Bonjour ! Voici un nouveau sujet qui, je l'espère, vous plaira. Il s'agit de scènes particulières que j'ai eues en tête et que j'écris principalement pour me détendre ! Mais je les partage, parce que j'aime ça aussi !
1.0001 : Le Seigneur des Saintes-GlacesLe Seigneur des Saintes-Glaces était assis sur son trône, pensif. Sa garde était en train de surveiller les préparatifs du banquet qui allait se tenir à l’autre bout de cette salle. Bientôt, plus de quarante personnes seraient attablées devant lui et il les regarderaient ripailler avec les mets qu’il aura spécialement choisies pour cette occasion.
Le Seigneur étudiait les préparatifs avec une grande attention. Beaucoup d’invités paieraient attention à ces détails. Rien ne devait être laissé au hasard, rien. Des Seigneurs de royaumes bien plus puissants que le sien seraient invités, il ne devait pas les décevoir.
Le royaume des Saintes-Glaces, au cours de son Histoire, avait eu vraiment mauvaise réputation. Les peaux-de-glace étaient connus pour leur manque d’hospitalité et leur côté belliqueux. Leur seigneur actuel comptait bien changer tout cela. Alors il surveillait la disposition, les mets, sa famille, ses soldats, absolument tout.
le capitaine de la garde vint à la rencontre du Seigneur. Il avait une peau semblable à la glace et un regard froid comme le plus féroce des hivers. Son casque sous le bras, il posa un genou à terre et informa son souverain de ceci :
- Mon Seigneur. Nous avons capturé trois marauds. L’un essayait d’empoisonner la nourriture, l’autre a voulu s’en prendre à votre fille et le troisième vous a traité de noms honteux, comme “faux souverain” et de “traître”.
Le Seigneur regarda son garde avec un air froid au bleu glacial. Il regarda les préparatifs un peu partout dans la salle… il réfléchissait à ce qu’il allait faire de ces trois individus. Il pencha un peu la tête sur le côté et ordonna :
- Ces trois personnes, amenez-les moi.
- Bien, sire. Approuva son capitaine de garde.
Les trois dissidents furent tirés de leurs cellules et traînés dans la salle du trône comme des sacs de provision. Le Seigneur les regarda dans les yeux tour à tour, ils ne semblaient pas effrayés du tout. Le regard froid les animait tous. Le Seigneur se leva de son trône et s’approcha de ses trois sujets. Il demanda :
- Lequel a proféré les insultes ?
Le capitaine de la garde pointa son épée en acier glacial sur celui tout à droite. Le Seigneur s’en approcha et l’étudia sous tous les angles. Il finit par déclarer :
- Relâchez-le. Je ne vais pas faire quoi que ce soit pour des insultes, après tout.
- Mais sire… tenta de discuter son capitaine, avant que le regarde pesant de son souverain le fasse taire.
- Je pense que si je devais enfermer tous ceux qui m’insultaient, je n’aurais rapidement plus de place dans mes cachots pour les y mettre.
À contrecoeur, le capitaine alla détacher le premier des trois et l’accompagna vers la sortie. Le Seignuer déclara alors :
- Vous deux, en revanche, pour avoir tenté d’empoisonner mes invités et attenté à la vie de ma fille, je vous condamne à mort. Gardes, exécutez-les dans leur cellule.
Des gardes vinrent emmener les deux peaux-de-glace restants pour aller leur trancher la tête dans les cachots. Le Seigneur des Saintes-Glaces sentait que la soirée allait être longue.
1.0002 : Le banquet des Saintes-GlacesLe Seigneur des Saintes-Glaces était à nouveau sur son trône depuis plusieurs dizaines de minutes alors que les invités découvraient la salle décorée. Il y avait des portions aux couleurs de chaque famille invitée, plus un pan de mur nu devant lequel s’assiérait sa fille le moment venu.
La Dame de Doth, splendide femme habillée de rouge, vint se poster non loin du trône. Elle toisait le Seigneur des Saintes-Glaces. Elle était la mère du Roi actuel de leur royaume et ne cachait pas sa désapprobation de sa venue en ces lieux. Elle méprisait les peaux-de-glace au plus haut point et voudrait les voir tous morts. Cela non plus, elle ne le cachait pas.
Le Seigneur soutint son regard haineux de son regard de glace. La Dame de Doth savait que s’il voulait leur tendre un piège, il le ferait. Elle ne pouvait faire confiance à ces créatures. Pendant plus de cent-vingt secondes, le regard fut soutenu par les deux partis, avant que la Dame ne doive cligner des yeux et se retourner pour aller à sa place choisie. Elle était accompagnée du Roi qui avait insisté pour venir, malgré les recommandations inverses de sa mère. Si le Roi ne venait pas au banquet, qui pourrait prouver sa foi en le nouveau souverain des Saintes-Glaces.
Ce dernier se souvenait avoir vu le Roi alors qu’il n’était alors qu’un jeune prince. Il avait été envoyé en mission par son père pour assassiner toute la famille royale et imposer la suprématie des peaux-de-glace, mais le désormais Seigneur avait juste demandé un détachement de soldat de la capitale pour l’aider à renverser son belliqueux de père. C’est pourquoi il était autant détesté du peuple.
Mais les humains n’oubliaient pas si aisément. Et le Seigneur a trahi pour arriver sur son trône. Rien ne disait qu’il n’allait pas trahir encore une fois assez puissant.
Alors le banquet commença. Les premières entrés furent servies. Des plats froids seraient servis tout au long du repas. C’était annoncé. Les peaux-de-glace ont peur du feu, pas question de cuire quoi que ce soit. Le Seigneur, lui, restait sur son trône, à les regarder hésiter à entamer les festivités.
C’est alors que, habillée des habits les plus riches du fief, grand, mince et bleue, la fille du Seigneur pénétra dans la salle du repas. Elle avait peur des gens, alors elle avançait lentement. Elle ne le montrait pas, pour ne pas offenser. Elle s’assit sans attendre et annonça de sa voix glaciale mais claire :
- Mangeons, chers invités.
- Pourquoi vot’ Seigneur, y mange pas ? Demanda le chef de la maison Thorren, un homme bourru et n’ayant pas sa langue dans sa poche. P’tet que c’est empoisonné ?
- Sire Thorren, annonça de vive voix la fille du Seigneur des Saintes-Glaces, si vous ne voulez pas manger votre part, je serais ravie de vous la prendre. La faim me tiraille depuis une semaine, vous savez.
Le Seigneur ferma les yeux un instant. Rappeler que les peaux-de-glace peuvent ne manger qu’une fois par semaine n’était pas l’idée la plus judicieuse. Mais Thorren poussa un soupir et commença à manger, ce qui fit commencer d’autres personnes. La progéniture du Seigneur des peaux-de-glace commençait à manger avec les formes. On ne le verrait jamais du point de vue d’un humain, mais son père savait que ses yeux pétillaient car la nourriture était bonne.
Au moment de la viande, froide, le chef de Thorren rouspéta à nouveau :
- De la viande froide ? Maudits peaux-de-glace et leur peur du feu. Et vot’ seigneur n’a toujours pas commencé à manger. Nous nous sentons insulté, quand même. Pas vrai, les gars ?
Ses subordonnés approuvèrent ainsi que quelques autres hommes dans la salle. La Dame de Doth gloussa discrètement. Comment le Seigneur allait justifier qu’il ne prenne pas part à ses propres festivités ?
Alors il se leva de son trône et avança. Tous les regards étaient rivés sur le Seigneur des Saintes Glaces, sauf celui de sa fille, qui avait confiance en lui, la seule à table.
Arrivant à peu près au milieu de la table en U, il s’arrêta. Peu après, il rompit le pesant silence qui planait sur la salle :
- Je ne mange pas parce qu’un mort n’a plus besoin de manger, voilà tout.
La salle fut choquée d’apprendre qu’en plus d’être un peau-de-glace, le souverain était aussi un non-mort. La Dame de Doth ne manqua pas de le souligner :
- Nous mangeons à la table d’un non-mort ? Et voilà, les gens, je savais qu’on n’aurait pas du venir ! Il va tous nous transformer en non-mort !
- C’est délicieux !
Celui qui avait prononcé ces mots était le Roi en personne. Cela ramena le calme sur la tablée… du moins, pour le moment.
1.0003 : L’attaque de DothIl tombait de la neige, ce soir-là, sur la ville de Doth. Les Dothis n’avaient pas vraiment l’habitude de la neige, aussi loin dans le Sud. Une petite fille n’avait pas été du tout préparée à cela, assise dans une petite ruelle, grelottant de froid. Les fesses entourées de neige tenace, elle se demandait si elle allait passer la nuit. Cela faisait des mois qu’elle n’avait plus de toit ni aucun autre endroit où aller. Il y avait bien la chapelle, mais la petite fille ne savait pas du tout comment faire pour s’y rendre.
Soudain, le tocsin se mit à retentir dans la ville. Une sonnerie, le retour du Roi ? Deux sonneries… des pillards ? Trois sonneries, des dragons ? Mais qu’est-ce que quatre sonneries voulait bien dire ? La jeune fille commença à paniquer. Mais encore plus que tout à l’heure, où pouvait-elle aller ?
Elle entendait du grabuge, non loin. Des corps tranchés et des gorges percées, des cris étouffés par le sang. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Qu’est-ce qui méritait ainsi quatre sonneries, soit un cran de dangerosité de plus que les dragons ? Un dragon seul pouvait détruire aisément une ville, qu’était-il plus dangereux que cela ? La petite fille ne tarderait pas à le savoir, étant donné qu’il y avait désormais quelque chose à proximité d’elle.
Elle sentait son aura malfaisante, elle n’avait pas besoin de le voir ni de l’entendre pour savoir qu’il était là. Un peau-de-glace ? Le froid était leur allié, c’était fort probable. Mais il ne se serait jamais engagé seul dans une ruelle aussi étroite… À moins qu’il pensait ne rien y trouver. Mais ce n’était pas un peau-de-glace. Car la jeune fille ne tremblait plus de froid. De peur, toujours, mais l’air s’était réchauffé de manière drastique. Jamais un peau-de-glace ne réchaufferait l’air autour de lui. Peut-être un sang-de-feu ? Non, il l’aurait brûlée depuis longtemps en étant si proche. Elle ne savait pas ce que c’était, mais c’était effrayant.
- OÙ SE TROUVE LE ROI ?
Une voix avait retentit dans la ruelle, autoritaire, cruelle et dont le son retournait les entrailles. La fillette n’avait jamais entendu telle voix. Ce n’était assurément pas quelque chose d’humain. Elle baissa la tête et avoua :
- Je ne sais pas…
- MENTEUSE ! Tonna à nouveau la voix.
Elle ne mentait pas, elle ne savait vraiment pas. Mais la créature semblait croire que tout un chacun savait où se trouvait le Roi. Elle avait de plus en plus peur. Elle ne pouvait accéder à la requête de la créature, elle ne lui serait d’aucune utilité. Allait-elle mourir , Son coeur s’emballa, elle ne voulait pas mourir ici, dans cette petite ruelle crasseuse. Méritait-elle autre chose, elle qui avait mendié toute sa vie ? Elle en était convaincue.
- QUE FAIS-TU ICI ? C’EST MA PROIE !
Puis, la présence néfaste s’éclipsa avec une vitesse rare. Des morceaux heurtèrent le sol, venait-on de tuer cette chose ? Pourquoi ? L’avait-on sauvée ? Elle en doutait, la créature avait parlé de proie, peut-être une autre créature voulait simplement piquer la proie. Le silence, pesant, presque mortel. La petite fille se releva alors. Elle tendit les mains droit devant elle et toucha quelque chose. Etait-ce de la pierre ? Trop mou. Mais ce n’était pas chaud, froid comme la pierre.
Mais elle sentait quelque chose circuler derrière cette épaisse peau semblable à la pierre. Elle serra ses poings et les décolla de la peau. Ce qu’elle avait touché ne lui faisait pas peur, c’était même apaisant. Alors elle poussa un très long soupir de soulagement contenu et demanda :
- Qu’êtes-vous ? Que se passe-t-il ? Pourquoi m’avoir sauvée ?
Elle savait qu’elle n’aurait sûrement pas de réponse à ses questions, mais elle n’entendait plus de cri, de boyaux qui sortent ou de tête qui tombent. Peut-être était-ce terminé ?
1.0004 : SoixanteSoixante était son nom. Cet esclave de la famille Hygrell. Soixante était grand et fort, beau et loyal, roux aux cheveux longs, la peau pâle et des yeux bleus comme le ciel. Toute la famille Hygrell était en voyage en ce moment. Toute, sauf la bâtarde prénommé Estaf. Le père, la mère et les trois frères et soeurs d’Estaf étaient à un banquet tenu par les peaux-de-glace, ils n’étaient plus que seize esclaves et Estaf. La garde les avait accompagné. Estaf ne se sentait pas tranquille car, même si elle traitait bien les esclaves, ce n’était pas du tout le cas du père.
Soixante peignait les cheveux noirs d’Estaf. Il y prêtait une grande attention, étant donné que c’était sa tache actuelle. Il mettait un point d’honneur à exécuter la moindre de ses taches avec un soin particulier. On pouvait lui demander n’importe quoi, il l’exécutait toujours. Estaf appréciait Soixante et le soin qu’il lui apportait. Elle n’avait jamais eu à se plaindre de lui, c’était un bon esclave. Oui, un très bon esclave.
Estaf se laissait faire, elle avait une grande confiance aux compétences de Soixante en matière de peignage de cheveux. Si Soixante avait eu un jour l’intention de défaire ses maîtres, il aurait pu le faire sans effort. Mais Soixante était loyal. Estaf fredonnait gaiement une mélodie guerrière passée dans le folklore de la ville de Fuyumi.
- J’aime bien cette chanson, déclara alors Estaf, est-ce que tu aimes cette chanson ?
Soixante détestait cette chanson, c’est celle que chantaient à tue-tête les guerriers du Namuri lorsqu’ils ont mit à sac son village. Soixante était le chef du village, il n’oublierait jamais au grand jamais le nombre de ses citoyens massacrés ce jour-là. Mais il ne devait pas avoir l’air contrarié, dégoûté ou revanchard. Il n’en avait pas reçu l’ordre. Il prit une légère inspiration lui laissant le temps de réfléchir, puis répondit à Estaf :
- Que voulez-vous que je réponde, maîtresse ?
- Ce que tu veux, la vérité, ce que tu penses vraiment. Assura-t-elle.
Il ne pouvait pas dire la vérité. Cela blesserait la fierté qu’avait Estaf en la patrie. Elle était très patriotique, trop peut-être. Il devait réfléchir, mais Estaf n’était pas du genre patiente. Elle tenta de se retourner pour le sommer de répondre, mais Soixante lui bloqua la tête en disant :
- Attention, maîtresse, sinon, je risque de vous faire mal en vous coiffant.
- Réponds à la question, alors, Soixante.
Estaf avait dit cela avec un inhabituel ton autoritaire. Normalement, elle aurait dit quelque chose se rapprochant d’une capitulation, mais pas aujourd’hui. Soixante s’en inquiétait, c’était trop étrange. Mais Estaf revint à la charge :
- Tu viens du continent de l’est n’est-ce pas ? Je veux dire, tu es un esclave, nous ne faisons pas d’esclaves de nos concitoyens et aucun d’eux n’a de chevelure de feu. Si tu me parlais de là d’où tu viens, Soixante.
Soixante resta silencieux un moment, avec de capituler à son tour, ayant fini de la peigner :
- Très bien, maîtresse. J’ignore exactement le pays d’où je viens, je n’ai jamais eu de relations avec une administration quelconque. Je viens d’un village où j’en étais le chef. Il y avait exactement cent six villageois dedans…
Soixante repensait à Naosta, la jeune femme belle comme le jour qu’il aurait dû marier la semaine suivant le massacre. Il avait repensé à son visage déchiqueté par une masse d’arme à pointes qu’il tenait dans ses bras, hurlant à la mort qui la lui avait prise. Tout autour de lui, il n’y avait que des cadavres dans le même état. Estaf ne savait pas tout ça, mais Soixante devrait le lui dire si elle le demandait. Il poursuivit :
- Il y avait, tout autour du village, de vastes étendues d’herbe verte et un ruisseau qui venait de la montagne juste à côté traversait le village de part en part. On avait un moulin, un quarantaine de maisons, un petit marché, mais pas de chapelle. On n’avait pas besoin de fioriture pour prier nos dieux.
- Parlez-moi du jour où vous avez été fait esclave, Soixante.
Soixante redoutait cet ordre. Il ne voulait pas cracher sur ses maîtres, mais y serait obligé car on le lui avait demandé. Il prit une grande inspiration et regarda dehors. Des oiseaux gazouillaient sur le cerisier en fleur le plus proche. Estaf retourna la chaise pour faire face à son esclave. Soixante avoua :
- C’était un massacre. Il faisait beau, comme aujourd’hui. Les oiseaux voletaient dans le ciel par dizaines, comme aujourd’hui. Les arbres étaient en fleur, comme… Enfin, c’était une journée normale. Naosta, qui m’était promise le semaine d’après, s’occupait de nettoyer la maison pendant que je coupais les bûches de bois. Sammy venait m’aider, comme à son habitude…
Soixante avait du mal à en parler. La blessure était trop profonde pour un jour se refermer. Il mordit sa lèvre inférieure, il n’avait pas envie de se meurtrir à nouveau. Estaf lui pria de continuer par un mouvement de la main, ce qu’il fit :
- Sammy fut le premier à mourir. Un flèche dans la poitrine. Le reste s’enchaîna très vite. Les cavaliers de votre père furent les premiers soldats du Namuri à arriver sur place, armés de leurs longues masses à deux mains. J’essayais de protéger du mieux que je pouvais mes villageois… Je n’ai pas réussi à tuer un seul de ces valeureux soldats. Eux… ont détruit tous les villageois.
- Pourquoi êtes-vous le seul survivant, alors ? S’enquit Estaf. Les cavaliers de mon père ne font pas de prisonnier habituellement.
- Haha… Si je n’ai pas réussi à tuer un seul des cavaliers… Eux non plus n’ont pas réussi à me tuer. Ce n’était pas faute d’essayer, pourtant. Je suis resté vivant car j’avais assez d’expérience pour ne pas mourir dans un combat.
- Ou pour ne pas mourir du tout, Soixante.
L’esclave écarquilla les yeux. Estaf avait deviné aisément. En même temps, les cavaliers auraient simplement attendu que Soixante arrête d’esquiver au moins une fois pour le tuer. Mais c’était impossible. Il avait été frappé à de très nombreuses reprises, mais les cavaliers se rendirent vite compte que Soixante ne pouvait mourir, ni même être égratigné. Soixante regarda Estaf avec un air désolé, mais celle-ci lui coupa la parole avant qu’il ne puisse articuler quoi que ce soit :
- J’ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi.
1.0005 : Organisme étrangerLa petite fille aveugle marchait à côté de la créature silencieuse qui l’avait sauvée. Du moins, elle l’espérait. Elle n’en savait rien, étant donné qu’elle ne faisait pas de bruit dans cette neige fraîche. L’enfant ne savait pas trop où aller, mais elle y allait.
Soudain, elle buta sur quelque chose de mou. C’était mou et froid et, en tâtant, elle se rendit compte que c’était le corps d’un défunt. Elle prit alors pas mal de temps pour étudier le corps… qui n’avait pas de tête. Elle recula alors et décida de s’en éloigner.
Elle continua de marcher un petit moment, descendant et montant des escaliers ; elle avait du mal à se faire une carte mentale des lieux. d’autant que d’autres corps jonchant le sol traçaient une route faite de zig-zag. Mais qu’avait-il bien pu se passer ici ?
- PETITE UNE HUMAINE ?
Une voix grasse et grave venait de retentir d’assez haut, ce qui venait de le prononcer cette phrase alambiquée devait être grand… ou bien sur un piédestal. La petite fille aveugle avança un petit peu et toucha quelque chose de très chaud à s’en brûler les mains, mou, visqueux et inconnu. La petite n’avait jamais touché quelque chose de semblable de sa vie. Ayant depuis longtemps retiré ses mains, elle les avait essuyées pour enlever cette espèce de colle brûlante. Elle entendit un rire alors.
- CHAUD. PETITE DOIT ATTENTION.
La chose qui venait de prononcer ça, car la fillette en était désormais sûre, était vraiment grande. Elle recula encore un peu mais se prit les pieds dans un cadavre et chuta sur son fessier. Un autre rire gras se fit entendre. Du mouvement huilé se fit ressentir, avant que la joue de la petite fille ne reçoive la visite d’un tentacule mouillé. Alors elle retira son visage de là, avant que la créature ne déclare :
- REINE SILENCE. AVEUGLE ?
“Reine silence” ? Cela expliquerait le fait qu’elle ne puisse rien entendre de ce qu’elle avait senti tantôt. La chose grasse demandait sûrement si la petite fille était aveugle, ou alors peut-être reprochait-elle à “reine silence” d’avoir été aveugle… mais c’était fort peu probable. Alors la fillette voulut répondre à la place de la créature qui lui avait sauvé la vie, se doutant que cette dernière ne le ferait sûrement pas :
- Je suis aveugle, monsieur… madame ? Chose ?
- AH ! S’exclama la créature en retour. PLUS CAUSANT REINE SILENCE. MAUVAIS TA LANGUE, PETITE. REINE SILENCE, POURQUOI ÉPARGNER PETITE ?
Le silence suivit alors cette question. Mais la petite en était sûre, elle n’aurait, en réalité, pas dû être en train de vivre à ce moment précis. La chose bougeait beaucoup devant elle, cela s’entendait. C’était vraiment stressant de savoir qu’une deuxième créature était là sans savoir la percevoir du tout.
La fillette déglutit, cette absence de son derrière elle était vraiment pesant. Si tant est qu’elle fusse encore derrière elle, elle ne le savait pas. Une grande main vint se poser très délicatement sur son épaule… mais cela ne suffit pas à l’empêcher de la faire sursauter. La présence de la main était autant étrange qu’apaisante. L’angoisse qui l’habitait précédemment commençait à s’estomper progressivement.
Alors du bruit se fit entendre derrière le corps de reine silence, qui ne semblait pas très imposant. On venait. On venait en nombre. Mais la petite fut ceinturée par des bras couverts de différentes peaux et d’excroissances molles qui appartenaient sans doute à reine silence. Le silence relatif fut brisé par une voix grave et monstrueuse comme celle d’une personne forçant sur ses cordes vocale :
- MA REINE, REINE DU SILENCE. NOUS AVONS NETTOYÉ LA VILLE DE FOND EN COMBLE. IL NE RESTE PLUS AUCUN SURVIVANT… MISE À PART LA PETITE FILLE QUE VOUS TENEZ DANS VOS BRAS.
Le cœur de la petite fille se mit alors à battre la chamade malgré les vagues d’apaisement qu’elle recevait en continu. Elle était la dernière survivante de Doth ? Pourquoi ? Pourquoi elle ? Pourquoi cette attaque ? Pourquoi avoir massacré tout le monde, y compris les innocents ? La petite fille se mit à avoir des larmes qui lui coulaient des yeux. Elle ne connaissait personne, mais rien que d’imaginer l’emplissait de tristesse.
- REINE DU SILENCE, enchaîna une seconde voix désagréable, LE ROI N'ÉTAIT PAS LÀ. NOUS AVONS CHERCHE PARTOUT, TOUT DÉTRUIT, RIEN À FAIRE.
- Reine du Silence, majesté… tenta alors la fillette pour comprendre, pourquoi m’avoir épargnée alors que visiblement, tous y sont passés ?
Pour seule réponse, elle reçut une forte dose d’apaisement, si bien que ses membres furent lourds au point de s’endormir sur place.
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Sa vision perpétuellement noire prit des couleurs. Des couleurs ? La petite fille sursauta en s’en rendant compte. Elle plaça une main devant son visage parce que la soudaine lumière lui faisait mal. Lui avait-on donné une vue ? Pourquoi ?
Mais elle avait bien d’autres questions, à ce moment-là. Était-ce le ciel, qu’elle voyait là ? Étaient-ce les restes des murs qu’elle apercevait sur le côté de son nouveau champ de vision ? Tant de choses à découvrir au moment où elle se redressa sans un bruit.
Ceci était le sol, ceci étaient des corps le jonchant, ceci étaient des cadavres de ses concitoyens, ceci était du sang… ceci étaient les créatures qui avaient attaqué Doth. Quelles choses horribles. L’une d’elles s’avança vers elle. Elle n’avait pas peur, étrangement. Baissant son regard sur la créature qui se prosternait, suivie de toutes les autres, elle remarqua… son corps nu fait de plusieurs peaux différentes de couleur brunes et violette, couvert de diverses excroissances molles. Ce n’était pas son corps, mais il lui appartenait.
Regardant les mains et les pieds qu’elle contrôlait, la fillette n’en revenait pas. Elle avait sans doute été fusionnée avec la Reine du Silence. Quelle ineptie ! Mais c’était pourtant la vérité.
- Reine du Silence ! Quels sont vos ordres ?
La fillette eut une poussée d’adrénaline à l’idée d’être la souveraine de ces choses.