un aller retour et le problème, c’est qu’il ne faut pas quitter Marc un seul instant, question de protection. Il faut toujours que l’un de nous soit à côté au cas où. Ann me l’a expliqué quand elle était chez moi. Or, je ne pourrais pas porter les deux en plus du sac, ni même porter les deux sans le sac, trop risqué. Non, je ne vois pas de solution à ce problème. À moins que l’un ou l’autre ne sache voler aussi, après tout, je n’en sais rien… Quoi ?*

Marc le regarde à présent, intrigué, il a cessé de chercher du bois. *Tu es imperméable toi, non ? Euh, oui, oui, tout à fait, je peux aller dans l’eau aux alligators, mais j’ai pas tellement envie. De toute manière, ça change rien au courrant et… quoi, non mais arrêtez de me regarder comme ça vous me faites flipper. Ta protection, tu la contrôle n’est-ce pas ? Oui Ann, c’est le principe de mon pouvoir. Je suis un manieur. Pourquoi ces questions ? Vous commencez à m’inquiéter là… Elle peut changer de forme ? En une fois, oui, tout à fait, en ballon si je veux, ou en mur. Mais je ne vois pas en quoi ça peut vous être utile. Je… Hey, mais attendez… Je crois que j’ai une idée pour gagner un peu de temps… Non ! Je refuse ! J’ai encore une dignité ! Vous ne convaincrez pas de le faire ! Jamais !

… Putain, qu’est-ce qu’on ferait pas pour avoir un job… Pourquoi j’ai cédé ?
À présent, la bulle de Jacob est en mode mur, de deux mètres sur deux environ. Mais sa bulle est couchée à l’horizontale, posée sur l’eau, lui étant allongé à l’intérieur. Au dessus, Ann et Marc sont debout avec le sac, deux longs bâtons entre les mains pour pousser le radeau. *Je vous déteste. Bordel, qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? Ok, je suis le petit nouveau et il faut bien se bizuter les uns les autres de temps en temps, mais là, franchement. Je ne pensais vraiment pas à avoir à servir de radeau ! C’est… c’est humiliant. J’ai aucune dignité. Je suis le pur fruit du système capitaliste. Prêt à obéir à tous les ordres de mon employeur simplement parce qu’il a le pouvoir de me foutre à la rue. Et voilà comment les choses finissent en général. Rah, ils me le paieront un jour. Nan, mais je vous assure ! J’aurais mieux fait de m’envoler et de leur laisser construire leur truc en bois, de les attendre sur l’autre rive. Et en plus, comme ça, je vois leurs jambes… Je vais fermer les yeux et penser à autre chose. Oui, je crois que c’est une bonne idée. Même si je n’ai plus aucune dignité, je n’ai rien à faire d’autre que d’attendre qu’ils aient passé l’obstacle. Tient… Je suis dans la position dans laquelle je me suis endormis je crois. Oui, c’est bizarre, je suis presque sûr de sentir encore le corps de Cartel contre le mien. Je ne sais pas, c’est sûrement jusque que le souvenir est encore très récent et que mon esprit le garde en tête quelque part. Ça fait même pas une heure qu’on est là. Peut-être trois quart d’heure. Ou entre les deux, je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas encore tout à fait eut le temps de réaliser. C’était une vrai super soirée, une soirée comme j’en avais pas eu depuis longtemps. C’était beaucoup plus agréable qu’avec mes précédentes. Je n’ai pas trop eu à mentir ou à me cacher non plus… Sauf sur un point. Bordel, j’espère qu’elle ne va pas le prendre mal. Elle ne peut pas vraiment s’attendre à autre chose de toute manière. Elle habite à Paris. C’est loin. Et j’aurais pas les sous d’entretenir une relation à distance. Pas tout de suite en tout cas. Elle sait tout ça. Elle se doute que j’ai pas envie d’aller plus loin… C’est sûr, la revoir, je dirais pas non. Peut-être même avec son idiot de frère à l’occasion d’un verre ou d’une soirée entre ami. Et je ne cracherais pas non plus sur le sexe. M’enfin, je ne suis pas en état de mener une relation sérieuse. Elle s’en rendrait compte rapidement, je déprime trop facilement… J’ai l’intuition qu’elle va mal le prendre quand je lui dirais, quand elle partira, quand je la rappellerai pas. Je vais baisser dans son estime et atteindre en quelques instants le rang de sous-merde… Je suis un connard. Juste un putain de connard. Mais j’ai pas la force de me battre là. J’ai juste envie de fermer les yeux et d’attendre que ça passe. Merde, qu’est-ce que j’ai foutu moi aussi ! Je réponds à tous les clichés des mecs qui pensent qu’avec leur bite ! Sérieusement, je suis rien qu’une pauvre merde. Je m’en veux maintenant. C’est juste laid de traiter les filles comme ça. Elle le sait ouais, mais c’est pas pour autant qu’elle espère peut-être pas d’être un peu mieux traité de ma part. Surtout après qu’on se soit si bien entendu. Raaah ! Fais chier, j’ai cette nuit à finir, des heures et des heures de boulot. Ça va être long, et dur. Putain, j’ai juste envie que ça passe vite. J’ai envie de serrer Cartel dans mes bras aussi. Et ça fait mal en fait. Tout ça fait mal. Connerie ! Qu’est-ce que j’ai foutu. Rien qu’une merde. Rien qu’un sa Attention Jacob, on arrive sur l’autre rive. Rien à foutre ! continuez bordel. Laissez-moi juste rester là. J’ai plus envie de bouger, j’ai plus envie de ce boulot.*

La bulle heurte la rive et les deux autres sautent à terre et s’emparent du sac. *J’ai envie de crever, j’ai envie de dormir. Je voudrais dormir là, faire rien d’autre que dormir. Mais d’un putain de vrai sommeil. Marre de cette bulle, marre de Dreamland. J’en peux plus de leurs conneries. J’ai pas la force de continuer, j’ai pas l’envie, ça sert à rien. Je suis une sous merde. Toutes les nuits c’est la même chose. J’en peux plus. Je veux retrouver Cartel quelques instant. Mais je sais que ça ne durera pas. Je peux pas lui parler de mes problèmes. Je peux pas lui expliquer. Et puis je peux pas gérer une vie de couple, pas si je peux pas dormir à un moment ou à un autre. Merde, j’ai mal, déjà, et j’ai envie de pleurer, de rester là, de plus bouger. Barrez-vous, je veux être s Allez Jacob, reprends le sac et on y retourne. Oui, oui, d’accord.* À contre cœur, il se lève, remet le sac sur ses épaules. *Pourquoi je l’ai pas envoyé chier ? Pourquoi je suis pas resté là à rien foutre. Maintenant je vais passer une nuit à bosser alors que j’aurais pu rester immobile, laisser mes pensées dériver, plonger jusqu’au lit de cette rivière… Parce que je voulais pas avoir à m’expliquer avec elle. Ni ici, ni ailleurs. Je voulais simplement que les choses se passent bien. Et c’est plus simple de continuer à bosser et de dire plus tard qu’on ne veut plus du boulot. C’est plus simple d’obéir que de battre pour dire non. Oui, je suis un putain de lâche, en plus d’être un connard. Je déteste ça, mais c’est comme ça que ça fonctionne la vie. Je suis l’un de ces pourris. Allez, marchons, allons jusqu’au bout. Fermons les yeux, c’est rien qu’un sale moment, ça va passer, ça va passer. Tout va passer. À un moment ou à un autre, d’une manière ou d’une autre. Ça va passer…*

La piste continue entre les arbres et le marais et les guide tout droit. Ann et Marc se lancent dans une petite discussion sur le royaume qu’ils traversent. Mais Jacob n’écoute pas, il se contente de marcher derrière eux, à leur rythme, en supportant le poids du sac sur ses épaules, sans rien faire d’autre, perdu dans ses pensées. Mais celles-ci, alors qu’il les suit, commencent finalement à s’éclaircir et à ne plus être aussi noire qu’avant. *C’est bizarre, maintenant je suis prêt à faire ce qu’on me demande. Je n’ai pas le moindre enthousiasme pour aller faire de l’exercice, mais l’idée ne me rebute pas tellement. Ce sac est lourd, ouais, pour sûr, mais je m’en préoccupe pas, je le laisse peser sur mes épaules depuis tout à l’heure et du coup, je m’en sors. Après, si on me demande de me battre ou de remonter cette tente. Je le ferais, peut-être pas avec la motivation qu’on attendrait de moi, mais je le ferais. Je suis dans un état où l’effort, quel qu’il soit, ne me fait pas peur. Que ces monstres viennent et me frappent, je m’en fous. Je crois que je suis juste blasé. C’est pas génial, je sais, mais franchement, je m’en fous. Je vais laisser Cartel derrière moi, la planter là. Comme je l’ai fait avec toutes les autres. Je m’en fous. C’est triste, mais c’est comme ça. Ma vie continue, j’ai pas la force de prendre des initiatives, mais si on me dit quoi faire, je suis prêt à le faire. Marche et porte ce sac. Pas de soucis… Non, c’est pas bien. Je peux pas être comme ça, je peux pas être un pourris. C’est moche ce qui m’arrive, mais je ne devrais pas faire payer les autres. Parce ça, c’est vraiment nul. J’ai promis que je travaillerai cette nuit et je le ferais. Il faudrait que je puisse me remettre sur pied. Je peux pas mourir, pas ici. J’ai rien d’autre à foutre que d’attendre. Mais maintenant qu’il faut marcher, ça va mieux, ouais. J’ai envie de marcher, de continuer, sans m’arrêter. Je suis sur la bonne voie. Mais comment vous saviez que Jane allait se retrouver ici, dans ce royaume ? Bonne question Marc, c’est vrai que je ne me la suis pas trop posée en fait. Mais c’est plutôt évident comme problème quand on veut travailler sur des rêveurs. On ne peut pas vraiment savoir où il vont apparaître. On ne savait pas. Alors vous avez tout organisé à l’arrache, à la dernière minute ? Non, je n’y crois pas. J’ai même l’impression que vous saviez à quoi vous attendre exactement. Alors, comment a En fait, l’un des membres de notre équipe est un voyageur un peu particulier, il se téléporter d’un royaume à l’autre et transporter une personne avec lui. Il a d’autres capacités, mais celle-ci est sa principale. Il s’est endormis juste après Jane, l’a téléporté ici et nous nous sommes endormis ensuite. Voilà tout. Sûr que c’est pratique ça. Une bonne organisation. Ce type doit être le pilier de votre organisation. Il peut amener le rêveur à l’endroit où vous voulez sans problème. Mais bon, j’imagine que toutes vos missions ne sont pas aussi bien orchestrées.

Après tout, je pense que la plupart des clients veulent simplement qu’on leur assure une bonne nuit, sans cauchemar. Il suffit alors d’être présent, de les protéger. S’il apparaît dans un royaume cauchemar, on le téléporte ailleurs et le tour est joué. Quant à aller chopper des informations dans un endroit ou un autre, je crois qu’on a pas besoin de téléportation non plus. D’autant que ces missions doivent valoir plus cher, parce qu’elles sont plus longues et plus difficiles. Même sans lambiner, ce n’est jamais simple. Oui, c’est un bon pouvoir, mais je pense qu’on pourrait même s’en sortir sans lui. Un objet magique qui ouvre un portail entre un royaume et un autre ? Ça doit exister quelque part et Ann serait sûrement prête à l’obtenir en cas de besoin. Je me demande comment ce type a eu son pouvoir d’ailleurs, je ne suis pas certain de comprendre quelle peur peut amener à cela… La peur du voyage ? Ouais, peut-être bien. Putain, fais chier, une montée et une salope de montée même. Il y a bien une dizaine de mètres à grimper là. Et je ne parle que de la hauteur, la piste, elle, suit la côte, ça fait une diagonale et c’est plus long. C’est pour ça qu’elle voulait que je porte le sac, j’en suis sûr, c’était pour pas avoir à le faire quand le terrain monte. Je peux vous dire que c’est particulièrement harassant. Surtout, ne vous arrêtez pas pour moi, ne m’aidez pas, je m’en sort très bien tout seul ! Rah saleté. La jungle est moins dense remarque, il y a plus de soleil sur cette colline, ça fait du bien. Allez Jacob, tu y es presque au sommet. Ça fait quoi, une heure qu’on a quitté la rivière ? On va bien avoir droit à une autre pause non ?*


Enfin, Jacob rejoint les deux autres, qui se sont arrêtés au sommet de la côte, ils observent le paysage. L’intouchable s’arrête quelques instants avec eux et reprend son souffle. *Merde, l’air n’est déjà plus très pur à l’intérieur de ma bulle, moins frais, je le sens là. Ça va être compliqué de tenir toute la nuit. Je ne sais pas si je vais pouvoir le faire. Je vais m’accrocher, je vais y arr Vous voyez cette butte rocheuse là-bas ? Hein, quelle butte ?* Hume se prend à regarder le paysage avec plus d’attention. C’est une vaste jungle, les arbres recouvrent tout sauf quelques hauteurs telle que celle-ci. Il y a beaucoup d’eau et les marécages ou rivières semblent assez nombreuses, mais pas de manière excessive. Une fumée s’élève d’un endroit éloigné, comme s’il y avait un village. Impossible de savoir où est la piste plus loin qu’après la colline, la végétation est trop dense. Tout autour de cette jungle, il y a comme une chaîne de montagne, un rempart naturel en pierre. Pire, lorsqu’on y regarde de plus près, on comprend que la jungle s’enfonce toujours plus profondément, qu’elle se trouve dans une sorte de cuve géante. *C’est beau, un beau paysage. Mais Dreamland peut offrir de telles vues. Le problème, c’est ce qu’il y a sous ces arbres. Ça n’a l’air de rien, mais en réalité, ça grouille de saloperie cette jungle, j’en suis persuadé.* La butte que montre Ann se trouve près du centre du royaume, alors qu’eux-mêmes se trouvent plutôt au tiers du bord de la cuve par rapport à l’endroit désigné. *C’est là que nous allons, la piste passe par là. Elle traverse tout le royaume et c’est la seule qui le fait, peu de gens essayent de le traverser en général de toute façon. Une fois là-bas, on remontera la tente et on attendra les autres, qui suivent la piste dans l’autre sens, de l’autre côté. Ouais, ça me va comme programme on fait marcher les deux amoureux l’un vers l’autre. Moi, je trouve que c’est une bonne idée. Le problème se trouve évidemment dans cette fumée là-bas. Ça ne ressemble pas à un royaume de la zone 1. Il n’y a pas de rêveurs à l’horizon. Ni à un de la zone 2. Il n’y a pas de voyageurs et les créatures des rêves se cachent. Ça m’a tout l’air d’être du bon royaume bien hard. Genre 3 ou 4. Ce qui veut dire que si on doit se battre, ce sera pas de la tarte. D’autant que si j’ai bien compris, on est que deux à pouvoir le faire correctement dans les parages. Non, s’il y a quelque chose ici, j’ai bien peur que ce ne soit forcément quelque chose de vraiment pas sympa. Sans parler du reste des monstres qui vivent dans la forêt. Pas une partie de plaisir d’aller là-bas, c’est moi qui vous le dit. C’est quoi cette fumée là-bas ? Je veux pas savoir Ann, je veux pas savoir, c’est pas sur notre route. C’est pas important, c’est loin de notre route, on ne doit pas s’en préoccuper. Allons-y, le chemin n’est pas de tout repos, mieux vaut ne pas prendre de retard. Oui, je suis on ne peux plus d’accord. Plus vite on sera à l’autre bout, mieux ce sera.*

Ils se remettent en route pour descendre la petite colline et s’enfoncer de nouveau dans la jungle. Mais rapidement, Ann et Marc repèrent un bruit, Jacob met un peu plus de temps à voir quelque chose arriver en trombe vers eux. *Les monstres s’invitent à la fête. C’est maintenant que les choses sérieuses commencent.*
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Jacob Hume
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Arpenteur des cauchemars
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptyLun 9 Juil 2012 - 13:08
6.


*Ça c’était rapide et efficace ! Bordel, j’ai rien vu venir.* Jacob se relève le plus adroitement possible en replaçant le sac sur ses épaules, puis aide Marc a faire de même en lui tendant la main pour qu’il s’en saisisse. Le monstre est sorti de la jungle à toute pompe, avec sa large masse frontale ornées de trois cornes dirigée droit sur eux. Pas assez rapide, Marc se serait sûrement fait embrocher par la charge, Jacob, avec ses bons réflexes se seraient probablement fait jeté à terre et avec un peu de malchance, piétiné par l’animal préhistorique. Mais Ann, elle, a réagit avant, mieux et de façon surprenante. Voyant le monstre arriver, elle a poussé d’une seule main les deux hommes, alors que la bête surgissait devant eux. Puis, elle est restée debout devant lui jusqu’au dernier moment, ce qui n’a pas duré plus d’une seconde. Au moment où le monstre allait la toucher, elle a sauté et il est passé sous elle, sans comprendre ce qui lui arrivait. Le temps qu’il se retourne et que les autres puissent tourner leur regard vers lui, elle a déjà invoqué un singe qui ressemble à un orang-outan en costard et avec des lunettes de soleil. L’invocation est apparue juste à côté du monstre et l’a attrapé par les cornes. Enfin, avec une force herculéenne, le singe a sauvagement brisé le cou du tricératops, mettant un terme à son existence. Une fois que les deux hommes, surpris et ébahis devant l’efficacité de l’invocatrice, sont relevés, Ann renvoie l’orang-outan en flattant ses longs poils roux pour le remercier. Derrière la combinaison de l’anglaise, ils n’ont aucun mal à décerner un sourire amusé devant leurs expression. *Ann déchire. Elle a poussé deux hommes adultes, probablement plus lourds qu’elle pris séparément, au sol à plus d’un mètre de distance de leur position originale. Et elle vient de détruire un monstre en quelques secondes. Un putain de dinosaure, un vrai de de vrai, comme dans Jurassic Park. Putain, elle aurait tellement foutu la honte à Spielberg. A tous les fans de dinosaures, vous tous les Ross et autres petits enfants dans l’âme, changez de passion. Les singes sont six fois mieux. Putain ! Je ne crois pas avoir déjà été en présence d’un voyageur aussi puissant. Je veux dire, beaucoup d’autres auraient pu vaincre ce monstre, beaucoup auraient pu en venir à bout, et moi aussi peut-être, avec une arme cependant. Mais là… Pas une hésitation, pas une erreur, juste une coordination monstrueusement parfaite. Elle l’a étalé plus vite que Nadal étale un adversaire à Roland Garros, plus vite qu’Usain Bolt, plus vite que la fusée Arianne. Elle aurait pu l’abattre au AK47 que ça n’aurait pas été plus net et efficace. Une tuerie cette femme. Respect absolu.

Je me sens tout petit maintenant à côté d’elle, tout penaud. J’ai beau ne pas être dans les derniers des voyageurs, je ne suis qu’un moucheron par rapport et elle et je dois dire que
Waaah ! Ann ! C’était trop bien ! Vous êtes trop forte ! Vous l’avez tué en un clin d’œil ! C’est absolument génial ! Je suis fan ! Il faudra que vous m’appreniez comment vous faites ! Aïe, ma tête. Ce con a oublié de débrancher son micro avant de parler. Et même s’il n’a pas tout à fait tort, je sens qu’il va finir par taper sur le système à hurler dans mon crâne de cette manière. Ann a l’air hyper satisfaite d’elle en plus. Après tout, il y a de quoi. Personnellement, si je n’avais pas eu ce sac sur le dos, j’aurais imposé un mur à ce monstre pour l’arrêter, enfin, si j’y avais pensé à temps. Ce qui n’est pas le plus évident en fait. On a rarement tout de sui Merci Marc, c’est gentil de ta part. Mais ne traînons pas pour autant, mieux vaut se mettre en route, la nuit n’est jamais aussi longue qu’on le voudrait. Bien heureusement tien qu’elle ne l’est pas ! C’est la merde de trop dormir. En tout cas pour moi. Si ça me suffisait, je ne dormirais qu’une heure ou deux par jour et j’exploiterais à fond le reste du temps. C’est pas le cas hélas et je crois que la nuit va être longue pour moi. Allez reprenons la route.*
Tous les trois continuent donc à avancer sur la piste qui redescend de nouveau la petit hauteur pour s’enfoncer encore une fois dans la jungle. Alors que Jacob essaie de se réhabituer au poids du sac et à sa répartition la plus adéquate, Marc profère une longue litanie de compliments qu’Ann accepte poliment, en restant concentré sur ce qui les entoure.

*Finalement, c’est bien la jungle de King-Kong. Il y a tous les dinosaures qu’il faut. À présent je comprends toute la difficulté de la tâche qui nous a été confiée. Traverser un monde de cette trempe, ce n’est pas de tout repos. Il va sûrement falloir, pour que je puisse faire mes preuves, me montrer plus puissant que je ne le suis. Ou me donner à fond, jusqu’à la dernière goutte d’énergie plutôt que de se contenter de mes performances habituelles. Après ce qu’elle vient de faire, il va être très difficile de se montrer à la hauteur de ses attentes. En réalité, elle ne doit pas s’attendre à ce que j’atteigne un niveau équivalent au sien en une nuit de combats. Mais si je peux au moins lui montrer que je suis plus utile que simplement pour porter un sac et faire le radeau. Assez efficace pour écarter deux ou trois monstres, protéger le client. Parce que même si elle peut sûrement éliminer trois ou quatre monstres à elle toute seule, personne ne peut tout faire contre une horde. Se protéger et protéger les autres en même temps, cela devient impossible. Peut importe qui l’on est et les pouvoirs que l’on a. Même avec mon mur, je ne pourrais jamais faire les deux. Il y a sûrement un moment cette nuit, où plutôt que de me pousser sur le sol, elle me laissera me battre, ou sera contrainte de le faire. À ce moment là, elle se rendra compte qu’elle a engagé un bon élément et elle voudra me garder. Même si, bon, je doute de me montrer très efficace ce soir. Elle aura la vedette, c’est entendu. Mais j’aimerais bien une petite médaille d’argent. Comme un emploi par exemple ? Plus j’y pense, plus je crois que c’est une véritable bonne idée en fait. Ne serait-ce que pour tout ce que Ann peut m’apporter en dehors de l’aspect financier : une formation digne de ce nom, découvrir de nouveaux mondes – peut-être retrouver celui de mon seigneur cauchemar favori -, m’assurer une protection suffisante pour ne pas m’en prendre trop plein la gueule à chaque fois qu’il y a du grabuge. Et dernier point important : un peu d’air par rapport à Ed, qui peut être plus qu’étouffant parfois. Je l’adore, mais lorsqu’on fait des aventures ensemble, c’est un peu toujours la même chose. Non seulement, ça ne s’arrête pas, aucune pause n’est possible, mais il m’entraîne bien souvent dans des problèmes toujours plus grands encore. En fait, on ne résout pas les problèmes, on les crée avec lui. Je l’adore, c’est vrai, c’est mon acolyte, je ne l’abandonnerai pas. Mais des fois, je ne peux plus supporter son comportement un peu trop volontaire. Ah ! Il faudrait vraiment qu’elle accepte de m’embaucher. Ce serait le pied. Comme ça, je pourrais peut-être offrir un truc à Cartel pour me faire pardonner.

… Il y a vraiment des fois où je suis con. Allez, oublie ça, passe à autre chose. Elle juste trop jolie… Rah ! Oublie crétin. Elle est parfaite ouais, mais toi tu débloques. Suicide-toi dans le monde des rêves et on en reparlera. Et puis, c’est la sœur de Ed, il faut pas que tu l’oublies pas encore. Tu as déjà fait assez de conneries comme ça. Va pas en rajouter. Va pas risquer le peu que tu as pour une histoire dont tu sais qu’elle ne finira pas bien. Des kilomètres de distances, une dépression chronique sur les bras et des sautes d’humeur insupportables. Le tout pour s’oublier grâce au sexe. Voilà ce que tu as fait, une fois de plus. Tu as cherché à échapper à tes problèmes par le sexe. Et ça a très bien fonctionné, pour quelques heures. Mais des problèmes en plus, ce ne serait pas possible à gérer. N’y pense pas. Elle... Pense à autre chose ! N’importe quoi ! La jungle ! La jungle elle est… elle est… Dense ? Ouais c’est déjà pas mal. Dense et quoi d’autre ? Il y a quoi d’autre qui est dense… Il y a quoi d’autre qui flotte ? Un canard ! Héhé. Il était con ce film. Bon, j’en étais où ? Ah oui, Cartel. Enfin, non, ne pas penser à ce que je viens de faire. Ça me donne juste envie de pleurer, ça sert à rien, donc, la jungle ! Oui, la jungle, voilà. La jungle avec des dinosaures, des monstres, la jungle dangereuse. La jungle où il y a un truc qui bouge… Un truc qui bouge ? Qui court, toujours en longeant la piste ? Bordel ! Mais c’est encore là ce machin ! Ann ! Ann ! Merde, elle m’entend pas. Et c’est qu’elle a pris de la distance en plus ! Je vais me faire attaquer parce que je suis à la traîne. Raah ! Du nerf Jacob ! Allez, rejoins-la préviens-la !*
Jacob se remet à trotter pour rejoindre les deux autres, se perdant un peu dans ses pensées, il n’a pas suivi tout à fait le rythme et a été retardé. Autour de lui, il voit des ombres mouvantes sur deux pattes. Le même type que tout à l’heure, mais il y en a plusieurs cette fois. Impossible de déterminer exactement ce qu’elles sont, juste une impression fugace et quelque peu terrifiante. Il a l’impression qu’en effet, on le suit, on le traque, qu’on suit son rythme de course comme pour voir ce qu’il fait. *J’aime pas ça, c’est juste hyper stressant. Ann doit pouvoir en venir à bout en quelques secondes, bien sûr, mais moi, je suis vulnérable tout seul dans mon coin… Enfin, pas tellement, cette fichue bulle est une vrai salope en matière de protection. N’empêche que je vais sûrement morfler si je ne les rattrape pas vite.* En quelques pas, néanmoins, il est au niveau des deux autres. Il n’a pas compté combien de temps est passé depuis qu’ils ont quitté la colline, mais elle n’est déjà plus visible. Il tapote l’épaule d’Ann pour la prévenir, en lui montrant la forêt. Elle acquiesce tandis que Marc, inconscient du danger, continue de parler. Elle murmure dans son micro. *J’ai vu, il ne faut pas s’inquiéter pour le moment. Ils jaugent notre capacité à nous défendre, ils attendront sûrement que d’autres montres viennent nous affaiblir avant d’attaquer. Ce sont des créatures prudentes. Si vous le dite. N’empêche, ça fout un peu les jetons ! On ne vois pas bien leur nombre, mais on voit que si un part un ce n’est pas grand chose, dès qu’ils sont en groupe, ils sont tout de suite plus puissants. Cette fois-ci, il n’y a pas moyen, je reste avec les deux autres. Je les laisse pas tomber. Ou plutôt, je m’en éloigne pas. Le groupe, c’est la sécurité.*

Le temps passe et la piste devient de plus en plus tortueuse, suivant des virages toujours plus importants, s’enfonçant toujours plus profondément vers le cœur du cratère. Ils marchent pendant un long moment, Jacob aux aguets, Ann concentrée mais sûre d’elle-même, Marc continuant de parler des voyageurs les plus impressionnants qu’il ait jamais vu dans le DreamMag, ou dont la chance lui a été donné de croiser, voire même de se battre sous ses yeux ébahis. C’est ainsi que l’intouchable apprend que le client n’est à Dreamland que depuis six mois et qu’il ne s’est pas battu une seule fois encore, mais qu’il s’est entraîné un peu avec un autre voyageur. Marc n’a pas de groupe de voyageur, il suit sa route seul, croise des connaissances et les recroise plus tard. Il n’est jamais sorti de la zone 1, jusqu’à cette nuit et n’a donc pas l’habitude des aventures de ce type. Mais il a néanmoins vu, une fois ou deux, de très bons combattants qu’il a admiré avec ferveur. Bassement classé, il rêve d’avoir un jour une place d’importance dans la ligue S, mais ne se fait pas d’illusions et par conséquent, ne fait rien pour grimper. Son pouvoir est celui des autoroutes. Ils ne sait pas trop comment s’en servir et Jacob se demande comment cela peut se traduire. En revanche, il est assez drôle de se dire qu’avant d’être voyageur, jamais le jeune entrepreneur n’avait osé franchir le pas d’aller conduire sur les voies les plus rapides de France. *Highway to Hell hein ? Si ça se trouve, il peut créer des morceaux d’autoroutes, des putains de machin en béton armé. Ou faire apparaître des voitures qui viennent rouler sur ses adversaires à 135 kilomètres/heure (Tout le monde sait qu’il est très difficile de rester au dessous 130 une fois qu’on y est, à moins d’un embouteillage). Étrange pouvoir donc. Mais comme il ne sait pas vraiment s’en servir, je ne risque pas de le voir cette nuit. Et probablement jamais. Parce que si notre bonhomme n’apprend pas à se battre, il ne survivra pas éternellement à ce monde. Même avec la chance des débutants, il n’est pas dit que demain il ne tombera pas sur un gros crétin qui a décidé de faire son quota de meurtre sur les petits nouveaux, histoire de rentrer dans les statistiques. Et là, c’est le drame. Il n’y aura plus, ni Ann, ni moi pour le protéger. Et en même temps, il rêve de monter dans le classement, d’être plus fort, plus renommé que les autres. Personnellement, si je comprends l’idée de vouloir être suffisamment puissant pour se défendre, je n’ai pas non plus envie de viser la ligue S. Je m’en sortirai très bien en restant à ma place. Ann n’est pas dans la ligue S non plus. C’est un monstre pourtant. Mais elle a dû travailler dur pour en arriver là. Lui, il essaie même pas. Théorème de Thomas. Il croit qu’il n’arrivera jamais à faire aussi bien que les autres. Du coup, il n’essaie même pas. Du coup, il n’arrivera jamais à faire aussi bien que les autres. C’est une saloperie de mécanique psychologique. Il faut toujours garder de l’espoir. Sinon, on arrive à rien… Merde ! Une autre rivière ! J’espère qu’on ne va pas devoir me remettre en mode radeau ! C’est finit ces histoires maintenant.

La piste passe sur un gué, nous devrions pouvoir passer sans problème, le courant n’est pas trop fort. Mais la rivière abrite quelques monstres, faîtes attention. Bon c’est déjà ça, pas de trip kayak pour Jacob pour l’instant. En revanche, des monstres auquel il faut faire attention. Des crocodiles sûrement, ou des méchancetés préhistoriques, à voir. Allez, je vais parier sur les aliga Jacob, passe en premier, Marc après toi, je fermerai la marche. Chef, oui chef. Je vais servir d’appât pour vos gentils petits singes. Et je vais même vous montrer que je peux protéger ce sac sans votre aide. Bon, peut-être pas non plus, mais je ne vais rester optimiste pour une fois. C’est une chance de faire mes preuves que l’on m’offre et il faut que je la saisisse.*
Jacob avance donc dans la rivière, qui n’est effectivement pas très profonde et lui arrive au niveau du haut des cuisses à cet endroit. *J’avoue, un des autres avantages de la bulle, c’est que je ne risque pas d’être mouillé. Ma bulle le sera, mais moi, je n’aurais pas la désagréable impression d’être tout trempé.* Il commence à avancer dans l’eau en prenant garde à ne pas laisser le sac être mouillé et à ne pas tomber. La rivière est faite d’une eau sale et on ne voit pas ce qu’il y a à plus de dix centimètres sous la surface. Impossible pour lui donc de distinguer où il met les pieds. Il avance donc laborieusement mais avance néanmoins. *Les choses se passent bien, pas de monstre à l’horizon et le passage a l’air facile. Plus qu’une dizaine de mètres de je saurais sur l’autre rive. Bon, j’avance comme tous les cons qui sont piégés dans l’eau. C’est vrai que c’est un peu la merde quand même, je devrais pouvoir traverser ça mieux que les autres pour que ce soit intéressant d’avoir une bulle. Là j’ai l’air d’un joueur de beach volley qui va cherché la balle qui s’est échappé jusqu’à l’eau. Pas envie de nager, mais galérant pour marcher jusqu’à sa destination. Oh, ça bouge ! Attention !* Jacob se tient prêt, il est figé au milieu de la rivière, de l’eau jusqu’en haut des cuisses. Sur sa droite, quelque chose nage rapidement vers lui, l’air menaçant. Un type de petit dinosaure marin assez gros cependant pour avoir l’air d’un hippopotame, ou au moins en avoir la taille. Le monstre avance vite et finit par sauter sur Hume, la gueule béante de crocs. Le voyageur, confiant, se prépare à lui envoyer un bras de sa bulle dans la bouche, pour le faire choir et le repousser. C’est inutile, l’orang-outan en costume est déjà sur l’ennemi, avant même que Jacob n’ait pu tenter de quoi que ce soit, et le tue en lui écartant un peu trop la mâchoire. *Raaah ! C’était pas utile Ann, je gérais. En plus, ton singe est tout sale maintenant. C’est con, avec un beau costard comme ça ! Comment je vais faire mes preuves moi si tu sors tes invocations avant que le combat ne puisse commencer ? La pro Allez Jacob, continue d’avancer. Marc vas-y, je te couvre. Oui, oui, c’est bon, j’y vais. Et je vais me contenter de marcher donc, puisque mademoiselle s’occupe de tout. Vraiment ces anglais, ils font tout de travers !*

Jacob avance donc vers l’autre côté tranquillement sans se soucier du moindre danger. L’orang-outan s’est suspendu à une liane pour mieux surveiller la rivière. Bientôt, un autre monstre apparaît, suivi de près par un troisième. Marc est tétanisé par la peur, mais en quelques instants à peine, le singe s’en occupe. La quantité l’empêche de les détruire aussi vite qu’il ne s’est occupé des deux dinosaures précédents, néanmoins, il reste assez fort pour les repousser tous les deux sans se faire dévorer. *Allez Marc du nerf ! Avance, on va pas y passer la journée !* pendant que le combat fait rage, Marc se décide enfin à avancer et permet ainsi à Ann d’y aller à son tour. Un autre monstre arrive de l’autre côté, pendant que l’orang-outan s’agite toujours avec ses deux victimes. *Ann, Marc attention ! J’arrive !* Inutile, le geste amorcé par Jacob pour se jeter une nouvelle fois à l’eau et attraper le monstre ne peut devancer la seconde invocation d’Ann, qui, à peine apparue, lance les deux lianes qu’elle a sur les mains et emprisonne la créature, la serre jusqu’à ce qu’elle se brise. C’est un chimpanzé en T-Shirt « I love N-Y » avec une casquette des Yankees. *On dirait presque bébé Donkey Kong dans les jeux Nitendo, mais en carrément plus féroce. Un bel animal en tout cas et une invocation pratique avec ces lianes. Ann est vraiment surefficace. Je ne vois même pas ce que je fous là. À part porter le sac en fait. L’orang-outan vient de finir et je ne crois pas que les autres monstres aient envie de venir maintenant que nos deux flancs sont protégés. Tient le singe en costume a reçu une petite morsure sur le bras. Il n’a pas l’air d’aimer, mais il n’a pas l’air vraiment gêné non plus. Je me demande combien d’invocations elle a et elle peut appeler en même temps. Et quelles sont leurs propriétés respectives. Une invocatrice de singes, c’est quand même bien la classe. Elle gère à mort. Je suis déçu de pas pouvoir faire mes preuve, mais tout de même, on ne voit pas des gens se battre comme ça tous les jours. Allez Marc prend ma main, tu y es.* Jacob aide Marc à monter sur la rive tandis que Ann, sereine, les rejoints sans problème quelques secondes plus tard. Les deux invocations passent le reste de l’obstacle au moyen des lianes, mais finalement, elle les renvoie en les remerciant avec des bananes. *Décidément, c’est cliché c’t’affaire ! Surtout le singe new-yorkais. C’est censé représenter un machin de Central Park ? Peut-être bien en fait. Mais bon. Les voilà partis. On les reverra sûrement, je ne me fais pas d’illusions sur la question. C’est pas comme si on avait pas encore fait la moitié du chemin, mais en fait si. On devrait peut-être accélérer le mouvement d’ailleurs. Parce que là… m’enfin, c’est Ann la chef, elle est aux commandes, elle voit. Et ce sac commence à être lourd. Pourquoi Marc ne le porterait pas, il fait rien lui ! Moi je sers de larbin, toi tu te bats, il pourrait bien porter le sac non ? Bah, c’est pas grave, continuons. Je supporterais ce qu’il faudra.*

Le groupe poursuit sa route dans la jungle. Plus ils s’enfoncent vers le cœur du royaume cependant, plus les monstres semblent nombreux. Jacob ne les entends pas, mais de temps à autres, Marc, inquiet, s’arrête et regarde dans une direction pour tenter d’apercevoir quelque chose. Au bout de la quatrième fois, Ann et Jacob décident le pousser à avancer à chaque fois qu’il s’arrête, ils sont sur le coup. Ou plutôt, Ann est sur le coup. Car si trois autres attaques ont lieu dans l’heure suivante, chaque fois l’affaire est réglée de la même manière, un orang-outan ou un chimpanzé apparaît et détruit les assaillants dans un combat aussi bref qu’intense, récoltant au passage une ou deux égratignures de plus. Ce qui sort des bois ? *La panoplie Jurassic Park au grand complet. Même les herbivores nous en veulent visiblement. C’est grand, c’est dangereux et ça veut nous tuer. Bienvenue dans un royaume cauchemar de Dreamland. M’enfin pour le moment, en compagnie de Ann, c’est un royaume promenade. Je suis trop déçu. Elle se fait tous les monstres. Même lorsqu’ils sont plusieurs. Ses singes sont juste hyper efficaces et ils m’écartent du combat quand j’ai envie de m’y mettre. C’est presque pas juste. En même temps, c’est très con, d’ordinaire, je n’aime pas trop me battre. Mais là, j’aimerais au moins montrer ce que je vaux. Et tout ce que je peux faire, c’est porter un sac et applaudir avec Marc. Certes, il y a de quoi applaudir, mais tout de même. Je me demande où sont les épreuves que notre homme doit traverser pour rejoindre sa belle et s’assurer de son amour envers elle s’il est hors de danger. Je croyais qu’il devrait un peu se battre et qu’on devrait le babysitter. Mais en fait, on suit une piste et on attend de temps à autres que les créatures sortent du bois pour y retourner la queue entre les jambes. Va falloir qu’on m’explique où est la difficulté là…* En effet, alors que les combats de Ann se poursuivent tranquillement, Marc et Jacob finissent par ne plus s’inquiéter et regarder les monstres se faire écraser sous leurs yeux, en se plaçant simplement à l’écart pour ne pas être touchés par un coup involontaire de l’un des singes. Pourtant, les singes s’éreintent au fur et à mesure de leurs batailles. Ils sont de plus en plus essoufflés et leurs actions commencent à être moins probantes. Progressivement, les invocations faiblissent. *Elles ont encore de la réserve cependant et je doute qu’Ann n’ait pas d’autres cartouches en stock. Probablement même qu’elles sont plus ou moins aussi puissantes. Je dis qu’ils gagneraient sûrement à travailler plus souvent l’un avec l’autre que l’un après l’autre, mais ce n’est pas moi qui voit. Ann sait ce qu’elle fait, ça crève les yeux… et ça défonce des monstres. Allez Marc, on continue d’avancer. On y sera jamais sinon.*

Après cette série d’attaques, le groupe parvient à un virage qui bloque complètement la vue pour la suite des événements. Protégés par Ann Darrow, personne ne s’inquiète vraiment de ce qui peut se trouver derrière et ils avancent sans prudence. Mais une fois le virage passé, la piste, qui suit alors une longue ligne droite, est occupée par une dizaine de créatures des plus étranges. Elles ressemblent à des hommes, mais conservent les oreilles pointues propres aux créatures oniriques et semblent dotées d’une pilosité imposante. Ils portent des peaux de bête pour tout vêtement, sont munis de lances de bois taillés ou auxquelles on a greffés des pierres pointues. Ils sont sales et ils menacent le groupe avec leurs armes et des grognements. La plupart ont des peintures sur leur visage à mi-chemin entre le signe et l’homme, mais l’un d’eux probablement le chef, a porte un masque de bois censé représenter la tête d’un homme avec la bouche ouverte en forme de « O ». La plupart ont des colliers en os d’animaux. *Je le savais, des hommes des cavernes ! Bordel, c’était donc bien ça tout à l’heure dans la forêt ! Ils nous observent depuis tout à l’heure. Non, ils nous chassent. Ils ont dû repérer que les invocations de Ann n’étaient plus tellement en état de se battre aussi bien qu’au début. Ils doivent estimer qu’ils peuvent en venir à bout à présent, nous autres n’avons pas montré le moindre danger. Peut-être que c’était ce que voulait Ann après tout, qu’ils croient à notre faiblesse pour qu’ils arrivent avant qu’elle n’ait dévoilé toutes ses cartes ? De la même manière, m’empêcher de me battre afin qu’ils ne se doutent pas que je vaux quelque chose. C’est une bo C’est maintenant que les choses se corsent. Jacob assure-toi que le matériel est en sûreté, et surveille Marc. Je m’occupe d’eux. Ah bah non, finalement, il ne semble pas qu’on soit invités à la fête. Il faut juste être plus prudent qu’avant ? Voilà les deux singes en action. J’ai l’impression qu’ils sont un peu crevés, mais c’est pas grave. Le combat va commencer à présent et… Ann a l’air de vouloir se jeter à l’assaut aussi. Plus il y aura de bras après tout. Ils sont dix contre trois, mais je crois qu’elle va les rétamer assez simplement. Elle a parfaitement les capacités pour les arrêter. Surtout après tout ce qu’elle a déjà… Oh, merde. Non, il ne sont pas qu’une dizaine. Il y en a plein qui arrivent par la forêt ! Merde ! Bordel, ils nous cernent ! Ils doivent bien être un trentaine ! Ann ?! Qu’est-ce que je fais, je m’envole avec Marc ? Je combats ? Bordel ! ANN ?!*

Les créatures des rêves se précipitent à présent vers eux, mais Ann ne semble pas disponible pour les aider. Ses deux invocations viennent d’apparaître à côté d’elle et elle-même semble s’être préparée au combat tandis qu’une partie de la tribu s’en prend à elle. Jacob est donc seul pour s’occuper des créatures qui encerclent leur position et tentent de les prendre à revers. *Protéger les affaires, protéger Marc, ce sont mes ordres. Mais comment je vais faire pour repousser ces monstres-là ? C’est pas qu’ils sont plus nombreux et armés et que je ne suis pas un ninja, mais tout même. Allons Jacob ! Du nerf, tu voulais faire tes preuves te montrer utile ? C’est le moment. Il faut saisir l’occasion. Bon, qu’est-ce que je fais. Je pose le sac et un mur ? Non ça en bloquerait quelques uns, mais je ne pourrais pas protéger réellement le sac et le client. Mauvaise idée. S’envoler ? Non, pas non plus la solution. Déjà, parce que ça reviendrait à abandonner Ann à son sort, idée que je n’aime pas et qu’ensuite, je serais complètement vidé parce que porter Marc et ce sac en même temps ce serait un peu trop pour moi. D’autant plus que je ne ferais pas mes preuves au combat, simplement en matière de fuite et d’abandon. Pas la bonne solution. Bien, il va donc falloir que je fasse ce que je fais le mieux, que j’encaisse et que je frappe, c’est pas comme s’ils pouvaient me faire mal de toute manière. Enfin si, mais ils ne me tuerons pas. Et si j’en occupe une bonne partie, Ann pourra sûrement venir me prêter main forte. Venez donc hommes des cavernes ! Je suis prêt.* Les embusqués finissent par arriver à son niveau. Il recule d’un pas et pousse Marc entre lui et la patronne de la SDC qui est déjà en train de combattre et de repousser les assaillants de son côté. Ignorant les plaintes craintives de Marc, Jacob place son bras en avant pour viser, prêt à frapper le plus proche avec un bras invisible. Mais une fois encore, le chimpanzé surgit à ses côtés et use de ses lianes comme des fouets pour lacérer les visages et les corps des ennemis. *Cette fois, j’en ai marre ! Il ne me volera plus la vedette. Ann s’expose trop en envoyant ses singes partout. Je gage qu’il y a ici des monstres plus puissants que cette tribu et il lui faudra toute sa force pour les combattre. Marre d’être relégué à l’arrière. Cette fois, j’interviens. Ils sont trop nombreux, même pour ce singe.* Jacob ignore donc le singe, l’aide est bienvenue pour maintenir ce front, mais il ne va pas le laisser faire tout le travail. Il vise l’une des créatures qui attaquent sur le côté, la touche en pleine face et celle-ci s’écroule, sonnée. Il se tourne de l’autre côté, la prochaine est plus proche, il n’a pas le temps de viser. Il lui envoie un premier bras dans le ventre, ce qui stoppe sa course et en envoie un autre sur le nez, pour la sonner elle aussi. Il ressent un choc étrange sur le mollet, comme si on avait essayer de le piquer sans parvenir à transpercer la peau, comme si un adversaire l’avait touché à l’escrime. Un regard vers le bas et il voit une lance échouée à côté de lui. *Intouchable les enfants, vous n’arriverez à rien de cette manière.* Il envoie donc un bras dans la tête du lanceur, derrière lui et celui-ci recule, mais n’est pas vaincu. Jacob insiste avec un second, puis un troisième coup. La créature est déstabilisée.

Dans le même temps, de l’autre côté, les créatures en ont profité pour avancer et celle qu’il avait touchée pour se relever. Trop proches pour qu’il puisse les repousser comme il l’a fait jusqu’à présent. Il s’assure donc que Marc est toujours protégé derrière lui et il laisse le premier lui foncer dessus avec sa lance, inutile de se laisser prendre une seconde fois, il s’écarte, attrape l’arme au passage et finit par donner un coup de poing à l’assaillant, assez fort pour qu’il recule de plusieurs pas en lâchant son arme. Un autre lance lui touche violemment le bras gauche sans qu’il n’y fasse réellement attention, ce ne sont que des bleus. L’intouchable, avec l’arme qu’il vient de prendre, frappe un autre adversaire et lui brise l’épaule en abattant le manche de celle-ci sur la cible indiquée. D’un coup de pied, il repousse un autre homme des cavernes onirique. Il se retourne juste à temps pour parer avec le bras une nouvelle attaque qui menaçait de l’assommer, lancée par une massue. *Encore un bleu.* Songe-t-il en plantant sa lance dans le ventre de l’assaillant pour s’en débarrasser. Le problème est cependant que la plupart des créatures qu’il touche finissent par se relever. Trop nombreuses, elles ont l’avantage et il ne peut les repousser seul. Le chimpanzé un peu plus loin devant lui a déjà reçu deux plaies assez importantes, qui saignent dangereusement. Il se défend néanmoins avec talent et repousse les adversaires qu’il n’étrangle pas. L’orang-outan à moins de mal, ses coups surpuissants explosent ses adversaires, leur arrache des membres et les met hors combat sans la moindre difficulté. Ann, quant à l’elle, s’est saisie d’une arme aussi et avec une adresse plus que talentueuse se bat contre trois adversaires déroutés par ses techniques de combats trop développées. *Je suis seul, personne ne viendra m’aider avant un moment. Il faut que je sois plus féroce avec ces créatures, sinon, je ne m’en sortirais jamais et Marc sera rapidement condamné par ma faute.* Avec sa lance, l’intouchable transperce un nouvel adversaire, acceptant d’encaisser le coup de lance de son côté, puisque protégé par sa bulle. Encaissant quelques attaques de plus, il parvient à éliminer cinq adversaires en les blessant trop gravement pour qu’ils puissent se relever ou en les tuant carrément. Cela fait, il se rend compte qu’en tout, près de la moitié du clan, soit une petite vingtaine d’ennemis, est étalée sur le sol. Les créatures hésitent alors à revenir à la charge. *Merde ! Marc !* Jacob se précipite, dans le chaos du combat, il s’est un peu éloigné du jeune voyageur et celui-ci est en difficulté contre un adversaire téméraire, tenant fermement la lance de celui-ci pour le maintenir à distance alors que ce dernier semble vouloir le croquer, les deux luttant déjà au sol. D’un bond légèrement aidé, Hume se précipite et envoie son pied dans la tête de la créature des rêves ce qui l’écarte de Marc. Surprise, elle regarde son nouvel ennemi. Mais Jacob est trop rapide, avant qu’elle n’ait pu réagir, il lui a déjà transpercé le poumon en la clouant sol et a tendu une main à Marc pour l’aider à se relever.

S’en suit alors un jeu de regards qui dure une petite minute. Le chef du groupe se trouve face à Ann, ayant l’air d’avoir pris un coup sévère à l’avant bras, le reste de ses troupes les encerclent, un peu nerveusement, sans trop savoir ce qu’il faut faire. Les deux grands singes n’attaquent plus et se montrent prudent, ils ont récoltés des blessures, pas trop graves, mais qui paraissent douloureuses quand même. Marc s’en est tiré indemne, mais il est très impressionné par ce qui les entoure. Quant à Ann, c’est comme si elle ne s’était pas battue, elle est toujours droite, sans la moindre blessure apparente, prête à recommencer. Jacob s’en tire avec des bleus douloureux, au plus. Ils ont bien réussi leur coup, mais les créatures hésitent à les laisser partir. Ils sont toujours trois fois plus et pourraient mieux s’organiser. *Je vais me sentir comme un petit vieux avec ces coups que j’ai pris. J’ai pas tellement envie que ça continue. Je ne peux pas trop protéger Marc en même temps que je me bats et ils trouveront bien le moyen de me faire vraiment mal sous peu. Je doute d’ailleurs que les deux singes ne tiennent vraiment très longtemps, une lance au bon endroit et ils pourraient être hors de course… Le combat reste des plus risqués, on ne pourra pas se défendre éternellement. Je sais pas pourquoi, j’ai aussi l’étrange impression que ces idiots pourraient nous rameuter une horde bien plus importante s’ils le désiraient… Ann, il serait peut-être temps de sortir tes atouts majeurs maintenant. Genre ton superbe singe légendaire par exemple. Un genre de Abou en méga trop top cool. L’un des singes de la planète des singes ou un autre du genre méga efficace. Ou alors je m’envole pendant que tu fais le mén Bien, à présent, vous allez tous avancer d’un pas vers eux à trois. Quoi ? Un pas en avant ? Mais ça ne va pas les prov Un. Hey ! Attendez, j’ai pas di Deux. Merde, c’est bon ok, je suis prêt. C’est la plus mauvaise idée de l’univers mais j Trois !* Les trois voyageurs et les deux invocations s’avancent vers leurs ennemis d’un seul et même geste. Ce simple pas fait sursauter toutes les créatures des rêves dont le groupe se disloque et finalement s’enfuit, blessé et désordonné, laissant sept cadavres sur le sol. Les créatures disparaissant dans la jungle marécageuse qui les entoure, un vent de soulagement passe sur le groupe. *Saleté de lâches ! Mais diable, je suis heureux qu’ils soient partis. Maintenant, je peux avoir mal partout. Je me sens toujours comme un petit vieux après un combat. Il faut dire que j’encaisse beaucoup de bleus et qu’au final, j’ai plein de petites douleurs partout. Si seulement je pouvais faire comme Indiana Jones et me faire embrasser par Cartel partout où j’ai été touché ! Bref. Je ne peux pas trop et je ne vais pas non plus pouvoir aller me prélasser dans un bain. Je vais donc me contenter, comme d’habitude, de supporter et de passer à autre chose. Le sac est toujours aussi lourd sur mes épaules, ça veut dire qu’il n’y a rien de perdu. Ils n’ont pas pu y toucher, c’est une bonne chose. Est-ce qu’on peut reprendre la marche maintenant ? Ou on a peut-être le droit à une pause ? Non ? Ce serait bien en tout cas.*

Ann révoque ses deux singes qui ont une fois de plus mérité un peu de répit. C’est le combat le plus rude depuis le début de leur épopée ici mais pour elle, ils viennent à peine de commencer les épreuves les plus intéressantes. Tous les monstres ne sont pas à la mesure de son expérience de voyageuse et elle est loin d’avoir dévoilé la majorité de son jeu. Mais c’est Marc qui finit par briser le silence après que le choc de l’attaque soit passé en lui. *Mon Dieu ! C’est incroyable ! Je n’avais jamais été à ce point en danger ! Il n’y a pas de quoi être tout excité mon grand. Surtout que ça risque de recommencer. Je ne vois pas ce qu’il y a de bon à être ainsi exposé. Surtout si on ne peut pas en mourir. Mais ne parlons pas de ça. C’est nouveau pour lui après tout. Ça peut l’enchanter s’il le veut. Je ne sais pas, tout me paraissait plus clair qu’avant ! Il n’y avait plus de questions, plus de doutes. Je devais me battre pour ma vie et mes pensées étaient… étaient… plus claires que jamais ! Mouais. Personnellement, je ne pense pas beaucoup quand je me bats. L’idée est plutôt d’aller frapper instinctivement dans le tas. À la limite d’essayer d’élaborer des stratégies. Mais pas de me taper des dissertations de philo. D’un autre côté, je recherche le danger de mort… Maintenant, j’en suis sûr ! Je sais que je l’aime ! C’est cool pour toi bonhomme. Mais attend d’avoir de vrais monstres à combattre un peu seul. Ça change tout. Après, je ne dis pas, c’est vrai que lorsque que l’on a peur pour sa vie, on a plus ou moins tendance à savoir ce que l’on veut. C’est évident, je veux passer ma vie avec elle, maintenant que j’ai fait face à la mort, il n’y a plus aucun doute, c’est elle, la femme de ma vie, Jane ! Eh ben ! C’est direct ça. Il sort même pas avec qu’il veut passer sa vie avec elle ? Qu’il attende de voir ce que c’est que de voir quelqu’un dans une relation sérieuse. Étrangement, les choses ne se passent pas aussi simplement qu’on le voudrait. Il y a des tas d’étapes à passer, des caps, avant d’arriver au stade qui fait rêver. Et ces caps, ces étapes sont plus ou moins censés faire comprendre à l’un et à l’autre ce que sera l’étape finale. Et c’est comme ça, par à coup, qu’on découvre vraiment qu’on veut vivre toute sa vie avec quelqu’un. C’est pas parce que maintenant ça t’apparaît comme quelque chose de clair et net que ce sera vrai plus tard. Tu ne sors même pas avec elle quoi. Relax, chaque chose en son temps. Il faut que je la rejoigne, maintenant. Ouais, ça je peux comprendre. J’ai pas mal envie de me réveiller en fait et de retrouver la mienne aussi. Je pense qu’en fait, l’idée claire que tu as eu, c’était plutôt celle-ci.

C’est ce qui est prévu.*
Ann semble sourire, amusée, derrière sa combinaison alors qu’on lit parfaitement dans les yeux de Marc une détermination nouvelle. Elle se tourne vers Jacob et dans un geste simple mais plein de sens, elle hoche la tête en signe d’approbation. Il sourit un peu malgré lui. *Ça y est, j’ai fait mes preuves, elle m’a remarqué, je suis Allez, en route, il y a encore du chemin à faire et ce ne seront pas les dernières créatures que nous croiserons. Je m’en fous ! Je me suis battu et je me suis bien battu. J’ai prouvé mon utilité. J’ai montré que je pouvais faire plus que le larbin. Marc n’a rien et c’est autant grâce à moi qu’à elle… Ou au moins un quart grâce à moi alors. M’enfin, j’y suis pour quelque chose et je peux être fier de moi. Un pas de plus vers l’embauche, un pas de plus vers le bonheur. Rah, si je décroche ce job, je pourrais faire ce que je veux ! J’aurais des sous et je pourrais enfin faire tout ce pour quoi je n’ai d’habitude pas le temps dans la vie réelle ! Finalement, Dreamland peut-être très utile. Mourir ? Je ne sais pas si ce serait une véritable salvation après tout. Si je peux souffrir en travaillant, ce qui est normal après tout, et que je peux trouver le moyen de vraiment y gagner à traîner dans les environs, je crois bien que je pourrais enfin faire la paix avec cette connerie onirique. Et même Ed sera content ! C’est pour dire. Je viens de faire un pas en avant en défendant ce sac. Un pas qui rend beaucoup plus léger ce matériel et qui me met de bien meilleure humeur. Je crois même que je vais pouvoir écouter Marc pendant qu’il s’esquintera à nous raconter tout ce qu’il sait sur mademoiselle Jane. D’ailleurs, je trouve ça plutôt cool pour elle de lui avoir trouvé le décor d’une jungle. Comme ça, elle peut croire qu’elle va peut-être rencontrer tarzan, enfin ! … Bon, il faut que j’arrête mes conneries moi, on marche, on suit la piste et on va jusqu’au bout de cette aventure en sifflotant. Parce que c’est toujours mieux en sifflotant.*

Jacob se met donc tranquillement à siffloter sans que les deux autres ne puisse l’entendre, le cœur léger, il se remet en route, ne se souciant plus du poids du sac, qui n’a pourtant pas changé. Ann continue d’avancer avec eux, aucun des deux n’a lâché l’arme qu’ils ont prises sur leurs ennemis et ils s’en servent à présent comme de bâtons pour s’aider à avancer. Elle a l’air assez satisfaite de son côté aussi, ce qui ravit l’intouchable. Quant à Marc, il s’est lancé dans un long éloge de sa dulcinée Jane. En une demi-heure, ils apprennent beaucoup de choses sur elle et sur sa façon d’être, sur ses excentricités, sur ses habitudes, sur ses petites manies et même une description physique plutôt exhaustive. Ils apprennent qu’en plus d’être l’une des plus belles femmes du monde – *ce dont je doute fortement, chacun son point de vue, merci* –, cette jeune avocate est une femme forte, pleine d’avenir, qui ne s’arrête jamais. Elle est déterminée, passionnée dans tout ce qu’elle fait et, comble de plaisir, elle est merveilleusement drôle. Elle a beaucoup d’amis, des relations haut placées et en même temps, elle n’est pas hautaine, loin de là ! Elle est aussi attentionnée et traite tout ses clients avec la même équité – *même si, au fond, il espère surtout qu’elle le traite mieux que les autres et qu’elle lui prête une attention toute particulière. Les hommes sont prévisibles* – qu’ils soient riches ou moins riches. Son cabinet est assez joli, c’est un espace moderne, plutôt que ces vieux bureaux parisiens qui grincent, un espace aéré, agréable pour travailler. C’est bon signe, n’est-ce pas ? Si quelqu’un décore les lieux de façon à ce que lui-même aimerait y travailler, ça veut dire qu’ils ont des atomes crochus, non ? *Là-dessus, je ne dis pas non. Sans croire à toutes ces conneries et étant persuadés que les goûts peuvent varier dans un couple sans que cela n’altèrent leur relation, je crois que c’est un bon point pour Marc. De fait, ils ont besoin d’un cadre similaire pour pouvoir travailler correctement, inconsciemment, ils sont plus ou moins fait de la même manière. Après, reste à voir si le cadre du cabinet n’est pas agréable justement parce que Jane y travaille…* Quoi qu’il en soit, c’est aussi une femme responsable, capable et pleine de bonne intentions, ce qui en fait donc une mère parfaite. Marc parle un peu de ses propres qualités en la matière ensuite, pour faire une petite pause dans la liste des qualités de mademoiselle. *Ce sera un vrai papa poule, qui gâtera ses enfants comme c’est pas possible. Je me demande comment je serais moi-même avec mes mômes, quand j’en aurais ? Pourquoi ai-je soudain une vision de Cartel me tendant un enfant ? Probablement parce que je me suis endormis juste après lui avoir fait l’amour, ça doit jouer. D’ailleurs ?! Oui, non, c’est bon, pas de soucis de ce côté là... C’est vrai que ça pourrait être cool d’avoir un gosse. Mais bon, encore une fois, ça n’arrivera pas de si tôt, pour tout un tas de raisons.* Finalement, le curriculum vitae de Jane semble ne jamais finir et plutôt que d’être attendris, les deux auditeurs du long discours commencent à se lasser de ce programme quelque peu monotone, attendant presque *mais je dis bien presque* qu’un monstre ou deux surgisse pour arrêter cette longue litanie. *C’est bon, on a compris qu’il est complètement amoureux d’elle, je peux voler jusqu’à notre destination maintenant ? Où péter son micro ?*

Hélas, les souhaits de la directrice de la SDC et de son employé semblent s’exaucer plus tôt qu’ils ne l’avaient prévus et sous une forme bien plus dangereuse qu’ils ne l’avaient imaginé. Cela commence par un rugissement terrible dans la jungle, suivit d’une approche assourdissante qui fait danser les arbres sur son passage. Jacob ne repère que la surprise des deux autres, mais à leurs regards, comprend que le problème semble sérieux. *Mieux vaut éviter de rencontrer ça, avançons le plus vite possible, nous arriverons peut-être à nous éloigner assez pour que ça passe la piste sans nous voir. C’est vous le chef ! Allez Marc ! On y va !* Et tous les trois commencent à courir sur la piste Jacob en tête, suivi de près par Marc, tandis qu’Ann ferme la marche en lançant des regards vers l’arrière. Ils courent aussi vite que Marc le peut, s’aidant un peu de sa bulle, Jacob n’a pas trop de problème, il sait qu’il pourrait même carrément les devancer tous les deux. *Je me doute même que Ann pourrait tracer beaucoup plus vite que cela, mais je crois bien que comme moi, elle avant au rythme du chariot le plus lent. Oh putain, ça se rapproche ! C’est presque sur la piste ! On arrivera jamais à le distancer ! Bordel !* Le monstre, écartant sauvagement un arbre sur son chemin déboule sur la piste en poussant un nouveau rugissement. *Merde ! C’est quoi ce truc. Autant, les autres machins, je pouvais plus ou moins me dire que je les avais vu autre part, dans des films ou quoi, mais là, ça ressemble à rien de ce que je connais. Je crois qu’on ne pourrait pas mieux décrire le dinosaure que comme ça. C’est exactement ainsi qu’on imagine le dinosaure carnivore et hyper dangereux. Une gueule aussi large que celle d’un T-rex, mais pas non plus le corps qui va avec. Pas de toutes petites pattes, de longues pattes avant pour avancer sur quatre pattes au besoin. On dirait un dragon, un putain de dragon, mais sans ailes et sans flammes. Et… Oh ! Bordel ! Me dites pas qu’il y en a un deuxième qui vient d’arriver ! Merde, le trip Jurassic Park vient de prendre un autre tournant ! J’aurais dû me douter qu’il y avait des saloperies dans ce genre. Et merde ! Ils nous ont repéré, ils nous suivent ! Vite ! Marc bordel ! Avance ! Raaah ! Ces bestioles sont trop rapides ! On ne les sèmera jamais. Ann ? Qu’est-ce que vous foutez ?!*

Ann a fait volte face, inutile de fuir, il faut combattre, les deux monstres avancent sur la piste à pleine vitesse et elle profite de son avance pour invoquer une fois de plus ses deux grands singes, ainsi qu’un troisième qui ressemble à l’un des singes de Jumanji. Elle se morphe avec le troisième de façon à avoir une queue de singe et probablement, les mêmes pieds qu’un singe, ce qui la rend tout de suite beaucoup plus agile. *Putain ! Ann ! Faites pas ça ! Ce sont des grosses bêtes ! Trop grosses ! Barrez-vous ! Merde, je vais devoir l’aider, là Restez en arrière, ne vous mêlez pas de ça, c’est trop dangereux ! Pour le coup, je suis d’accord, c’est trop dangereux, vous feriez mieux de venir vous protéger derrière mon mur ! Merde !* Le combat commence dans la violence la plus chaotique possible, le chimpanzé utilise ses lianes pour les empêtrer dans les pattes du premier monstre qui s’étale sur le sol dans un grand fracas. Pendant ce temps là, Ann et l’orang-outan se précipitent sur le second monstre. Le singe essaie de frapper la gueule de celui-ci tandis que l’invocatrice saute et grimpe sur la petite montagnes d’écaille pour essayer de planter sa lance dans le corps de dinosaure onirique. Si elle parvient à le blesser, la force naturelle du premier monstre vient à bout des lianes et il commence à se relever pour chasser le chimpanzé qui essaye à présent de lui passer un collier. Quant à l’orang-outang, malgré sa force herculéenne, son attaque n’a pas fait beaucoup de dégâts. Soudain, la créature jette la tête vers le haut, envoie valser l’invocation dans les airs, ouvrant la gueule à la réception. Désarçonnée par le mouvement, Ann se rattrape avec agilité et voit la difficulté de ses deux invocations. L’orang-outan parvient à esquiver la gueule, mais sa chute est rude et il est en un instant attrapé par l’une des pattes griffues du monstre qui va pour lui arracher la tête avec sa gueule. L’invocation, vaincue, disparaît, au grand dam de son ennemi qui tourne alors son dévolu vers Ann. *Bordel, il faut que j’y aille ! Je dois l’aider ! Elle ne s’en sortira jamais !* Jacob s’apprête à voler au secours de son employeuse lorsque celle-ci change de tactique, pour éviter les coups de mâchoire, elle s’enfonce dans la jungle et ordonne à sa dernière invocation en lisse de tirer les monstres dans sa direction. Quoi que fou, le plan fonctionne et les créatures s’enfoncent dans la forêt à sa suite, sans le moindre problème, défonçant tout sur leur passage. *Ann ! Merde ! J’arrive ! Tenez-b Mince, il y en a trois de plus par ici ! Jacob, continue avant que l’un deux ne repère que vous êtes encore sur la piste. Amène Marc jusqu’au point de rendez-vous je vous rejoindrai plus tard. Sérieusement ? Nan, mais j’arrive pas à le croire, elle tombe sur un troupeau de trucs méga dangereux et elle… reviendra plus tard ? Soit, alors allons-y Marc. De toute manière, je ne pourrais pas vraiment l’aider à ce niveau là. Mieux vaut s’éloigner. Je ne pense pas qu’elle s’en sorte, elle n’avait plus l’air aussi assurée qu’avant en fait. Du coup, il ne reste plus que moi pour mener cette mission à bien ? C’est un peu beaucoup demander pour un premier jour, non ?* Jacob saisit Marc, encore tétanisé à côté de lui, par le bras et le pousse à reprendre la route en se précipitant un peu. *Mieux vaut s’éloigner de ces machins…*
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Jacob Hume
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptyJeu 12 Juil 2012 - 1:06
7.



*Allez, plus vite. J’ai pas que ça à faire et on a encore du chemin avant d’y arriver…* Jacob s’arrête encore une fois en tête de la minuscule colonne que lui et Marc forment, se retourne avec un air exaspéré et attends que l’autre voyageur ne le rejoigne. *Je n’aurais jamais cru qu’on trouverait quelqu’un pour s’essouffler avant moi. Jamais. Où est ta bulle mec pour que tu traînes à ce point ? On dirait que tu n’as jamais fait de sport de ta vie. Et moi, de mon côté, je sens que l’air est lourd dans ma bulle, il n’a plus sa pureté d’origine. Normalement, après avoir parcouru une telle distance, je devrais avoir la gorge sèche et envie de m’arrêter. Mais je me suis arrêté tellement de fois dans la dernière heure que je suis presque sur le point d’être trop excité. Je n’avais pas idée qu’une simple marche pouvait être aussi éreintante, pour qui que ce soit. D’accord, on marche à grandes enjambées, mais tout de même ! Il se traîne ! Il se traîne et il me permet d’avoir tellement de pauses que même ce sac ne me paraît plus assez lourd. Visiblement, notre jeune amoureux n’est pas aussi endurant que son corps d’athlète le laissais supposer. Plutôt un sprinter alors. Tout à l’heure, lorsqu’il fallait fuir, il courrait vite. Maintenant qu’on est loin du remous des arbres et qu’on a supposément plus trop à craindre de ce côté là grâce au sacrifice d’Ann – putain j’espère qu’elle s’en est sortie – on a envie de se reposer hein ? Je croyais que tu voulais rejoindre ta Jane ? Hein ? Où est passé ta détermination. La femme de tes rêves va finir par t’attendre et se lasser si tu ne bouges pas un peu plus ton cul. Allez, merde, j’ai pas envie d’y passer la nuit. En fait, plutôt je pourrait remonter cette tente, plus tôt je pourrais rejoindre le reste du groupe, mieux je me sentirais. Parce que le problème, c’est que si Ann s’occupait à elle seule de tous les combats, je ne suis pas vraiment sûr de pouvoir faire de même. C’est clair que j’ai pas la même maîtrise. Et je crois pas que je tiendrais aussi bien tout seul qu’elle ne le faisait avec ses deux invocations ! C’est pas que mon aide de combat n’en a jamais vu et que je ne connais même pas son pouvoir, mais je suis sûr qu’il n’a aucune chance de vaincre un seul monstre de ce royaume. Avec moi, peut-être un ou deux. Mais jamais des hordes telles qu’on en a vu. Non nécessairement, inutile de s’attarder sur cette maudite piste. Je n’aime pas ça. Je suis parfaitement d'accord pour avoir le job, mais j’avoue que sans Ann, je ne suis pas sûr de pouvoir mener la mission à bien. Putain, j’espère réellement qu’elle reviendra, mais en attendant, impossible de rester là pour qu’elle nous retrouve.

Jacob ! Attends-moi ! Oui, oui, je ne fais que ça, allez dépêche-toi bordel !*
Marc, faisant de son mieux pour maintenir le rythme quelque peu excessif demandé par l’intouchable rattrape celui-ci en soufflant bruyamment. Il a du mal à être à la hauteur de ce qu’on lui demande, mais malgré les apparences, il s’accroche du mieux qu’il peut, un sourire toujours plaqué sur son visage. *Allez, on est reparti. Je vais essayer de marcher un peu moins vite, mais je ne pens Dis Jacob, je ne t’ai pas demandé, mais, tu as une fiancée ? Enfin, au moins une petite amie quoi. Euh… Peut-on dire que oui, surtout en sachant qu’en ce moment même une magnifique blonde à lunette dort nue juste contre moi ? J’ai envie de répondre oui. Pour une fois, j’aimerais bien prétendre que j’en ai une. Après tout, j’aimerais bien, dans l’absolu, alors pourquoi ne pas jouer le jeu, juste pour cette nuit ? Qu’est-ce que je peux bien perdre ? Techniquement, oui j’ai une copine ce soir d’ailleurs. Même si bon, au matin, ça ne risque pas de se poursuivre. C’est triste, mais c’est ainsi.* Jacob fais oui de la tête. *Ah ! C’est bien ! Comme tu m’avais l’air un peu fermé sur toi-même j’avais l’impression que tu étais plus solitaire en fait. Mais je t’emmerde, je suis pas fermé sur moi-même, je suis pas… Raaah ! Laisse tomber. C’est probablement à cause du fait que tu es sourd et muet que tu ne communiques pas beaucoup. Merci Einstein, je crois que j’avais déjà remarqué. Évidemment que c’est à cause de cette fichue bulle que j’ai l’air totalement décalé, fermé sur moi-même. Je suis enfermé, seul avec moi-même, dans cette saloperie invisible, voilà ton explication. Toi, en revanche, tu parles trop, on ne te l’a jamais dit ? Je pense que c’est pour ça que tu as le souffle court. Tu devrais le réserver pour la randonnée, tu ne crois pas. Sinon, tu peux dire adieu à jolie Jane ! Hein, qu’est-ce que t’en dis ? Et tu l’as rencontrée comment ? Non, c’est définitif, il ne s’arrêtera jamais, il continuera de parler. Peu importe sur ça attire une horde de zombie sur notre gueule, après tout, je peux te défendre, hein, c’est ça ? Ah, mais je suis bête ! Tu ne peux pas me répondre. M’enfin, je vais essayer de deviner. Et voilà qu’il se met aux petits jeux de voyages- à tout ses trucs sur lesquels on a tous passé des heures quand on était gosse, lorsque les parents conduisaient sur la route des vacances, aller ou retour. Non seulement j’ai passé l’âge, mais j’aimerais surtout ne pas avoir à y participer. D’autant que je dois rester concentrer sur ce qui nous entoure, histoire de pas se laisser surprendre par un putain de dinosaure ! C’était une amie ? Non, pas vraiment, puisqu’on ne s’est rencontrée qu’aujourd’hui. Mmh, une collègue peut-être ? Non plus, tu perds ton temps. Tu ne trouveras jamais la réponse, je te vois pas avoir un grand sourire d’illuminé et déclarer : je sais, tu sors avec la sœur de ton fidèle acolyte Ed Free ! Je veux dire, qui penserait à ça ? Tu ne l’as pas rencontré sur internet, hein ? En effet, ce n’est pas le cas. Je laisse ça à mon cher et tendre Nicolas. Allez, laisse tomber, tu ne risques pas de trouver. C’est quelqu’un qui te l’as présentée ? Encore plus mauvaise réponse. Oh, Jacob, tu commences à te laisser prendre au jeu. Si on est attaqué, on est dans la merde là. On se reconcentre ! Oh, je sais, tu l’as draguée dans un bar parce qu’elle te plaisais. Oui, tu me rappelle un copain qui fait ça. Tu dois pouvoir parler au filles facilement. Ça doit être bien une telle confiance en soi…*

Jacob pousse un long soupir. *Oui et non Marc. C’est vrai, c’est cool d’avoir confiance en soi, c’est cool de pouvoir aller parler aux filles avec assurance. Ça fonctionne bien, ça impressionne, mais ça va pas plus loin. Ça suffit pour les histoires d’un soir. Le reste du temps, n’essaie même pas. Tu sais pourquoi tu n’as pas la même assurance ? Ça n’a rien à voir avec la timidité, rien à voir avec une grandeur ou une petitesse naturelle. C’est parce que la femme que tu convoites, tu attaches de l’importance à la relation que tu veux avec elle. Moi pas. C’est facile d’aller voir une fille et de parler quand on sait que si on est rejeté, on peut en trouver une autre ou qu’au pire, on a juste perdu une nuit de sexe. Tu as beaucoup plus les choquottes de tout gâcher quand c’est tout un mariage que tu t’imagines. Il faut pas se fier aux apparences, la différence entre toi et moi, c’est que je suis un connard et que t’es un mec sérieux. En matière de relation, en fait, tu assures carrément plus que moi en fait. Je suis un briseur de cœur. Toi, ta Jane, tu veux pas la décevoir, à moins d’avoir des raisons solides. Regarde, je vais rejeter Cartel dès le matin parce que c’est trop compliqué et que je n’ai pas la force de gérer une telle situation. Toi, toutes ces épreuves ne te font pas peur, tu es bien dans ta peau, tu gères. Et le pire, c’est peut-être que tu aies si vite repéré mon caractère en la matière. Alors que je n’ai rien fait pour ça. Mais quoi qu’il en soit, non, je n’ai pas abordé une parfaite inconnue pour lui offrir un verre, encore faux. Allez, essaie encore, tu pourrais peut-être y arriver finalement. Mince, j’en étais sûr pourtant ! Bon, alors réfléchissons. Pas une amie… C’est peut-être une camarade de classe ? Non plus, mais bien tenté. L’amie d’une amie ! Oh pas loin ! Tu progresses vite en fait. Et je remarque même que lorsque tu veux entretenir une vraie conversation avec moi, tu n’as plus de problèmes pour suivre le rythme… à moins que ce soit moi qui ait ralenti. Qu’importe, je vais essayer d’accélérer un peu, doucement, sans qu’il ne s’en rende compte et je vais voir s’il suit.* Pour répondre à sa question, Jacob fait pivoter sa main écartée sur son poignet et présente une expression d’encouragement. *Ah ah ! J’y suis presque. Si ce n’est pas l’amie d’une amie, mais presque c’est que… c’est la sœur ! La sœur d’une amie ! Pas tout à fait, mais tu as compris le principe, vas-y, ne perd pas espoir. La sœur d’un ami ? Voilà ! parfait. Tu as gagné un bon point ! Et maintenant on se reconcentre sur notre affaire de piste et de monstres s’il te plaît.*

Mais Marc n’a pas la moindre envie d’arrêter. *Ah ! Dis-donc, ça a pas dû être facile de l’annoncer au frère, non ?* Avec une expression un peu gêné, Jacob lui fait comprendre le problème quant à ce sujet précis. *Il est pas au courrant !? Oh là ! C’est un peu délicat ça comme situation, non ? Aucun doute là-dessus. Mais je pense qu’il n’en saura jamais rien, du moins pas avant que je ne le lui balance en pleine gueule lors de nos nombreuses disputes. J’ai couché avec ta sœur en fait ! Et après, je l’ai balancé, comme toutes les autres ! Et c’est pour ça qu’il n’en saura jamais rien. Parce que cela ne durera pas. Qu’il ne nous prendrons pas et que, puisque nous vivons tous les deux à des centaines de kilomètres de distances l’un de l’autre, nous n’aurons pas l’occasion de le mentionner devant lui par erreur. Et je vois moi Cartel le lui dire. Au fait Ed, ton ami Jacob, il était tellement craquant et c’était très sympa de passer la nuit dans son lit, tu ne pourrais pas lui dire de monter sur Paris un de ses quatre ? Non, aucun doute, il ne l’apprendra pas tant qu’on ne le lui dira pas. Je ne suis même pas sûr que les exploits amoureux de sa sœur l’intéresse réellement. Il doit déjà se préoccuper des siens, si tant est qu’il y en ait… Amoureux ? J’ai dit amoureux ? C’était pour rester poli. Et, elle est jolie ? Inutile de mentir, elle est très belle, très… femme. Elle en jette, c’est certain. Mais pas seulement j’imagine. Moi, c’est pareil avec Jane, je l’ai vu et je l’ai trouvé très belle. Je me suis dit que j’aimerais bien la connaître un peu plus. Et puis, après, j’ai découvert des tas de choses sur elle. Je connais d’autres femmes, très belles aussi, mais qui ne plaisent pas vraiment. Elle, elle est vraiment spéciale… Et le voilà reparti dans ses discours amoureux. Il va me faire toute la rencontre et je vais encore avoir droit à une longue liste de compliments pour Mlle Jane. Mais il a raison le pauvre, sur un paquet de trucs en fait. Je m’en rend compte, il est loin d’être bête malgré sa façon d’être. C’est vrai, c’est pas la beauté qui fait la personne. La beauté, c’est comme la phrase d’accroche d’un bouquin. Ça nous donne envie de lire un peu plus, de savoir ce qui se cache derrière. La personnalité est-elle aussi belle que le tableau, aussi admirable, aussi captivante ? Mais pour la même raison que certains bouquins commencent assez mal et que d’autres n’ont qu’un résumé des plus banal, alors qu’ils sont de vrais chef d’œuvre, des personnes peu attirantes peuvent s’avérer être celles dont on tombe amoureux. Je n’ai pas vu Jane, j’en sais rien si elle est vraiment belle ou pas. Ce que me dit Marc, c’est qu’elle l’est selon ses critères. Mais pour Cartel, je sais très bien comment les choses se sont passées. Je l’ai vue, c’est comme ça que ça a commencé. Je l’ai vue, dans l’encadrement de la porte du studio de Ed et elle était belle, baignée dans une lumière favorable. Elle m’a plu, au premier coup d’œil. Et pourtant, ce n’est pas ça qui m’a fait continuer à vouloir la draguer. C’est plutôt le fait que plus je continuais, plus je me rendais compte que je découvrais une personnalité qui m’intriguait, m’intéressait. C’est en découvrant qu’on s’entendait vraiment bien que j’ai vraiment voulu aller jusqu’au bout de l’affaire. C’est comme ça pour tout le monde. Les belles personnes n’ont qu’un plus ou un masque de perfection pour cacher ce qu’ils sont vraiment. La beauté, malgré toute l’importance qu’on voudrait lui accorder, ne joue qu’un rôle très faible dans de telles relations… Et quand bien même, je la trouve belle Cartel, j’aimerais bien pouvoir l’observer plus longtemps, si je pouvais. Au lieu d’être dans cette connerie de jungle à marcher entre les arbres pour échapper à de potentiels monstres…

Bon, au moins, il n’a pas ralenti, accélérons encore un peu, il ne s’en rendra pas compte. Tant qu’il pense à sa Jane, et qu’il en parle, il n’a aucun problème pour avancer à n’importe quel rythme. Ses pensées sont ailleurs. Pas très prudent, mais au moins on avance. Il a le cœur léger à l’idée qu’il va retrouver sa belle cet enfoiré. Je préfèrerais qu’il me prévienne s’il entend quelque chose plutôt qu’il ne continue de parler et de ressasser son histoire de cœur en long, en large et en travers. J’avoue que ça commence à devenir lassant à la fin. C’est mignon, ok, mais ici, je bosse, je suis pas là pour m’attendrir. Et lui, de son côté, il parle. Il pense à sa belle et ça lui donne des ailes pour la rejoindre, il en oublie même le danger qui rôde tout autour de nous. C’est pas un voyageur en fait, c’est un rêveur. Il n’est pas ancré dans la réalité. Le simple fait qu’il ait fait appel à la SDC – ça veut dire quoi d’ailleurs ces initiales ? Elle ne me l’a toujours pas dit – prouve qu’il est un peu dans la lune. Imaginer un plan pareil pour draguer une fille. Je crois bien que même Barney dans How I Met Your Mother n’aurait pas fait mieux. Et pourtant, c’est pas juste un plan drague, un plan cul cette nana. C’est vraiment une fille avec qui il voudrait vivre… N’empêche, t’imagine raconter à tes enfants. Comment vous vous êtes rencontré ? Dans un rêve mon fils, dans un rêve avec plein de monstres et un couillon sourd et muet. On a combattu des centaines de dinosaures pour se retrouver, mais on l’a fait. C’est la classe hein ? Eh ben, ça n’arrivera pas. Madame est une rêveuse, peu importe l’attention qu’elle porte aux signes. Elle racontera les choses comme ça : j’étais son avocate d’affaire, on s’entendait bien et je me demandais ce qu’il pensait, jusqu’à ce qu’un jour, il vienne me voir et me demande de venir dîner avec lui. Ce qui est drôle, c’est que j’avais rêvé de lui la veille. Et toi Jacob, comment as-tu rencontré maman ? Ben, j’étais allé chez le frère de maman, oncle Ed, histoire de lui parler d’un truc top secret, que vous pourrez pas comprendre et dont je ne me souviens même plus. Et à la place de Ed, il y avait une jolie blonde que j’ai invité à venir dîner avec moi. Et de fil en aiguille, les choses se sont passées. Allez Marc, du nerf, tu te perd en rêvant à Jane et tu commences à ralentir, il va falloir que je te booste encore…*


Jacob pousse un peu Marc pour le forcer à avancer un peu plus vite et ce dernier ne proteste pas, continuant à lui parler de ses rencontres avec Jane et de ses progrès dans le processus d’approche. Six mois qu’il la connaît, six moi qu’il n’a jamais rien fait d’autre que de chercher à avancer un pas de plus vers elle. *Cette mission n’est qu’une idée de plus pour l’approcher sans jamais la toucher. Pourquoi s’emmerder à continuer à avancer de la sorte en fait ? Ce type ne fera jamais le dernier pas. Il n’ira jamais jusqu’au bout. Il a beau avoir les idées claires, il n’a pas le courage de sauter dans le vide lorsqu’il le faut. C’est triste de repousser toujours plus loin l’échéance comme ça. Un jour, il va découvrir qu’elle a un mari, parce qu’à force de l’attendre, un autre sera venu la lui prendre. Son opportunité, c’est ce soir, avant qu’un rival ne la lui ravisse. Il faut qu’il le comprenne. Je crois que c’est le principe des épreuves qu’il doit traverser. Mais comment diable lui faire comprendre ! Je peux même pas parler. C’est là que c’est un vrai handicap en fait. Je ne peux pas mettre quelqu’un devant une évidence et le secouer un peu. Je suis condamné à me taire et à le voir se rétamer. N’empêche, j’ai compris maintenant ce qu’il faut que je fasse, ce n’est pas seulement le protéger. C’est lui donner du courage. Je vais essayer. Je sais pas comment, mais je vais essayer.* Ils continuent donc d’avancer ainsi, l’intouchable silencieux et le client parlant plus que jamais. Finalement, les belles pensées de Marc ne suffisent plus et de nouveau Jacob est obligé de s’arrêter une fois ou deux pour qu’il le rattrape.

Une fois de plus alors, il se retourne pour le voir avancer. Étrangement, le décor autour d’eux est moins dense, on y voit plus clair. La jungle et un peu plus sèche, moins marécageuse, la piste est plus large. Jacob le regarde avancer laborieusement sur ce chemin de terre irrégulier. *Allez, il faut que tu rejoignes Jane, je crois que j’ai trouv Jacob ! Attention ! AAAAAAAAAAAAAAÏÏÏÏÏÏÏE !!!* Alors qu’il était occupé à surveiller son protégé, le voyageur à la bulle n’a pas fait attention à ce qui l’entourait. Un velociraptor, taille Jurassic Park, en a donc profité pour lui sauter dessus et attraper son bras dans sa gueule, bras qu’il avait écarté de son corps pour tenir sa lance droite à côté de lui. La mâchoire s’est refermée violemment, avec une pression extraordinaire sur la bulle, avec assez de force pour écraser, littéralement, le bras de l’intouchable, mais sans parvenir à croquer réellement la chair, toujours aussi bien protégée. La souffrance et atroce, alors même que la bulle a amortie la majorité du choc. Par réflexe pour s’en débarrasser, Jacob envoie un bras invisible de sa bulle, qui part du bras meurtri pour aller s’enfoncer dans le palais de la créature. Celle-ci le lâche, surprise. Il a lâché sa lance, son bras n’est pas écrasé à ce point qu’il ne peut plus l’utiliser, mais assez pour lui arracher des grimaces de douleurs chaque fois qu’il veut le faire. Sur le moment, il n’y pense pas, une autre créature se jette sur Marc, il faut l’intercepter. Jacob se lance en volant, pied en avant pour frapper la créature en plein saut. Celle-ci trébuche et s’écroule sur le sol, surprise. *Une meute de raptors ! Fais chier ! J’en vois cinq pour le moment et ils nous encerclent ces bâtards. Il va falloir que je me débrouille sans Ann et avec un bras en moins. Vraiment la merde.* Un autre saute vers Marc, plus intelligent que d’autres monstres, ces créatures cauchemardesques semblent avoir compris qu’elles ne pourront pas se nourrir avec l’intouchable. Celui-ci saute à son tour et heurte de plein fouet le velociraptor, l’envoyant au sol après l’impact, récoltant tout une série de bleus au passage. Il n’a pas le temps d’insister, deux autres se jettent sur son protégé. Cette fois, il est obligé de se jeter sur lui pour le sauver des griffes et de le faire tomber au sol, les deux créatures mordent le vide et se rencontrent avec fracas. *Une arme, il me faut une putain d’arme !

Le combat est inégal, Jacob ne peut que défendre et les raptors sont trop bien organisés pour lui laisser le temps de les prendre un par un. Le danger est grand pour Marc et à part s’envoler, l’intouchable ne sait pas très bien quoi faire. *Non, je ne peux pas m’envoler. Ça ne correspond pas à la façon dont je pense qu’il faut que Marc vive les choses. Mais j’avoue que là je suis dans la merde absolue. Il faut que je reprenne ma lance et que je la manie avec le mauvais bras, fais chier !* Alors qu’un autre raptor s’avance pour les dévorer, Jacob lui lance un bras invisible entre les pattes et le fait trébucher. L’animal chute juste à côté et sa tête est toute proche. Prenant la première chose qui lui vient, à savoir une casserole onirique violette, il l’écrase sur l’assaillant au sol, à deux reprises. Les os finissent par craquer et la créature, si elle n’est pas morte, a le crâne brisé, incapable de se relever. Mais une autre en profite pour saisir son sac et le traîner ailleurs pour qu’il ne puisse plus protéger Marc de son corps. *NON ! NON ! PUTAIN !* D’un coup de casserole, il écarte le raptor et lance un bras pour en arrêter un autre qui s’apprêtait à écharper le jeune voyageur qui rampe à présent en pleurant vers lui et en appelant le nom de Jane, qui tambourine dans l’esprit de l’intouchable. Par vengeance, la créature qu’il vient d’écarter de son chargement se jette sur ce dernier et le pousse au sol, l’écrasant sous on poids en se posant sur le sac à dos. Le voyageur parvient néanmoins à se dégager, en s’élevant du sol, ce qui déstabilise son ennemi et le fait choir. Pas le temps non plus de l’achever, déjà un autre s’attaque à Marc et Jacob doit se précipiter à son secours, le tirer vers lui pour qu’il échappe aux crocs et frapper avec puissance la créature. Ayant tiré son protégé avec son bras invalide, il hurle dans sa bulle pour exprimer sa douleur, mais poursuit sa route. Entraînant l’autre avec lui, il file vers la lance laissée au sol, écarte un autre raptor de celle-ci au moyen d’un coup invisible, plonge sur le sol pour éviter une autre attaque. Il lance sa casserole avec force sur un des dinosaures qui recule d’un pas pour s’en protéger et tend la main vers la lance. En s’étirant parfaitement, il parvient à l’atteindre et se retourne vers les créatures. *Plus que quatre Jacob, plus que quatre. Tu peux le faire. Tu peux le faire.* L’une d’elle se jette sur Marc au moment même où il pense cela. Pas le temps d’hésiter ou de viser, il plante la lance dans le ventre du monstre et celle-ci se brise dans le corps de sa victime qui s’étale à moitié sur Marc. Pas tout à fait morte, elle cherche à le mordre et le griffer, il faut l’écarter d’un coup de pied pour que l’homme soit hors de danger temporairement. Le raptor semble à présent pousser des cris de douleur, il ne se relèvera plus. *Plus que trois. Et bâton brisé pour te défendre. Tout n’est pas perdu.*

Les deux voyageurs se relèvent de moitié. Deux autres des raptors se jettent en même temps, sur les deux à la fois. Jacob réagit en sautant sur celui qui attaque Marc et lui enfonce le bâton dans le cou. Après une seconde tentative, il parvient à transpercer les écailles et à toucher la trachée. Le monstre suffoque, mais entraîne avec lui le reste de l’arme. *Plus que deux ennemis, plus que deux et nous serons sortis d’affaire. Tu n’as plus de lance, mais tu peux le faire. Allez, maintenant, elles hésites, elles n’ont plus l’avantage du nombre. Elles hésitent. C’est bon ça. Un jeu de regard. Elles se demande si ça vaut la peine de continuer. Je suis dangereux et leurs crocs ne semblent pas pouvoir venir à bout de ma personne. Elles ne savent pas quoi faire. Elles ne peuvent pas me tuer et en même temps, elles ne peuvent pas attraper Marc sans me passer sur le corps. Elles savent que c’est dangereux de continuer. Le problème, c’est que Marc pue la peur ça doit leur donner confiance. Il faut que je renverse la balance.* Jacob, dans un geste irréfléchi, s’avance d’un pas. Prenant cela pour une provocation, les deux créatures se lancent à l’assaut. L’une le renverse et tente de le griffer ; l’autre se contente de vouloir lui mordre la tête, probablement pour l’arracher. Ignorant celui qui veut le griffer et qui ne lui fera rien de plus que des éraflures il envoie un bras invisible dans la gueule de l’autre ce qui le ralentit. Il plonge sa main dans le dos, dans le sac, il y trouvera peut-être autre chose. Hélas, tout ce qu’il arrive à attraper, c’est une sardine de la tente. La gueule revient à la charge et Jacob tente le tout pour le tout, il plonge sa main dans l’ouverture et plante le palais de la créature. Son second bras lui paraît un peu meurtris et se déboîte lorsque la créature s’écroule à côté de lui. De nouveau, il hurle, se dégage en se tortillant, et finit par se relever en s’envolant pour faire partir la dernière créature. Celle-ci tombe encore une fois. Le bras de l’intouchable de se remet lui-même en place, mais la douleur n’est pas partie. Avec une sardine ensanglantée dans la main, il fait de nouveau face à son dernier adversaire. Il ne paraît plus en aussi bon état qu’avant, mais il tient toujours sur ses jambes et a encore assez d’énergie pour continuer le combat au besoin. *Plus qu’une saloperie. Je peux le faire, je peux le faire.* Le raptor saute une nouvelle fois et Jacob se jette à son tour dans les airs. La collision les jette tous les deux au sol. Les griffes du monstres raclent la bulle sans effet tandis que le voyageur enfonce frénétiquement la sardine dans l’œil de la bête et dans son crâne, jusqu’à ce qu’enfin, elle reste inerte sur le sol.

Alors seulement, le voyageur se laisse glisser sur le dos et entend respirer, se reposer. Tout son corps est sous le coup de douleur diverses. Il a l’impression qu’on l’a brûlé sur tout le torse, il a un bras en si mauvais état qu’il ne peut plus l’utiliser sans pleurer, l’autre lui fait mal, comme s’il n’était plus qu’un énorme bleu. Quant aux ecchymoses, elles sont nombreuses. L’air qu’il tente de respirer n’est pas frais, il est chaud et sec. Il met plus de temps à le soulager. *Putain, je l’ai fait. Je recommencerais pas, mais je l’ai fait ! J’ai accompli ma mission, j’ai sauvé Marc de ces putains de raptors. J’en peux plus, je suis à moitié mort, mais je l’ai fait bordel ! Je m’en suis sorti ! C’est moi qui ait fais ça. Tout seul, sans aide. Je peux être fier quoi. Même si je me sens comme un grand brûlé maintenant. Même si j’ai du mal à respirer et qu’il faudra encore plusieurs minutes avant que ça revienne. Putain, je l’ai fait. Comment Ann se débrouillait pour étaler ses machins toute seule ? Je sais pas. Elle, elle est juste partie affronter une meute de trucs beaucoup plus gros et plus dangereux. Je sais pas comment elle fait. Moi, je suis à pei Jacob ? Ça va ?* L’intouchable lève son bras encore un peu valide et monte le pouce vers le ciel. Marc, qui a retrouvé ses esprits vient le voir avec précipitation, on sent qu’il a eu la trouille de sa vie. *Héhé, c’était rien les hommes des cavernes hein ? On avait encore Ann pour surveiller nos arrières. Mais là, il a fallu que je te sauve deux ou trois fois moins une hein ? T’en fais pas va, je t’aurais pas laissé tombé. Mais maintenant, je voudrais savoir, prêt à continuer ou pas ? Tu n’es pas vraiment blessé, peut-être quelques égratignures sous la combinaison, mais tout va bien. Tu peux le faire. La question c’est, en as-tu toujours envie, vaut-elle la peine que tu prennes encore plus risque pour la rejoindre ? C’est ce que nous allons voir maintenant.*

Jacob, bien qu’ayant encore du mal à respirer normalement, se relève doucement, laborieusement. Il commence à s’habituer à la douleur et sait qu’il y survivra. Il nettoie la sardine ensanglantée et la remet avec le reste du matériel de la tente. Trois des raptors respirent encore, mais ils ont arrêté de crier, ils partent doucement, perdant trop de sang pour survivre très longtemps. Il va récupérer la casserole et la raccroche là où elle était avant. Un peu cabossée, mais elle a tenu le choc. Il se tourne alors vers Marc qui regarde les corps avec appréhension. Il attire son attention et lui demande de le rejoindre un peu plus loin. Là, il pose le sac et écris sur le sol au moyen d’une petite branche, ses lettres demeurant capitales et maladroite puisqu’il utilise la mauvaise main : « Maintenant, c’est toi qui va rejoindre Jane. Je reste derrière pour te protéger. » Marc lui alors un regard désemparé. *Tu veux que je passe en premier maintenant ?* Il hoche la tête pour confirmer. *Mais…* L’intouchable entoure le nom de Jane sur le sol et une détermination nouvelle s’affiche sur le visage de Marc. *Plus d’échappatoire, tu es contraint d’y aller à présent. Il faut que tu saches ce que tu veux vraiment. Tu avances, tu continues, tu y vas, où tu choisis une autre option. Tu affrontes le danger où tu restes sur place. Mais dans un cas, tu prend la décision d’y aller, d’aller retrouver Jane, malgré tous les obstacles, parce que tu sais ce que tu veux. Ou alors tu abandonnes la mission et tu rentres chez toi sans jamais pouvoir accomplir le rêve de ta vie. Ou tu trouves les couilles de franchir le pas maintenant, en me faisant confiance pour te maintenir en vie. À toi de voir. Je ne vois pas l’intérêt de t’accompagner sur le reste du chemin si c’est pour qu’à l’arrivée tu n’oses même pas y aller franco. Alors, tu décide quoi ?* Une longue minute s’écoule, tandis que Marc fixe le nom de Jane. Finalement, il est parcouru d’un frisson et se tourne vers l’intouchable. *D’accord, allons-y. Je veux la rejoindre. C’est très bien, tu as fais le bon choix et je vais t’aider à continuer dans cette voie. Mais comme je l’ai dit, c’est toi qui prend les risques à présent. Je ne suis là que pour te maintenir en vie.* L’amoureux regarde la piste qui continue devant lui et commence à marcher vers leur destination, qui semble à présent culminer assez proche. Jacob l’attrape par l’épaule et l’arrête. *Une dernière chose petit.* Il montre le sac et sourit. *C’est à ton tour de porter ça sur tes épaules, de toute manière, les miennes ne sont plus en état.*

Ainsi la route reprend, à la différence que cette fois, c’est Marc qui mène la marche. Anxieux, inquiet de tout et très concentré il avance sur la piste qui s’étrécit pour être à moitié dévorée par la végétation. À chaque obstacle, chaque difficulté, chaque moment quelque peu inquiétant, le voyageur s’arrête, inspire, se concentre et passe finalement sans encombre. Il n’arrête pas de remettre en place le sac sur ses épaules. Celui-ci a d’ailleurs subit quelque dommages contre les velociraptors, mais tient encore très bien et ne se vide pas de son contenu. Jacob marche un peu en retrait, lui-même très concentré, il surveille les alentours, s’assure qu’aucune créature ne le surprendra et dévorera Marc. Mais la jungle semble assez calme depuis le massacre qu’il a perpétré sur les raptors, comme si les créatures le craignaient à présent… *Ou plutôt comme si elles s’étaient fait un festin des cadavres que j’ai laissé derrière moi et qu’une fois que toute la viande aura disparue, il n’y aura plus qu’à se rabattre sur les deux piétons qui traversent tranquillement le royaume. Bon, c’est sûr qu’on a ralenti depuis que j’ai demandé à Marc de marcher en tête. Il a l’air d’avoir peur de chaque branche mais bon, il brave chaque peur, il continue d’avancer. Et c’est bien. Je crois qu’on a assez d’avance de toute manière. Depuis les gros monstres jusqu’aux raptors, j’ai suffisamment forcé le rythme pour ne pas avoir à prendre de la vitesse maintenant. Du moins j’espère. Je ne sais pas vraiment si Ann avait prévu un truc ou un autre à l’arrivée. Mais si mes estimations sont correctes, il nous reste plusieurs heures devant nous. Je me fie à ma bulle pour savoir où j’en suis dans la nuit. C’est un bon chronomètre et je connais par cœur les différentes phases qui sont les miennes. Au début, les deux premières heures environ, tout va pour le mieux, comme si rien n’était différent. Ensuite, le problème premier est la soif. On atteint ensuite la phase où l’air devient impur et puis apparaît la faim. Puis, avec une progression effarante mais impossible à arrêter, viennent la faiblesse physique, la fatigue, l’esprit qui s’embrouille facilement, l’éreintement, le mal de crâne, les courbatures et finalement les vertiges. À ce moment, même si je parvenais à m’endormir dans Dreamland, rien n’y ferait, je serais toujours dans un état de loque, incapable de faire grand chose. Cette toute dernière phase de totale faiblesse dure toujours entre une heure et deux heures. Selon que je me suis battu ou non, où si mon corps réel dors plus longtemps finalement. Et comme je viens juste de commencer à avoir faim, c’est qu’on doit être au milieu de la nuit environ. Peut-être un peu après tout de même, m’enfin, concrètement, il est l’heure d’avoir faim, ce qui veut dire qu’il va falloir attendre avant que le reste arrive et donc que nous avons encore du temps devant nous. Du temps où je pourrais encore servir et me battre. Et si les monstres commencent réellement à devenir rares, je vais sûrement pouvoir m’en sortir sans problème. Néanmoins, il faut bien avouer que s’ils débarquent, où si finalement la piste commence à faire de gros détours, je risque de ne pas pouvoir aller jusqu’au bout sans devoir me traîner à la fin. Et je doute que Marc soit partant pour me porter en plus du sac, même pour retrouver sa belle. Il m’abandonnera, parce que c’est ce qu’il y a de mieux à faire : je ne risquerais pas grand chose tout seul. Je mettrais ma bulle en mode ballon et on pourra faire ce qu’on veut, rien ne pourra plus me blesser. D’ailleurs, je prendrais bien cette forme dès maintenant si la piste n’était pas si étroite pour le moment. Mon ballon ne passerait pas entre ces arbres…*

Cette situation ne le rassure d’ailleurs pas tellement, car il voudrait pouvoir surveiller les alentours de Marc sans avoir à se soucier des siens. Mais ils avancent ainsi et tout semble bien se passer. La jungle demeure dense, mais les monstres ne se décident pas à en sortir, si du moins ils se trouvent dans les parages. *C’est un peu trop calme en fait dans la région. Je veux dire, tout à l’heure, on a eu une série de monstres assez différents qui nous ont permis de faire la démonstration de la puissance de Ann et de ses singes. À présent, plus rien, un peu comme au début. Y aurait-il une zone circulaire remplie de ces créatures effrayantes et au centre une zone beaucoup plus calme ? Non, trop étrange. La plupart du temps, à Dreamland, il y a deux schéma. Soit on part du centre et plus on s’éloigne, plus c’est la merde, comme pour les zones par exemple. Soit on part de l’extérieur et plus on se rapproche du centre du royaume, plus c’est la merde. C’est le cas des royaumes cauchemars. Et ça, ça n’a pas l’air d’un royaume promenade au final. C’est même carrément pas un royaume promenade sans Ann. Les monstres sont hyper galère à vaincre quand ils s’y mettent. Mon problème étant bien entendu que je n’ai pas d’arme à leur opposer. Un vrai problème de n’avoir rien de plus que ces bras projeté qui ne font pas énormément de dégâts, surtout sur tout ce qui a un minimum de protection, comme des écailles par exemple. Un putain de vrai handicap face aux autres voyageurs. Je dois toujours plus ou moins me procurer une arme pour vaincre mes ennemis. Ed a son panneau et au fur et à mesure qu’il progresse, ses capacités sont décuplées, comme les autres. La plupart des contrôleurs peuvent créer leurs propres armes. Les manieurs ont des armes en général, du moins leurs objets peuvent le permettre. Les morpheurs sont des armes. Du moins pour les plus chanceux. Quant aux invocateurs, n’en parlons pas, ils ont toute une panoplie d’armes à leur disposition. Mais moi, je n’ai qu’une défense, sûrement la meilleure qui existe, hélas ça ne suffit pas. Il me faudrait un truc pour frapper fort, pour faire mal et pas seulement pour être capable d’encaisser plus que la moyenne. Je sais pas, je pourrais peut-être me trouver une arme qui puisse me suivre et que je ne perde pas quand je change la forme de ma bulle, qui y resterait collé ou je sais pas. M’enfin, un truc pour ne plus être constamment surpassé par toutes les armes dont peuvent disposer mes ennemis et que ma tactique principale ne soit plus uniquement de m’envoler vers les cieux à toute pompe, histoire de les lâcher dans le vide. Ouais, un truc pour me remettre au niveau. Peut-être que si Ann m’embauche je pourrais lui… Oh, merde ! Euh, Jacob ! Ouais, ouais, j’ai vu, je suis là. T’en fais pas.*

Ce ne sont pas vraiment des créatures très dangereuses, tout au plus des gros lézard de jardins qui filent droit vers eux, sortant de toute part des fourrés. *Ils ne doivent pas représenter de réel problème, mais en groupe comme ça et avec la façon dont ils se précipitent vers nous… Pour toute personne qui a vu Le Monde Perdu, je crois qu’on se méfie maintenant des petites créatures inoffensives. Je ne devrais pas avoir trop de mal à les repousser, mais ils sont en groupe, un sacré paquet d’ailleurs. Inutile de les compter, ça doit sûrement être dans la cinquantaine. Je ne crains rien contre ça, ma bulle me protègera sans problème de toutes leurs petites morsures. Le problème c’est Marc. Encore une fois. Ou plutôt de le protéger. Sa combinaison ne tiendra pas éternellement avant d’être parfaitement déchiquetée. Putain, il va falloir se dépêcher et ce con s’est planté au milieu de la route sans savoir quoi faire. Allez ! Plus vite ! Cours, tu finiras bien par les semer !* Jacob lui fait signe d’avancer de continuer et de se dépêcher de le faire. Marc acquiesce, plus que jamais mal à l’aise et en regardant bien ses pieds, il commence à accélérer vivement pour poursuivre leur chemin. Jacob, qui est un peu en retrait surveille les créatures qui foncent vers eux. *Elles sont trop rapides pour qu’on les distances. Fait chier ! Tient, prend toi ça crevure !* L’intouchable lance son pied dans l’une des créatures qui va valdinguer plus loin, complètement sonnée. Il en écrase une seconde qui s’approchait un peu trop de lui. Il lui faut envoyer une bras pour arrêter une qui allait rejoindre Marc. Les choses se poursuivent ainsi dans la confusion générale, il faut donner des coups de pieds, écraser, envoyer des bras invisibles pour écarter les petits carnassiers. Les éliminer un à un est facile, le problème est leur nombre, impossible de tous les surveiller. Le voyageur des autoroutes se contente d’avancer en sautillant pour éviter ce que Jacob ne parvient pas à arrêter. Il ose même, au bout d’un moment, donner un ou deux coups de pieds aux plus dangereux. Dans l’ensemble, ils s’en sortent, mais sont contraints de continuer à fuir pour échapper à leurs assaillants. *Putain, mais combien ils sont ? Des milliers ? C’est leur territoire ici ? Je comprends pourquoi il n’y a pas d’autre monstre dans les parages alors. Ils infestent carrément la région, quelles saloperies !* La piste continue sa course sinueuse tandis que les voyageurs essaient de se protéger d’une forêt qui grouille à présent d’une multitude de ces petites créatures. Leurs coups ne suffisent plus à les repousser, il leur faudrait beaucoup plus de pieds. Jacob finit par trébucher, s’empêtrer en buttant par inadvertance sur les petites créatures qui encombrent le passage. Ayant un peu d’avance, Marc échappe au pire, tandis que son protecteur est naturellement protégé par sa bulle mais ne parvient plus à avancer sans faire de dégâts. *On va jamais pouvoir s’en sortir. Ils finiront par l’avoir, est-ce que je dois m’envoler et le porter ? Je crois que je ne vois pas vraiment d’autre solution, je ne peux pas vraiment écraser toutes ces créatures tout seul. Bon, c’est par JACOB ! UNE RIVIÈRE ! Génial ! Dépêche-toi de la rejoindre, je suis derrière-toi. Avec un peu de chance, ils ne nous suivront pas dans l’eau, ils n’ont pas vraiment l’air d’être du type nageur et au pire, je leur concocterai un petit piège.*

Les deux voyageurs accélèrent l’allure et suivent une descente qui file droit vers une rivière qui n’est rien d’autre qu’un rapide profond d’un demi mètre et encadré de rochers. Marc, plus déterminé que jamais saute sur un premier rocher avec une adresse manquant d’expérience, mais qui le sauve tout de même. La foule de créatures s’arrête un instant devant l’eau, mais finit par se glisser à l’intérieur et commencer à nager. Jacob s’est envolé quelques secondes plus tôt. Elles avancent moins vites dans l’eau qu’elles ne le font sur la terre ferme et Marc, en passant d’un rocher à l’autre maladroitement parvient à maintenir une distance suffisante pour leur échapper. Mais en quelques instants, le niveau de l’eau semble baisser jusqu’à ne plus laisser que quelques fins ruisseaux insignifiant dans lesquels les créatures peuvent à présent patauger. Leur proie finit par sauter sur la rive d’en face et commence à grimper pour leur échapper. À cet instant précis, Jacob s’envole en changeant brutalement la forme de sa bulle. Le mur qu’il avait créé pour faire un barrage improvisé disparaît et une puissante vague déferle sur les lézards qui sont en majorité encore dans le lit de la rivière asséchée. Le groupe s’excite et s’affole quelques instants, mais rien n’y fait trop peu sont assez rapide pour échapper au fléau et la plupart sont emportés. Le courant est à présent trop fort pour qu’ils puissent y nager. L’intouchable va se débarrasser des quelques uns qui ont réussi à passer l’obstacle naturels et qui pourchassent encore Marc. Lorsque ce dernier le voit revenir, il semble très soulagé. *J’ai cru que tu m’avais abandonné… Merci… Pas de quoi, c’est mon job, enfin, j’espère que ça le sera bientôt. Bon, je nous ai débarrassé de cette horde-là, j’espère qu’il n’y en a pas d’autre dans les parages. La rivière était une aubaine, je suis content qu’elle ait été là. Tu n’as rien toi ?* Mais après une vérification rapide, il apparaît que le jeune voyageur est sain et sauf, sa combinaison tient encore le choc et il est donc prêt à poursuivre la route. *Enfin, après que nous ayons pu retrouver notre souffle, bien entendu. C’était un peu tendu comme situation. Il faut continuer à avancer, mais pas se précipiter non plus. Putain, cet air impur me fait chier. C’est déjà la merde quand je me bats pas mais alors là… Sérieusement, si ça sera comme ça à chaque fois que je devrais bosser pour Ann, il faudra que je sois plus endurant. Connerie de bulle.*

Il lance un regard vers la piste, à présent, ce n’est plus qu’une longue pente douce qui s’élève, toujours en allant vers le centre du royaume et vers leur destination, encore invisible entre ces arbres épais. Néanmoins, la piste s’est élargie sur cette rive et l’intouchable a passé sa bulle en un ballon indétectable dont il occupe le centre. Ainsi, il se place à l’abri des attaques, ce qui lui permet de mieux surveiller les alentours de son protégé, qui grimpe pas à pas la hauteur qui se dresse devant eux. *À ce niveau là, c’est pas une épée qu’il me faut, c’est un lance flamme. Le nombre est une arme très efficace en réalité. Plus efficace que je ne le pensais. Cette horde a bien failli me forcer à utiliser mon pouvoir au delà de la limite que je me suis fixé. Même si j’aurais sauvé Marc, je ne lui aurais pas permis qu’il atteigne ses objectifs comme ça. Je veux dire, maintenant qu’il a osé donner quelques coups, il doit bien se dire qu’aller demander à la femme qu’il aime si elle veut bien essayer de l’aimer aussi n’est pas si compliqué. Franchir ce pas ne lui paraîtra plus un problème. Même, ça deviendra sûrement une urgence. Il a frôlé la mort ou presque à plusieurs reprises ce soir, il aura sûrement du mal à se dire qu’il ne peut pas remourir demain et qu’il ne faut donc pas perdre une minute. Il doit avoir compris que la vie est courte à présent et qu’il vaut mieux éviter toute procrastination. En tout cas, il avance maintenant et il ne parle plus. Je crois que j’ai fait le bon choix en lui laissant mener la marche. Il s’en sort bien. Il a peur, c’est sûr, et j’aurais un peu peur aussi à sa place. Avancer vers l’inconnu en laissant le soin à un autre de se charger de sa propre sécurité. C’était pas un choix évident. Il a plongé dedans et c’est ça qui le rendra plus fort, plus confiant pour l’avenir. C’est tout ce que je peux réellement lui apporter.

Sinon, la zone m’a de nouveau l’air hyper calme. Il faut dire qu’on a fait la majorité du chemin en compagnie d’Ann et qu’elle a suffisamment dû écraser de monstres pour dissuader les autres de venir nous faire chier. Et puis, je ne sais pas, il y a peut-être effectivement une zone franche, tranquille par là. Les lézards avaient leur territoire, mais celui-ci ne devait pas dépasser la rivière à mon avis. Ou alors on est sur le territoire d’une créature repue ou pacifique. Après tout pourquoi tous les dinosaures devraient être des ennemis ? Parce qu’on est dans un royaume dangereux ? Non, je ne crois pas, dans Jurassic Park, il y a des diplodocus et autres végétariens sympathiques. Ça doit bien exister. La preuve, qu’est-ce que je disais, un stégosaure qui marche tranquillement sur la piste… UN STEGOSAURE ? Merde ! Il ne nous a pas vu pour l’instant on devrait peut-être en
Jacob… ? Ouais, ouais, je sais, mais restons silencieux hein. Il se promène pour l’instant, il n’y a pas de quoi s’affoler.*
L’intouchable fait signe à Marc de se taire et de continuer à marcher derrière le dinosaure. *Je pense même que c’est bon pour lui en fait, de marcher tranquillement derrière le stégosaure, ça lui permet de tester encore plus ses limites. D’une manière ou d’une autre, Jane est de l’autre côté de ce monstre. Il ne pourra pas la rejoindre s’il n’accepte pas de marcher derrière… Et puis, assez sincèrement, c’est drôle de le voir s’agiter comme ça, tout nerveux. Mais c’est bon, je ne suis plus trop loin derrière, je peux intervenir sans problème en cas de besoin. Qu’il ne s’inquiète pas. Ce qu’il faut surveiller en réalité, ce sont les bois. Qui sait s’il n’y a pas un prédateur à l’affût. C’est tout de même un sacré tas de viande qu’on a devant nous. Ça pourrait faire des envieux. Mais pour l’instant, je ne vois rien et je pense qu’on pourrait même se croire aussi tranquille que notre guide.* Les deux hommes marchent donc pendant un long moment derrière le Stégosaure qui suit la piste sans s’inquiéter. Au bout d’un moment, alors que la piste continue de monter mais que l’on voit enfin le sommet de la côte approcher, il s’arrête devant un feuillu et commence à brouter les larges feuilles. *Merde, c’est pas top ça. Il peut rester là des heures, on n'a pas des heures. Il va peut-être falloir passer en s’éloignant un peu de la piste. Même si Ann a dit qu’il était très difficile de la retrouver, je crois qu’il va être nécessaire de le faire. Il n’y a pas de prédateur à l’horizon et il suffira de grimper au sommet de la côte pour retrouver la piste ensuite. Mais encore une fois, c’est à Marc de décider, je ne suis qu’un accompagnateur.*

Marc fait une moue difficile à interprété à cause de la combinaison marron qui lui couvre le visage presque entièrement. Il lance un regard vers Jacob pour lui demander quoi faire, mais l’intouchable lève les bras pour se dédouaner de toute décision. Finalement, plus téméraire que Jacob, il décide de contourner le monstre presque sans sortir de la piste. *C’est un jeu dangereux, mais je comprends, tu ne veux pas perdre de temps. Et en plus, tu sais que si les choses tournent mal, c’est moi qui prendrait, alors pourquoi pas, hein ? Connard, je te le ferai payer, d’une manière ou d’une autre, tu paieras.* Ils avancent donc en catimini et avec lenteur vers le dinosaure, se glissant sur le côté de la piste où le monstre ne regarde pas. Soit du côté de sa queue, hélas beaucoup plus dangereuse que ses dents. Tout se passe bien jusqu’à ce qu’en surveillant trop l’animal, Marc finisse par trébucher et tomber. Effrayée, la bête se réveille soudain et pour sa défense, envoie les pics de sa queue droit sur eux. Jacob se met immédiatement entre son protégé et l’assaut. La bulle et lui sont projeté d’un mètre ou deux, mais les piquants ripent et s’éloignent. À présent, la créature est énervée et se sent menacée, Jacob fait signe à Marc de rester coucher, il pourrait prendre un coup sans le vouloir. La queue s’élance de nouveau vers la bulle, sans plus d’effet. Contraint de se battre, le manieur s’élance dans les airs et va pour retomber sur la tête de son ennemi avec violence, espérant l’assommer. Celui-ci, cependant, dans la panique recule, se retourne et intercepte le saut avec sa queue. La créature est rapide et puissante, même si ses coups ne peuvent rien contre l’intouchable, elle demeure suffisamment robuste pour que le combat puisse durer des heures. Alors que Jacob cherche une stratégie qui pourrait en venir à bout, le monstre lui assène une nouvelle attaque, plus forte que les autres et le fait rouler jusqu’à ce qu’il heurte un arbre. Un peu étourdi, le voyageur ne réfléchit pas et cherche juste à se relever dans sa prison impénétrable. Il voit alors les pics s’avancer de nouveau avec encore plus de brutalité. Il se tient prêt à encaisser la secousse. Cette fois, la force déployée est trop grande et les armes de son ennemi se brisent d’elles-mêmes sur la protection de leur victime. L’arbre et la bulle tremblent une demi-minute après l’assaut, alors que le monstre hurle en sentant ses os brisés. Une fois la situation rétablie, Jacob fonce vers le dinosaure pour le frapper à la tête dans une seconde tentative. Encore une fois, le stégosaure n’a pas la moindre envie de se faire attaquer et, au vu de l’échec de sa dernière attaque et des meurtrissure de sa queue, il préfère s’éloigner en accélérant sa marche. Il redescend la côte pour s’enfuir et le voyageur ne le pourchasse pas.

*Bon, une bonne chose de faite. J’ai le tournis maintenant, c’est malin. Le monstre s’est barré et c’est tout ce qui doit compter. Je veux dire je souffre à peine là. J’ai rien, alors que contre les raptors, j’ai vraiment morflé comme un malade. Non, là, c’était cool. Il se défendait, il croyait peut-être que j’étais un prédateur ou quoi. Maintenant qu’il s’est enfoncé dans la jungle, je ne crois pas qu’il cherchera à nous attaquer… On est encore tiré d’affaire et le sommet de la côte m’a l’air tout à fait dégagé, on va enfin pouvoir évaluer une deuxième fois où on est par rapport à la destination et le chemin parcouru depuis tout à l’heure. Allez Marc, relève-toi, on y est presque.* Jacob change la forme de sa bulle et aide le client de la SDC à se relever. Ensembles, ils grimpent jusqu’au sommet de la côte et s’arrêtent un instant pour observer. La hauteur qu’ils doivent rejoindre n’est vraiment plus très loin. *Encore une bonne heure de marche, deux tout au plus.* estime le manieur. Il se tourne alors de l’autre côté et observe l’étendue de jungle déjà parcourue, qui lui paraît immense. Il remarque une forte agitation à un point donné, des arbres se mouvants, secoués par quelque combat sûrement. C’est assez loin pour qu’il ne s’en préoccupe pas vraiment. À cet instant un bras surgit des arbres de la jungle, s’élève au dessus de la végétation. C’est un bras noir de jais, velu, puissant, terminé par une main tout aussi noire, reluisante comme du cuir. Il n’apparaît qu’un seul instant et s’abat finalement avec force sous la végétation, disparaissant à jamais. Après cela, la végétation semble rester tranquille dans cette zone, comme si le combat avait cessé. *Je ne veux même pas savoir ce que c’était. Un truc, un monstre. Quoi qu’il en soit, ça vient de tuer. Bien, retournons à nos moutons, tant que ça ne vient pas ici, tout va bien.* Jacob se retourne vers la piste. Il n’y a plus qu’une vallée à traverser avant d’arriver à destination. Il plonge son regard dans la vallée… *Euh… ils sont sérieux là ?*
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Jacob Hume
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Arpenteur des cauchemars
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptyJeu 12 Juil 2012 - 2:23
8.



*Non, c’est pas possible. La piste ne peut pas passer par là, c’est une blague. Après tous les monstres qu’on a vu, après tout ce qu’on a traversé, ne me dîtes pas qu’on doit passer par là... Ce serait diablement con de finir ça comme ça. Voilà, messieurs, dames, après avoir vécu toutes ces aventures, après avoir vaincu tous ces monstres, Jacob et Marc arrivent enfin à quelques pas de leur destination finale et se retrouvent finalement incapable de progresser parce que le seul chemin disponible passe par un putain de cimetière ! Où un temple sacré ! Ou un truc religieux. Bref, parce qu’ils sont obligés de profaner un putain de truc religieux et donc qu’ils vont sûrement s’en prendre plein la gueule par toute la population locale. Et merde. On avait déjà pas assez de problèmes comme ça. C’est quoi ce machin ? C’est quoi ces statues ? Il y en a tout un putain de champ ! La forêt n’a plus d’arbre, ça a été changé par des putains de statues… Moches en plus. Je sais même pas si c’est religieux en fait, mais ça en a tout l’air. Et ici, c’est le marais. Enfin, pas LE marais. Mais un marais. La piste traverse le machin. Et ça ne me plaît pas, mais pas du tout. J’ai envie de survoler ça. De retourner dans la forêt qu’est juste derrière. Hein Marc, qu’est-ce que t’en penses ? Moi je dis que c’est mieux… Raah, tant pis. Et puis merde. C’est pas des connards de merde avec des lances qui vont déjouer mes plans. Si ça se trouve, ils sont même pas là ! Je vais pas me faire dicter ma conduite par une connerie de tribu d’hommes des cavernes. Et puis de toute manière, c’est même pas à moi qu’il faut demander. Moi je suis le protecteur, si je veux, je survole sans problème. La question se pose pour notre ami. Alors Marc, es-tu prêt à profaner le lieu le plus sacré du royaume pour satisfaire ta passion amoureuse ? Ce serait un bel acte d’amour. Un peu fou et très dangereux, parce que je suis pas tellement en état de te défendre contre toute la horde. Enfin, je t’aiderais pour sûr, mais peut-être pas aussi bien que contre les raptors. Ils m’ont vidé ces salauds. Alors, quelle est la décision du chef ?*

Marc hésite, cherche le conseil de Jacob, qui se dédouane encore une fois. Mais au final, après une longue inspiration, il s’élance vers le bas de la côte, afin de passer le champ de statues. Les deux hommes marchent donc côte à côte, anxieux, silencieux, regardant tout autour d’eux, espérant ne pas voir filer une ombre entre deux œuvres de pierres. *Je suis sûr que c’était un coup d’Ann ça. Elle a dû se dire que c’était une bonne idée de passer par le temple maudit pour rajouter un peu de piment. C’était peut-être ça l’épreuve finale de son parcours d’aventuriers, transgresser la religion du coin afin de réveiller un petit volcan et forcer Marc à se battre pour sa belle sous les yeux protecteur de la patronne de la SDC. Hélas, petit problème, Ann n’est plus là et il est tout à fait possible qu’elle ait décidé de faire le tour en réalité, ou même de m’avoir embauché spécialement pour que les porter en volant de l’autre côté. Voir de faire venir une invocation géniale qui pourrait nous faire passer par là sans problème. Mais j’en doute. Je crois qu’elle voulait qu’on passe par là et qu’on ait les miquettes. L’endroit est très flippant en fait. Ces statues primitives ont quelque chose de… vraiment effrayant. J’ai comme l’impression qu’elles me fixent. Que peu importe où je me trouve, elle continue de me suivre de leur yeux. Qu’elles se tournent vers moi au fur et à mesure que j’avance. Je ne suis pas très à l’aise. Et Marc non plus je dois dire. C’est sûr, il y a de la magie dans l’air, de la magie onirique pure et dure. Mais je n’aime pas ça. Les yeux des statues pénètrent trop facilement ma bulle. En fait, j’aimerais beaucoup qu’on se dépêche, qu’on court de l’autre côté et qu’on en parle plus. Hélas, mon compagnon est prudent, il a peur aussi. Par conséquent, il avance lentement et… c’est chiant. Allez Marc, tu pourrais essayer d’être un peu respectueux envers ces idoles de pierre et foncer ? Je trouve que ce serait une très bonne idée. C’est comme quand on passe la tête sous l’eau, il faut plonger et aller de l’autre côté le plus vite possible. Mais là, non, on y va pas à pas et la tension monte, monte, monte, monte. Je n’aime pas cela. C’était une bonne initiative de s’engager là-dedans, une preuve de courage. Mais je suis pour qu’on le fasse intelligemment.*

Le champ est vaste et les deux hommes avancent lentement en son sein. Les statues, représentant la plupart du temps, des visages humains allongés, avec des bouches grandes ouvertes avec des yeux creux et ronds, se tournent effectivement pour suivre les profanateurs, lentement, sans un bruit et les observent faire sans réagir. Il leur faut à peu près un quart d’heure pour faire le tiers du chemin jusqu’à la jungle qui se trouve de l’autre côté. À partir de cet instant, les choses commencent à se préciser. Jacob est le premier à croire apercevoir une ombre. Il pense que son imagination, après tout ce qu’il a vécu, lui joue des tours et ne s’inquiète pas. *C’était trop fugitif, trop succinct, je me suis sûrement trompé, ça a déjà disparu…* Quelques instants plus tard, Marc réagit à son tour en voyant quelque chose de son côté. *Tu as vu ça ? Vu quoi ? Bordel, me fait pas flipper comme ça. Il n’y a rien là. M’enfin, si lui aussi commence à voir des trucs… Non, c’est juste qu’on est hyper nerveux.* Les minutes passent et une autre ombre semble apparaître, sauf que cette fois, Jacob et Marc voient la même ombre sur leur droite. *Ok, cette fois-ci, aucun doute. Ils sont là. Ils nous observent. Comme je le pensais, on est allé dans l’endroit où il fallait pas. Tous les guerriers du royaume vont rappliquer pour nous botter les fesses. On est mal barré. Oh, merde, un autre à gauche ! Oui, là j’ai même pu voir la silhouette de sa fourrure et sa lance. Aucun doute, les hommes des cavernes sont vénères et ils nous observent aussi, avec les statues.* Les ombres qui se déplacent autour d’eux sont de plus en plus en plus nombreuses à apparaître. Impossible de déterminer leur nombre, car ils ne se montre jamais qu’un par un, mais ils sont suffisamment pour inquiéter les deux voyageurs. Ils encerclent leur position, ne font aucun bruit. *Pourquoi n’attaquent-ils pas ? J’en sais rien. J’espère que ça a à voir avec les statues, ils ne veulent pas offenser leurs dieux peut-être. Je sais pas, tout ce que je sais, c’est qu’ils sont capable de nous attaquer et de nous terrasser s’ils le veulent. Encore une fois, ils sont armés et je ne peux pas mettre Marc dans ma bulle. Pas sans l’aide de Ed. Du coup, ils sont très dangereux, puisque ma mission est de le protéger. Je devrais peut-être m’envoler ? Non, il ne vaudrait mieux pas. Je ne volerais pas éternellement et cela n’aiderait pas le moins du monde Marc à se mettre les idées en place. Sans parler du fait que je ne pourrais probablement plus combattre après un tel effort. Continuons de marcher…*

Poussé par l’anxiété et la tension, Marc finit par accélérer progressivement le mouvement et marche plus vite. *C’est une bonne idée, plus vite on sera sorti d’ici mieux ce sera. Du moins je l’espère. En même temps, comme les autres hommes des cavernes qu’on a tout autour de nous sont pacifiques pour l’instant, dieu merci, j’ai pas trop hâte de me prendre leur charge sur la gueule. J’ai pas très envie de me battre non plus. Même si je suis obligé de passer de l’autre côté. Alors puisque cet endroit est flippant, je préfèrerais le quitter au plus vite, en évitant le massacre qui suivra. Les deux sont impossibles, je sais. M’enfin, on peut toujours rêver… Putain, j’aurais bien aimé ne pas être voyageur à cet instant. J’aurais sûrement rêvé de Cartel et ça aurait été une belle nuit.* Marc, de plus en plus nerveux, accélère encore le mouvement, il trotte presque. *T’en fais pas, on a fait la moitié maintenant, on y est presque. On peut le faire. Allez Marc, ne perd pas espoir. Quoi qu’il arrive, je suis là pour te protéger. Je te sauverais, je te le jure. Je ferais de mon mieux et au pire je m’envolerais en t’embarquant avec moi. Mais j’ai la même envie de filer que toi. Allez, plus vite ça passera, plus vite on sera de l’autre côté, mieux on se sentira.* Les deux hommes accélèrent toujours un peu plus et finalement, ils finissent par courir complètement vers l’autre bout du champ de statues. Les ombres qui les entourent se précipitent pour les suivre, se montrent davantage, courent avec eux. *Fais chier, fais chier ! Allez, du nerf ! On y est presque de l’autre côté. On peut le faire, on peut leur échapper… Non, ils sont plus rapides que nous. Ils ont l’habitude de la traque et de la course. Ils chassent plus dangereux que des humains. Plus puissant et plus vif aussi. Raaah ! Il va falloir la jouer finement.* Les deux voyageurs finissent par atteindre la lisière du champ au pas de course et se rendent compte qu’il y a une bonne dizaine de mètres de clairière devant eux, avant d’atteindre l’orée du bois et le couvert des arbres. Jacob agrippe l’épaule de Marc et l’empêche de sortir du champ. Toutes les silhouettes qui se trouvent des deux côtés de leur duo s’arrête à leur tour et attendent. *Attend, j’ai un plan. Un plan qui pourrait bien nous sortir de cette mauvaise passe. Ils ne nous attendent pas à la sortie et c’est un bon point pour nous. Une fois entre les arbres, ils seront obligés de nous suivre en suivant la piste, sinon, la jungle les ralentira trop pour nous rattraper si nous continuons à courir. Là je pourrais les retenir. Le tout est donc d’atteindre le bois. Dix mètres. Peut un ou deux de plus. Ça devrait pouvoir le faire.* Jacob désigne Marc du doigt et lui montre ensuite les arbres. *Tu veux que je courre jusqu’aux arbres ? Oui, c’est ça, va aussi vite que tu peux. Et… tu courras avec moi hein ? Non, pas cette fois. Mon rôle est de te protéger et je peux le faire si je suis en retrait et que j’attire une partie de nos ennemis et que j’arrête l’autre. Mais ça tu le comprendras plus tard. Tu seras derrière-moi ? Oui, aucun doute sur la question.* Marc inspire à fond et fait signe qu’il accepte. Il peut le faire et il fait confiance à Jacob. L’intouchable montre trois doigts levés. Il en baisse un. Puis un second. Et un troisième. Le client de la SDC s’élance à grandes enjambées : *JAAAAAAAAAAAAANEEEEEEEEE ! Un, deux, trois, à mon tour… Ça va barder, les voilà qui rappliquent de toute part ! Putain, il y en a beaucoup plus que tout à l’heure.*

Marc file en tête, ses foulées sont grandes, mais pas assez pour distancer les autres. Cinq mètres plus loin, Jacob le suis avec sa bulle en mode ballon. De la gauche et de la droite, les hommes des cavernes se précipitent sur eux, une quarantaine environ, dont certains ont participé à l’attaque précédente. Tous sont armés cette fois. Des lances filent vers Marc et Jacob. La plupart ratent leur cible, une seule ripe inutilement sur la bulle. Les plus rapides des ennemis vont pour se jeter sur l’intouchable et échoue en se cognant contre la bulle. Hume les ignore, il surveille ceux qui menacent directement Marc et envoie des bras invisibles sur ceux qui approchent trop le voyageur. Au final, celui-ci, atteint les arbres sans problème et continue à courir sur la piste. Il est poursuivi par un seul ennemi, qui se dresse entre lui et son protecteur. Jacob s’enfonce à son tour dans la jungle, à leur suite et les hommes des cavernes se glissent ensuite sous les arbres. L’intouchable envoie un bras dans la nuque du chanceux qui menace encore Marc. Il s’écroule et son assaillant lui marche dessus sans ménagement. Au passage, le manieur a changé la forme de sa bulle, la piste étant très étroite de nouveau, et s’est saisit de la lance de son adversaire au sol. Avec celle-ci, il frappe violemment le crâne de la créature des rêves qui se trouve juste derrière lui. *C’est bon, le plus dur est fait. Maintenant, il faut que j’arrive à leur faire comprendre qu’ils perdent leur temps à nous poursuivre… Ok, c’est pas gagné, ils sont vraiment nombreux, je commence à fatiguer et j’ai mal partout. Je ne pourrais pas éternellement me battre. Même courir commence à devenir difficile. Marc a ralenti le rythme, je ne parle même pas du mien ! J’ai du mal à respirer. J’ai très soif, très faim et j’ai de plus en plus envie de dormir. Trop d’action pour une seule nuit, je ne suis pas habitué. Ou plutôt, je suis habitué, mais ma bulle ne me permet pas d’y résister. Je déteste cet engin et pourtant, c’est bien ce qui va sauver Marc cette fois. Le pauvre n’arrête pas de regarder en arrière pour voir si – TIENT PRENDS ÇA ! et de deux – je suis toujours là. Mais je ne l’abandonne pas. Nous sommes au pied du plateau que nous devons rejoindre maintenant. Nous sommes tout proche de l’arrivée. Nous pouvons le faire, nous pouvons le faire. J’y crois ! Allez, j’ai la foi ! Sales chieurs de merde !* D’un bloc, il se retourne vers l’ennemi lance sa lance du côté de Marc et fait face en changeant sa bulle en un mur. Les créatures des rêves foncent sur lui, s’écrasent sur sa bulle inutilement. Surpris, ils sont un peu désorientés et ne comprennent pas ce qui leur arrive. Alors Jacob commence à avancer vers eux les repoussant loin de Marc. Lançant des bras invisible à ceux qui se relèvent ou qui essaient de le contourner. Les hommes de cro-magnon prennent peur pour la plupart face à ce fou qu’ils ne peuvent pas toucher et qui les repoussent grâce à des forces invisibles. Les plus craintifs finissent pas détaler dans toutes les directions pour lui échapper et au final, il ne reste plus qu’une dizaine de fiers guerriers au sol pour s’opposer à lui.

*Vraiment craintives ces bestioles. Tant mieux. Ou peut-être est-ce qu’après avoir tout tenté contre moi, ils préfèrent ne pas insister. Bon, il en reste dix qui ne savent pas quoi faire, dont le chef… Inutile de rester plus longtemps ici. Marc a besoin de moi pour être protégé.* Jacob fait donc demi-tour immédiatement et court, avec sa bulle collée au corps, pour rejoindre Marc qui a pris de l’avance. Désarçonnés, les hommes des cavernes ne poursuivent pas tout de suite et semblent abandonner pour un temps leur chasse. *Une bonne chose de faite. Mais je doute que ça ne dure. On a profané leur temple. On a commis le sacrilège ultime. À mon avis, ils vont reprendre la poursuite, continuer de nous menacer chaque fois que nous nous arrêterons. On n'est pas sorti de l’auberge ! et cette piste devient vraiment de plus en plus dangereuse, de plus en plus douteuse aussi. Je n’aime pas ça.* En effet, plus ils approchent du plateau, plus les choses se corsent au niveau du terrain. Tout d’abord, la piste est très étroite, de plus en plus sinueuse. Elle n’est plus seulement entourée d’arbres, mais aussi de rochers plus ou moins importants, jusqu’à frôler des pans de falaises par moment ou longer des précipices. Il faut faire attention où l’on met les pieds pour ne pas tomber et Marc manque d’agilité. Jacob soupire en le voyant trébucher avec ce sac trop lourd sur le dos. Il a beau être plus fatigué que jamais tiraillé par ses muscles, il faut qu’il le fasse. *Allez, donne moi ce sac, sinon, on y arrivera jamais. C’est bon, tu m’as prouvé ce que tu voulais. Mieux vaut que je t’aide à présent.* Ils se posent à un endroit plutôt sans danger pour faire l’échange. Jacob ne cache pas une grimace de douleur lorsque le poids lui pèse de nouveau sur ses épaules, un peu meurtries à présent. *Fais chier. Ce chemin fait de plus en plus de détours et il monte en pente raide la moitié du temps. J’espère que ce ne sera plus trop long d’arriver au sommet, je commence à perdre mes moyens. Je ne peux plus courir qu’à moitié, comme un mec bourré. J’ai mal à la tête et mes muscles me tirent, c’est mauvais signe. Pas encore tout à fait une loque, mais si je tire trop sur la corde, c’est ce qui risque d’arriver dans quelques minu Les voilà ! Merde ! Il a raison ! Dépêchons-nous putain.*

Et la course reprend, suivant la piste qui longe un autre précipice. Jacob en profite pour frapper l’un de leurs poursuivants avec un bras invisible pour le faire tomber dans le vide. Le plan fonctionne tout à fait, mais les autres, en voyant leur camarade, se replient pour ne pas subir le même sort. *Tant pis, c’est déjà un de moins. Et ça nous permet de reprendre de l’avance. Marc à l’air plus en forme à présent. C’est vraiment injuste. Mon endurance part en fumée et je n’ai aucun moyen de me refaire. Je n’arrive même pas à savoir si nous sommes proches du but ou pas. La piste est trop étroite à présent, on ne voit pas où on se trouve, ce qu’il y a autour. On pourrait être à mi-chemin ou à deux pas du somment que ça ne changerait rien. Il faut qu’on continue. C’est tout ce que je sais. Quitte à ne plus pouvoir tenir debout à la fin, il faut qu’on continue. C’est la mission. C’est mon job. Et ce sac est salopement lourd. Impossible de courir avec ça sur le dos. Rah, je n’aime pas ce chemin !* À présent, il passe sous des rochers qui se sont arqués au dessus de lui. Ce ne sont que des tunnels très fins, sans conséquences, mais cela plonge les deux voyageurs dans l’ombre plus souvent qu’ils ne le voudraient. Pire, la route commence à redescendre plutôt qu’à montrer. Ce n’est pas bon signe, cela rallonge leur temps de course. Jacob jure dans sa bulle lorsqu’il voit réapparaître, une fois de plus, les créatures des rêves derrière lui. *Je devrais être content qu’il n’y ait pas de dinosaure ! Bordel, sont chiant ces types. Peuvent pas aller se la jouer ailleurs ? Vraiment, c’est la merde ici. J’étais mieux avant de m’endormir. Dans les bras d’une fille superbe. J’aurais mieux fait de ne pas m’endormir. Ça aurait été beaucoup plus sympa que de crapahuter ici. Vraiment Ann, j’espère que toutes les missions que vous comptez me confier à l’avenir ne seront pas aussi hard. J’ai pas la force de faire beaucoup plus que j’ai fais ce soir et ce n’est même pas fini. Je commence même à craindre qu’un autre monstre surgisse devant nous. Ce serait notre fin. Putain Marc, reste à portée, je pourrais peut-être encore m’envoler avec toi si j’abandonne le matériel. Avec un peu de chance, l’autre groupe sera déjà au sommet et je pourrais te laisser avec eux avant de tomber dans le coma. Mais là… Rah putain, t’approche pas toi !*

Mais ses attaques ne font que repousser l’ennemi quelque temps, jamais l’éliminer complètement. Le petit groupe de poursuivant semble revenir toujours plus souvent, toujours plus proche et toujours plus téméraire. *Ils sentent ma faiblesse physique et celle de Marc, je le sais. C’est un truc qu’ils doivent avoir. Ils nous harcèlent toujours plus, comme s’ils gagnaient en confiance… Et c’est clair qu’on faiblit. Eux, moins. Ils ont pourtant traversé la même jungle que nous. Ils doivent savoir éviter les monstres. Une chance hein ? Pas pour nous en tout cas.* Le terrain change brutalement autour de lui. La piste monte toujours, mais les arbres se font moins nombreux, les rochers sont moins hauts et la piste se dirige droit vers le plateau qu’ils doivent rejoindre. Elle fonce dessus, alors même qu’il ne semble imposer qu’une épaisse falaise de plus de cinq mètres de haut par rapport à leur position. Les hommes des cavernes réapparaissent en sortant à leur tour de la forêt. Marc et déjà arrivé au sommet de la hauteur, Jacob titube difficilement jusque là. *Un pont ? Un putain de pont de singe ? Oh ! Gloire, génial ! Merci ! Je ne sais pas qui l’a construit, mais il a toute ma gratitude.* Le sommet de la côte qu’il grimpe et en effet brisé par un précipice, une crevasse profonde le sépare du plateau lui-même. De l’autre côté du gouffre, la piste continue et s’enroule autour de la falaise en montant. Trente mètres de marche pour enfin arriver au sommet. Entre les deux bouts de la piste un pont de singe fais avec les moyens du bord ballote au dessus du vide. Il y à peine la place pour qu’une personne puisse le traverser à la fois, mais il est assez long et solide pour en recevoir une vingtaine. Jacob, retrouvant un peu de courage à cette vision salvatrice se précipite pour le traverser. À grandes enjambées, sans se soucier des planches qui craquent sous ses pieds, il passe de l’autre côté. Marc l’y attend, complètement essoufflé, lui aussi a compris que c’était leur seule chance de salvation. Arrivé sur l’autre morceau de piste, Jacob se retourne pose le sac et change la forme de sa bulle en un mur juste assez grand pour bloquer le passage. *Voilà, ces cons sont bloqués sur le pont, j’ai gagné. J’ai réussi ma mission, j’ai amené Marc jusque là. Je ne pourrais pas bouger du reste de la nuit probablement. Et mes jambes tremblent tellement que je ne risque pas de rester debout très longtemps, mais ils sont bloqués et ils ne peuvent plus nous atteindre à présent. Allez Marc, file sur ce sommet, tu y es, ta copine t’attends, moi, pour rejoindre la mienne, il faut que je me réveille. Je ne sais pas dans combien de temps ça se passera, mais j’espère que ça arrivera vite. J’ai hâte de retrouver le calme de ses bras. Allez mec, vas-y, tu peux le faire. Après tout ce que tu as traversé, il est temps que tu fasse le grand saut et que tu ailles la retrouver dans ses rêves. Qu’elle rêve de toi et que tu puisses enfin couler des jours heureux avec elle. Je suis content pour toi vraiment, tu as de la chance. Allez ! Vas-y ! Prends-la dans tes bras et embrasse-la au lieu de rest Ne bouge pas Jacob, je m’en occupe !*

Tout le monde se tourne vers l’origine de la voix, autant les deux voyageurs que la huitaine de créatures des rêves qui sont en train de traverser le pont en poussant des cris de rage. Là, de l’autre côté du pont, à l’entrée de celui-ci, se trouve une fière silhouette féminine. *ANN ! Vous êtes vivantes ! Mieux vous arrivez au bon moment ! Vous nous sauvez ! Vous êtes absolument géniale ! Comment vous avez fait, je ne sais pas, mais si je n’étais pas si amorphe, je sauterai de joie. Et à voir le sourire de Marc, je crois que je ne suis pas le seul. Ces cons sont enfin encerclés ! Ahah ! Victoire ! Mission accomplie !* Ann a toujours sa lance avec elle et elle se précipite sur le pont qui tangue sous tous les mouvements des uns et des autres. Mais Ann, accrochée aux liens de celui-ci grâce à sa queue de singe et de toute manière plus habile, ne cherche au contraire qu’à accentuer les va et vient au dessus du vide. Désespérés, les hommes des cavernes s’accrochent tant bien que mal pendant qu’elle avance pour les frapper et les précipiter nonchalamment dans le vide. Finalement, le chef et son masque demeurent les derniers à s’accrocher et à chercher à résister. L’invocatrice le désarme sans problème et le fait tomber à son tour. Le pont est vidé d’ennemis. Aucune créature ne semble plus venir les attaquer. Jacob s’écroule contre la paroi de la falaise en changeant de nouveau la forme de sa bulle pour laisser passer son employeuse. *Tu as l’air complètement vidé Jacob… et d’avoir pris quelques coups. Ça, vous pouvez le dire chef, je m’en suis pris pas mal dans la gueule et je suis complètement crevé.* D’une main, elle attrape le sac comme s’il ne pesait pas grand chose et le place sur une épaule ignorant le poids de l’objet. Puis elle tend la main à l’intouchable pour l’aider à se relever. *Allez, debout, il faut encore monter la tente avant l’arrivée des autres. Salope, j’en étais sûr. Je peux à peine me lever et voilà que je redeviens le larbin parce que la chef est revenue… Elle me le paiera un jour. Je suis sûr que c’est du bizutage.* Il prend néanmoins la main qu’on lui tend et se sent soulevée par celle-ci, sans avoir à fournir le moindre effort.

Arrivés au sommet du plateau, les trois voyageurs se retrouvent presque au cœur du royaume qui s’étale tout autour d’eux et qu’ils peuvent observer dans toute sa splendeur. Le terrain est plat et assez large pour y installer un petit village. Il n’y a presque pas d’arbres ici et l’on sent que peu y viennent réellement. *Comme si les monstres et les hommes des cavernes évitaient l’endroit. Je veux dire, pour les monstres, je peux comprendre, la piste est étroite sur toute la fin et ils doivent pas être très enthousiastes à l’idée de traverser le champ de statues de tout à l’heure. Mais ça, c’est d’un côté. De l’autre côté, la piste à l’air de suivre une courbe beaucoup plus sympa et praticable. En fait, on a hérité du chemin le plus difficile je crois. Mais bon, les monstres ne doivent pas trouver le moindre intérêt à cet endroit et du coup, les autres n’y vont pas non plus. Les herbes sont hautes et bien vertes et j’ai presque envie de m’allonger dedans. De m’y promener en discutant avec Cartel, par exemple. Mais le problème, c’est que ça ne sert à rien. Ça pourrait être un tas de bouse que je ne pourrais pas plus en profiter et que je pourrais m’allonger dedans sans rien ressentir de différent. Ma bulle me prive de ces plaisir là. Je me demande aussi si beaucoup de voyageurs parviennent juste là. C’est vrai que c’est au milieu de la jungle et que c’est difficile de l’atteindre. De plus, je doute que beaucoup de voyageurs aient envie de passer par là de manière générale. Il doit y avoir d’autres chemins. Les rêveurs ne courent pas les rues non plus. C’est presque un royaume cauchemar dont les chef sont incapables de communiquer. Pas génial politiquement non plus. Je crois aussi que c’est pour ça que Ann a choisi l’endroit. À part des combats, elle ne risquait pas d’avoir des problèmes avec les instances locales : elles n’ont aucune influence sur le jeu politique de Dreamland. D’ici, on domine toute la vallée, l’immense vallée du royaume. C’est là qu’on aurait dû installer le palais du roi s’il y en avait eu un. En fait, il n’y a juste pas de meilleur endroit pour se retrouver après un tel périple, je le reconnais. Maintenant que je suis ici, j’ai tendance à croire que c’est un bel endroit. Mais ce serait oublier tout ce que je viens de vivre et la difficulté que ça représentait. Les apparences sont trompeuses, sous cette jungle se cachent sûrement des créatures bien pires que celles que nous avons croisées. Je ne veux toujours pas savoir ce qu’il y a du côté de la fumée. J’ai cru que c’était le village des hommes des cavernes, mais ce n’est pas logique, que foutraient-ils si loin de leurs statues et de la piste ?

J’espère que Marc va faire ce qu’il faut maintenant. C’est un bon gars, bien amoureux. Un gentil petit bonhomme à qui je souhaite ce qu’il y a de mieux. Il va falloir qu’il fasse plus qu’un simple pas vers Jane cette fois. Il faudra qu’il fasse LE pas, qu’il prenne le risque d’être rejeté, sans quoi tout cela aura été vain. Et franchement, vu comment je me suis cassé le cul pour lui, je l’aurais mauvaise s’il n’en profitait pas maintenant.*
Pendant qu’il monte lentement la tente, usant des dernières forces qui lui restent, Marc, très heureux d’être enfin sain et sauf, raconte toutes les aventures qu’ils ont traversé à Ann, qui écoute avec attention le rapport qu’on lui fait sur les performances du manieur. Jacob essaie de ne pas trop se montrer intéressé, le client ayant oublié de recalibrer son micro pour qu’il n’entende pas l’éloge qu’il fait de lui. *Je l’ai marqué ce bonhomme. Pourtant tout ce que j’ai fais n’avais rien à voir avec toutes les superbes démonstrations d’Ann. J’ai fais de mon mieux quoi… c’est tout… Bon, c’est vrai que je suis assez content qu’on remarque que j’ai bien fait les choses et que je me suis démené comme c’est pas possible ! Après tout, c’est vrai que j’ai réussi et que j’ai bien galéré et que je me suis bien débrouillé ! C’est moi qui ait fait ça. Et j’aimerais beaucoup avoir le job en fait. J’espère que le discours de Marc jouera en ma faveur. Même si je doute que Ann ne soit réellement dupe en la matière…* Finalement, lorsque Marc arrive à la description du stégosaure, Jacob a finit de monter la tente, difficilement, il se relève et s’éloigne un peu vers la falaise pour observer le paysage tranquillement. Mais s’éloigner ne sert à rien, le micro communiquant directement dans ses pensées, il entend toute la conversation quand même. Il essaie de ne pas y penser et songe à la tranquillité dont il jouit à présent.

*C’est presque agréable, après tout ce qu’il vient d’arriver. J’ai mal, bien sûr, j’ai même très mal, mon bras à moitié écrasé va déjà un peu mieux, ou alors c’est que je sens moins la douleur. Je suis complètement claqué, j’ai envie de dormir, de manger, de boire et tout un tas d’autre trucs. Je sais que je pourrais pas les avoir. Alors du coup, je profite du moment comme je peux. Je suis devant un beau paysage, à l’abri des monstres. Je n’ai plus à me battre et même si je ne vais sûrement plus pouvoir bouger de la nuit et continuer à vouloir faire tout un tas de trucs impossibles, je suis extrêmement soulagé de ne plus avoir à battre, d’être sauf. Et la pensée que je vais me réveiller au côté d’une belle blonde est plutôt pas mal aussi. J’ai un peu hâte de la retrouver, je dois l’avouer. Après l’effort, le réconfort… Oui, ce serait une bonne matinée. Ça me plairait bien aussi de la voir arriver là, dans le royaume. Mais elle n’y est pas et heureusement. Je ne sens même plus sa présence, comme tout à l’heure. C’est dommage, le souvenir s’est un peu estompé surtout avec tout ce que j’ai subi. C’est pas grave, puisque que quand je me lèverais, je la retrouverais. Tient, Marc s’est arrêté de parler au milieu d’une phrase. J’espère qu’il n’y a Ils arrivent, Marc, va dans la tente et enlève ta combinaison, Jane entrera dans quelques minutes. Et voilà, moment de vérité Marc va-t-il réussir son coup. Bon, je suis un peu curieux de savoir à quoi ressemble la fameuse Jane.* Encore une fois, Jacob se relève et titube vers la tente pour se mettre au niveau de Ann, qui est seule à présent. Sur la piste qui grimpe vers eux, quatre silhouettes avancent doucement, encore tout à fait indistinctes. *Bon, ils avancent doucement, le temps qu’ils arrivent je vais être tombé par terre. C’était pas une nuit facile. Allez, dépêchez-vous un peu, j’aimerais savoir à quoi ressemble la plus belle femme du monde en quatre volume de mille pages par mister Marc dans la tente là-bas. Je serais frustré si je ne pouv C’est un outil pratique que cette protection, intouchable. Hein ? Ah. Non, je ne dirais pas ça. Je m’en séparerais bien en fait. Oh, pas de doute, ça a ses avantages, mais c’est pas aussi bon qu’être invocatrice de singes par exemple. Là on peut vraiment faire des choses plus intéressantes dans Dreamland. Moi, je suis tout juste bon à faire des murs et à m’en prendre plein la Tu t’es bien débrouillé en mon absence. Désolée de t’avoir laissé tout seul, mais ces monstres nous auraient trop ralentis si je ne les avais pas distrait. Ralentis… Oui, c’est drôle comme expression. Mais après tout, je suppose que si Ann est là maintenant, c’est que les monstres ne reviendront pas de si tôt. Je l’ai vu se battre cette nuit et je sais presque de quoi elle est capable. Je suis toujours plus ou moins persuadé qu’elle peut faire beaucoup plus si elle s’y met vraiment, mais mieux vaudrait ne pas le lui demander. Tu manques un peu d’agressivité et d’endurance, mais tu en as de le ventre pour l’avoir amené jusque là. J’avais un peu peur que m’attendiez à un endroit ou à un autre. On aurait pu être en retard de cette manière. Je manques d’agressivité ? Mais, je vous emmerde ma petite dame ! Et d’endurance, ben tient. On verra comment elle s’en sortira lorsqu’elle sera dans ma bulle, sans pouvoir offensif et bouffé par son propre pouvoir qu’elle s’en serve ou pas. Manquer d’endurance, elle est belle celle-là ! Mais je crois que l’idée à retenir surtout, c’est qu’elle s’attendait pas à ce que les choses se passent aussi bien. Si on peut dire que les chose se sont bien passées du moins. Et ça, c’est un bon point pour moi, inutile de se plaindre pour le reste, je crois qu’elle me dit qu’elle a été agréablement surprise et qu’elle va m’embaucher. Je ne me trompe pas ? Ann ? Ah, merde, ils sont là.*

Les quatre silhouettes avancent d’un même pas. Il y a deux femmes dans le groupe, dont l’une paraît un peu perdu, *probablement la fameuse Jane… Mais c’est un peu con, j’aurais dû y penser plus tôt… Ils sont tous en combinaison, impossible de voir à quoi elle ressemble. Elle est plus petites que les autres. Voilà la seule information que je pourrais retenir finalement. Pas vraiment une description très exhaustive, hein ? Les trois autres ont l’air d’une belle bande de balèzes aussi. Marchent en formation, musclés, l’air droit et fier. Ils doivent savoir ce qu’ils font.* Le groupe se dirige vers la tente, Jane lance un regard vers Ann et Jacob, puis, suivant les indications d’un des membres de la SDC, elle pénètre à l’intérieur de la tente. Les autres attendent qu’elle soit à l’intérieur, puis se dirigent vers les deux autres voyageurs. Pendant ce temps là, le micro de Marc, toujours branché, permet à Jacob d’entendre les tenants et les aboutissants de la conversation entre les deux tourtereaux.

« Jane ! » s’exclame le voyageur, l’air ravi.
« Marc ? C’est toi ? » s’étonne l’autre, avec une pointe d’émotion rassurée. Puis, avec soulagement : « Oh Marc ! »
Silence.
« J’en suis sorti hein ? Il n’y a plus de monstres ? » s’inquiète-t-elle.
« Oui, tu es saine et sauve maintenant, je suis là. Les monstres ne peuvent plus rien contre toi. Je suis là. » répond l’homme avec assurance. « Jane, il faut que je te dise, et j’aurais dû te le dire il y a longtemps, mais après tout ce qu’il vient de se passer, je ne peux plus attendre. Je t’aime, Jane ! »
« Oh ! Marc ! » lance-t-elle, l’air heureuse. « Je suis tellement heureuse que tu sois là. J’étais tout seule, perdue dans la jungle avec des inconnus, c’était horrible ! Et maintenant tu es là, ça me fait tellement plaisir. Oh Marc ! On arrêtais pas de me dire que quelqu’un allait me rejoindre. J’espérais que ce soit toi ! »
« Je t’aime. » répète-t-il.

Il y a un bruit étrange et il semble que le micro tombe sur le sol, la conversation ne parvient plus à Jacob. *Bravo Marc, je suis content pour toi. J’espère que tu l’as embrassée après ça. Et que dès que tu la reverras et qu’elle sera un peu plus lucide, tu pourras le refaire. Je te fais confiance pour ça. Quant à nous autres Ann, qu’advient-il de nous ?* L’un des deux hommes qui approchent parle, mais Jacob ne l’entends pas, étrange sensation que de retrouver le silence lorsque quelqu’un parle. *Parle dans le micro et branche-le sur Jacob, il n’entend rien autrement. Merci Ann, j’allais me sentir un peu exclu sinon. Ok, ça marche ? Bien. C’est toi le petit nouveau hein ? Je m’appelle Nathan. Enchanté Nathan. Ah, il peut pas répondre non plus ? C’est pas grave. Bref content de te connaître. Sinon, ça va, vous n’avez pas eu trop de problèmes de votre côté ? Disons qu’on en a eu certains. Non, ça va, on a eu une meute des gros, mais je m’en suis occupé. Et vous ? Non, le reste, c’était de la camelote, ça compte pas, vous avez raison. Bah, des monstres, un bon tas. Mais ça allait dans l’ensemble. Par contre, la miss a eu peur. Je crois que c’était le principe, mais bon… Dis-moi, qu’est-ce que t’as fais au nouveau, tu l’as jeté du haut d’un arbre ? Il a pas l’air bien. Non, elle n’y est pour rien, c’est mon état normal en fin de nuit. Si je suis pris, c’est comme ça que je serais à chaque fin de mission. Non, il s’est battu contre tout le reste pendant que je m’occupais des gros. Oui, aussi, ça aide. Il les a tous repoussé tout seul ? Chapeau l’artiste ! Ok, je crois que je vais rougir si ça continue. Je suis juste pas très à l’aise là. Je veux dire, je m’en sors avec plein de marques partout, ces trois là arrivent avec zéro égratignures et c’est moi qu’on félicite ? Ils ont traversé la même jungle que moi et ils n’avaient pas Ann pour les aider… Il s’est bien débrouillé oui. Je crois qu’on peut dire que c’est un bon élément… Qu’est-ce que tu en pense Jacob ? Tu as pensé quoi de cette mission ? Mmh, comment vous dire que je ne peux pas vraiment parler et faire de dissertation ? Bon, essayons un truc…* Jacob jette un regard sur son bras meurtri et regarde le reste de son état physique avant de tituber sous l’effet d’un vertige. Puis, pour conclure, il sourit et hoche la tête de manière satisfaite. *Bien, je crois en effet aussi que ça s’est bien passé. On peut compter sur toi et c’est tout ce qui m’intéresse. D’une manière ou d’une autre, tu apprendras le reste au fur et à mesure, on pourra te former. Ça veut dire que je suis pris ? Hein ? Dites-moi que c’est ça ? Que dirais-tu de travailler avec nous de temps à autre ?* Jacob fait un grand sourire et tend immédiatement sa main vers Ann pour serrer la sienne. *Bienvenue dans la Sweet Dream Compagnie Jacob* Et à son tour elle lui sert la main en souriant. *Sweet Dream Compagnie ? C’est ça que ça veut dire SDC ? C’est original… M’enfin, je ne ferais pas de commentaire, je viens de décrocher un job de rêve et je suis juste trop content. Attendez de voir la tête de Cartel lorsqu’elle l'apprendra !*

Ann entreprend ensuite de lui présenter l’équipe. Il y a d’abord Nathan, son second, qui est un voyageur puissant, contrôleur de vent. C’est un homme qui doit avoir deux ou trois ans de plus que Jacob et qui a un caractère jovial en général. L’autre, le plus silencieux du groupe, c’est Surimane, morpheur buffle. On l’appelle aussi le minotaure. Malgré les apparences cet homme est le moins brute du groupe, un travailleur sérieux assurent les autres tandis qu’il sourit poliment. La troisième membre de la SDC est Agathe, une jeune contrôleuse des distances, agoraphobe, c’est elle qui peut effectuer un voyage d’un royaume à l’autre. Elle n’a pas beaucoup de missions à son actif non plus, mais ses capacités l’ont rendu immédiatement intéressante pour le groupe. Elle l’assure avec un grand sourire qui aurait peut-être été un peu charmeur sans cette combinaison, elle apprend beaucoup et travaille dur pour se mettre au niveau. Mais ça vaut le coup. Ann le présente un peu aussi, comme Jacob l’intouchable, le même qui est roi du royaume des deux déesses. Les autres sont un peu impressionné, lui ne voit pas du tout pourquoi. Comparé à cette seule nuit, la conquête du royaume des deux déesses, si longue fut-elle, a été une promenade de santé. Pour finir, alors que Surimane disapraît, se réveillant, la discussion se familiarisent un peu et l’on commence à se ressasser les aventures de la nuit. Agathe et Nathan se réveillent presque ensemble, ce qui intrigue un instant Ann, elle se demande si Nathan n’a pas un peu profité de la jeunesse de sa collègue. Sachant qu’ils se réveilleront bientôt, elle se tourne une dernière fois vers Jacob, qui a un peu l’air d’une loque à présent. *C’était très bien ce soir Jacob, je suis contente de t’avoir recruté. Je savais que c’était une bonne idée. J’ai hâte de voir ce que tu vaux sur une mission un peu moins facile. Tu as du talent. Quoi ? Une mission pas aussi facile ? Mais je vous emmerde, t’avais qu’à la faire toute seule si elle était si facile ! C’est moi qu’est tout pris, c’est normale qu’elle ait été facile !* Mais c’est trop tard, la voyageuse a déjà disparu. *Putain, je sais pas ce qu’elle entend par difficile, mais il va sérieusement falloir que je m’améliore…*
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Jacob Hume
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MessageSujet: Re: [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. [Quête solo] J'ai rêvé de toi hier. EmptyJeu 12 Juil 2012 - 2:38
9.



Marc finit sa vie de voyageur cinq mois plus tard, en tombant sur le mauvais larron alors même qu’il n’avait toujours pas quitté la zone 1. L’assassin fut attrapé deux nuits plus tard et envoyé à la prison onirique par une créature des rêves. En revanche, sa relation avec Jane coule encore aujourd’hui de beaux jours et semble promis à un bel avenir. Je découvris plus tard qu’Ann était en réalité une actrice de théâtre shakespearien, à Londres, ce qui n’empêchait pas le fait que son poste de directrice de la SDC constitue sa source principale de revenus. Je fis encore de nombreuses missions avec elle et je peux effectivement assurer qu’il ne s’agissait là que d’une mise en bouche tranquille. Néanmoins, cette histoire n’est pas à propos de Marc ou de Jane et elle ne parle pas non plus d’Ann Darrow et de sa fabuleuse panoplie de singes oniriques, ce n’est d’ailleurs pas plus l’histoire de la Sweet Dream Company. Car si j’obtins effectivement le poste que je désirais et qu’enfin je pus trouver un intérêt certain à ma vie onirique, c’est un autre événement qui m’a poussé à vous raconter cette aventure particulière.

Au matin de ce mercredi là, je me levais étrangement avec mon réveil, ce qui ne m’étais pas arrivé depuis fort longtemps. Par réflexe, j’éteignis l’appareil, inutilement mis en marche car mes cours ne commençaient en réalité qu’à une heure de l’après-midi. Comme à chaque réveil depuis que j’étais voyageur, il fallait que je remette mes idées en place et que je retrouve l’usage de mes sensations ordinaires. Je me levai fatigué, à peine reposé me semblait-il. Le souvenir de ma nuit n’était pas qu’une série d’images diffuses et dont on pouvais essayer de recoller les morceaux maladroitement. C’était pour moi les souvenir de la veille. Mon esprit n’avait pas vraiment dormis et j’en souffris amèrement. Il ne me fallut pourtant pas plus de trois minutes pour que mes souvenirs rêvés se replacent normalement dans mon crâne, comme de simples souvenir et que j’en vienne à me souvenir de ce qu’il s’était passé environs huit heures plus tôt. Immédiatement, mon visage se fendit d’un large sourire bienheureux peu m’importait toute la douleur qui subsistait encore sur mon corps par le jeu de la psychologie. Je pouvais oublier tout cela à présent, passer à ce qui était réellement important à mes yeux depuis que je m’étais endormi. J’étais resté à peu près une heure de plus que les autres voyageurs de la SDC à souffrir dans ma bulle et tout ce temps, incapable de raisonner proprement, je m’étais accroché à l’idée que je me réveillerais bientôt et que je pourrais ainsi retrouver Cartel pour quelque tendresse matinale. Hélas, à ma grande surprise, le bel oiseau n’était plus couché contre mon torse et ses cheveux de paille ne cascadaient plus sur mon épaule. J’estimai que, comme tout individu ordinaire, elle avait simplement bougé dans mon sommeil, et tournai la tête pour découvrir sa silhouette endormie et dénudée. En vain, seule la solitude la plus cruelle m’accueillit ce matin là dans mes draps froissés. D’un bond, je redressai brutalement mon buste et scrutait ma chambre, illuminée par le soleil. Aucune trace du passage de la belle ne subsistait, même ses affaires avaient toutes disparu.

Avais-je rêvé ? M’avait-elle abandonné en me traitant comme j’avais traité plus d’une jeune fille ? Ce fut ce que je crus au début et le creux dans ma poitrine sembla si profond que je ne sus comment réagir face à cet abysse nouveau. J’avais beau être un salaud et me tirer une fois sur deux sans le moindre ménagement, en inventant des histoires rocambolesques à mes partenaires, voire en ne murmurant rien du tout à mes amours endormies, je ne m’étais jamais retrouvé dans cette situation. Personne ne m’avait jamais abandonné au matin. En règle générale, j’avais la décence de mentir et de dire que je rappellerai, puis j’oubliais. C’était d’ailleurs plus ou moins ce que j’avais prévu de faire avec Cartel ce matin là, rester avec elle, l’accompagner jusqu’à l’appartement de Ed, ou à son concours, l’embrasser une dernière fois et m’en aller sans jamais revenir, de quelque manière que ce soit. Pourtant, ce vide absolu dès le lendemain me paru une chose particulièrement monstrueuse et impardonnable. Voulait-elle m’enfoncer encore un peu plus dans mon malheur quotidien ? Je me rendis compte à quel point j’avais espéré passer plus de temps avec elle et je découvris comment tous mes espoirs pouvaient être anéantis sans un mot, par des gestes simples, que moi-même j’avais pu faire par le passé. En toute honnêteté, je pense que si nous nous étions éveillé ensemble, rien de plus qu’une agréable matinée ne se serait passée. À la fin de celle-ci, nous aurions probablement tous les deux conclu, sûrement de vive voix. Les choses ne se passèrent pas ainsi, car je fis la découverte du vide de ma chambre avant de voir le reste et cela me toucha plus que je ne l’avais imaginé. Recevoir de plein fouet le résultat auquel on voulait arriver n’étais pas agréable et cela me fis réaliser à quel point j’avais pensé à Cartel cette nuit. La plupart du temps, quand je me réveillais au côté d’une jeune femme, après une nuit de galère, je me disais plutôt qu’un autre problème m’attendait au réveil, celui de gérer une demoiselle à laquelle je ne voulais pas m’attacher. Cette fois, au contraire, j’avais eu envie de la retrouver, ne serait-ce que pour me briser le cœur moi-même quelques heures plus tard. Ne pas la voir fut donc un choc auquel je ne m’attendais pas.

Puis, en faisant une nouvelle fois le tour de ma chambre rangée, je repérais qu’un mot dépassais du Banquet de Platon. Glissé entre la couverture et la première page, ce qui n’était pas dans mes habitudes. J’attrapais le livre et en tirait la feuille blanche que l’on y avait glissé. C’était une belle écritures, très féminine, liée, avec de grands traits élégants, une écriture que je n’avais jusqu’à présent vu que dans des films, digne de Cartel Free, la sœur parfaite de Ed. Je lus le mot en le fixant un bon moment avant de comprendre exactement ce qu’elle me disais, un peu trop à l’ouest encore pour bien réaliser.


« Je suis allé à mon concours, désolée, je ne voulais pas te réveiller. J’ai passé une soirée très agréable, rappelle-moi. On pourrait remettre ça, à l’occasion. »

C’était suivi du numéro de téléphone et de son prénom, tout simplement. Rassuré ? Déçu ? Décontenancé ? Je ne savais plus trop où en être. Elle avait disparu, elle n’était plus là, mais elle ne m’avait pas abandonné et souhaitait me revoir. De mon côté, j’aurais voulu la revoir, l’abandonner et ne pas essayer de la revoir, du moins pas dans ces circonstances particulières. Je n’avais plus vraiment les idées claires et je laissais le mot précieusement posé sur ma table de nuit à côté de moi, sans vraiment décider quoi en faire. Je me souvenais que Cartel n’avait qu’une pause déjeuné dans trois heures et elle était de toute manière injoignable pendant ce laps de temps. Cela me laisserait le temps de réfléchir à sa proposition. D’ordinaire, j’aurais joué le salaud, je ne me serais pas posé la moindre question, je me serais dit que c’est triste, mais que je ne pouvais pas non plus y faire grand chose, que c’était ainsi que j’étais. Mais non, les choses n’étaient plus aussi simple.

D’abord, très probablement, parce que c’était Cartel, une jeune femme merveilleuse avec qui je m’entendais mieux qu’avec la plupart de mes amis, qu’elle était belle, qu’elle était intelligente et qu’elle était surtout très spéciale, dans tous les sens du terme. Ce n’était pas n’importe qui pour moi, elle ne pouvais être qu’une simple conquête sur mon tableau de chasse. Ensuite parce que je m’étais éveillé seul dans mon lit, alors même que ce qui m’avait aidé à tenir la soirée était que je pourrais la retrouver au matin. Parce qu’elle s’était éclipsé et avait créé un vide au fond de ma poitrine qui n’était à présent qu’à moitié refermé. Enfin, parce que je venais de passer la nuit à aider un homme à franchir le pas de construire une relation sérieuse et qu’au fond de moi, je savais que c’était cet homme là que je voulais être. J’étais là de me mentir et d’essayer de me donner une image de salaud. Je savais ce que je voulais réellement, je manquais simplement de courage. Marc et moi n’étions pas vraiment différents en fin de compte. Lui et moi savions parfaitement ce que nous voulions. Nous avions tous les deux la femme, tous les deux l’envie d’un bonheur que seul le couple pourrait nous procurer. Et nous avions tous les deux besoin d’un coup de pouce l’un de l’autre. Lui avait besoin que je lui laisse les rennes, que je le pousse à aller au devant du danger pour qu’il puisse prendre le risque d’inviter Jane. Moi, j’avais aussi besoin de lui, d’un rêveur capable de s’imaginer dans les bras d’une femme et d’en faire sa hantise, de susciter en moi toutes ces émotions, toutes ces images d’un couple. Depuis toujours, c’était ça que je voulais. Je sortais même avec un fille depuis un certain temps avant que je devienne un voyageur. J’avais toujours rêvé, d’avoir mes enfants, mon bonheur familial rien qu’à moi. Je n’étais qu’un connard envers mes conquêtes parce que j’avais peur de fournir l’effort qu’il fallait pour y parvenir et je m’inventais des excuses bidons. Que j’étais trop déprimé pour être un bon partenaire. Que j’avais d’autres problèmes à régler avant. D’abord mourir à Dreamland et ensuite me trouver une copine. C’était le plan. Un plan de merde, un moyen de pratiquer la procrastination aussi. Je ne voulais pas être un dragueur et me contenter d’aventures. Je voulais être un bon mari un jour, je n’avais juste pas le courage qu’il fallait pour le faire.

Je commençais sérieusement à m’en prendre à moi-même et à essayer de me motiver à faire le geste que l’on attendait de moi. Mais une série de raisons vinrent se poser sous mes yeux. Voulais-je réellement une relation avec Cartel précisément ? N’y avait-il pas trop de difficultés ? La distance, son frère, le fait qu’elle soit une rêveuse et que je ne puisse pas lui parler de ce qui me minait toutes les nuits ? Une longue série de raisons me poussait à croire que ce n’était peut-être pas la bonne solution, même si cela parvenait à creuser encore plus profondément ma poitrine. C’était peut-être vraiment trop compliqué, trop dur, trop difficile. Car le vide que je ressentais ce matin, je risquais de le ressentir trop souvent. Je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas quoi décider, jusqu’à ce qu’un autre expert en amour ne vienne à mon secours avec panache. Trois heures après mon réveil, Nicolas sorti de sa chambre l’air triomphant, tout à fait en forme. Il était un peu tôt pour lui trouver de l’énergie et je m’inquiétai immédiatement de sa santé.


« Alors le lover, c’était bien ? » me dit-il avec un petit sourire dès qu’il me vit. « On a bien dormi ? »

Je souris à nouveau, son manque absolu de tact me sidérait, mais il avait le don pour me mettre de bonne humeur. Il sauta dans le canapé juste à côté de moi.

« C’était même très bien… » répondis-je, en restant volontairement un peu vague, tout en étant éminemment sincère.

« Ooooh, ça alors ! » s’étonna mon acolyte de vie. « Pas sympa, pas bien, pas le pied. Non, non, messieurs dame, c’était très bien. Voilà qui est nouveau pour notre étalon préféré ? »

« Mais qu’est-ce que t’as fumé ? »
fis-je pour changer de sujet, je ne m’étais pas rendu compte en le disant que j’avais effectivement fait sortir Cartel du lot.

« Rien du tout, j’ai juste passé une excellente soirée devant trois des meilleurs films de tous les temps et j’ai bien dormi. » plia-t-il en un sourire étincelant. « Alors Jacob, penses-tu qu’il y ait une chance pour qu’on revoit un jour cette jeune fille – qui je le rappelle était très bien ! »

Impossible de m’en sortir, il m’avait piégé et je ne pouvais que lui parler des mes difficultés. Nicolas, l’homme le plus maladroit que je connaissais avec les fille fut pendant un bon quart d’heure mon confident. Je lui fit un résumé très omissieux de la situation qui animait mon débat interne, je lui présentais mes appréhensions et en même temps mes désirs, lui expliquant, du mieux que je pouvais mon désarroi. Mon récit le calma, son énergie soudaine s’en fut et il concentra attentivement sur mon problème, probablement parce que ça parlait d’une fille qu’il trouvait jolie et d’un de ses plus proches amis. Lorsque j’eus terminé, il s’installa bien en face de moi, les jambes en tailleur et me prononça quelques mots que je n’oublierais jamais.

« Jacob, je ne vois pas trop pourquoi tu hésites à ce point là. » dit-il avec un sérieux qui ne lui ressemblait pas. « Je veux dire, tu en as ramené des tas de filles depuis que tu habites ici, mais c'est la première qui a accepté de regarder Matrix avec nous... »

Je demeurais un long moment complètement ahuri face à lui. Sous cette déclaration qui n'aurait pu sortir de la bouche de personne d'autre, il avait évidemment absolument raison. C’était la première fille, sur la longue série de conquêtes que j'avais à mon actif, qui me faisait hésiter sur mes résolutions et j’étais encore là à me demander si elle valait la peine ? Elle avait même accepté de regarder Matric avec nous, ce qui en disait déjà long. Finalement, c’était moi qui était maladroit et qui n’avait rien compris depuis le début. C’était Nicolas le seul véritable lover des lieux. Avec ses rares expériences passées, il avait compris ce qu’il voulait et ce qu’il fallait faire pour l’obtenir. Je savais à présent qu’un jour il tomberait sur une fille qui lui conviendrait, qui le comprendrait peut-être même qui l’aimerait, probablement qu'elle irait jusqu'à regarder les six Star Wars, tout le Seigneur des Anneaux et les deux Kill Bill avec lui. À cet instant, Nicolas serait son homme, il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour la garder auprès de lui, ferait tous les sacrifices nécessaires pour lui plaire. C’était lui qui avait raison depuis le début et qui avait simplement joué de malchance en tombant sur les mauvaises personnes. Parce que peu importait le résultat qu’il avait obtenu dans les trois cas. Il avait réellement essayé de s’y mettre alors que Marc et moi n’avions jamais rien fait. Et maintenant que j’avais trouvé une fille largement au-dessus du lot, trop bien pour moi, j’étais là à me demander s’il fallait vraiment que j’essaie ? Pour un homme qui savait ce qu’il voulait, la question ne se posait pas. Il fallait s’accrocher à des filles comme ça, tout essayer pour ça marche. Il n’y en avait probablement pas deux qui se baladaient dans mon entourage. Ça me sidérait de l’admettre, mais cet abruti de Nicolas avait raison, trois fois raison. Je savais ce que je voulais, il était temps que je fasse ce qu’il était nécessaire de faire pour l’obtenir. Je n’avais plus d’excuses derrières lesquelles me cacher et j’en avais assez de me mentir.

Je me levai de mon siège et filait immédiatement dans ma chambre pour récupérer mon portable et le numéro de Cartel. Je le composais dans la foulée puis m’arrêtai avant d’aller plus loin. Qu’allais-je lui dire ? Comment aborder la situation ? En trois secondes, je réalisais que je m’en foutais, j’avais juste envie de lui parler et elle ne serait pas éternellement en pause déjeuner, je devais me lancer, ne pas manquer l’occasion qui s’offrait à moi.

Voilà pourquoi et comment j’appuyais sur ce bouton ce jour-là.




Fin.
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