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Meilleur Méchant Machiavélique

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Ed Free
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptyJeu 8 Mai 2014 - 22:23
Chapitre 10 :
No More Heroes




Et voilà… On y était. Le soleil était clair, il n’y avait pas de nuage, journée parfaite.
A une opération suicide près.

Tous les membres du SMB étaient parqués dans la cave, assis sur des chaises, posés contre le mur, et personne ne semblait vraiment prêt. Inquiétudes, hésitations, je pouvais lire en eux comme un livre ouvert, malheureusement parce que je ressentais exactement la même chose, et voir une tête déconfite comme la mienne, même si le tout était subtil, je tentais d’être neutre, ça ne leur donnerait même pas un semblant de courage.

Je leur dis dans un souffle que Shana était prête, que les machines du Docteur étaient prêtes, que 42 avait terminé, que Lady Kushin était retournée dans leur vaisseau (pour sortir de leur base, ils utilisaient des petits vaisseaux oniriques de deux places construits par un des Deux Dingues, se mettaient à l’endroit indiqué, puis se faisaient téléporter par les bons soins du MMM). En gros, je leur annonçai la pire nouvelle du monde : que le plan pour le moment se déclenchait sans anicroche et qu’on n’aurait pas d’excuses pour l’annuler au dernier moment. Je m’étais couché plus tôt que d’habitude, et si le MMM était bien un Voyageur, il ne devait pas encore être présent sur Dreamland. Sans savoir véritablement quoi leur dire, je conclus ma petite séance par :

« Nous commencerons la fête dans quinze minutes. Si vous avez des choses à terminer ou à dire, c’est maintenant. Après, je veux que tout le monde se tienne dans mon bureau. »

J’avais failli leur avouer que je m’excusais, mais j’aurais sérieusement ébranlé le peu de volonté qu’ils avaient. Non, ils avaient la volonté, je le savais, ils étaient prêts à se battre… Mais la peur était bien présente, trop puissante pour laisser s’échapper d’autres sentiments plus positifs. En attendant les quinze minutes, ayant peur qu’en parlant à l’un d’eux, ils finissent par se rendre compte qu’il suffisait de me dire non pour partir de la mission, je préférais revenir dans mon bureau et commencer des étirements. Dès que je me sentirais légèrement chaud, je verrais avec Liz pour boucler la logistique et m’assurer que rien ne capote.

__

« Ça marche… ça marche… ça marche… et ça aussi, ça marche… »

Le Docteur Doofenshmirtz profitait des quinze dernières minutes afin de vérifier toutes ses machines, voir si elles fonctionnaient bien. Avec le temps qu’il avait eu et le peu de matériel, il pouvait se féliciter. Sa seule déception était de ne pas avoir pu terminer le téléporteur à temps, mais de toutes les manières, il n’aurait pas été très utile vu que les renforts ne seraient pas présents. Yuri pénétra dans la salle en se penchant pour que sa tête ne frappe pas le battant de la porte, et lui posa quelques questions pour savoir si tout allait bien. Le Docteur haussa les épaules :

« Ca dévré marcher sans difficoulté. Dans lé pire dé cas, jé viens avéc vous.
_ Mais vous n’êtes pas un soldat.
_ Jé peux acheter lé cértificat s’il lé faut. »
Ce n’était pas pour ça que Yuri était venu. Il changea de discussion :
« Docteur, je voulais vous dire quelque chose.
_ Oui ? »
Il savait qu’il était stupide, que c'était un personnage de dessins animés et que ses émotions elles aussi étaient en 2D, mais il fallait quand même le lui dire :
« Durant toutes ces années, je vous ai aidés, mais je vous espionnais aussi pour le compte du Major Monogram.
_ Ah, merci beaucoup ! »
Vu que le remerciement était sincère, Yuri ne comprenait pas exactement la situation. Il fronça les sourcils et demanda des précisions. Le Docteur rangea un pied de biche dans une boîte orange et dit : « Cé toujours mieux qué d’avoar cent cinquante micros chez moa. Jé né pouvais pas fére lé ménage sans trouver des salétés dé caméra. Au moins, avéc toa, jé l’impression qué ma vie privée é plous respectée, et en plous, tou mé rapportes des pièces. Cé tout bénéfiques pour moa. » Yuri ne l’avait pas sous cet angle, même s’il voyait bien qu’il y avait quelques failles qui faisaient que quelqu’un de sain d’esprit ne pourrait pas y penser. Dans tous les cas, il préféra ne pas lui dire que jamais les micros n’avaient été enlevés et qu’il était constamment surveillé, comme d’habitude. Yuri lâcha un « Bon… » avant de quitter la salle, légèrement satisfait. Ils se souhaitèrent mutuellement bonne chance. Les quinze minutes étaient presque écoulées.

__

« Un fichier de décrypté ! »

Dark Angel 42 se remit au travail au son de cette cloche. Avec une IA, tout était tellement plus simple. Elle décodait aussi rapidement qu'il frappait, et même si l’opération allait être lancée, il resterait tranquillement dans le Royaume et les appuierait comme il pourrait en les coordonnant. En attendant, il pouvait continuer à décrypter tranquillement tous les fichiers possibles, et ce qu’il voyait, il n’aimait pas.

Les fichiers protégés par le MMM ne laissaient rien transparaître de son identité ou d’une finalité à son plan autre que Dreamland, même s’il retrouva souvent la mention de CdPdD (et absolument rien sur la suite de chiffres mystérieuses qu’Ed avait vue). Cependant, chaque dossier portait sur un des membres du SMB. Il y avait un dossier sur chaque membre de la Compagnie Panda, un autre sur Joan, un autre sur Liz, un autre sur le Yuri, etc. Le dernier fichier décrypté était de Fino, et c’était le second dossier le plus lourd de tous, qui avait pris plus de temps à être décodé. Il ne restait plus qu’un dossier, et Dark Angel n’avait même pas à procéder par élimination pour savoir de qui il parlait. Il avait attendu ce dossier avec énormément d’attention (juste après son propre dossier, qui ne contenait pas tant d’infos secrètes que ça), et pas encore il n’avait vu le fichier d’Ed Free. Ce dernier fichier, qui devait être environ cinq fois plus rempli que les précédents, était certainement le sien. Jusqu'où le MMM s'était-il renseigné ? Dark Angel 42 fit craquer ses doigts.

__

La stagiaire appela son mentor de stage, avec un téléphone portable donné par School-Land qui permettait de pouvoir rentrer cent contacts dans son répertoire, tant que c’était le mentor du stage. Et si ce dernier cherchait à vous joindre, la sonnerie était tellement stridente que vous étiez obligés d’y répondre avant que cinq cent personnes ne se rameutent autour de vous pour chercher le camion de pompier (jeter le portable vous donnait d’office un zéro ; School-Land avait compris comment fonctionnaient les futurs gens qu’elle devait former). Passées cinq tonalités, elle entendit qu’on décrochait. Après les salutations habituelles, elle posa sa question :

« Voilà, est-ce que ça serait possible de faire quelques petits ajustements au niveau de ma problématique ? J’aimerais m’occuper de ‘Un méchant diabolique qui réussit met-il fin aux autres plans diaboliques ?’
_ Vous voulez vous pencher sur le fait qu’un plan diabolique rend inutile les autres ? Mais vous ne pensez pas qu’une domination par un méchant diabolique entraînerait d’autres plans diaboliques pour le renverser ?
_ Je comptais en parler dans la troisième partie…
_ Ça me semble correct en tout cas, ça ne me dérange pas. Votre nouveau tuteur n’exige pas trop de tâches ingrates de vous ?
_ Pas plus que l’ancien.
_ Dommage. On a toujours besoin d’être larbin un temps pour pouvoir mieux les contrôler.
_ On va bientôt attaquer le MMM. Faut-il que je fasse partie de l’opération ?
_ Ça serait préférable. Nous ferons attention à votre motivation lors de votre soutenance, et vous serez plus à mêmes de répondre à votre sujet… si le plan marche. N’hésitez pas à distribuer votre questionnaire au MMM ou à ses sbires.
_ Je vais essayer, mais ils ont déjà dit non... »
Là, ça allait devenir compliqué, mais les mentors en demandaient toujours plus, de façon très polie.

__

C’était l’heure. Shana monta sur une estrade du palais et prit un grand porte-voix (qui criait à sa place plus qu’il n’amplifiait sa voix). Environ mille personnes étaient présents à la fête, autant des habitants que des marchands et d’autres venus de Royaumes des alentours, curieux de ce festival organisé en quelques jours d'effort. Chacun avait au moins un ou deux ballons dans leur main, des ballons de baudruche de couleur unie, mais néanmoins différentes des uns et des autres. C’était un arc-en-ciel incroyable qu’elle voyait devant elle, et la Voyageuse se dit que si elle avait un appareil photo, elle se serait faite un plaisir de prendre un cliché de sa vue. Il y avait bien plusieurs centaines… non, même plusieurs milliers de ballons qui étaient prêts à être lancés dans les airs, tous accrochés à une ficelle de différente taille afin de couvrir les cieux et donner un spectacle magnifique.

« Lâchez-les ! »

Et dans un même mouvement, tous les ballons de baudruche décollèrent. Aujourd’hui, dans le Royaume, il n’y avait pas de nuage, le soleil pouvait donc briller à outrance, ce qu’il fit sur chaque peau de chaque ballon qui s’envolait très rapidement, frôlant souvent ses innombrables voisins. Pendant un court instant de vingt secondes, les ballons formaient un dôme au-dessus de la tête de tous les spectateurs, un dôme vivant qui tremblait, s’envolait, laissant une ombre multicolore sur le sol et sur la tête des enfants. Puis à peu à peu, chacun s’éloignait des autres, et au bout de deux minutes après les avoir lâchés, les ballons étaient partout dans les cieux, formant comme une sorte de microclimat particulier euphorique. Ils étaient tous présents, partout, flottaient, s’agitaient au vent comme de petits cerfs-volants sans volonté, mais pourvus d’une énergie à revendre. Shana ne pouvait pas s’empêcher de lever la tête pour les observer. Certains gamins avaient écrit leur nom sur leur ballon, et tentaient de jouer avec, même si la hauteur considérable à laquelle ils se trouvaient généralement les empêchait de pouvoir les agiter sans que la longueur de la corde ne dissipe le mouvement. C’était un spectacle merveilleux, ça c’était sûr. Mais ce qu’il annonçait l’était beaucoup moins.

__

This is it. J’étais derrière mon bureau, et je pouvais voir la nuée de ballons s’envoler dans les airs. Je me retournais, et ce fut cette fois-ci le reste du SMB qui m’observait, attendant une réaction de ma part. Je fis l’immense connerie de faire un soupir, ce qui n’était peut-être pas ce qu’ils attendaient de leur général au début d’une opération suicide. Je voyais le visage de Yuri, et son pectoral se gonfler lourdement : il respirait fort. A côté de lui, les yeux de Liz me scrutaient, et me hurlaient de dire quelque chose. Je me remémorai les paroles de Fino, trop occupé à nettoyer son long fusil à canon scié et à recouvrir son petit corps de deux ceintures de cartouche qui le faisaient passer pour l’animal de compagnie écologique de Rambo. Je revoyais les membres de la Compagnie Panda qui sentaient que quelque chose n’allait pas dans la scène (peut-être que la tension était atténuée par les ombres colorées des ballons qui surfaient sur les murs et le sol de la pièce).

Je poussai un autre soupir, faillis m’asseoir à ma chaise dans mon bureau, évitai de penser à l’heure ou aux heures qui allaient suivre, puis je me souvins de l’énergie dégagée quand Jacob et moi s’étions entraînés, de cette onde d’espoir qui m’avait soulevé. Il fallait absolument que je la retrouve et que je la partage, que j’écoute les conseils de Fino : personne n’avait envie d’être là. Je me mordis les langues, et lâchai un pâle :

« Je suis pas doué pour la parlotte… Je vais vous avouer une chose : vous seriez venus y a un ou deux jours, vous m’auriez dit que ce n’était pas à nous de nous occuper du MMM, et je vous aurais sérieusement écoutés. » Bon, maintenant que j’avais dit ça, fallait que je continue. C’était obligatoire. Je me rappelai de tout, des enjeux, des chances de victoire, maigres mais qui existaient, de ce qu’il fallait faire… J’avais une équipe pas motivée qui attendait désespérément qu’on la motive. Raaah, ce n’était pas pour rien que j’avais fait des études de journaliste et pas de ressources humaines. Cependant, je commençais à croire que ce qu’on faisait était la bonne chose à faire, et ça m’aidait à ne pas reculer. A moi de leur instiller ce sentiment : « Maintenant, on a un Royaume qui est en train de jeter des ballons et qui va devenir la cible du MMM, on a une crise onirique globale qui va frapper dès quelques heures si nous ne faisons rien et qui assoira la domination du MMM sur Dreamland. On n’a aussi pas de renfort, on est à peine préparés pour faire les grandes lignes du plan. Dans notre équipe, on a quoi ? Une dépressive, un scientifique fou qui ressemble à rien, un bébé phoque ridicule…
_ Et qui t’emmerde !
_ … Et vous avez un chef un peu stupide…
_ Carrément stupide, ouais.
_ Merci quand même. »


Je n’avais pas grand-chose à leur dire ; je pourrais faire un discours épique, mais ça demandait du charisme et de la force de volonté. Je n’avais pas le premier, et le second demandait une cible bien définie en-face de moi avec pour objectif de l’enterrer. Et tous là, qui faisaient un peu des têtes gênées comme des soldats de la Seconde Guerre Mondiale qui débarquaient en Normandie après avoir vu l’introduction de « Il faut Sauver le Soldat Ryan ». Je fermais les yeux, cherchai une idée. Un souffle d’inspiration me passa à travers la tête. Je me dépêchai de fouiller dans mon bureau et d’en retirer une bourse d’EV. Je la posai sur la table où elle fit un bruit mou. Tandis que les autres la considéraient, je leur dis d’une voix un peu plus puissante :

« Voilà, y a cinq cent EV dans le pot. Vu que je suis le chef, je dicte des ordres, et je dis que tout le monde, sans exception, va mettre aussi cinq cent EV de sa poche dans le pot. Et tous ceux qui survivent à aujourd’hui pourront récupérer le fric. Le Lieutenant Sam sera le bookmaker. » Tout le monde se mit à geindre qu’ils voulaient pas, que c’était chiant, mais il n’y avait rien d’extrêmement sérieux. Ce fut Fino qui approuva mon plan en sortant une autre bourse de sa patte et qui l’envoya sur le meuble. Il ricanait en même temps :
« Y a que des fillettes dans cette équipe, je vais gagner un max.
_ Je n’ai rien à perdre en ce qui me concerne. »
, ajouta Connors. S’il était mort, jamais il ne pourrait rembourser sa dette. Là, il avait une chance de s'en tirer avec un bon pactole.
« Jé né qué quatre-cent quatré-vingt EV. Jé vé méttre mon diplôme dé docteur avec. »

Si la perspective de devenir un docteur officiel ne motiva pas les troupes, chacun se mit à placer les 500 EV, des fois en quittant la pièce pour revenir avec les bourses. Je les exhortai que plus ils chialaient pour leurs bourses et plus ils seraient motivés par rester en vie. Ah, et pas le droit de se tuer les uns les autres, ce n’était pas sport. Tout l’EV fut ainsi rassemblé sur le bureau et la somme commençait à devenir très importante. Très satisfait de voir l’argent, je passais le tout au Lieutenant Sam après qu’il ait écrit les chiffres sur un bout de papier, et je commentai :

« Eh bé. Ça donne envie de survivre, d’un coup.
_ Né vous battez pas pour lé diplôme dé docteur, hein ?
_ Ne vous inquiétez pas pour ça, Docteur. Bon, pour gagner de l’argent, il faut survivre. Qui a envie de gagner de l’argent, ici ? »
Tout le monde leva la main ou acquiesça, ils avaient la tête grave, mais cette fois-ci, il y avait moins de peur dans leurs yeux. Evidemment que personne n'était assez motivé pour le fric pour se trouver une raison de survivre suffisante, mais j'avais crevé un abcès quelque part, et pas un petit. Je vis chacun qui parlait à son voisin pour se dire ce qu'ils feraient une fois la somme empochée et les stratégies qu'il pourrait déployer pour trahir ses proches et en récupérer un maximum. L'ambiance de la salle s'était réchauffée. Ils me regardaient tous en attendant la suite, et cette fois-ci, je les sentis prêts. « Fino, sors une sorte de réplique de choc d’encouragement. » Le bébé phoque ne se le fit pas dire deux fois : il tira une détonation sur le plafond qui retentit brutalement dans toute la pièce et hurla :
« ON VA DEMONTER CET ENCULE DE SA RACE JUSQU’A CE QU’IL PUISSE SE FAIRE VIOLER PAR UN CHEVAL SANS QU’IL S’EN RENDE COMPTE !!! » Tout le reste de la salle hurla après Fino, s’encouragea mutuellement en se donnant des bourrades ; je sentis l’ambiance augmenter encore d’un cran. Connors disait à tout le monde qu’il était ravi de les avoir connus et qu’ils meurent en lui laissant le fric, le Général Panda était tellement motivé qu’il brandit son poing à moitié en l’air (pendant une seconde) et demanda même comment faire pour rembourser si on mourrait vu qu’on n’avait pas mis la somme initiale, Yuri vint me féliciter et me souhaiter bon courage, Liz posa les dernières questions pour l’organisation. Et je conclus :
« Ça va chier. »

__

Il n'y eut pas que les ballons qui s'envolèrent : mes pensées aussi...
Je préfère vous prévenir tout de suite, ce paragraphe n'est pas censé exister si vous souhaitez avoir un bon aperçu de ce que je ressentais pendant ce moment, car c'était tout bonnement impossible, pas tant dans le fond que dans la forme. Je vais rapidement décrire mes sentiments, mais à ce moment, je ne pensais à rien, tout bonnement, tellement à rien que j'en ressentis un vide, et on ne pouvait pas décrire le vide avec des mots parce que justement, ça le comblerait : ça traduisait juste la signification de ce vide qui se creusait dans mon bide. Je vais arrêter de faire l'intello, parce que mon vide, c'était la conséquence de mon ultime jeter de dés, une peur profonde, mais apaisée parce que je n'avais plus besoin de courir dans tous les sens en espérant que le danger ne me rattraperait pas. Il y avait un doux réconfort à se dire que de toute façon, on ne pouvait rien changer : le poids des responsabilités avait disparu. Ça me faisait penser au soulagement qu'on éprouvait quand on devait remplir une tâche urgente, et qu'on se disait d'un coup qu'on ne pourrait que la faire demain pour telle ou telle raison administrative. Une sorte de procrastination forcée si vous préférez, qui vous enlevait la tâche des mains sans y sacrifier la bonne volonté. Mais tout ça était suspendu dans une attente, et c'était cette attente qui me rongeait les sangs, me faisait craindre le pire. Mon plan diabolique était lancé, personne ne pourrait nous aider, pas de renfort prévu. Alea Jecta Est, Bitch. Tous les membres du SMB semblaient concentrés sur le rien, sur cette attente qu'il fallait endurer, qui pouvait durer tout aussi cinq secondes que trois heures. Et qui savait si le MMM allait dédaigner la menace... Bah, Liz m'avait déjà fait la remarque. S'il était au courant de notre plan, il préférerait s'y confronter quand nous n'avions pas les renforts de différents Royaumes derrière nous. S'il voulait éliminer le SMB, c'était la bonne occasion. Pour peu qu'il s'en souciait. Mais voilà, chaque seconde en durait trois, on attendait, tout simplement. Et peut-être que quelques-uns priaient... En tout cas, ils feraient bien.

Et… cette attente dura quarante minutes. Je vous explique pas comme c'est long, quand on attend la mort, quarante minutes à ne rien faire.
Puis juste après, des ballons de baudruche explosèrent.

Comment on repérait un vaisseau invisible ? On ne pouvait peut-être pas le voir, ni ressentir son énergie ou celle à son bord, mais il n'était pas intangible. La fête de la paix n'était qu'un prétexte pour que tous les habitants ne se mettent à fabriquer des ballons et à les gonfler, sous la direction de Shana. Les mômes pouvaient voir un spectacle enchanteur de ballons qui brillaient au soleil, de toutes les couleurs, qui s'étendaient partout dans le Royaume et dans le ciel, maintenus pas autant de ficelles, s'envolant dans les airs. Moi, j'y voyais un super radar qui couvrait tout le Royaume et pas mal des cieux. D'après les clichés qu'on avait vus et du peu qu'on avait pu voir sur la vidéo, le vaisseau ne devait pas être à plus de deux kilomètres du sol. Et malheureusement pour le MMM, on avait des milliers des ballons.

Et si seulement ils n'étaient pas modifiés. On y avait mis en plus un soupçon de poudre Azinzin, une sorte de substitut inutile du phosphore qui créait quelques étincelles dès qu'elle était à l'air libre. Germaine en avait acheté une quantité deux fois plus importante que prévue, mais elle s'était excusée qu'après avoir posé la question inlassablement six mille cent quatre-vingt-trois fois en remuant des papiers, les pauvres vendeurs avaient abdiqué en pleurant. Une très légère quantité de poudre se trouvait dans chacun des ballons. Encore une fois, on y voyait une sorte de petite idée originale pour qu'on remarque bien chaque ballon à chaque fois que sa peau se ferait éclater par la pression et les courants aériens. Et tout le SMB pouvait voir précisément d'où un ballon éclaterait. Si y en avait un qui se faisait éclater, notre poil se hérissait, mais on se rendait vite à l'évidence que ce n'était rien d'autre qu'un vent légèrement violent. Par contre, trente ballons qui éclataient d'un coup, plus une dizaine d'autres, montrant parfaitement qu'il y avait quelque chose qui avançait, il n'y avait aucun doute possible. L'intérieur de mon ventre prit une douche d'eau sacrément froide. Ils étaient venus. IL était venu. Il n'y avait plus qu'à attendre le tir.

__

« ON TIIIIIIIIIRE !!! » hurla Jasmine en enclenchant tous les boutons les uns après les autres. Capucine roula sur dix mètres avec sa chaise à roulettes et abaissa une manette en lâchant un glapissement de joie. Il hurla après avoir entré quelques coordonnées :
« COORDONNEES PRETES !!!
_ Après le Royaume des Deux Déesses, le Royaume du Trou !
_ Je trouve pas que ça change grand-chose en définitive !
_ Et merde à la féminité ! »


Jasmine éclata d'un rire énorme, et son poing faillit s'abattre sur le dernier bouton quand une main gantée l'agrippa avant qu'il n'ait le temps d'appuyer dessus. Le scientifique se retourna en laissant un juron, et il en recracha un autre quand il vit le MMM lui dire tranquillement derrière son masque :

« Doucement. Du calme.
_ Règle numéro deux du savant fou, ON TIRE PAS AU RAYON DE LA MORT DOUCEMENT !!!
_ Ce que je veux dire, c'est qu'on attend.
_ QUOI ??!! »
Jasmine s'éloigna du MMM avec sa chaise roulante, un air de dégoût pendant au visage.
« Réfléchissez, mes bons amis, réfléchissez. Sur quel Royaume va-t-on tirer ?
_ Le Royaume des Deux Déesses !
_ Qui en sont les rois ? Pas les reines, juste les rois.
_ Jacob Hume et ce Free.
_ C'est très bien. Quels sont leurs pouvoirs ?
_ On connaît leurs pouvoirs ! »
, cracha Capucine presque littéralement. Le MMM redressa la tête et leur demanda d'une voix glaciale :
« Alors est-ce que vous pourriez me dire pourquoi vous étiez prêts à tirer sur un Voyageur indestructible et sur un autre Voyageur qui peut renvoyer n'importe quoi par ses portails, y compris ce rayon, après une tentative puérile de provocation qui dissimule extrêmement mal un piège évident ? » Ils ne répondirent pas de suite. Ils n'étaient pas en train d'accuser le coup de leur stupidité, mais ils étaient atrocement déçus de ne pas avoir pu réaliser leur rêve : tirer un coup de plus maintenant, tout de suite. Les conséquences étaient tellement, mais tellement le cadet de leurs soucis. Jasmine prononça d'une voix très contrariée :
« On fait quoi alors ?
_ On leur tire dessus. Dans quinze minutes. David va envoyer son second, un Voyageur très compétent, qui nous permettra d'avoir le champ libre. Et après que nous aurons rayé ce Royaume de la carte, nous nous mettrons en route vers la Petite Réalité et je vous attendrai dans la salle de réunion. »


__

Et me voilà à attendre, dans mon bureau. Attendre le tir, attendre le canon brillant, puis poser ma contre-attaque. Voilà à quoi j'étais concentré. Je fixai le ciel, où je pouvais deviner les formes monumentales du vaisseau invisible entre des ballons de baudruche qui n'avaient pas éclatés. Je savais que je n'étais pas le seul à observer : quelques habitants avaient peut-être remarqué des contours subtilement déformés et peut-être s'en inquiétaient-ils. Ils faisaient bien. Le MMM était à nos portes. Et il ne tirait pas. Il flairait le piège, bien évidemment, qui serait assez con pour tirer alors qu'il connaissait mes pouvoirs ? Hésitait-il ? Partirait-il ? Comment savoir ? Et je ne poussai pas plus loin la réflexion car une main se posa fermement contre ma bouche, m'empêchant de hurler ou de respirer. Un autre bras entoura mon cou et se mit à m'étrangler. Une voix d'homme chuchota à mon oreille :

« Dors, Free, dors. » Sans plus d'argument, j'obtempérai doucement. Et mon cœur fit un bond : le MMM allait tirer. Et ce ne seraient pas mes portails qui pourraient l'arrêter maintenant. Ni Jacob : sa bulle n'était pas du tout assez grande pour protéger tout le monde. Sans avoir le temps de désespérer, je perdis conscience.

__

Ce fut dans un grand silence abattu que les membres du SMB apprirent la disparition d'Ed. Leur principal moyen de défense venait de se faire saper sans autre forme de procès. Il n'y avait plus qu'à avertir l'autre, mais restait à savoir où il était.

Le Docteur Doofenshmirtz s'acharnait à préparer ses machines : tout allait beaucoup trop vite, beaucoup trop vite. Yuri l'aida un peu à préparer les engins alors que tout le monde s'affairait autour d'eux. Il fallait rapidement se bouger les fesses, et personne ne s’était sérieusement préparé à cette éventualité. Le Docteur Doofenshmirtz demanda le silence de son accent ridicule, avant de dire aux autres membres du SMB :

« Il faut les tirer avant qué lé MMM né s'échappe ! »

Et il devrait partir juste après avoir tiré le Rayon de la Mort. Tout l'extérieur du Royaume fut soudain baigné dans une lueur rouge carmine venant du ciel, et on entendit un son du diable déchaîner les alentours, comme un énorme cor métallique annonçant l’Armageddon. Ce qui n'était pas totalement faux. Si le vaisseau était invisible, ce n'était pas le cas de l'énergie incroyable que dégageait le Rayon avant le tir : tout le monde n'avait qu'à observer le ciel pour voir comme une sorte de mini-soleil rouge se concentrer lentement. Pas besoin d'avoir construit l'engin pour savoir que ce qui allait suivre était catastrophique. On entendit un des soldats du GRDD qui hurlait :

« FAITES-LES EVACUER ! FAITES EVACUER TOUT LE MONDE !!! » Le troisième ordre fut noyé dans un autre son de cor, puis un gigantesque faisceau fonça vers la terre, vers la cour du Royaume.
Et pulvérisa tous les environs.

__

« Selon le scanner, il a trois choses sur lui, chef. Y a son panneau, mais aussi ses lunettes, plus votre bidule que vous lui avez mis dans le crâne.
_ Enlevez-lui les deux premiers, puis mettez-le au cachot.
_ Vous n'avez pas envie de lui parler ?
_ Pour lui dire quoi ? Faîtes ce que je dis, et prévenez David que je l'attends en salle de réunion. »
Un voile noir s'enleva doucement de mes yeux, et je sentis ma tête cogner. J'avais mal et j'étouffai un grognement. Je voyais le MMM qui s'éloignait au loin et je réussis à l'interpeller entre mes dents :
« Enfoiré.
_ Tu connaissais les risques, roitelet sans Royaume »
, me répondit-il en ouvrant une porte, sans me regarder. Sans pouvoir voir mon visage désespéré, il rajouta quand même : « Et si tu ne me crois pas, regarde par un hublot. Le Royaume des Deux Déesses n'existe plus. »

Je ne dis rien du tout, mais me levai en une fraction de seconde comme si je n'avais pas été assommé. Je fonçai vers le MMM sans un mot ; ses idiots n'avaient pas cru bon de me nouer les mains ou de m'attacher quelque part en pensant que je resterais flagada. Il n'eut pas à faire le moindre geste que son autre interlocuteur, celui qui m'avait assommé, me plaqua dans le dos, et me rentra brutalement la tête dans le sol.
Autre fondu au noir.

Le Voyageur qui m'avait capturé était en train de me porter. Tandis que je supportais la douleur, je pouvais examiner l'endroit où je me trouvais. On était dans la base volante du MMM, mais si je ne l'avais pas su, je n'aurais pas pu le deviner. Tout semblait être fait en pierre normale comme un vrai bâtiment, sans rajout technologique superflu, et j'en vins à me souvenir qu'il avait été sorti de sous terre. Avait-il été construit par la ladite terre justement ? Le vaisseau aurait-il été taillé dans le matériau de base et sorti directement ? Ça semblait tout à fait insensé. Mais j'étais mauvaise langue, il n'y avait pas que de la terre, le tout était souvent renforcé par des plaques de métal, notamment au sol, et mon geôlier emprunta un couloir qui faisait d'avantage penser à quelque chose de moderne. Sans l'éclairage. Et avec beaucoup, beaucoup de cellules de prison. Bien plus que ce qu'on pouvait imaginer dans un simple bâtiment de guerre. Pas assez pour accueillir les milliers de soldats demandés (quoique...), mais largement assez pour penser qu'il y avait un but à tout ça. Il ne marcha pas beaucoup pour me faire entrer dans une cellule vide (qui se comptait par dizaines), mais on eut le temps de passer devant de grandes cages où étaient terrés les méchants diaboliques, capturés pendant l'attentat à Kazinopolis. Ils semblaient vidés de leur énergie, mais pas mourants.

L'homme me jeta dans ma cellule comme si j'étais un sac de patates, et le temps de me retourner, il avait déjà refermé les barreaux et avait tourné les talons. Je grognai en essayant de m'adosser contre un mur. J'avais la tête qui faisait extrêmement mal, mais je devais avouer que je l'avais bien cherché. En même temps, j'étais totalement incapable de faire semblant d'avoir perdu mon Royaume : plutôt que de tenter ma chance dans un "NOOOOOON" à rallonge et inutile en feintant la colère et le désespoir, j'avais préféré me faire assommer. J'avais un peu mal, mais ça éviterait que la vérité ne soit dévoilée par un mauvais jeu d'acteur.

__

« TIIIIIIIIREEEEEEEZ !!!!! », hurla le Docteur Doofenshmirtz, et Dark Angel 42 appuya sur tous les boutons.

Cinq missiles rugirent d'un coup et firent flamber le sol. Tous de couleur rouge vif, longs de vingt mètres chacun, une flamme verte sortit du bas, et en soulevant un amas de fumée monstrueux, les fusées s'envolèrent petit à petit. Arrivées à vingt mètres, elles accélèrent bruyamment en direction du vaisseau invisible comme si elles savaient exactement où se diriger.

__

Cinq missiles, hein ? L'avertissement fut transmis dans toute la base, et tous les généraux du MMM plus ce dernier furent mêmes les premiers à être au courant. Le chef agita le poignet, et toute la base volante se mit à se déplacer rapidement et même à virer de bord pour éviter les cinq missiles qui feraient assez de dégâts pour être ennuyeux. Cependant, les fusées explosives dévièrent elle aussi de leur course pour continuer à les traquer et réduisaient peu à peu l'écart en laissant derrière elle une fumée épaisse. David fut le premier à s'exclamer :

« Mais c'est impossible ! Elles ne peuvent pas nous traquer alors que nous ne dégageons aucune chaleur !
_ Elles sont attirées par un émetteur, oui ! »
hurla Jasmine.
« UN PUTAIN D'EMETTEUR DE MERDE ! », surenchérit Capucine en frappant violemment et inutilement sur la table autour de laquelle ils étaient installés. David eut une grimace :
« Et comment ils auraient pu la placer, les deux andouilles ? Rien ne peut s'agripper à notre coque.
_ La tête... »
, chuchota le MMM presque pour lui-même. On pouvait deviner le sourire qu'il faisait derrière son masque. Il s'expliqua : « Les missiles sont tournés vers la cellule où est enfermée Ed. Ils lui ont installé un émetteur dans la tête.
_ Et notre scanner est devenu inutile maintenant ?! S'il avait quelque chose dans le crâne... !
_ David, on se calme, David... »
L'intéressé s’arrêta instantanément de parler. Le MMM l'avait dit d'un ton calme, mais tout le monde savait ce que ça voulait dire quand il utilisait ce timbre de voix : une menace. Et quand le MMM menaçait quelqu'un, il ne le faisait jamais deux fois. Il reprit d'une voix plus normale : « Il a utilisé le petit Artefact que je lui ai mis dans la tête à son avantage. Il a dû installer l'émetteur tout près afin qu'on ne le remarque pas. Ils l'ont même certainement collé dessus. »

Personne ne semblait vouloir confirmer ou infirmer sa théorie, mais ils partaient tout de même du principe qu’il avait raison : le MMM ne développait pas des théories, il trouvait la vérité du premier coup. La salle resta silencieuse, de peur de s'attirer les foudres du MMM. Personne ne savait s'il était neutre ou furieux qu'on s'était joués de lui aussi facilement. Avant que quelqu'un ne se décide à prendre les paroles, le MMM claqua dans ses mains, on sentit une vibration parcourir le vaisseau, et annonça doucement qu'ils étaient maintenant près de la Petite Réalité, loin des missiles, et que maintenant, il n'y avait plus rien à craindre. Il téléportait ce vaisseau sans plus d’effort que ça. Un scannage des cieux environnants lui donna raison, et si les généraux avaient la possibilité de regarder en bas, ils pourraient trouver le grand Royaume des Rêveurs sur son nuage gigantesque. Ils discutèrent rapidement de quelques points, et personne n'ayant eu de message de la part de tel ou de tel Royaume, ils pouvaient se mettre à faire feu dès que le Rayon de la Mort serait rechargé. Le MMM annonça la fin de la réunion, et que chacun se tienne prêt : Dreamland allait bientôt être secouée par de terribles révolutions.

Les Deux Dingues furent les premiers à partir, suivis de Garabèone qui restait silencieux comme d'habitude, puis de David. Seule Lady Kushin était restée avec le MMM, et il lui demanda pourquoi tandis qu'il se levait. Elle l'imita et avoua :

« Je crois connaître le prochain mouvement du SMB. Et je ne crois pas que leur Royaume soit détruit.
_ Je ne le crois pas non plus malheureusement. »
Il lui tourna le dos afin de quitter la pièce, et il reprit, Lady sur ses talons : « Si vous avez une idée de ce qu'ils comptent entreprendre, vous auriez pu parler quand tout le monde était réuni, c'est finalement à ça que ça sert. Sauf évidemment... »

Le bruit du sabre sortant de son fourreau fut aussi rapide qu'imperceptible. Le MMM réussit tout de même à esquiver la lame qui était prête à trancher sa nuque, à la saisir par le milieu en plein mouvement, et à la briser en serrant avec ses doigts. Des éclats métalliques retombèrent sur le sol. Elle recula pour se mettre en position, mais son expérience du combat lui souffla aussi que c'était trop tard : la vivacité du MMM lui permit de lui porter un coup au visage avant qu'elle ne lève une garde efficace. Elle s'écrasa contre le mur derrière elle et réussit à s'adosser au mur pour ne pas tomber par terre. Mais trop abasourdie par l'attaque, une de ses lèvres fendues, elle sentit la main du MMM l'étrangler avant de pouvoir faire ne serait-ce qu'un mouvement. Elle fut soulevée au-dessus du sol, toujours plaquée contre la paroi. Elle réussit à crâner une dernière fois :

« Quel dommage que vous n'ayez pas utilisé un de vos pouvoirs...
_ Tiens donc, pourquoi ?
_ Vous fatiguez vite, non ? »
Impossible de ne pas voir le rictus de Lady à cet instant. Le MMM desserra légèrement sa prise afin qu'elle ne sombre pas dans l'inconscience, sembla réfléchir pendant cinq secondes, et comble de surprise, la questionna d'un ton presque accusateur :
« C'est Ed qui t'a demandé de me dire ça, non ? » Sans réponse, il éclata d'un rire sonore, mais bref, et qui ne faisait pas du tout diabolique. Ce fut étrangement ce dernier point qui effraya le plus la Lady. Il rajouta avec un soupçon de sourire ironique : « C'est très bien joué. Très très bien joué. »

Le MMM avait rapidement deviné ce que voulait entendre Lady Kushin, ce qui était le but de cette dernière. En lui disant que son pouvoir le fatiguait, elle sous-entendait le plan qu'avait prévu Ed à son égard : l'affaiblir au fur et à mesure en le forçant à utiliser son pouvoir jusqu'à ce qu'il perde petit à petit de sa force et puisse être vaincu. Mais généralement, dévoiler son plan à son adversaire était une super idée pour le faire échouer (le plan, pas l'adversaire). Cependant, ici, le dévoiler était utile. L'idée du blond à lunettes était de faire comprendre au MMM que plus il utiliserait son pouvoir, moins il pourrait affronter les ennemis qui allaient se succéder. Bref, le rendre anxieux et l'empêcher de se donner à fond dans chaque combat qu'il allait mener. Ed venait d'entrer sur le terrain de la guerre psychologique, et là, ça devenait amusant. Très très bien joué. Mais :

« Malheureusement pour vous, nous n'avons pas eu la stupidité de vous sous-estimer. Préparez-vous à un combat sanglant. »

Cinq minutes plus tard, Lady Kushin fut envoyée au cachot contingent de celui d'Ed. Le MMM se dépêcha de préparer ses troupes : il savait que le gros du SMB allait venir. Et il ne s'attendait pas à ce qu'ils foncent sans avoir d'autres plans en réserve. Il avait plus de mille hommes qui étaient prêts à se battre, plus des officiers de qualité. Presque aucun homme de Lady Kushin n’était dans la base volante : pas tant une précaution sortie de nulle part que parce que celle-ci avait décrété depuis le début de leur alliance qu’elle avait besoin de ses hommes pour maintenir la puissance de son clan sur le sol de Dreamland. Le gros des troupes était constitué de quelques Créatures des Rêves qui avaient accepté la proposition du MMM, et majoritairement de tout l’organisme mercenariat de David, qui comptait des troupes d’élite et de nombreux Voyageurs sans scrupules.

Ils étaient postés au-dessus de leur cible, et comme le MMM trouvait cela très drôle, le vaisseau était en mode stationnaire cinq cent mètres au-dessus de la Tour Eiffel. Cependant, il ne s’était pas écoulé plus de cinq minutes que tous les micros de la base hurlèrent qu’un missile les avait suivis, en dépit de la longue distance qui les séparait. Ça, c’était une surprise de plus.
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptyJeu 8 Mai 2014 - 23:38
Un missile n’aurait jamais assez de carburant pour pouvoir réaliser un aussi long trajet entre le Royaume des Deux Déesses et le positionnement actuel de la Petite Réalité. Mais pour le coup, c’était la Compagnie Panda qui avait trouvé les carburants nécessaires non seulement pour combler la distance, mais aussi pour faire se déplacer le missile à une vitesse assez phénoménale qui devait dépasser Mach 4. Et ce, en comptant tout le poids que prenaient les membres du SMB, tous logés dans le missile comme des sardines. Sur cinq missiles, quatre en étaient vraiment, et le dernier était une fusée déguisée en missiles, commandée par le Docteur Doofenshmirtz et une petite manette en plastique. Pour revenir au fonctionnement du carburant, il avait réussi à imiter le fonctionnement du camion de la Compagnie Panda, et quinze tonnes d’épluchures de patates avaient été utilisés pour faire démarrer l’engin. Mieux encore, si le missile gardait son élan et pour lui assurer une autonomie increvable, c’est que le Lieutenant et le Général avaient pris avec eux l’Adjudant timbré de la Compagnie Panda, qui, juché sur une selle de vélo, pédalait si vite qu’on ne voyait plus ses jambes, espérant atteindre stupidement une cafetière accrochée à un bâton devant lui, et déclenchait assez d’énergie pour que le véhicule traverse les cieux comme une balle de revolver. Le pilote se retourna en essayant de ne pas se prendre le pied de Liz :

« Impact dans moins d’oune minoute ! »

Le bruit à l’intérieur du « véhicule » était assourdissant et on avait l’impression que les plaques en tôle allaient céder, se décrocher et effectuer des roulés boulés dans les cieux. On entendait à peine l’Adjudant Perkinson répéter le mot café inlassablement avec une voix enrouée à faire pâlir un camionneur accro aux cigares cubains rembourrés.

« Si vous pouviez éviter de pousser devant, ça serait génial !
_ J’ai enfin réussi à poser mon coude sur une surface confortable.
_ Je suis pas un putain de coussin !
_ Désolé Fino.
_ J’ai l’impression que notre fusée va se déchirer avant qu’on les touche…
_ Général Panda, vous ne connaissez certainement pas les statistiques sur le taux de mortalité en avion.
_ Avec tout le respect que je te dois pas, Monsieur Portal, on n’est pas dans la classe Business d’un Boeing ! »
hurla Fino. Monsieur Portal serra les dents, car Fino était à quinze centimètres de son oreille.

Ed avait prévu qu’il serait rapidement éliminé de la partie et qu’il ne pourrait pas protéger le Royaume avec ses portails. De toute façon, il n’avait jamais prévu qu’ils soient efficaces : ils étaient bien trop petits. Par contre, Monsieur Portal était la personne idéale pour ce travail. Il avait non seulement créé un portail qui avait englouti tout le faisceau et l’avait fait exploser à trois kilomètres de là. Tout prêt contre le sol, le Rayon avait fait s’envoler des quantités de fumée, qui en remontant dans le second portail pour être recraché par le premier vers le ciel, avait masqué la supercherie. Il avait ensuite créé un portail, visible de tous cette fois, et aussi gigantesque que l’autre, qui dévoila le paysage meurtri par le Rayon de la Mort à la place d'un Royaume des Deux Déesses intact. Mais afin d’être certain que leurs adversaires ne verraient pas la supercherie, ils avaient vite envoyé les missiles pour les faire se concentrer sur autre chose.

__

Des dizaines et des dizaines de soldats se dépêchèrent dans les couloirs. Fait marquant : ils n'avaient pas d'uniforme quelconque, ni d'armes réglementaires. Cela les rendait plus intimidant. Le MMM ordonna à des troupes de se positionner ici et ici tandis qu'il avançait vers ses quartiers personnels. Il baissa la tête pour passer sous une porte plus petite qu'une autre, tandis qu'il entendait une petite foule se précipiter dans un couloir parallèle. Il connaissait déjà les futurs plans du SMB, il fallait anticiper, puis les écraser. Il croisa David à un embranchement de couloir, et qui donnait des ordres si fort que des postillons s'envolaient. Dès qu'il vit le chef de l'organisation, il se dépêcha de venir à sa rencontre :

« Chef, tous mes mercenaires seront bientôt en position. Faudrait que vous vous mettiez devant notre Rayon, c'est leur cible. Si vous êtes présents, ils ne pourront jamais l’endommager.
_ C'est bien vu, David, mais ce n'est que la moitié de leur objectif. Ils cherchent aussi à m'arrêter, et je n'aimerais pas leur faciliter la tâche en réunissant leurs deux objectifs au même endroit. Je vais dans mes quartiers personnels, ça les obligera à se diviser.
_ Mais... Mais s'ils détruisent notre canon ?! »
David n'était pas du genre à être au milieu de la pyramide hiérarchique, ça se sentait de suite. Le MMM se retourna et approcha son masque si près de la tête de David que ce dernier leva ses bras pour se défendre. Une aura malsaine le parcourut et le masque lui répondit d'une voix menaçante et caverneuse :
« S'ils le détruisent, j'en créerai mille autres. » Il faillit lui indiquer que cette hypothèse se ferait sans lui s'il ne se débrouillait pas pour sauver son Rayon, mais il ne fallait jamais appuyer plus que nécessaire sur une forte tête.

Le MMM rentra dans la partie arrière du vaisseau, qui lui était totalement réservée et dans laquelle presque nul n'avait jamais franchi un pas. Il avait plusieurs salles à sa disposition, mais seulement deux étaient véritablement importantes : la première qui était son bureau, et la seconde, dans la salle où il organisait ses réunions, une sorte de salle du trône où reposait un grand siège fait de bois. Il n'y avait jamais besoin de superficialité. De là, il pourrait coordonner les attaques de chacun des groupes d'intervention et suivre l'intégralité du SMB. Il se posa dans son siège et claqua des doigts. Des écrans sortis de nulle part se dépêchèrent de lui montrer tout ce qu'il avait envie de voir. Et son attention se reporta sur le missile qu'il pouvait voir foncer vers son vaisseau. Il hésita franchement à le faire dévier de sa trajectoire ou à l'exploser, mais n'ayant aucune preuve qu'ils étaient dedans ou plutôt quelques tonnes d'explosifs qui pourraient toucher son vaisseau, il préféra les laisser venir (il nota que le missile n’allait pas s’écraser pile sur la cellule d’Ed, mais à cent mètres à gauche). Pas besoin de rentrer dans un piège de plus, il allait les laisser venir là où ils avaient de grandes chances de se rendre : dans les prisons, près du Rayon et vers lui. Puis ils les écraseraient. Le dénouement était proche.

__

Les soldats furent tout de suite informés de l'endroit approximatif où allait s'écraser le missile. Ils descendirent vers le troisième étage et se mirent en position dans la grande salle de confort. Sous les ordres d'un Voyageur qui contrôlait la poussière, ils se mirent en position, en demi-cercle parfait tout en gardant leur distance. Le missile n'allait peut-être pas traverser la salle et rentrer dans un mur, il allait quand même pénétrer la cloison. Le Voyageur dégaina une épée, au milieu de tous, et beugla :

« Le missile va s'écraser, mais la distance de sécurité est confortable. On m'a signalé qu'il y avait de grandes chances que le missile n'ait pas de tête explosive vu que tout le SMB est dedans. Vous êtes prêts ? »

Il entendit des armes se lever, et d'autres, se charger. Il cracha sur le sol et déversa un sac énorme de poussière à ses pieds. Sa section était spéciale : ils étaient parfaitement synchronisés avec son pouvoir. Dès qu'il y avait des ennemis, une tempête de poussière soufflait dans toute la salle et aveuglait quiconque s'y trouvait. Des lunettes devant leurs yeux pour empêcher que des grains ne s'y logent, et chacun savait parfaitement où il devait tirer pour que les balles balaient toute la zone et touchent toutes les cibles. Une sorte de lutin avec de longues jambes et des yeux perçants se tenaient prêts : après trente secondes de tir, lui et cinq autres personnes pourraient foncer, une dague à la main ou autre arme blanche, pour achever ceux qui n'avaient pas encore été tués. Leur vue était assez bonne pour apercevoir des formes bouger, se reconnaître, et savoir où frapper.

Cependant, tout fut parfaitement inutile, parce qu'en fait, le missile explosa.

L'explosion alla même jusqu'à crever les murs d'en face dans une tempête de flammes en engloutissant tous les mercenaires à portée et laissant des bouts de viande avec un souffle de vie. Le Voyageur, sur le dos, la moitié du visage brûlé, cracha sur son menton un mélange de sang et de salive. Ce qu'il vit le dégoûta à jamais, car le SMB avait été dans le missile (maintenant qu'un tas de ferrailles noire éparses défoncées)... et là, ils étaient dans la bulle de Jacob. Tous. Et peu à peu, comme si cette protection invisible n'était que de l'air, ils sortirent tous les uns derrière les autres. Il constata que ce n'était pas le SMB... enfin, si, mais disons plutôt que ce n'était pas QUE le SMB. Un type avec une coupe au bol grise et un visage rugueux se pencha vers lui et lui demanda gentiment :

« Savez-vous où est le MMM ?
_ Arrrrhhhh...
_ Mr. Portal, il a dit quoi ? »
s'inquiéta Yuri.
« Il me parle d'art, mais j'ai bien peur de ne pas saisir quel lieu c'est censé représenter.
_ On s'en fout où est le chêne tant qu'on brûle la forêt ! »
fustigea Fino en se trimbalant derrière lui son énorme fusil à canon scié (pas si énorme que ça, mais comparé à lui, c'était comme si un homme se déplaçait avec un canon en fonte à bout de bras). « Super SMB, il est temps de se disperser !!! » Il tira un coup en l'air avec son arme, ce qui eut pour effet de faire tomber une plaque de béton sur le Voyageur brûlé et assommer celui-ci. Fino fut extrêmement fier de lui et tenta de s'auto-persuader que c'était grâce à la badass-attitude de son bandeau sur l'œil qui lui avait permis de faire ça. Une vingtaine de personnes passa devant lui en courant au son de son fusil. Ed avait appelé de sales renforts avec lui, que des Voyageurs. Mais une personne était restée dans la même pièce que lui, et Fino aurait adoré lever les yeux pour faire comprendre à quel point ça le faisait chier, si quelqu'un parvenait à surprendre des petites billes noires bouger. Monsieur Portal avait une objection à faire et leva le doigt :
« Fino, tu as dit Super SMB...
_ Oui, j'ai dit Super SMB, raclure de vomi, parce que c'est un SMB amélioré. Ça m'apprendra à faire du team-building si on me pose des questions aussi connes...
_ Parce que quand on y réfléchit, Super SMB veut dire Super Super Missile Balistique. C'est une répétition.
_ Mais t'es tellement une putain de chieuse... »


__

La stratégie fit lever un sourcil au MMM qui était en train de poser ses doigts les uns contre les autres. Au lieu de former un bloc, deux ou trois, qu'on aurait pu facilement arrêter (certes en ayant des pertes au début) en créant des pièges, là, tout le monde se dispersa en toutes petites équipes. Machin et Truc prenait le premier couloir de droite, l'un et l’autre prenaient le second couloir de droite, untel et untel le premier couloir de gauche... C'était l'anarchie la plus totale, et beaucoup de mercenaires furent pris au dépourvu devant autant de gens qui courraient dans tous les sens...

Le chef de l'organisation remarqua tout de même un peu d'ordre devant ce lâcher d'abeilles furieuses. Tout d'abord, certaines personnes restaient ensembles, créant des duos spéciaux inquiétants, car il y avait un combattant plus un individu qui ne l'était pas, comme Yuri qui serrait le Docteur Doofenshmirtz. Seconde remarque, si quelques personnes semblaient naviguer au hasard en se confrontant (ou fuyant) des adversaires, d'autres semblaient suivre un tracé très précis. Et personne ne se dirigeait vers les prisons.

__

« Gère, connasse, mais gère !
_ Mais ferme ta gueule !!! »


Lou Evenstein rentra dans un soldat et le plaqua contre le mur ; il y eut un énorme fracas et le corps tomba mollement contre terre tandis que l'albinos hurla qu'il en avait eu cinq. Dazh esquiva une matraque en se jetant maladroitement contre un mur, mais rendit à l'adversaire un coup qui étendit celui-ci à terre. Il cracha sur le cadavre et dit qu'il en avait eu six jusqu'à maintenant.

« Mais genre ! L'avant-dernier, je l'ai estropié, tu l'as juste terminé !
_ Estropié ? Un filet de sang qui coulait de la lèvre, et le mec, il est estropié ?
_ Et tiens, là, y a dix mecs étalés par terre ! Il est où ton sixième gars ?
_ Tu veux dire, il est où ton cinquième gars ?! Tu sais plus compter ?! »


Une roquette qui tournait dans les airs passa au milieu d'eux et détruisit dans une explosion le mur juste derrière. Les oreilles des deux Voyageurs lâchèrent et ils se jetèrent dans un couloir adjacent pour éviter les prochaines fusées qui transformèrent le couloir en rue polonaise. Lou essaya de dire à son congénère qu'il fallait au moins en laisser un en état pour lui faire cracher le morceau sur l’endroit de leur cible, mais il ne hurla pas assez fort sous le bruit des roquettes qui détruisaient allègrement les alentours et quelques tirs de pistolet. Dazh, pensant que son compagnon l'insultait, lui tirait un doigt d'honneur bien visible, dont le bout du doigt faillit se faire décapiter par une balle sifflante. Lou, en désespoir de cause, lui en retourna un.

__

Shana courrait sans objectif précis sans quitter "le cercle de sécurité" délimité par l'intelligence du Lieutenant Sam, cercle qui devait être créé cinq minutes après que les premiers groupes de soldats se soient fait submerger de toute part, et qui ne devrait pas tenir pas plus d'un quart d'heure, le temps qu’une stratégie de défense ne s'organise. Elle savait qu'elle ne risquait pas grand-chose en restant dans le coin, mais n'hésita pas à se déplacer afin de servir de diversion : le MMM et les Deux Dingues avaient placé un système de surveillance très pointu dans tout le bâtiment selon les dires de Lady Kushin, et les aiderait grandement à les coincer au fur et à mesure dès que l'effet de surprise serait passé. Le modeste effort qu'elle pouvait faire était de créer un semblant de chaos de son côté.

D'ailleurs, quand elle passa au bout d'un couloir, elle trouva deux soldats munis de ce qui ressemblaient à des fusils d'assaut. Elle invoqua sa poupée d'un claquement de doigts, et une déferlante de plumes noires se jetèrent sur eux et balayèrent tout le couloir jusqu'à ce qu'il fut impossible de voir ce qui s'y passait. Seuls des hurlements lui confirmaient que les adversaires n'étaient plus en état de tirer. Des bruits de pas, et elle se retourna. Deux autres soldats se dépêchèrent de la tenir en joue, mais Shana eut à peine le temps de les remarquer que le mur près d'eux se détruisit pour laisser place à un Adjudant Perkinson assoiffé de sang. Un fut immobilisé par son pouvoir avant de pouvoir pousser un cri, et l'autre était trop accaparé par essayer de ne pas se faire boulotter la gorge par l'Adjudant, se tortillant par terre tandis que des claquements de dent sauvages se faisaient de plus en plus proches. Shana les laissa sans s'en préoccuper plus longtemps.

__

C'était la première fois que Clem voyait la Petite Réalité, ou en tout cas, son énorme nuage qui laissait une ombre gigantesque sur le paysage. Le rouquin était sur un plateau encore ensoleillé, et il n'ignorait pas qu'une bataille devait faire rage encore plus haut. Héliée s'approcha de lui en faisant claudiquer sa canne et en sifflotant ce qui ressemblait à un air grivois. Il annonça ensuite :

« La bataille a juste lieu... là. » Il pointa l'endroit avec sa canne, dans les airs, mais Clem ne voyait rien d'autre que les bords du nuage. Pas très à l'aise, il demanda :
« Okay... Seigneur, si la mission est aussi importante, pourquoi voulez-vous que j'y aille seul ?
_ Je n'ai pas besoin que tu l'accomplisses, j'ai besoin que tu sois présent.
_ Mais pourquoi ?
_ Parce que le DreamMag va applaudir la Claustrophobie si le coup réussit. J'ai besoin que l'Agoraphobie ait une certaine image, surtout quand on est en guerre froide avec les coincés. Toujours utile.
_ Et si l'opération échoue ?
_ Ed Free sera mort et je ne crache pas là-dessus.
_ Mais je mourrai aussi !
_ Oh oui, mon dieu, quelle perte... »
Clem mordit sa lèvre, cachant à la fois l'énervement qui le gagnait et la gifle orale que venait de lui administrer son Seigneur Cauchemar. Jamais celui-ci n'oubliait, quoiqu'on puisse en dire, et si la vengeance était un plat qui se mangeait froid, Héliée n'hésitait jamais à se servir du rab. Clem se permit l'audace de répondre :
« Si vous mettez fin vous-mêmes au MMM, ça ne serait pas mieux ?
_ Les questions sont décidément la pire invention de l'homme... Tu ne ressens pas l'énergie de Maze, espèce de petit pécore ? »
Il désigna encore un point qui se tenait à cent kilomètres de là avec sa canne. Clem ne vit rien même en plissant les yeux, ce qui n'empêcha pas Héliée de continuer : « Pourquoi cet échalas qu’est Maze ne fonce pas aider Ed alors qu'il est persuadé que le MMM est un ennemi de son Royaume ? Parce que le MMM est quelqu'un de puissant, indubitablement, et que si Maze est blessé par lui lors d'une confrontation, il sait pertinemment qui l'achèvera d'un coup dans le dos. Et l'inverse est aussi vrai. Si je m'y mêle et que j'y laisse quelques plumes, il en profitera de suite.
_ Mais alors vous sacrifiez Dreamland pour vos querelles ?
_ Le MMM ne menace que les trois premières Zones, et il savait le retour de flammes qu'il aurait eu à menacer les Seigneurs Cauchemars. Je n'en ai strictement rien à faire du reste. Maintenant, Clem, avant que tu ne m'obliges à te tuer à cause de ta stupidité, peux-tu marcher s'il te plaît. C'est un ordre, et une syllabe prononcée en plus et je t'enlève la tête de ton cou. Merci bien. »


Clem n'osa pas protester et exécuta l'ordre. Il fit à peine le premier pas que son pied se posa non pas sur une étendue d'herbe jaune, mais sur une sorte de plateforme métallique immensément grande qui devait être le vaisseau du MMM, et qui avait perdu son invisibilité il semblerait. Un vent archi-violent faillit le faire s'envoler et il se dépêcha de s'accroupir pour limiter la prise qu'avait le courant sur son corps.

« Je déteste quand il fait ça. »

__

« Réfugiez-vous dans les couloirs plus petits ! Il ne pourra pas vous suivre ! »

Certains obéirent, et d’autres se prirent un chiton en pleine gueule. Une volée de balles giclèrent sur la carapace mais ricochèrent toutes sous la force de rotation et la dureté de la protection du mollusque. L’officier en charge de l’unité ordonna de tirer non pas sur le chiton mais sur son invocateur, invocateur qui réussit à se défaire d’un coup de poing puissant un soldat qui tentait de le trancher avec un couteau de poissonnier. Quand Ed vous disait de le suivre pour une mission dantesque, il fallait absolument accepter ! Son chiton réussit à écraser un autre soldat lors d’un aller-retour, lui servant maintenant de protection contre toutes les armes à feu. Il était tout de même déçu d’avoir autant d’hommes que ça : ils étaient plus coriaces que les sous-fifres habituels, et il avait du mal à se débarrasser du couloir entier. Le chef de la section continuait à donner ses ordres :

« Ne tirez pas sur le chiton ! Même si vous parvenez à le blesser, Matthieu Furt invoquerait pire ! Faîtes-moi des détours, encerclez-le ! Vous trois, prenez-le à revers par la gau… AAHAAAAAAA !!! »

Les hommes prêts de leur supérieur reculèrent d’un pas devant ce cri de de douleur d’une bête enragée. Ils virent tout d’abord que son visage était rongé par de l’acide, le brûlant et pénétrant dans sa chair jusqu’aux os, faisant fondre un globe oculaire ainsi que son nez et sa mâchoire. Ils virent ensuite que l’acide dégoulinait du plafond, ou plutôt, de la bouche d’aération, et leur première croyance fut qu’un alien s’était blessé lui-même et avait jeté son sang à la figure de leur chef. Ce qui était presque la vérité. Hélène donna un coup de pied sur une des plaques du conduit dans lequel elle était, et cette plaque assomma un des deux soldats en faction. Elle descendit ensuite à l’assaut du second en lui plaquant son bras sectionné et couvert de sang acide dans la gueule, ce qui l’assomma directement sous le coup de la douleur.

Matthieu réussit à venir près d’elle tandis que les balles fusèrent et arrachaient des énormes paquets de béton et de ferraille à chaque fois, et il la salua d’un hoquet de menton. Il savait que c’était obligé que ça existe, mais c’était la première fois qu’il voyait une phobique de Germaine. Il se plaqua contre le mur tandis qu’une balle faillit lui traverser une omoplate. L’invocateur envoya son chiton nettoyer le couloir principal, le seul dans lequel il pouvait se mouvoir tranquillement et n’hésita pas à commenter à son alliée :

« Ed a le chic pour animer des soirées.
_ Et moi qui croyais que c’était une opinion personnelle »
, lâcha ironiquement Hélène en tournant sa tête de l’autre côté du couloir. Elle y vit rapidement un autre peloton se diriger vers eux, et elle annonça la retraite immédiate vers un autre couloir.

__

Des pertes, c’était inévitable, surtout contre des Voyageurs. Le MMM allait attendre un petit temps qu’il s’enfonce dans la nasse, et là, il pourrait envoyer tous les renforts. Il regarda rapidement et analysa toutes les forces en présence. Il était temps de faire intervenir ses officiers, peut-être… Hum, voyons voir les véritables problèmes : il y avait Monsieur Portal, qui semblait tellement au-dessus de toute la bataille que celle-ci ne l’atteignait pas. Mais lui restait dans son coin, il attendait quelque chose. Pas besoin de tenter de le gérer. Passons à une autre partie du plateau… Le vrai calvaire, c’était ce Jacob Hume : à chaque fois que le MMM le voyait à l’écran, il servait de boucliers aux autres Voyageurs, débouchait n’importe quelle situation critique à leur avantage et se fatiguait à peine, sans être blessé C'était l'atout numéro un du blond, tant il était efficace. Il regarda rapidement où il se dirigeait et nota rapidement qui pourrait l’intercepter. Le MMM donna des ordres rapidement : Jacob était une priorité et presque personne ne pouvait le battre. Presque personne. Si Ed comptait sur son meilleur ami pour réussir la mission, il se fourrait le doigt dans l’œil : Jacob Hume était battable et il se ferait un plaisir de le démontrer.

Il y avait beaucoup de caméras, mais la petite taille de Fino jouait pour lui. Où était passé cet espèce d’idiot à fourrure blanche ? Son cerveau était une menace, où était-il et pourquoi ? Le MMM détourna ensuite son attention sur l’extérieur, et fut surpris d’y trouver deux personnes : Clem Free, qui n’avait pas été prévu à la fête, ainsi que BHL, à l’extérieur sur un des petits vaisseaux du MMM qui permettaient aux officiers de lier la terre depuis la base sans que leur chef n’utilise son pouvoir. Ils en avaient volé un et BHL se tenait en vol stationnaire sous le vaisseau. Il lui fallut trois secondes pour comprendre qu’il était un filet de sécurité dressé à son égard : s’il perdait du temps à faire téléporter ses ennemis hors de la base pour les voir chuter de plusieurs centaines de mètres, ceux-ci seraient rattrapés par l’ancien chef de la New Wave. Le MMM jeta un œil à un écran et y trouva Lady Kushin qui venait de trancher presque en deux un de ses soldats. Lady Kushin… Elle s’était échappée de prison ? Il se dépêcha de vérifier sur les écrans, mais non, il y avait bien Ed Free dans sa cellule à attendre, et derrière les barreaux à-côté, Lady Kushin…

Il se dépêcha de regarder sur tous les écrans pour comprendre ce mystère, et trouva enfin la réponse à l’énigme : où était Connors ? Celui qui était capable de changer son visage et son corps… Son corps… Oh non, quel idiot ! Le MMM se dépêcha d’appeler des soldats à proximité de la prison :

« Considérez Ed Free comme libre. Neutralisez-le, mais surtout, sans le tuer. J’ai besoin de lui. »

Il termina par donner d’autres directives afin de contenir les différents commandos qui avaient pénétré sa forteresse. Juste les contenir. Il y avait encore plus de huit cent hommes qui ne se battaient pas encore, au cas où les deux cent ne suffiraient pas. Il allait bouger ses pions tranquillement, en sacrifier quelques-uns pour accaparer l’ennemi, puis terminer tranquillement, calmement. Et efficacement. Ne jamais se précipiter. Il avait toutes les informations des adversaires en main. Tout le bluff et le contrebluff d’Ed était inutile, un jeu inutile. A la fin, il fallait dévoiler les cartes, et à la fin, celui qui avait la meilleure combinaison gagnait. L’inventivité ne pouvait rien contre ça.

__

Yuri et le Docteur Doofenshmirtz faisaient partie de ce duo qui cherchait à atteindre une destination précise. Afin d’être certains qu’ils arrivent à destination, Jacob les escortait de façon ultra-efficace. Généralement, sans chercher à combattre ses adversaires, il servait d’écran afin qu’ils passent sans crainte d’un couloir à un autre, voyant çà et là des cris de guerre et des coups de feu dont les balles rebondissaient sans espoir de vaincre la bulle impénétrable. Le Docteur déplia une carte dessinée à la main par le Lieutenant Sam et vérifia rapidement le trajet parcouru et ce qu’il leur restait à atteindre jusqu’à la destination. Derrière lui, un soldat fit un joli vol plané avant de rentrer dans un mur le plus proche. Yuri surveillait partout, à la recherche de quelqu’un qui pourrait les attaquer alors que Jacob était trop occupé à faire une diversion. Ils lui firent un signe dès qu’ils avaient trouvé le plus court itinéraire pour arriver à la salle voulue, et il les suivit en lâchant la cheville de quelque chose qui ne devait pas être loin du cadavre.

Le vaisseau était extrêmement long, et même si les trois protagonistes trottaient dans les artères du vaisseau, les différentes salles vides qu’ils trouvaient, de longues avenues étrangement dépourvues d’ennemis, ils débouchèrent bientôt sur le dernier couloir, où étaient malheureusement postés deux Voyageurs. Sans préavis, un de leurs ennemis fit apparaître une stalactite d’un mantra rapide et l’envoya rapidement sur le Docteur. La bulle de Jacob se détendit d’un coup et se transforma en mur qui bloqua tout le couloir et détruisit net le projectile. Le second Voyageur, un black aux épaules de taureau et un polo rouge fonça vers lui et comble de surprise, repoussa le mur avec une force surhumaine. Jacob fut expulsé deux mètres plus loin et pour contrôler sa chute, retourna en mode normal. Il agita rapidement la main pour leur dire de faire ce qu’ils avaient à faire tandis qu’il s’occuperait des adversaires.

Yuri prit le Docteur par l’épaule et l’envoya dans la salle en grinçant des dents. Ils se retrouvèrent dans une pièce sombre, éclairée de lanternes rouges et encombrées de grandes machines électriques, des panneaux noirs et gris inquiétants. Yuri checka toute la pièce en jetant des coups d’œil éparses et vérifia les entrées et les sorties, au nombre de trois. Il laissa le Docteur se faire attirer par un écran géant dont les grands claviers et boutons en-dessous indiquaient qu’il s’agissait du moniteur principal. Il actionna rapidement quelques boutons tandis que le combat dans le couloir derrière le mur faisait rage, mais il était impossible de savoir qui était en train de gagner. Se préparant à tout moment à voir un visage ennemi débouler de la porte, le Russe demanda par-dessus son épaule assez fort pour que son acolyte puisse l’entendre :

« Vous allez y arriver, Docteur ? Jacob a l’air d’avoir des problèmes.
_ Oune minoute, oune minoute… Ah, j’ai trouvé oune fente adéqouate.
_ Tenez »
, répondit Yuri et lui envoya un petit appareil qui était la clef USB de 42. Le Docteur la récupéra en vol et l’installa rapidement directement dans un processeur.

Il y eut une étincelle, puis un énorme « Patientez… » sur le tableau géant. Yuri se mordit les lèvres et pria pour la victoire de Jacob. Il eut une pensée en imaginant des combats qui devaient naître partout, dans les couloirs du vaisseau qu’ils avaient abandonné, et peut-être que certains n’avaient pas réussi à défaire leurs adversaires. Mais Yuri secoua la tête : ce n’était pas ça le plus important. S’inquiéter sur des choses dont il n’avait pas d’emprise était inutile. Il fallait se concentrer sur l’objectif bientôt rempli de leur commando, et il y avait de quoi être fier. Les cartes du Lieutenant d’après le plan du vaisseau retrouvé dans la terre ainsi que les indications de Lady Kushin étaient plus qu’utiles : vitales.

Soudain, une énorme déchirure sur le métal s’opéra derrière lui, et Yuri se retourna comme si on lui avait brûlé le dos. Une des trois portes, pourtant en métal, avait été arraché de ses gonds. Et la silhouette qui entra n’était ni celle de Jacob, ni un de ses deux adversaires : le puissant Garabeòne venait protéger un des points stratégiques du vaisseau. Le Docteur se dépêcha de reculer malgré l’écran qui continuait à afficher inlassablement « Patientez », et Yuri se mit en position en se mettant entre la créature et le savant fou. Un énorme fil fut craché par sa main, mais la force de pénétration n’était pas assez importante pour percer la défense naturelle du crocodile géant. Il changea rapidement de stratégie, ne laissant pas le soin à Gary de se mettre à l’attaquer. Des fils plus fins apparurent à ses doigts, et d’un habile mouvement de poignet, les enroula autour d’un des bras titanesques de l’immense lézard. Il tenta une traction féroce pour le déstabiliser et l’envoyer sur le sol, mais son adversaire était beaucoup plus fort que lui : non seulement, il ne bougea pas, mais en plus, ce fut lui qui tira le Contrôleur de fils, aussi lourd était-il. Yuri fut envoyé contre un mur comme s’il n’avait été qu’un simple caillou, et son crâne heurta douloureusement contre une des machines. Il tenta de se relever, et le reptile marchait vers lui à pas rapides pour en finir avec lui.

Et comme par miracle, Jacob apparut en volant dans la pièce comme une fusée et heurter Garabeòne en plein dans le ventre. Le géant de trois mètres tituba légèrement et changea de cible. Son premier coup dérapa sur la bulle ronde de l’Intouchable malgré sa puissance, et Yuri ne se fit pas prier : il se releva et prit le Docteur sous son aile qui accepta de partir quand il vit que le chargement de son programme était finalement terminé. Ils ne devaient pas rester : aider Jacob était inutile. Le Russe avait parfaitement compris qu’aucune de ses attaques ne pourrait inquiéter le guerrier reptilien, et qu’il serait une gêne pour quelqu’un aussi puissant que Jacob. Yuri hurla un encouragement à Jacob alors qu’il s’éloignait, même s’il savait que l’autre ne l’entendrait pas. Il vit celui-ci éviter un coup qui explosa une machine sans difficulté, un autre d’une roulade qui bousilla furieusement le sol jusqu’à provoquer un tremblement. Jacob sauta par-dessus un appareil qui se fit sauvagement détruire, mais il se prit la queue en plein dans les côtes. Il ne sentit rien, mais la force dégagée le fit s’envoler et s’écraser contre un mur. Il était légèrement sonné, mais pas blessé. Il releva les yeux, et eut l’horreur de constater que Gary était déjà sur lui, et abattit ses deux poings massifs en plein dans sa bulle avec une force si écrasante que l’Intouchable traversa littéralement le plancher et se retrouva dans un couloir, la tête en vrac et du sang dans la bouche après s’être mordu la lèvre.

Le lézard le suivit, et l’Intouchable dut s’éloigner d’un petit bond pour éviter de réitérer le scénario. Il envoya un coup terrible dans le museau de Garabeòne, mais celui-ci le sentit à peine. Il chargea l’Intouchable qui se précipita en volant dans un couloir adjacent, et le lézard détruisit le mur en-face sans aucune difficulté. Sa force physique était véritablement démesurée, ainsi que sa résistance. Jacob envisagea plusieurs solutions, mais il les rejeta toutes. Il n’était pas le spécialiste de l’attaque et face à une telle créature, c’était fatal. Allez Jacob, il y avait bien un moyen… Il y avait toujours un moyen. En tout cas, si possible, il valait mieux éviter de coller sa bulle à la peau : un coup comme il venait de s’en prendre et il se choppait sans prémisse une hémorragie interne qui l’achèverait rapidement.

Il retourna dans le couloir et put voir en premier plan Gary sortir du trou qu’il avait lui-même creusé. Le lézard mit sa tête en avant et poussa un hurlement que Jacob pouvait considérer comme terrifiant pour les gens qui avaient une ouïe. Il vit son adversaire charger tout d’un coup, mais moins rapidement qu’avant afin de ne pas dépasser son adversaire. Jacob évita un coup de coude qui broya un mur et des tuyaux, plaça une contre-attaque qui n’eut aucun effet, évita un poing, un autre poing, et reculait, reculait tandis que Garabeòne l’assaillait de coups puissants. A un moment, il trouva une ouverture suffisante : l’autre fit un mouvement trop brusque qui lui fit planter son bras dans le mur. Jacob s’en saisit rapidement avec sa bulle, et se mit à serrer l’avant-bras de son ennemi avec toute la force (progressive) de son Artefact. Mais il y avait une résistance, une forte résistance, et Jacob, malgré toute la concentration et la force mentale qu’il mit dans ce broyage, arrivait à peine à marquer la chair écaillée. En réponse, le lézard le fit s’envoler au loin d’un geste brutal, et Jacob traversa un autre mur comme une poupée de chiffon. Sa bulle le protégeait, mais la force physique d’en-face était trop absurde pour que sa défense fut entièrement efficace. Il se releva et se mit en position.

__

Depuis le début, une de leur cible était aussi l’ordinateur central par lesquels transitaient les informations, et le système de caméras installées sur le vaisseau. Le MMM grinça des dents, et malgré la présence de Garabeòne qu’il avait dépêché à cet endroit, il put voir que le chargement était terminé. Mais qu’avait-il pu bien faire ? Il eut la réponse quelques secondes plus tard quand il entendit une voix robotique dire :

« Je vole comme un cerf-volant ! »

Et peu à peu, chacun de ses écrans afficha à la place des caméras une glace italienne à la fraise. En quelques secondes, il eut devant lui cinquante images de la même glace qui le lorgnaient, et il éteignit l’appareil. Ed, tu étais allé trop loin, beaucoup trop loin. Il fallait prévenir Capucine absolument pour qu’il chasse cette IA de leur système. Mais il ne pouvait pas le prévenir sans utiliser son pouvoir et donc sans que cela ne profite au plan d’Ed. Il se dépêcha alors de trouver une ligne d’urgence, mais sa base n’était pas aussi élaborée. Il se souvint alors que Capucine était le génie de l’informatique et de l’électronique, et que quand on était un savant fou des fois en mal de patients, on n’hésitait pas à se servir de soi-même en tant que cobaye. En plus d’autres améliorations physiques, il avait une puce près de l’oreille qui servait de talkie-walkie. Le MMM se dépêcha d’utiliser un petit appareil que l’ingénieur lui avait passé et le prévint de suite :

« L’ennemi nous a refilés une IA qui brouille tous nos systèmes. Je veux que tu la vires de là.
_ La salle des machines est opérationnelle ?
_ Quelques appareils ont souffert de la délicatesse de Garabeòne.
_ On lui foutrait une mitrailleuse à la place du bras qu’il serait infoutu de comprendre ce qu’est la technologie… Il n’y a pas de souci, j’ai TOUS les programmes sur mon bras. Voyons voir les dégâts… Effectivement, y a une sale petite pute dans nos circuits. Elle est grosse, ça va me prendre au moins… moui, quelques secondes. »
Le MMM fut satisfait, mais Capucine ne raccrocha pas pour autant : « Notre IA ne fait pas que brouiller nos caméras : le SMB les retourne contre nous. Leur pirate doit être en train de bien se marrer.
_ Capucine, je…
_ C’est déjà fait, patron. Je viens d’envoyer l’assaut contre le Royaume des Deux Déesses. »


Le MMM mit fin à la discussion et se repositionna sur son siège. Il n’y avait pas lieu de s’inquiéter tant que lui était là. Au cas où Ed, Jacob ou n’importe qui d’autre avait pu éviter la destruction du Royaume, il avait prévu une alternative très amusante. Il se demanda rapidement s’il ne pouvait pas faire un saut sur le champ de bataille maintenant qu’il n’avait pas d’autre rôle à jouer dans son siège, sinon à attendre tranquillement qu’on l’y agresse. Il ne comptait pas sur une victoire informatique rapide, et rester ici était du temps perdu. Il assisterait ses hommes afin d’être certains d’éliminer quelques membres du SMB, mais il rejeta bien vite cette idée quand il vit quelqu’un qui venait d’ouvrir la porte et se tenait devant lui, à une vingtaine de mètres.

« Cobb, ça faisait longtemps.
_ Vous êtes encore le seul à m’appeler Cobb, mais je n’en attendais pas moins d’un ermite, Christian. »
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptyJeu 8 Mai 2014 - 23:45
Deux membres du SMB étaient restés au sol afin de gérer toute la logistique de la mission : Dark Angel 42, sur son PC, tapait à une vitesse folle sur son clavier, et rapidement, tous les écrans de caméra de la base étaient maintenant à sa disposition ; à côté de lui, mais pas trop près de lui non plus pour éviter les contacts physiques, le Lieutenant Sam attendait ce revirement afin de pouvoir donner des ordres clairs à toutes les équipes, et combinées avec les plans qu’elle avait devant elle, pouvoir les faire s’échapper d’un quelconque encerclement et résister à l’ennemi durant tout le temps que durera la mission.

  Juste après le tir du rayon sur le Royaume des Deux Déesses, elle avait calmé toute la population et lui avait conseillé de se rendre dans la cave du Royaume au cas où il y aurait une nouvelle attaque. Mais le monde avait été si dense qu’elle et 42 avec son ordinateur sous le bras avaient trouvé refuge dans le grand hall du palais. Au moins, toute la population était surveillée par la SDC, la Sweet Dream Company, qui était venue en renfort sous la demande de Jacob, un des employés de l’organisation. La SDC possédait des Voyageurs compétents qui permettraient de protéger efficacement les habitants et de les aider en cas de fuite.

  Le spectacle était étrange, les voir tous les deux au milieu d’une si grande salle d’un palais entièrement vide (cave escomptée), même si Clane leur tenait compagnie et avait revêtu son apparence de démon au cas où il faille réagir rapidement. Sam eut à peine le temps de se féliciter de cette première étape qu’un choc énorme retentit à la porte. Un coup de bélier.

« 42, continue de pirater les systèmes. », dit-elle en s’approchant de l’entrée et que les coups redoublaient d’intensité. On cherchait à enfoncer la porte, clairement.

  Si 42 avait eu le courage de parler à un membre du sexe opposé, il lui aurait dit que ça allait devenir difficile parce que Capucine venait d’entrer lui-même dans les systèmes et se battait comme un diable pour récupérer le contrôle. Même l’effort acharné de l’IA et de 42 avaient du mal à repousser les lignes de code débitées à la centaine que lançait l’ingénieur pour récupérer ses circuits, profitant de sa connaissance du « terrain ». Il se mit à grimacer devant l’effort qu’il devait accomplir. Énormément de lignes de codes apparaissaient devant lui et il devait trouver la parade après les avoir déchiffrés à la vitesse de la lumière. Il donna des ordres à l’IA pour encaisser des chocs latéraux et se mit à redoubler d’intelligence pour contenir de front toutes les mises à jour et les virus que Capucine mettaient dans le système. Peu à peu, les écrans étaient en train de devenir noirs, puis remplacés par la tête fixe d’un Capucine triomphant. Il fallait tenir bon, sinon, les autres équipes étaient condamnées à mort.

  La porte principale du palais céda soudain, et une centaine de Créatures des Rêves toutes armées vinrent débouler dans le hall, perturbant fortement la concentration de Dark Angel. Munies de torches et de fourches, elles hurlaient à qui mieux mieux. Elles commençaient à envahir le hall de façon à former un arc-de-cercle dont le centre était les trois personnes. Ca hurlait, ça demandait vengeance, ça demandait des récompenses, et le boucan que la foule peuplée de visages et de corps hétéroclites produisait était extrêmement menaçant. Clane plaça sa grosse carcasse devant le Lieutenant pour éviter que les Créatures ne se mettent à l’attaquer. Elle était cependant surprise, car la foule qu’elle avait en face d’elle ne semblait pas rechercher un affrontement. Ce n’étaient pas les hommes du MMM, alors qui étaient-ils ? Elle eut la réponse quand elle vit des affiches Wanted dans leur main, mais elle posa tout de même la question :

« Pourquoi avez-vous détruit la porte du palais ? Qui êtes-vous ?
_ Juste des gens soucieux de faire régner la justice dans Dreamland, et qui aiment pas les Voyageurs »
, lui répondit directement le meneur du groupe, un cochon avec une veste en cuir et doté d’un couteau de boucher. Des exclamations se levèrent ci et là, et le cochon continua d’un ton égal, mais légèrement sadique :
« On veut Ed Free. Ou chacun de ses compagnons, qui sont tous des chahuteurs en puissance.
_ Je ne suis pas une criminelle ! Nous sommes justement en train…
_ Je suppose qu’une Voyageuse de la Compagnie Panda est parfaitement dans son droit quand elle se défend de ne pas être une criminelle »
, s’énerva une sorte d’elfe au visage émacié avec une cicatrice sur la joue. Il fut reprit plusieurs fois et soutenu par des exclamations monosyllabiques.

  Le Lieutenant Sam recula instinctivement : ça, ce n’était pas prévu dans le plan. Dark Angel se mit à protester de plus en plus, constatant qu’il n’avançait pas assez vite pour se protéger de toutes les attaques de Capucine. Il donnait des directives, commandait des lignes, mais ça ne suffisait pas. Et pire encore, toute la foule qui se tenait devant lui était en train de l’observer, et il en perdait déjà ses moyens. Il commettait des erreurs grossières, était moins réactif, avait à peine la force d’élever la voix pour pester, secouait ses grosses bajoues en espérant que Capucine mourrait d’une crise cardiaque. Il se rendit compte qu’il avait sous-estimé son adversaire depuis le début. Même l’IA qu’il avait mise dans sa poche ne parvenait pas à repousser son ennemi. Et il voyait la foule hurler de plus en plus fort, sans chercher le dialogue. Ils allaient bientôt s’élancer, et là, tout serait terminé. Sam demanda rapidement à Clane :

« Tu penses tous les avoir ? Sans les tuer ?
_ Impossible. Ils sont trop nombreux, trop furieux. »


  Il râla aussi parce qu’il était obligé de défendre les deux autres, quitte à y laisser la vie, et il n’avait pas d’autre choix que de s’y plier : merci au parchemin qui retenait prisonnières ses décisions personnelles. Il sortit les crocs à la foule, mais ce fut totalement inefficace : ils étaient appâtés par le gain et la vengeance, et le MMM, avec une fausse couverture certainement, voire sa vraie, les avait préparés à envahir le Royaume. D’ailleurs, le prix affiché sur la tête d’Ed était maintenant de quinze mille EV. Une augmentation conséquente qui avait dû enflammer les cœurs. Et à cause de ça, Clane et Sam étaient en train de reculer doucement jusqu’à arriver au bureau de 42, en réaction à la foule qui s’avançait à pas lents, mais dans un désordre qui faisait penser à un assaut imminent. Le cochon, impatient, les pointa d’un doigt gras et hurla :

« Vous êtes prêts ?! Alors on fo…
_ Personne ne fonce sur personne. »
, annonça une voix inconnue. Un homme venait d’apparaître devant eux et levait ses mains en signe de calme. La foule s’arrêta un court instant, le temps qu’une seconde personne arrive par la porte, pousse quelques gens afin de se placer à côté de son compagnon. Le Lieutenant Sam ne connaissait pas du tout deux les deux arrivants. L’homme qui avait surgi de nulle part avait des lunettes de soleil, un costard ainsi que le crâne chauve, et la femme, aussi en veste noire presque distinguée, avait cependant une peau plus foncée et des dreadlocks qui tombaient en-dessous de ses omoplates. Ce fut l’homme qui parla d’une voix forte :
« Evan et Julianne, Voyageurs Claustrophobes, ici sous les ordres du puissant Seigneur Cauchemar Maze.
_ Le Royaume des Deux Déesses est officiellement un Royaume appartenant à la Claustrophobie. »
, continua tranquillement sa partenaire. « L’envahir comme vous le faîtes est un acte de guerre contre la Claustrophobie et Maze. Nous vous demandons donc d’y réfléchir à deux fois avant de rester ici. » Le cochon beugla :
« Bande d’enfoirés et de vendus ! Vous protégez votre compagnon !
_ Nous protégeons les intérêts de notre Seigneur »
, rectifia Julianne sans se départir d’un calme professionnel, jusqu’à ce qu’elle prononce la phrase suivante avec un sourire menaçant : « Si vous vous sentez de taille à affronter trois Voyageurs expérimentés ici, plus les soixante autres de la Claustrophobie dans un avenir extrêmement proches, à la condition absurde que vous surviviez, alors faîtes un pas de plus. Sinon, vous quittez les lieux dans la minute qui suit. »

__

« Il est temps de se tirer, Connors. »

  Celui-ci, peinturluré en une Lay Kushin plus que convaincante, acquiesça dans la cellule d’à-côté. La diva asiatique n’avait pas de pouvoir à faire taire, donc ils l’avaient emprisonné sans l’avoir tatoué d’un sale petit sceau, contrairement à moi qui me grattait tout le temps la nuque. Connors ne chercha même pas à ouvrir sa cage ou quoique ce soit d’autre : il traversa les barreaux tout simplement, comme s’ils n’existaient pas, et reprit ses traits de jeune quadra prêt à s’exploser dans une soirée pour jeunes quadras. Il garda néanmoins les vêtements de Lady Kushin, et j’entendis une déchirure très nette au moment où il reprit sa stature finale. Il passa un doigt dans ma serrure, ce qui eut pour effet de la détruire. Il m’ouvrit la porte avec un grand sourire :

« Si madame veut bien se donner la peine…
_ Si monsieur veut bien se taire… »


  On arpenta la prison, et les hypothèses du Lieutenant ainsi que de Lady Kushin qui n’était jamais venue ici étaient fondées : le vaisseau grouillait de cellules. Des fois petites, des fois grandes, des fois individuelles et des fois collectives, et le tout sur plusieurs couloirs parallèles qui devaient bien faire cinq cent mètres. Et si ça se trouvait, ça continuait sur les autres étages de la base volante. Le MMM était totalement timbré s’il avait été le concepteur de son vaisseau. On pourrait emprisonner plus de cent mille personnes au bas mot. Je fis part de mes réflexions à Connors, mais ce dernier, très professionnel, m’avait dit qu’on s’en fichait de savoir pourquoi tant qu’on pouvait l’arrêter. Je lui demandais s’il avait repéré les lieux et trouvé Ophélia, et il me fit oui d’un signe de tête. Il nous suffit de marcher quelques instants, trois minutes, pour la trouver. Mon cœur faillit fondre de joie quand je la vis, et la première chose que je fis quand Connors ouvrit encore une fois la cellule fut de me précipiter dans ses bras. Les yeux ronds de surprise, elle m’étreignit à son tour, je pressai mes lèvres contre les siennes avant de me retirer : ce n’était pas le moment pour les effusions, pas encore. Elle me sourit :

« Je suis heureuse de te voir.
_ Et moi donc.
_ Et moi donc.
_ Ferme-la, Connors. »


  Elle passa une mèche de cheveux derrière son oreille et nous demanda où on allait. Je lui dis qu’on se dirigeait vers le MMM, mais qu’on ferait éventuellement des détours pour aller aider un de nos alliés. Connors rectifia qu’il fallait d’abord passer dans l’armurerie, là où ils rangeaient toutes leurs armes ainsi qu'un effaceur pour le tatouage qui restreignait mon pouvoir. On se dépêcha de s’y rendre, une énorme pièce dans lequel il y avait des explosifs, des armes à feu et des lames tranchantes, et j’y récupérai avec soulagement mon pouvoir grâce à un bâton spécial, mon panneau de signalisation, et ma paire de lunettes de soleil. Je me l’enfilai sur les yeux avec un majeur décidé. Je serrai la boucle de cuir de mon panneau de signalisation, puis je finis par craquer ma nuque.

« De retour dans la partie. »

__

  Le sabre se retira d’un trait de la gorge qu’il venait de traverser, éclaboussant les murs de sang carmin. Lady Kushin ne prit pas la peine de laver son sabre et rangea ce dernier directement dans son fourreau. Elle dit qu’il n’y avait pas de problème et que Liz pouvait sortir. Celle-ci obtempéra et contempla les trois cadavres tailladés en quelques secondes. Elle ne leur avait laissé aucune chance. Sans s’appesantir là-dessus, Lady Kushin se mit à marcher rapidement dans un autre couloir. Elle se mit à hésiter, et décida par tourner à droite. La secrétaire émit :

« C’est plus rapide à gauche, non ?
_ C’est plus rapide, mais par-là, il y a le bureau de David, le chef des mercenaires. Si on peut éviter de s’y approcher, alors on saisit l’occasion.
_ Il est si fort que ça ?
_ Je ne sais pas. On dirait qu’il a juste sa cruauté et son charisme pour lui, mais j’ai entendu dire qu’il a tué à mains nues ses meilleurs éléments après un échec, et d’autres histoires aussi glauques. Je ne suis pas certaine de faire le poids, donc il vaut mieux qu’on… »
Un garde surgit brusquement d’une artère. Lady porta à peine sa main à son sabre que Liz envoya à l’impromptu un coup de poing qui le fit s’écraser contre le mur après un craquement sinistre. Lady haussa un sourcil devant ce spectacle bref qui avait duré tout au plus deux secondes :
« Et je suis censée vous protéger.
_ Je sais frapper, mais je ne sais pas me battre. Trouvons Garabeòne rapidement. »
, trancha rapidement Liz en avançant. Elle poussa cependant un soupir vraiment navré : « Mais pourquoi personne ne nous communique l’endroit où il est !
_ Certainement pour de mauvaises raisons. Avançons. »


__

  BHL avait de loin le meilleur rôle de toute l’expédition. A peine avaient-ils tous débarqués qu’on lui avait donné un des appareils volants du MMM afin qu’il puisse le chevaucher et se placer en-dessous de la base volante. Objectif : grâce à son magnifique pouvoir de téléportation, rattrapez n’importe quel membre du SMB qui tomberait. Il était non seulement à l’abri du danger, et était le filet qui retenait toute l’équipe, soit la pierre angulaire du commando concernant le sauvetage. Ed avait eu le nez quand il lui avait proposé cette mission. Personne ne pouvait sauver le monde comme lui pouvait le faire. BHL restait en mode stationnaire en-dessous du vaisseau qui avait perdu son invisibilité, attentif au moindre corps qui tomberait.

  Il commença à franchement s’ennuyer au bout de la première minute d’attente, et se demanda pourquoi ses alliés ne se laissaient pas projeter à l’extérieur s’ils en avaient l’occasion vu qu’il était là pour les rattraper. Il nota dans cet absentéisme un manque flagrant de confiance et s’en offusqua. Il se demanda comment il pourrait tourner ce passage dans son prochain livre afin que ça lui donne un côté plus héroïque. Ça serait bien si tout le SMB pouvait tomber en même temps afin qu’il puisse un accomplir un exploit qui ferait déchaîner Dreamland, mais non, eux préféraient de loin rester se battre là-haut et l’ignorer superbement. Peuh. Bande de mécréants.

  Ah si, quelqu’un tombait finalement ! BHL se concentra et se téléporta vers le corps en train de chuter. Il se rendit compte que c’était un allié, alors il se téléporta bien plus proche, le ceintura, et l’emmena sur son petit vaisseau qui pouvait contenir deux places. Dès que le boulot fut fait, il se retourna et dit d’une voix forte pour couvrir le vent violent :

« Heureusement que j’étais là ! Encore un destin sauvé par Bernard Henri-Levy ! Tu n’es pas obligé de me remercier, la droiture est ma devise.
_ Adjudant tombé !
_ Et oui ! Et c’est moi qui t’ai sauvé la vie. Je le répète, tu n’es pas obligé de me remercier, mais tu peux quand même le faire. Tu pourras me voir quand je donnerai des autographes sur mon prochain livre que j’ai bientôt fini, je te ferais une signature spéciale.
_ Dangereux en-haut ! Dangereux !
_ Avec moi, tu ne risques rien, Adjudant Perkinson.
_ Café.
_ Je ne suis pas une Portugaise, désolé. »


  Il se détourna de la conversation car il avait bien peur que se rapprocher à deux doigts de la mort avait bousillé le cerveau de ce pauvre hère, et la discussion en devenait horripilante. Ce fut à ce moment précis qu’il crut apercevoir d’autres formes tomber. Il plissa des yeux et se rendit compte de la vérité : d’autres vaisseaux venaient dans sa direction. Ahah, ils avaient enfin compris que le SMB était invincible tant que BHL ne tomberait pas. Dommage qu’il n’avait pas emporté de caméras, la bataille aurait pu faire une scène terrible de son prochain film.

__

  En bas, dans le Royaume des Deux Déesses, la menace de la foule alléchée par une tête de Voyageur au bout de leur pique n’avait pas été totalement écarté car les chasseurs de prime restaient tous en-dehors du palais et ne montraient aucun signe de départ imminent. Evan et Julianne n’arrêtaient pas de les surveiller, mais au moins l’ennemi était dehors et des gardes du Royaume s’étaient regroupés sur les murs en cas d’assaut. Mais il n’y en aurait certainement pas : à nombre égal, mais un camp caché dans une forteresse et appuyé de Voyageurs, il n’y avait aucun doute quant à la victoire.

  Le Lieutenant Sam avait remercié ses deux sauveurs qui lui assuraient que ce n’était rien, et ils enchaînèrent sur le déroulement de la mission suicide d’Ed. Étonnée qu’ils fussent autant au courant, elle leur dit que ça pourrait être mieux, et elle lança un regard inquiet sur Dark Angel 42 qui martelait ses instructions électroniques sans parvenir à garder ses écrans ouverts. Il perdait très franchement du terrain, gagnait quelques caméras mais en reperdait d’autres, malgré le fait qu’il tapait maintenant sur deux claviers. Si cette bataille échouait, alors toutes les autres équipes seraient livrées à elles-mêmes contre un millier de soldats puissants qui seraient coordonnés par leurs supérieurs.

  Ce fut avec surprise qu’elle vit la stagiaire arriver avec une tasse de café, mais Dark Angel 42 la dédaigna totalement. La stagiaire lui demanda alors s’il voulait un café, et il ne répondit que d’un grognement avant d’envoyer une instruction qui lui ferait gagner du temps. Elle prit alors son courage à deux mains et appuya sur la touche « r » comme une forcenée, faussant complètement une ligne de codes, ce qui provoqua un arrêt cardiaque à l’informaticien :

« PUUUUUUUTTAIIIIIN !!!
_ Dark Angel, calme-toi et prends un café.
_ Je veux pas de café !
_ Prends un café, ça te sera indispensable pour vaincre Capucine. Ensuite, tu peux remonter sa source ? Peut-être qu’on peut lui envoyer un du SMB pour lui faire perdre ses moyens avec le peu de caméras qu’on a encore
_ Très bonne idée »
, intervint le Lieutenant Sam. Dark Angel se retint d’envoyer une grossièreté. Il dit tout de même :
« Je vais perdre du temps, moi, et ça va être décisif.
_ Tu penses le vaincre de façon normale, alors ? »


  Il ne répondit pas : il le prenait comme une question rhétorique et il savait que ça pouvait en être une. Il envoya toutes ses informations à l’IA, de ne pas tant chercher à combattre l’adversaire que de lui miner le terrain, le ralentir jusqu’à ce qu’il revienne le combattre à coups de code. L’IA accepta, et se dépêcha de mettre quatre téraoctets d’image de glace et de poney pour faire bugger le système. Dark Angel prit la tasse de café et but son contenu cul sec. Il s’en rendit compte après, mais le café était extrêmement âcre. La stagiaire avais mis de l’eau, au moins ? Cette dernière avoua au Lieutenant qu’elle avait fait un café avec les proportions de l’Adjudant.

  Quelques secondes plus tard, et Dark Angel tapa si rapidement sur les touches qu’on aurait cru que les notes qu’elles produisaient étaient la même en prolongé. Où était le plus proche combattant de Capucine qui pourrait sauver la situation ?

__

« Et pourquoi avait-il fallu que ça soit moi qui soit le plus proche de cet enculé ? » maugréa Fino en se trimballant dans les coursives du vaisseau seul, traînant son fusil à canon scié derrière lui.

  Il n’avait pour le moment rencontré aucun soldat, ce qui était une aubaine (pour eux) et maintenant, il avait reçu un message du Lieutenant qui lui donnait le chemin à suivre pour aller affronter un des hommes les plus dangereux du MMM. Ils s’étaient tous rendus compte qu’il n’était pas exactement le plus indiqué pour aller donner des baffes à quelqu’un ? Qu’importe, un bon coup de fusil à pompe dans sa gueule et il coderait vachement moins bien après ça. Fino remarqua que la partie du vaisseau dans laquelle il était ressemblait plus à quelque chose de futuriste qu’une prison mexicaine comme avant. Cette base était vraiment une saloperie hybride de pierre et de science-fiction. Le tout mettait mal à l’aise Fino, qui préférait les choses claires. Au moins, il n’avait pas trop de mal à se repérer : s’il allait dans des parties plus rustiques, c’est qu’il allait pas dans la bonne direction.

  Trois minutes plus tard, il trouva enfin sa cible. Capucine, le crâne chauve comme un vautour, le nez tranchant, était assis contre le mur et utilisait son bras droit pour frapper sur des touches orange et translucides projetées par son bras gauche. Il fit mine de ne pas regarder le bébé phoque qui commençait à le viser, mais dit quand même :

« Je te tue si tu tires. Laisse-moi me…
*PAAAAAWH*

  Une détonation très violente qui projeta Fino à dix mètres en arrière. Mais son tir ne toucha pas : le sol, pourtant métallique, se souleva comme par magie et intercepta les balles, protégeant le corps du scientifique. Le plancher se remit normalement comme si rien ne s’était passé, et Capucine derrière soupira et se leva, sans toutefois quitter son écran des yeux.

« Y a pas de problème, y a pas de problème, y a aucun problème. T’es que la deuxième personne que je croise, mon bébé phoque, et le premier, je l’ai fait basculer par-dessus bord. L’Adjudant ne m’a pas touché une seule fois.
_ Tu contrôles tout le vaisseau ? »
demanda Fino en rechargeant. Il pouvait tirer deux balles pas plus par chargeur. Si le combat commençait, il aurait besoin de l’ensemble de ses munitions.
« Non, seulement quarante-quatre pourcent virgule trois mille cent vingt-et-un. Pas de chance, t’es en plein dedans.
_ Pas de chance, je m’en bats les couilles.
_ Bien, je vais te les arracher et les donner à Jasmine pour qu’il les dissèque. »


  Quand il fut à dix mètres de lui, Fino visa et hurla. Le sol se déforma encore une fois et protégea Capucine dans son intégralité telle une langue métallique. Ce que le phoque avait évidemment prévu. Il n'avait pas appuyé sur la gâchette. Il se retourna de cent-quatre-vingt degrés et enfin, tira. Le recul fut tellement grand qu’il fut éjecté en arrière, soit en plein sur la protection de Capucine. Celui-ci abaissa ses défenses, pensant le coup terminé et le phoque trop loin pour tirer sa deuxième cartouche, et vit donc avec horreur que celui-ci se trouvait maintenant juste à ses pieds. Capucine plaça ses mains en défense devant son visage et tenta une esquive en arrière. Mais Fino visa précisément le bras que son ennemi avait mis juste devant lui. De la grenaille plomba méchamment le bras (et étrangement, très peu de sang en sortit, ainsi qu’un autre fluide orange) de Capucine qui se mit à hurler. Tous ses écrans s’éteignirent d’un coup, et il se remit à pousser un hurlement de rage.

« PUTAIN DE SALOPERIE DE PHOQUE DE MERDE DEGUEULASSE !!! »

  Tout le couloir se mit à trembler en réaction à sa colère tandis que Capucine s’agrippait à son bras comme si ça pouvait le soigner, et quelques murs commencèrent à se faire broyer sous la puissance dégagée. Il réussit cependant à se calmer en une seconde, comme si la dernière minute n’avait jamais existé, et tourna un sourire extrêmement aimable à Fino. Du sang mêlé à du liquide orange recouvrait ce qui restait de son bras qui lui permettait de pirater ses systèmes, et le tout gouttait sur le sol. Dark Angel 42 avait maintenant toute liberté pour pirater leur système. Capucine respira profondément, toucha quelques points sur son épaule, enfonça son doigt près de l’aisselle, puis il retira son bras proprement. Il ne lui en restait qu’un seul, et comme Fino y faisait attention, il se rendit compte que ce dernier était un bras entièrement robotique, dont la pureté du design annonçait une force titanesque. Ce fut avec une voix tout à fait neutre que Capucine s’exprima, quand Fino était occupé à recharger rapidement, se disant maintenant qu’il était en péril qu’un bandeau noir sur l’œil lui faisait perdre énormément en champ de vision :

« Très bien, Fino, très bien. On se calme. Je te pardonne. Je suis quelqu’un qui pardonne facilement.
_ J’espère que tu te masturbais avec le droit, parce que sinon, tu vas vraiment m’en vouloir.
_ Tu vois, tout ça, c’est une histoire d’échiquier. On t’a déplacé, petite pièce que tu es, et on t’a mis sur ma trajectoire pour éviter que je ne bouffe un pion plus important. On appelle ça un sacrifice.
_ Arrête, tu pars trop loin. Ta métaphysique de pute m’aveugle. »
Capucine sembla s’énerver de tomber sur un esprit aussi retors, tant et si bien qu’il se prit la tête dans les mains (la main en fait), gigota pour se calmer, et instantanément, il se calma :
« Alors tu n’as qu’à me tuer. Vas-y, tue-moi. Tu vas faire quoi ? Me tirer dessus ? Vas-y, tire-moi dessus Fino ! Est-ce que tu crois que tu peux me battre ? Une petite chance ? »

 Fino ne répondit rien, car il connaissait parfaitement la réponse, et il était trop occupé à trouver une façon de s’en tirer plutôt que de tenter une ultime bravade. Il était lent, il avait une arme qui avait démontré son inefficacité, et il y avait des limites aux stratégies qu’on pouvait déployer avec le recul qui le propulsait. En face, Capucine maîtrisait tout le vaisseau dans lequel ils se trouvaient tous les deux. S’il avait pu virer l’Adjudant, ce n’était pas un bébé phoque qui allait l’inquiéter. Mais malheureusement, si Fino ne voyait aucun inconvénient à la fuite, c’est qu’il ne courrait pas excessivement vite.

  Et il sentit les murs bouger. Il se dépêcha de tirer sur la tête de son adversaire afin que le recul le propulse loin du danger. Fino se dépêcha de changer de couloir en traînant son fusil derrière lui. Il se dépêchait comme jamais il ne s’était dépêché, mais il entendit doucement Capucine le suivre, à pas lents, et égalisait sans peine sa vitesse. Le phoque changea encore de couloir en crachant. Ce connard n’était pas pressé, non. Il cracha dans son oreillette :

« Fino a besoin d’aide ! Fino a besoin d’aide ! Bougez-vous le derche, j’ai une salope au cul ! Je répète, Fino a… »

  Le couloir dans lequel il était implosa : les murs se déchirèrent pour aller à sa rencontre, le sol ondula, le plafond fondait sur lui, et le vacarme était insupportable. Il tira une nouvelle fois, mais c’était trop tard : il était pris au piège. Vinrent dix secondes où il eut l’impression très nette de se faire engloutir par un monstre mécanique : il était boulotté, emporté par la langue, frappé par la glotte, il tentait de se débattre en vain, se prit des coups, poussait des jurons avant qu’il ne fut écrasé ci et là. Et la tempête se termina aussi rapidement qu’il avait commencé en le déglutissant ,couvert de sang et de blessures. Capucine se tenait devant le couloir et regardait Fino, petit tas de chiffon inerte qui parvenait à peine à prendre son arme. Fino cracha du sang… Bon sang, du sang… Ça faisait combien de temps qu’il n’avait pas saigné ? Un tuyau énorme comme un bélier sortit du sol. Fino tenta de se remettre sur le dos, mais un de ses yeux était envahi d’hémoglobine. Il lança un autre cri de guerre, tira avec son arme, mais celle-ci était vide. Et il se prit le tuyau en plein dans la tête.

  Le corps de Fino s’envola, percuta le plafond et revint contre le sol, laissant des traînées de sang partout. Il ne voyait plus rien : où était Capucine ? Il était mort de douleur, il le savait ça, mais était incapable de la calmer. Il aperçut  dans son désespoir une éventuelle porte de secours. Il grimaça et l’emprunta : un petit trou qui menait à un conduit d’aération. Même si son corps n’était plus en état, même s’il souffrait comme il n’avait jamais souffert de sa courte vie, il continua à avancer, utilisant sa motivation de boule de nerfs acharnée pour continuer, continuer, se dépêcher au cas où Capucine le poursuivrait toujours. Il avançait, rampait, crachait, souffrait, repartait, se traînait, perdait de vue sa vue, tournait, mais continuait. Bouger, c’était vivre. Et il sentait cette fois-ci la mort sur ses talons, comme Capucine trente secondes auparavant. Bouge ton petit cul de gay, Fino, bouge-le ! Il s’évanouit quelques secondes, renâcla, cracha, et repris sa marche sans rien voir.

__

  Le MMM se donna la peine de se lever. Monsieur Portal se mit à marcher très très lentement autour de lui, en gardant une distance de sécurité de vingt mètres. La salle était ainsi faite : le sol en marbre, elle disposait de plusieurs paliers concentriques dont le dernier accueillait le trône, ce qui faisait que le MMM avait cinquante centimètres de plus que son futur adversaire. Il lui proposa tout de même :

« Une camomille, Christian ? Je dois en avoir dans la pièce à-côté.
_ J’adorerais, mais ce n’est pas le moment.
_ Si tu ne prends pas de camomille, c’est effectivement que c’est un grave moment alors.
_ Grave, c’est le mot.
_ S’en prendre à la personne qui vous a permis d’échapper à votre prison pour découvrir Dreamland est effectivement grave. »


  Monsieur Portal se remémora rapidement d’où il connaissait Cobb. Avant prisonnier depuis des années dans la prison des Claustrophobes, une simple cabane en bois perdue au milieu du désert des Royaume des Cow-Boys, il avait cru devenir fou. Puis Cobb, ou le MMM, était arrivé. Il l’avait fait sortir, lui avait expliqué Dreamland, la géopolitique, lui en avait appris énormément sur lui et ses nouveaux pouvoirs, ainsi que ses collègues Claustrophobes. Il lui avait parlé de Maze, de ce bourreau qui le maintenait prisonnier par crainte de perdre ses pouvoirs, de l’Artefact antique caché dans les environs qui lui permettrait de prendre sa revanche, seulement s’il désirait la prendre. Il lui avait montré comment utiliser ses portails au mieux, lui expliquer le principe, les principes. Mais surtout, ils avaient beaucoup discuté de choses inintéressantes comme le feraient deux vieux amis. Ils étaient de vieux amis quelque part, et Monsieur Portal eut un pincement au cœur quand il voyait la silhouette de Cobb le défier depuis son trône malgré tout ce que ce dernier avait fait pour lui. Tout ça pour ça… Monsieur Portal secoua la tête :

« Vous m’avez libéré de prison pour servir votre plan, pas par pitié.
_ Et pourquoi pas ? »
, suggéra innocemment le MMM comme si la vérité pouvait être aussi manipulable. Son interlocuteur lui dit :
« Je pars du principe que non, vous ne m’en voudrez pas. » Les deux se regardèrent pendant une quinzaine de secondes, et le MMM reprit :
« Rejoignez-moi, Monsieur Portal. Je vous ai sauvés, alors retournez-moi ce service. Vous avez tenté de détruire le Royaume de la Claustrophobie, ne jouez pas aux gentils maintenant. De toute façon, vous êtes perdus.
_ Je trouve que notre plan marche bien pour le moment. »
, répondit effrontément Monsieur Portal, mais le MMM balaya cet argument d’un revers de main :
« Il marche bien, oui. Mais ce n’est pas pour rien que c’est une mission-suicide. Le début, vous utilisiez vos atouts, mais maintenant, une vingtaine de personnes environ est coincée dans le vaisseau, et mes généraux n’ont pas encore bougé. Et je peux vous assurer que leur niveau est bien supérieur comparé aux vôtres. »

  Monsieur Portal ne rajouta rien derrière, et Cobb en profita pour prévenir via les écrans farouchement protégés par Capucine que Garabeòne qu’il était inutile de s’en prendre à Jacob : c’était une perte de temps. Qu’il aille plutôt se diriger dans les immenses hangars où Ed allait : en plus de lui, cinquante soldats surentraînés iraient l’arrêter. Voilà qui mettrait fin à ses véhémences. Une minute plus tard, et les caméras sautèrent définitivement au profit de l’ennemi. Capucine n’avait donc finalement pas réussi à repousser les envahisseurs électroniques. Pendant ce temps, Monsieur Portal le regardait fixement. Le MMM, à court de patience, se rassied sur son fauteuil.

« Christian, vous voulez m’attaquer ? Vous échouerez. Tous vos actes vont échouer. Je prépare ce plan depuis des années, je me suis entouré des meilleurs. Vous pouvez embrocher ma base avec un missile, ça ne change rien à l’affaire.
_ Et vous préparez quoi, comme plan ? Je suppose que vous n’avez pas fait tout ça juste pour tenir la nique aux Rois des Rêves ? »
Le tout ça signifiait les attentats terroristes, ces actions dans le Royaume des Cow-Boys et même à Hollywood Dream Boulevard.
« Votre optimisme me fait chaud au cœur, Monsieur Portal. Comme si j’allais tout vous dévoiler.
_ Je pensais pourtant que vous étiez un méchant machiavélique, le meilleur méchant machiavélique.
_ Voyons, c’est un titre comme un autre, comme vous m’appelez Cobb, comme on m’appelle le Duc Eisenhower.
_ Pourquoi vous appelez-vous le MMM alors ? »
Celui-ci sourit quand on lui posa la question. Il leva un doigt :
« C’est une bonne réflexion. Pourquoi en effet ? » Vu que Monsieur Portal ne répondait pas à la question, le MMM s’adossa tranquillement dans son siège, Christian à la limite de son champ de vision sur la gauche.
« Quelle que soit votre réponse, nous vous combattrons.
_ ARRÊTEZ !!! »
Le cri détonna dans l’immense pièce et Monsieur Portal bondit en arrière par surprise. « ARRÊTEZ DE ME PARLER DE COMBAT !!! ARRÊTEZ DE CROIRE QUE VOUS ÊTES VENUS ICI PARCE QUE VOUS CROYEZ POUVOIR ME BATTRE !!! CE N’EST RIEN DE PLUS QU’UNE PARTIE D’ECHECS, SAUF QUE LE JOUEUR DANS VOTRE CAMP EST CONTRAINT DE JOUER ET SERA FUSILLE S’IL FAIT UN MOUVEMENT DE TRAVERS !!! VOILA CE QUE VOUS ÊTES !!! »

  La voix du MMM s’était faite extrêmement grave et il s’était levé pour l’occasion. Sa voix se radoucit mais restait tartinée d’une colère sans borne tandis qu’il s’approchait à pas lents de Monsieur Portal :

« Monsieur Portal, vous m’aviez dit que vous avez ressenti une douleur terrible quand vous aviez appris qu’une de vos collègue, D’Arcy, allait reprendre le poste manquant de professeur de philosophie alors que vous étiez en compétition avec elle. J’ai deux questions pour vous : la première, c’est est-ce que vous pensez qu’elle était triste pour vous d’avoir eu ce poste à votre place, et la seconde, plus explicite, est-ce que vous auriez eu une pensée pour elle si c’était vous qui aviez repris le poste ? »

 Le visage de Monsieur Portal avait changé et exprimait ce qui ressemblait à une autre forme de colère : celle de la trahison, du coup bas.

« Désolé, Monsieur Portal. Je ne crois pas en l’homme. Notre société nous pousse à oublier les questions basiques. Pour une personne à qui on croit faire du bien ou pour qui on évite le mal, notre inconscient en oublie dix autres. On oublie qu’on s’écrase les uns les autres pour parvenir à nos fins. On oublie que si on donne une pièce à un clochard, on lui sauve sa journée, on oublie que quand on fait attendre le métro en bloquant la porte, quinze personnes vont être en retard au boulot. Nous nous piétinons les uns sur les autres parce que nous sommes incapables d’assumer notre hypocrisie : chacun de nos rêves fera souffrir des personnes. Nous sommes trop collés les uns contre les autres : embrasser une amie nous fait envoyer un coup de coude contre un voisin. Nous savons que nous faisons du mal aux autres, qu’en prenant, nous privons, mais nous décidons délibérément de nous en foutre parce qu’on ne peut plus bouger, dans ce maillage d’êtres humains qui en plus, impose des règles ridicules, et finalement, nous bougeons, nous frappons en nous disant que si on ne profite pas, les autres profiteraient à notre place, et le pire dans tout ça, c’est qu’on aurait raison. Les crânes se percutent, on se mord à la gorge. On perd notre humanité dès qu’on pense : moi ou mon voisin ? On entend un cri dans la rue, on se détourne parce qu’on a mieux à faire. Pas parce qu’on a peur, attention, même si ça joue, mais parce qu’on a eu une journée difficile et qu’on veut rentrer chez soi. Un viol, une agression, ce n’est pas notre problème.
_ Et vous croyez que ne plus bouger est une bonne idée ? Dépérir ?
_ C’est une utopie, et ça fait longtemps que j’ai arrêté d’y croire. Je critique la société qui nous pousse à être comme ça, à notre intelligence formatée qui nous pousse à pousser les autres. Je ne crois plus en l’être humain.
_ Et vous allez rétablir l’ordre avec un plan diabolique ?
_ ECOUTEZ-VOUS !!! »
lui hurla le MMM, et le cri fut tellement puissant que Monsieur Portal sentit ses tympans gémir. « Vous me prenez pour un immense crétin ? Si je vous en parle, c’est parce que j’ai cessé de penser à tout ça. Les méchants, les démons du monde réel, ce sont juste vous, Monsieur Portal, juste vous avec juste un petit peu moins de scrupule. Ceux qui osent sont mal considérés. Jalousie ? Peut-être. Ce qui vous tombe dessus, Monsieur Portal, vous et vos deux mondes, sont parfaitement normaux, sont parfaitement normaux. Il n’y a pas de ténèbres qui s’étendent sur Dreamland, dans les couloirs, pas de lumière qui vient l’affronter. Pas de prophétie stupide, pas de manichéisme délirant. Juste un homme normal qui ose, et des gens normaux qui tournent autour et qui en souffrent. Vous n’êtes pas venus m’affronter, Monsieur Portal, vous êtes juste venus me parler par curiosité : vous n’avez aucune chance de me vaincre avec tous les portails que vous avez dépensés précédemment. Connors n’aurait jamais accepté d’être ici si vous ne lui aviez pas tendu une récompense financière. Ed n’aurait probablement jamais lancé l’assaut s’il n’y avait pas Ophélia emprisonnée, Ophélia qu’il s’est empressé de libérer sans se demander si elle n'était pas plus en sécurité dans sa cellule. Et avant, il faisait ça pour la gloire, toujours pour la gloire. Lady Kushin fait tout ça par amour pour Fino, la Compagnie Panda, parce qu’elle est endettée depuis le Bal des Dessins Animés que leur Major a détruit, Matthieu Furt, parce qu’il s’amuse, Shana, pour protéger Jacob et Ed... Je pourrais continuer longtemps comme ça, Monsieur Portal, mais je vous ennuierai. Je ne dis pas qu’ils ne veulent pas m’affronter et sauver Dreamland : je dis qu’ils ont des ambitions à-côté qui leur permettent d’assumer celle-ci.
_ Je… »
, tenta de placer Monsieur Portal, mais il fut interrompu par le MMM qui s’assied sur son trône :
« Il n’y a plus de héros, Monsieur Portal. Pas dans nos deux mondes.
_ Devenez-en un !
_ Peut-être que c’est ce que je suis en train de faire : peut-être que mes actions vont provoquer une guerre meurtrière entre les Voyageurs et les Créatures des Rêves qui va rééquilibrer la justice. Un mal pour un bien, et inversement. On ne peut pas devenir un héros, Monsieur Portal, car même si je faisais une action, j’en ferais souffrir d’autres sans le savoir. Nous sommes tous anesthésiés de l’horreur qu’on inflige à autrui. Et un monde pareil me dégoûte.
_ Vous n’êtes qu’un nihiliste.
_ Un nihiliste taré. »


  Il semblait à Monsieur Portal que s’il entrait dans le jeu dangereux de la rhétorique, il pourrait s’y perdre en débat. Cobb avait son point de vue, et au moins, ne lui permettait pas de justifier son plan. Il essayait juste de lui dire que tout ça n’était pas important, que c’était tout à fait normal. Qu’il fallait redescendre sur terre et arrêter de rêver. Monsieur Portal n’aimait pas ce raisonnement, même si sur le coup, il ne voyait pas en quoi continuer la discussion lui profiterait. Il se mit alors en-face du MMM sur son trône, qui le toisait sa tête posée sur ses deux mains, et il dit alors :

« Vous vous êtes trompés sur une chose, Cobb. Je ne suis pas venu que pour vous parler, mais aussi pour vous battre.
_ Pour me ralentir, vous voulez dire »
, rectifia-t-il en agitant son doigt.
« Non. Pour vous battre, j’ai dit. »

  Une gigantesque explosion apparut quand une énorme masse pénétra le mur tel un missile dément et atterrit en créant d’énormes fissures sur le sol, une pluie de poussière tombant sur lui. Les deux protagonistes purent voir quelques secondes plus tard le temps que la fumée disparaisse la silhouette massive du Major McKanth qui se relevait après un vol tellement puissant qu’il avait traversé la paroi externe du vaisseau et plusieurs de ses murs (en se trompant de chemin malgré son radar). De la poussière et des petits bouts de plâtre et de brique parsemaient sa tenue, preuve qu’il avait voyagé dans le vaisseau.

« C’EST LA GUEEEEEEEEEEEEEEEEEEEERRRRE !!! »

  Il pointa son bras vers le MMM, bras qui se métamorphosa en une seconde en mitrailleuse lourde, et une rafale de tirs fusèrent vers leur cible. Cette dernière fit un mouvement acrobatique pour se retrouver derrière son trône qui encaissa les balles les unes après les autres jusqu’à être atomisés. Le MMM se releva en jouant des épaules. Ed lui disait qu’il allait épuiser ses pouvoirs petit à petit, donc attention à ce qu’il allait faire, puis il lui faisait méchamment du gringue en alignant Monsieur Portal et le Major McKanth dès le premier combat. Quel petit con, pensa-t-il avec un sourire jaune. Mais il fallait faire avec ce qu’il avait. Comme s’il était bon joueur, il s’avança vers ses adversaires et dit :

« Bien. Nous ferons avec.
_ Votre vie d’homme normal libre s’achève ici, Cobb.
_ Monsieur Portal, vous allez bientôt être étendus sur le parquet de ma salle recouvert de sang. Je voudrais que vous n’oubliez pas ce que j’ai vous dire : vous êtes presque une vingtaine à parcourir mon vaisseau en ce moment. Nous sommes six pour vous affronter, et je ne compte pas l'armée. Et l’extermination va maintenant commencer. Vous allez tous perdre les uns après les autres. Le SMB sera mort dans moins d’une demi-heure.
_ Je vous en prie alors, montrez l’exemple.
_ Vous auriez dû vraiment accepter votre dernière camomille onirique. »
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptyVen 9 Mai 2014 - 23:51
Le Docteur Doofenshmirtz et Yuri revenaient sur leur pas, le lieu le plus sûr où la probabilité de rencontrer des ennemis était la plus faible, même si ça n’allait pas le rester. Yuri appuya sur son oreillette pour demander un résumé de la situation au Lieutenant dans le Royaume des Deux Déesses, mais il n’entendit qu’un grésillement en guise de réponse. Etrange… L’oreillette semblait bien marcher il y avait dix minutes, ils avaient même fait des simulations avant la mission. Pourquoi donc ça ne répondait pas ? Le savant fou lui tira la manche afin de lui montrer ce qui pourrait être la raison du problème : un autre scientifique marchait vers eux, dans le salon où le missile avait explosé et laissé une traînée de corps partout. Capucine s’avançait tranquillement, se grattant l’occiput avec son bras robotique menaçant.

« Et MMMMMMEEEEeeerde !!! Je pouvais pas tomber sur pire adversaire que le Docteur Doofenshmirtz et... ! Je sais plus ton nom, vraiment désolé. C'est peut-être gros singe ?
_ Docteur, restez derrière moi »
, grogna Yuri en faisant rempart de son corps. En cas de combat, le savant fou était totalement inutile, surtout qu'il n'avait pas eu le temps de construire une machine qui aurait pu lui servir dans un tel moment comme un pistolet à clous. Capucine ne semblait pas s'embarrasser de leur sentiment :
« Gros singe, allez, on s'en fout que le Docteur soit devant toi, derrière toi ou sur ta tête ! Vous deux, je vais vous assassiner rapidement, et ça me fera quatre points. Plus d'Adjudant grâce à moi, plus de Fino même s'il m'a arraché un bras, puis vous deux. Jasmine va être tellement vert ! Quatre points dans sa gueule ! Quatre points faciles, ouais, ça commence à me courir ; quitte à faire le ménage autant récurer que ramasser la poussière. »

Capucine passa de l'extase à la déception pure quand il vit que ses deux prochains adversaires ne semblaient pas partager son enthousiasme, même pire, reculaient doucement pour mieux se préparer au combat. Le scientifique timbré baissa les bras, dépité. L'instant d'après, le sol se tordit sous les pieds du Russe, puis d'un seul coup, se transforma en vrille fine qui lui traversa le ventre sans un bruit autre que la chair qui se faisait transpercer et le sang qui dégoulinait, surpris, et il fut soulevé à un mètre au-dessus du sol, planté. Le mouvement de sa tête indiqua qu'il avait perdu connaissance sur le coup, voire la vie. Capucine ne sembla pas s'en offusquer, passa près de lui sans véritablement faire attention même s'il lui colla une petite gifle et se planta devant le Docteur qui s'était plaqué contre un mur. Doofenshmirtz lui dit :

« Vous êtes un monstre !
_ Non, désolé, doc'. J'aurais été un monstre si j'avais fait ça. »
Un clignement de l’œil, et la vrille disparut pour redevenir un sol plat, faisant tomber le corps massif de Yuri et lui arrachant un cri de douleur guttural avant qu'il ne s'effondre à nouveau dans l'inconscience, hoquetant comme ayant des spasmes. Et maintenant, il était victime de deux hémorragies externes par lesquelles le sang s'écoulait à flot, se déversant goulûment sur les pavés. Capucine se remit à parler sans regarder le spectacle derrière lui, même s'il le devinait sans peine : « Je suis un monstre, docteur, mais ce n'est pas pour ces bagatelles que vous auriez pu me cracher l'insulte. Vous voulez détruire Hollywood Dream Boulevard sans cesse, manipuler les gens contre leur volonté à grande échelle ? Vous êtes si mignon. Mais un vrai savant, Doodoo, ça se reconnaît sur l'attention toute dévouée, toute personnelle, qu'il met à ses victimes ou ses cobayes.
_ Vous nétés pas un scientifique ! Jouste un bourreau avéc un scalpél à la place d'un couteau ! »
Capucine fit un grand sourire et sortit justement un scalpel de sa longue blouse blanche, et la pointe de la lame alla chatouiller une des narines du Docteur alors qu’il parlait de plus en plus rapidement, pris d’une exultation folle :
« Moi ? Pas un scientifique ? Un scientifique, c'est le combattant de la curiosité. C'est le mec, il a un mystère, il le résout. C'est ça, le scientifique. Il part à la conquête des étoiles, de la terre, des plantes, des réactions nucléaires, du vivant. Il se pose des questions, et il y répond. Est-ce ma faute ou celle de mon pote si notre curiosité nous demande d'aller savoir combien de temps résiste un adulte quand on lui enlève son cerveau avec un crochet dans le nez, à l’égyptienne, ou savoir si un enfant dure plus longtemps que ses parents ? Hein ? EST-CE QUE C'EST NOTRE FAU... »

Il fut interrompu par sa dernière syllabe par un fil qui le transperça de part en part, un gros câble qui lui fouilla les intestins et sortit un mètre après, frôlant l'abdomen de Doofenshmirtz. Capucine se retourna sans avoir l'air étonné, et un peu de sang sortit des deux côtés. Il sembla se plaindre pour le trou qu'il avait dans sa blouse d'une voix très faible, puis il se retourna vers le Docteur. Lui fit un second grand sourire.

« C'est le gosse qui a tenu le plus longtemps. »

Puis lui planta son scalpel au milieu de la poitrine, si profondément que même la garde pénétra dans la peau. Il poussa ensuite légèrement le câble de son abdomen, puis tira de l'autre côté afin que le fil soit retiré de son corps. Il se retourna comme si rien ne s'était passé, et Yuri put constater dans sa semi-inconscience que Capucine ne saignait pas autant qu'il le devait, même si des filets de sang coagulaient dans ses vêtements et les tâchaient de tâches brunes. Mais il ne saignait pas comme il aurait dû saigner. Capucine l'acheva d'un coup de pied dans la tête où il sentit un énorme craquement, une douleur sourde qui se conjugua à son ventre, puis abandonna la partie dans un souffle.

« Quatre points. »

__

Ni Connors ni moi n'avions d'émetteur pour demander un topo de la situation au Lieutenant qui était restée en bas. Je partais donc vers le MMM à l'aveugle, ne connaissant rien des victoires ou des pertes éventuelles que nous avions eu. Normalement, selon mes calculs, Monsieur Portal et le Major devraient être en train de lui trouer la peau, Lady Kushin et Liz devaient avoir retrouvés Garabeòne, Yuri et le Docteur nous avaient donné le système électronique pour le retourner contre eux, Matthieu et Hélène devaient être en train de rentrer dans les prisons par le côté inverse où j'avais été après un petit détour afin de délivrer le plus de gens possibles pour nous aider, et Shana devait se balader dans la zone plus ou moins de sécurité (le minimum qu'elle demandait, le maximum que je pouvais lui proposer). J'avais la responsabilité de tous sur les épaules : je vous disais que je marchais pas lentement.

Ophélia, Connors et moi, on fonçait dans les couloirs, pas assez rapidement pour nous fatiguer, mais on levait pas le pied. Ça m'étonnait qu'on trouvait un de nos alliés pour nous filer leur émetteur mais ce n'était pas comme si Connors n'avait pas la carte en tête. Non seulement, il avait déjà parcouru ce vaisseau il y avait quelques heures sous les traits de Lady Kushin, mais en plus, il avait le sens de l'orientation, lui. Je m'en remettais totalement à son instinct de pigeon Voyageur tandis qu'on déambulait à grande vitesse dans les couloirs. Tout ce que je savais, c'est que bientôt, on allait rencontrer de grandes salles qui devaient être des sortes de hangar où le MMM pouvait entasser des gros joujoux. Connors nous fit faire une petite halte ; ce vaisseau était extrêmement grand. Je dirais même, ridiculement grand. Y avait des prisons, certes, mais le reste... Des couloirs, des tas de couloirs, et à part des casernes pour abriter les soldats, des réserves pour la nourriture et quelques quartiers pour les généraux, et bien finalement... Rien d'utile ou d'intéressant architecturalement. Ce n'est pas tant un problème de taille pure car à terme, qui sait, il se trimbalerait joyeusement avec dix mille prisonniers et une armée bien plus grande que maintenant. Mais c'était au niveau de la construction, la proportion. Il y avait bien trop de couloirs inutiles pour que ce fut honnête : ça ressemblait plus aux rues d'une ville sans plus de but que de desservir le plus de territoire possible que des couloirs devant lier plusieurs salles importantes.

En plus de ça, je n'aimais pas trop l'organisation des troupes du MMM ; peut-être que le vaisseau était trop grand, mais on n'en avait rencontré aucune. Tous les soldats devaient être massés par centaines à certains endroits pour nous balayer en même temps. Si on avait pris le contrôle de leur système électronique, ça les ralentirait, mais je ne doutais pas de leur capacité à trouver une solution alternative afin de reprendre la situation bien en main. En attendant, ils pouvaient toujours assaillir la zone de sécurité s'ils le souhaitaient : elle bougeait. Au départ près du missile après avoir défraîchi quelques commandos en les surprenant par le nombre de petits groupes constitués, il était logique que sans pouvoir connaître les positions ennemies, et les ayant surtout croisés autour de ce missile en courant dans tous les sens comme ils l’avaient fait au début, dès qu'ils deviendraient aveugles, c'était là qu'ils tenteraient d'attaquer. Le Lieutenant avait donc dressé une zone de sécurité, qui se déplaçait tous les quarts d'heure. Même si elles n'étaient pas extrêmement fiables, elles n'étaient pas nées d'illogismes stratégiques. Et Shana avait retenu par cœur les zones les plus sûres selon le temps passé.

Parfaite transition pour se rendre compte qu'en fait, des soldats commençaient à arriver. S'ils étaient encore invisibles pour des yeux normaux ou inaudibles, mes lunettes de soleil me les indiquaient comme des bateaux sur un écran radar de sous-marin. En masse ? Non, mais pas loin. Et eux aussi fonçaient, en plein dans notre direction. Dix par ce couloir, dix de l'autre côté. Ils étaient en train de nous chercher, de faire une battue…

« Ils sont là ! Je les ai trouvés ! » hurla une voix, qu'on n'entendait à peine par la distance qui nous séparait. Ça sentait un pouvoir de détection à deux balles.
« On se bouge », annonçais-je à mes compagnons.

Cette fois-ci, on courut vraiment et Connors devait faire de son mieux pour se rappeler du chemin à emprunter. En moins de deux minutes où je jetais quelques coups d’œil en arrière pour s'apercevoir qu'ils approchaient, utilisant leur connaissance de la base pour nous rattraper, on réussit à déboucher sur une grande porte. Connors la traversa littéralement en jouant sur ses atomes et fit sauter l'éventuel verrou qui aurait pu se mettre en-travers de notre chemin. Ophélia ouvrit la porte et je la suivis prestement. On arriva dans le premier des grands hangars, presque aussi important qu'un stade de football. Mais pire que tout, entièrement et totalement vide. Une immense baie vitrée couvrant tout le mur de droite présentaient un soleil jaune orangé éblouissant, et on aurait pu croire qu'on était à sa hauteur (sur Dreamland, on devait être proche de la vérité). On se mit alors à courir en sprintant, sans les virages pour nous ralentir, tandis que de plus en plus de soldats rentraient à leur tour dans le hangar, à notre poursuite. Maintenant qu'ils étaient proches, sans mur, je pouvais clairement distinguer l'aura de nos poursuivants et je tirai une grimace presque désespérée : la moitié était des Voyageurs, et l'intensité de leur aura me soufflait que ce n'était pas des petits jeunots de la Baby qui étaient venus chez David parce que c'était trop dark d'être un mercenaire. Ils n'étaient pas de mon niveau, mais je ne m'imaginais pas en affronter plus de cinq à la fois. Quant autres poursuivants, ils réussissaient à être aussi rapides que leurs homologues : quelques-uns semblaient être faits en pierre, d'autres étaient des sortes d'Elfes aux muscles aussi solides que discrets, d'autres étaient des nabots hurlant. Cette armée était un vrai dépotoir dégueulasse. En quelques instants, on arriva devant le mur du hangar qui mènerait au suivant, mais il fallait d'abord passer par un petit promontoire à vingt mètres du sol qui devait mener à des salles de gestion ou de surveillance des hangars (pour le peu qu'il y avait à surveiller). Ophélia regarda rapidement ce qu'on allait devoir grimper et qui nous ferait perdre du temps et annonça en pleine course :

« On monte ? » Je répondis :
« Oui, si tu veux. Pour quoi faire ? »

Puis je défonçai le mur en face de nous avec un coup d'épaule ravageur. Je tombai de l'autre côté de la salle, me relevai rapidement pour reprendre ma course suivis d'Ophélia et de Connors. Je réfléchis soudain à deux choses. La première fut que je pouvais utiliser mes portails, mais en fait, que non. Je ne savais pas si les deux autres se demandaient pourquoi je n'utilisais pas mon pouvoir pour nous débarrasser d'eux, mais j'avais besoin de la totalité de mes portes pour affronter le MMM. Puis, pensée plus tragique, on ne pouvait pas fuir éternellement. Personne d'autre que nous ne pourrait nous sauver. Pis encore, si on rencontrait un de nos alliés, on allait surtout lui envoyer cinquante soldats d'élite en plein dans la pomme. Et on ne pouvait pas arriver devant le MMM en traînant une telle flopée de casserole derrière nous. Je faillis utiliser une paire de portails pour nous enfuir de là. Faillis. Mais non, c’était trop risqué. Pour eux. Ophélia n’irait pas combattre le MMM, on n’allait pas l’amener comme une jolie statue avec nous, et eux ne nous lâcheraient pas. Je doutais que Connors puisse les ralentir. Une lance surgit et faillit embrocher Ophélia, lui frôlant le bras. Fini de réfléchir. Je m’arrêtai de courir subitement, et les deux autres me dépassèrent avec effarement.

« Continuez ! » Je sortis mon panneau de signalisation de derrière mon dos dans un geste ultime. « Je vais les bouffer ! »

Ils se remirent à regarder droit devant eux, et je fis de même, bravant une cinquantaine de soldats d‘élite. Je fis un pas de côté pour éviter une autre lance qui se planta avec professionnalisme dans le sol. J’avais légèrement pété les plombs parce qu’ils avaient failli blesser (tuer) Ophélia, mais maintenant, je me rendais compte à quel point le combat était désespéré. S’ils avaient été de simples troufions, j’aurais pu à la limite donner tout ce que j’avais pour les envoyer foutre. Mais ce n’étaient pas de simples troufions de base, et ils avaient tous sur leurs vêtements une sorte de ruban rouge qui leur décorait l’épaule gauche, ce qui devait être un signe de distinction. J’allais pouvoir me farcir pas mal de lieutenants mercenaires.

Sans attendre plus longtemps, je me mis à mon tour foncer vers eux. J’évitai en tournant sur moi-même une sorte de rayon aux propriétés inconnues, j’anticipai grâce à mes lunettes et sautai par-dessus un obstacle de roche qui s’était créé juste devant moi, j’évitai une autre lance, et dans un geste calculé, en arrêtant de courir mais avec l’élan de la course, j’envoyai mon panneau dans un large et puissant mouvement latéral ; trois personnes furent éjectées au loin en poussant des hurlements de douleur. Mais tous les autres me fonçaient maintenant dessus et ils étaient trop proches : ils pourraient m’étaler sans faire d’attaques particulières, juste en étant des dizaines à foncer comme des bœufs. A la fin de mon geste, je plantai le bout rond de mon panneau dans le sol avec ses pouvoirs claustrophobiques et m’en servis pour sauter et faire un magnifique poirier qui ferait un effet terrible au ralenti. Je continuais le salto avec une souplesse fluide, déplantai mon panneau alors que je commençais à tomber puis effectuai avec lui une immense attaque latérale qui écrasa l’épaule quelqu’un de si fort qu’il s’enfonça presque dans le plancher. J’envoyai un coup de coude derrière moi qui brisa une mâchoire, me retournai et profitai de mon élan pour balayer quatre autres personnes avec mon panneau. Je sentis des griffes me déchirer un bras et remerciai mon agresseur en lui cassant une dent avec le bout de mon arme. Ils se mirent lentement à m’entourer tout en cherchant à m’attaquer, et j’enchaînai mouvement de défense sur mouvement de défense en continuant à frapper aux alentours, si possible avec des attaques à trois cent-soixante degrés pour les éloigner de moi. Un elfe tenta de s’en prendre à moi quand j’avais le dos tourné, mais j’eus la chance de le voir aux limites de mon champ de vision. J’esquivai sa lame, l’agrippai avec ma main valide pour le rapprocher de moi, lui donnai un coup de boule magistrale et le renvoyai violemment sur ses potes. Une autre lame m’entailla les côtes, mais un coup de coude vers le bras la brisa net. Un coup de pied dans un ventre envoya le reste du corps au loin. Je vis une sorte de gobelin au visage triangulaire foncer vers moi. Un coup d’estoc et il fut violemment rejeté dans le cercle de corps qui m’entouraient. Un couteau de lancer se planta violemment dans mon bras, et gardant la douleur pour moi, formai des arabesques rapides tout autour de moi pour défier quiconque de s’approcher. Quelqu’un essaya et se prit une gifle métallique qui l’assomma sans préavis. Un Voyageur agrandit son poing de vingt fois sa taille et chercha à m’écraser avec. Mes paires de portail sortirent presque toutes seules. Ce furent six de ses camarades qui se prirent son coup. Cinq autres guerriers se jetèrent sur moi, armes ou pouvoirs dans les mains, et je tentais de m’éloigner de leurs assauts, tandis qu’une grêle de cailloux violents me fracassa le crâne. Ivre de douleur et de la fureur qui y naissait, je réussis à tenir bon et me débarrasser d’un autre gars qui se mangea la tranche du panneau. Tout autour de moi, les types que j’avais frappés se relevaient plus ou moins vite avant de repartir à l’assaut. Une lance me traversa la jambe et je sentis une partie de ma langue se déchirer sous mes dents surprises, me contenant pour ne pas hurler. J’eus une pensée Sean Bean et son duel dans Game Of Thrones. Et non, je n’aurais peut-être pas dû penser à Sean Bean dans ce moment-là. Très mauvais présage.

__

Le vent était peut-être extrêmement violent, Clem entendait tout de même la minuscule bataille céleste qui se jouait autour de lui. Les participants devaient être deux personnes sur une machine contre une quinzaine d’autres véhicules qui tournaient et retournaient pour essayer de traquer leur cible. Quoiqu’on en dise, celui qui conduisait ce véhicule était un pilote émérite, ou alors un lâche qui avait ça dans le sang. Le rouquin se serait giflé s’il avait pêché par optimisme en espérant que le combat se déroulerait en-dessous de la base volante sans passer par le dessus, et ainsi, ne pas le faire apercevoir des forces ennemies. Deux vaisseaux à la ramasse se mirent à le voir, à cent mètres devant lui. En laissant échapper un juron explicite, Clem se retourna et se mit à courir le plus rapidement possible sur le toit de la base, aidé de son pouvoir qui réduisait les distances. Il sautait à travers les grosses plaques et les tuyaux, sprintaient quand il avait du terrain plat, et derrière lui, des tirs de mitraillette se faisaient un plaisir de trouer le vaisseau. Seulement un avait ce genre d’armes ; l’autre avait une épée, et la tenant horizontalement, ne cachait pas son intention de jouer au paysan avec sa faux, Clem étant le blé. Il avisa une grosse cache, sauta par-dessus d’un mouvement peut-être un peu trop américain pour lui, glissa trois mètres sur la plaque avec son élan et se cacha derrière. Une seconde plus tard, les deux vaisseaux passèrent au-dessus de lui en laissant derrière eux des traînées de chaleur qui faisaient miroiter le ciel.

Ils se retournèrent d’un mouvement souple avec leur speeder de Star Wars qui aurait pris des plaques de métal un peu partout, et ils furent bientôt rejoint par trois autres camarades, venant d’un côté latéral et qui allaient l’assaillir pour le faire tomber. Clem se mit tout de même à courir vers le bord de la base volante en évitant comme il pouvait les tirs de sulfateuse qui créaient un enfer d’étincelles et de bruits autour de lui, et il regardait derrière lui pour constater que deux types avec des lames fondaient sur lui. Sans plus réfléchir, il continuait à sprinter vers le vide, maudissant Héliée, et il sauta. En-dessous de lui, une course-poursuite céleste avait lieu.

Son saut était mesuré à la perfection pour être plus rapide que prévu au début, puis en réutilisant son pouvoir, plus lent à la fin. Il faisait tout ça par le pouvoir de l’instinct du fuyard, mais celui-ci ne l’avait jamais laissé tomber quand il avait vraiment besoin de lui. Sauf quatre ou cinq fois, dans des moments critiques, mais il avait survécu. N’est-ce pas ? En tout cas, aujourd’hui, son courage relatif avait porté ses fruits, et Clem, comme ayant sauté dans de la mélasse, heurta un des pilotes des petits vaisseaux. Il le fit chuter sur la base du MMM et récupéra le véhicule avec un étonnement non feint. Se sachant pourchassé et son nouvel appareil se faisant déjà grêler de balles, il mit la pleine-puissance et se surprit à piloter sans trop de problèmes le vaisseau : tout sur Dreamland était intuitif, certainement pour que les Rêveurs doués de leur semi-inconscience réussissent tout de même à jouer avec.

Il se dépêcha de faire un piqué à quatre-vingt-dix degrés, fonçant vers le sol qu’il ne pouvait pas voir, caché par d’inondables nuages. De supers nuages dans le cas présent. Il chercha à se camoufler, mais leur taille avait faussé la distance : ils étaient beaucoup plus loin que prévus, et à charger vers le bas à pleine vitesse, il commençait à avoir mal aux yeux. Il se redressa alors, une nouvelle feinte pour ses poursuivants, et chercha à retrouver le vaisseau traqué. Quand Clem le vit pas si loin que ça, il se dépêcha de porter à son secours (quoique l’inverse ne serait pas si mal), et ne pouvant pas le rattraper, fonça vers un de ses ennemis. L’avant de son vaisseau percuta à la perpendiculaire l’arrière d’un autre qui se mit de suite à encaisser le choc et à tourner sur lui-même en crachant une fumée brune annonciatrice de problème. Deux minutes plus tard de voltige et de tirs de mitraillettes qui ne parvenaient pas à le frôler, il réussit à retrouver ses alliés.

« JE SUIS AVEC VOUS !!!
_ COMMENT ??!! »


Putain, impossible de parler en plein air lancé à cette vitesse. Clem préféra lever le pouce, BHL l’imita, même si son sourire faisait croire qu’il avait mal compris le message. Clem fit un signe pour dire que son passager devrait venir à son bord. Il fallut vingt secondes pour que le message passe, et tandis que les deux coéquipiers se passaient des mots, Clem sentit une balle le frôler. S’ils pouvaient se grouiller, ça serait parfait. Puis l’Adjudant sauta d’un coup sans prévenir. Il réussit à se rattraper au speeder onirique de Clem même si sa puissance leur fit faire un tonneau décapant. Dès qu’il fut bien installé en selle, Clem vira de bord et se prépara à affronter les ennemis. Il ne pouvait pas fuir, c’était clair, il ne restait plus qu’à battre tous ses ennemis. Les mitrailleuses fonctionnaient à peine en plein ciel, ce qui rendait le combat relativement plus sûr.

A-côté, BHL se faisait canarder sur le côté et son vaisseau encaissait de plus en plus. Mais au moment où celui-ci allait lâcher, voire exploser, le Voyageur se téléporta et se retrouva sur le siège passager d’un de ses ennemis. Clem ne voyait pas le reste car il devait se concentrer sur son propre pilotage. L’Adjudant derrière lui semblait extrêmement fort, même si son haleine caféinée se sentait d’ici. Il passa sous la base, esquivant les quelques éléments qui dépassaient, et un ennemi, suivi d’un autre vingt mètres derrière, se mirent à leur foncer dessus. Clem tenta de dire quelque chose à son allié, comme quoi ils devraient les frapper dès qu’ils arriveraient à leur hauteur, et qu’il allait lui faciliter la tâche. Et aussitôt dit, aussitôt fait. Le rouquin créa un vortex qui augmenta les distances, faisant voir les vaisseaux bouger moins vite. L’Adjudant toucha le premier en se penchant dangereusement, ce qui eut pour effet de le stopper complètement, totalement immobilisé. Clem releva son pouvoir, les distances redevinrent normales, mais le premier restait ankylosé du contact avec le Voyageur. Et le second se le prit en pleine poire. Efficace.

Mais il remarqua trop tard un autre vaisseau qui le prit en tenaille ; pas besoin d’être un expert en aviation pour savoir qu’ils étaient mal. Quelqu’un qui vous arrivait sur le côté avait une plus large cible pour son arme à feu que par derrière, et il pouvait viser sans mal et sans crainte d’une esquive simple à faire s’il lui tenait le cul. Mais le type saisit à peine sa chance qu’il fut heurté par une sorte de roquette noire qui traversa son engin comme du beurre avant de continuer sa route. Clem regarda rapidement le missile se diriger droit vers la base avant d’y entrer en passant par une grande faille (ou bien en l’ayant créé elle-même). C’était un ange aux ailes noires.

__

Ophélia et Connors avaient décidé de ne pas rester dans la grande suite de hangars même si c’était le chemin le plus court : une dizaine de grandes salles à passer et ils seraient suffisamment approchés des quartiers du MMM pour envisager une solution ou un coin pour se cacher en attendant des renforts, mais ils auraient été trop visibles. Passer par les couloirs serait plus long mais ils auraient moins de mal à se cacher si des renforts arrivaient (ou tout simplement, si Ed n’arrivait pas à bloquer ses ennemis, ce qui revenait à dire qu’il était prisonnier dans le meilleur des cas… et dans le pire…). Ce fut Connors qui tentait de les diriger dans le dédale incroyable qu’était la base volante en essayant de garder un mur mitoyen entre eux et les hangars. Ils furent obligés de tourner à un moment, et Ophélia, prise d’une peur panique s’arrêta d’un coup. Elle rechercha le contact de son petit ami, mais il n’était pas ici.
Puis, elle le sentit, ça approchait. Elle la sentait. Sarah. Son dos reçut une douche glacée.

Soudainement, comme si penser le prénom l’invoquait, Ophélia tourna la tête pour voir le corps de Sarah dans le couloir, ses ailes repliées pour ne pas frotter contre les murs. La peau grise comme si elle sortait d’un vieil appareil photo, les vêtements sales, à moitié déchirés, les cheveux épars, et évidemment, les ailes majestueuses de corbeau greffées dans son dos. Sarah siffla, une sorte de hurlement animal et elle fondit sur Ophélia en déployant ses ailes au maximum malgré la contigüité des environs. Ophélia mit ses mains pour se défendre mais elle fut poussée in extremis par Connors. Celui-ci fut heurté par l’ange, et les deux traversèrent comme un boulet de canon difforme le mur à leur gauche sans freiner. Ils pénétrèrent alors dans un nouvel hangar, là aussi d’une taille ridiculement importante pour le rien qu’il contenait et se dirigèrent à grande vitesse vers l’extérieur. Connors tenta de se débattre mais il était trop sonné pour espérer échapper à la prise. Les deux percutèrent une vitre qu’ils traversèrent, et Ophélia les vit disparaître comme s’ils étaient entraînés vers le bas malgré les ailes de Sarah.

Cette dernière lâcha rapidement sa victime dans les cieux sans une once de sentiment quelconque – même la colère. Connors faillit heurter une aspérité de la base, tentait de s’en accrocher à une autre, mais son bras était trop court. Le vent lui giclait au visage, froid par la hauteur et la vitesse à laquelle il tombait, et il arrivait à peine à savoir où était le sol et où était le ciel. Reprenant son équilibre, il trouva une nouvelle aspérité, comme une sorte d’antenne, et concentra son pouvoir. Dès qu’il toucha une microseconde le bout en ferraille, il s’y immisça à l’intérieur avec violence, molécule par molécule, si brutalement que quand il ressortit de l’autre côté, l’énergie cinétique accumulée le fit traverser la salle dans laquelle il se trouvait et le fit heurter un mur. Sa conscience céda et il s’évanouit.

Et telle une vision de carte postale démente, Sarah revint, le soleil rouge derrière elle dont les ailes aspiraient les rayons, dans le trou de verre cassé et les zébrures qui barraient l'entièreté de la vitre. Le vent furieux des hauteurs s'engouffrait tout entier par la déchirure dans la base et faisait baisser la température tout en hurlant. Ophélia se prépara, mais elle ne savait pas quoi faire. Son amie était là, devant elle, pleine de désir de la tuer, du désir de Pijn, contrôlée comme une marionnette. Serait-elle capable de l'arrêter ? Voilà le moment tant redouté de la fille : en face-à-face contre sa meilleure ennemie, sans personne pour l'empêcher de se battre ou de se faire battre. Pouvait-elle lever le poing ? Tandis que Sarah se posa sur le sol en la regardant, prête à partir au quart de tour, attendant la moindre occasion telle une bête sauvage, Ophélia regarda les poings serrés qu'elle avait placés devant elle. Et lentement, se résigna : elle ne se sentait pas d'utiliser son pouvoir, de l'utiliser contre sa meilleure amie qui souffrait assez bien comme ça. Dire qu'elle s'y était préparée...

Sans dire un mot, Sarah fonça, utilisant ses ailes et le vent qui la poussait comme accélérateur. En moins d'une seconde, l'ange noire fondit sur elle et son poing était chargé d'une haine incommensurable. Elle allait augmenter l'impact de son coup, son énergie se tenait prête. Assez pour briser les cervicales de quelqu'un, même d'un Voyageur de haute constitution comme Ophélia. Mais celle-ci resta parfaitement immobile, regardant droit devant elle. C'était son péché, personne d'autre n'allait s'interposer entre elle et Sarah. Elle le savait, et ce fut sans surprise qu'elle sentit le poing lui dévorer la joue.

__

C'était par là... Les prisons. Matthieu savait qu'elles étaient toutes proches, et le Lieutenant se dépêcha de lui transmettre les virages et les endroits à prendre avant d'y arriver. Il n'y avait pas de caméra dans les quelques mètres à la ronde, empêchant à Sam de dire à l'Invocateur et à Hélène si des troupes se tenaient droit devant eux. Et évidemment, c'étaient les endroits les plus dangereux parce que les soldats d'en-face connaissaient parfaitement ces zones obscures et se dépêchaient de s'y cacher. Matthieu traversa un grand couloir avant de dire à Hélène de la rejoindre, son chiton l'accompagnant afin de le protéger de tirs qui viendraient de ce côté-ci. Puis il se rendit compte près de ses pieds qu'il y avait des mines grises comme le sol, et il vit avec horreur son chiton se déplacer dessus. Le brun vit avec horreur la mine qui se colla au mollusque et qui cria :

« CHAT ! »

Matthieu sauta sur le sol le plus loin possible, ce qui lui sauva la vie, et n'eut même pas la moitié du temps disponible pour désinvoquer son invocation. Celle-ci explosa dans un geyser de flammes qui lécha tous les alentours et brûla quelques endroits. Et plus de soixante hommes jaillirent des couloirs adjacents munis de diverses armes aussi mortelles les unes que les autres, et certaines cherchaient à atteindre Matthieu. Il courut comme il put tandis que les murs autour de lui furent grêlés de balle. Tandis qu'il s'enfuyait devant le nombre d'homme impressionnants, il eut un éclair de pensées pour Hélène qu'il laissait derrière lui. Impossible d'aller la sauver, il le savait : trop d'hommes enragés le poursuivait. Dire qu'ils étaient plus nombreux et qu'ils mettaient même des pièges. Ils cherchaient vraiment à assurer la victoire, ces petits enculés. Matthieu tourna rapidement tandis que des bolas s'écrasèrent contre un mur. Il fallait au moins les ralentir : il se retourna d'un petit bond et il invoqua son coquillage. Des perles explosives allèrent s'écraser dans les rangs ennemis en provoquant des hurlements, des petits éboulements et de la fumée. L'invocateur trouva très près de lui une porte qui ressemblait à celle qu’on trouvait dans les navires et qu'on pouvait bloquer avec une sorte de rouage métallique. Il passa à travers en remerciant son coquillage qu'il fit disparaître, et tandis qu’il appelait Germaine à la place, il se fit fort de verrouiller la pièce en tournant la roue métallique de tout son poids. Il renâcla malgré la force de Voyageurs à faire avancer les loquets dans les fentes du mur, et il demanda à sa limace comptable d’un ton désespéré de faire fondre les côtés de la porte afin de l’incruster plus encore dans le mur. Il passa dix secondes à tourner le mécanisme en serrant de toutes ses forces, puis il remarqua que Germaine le fixa très très intensément. Il soupira en secouant la tête :

« Ce n’est pas le moment, Germaine !
_ Il est temps de remplir vos rapports, Monsieur Rasowski.
_ C’est pas le moment »
, gémit-il en terminant de verrouiller la porte.
« Ça n’a jamais été le moment, à ce que j’ai compris. Ici et maintenant ne valent pas pire qu’avant et là-bas.
_ Non…
_ Remplissez et signez.
_ Non… NON ! Tu es mon Invocation ! Par les contrats qui nous honorent, tu te dois.... !
_ Ces contrats dont vous parlez font partis des formulaires sur lesquels vous devez vous pencher.
_ Vous chiez dans la colle !
_ Je ne vois pas l’utilité de dégrader un bien matériel de telle manière, Monsieur Rasowski. J’ai fait preuve d’une gentillesse infinie en vous laissant m’invoquer tout ce temps comme si vous aviez rempli vos formulaires.
_ Vous avez été très coulante, oui.
_ Maintenant, signez. »
, et elle lui tendit un formulaire ainsi qu’un stylo.

Matthieu regarda le stylo comme si c’était le diable, et avec un effort surhumain, il s’en saisit. Puis le détruisit. Il s’excusa en disant que c’était l’excitation, et Germaine ne sourcilla pas et lui en donna un second. L’Invocateur fit mine de s’approcher des papiers avec (en lisant le titre « Sommaire des formulaires » à remplir, puis il le serra si fort dans son poing qu’il en fit des miettes. Ce fut le même sort pour les quatre stylos qui suivirent, et la comptable dû s’avouer vaincu. Matthieu s’excusa sans se soucier du manque de subtilité de sa ruse et déclara innocemment :

« Vous savez, le MMM doit avoir plein de stylos. On devrait aller se diriger là-bas pour signer les rapports. Mais pour qu’on y arrive, il faut bloquer nos poursuivants. »

L’argumentaire ne parut pas convaincre la limace qui foudroya l’invocateur de deux yeux de comptable très méchant, voire pire, vexé comme un pou, mais elle ne fit aucun commentaire et obtempéra en utilisant son pouvoir comme voulu. Elle disparut dans un nuage de fumée sans le consentement de Matthieu, et ce dernier repartit sans trop attendre. Consciemment ou inconsciemment, le voilà dans les lieux qu’il recherchait : la prison.

Plus grise que les autres lieux qu’il avait visités, moins bien éclairée, les cellules s’y succédaient à l’infini à gauche et à droite, se poursuivant sur plusieurs centaines de mètres. Mattieu était aussi choqué qu’impressionné, et surtout, les cellules étaient aussi vides les unes que les autres. Le plan d’Ed, à ce niveau, comme quoi il devait libérer tous les prisonniers, coulaient un peu à pic : malgré la taille des prisons, il n’y avait aucun détenu. Il prit son courage à deux mains et se décida à continuer dans les environs glauques. Les cages se répandaient sur une grande surface, peut-être le cinquième du vaisseau, et sur plusieurs étages (trois à ce qu’il avait vu). Il lui fallut environ quinze minutes avant de trouver ses premiers prisonniers.

C’étaient les méchants diaboliques qui avaient été capturés il y avait quelques temps de ça, lors de leur réunion annuelle. Ils étaient tous regroupés dans une immense cellule qui donnait sur un petit compartiment à l’arrière (certainement les « restroom »). Ils ne semblaient pas maigres, pas maltraités, mais ils avaient la mine de ceux qui n’avaient pas vu le soleil depuis belle lurette : une peau grise et vieillissante comme si elle se fanait. Une espèce de barbu ventripotent s’approcha des barreaux quand Matthieu Furt les salua gentiment et leur annonçant qui il était, et il dit d’une voix toujours dure :

« Faîtes-nous sortir d’ici, s’il vous plaît !
_ Vous savez vous battre ? »
, le questionna Matthieu en prenant son rôle très au sérieux. Il eut une réponse plutôt claire quand un autre méchant avec des lunettes rondes qui lui donnaient des yeux en spirale secouaient la main pour dire que c’était pas chaud bouillant. Matthieu fut intransigeant : « Il vaut mieux pour vous que vous restiez ici. On viendra vous chercher quand la bataille sera terminée.
_ Vous n’avez pas de navette de secours ? De… ?
_ Nan, nous n’avons rien. »
Quitte ou double, c’était. Il n’avait pas cédé sur la question, car il savait que s’il invoquait Germaine à nouveau, ce qu’il aurait dû faire pour les libérer, il aurait intérêt à se présenter avec dix stylos dans chaque main.

S’étant trouvé furieusement classe, Matthieu continua son exploration, mais il perdait trop de temps à vagabonder sans ne trouver rien d’autre que des cages vides et des couloirs sombres. Passant dans un endroit particulièrement sombre, il sursauta méchamment quand un prisonnier invisible s’était jeté sur ces barreaux :

« Hey ! Mec ! T’es du SMB ?
_ Qui ça ? Moi ? Euh… Ouais.
_ Ouvre-moi le cageot, je veux défourailler !
_ Et vous êtes ?
_ Soy. »
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptyVen 9 Mai 2014 - 23:54
« J’ai une image ! Garabeòne se dirige vers les hangars. Je crois qu’il va chercher Ed.
_ Comment je fais pour y aller ? »
, demanda Liz très rapidement.

  Le Lieutenant Sam lui expliqua la route à prendre, et si ce n’était pas tout proche, au moins n’était-ce pas compliqué à retenir. Elle la remercia et se tourna vers Lady Kushin, et elle n’eut pas besoin de poser la question que celle-ci n’eut même pas la force de répondre autre chose qu’un hochet de menton affirmatif. Liz lui demanda si elle ne voulait pas l’accompagner et la baronne secoua rapidement la tête :

« On doit affronter le MMM. Ou au moins s’assurer qu’il s’est fait battre. Le Major est trop bête pour nous avertir, et Monsieur Portal a refusé l’oreillette en expliquant qu’il n’avait pas besoin d’appareil contre la surdité. Chacun son chemin, chacun ses risques, Liz. », finit-elle en se justifiant dans son choix de ne pas la suivre saupoudré d’une philosophie de gâteaux chinois.

  Liz n’en dit pas plus, et se dépêcha de courir en direction de son frère. Tandis qu’elle partait, Lady Kushin se félicita de ce changement de scénario. Elle préférait être seule pour accomplir ce qu’elle allait devoir accomplir, et dont elle n’avait rien dit à Ed. Encore un peu de temps, et elle aurait dû assommer son alliée afin d’avoir le champ libre. Elle se dépêcha, et connaissant légèrement les endroits idéaux pour se défendre, elle se dirigea dans les couloirs et récupéra son oreillette cachée dans son lobe. Elle la cacha dans sa poche profonde pour étouffer ce qu’elle allait dire et continua sans y mettre plus d’âme. Elle trouva rapidement des soldats ennemis qui attendaient qu’on les manœuvre (ou qu’on leur dise qu’on ne pourra plus les manœuvrer à cause des systèmes de communication récupérés par l’ennemi) et elle leva les mains en l’air dès qu’ils l’aperçurent s’approcher. Elle leur raconta derechef :

« Je suis la vraie Lady Kushin, ne tirez pas !
_ Sale putain de traîtresse ! On la canarde, les gars ?
_ Vous ne canarderez pas votre supérieur, bande d’abrutis ! Ils ont fait un clone de moi avec un de leur Voyageur, alors que j’étais resté à l’Omayo ! Personne n’a lu les rapports d’Ecorcheur et d’Arracheur ? »
Les soldats commencèrent à baisser doucement leurs armes. Lady Kushin laissa carrément tomber les bras et s’avança vers eux comme elle l’aurait fait il y a une semaine. « J’ai besoin que vous chargiez dans les vaisseaux toute la cargaison D.
_ Mais ça va nous prendre des plombs !
_ Rameutez le plus de soldats possibles, faîtes ça vite. Si vous entendez un ordre d’un supérieur concernant la bataille qui se joue, alors obéissez, mais en attendant, faîtes ce que je vous dis. »


__

     Hélène était elle aussi en train de fuir dans les grands couloirs tortueux du vaisseau. Rapidement épuisée, elle se forçait à courir malgré ses jambes qui chuintaient, et elle évitait de trop dériver vers son bras ballant qui saignaient encore et qui tombaient sur le sol en s'évaporant en laissant un petit nuage vert mesquin. Elle réussit à les devancer un peu en changeant rapidement de couloirs plusieurs fois d'affilée, et tomba sur une pièce de taille moyenne ronde dont l'utilité n'était autre que d'exister. Avec surprise, elle trouva Shana, en sueur à son tour. Elle réussit à lui dire entre deux expirations qu'elle aussi avait trouvé un nid de soldats qui l'avait pourchassé jusque-là. Hélène ne se le fit pas dire deux fois surtout qu'elle entendait des pas marteler le sol dans les couloirs environnants : elle se dépêcha d'enlever sa chaussure, et trouvant une partie du sol sur laquelle traînait une sorte de clou, elle plongea son pied dedans en fermant les yeux et en serrant les dents.

  L'instant d'après, des dizaines de soldats pénétrèrent dans la salle en poussant quelques hurlements et formèrent un grand cercle autour des deux jeunes filles qui se mirent instantanément dos-à-dos. Elles tournèrent légèrement afin que chacune puisse voir le nombre de personnes qui les entouraient. Le combat, ni la fuite, n'étaient envisageables. Hélène demanda très discrètement à son amie si elle pouvait faire une légère diversion. Pendant ce temps-là, les hommes avaient décroché une sorte de talkie-walkie avec une bouche et demandèrent :

« David, on a deux Voyageuses en joue. On les capture comme l'a demandé le MMM ? » Une voix glaciale s’éleva de l’appareil :
« Dès que vous leur aurez troué la cervelle, pas de problème.
_ Mais le MMM…
_ … Est un partenaire, pas votre supérieur. Tirez ou je vous jure que la balle qui leur était destinée vous enflammera l’entrejambe plus efficacement qu’une pute de Luxuria. »


  Il ferma l’appareil juste après et cria à ses hommes s’ils avaient entendu ce que David avait dit. Ils n’avaient pas besoin d’exécution sommaire, et tous les hommes en cercle possédant un semblant d’arme à feu se mirent à viser les jambes des Voyageuses (pas assez stupides pour se tirer dessus les uns les autres malheureusement). Mais ils n’eurent pas le temps d’appuyer sur la détente que Shana avait invoqué une de ses poupées, Kanaria, entre son dos et celui d’Hélène. Celle-ci se dépêcha de jouer de son violon, et une note si stridente que ça en devint physique frappa tous les adversaires aux alentours, les déstabilisant trois secondes pour qu’ils protègent leurs tympans. Sans attendre plus de temps, Hélène frappa sur le sol, et le cercle qu’elle avait découpé en frottant sa plante de pied saignante et acide contre le parquet rendit l’âme et chuta avec les deux Voyageuses. Elles tombèrent dans un grand conduit d’aération qui pouvait accueillir un individu debout s’il se penchait un peu, et esquivèrent une dizaine de détonations qui tonnèrent dans la pièce d’en-haut. Elles se dépêchèrent de s’éloigner le plus rapidement possible avant de se rendre compte que le conduit faisait un virage de quatre-vingt-dix degrés vers le bas. Elles se laissèrent glisser dans le toboggan sur une quinzaine de mètres et se réceptionnèrent maladroitement contre le sol en roulant.

  Shana et Hélène se trouvaient maintenant dans un immense tuyau métallique dont le diamètre devait approcher les dix mètres. A deux minutes de marche, le tuyau donnait directement sur le vide : on pouvait apercevoir le ciel découpé par les limites du conduit. Il devait y en avoir plusieurs des tunnels de métal comme celui-ci qui alimentait la base en air frais. Shana jugeait la distance qu’elles avaient chuté et estima que les soldats ne pourraient pas les suivre sans se casser des jambes. Puis si le premier couloir avait été à peine petit pour elles, des hommes plus grands allaient avoir plus de mal à s’y faufiler. Shana demanda à Hélène si son pied allait et elle répondit :

« Ce n’est pas aussi profond que je le pensais, mais je ne vais pas courir. » Shana acquiesça à ses paroles et se dirigea vers elle en cherchant à l’aider à marcher vite. Hélène aurait pu le faire sans se blesser certainement, mais le temps leur aurait manqué.

  Et d’un coup, un énorme rat jaillit du tuyau et envoya un coup de pied dans la Contrôleuse d’acide qui la fit chuter par terre. Shana se dépêcha d’invoquer une de ses poupées mais elle fut interrompue dans ce processus par un géant qui avait à moitié défoncé les parois de la ventilation pour pouvoir passer. Celui-ci prit le visage de la jeune fille et l’envoya contre une Hélène qui tentait de se relever. Les deux se redressèrent vivement après le choc, mais les deux ne leur laissèrent aucune chance.

  Le rat se précipita sur Hélène et lui taillada le visage puis le bras de ses griffes. Celles-ci furent légèrement endommagées par l’hémoglobine corrosif, mais pas assez pour prévenir d’autres attaques ; de plus, n’ayant pas de nerf, le contact direct avec le sang de son adversaire ne lui causa pas le moindre mal. Une des manches d’Hélène partit en lambeaux, et pour se défendre, fit gicler son sang comme un vaporisateur hors de ses mains. Mais sa technique fut à peine efficace : elle avait sous-estimé non seulement le cuir de son adversaire, mais surtout sa fourrure qui était une bonne protection. Ecorcheur bondit hors de portée de son jet d’acide moins amoché qu’elle ne l’espérait. D’un bond vif, il lui envoya une gifle monumentale sur la joue qui la fit tomber par terre une nouvelle fois. Ses griffes faillirent transpercer son cou, mais ce fut le tuyau de son masque à gaz qui prirent les dégâts à sa place. Il l’arracha de son visage en jetant violemment son bras en arrière. Hélène se releva précipitamment et fit un point sur la situation : elle ne pouvait pas approcher le rat sans se prendre un coup de griffe qui la tuerait : il était trop véloce pour elle. Elle vit passer la main du rat et sentit de nouvelles entailles mineures sur sa joue.

  De son côté, Shana avait encore plus de mal. Arracheur n’était pas là pour la combattre et la laisser invoquer ses poupées sans rien faire : il voulait la tuer tout simplement, et il recherchait le moyen le plus rapide pour le faire. Ses poings frappaient, lourds, et la Voyageuse faisait de son mieux pour esquiver. Elle n’était ni Jacob, ni Ed : elle ne combattait pas, elle avait rarement frappé des bandits sur Dreamland, et même si elle avait décroché quelques hauts-faits, elle ne pouvait pas se targuer d‘être une incroyable duelliste. Prenant son courage à deux mains, elle passa derrière Arracheur après qu’il ait tenté de lui coller une énorme rouste. Elle trouva le temps d’invoquer une de ses poupées qui se dépêcha de se transformer en sécateur de grande taille. Elle anticipa le prochain mouvement de l’adversaire et bloqua son bras entre les deux ciseaux. En y mettant le plus de forces possibles, elle tenta de découper le bras de son assaillant. Mais elle se rendit compte qu’elle n’y parvenait pas : ses muscles étaient trop solides, et même si les ciseaux avaient réussi à pénétrer au sang, ils ne parvenaient pas à aller plus loin. Le second bras écrasa le visage de Shana et lui brisa le nez, faisant voler des giclées de sang. Arracheur ramassa le corps en le prenant par le cou et le plaqua si brutalement sur les parois du conduit que Shana en eut le souffle coupé et cracha une salive rouge. Son poing repartit, et explosa sa tête.

__

  La porte à double battant se fracassa aux deux volets d'un coup. Une des portes eut la chance de tenir encore par un gond plaintif tandis que l'autre reposait maintenant contre le sol, défoncé en son centre. Lou dit à Dazh qu'il avait remporté cette manche et celui-ci tentait d'invoquer une vis de procédure comme quoi fallait pas utiliser son pouvoir, mais ses arguments ne rencontrèrent que l'orgueil de l'albinos. Ils se concentrèrent rapidement sur l'homme au milieu de la pièce, en position du lotus et qui n'avait pas ouvert un œil en réponse au vacarme. Il patienta cinq secondes avant de se lever lentement en identifiant ses deux agresseurs : Lou et Dazh, pas connus pour leur subtilité, reconnus pour leur stupidité. Le premier d'entre eux lui demanda d'un ton crâneur :

« C'est bien toi, Mr. Avachi ?
_ Mr. Shiva »
, corrigea-t-il lentement en espérant que la correction soit bien comprise. Le type en question ressemblait à un grand Indien, même si sa peau n'était pas aussi foncée qu'elle aurait pu l'être. Il était torse nu, laissant voir une musculature rachitique : tout ce qui n'était pas des os pendaient. Il était plutôt âgé, près de la cinquantaine, mais il semblait qu'il allait décéder de vieillesse desséchée dans les mois à venir. Lou continua :
« T'es le second de David ? T'es celui qui a battu Ed et l'a amené ici ?
_ C'est bien moi. »
Dazh essaya de lui demander s'il pouvait décider en tant qu'arbitre si Lou avait le droit d'utiliser son pouvoir télépathique pour détruire la porte, mais l'albinos, soucieux de ne pas voir sa victoire souillée, repartit sur un sujet plus sérieux :
« On déteste Ed et on va lui faire sa fête bientôt. Mais vu que tu l'as battu, on va te massacrer, parce que ça veut dire qu'on sera plus fort que celui qui est plus fort qu'Ed. » Lou et Dazh hochèrent la tête en se regardant, prouvant leur consentement à ce sophisme. Malgré ses nombreuses heures de méditation et de calme, Mr. Shiva semblait démuni devant tant de bêtise. Il serra les dents et dit :
« Laissez-moi deviner, vous êtes les deux abrutis du SMB, non ?
_ C'est Ed, les deux abrutis du SMB »
, répondit Dazh le plus sérieusement du monde. Trois secondes planèrent sur ses dires, puis le combat commença.

  Lou commença sans attendre de cérémonie et vint frapper d'un poing télékinétique le vieil homme, qui réussit à encaisser l'impact sans s'envoler, même si la paume de sa main lui fit mal. Dazh, maintenant devenu un homme-serpent, se jeta sur lui dans un sifflement et lui enfonça un coup de coude puissant dans les maigres côtes. Mr. Shiva sauta légèrement sur le côté pour que l’attaque ne lui fasse pas autant mal que son agresseur l'aurait voulu, et il enchaîna avec un bond en arrière peu artistique pour se débarrasser des deux abrutis. Il regarda la paume de sa main ainsi que son épaule qui n'était pas passée loin d'être luxé. Bon, le combat ne serait pas vraiment risqué vu que le niveau des deux autres était à peine satisfaisant, mais ils le forçaient tout de même à utiliser son pouvoir. Il stoppa une avancée de sa main, demandant un petit temps mort, que les deux semblèrent accepter. L'Indien fouilla dans sa poche quelques secondes et s'adressa à ses deux ennemis :

« Vous êtes téméraires, mais vous avez frappé sans savoir. Je suis Mr. Shiva, anciennement l'assassin le plus redouté et le plus talentueux d'un des plus grands Royaumes de tout Dreamland... » Il sortit une sorte de petite boule rouge qu'il se mit sur le nez. Il ressemblait maintenant à un clown anorexique. « ... J'ai nommé Circus Attractions. » Un blanc devant cette révélation. « J'étais connu sous le nom de l'Acrobate, un vi... » Lou et Dazh l'interrompirent et ne cachèrent pas leur déception :
« Oh les barres !
_ Putain ! On vient sauver le monde et ridiculiser Ed, et on doit pulvériser un clown !
_ C'est la dernière fois que j'accepte une de ses propositions !
_ Quel gros connard !
_ Est-ce que tu voudrais pas venir du Royaume des Ninjas plutôt ?
_ Ouais, d’un truc légèrement plus cool. »


  Mr. Shiva dédaigna pas leurs supplications. Un énorme sourire lui barrait la face comme s'il se trouvait devant un attroupement d'enfants qu'il devait faire rire. Ce fut Dazh qui ouvrit les hostilités cette fois, en fonçant encore une fois vers son adversaire. Mais il n'eut pas le loisir de le toucher : celui-ci fit un salto en arrière, puis un autre, puis un autre, puis un autre, esquivant chaque attaque d'une maestria chorégraphiée. L'Invocateur de Serpents finit par défoncer un mur, mais ça n'empêchait pas son adversaire de continuer ses saltos à la verticale, faisant fi de n'importe quelle loi de la gravité. Il continua cette fois sur le plafond, et arrivé juste au-dessus de Dazh, il se mit à lui foncer dessus. Lou sauta à son tour vers son adversaire pour lui coller un pain monumental (et accessoirement, protéger son camarade même s'il n'y avait pas dû y penser), et Mr. Shiva esquiva le coup en plein air en trouvant un trapèze invisible. Il se balança alors que le poing lui frôla les jambes, lâcha son trapèze, fit quelques autres saltos (plus une vrille magistrale) et retomba doucement sur le sol, de l'autre côté de la salle. Dazh applaudit et siffla :

« Fantastique. T'as vu, Lou ? Il sait faire de la gymnastique ! Quel pouvoir fantastique !
_ Tu vas faire quoi ? Lancer des couteaux ?
_ C'était mon maître qui lançait les couteaux »
, avoua Mr. Shiva en s'étirant. « Mais concentrez-vous sur le combat, je n'ai eu aucun effort à faire pour vous esquiver. »

  L'affrontement dura plus d'un quart d'heure. Lou et Dazh se démenaient pour toucher leur adversaire mais ils arrivaient à peine à s'approcher de lui de plus d'un mètre, malgré tous leurs pouvoirs et leurs (maigres) astuces. Les seuls coups qu'ils arrivaient à lui placer étaient des attaques larges comme les balayages télékinétiques de l'albinos, mais il s'en remettait en quelques vrilles et saltos comme si ce n'était pas une attaque destinée à lui faire mal, mais à assurer un numéro d'acrobatie quelconque (mais très réussi). De son côté, il réussissait avec une grâce à leur asséner des petits coups bien placés, à contre-attaquer en utilisant la longueur de ses bras, de ses jambes, et sa souplesse. Ils passaient au-dessus d'eux, prenaient appui sur leurs épaules, sur leurs bras tendus prêts à lui foutre une beigne, sur leur tête, sautaient partout, les frappaient une fois puis se reculaient si prestement qu'ils ne pouvaient même pas espérer l'attraper. Grâce à l’acharnement de Lou, la salle était creusée de nombreux cratères.

  Si on pouvait croire à un combat équilibré par sa longueur, il n'en était rien : au bout de quinze minutes de gestes extrêmement brutaux et usants, Lou et Dazh étaient à bout de souffle, avaient des côtes cassées, le visage et le corps en sang. Leur respiration était difficile, ils enlevaient toujours le sang de leur visage d'un coup de manche, et ils devenaient de plus en plus lents. Un des bras de Lou était même cassé (même s’il ne le savait pas). De son côté, Monsieur Shiva ne saignait pas, ne semblait avoir reçu aucun coup et n'était pas du tout fatigué. Il semblait aussi frais qu'un vieillard pouvait l'être qu'au début d’un combat. Il esquiva sans peine un des coups de Dazh et lui retourna un uppercut qui lui fracassa la mâchoire. Il se retourna avec une souplesse sans nom pour voir un des poings de Lou chercher son visage en faisant chou blanc. Il lui écrasa le tranchant de sa main contre le poignet pour le faire céder petit à petit. Il s'enroula autour de son adversaire et se mit à l'étrangler avec un coude. Dazh se dépêcha d'intervenir, mais l'assassin, toujours en empêchant Lou de respirer fit lever ses jambes, bloqua le coup de l'invocateur avec et le fit chuter à terre en tournant violemment ses mollets. Le visage de Lou commençait à devenir bleu, et il réussit tout de même à échapper à l'étranglement en mordant le bras sauvagement. Surpris par la douleur, Mr. Shiva relâcha sa prise, mais réussit à écraser la paume de sa main contre le visage de l'albinos, un coup qui le fit tomber à terre. Ses deux adversaires ne se relevaient pas... Trop fatigués et blessés pour pouvoir faire le moindre geste. Mr. Shiva avait remporté le combat. Il n'y avait plus qu'à les achever.

__

  Ils avaient rencontré quelques soldats épars mais il n'y avait rien de véritablement méchant. Seul Soy avait été légèrement endommagé par un soldat plus coriace que prévu et son tee-shirt était déchiré et légèrement englué de sang. Il avait expliqué à Matthieu ainsi qu'au Lieutenant Sam qu'il avait été transporté dans une autre salle de Relouland, et qu'il n'avait pas disparu dans un petit nuage de fumée habituel qui apparaissait dès qu'un Voyageur se réveillait ou mourrait. Survint la question qui en découlait : pourquoi le MMM ne l'avait-il tout simplement pas tué ? Sam réfléchit quelques secondes, et la seule hypothèse qu'elle avait, et qui faisait froid dans le dos, était que le MMM avait besoin de prisonniers en très grande échelle. Très très grande échelle. Et non, il ne lui fallait peut-être pas de prisonniers spécifiquement. Il lui fallait des corps. Et pourquoi faire ? Le Rayon de la Mort n'en avait pas besoin. Il y avait encore un autre mystère là-dessous, quelque chose qui déplaisait à tout le monde, instinctivement. Le Lieutenant préféra enchaîner et leur indiqua la route d'un des généraux du MMM, à la force inconnue, mais qui utilisait des talkies-walkies pour parler à ces hommes : David. Personne ne connaissait ses capacités physiques, mais sa propension à toujours rester dans son bureau et à ne jamais aller sur le terrain avec ses hommes (sauf en cas d'affaires extrêmement compliquées), avait tendance à ne pas le surestimer. Ils n'avaient pas de raison de provoquer un général qui pourrait s'avérer puissant, mais s'ils pouvaient tenter de le désorganiser un peu l’armée d’en-face. Matthieu sur le trajet tandis qu'ils trottaient dans les couloirs, essaya de parler un peu avec son nouvel allié qu'il avait sauvé en utilisant une Germaine extrêmement mécontente :

« Soy, tu me parles un peu de toi ?
_ Je veux pas te foutre les pétoches, vaut mieux pas »
, répondit-il avec un grand sourire, « Mais je suis le joker du SMB.
_ Ah moi, je suis le joker des Private Jokes. »
Fino avait confirmé ce titre si on prenait le joker comme le bouffon de la cour, mais ce sale petit phoque ne disait que des saloperies. « On est les deux jokers, c'est trop cool.
_ C'est fanda, ouais.
_ Ravi de te rencontrer.
_ Moi aussi. »
Soy cracha dans sa main et la tendit à son interlocuteur, et Matthieu, qui trouva ce geste diablement cool, surtout dans une telle situation, l’imita et ils se serrèrent la main.

  Ils entrèrent alors dans le bureau de David. C'était une des rares pièces décorées de la base volante : rectangulaire, la porte donnant sur un des petits côtés, un tapis rouge aux bordures dorés se prélassait sur le sol, un petit lustre décorait le plafond, des fenêtres laissaient une lueur orangée investir la salle, un grand meuble immense et bien dessiné supportait des petits cadres et autres babioles, et cachait une chaise aux couleurs du tapis avec un David dessus, qui dictait froidement ses ordres par le biais d’un téléphone doré. Des tableaux accrochés aux murs lustrés représentaient soit des formes indistinctes, soit d’anciennes photos où l’on voyait un David plus jeune à différents moments de sa vie de criminel. D’ailleurs, il leur adressa le regard du businessman qui voyait deux journalistes s’introduire dans son bureau pour lui poser des questions sensibles. Il reposa le combiné sur l’emplacement prévu à cet effet et regarda les deux Voyageurs en posant sa main dans le creux de l’autre, les deux coudes sur la table. Il les scruta quelques secondes, dans son costard noir qui surmontait sa chemise rouge sang, ajusta tranquillement sa cravate, releva ses lunettes et dit sans les regarder :

« Je savais qu’on aurait dû te tuer, Soy. Le MMM a de ces manières, mais il veut des prisonniers, tout le temps. C’est inhabituel pour moi, ne soyez pas sûrs que je vais vous épargner pour faire plaisir au Meilleur Méchant Péteux. » Il lava ses lunettes avec sa cravate et souffla : « Non, n’en soyez pas sûrs du tout.
_ Ramène, qu’on te bute ! »
, hurla Soy en défi, mais il ne fit pas réagir David qui se leva tranquillement de son dossier. Matthieu essaya de juger la force de son adversaire, mais il n’y arriva pas, même en plissant des yeux. Il pourrait certainement avoir cette capacité plus tard. Le chef des mercenaires fit bouger sa nuque tout en passant devant son bureau :
« De l’eau a coulé sous les ponts depuis Circus Attractions… Comprenant que malgré ma position confortable de second du Royaume, je ne pourrais pas devenir le Seigneur du Royaume, j’ai décidé de me lancer avec l’Acrobate dans le mercenariat. Il vous faut du charisme, une poigne de fer, inspirer de la crainte, du respect… » Pendant qu’il parlait, il déboutonnait sa veste, puis ceci fait, la retira et l’envoya sur son bureau. Les deux Voyageurs virent la chemise rouge rentrer dans le pantalon noir, et surtout, une ceinture faisant le tour de sa taille, remplie de couteaux de lancer aussi acérées que des rasoirs, et que la lumière rouge du soleil par la vitre rendait particulièrement menaçant. « Ça m’avait manqué de crever quelqu’un. La paperasse, c’est usant, ça rend sénile. Ca fait quinze ans que je n’ai pas combattu. Vous m’excuserez si je ne vise pas aussi bien qu’avant. » La seconde d’après, Soy se reçut une dague de la taille d’un couteau de commando dans l’omoplate et fut projeté par la force du coup en arrière. Du sang maculait son teeshirt tandis qu’il se retenait de ne pas hurler. Matthieu agrandit sa mâchoire jusqu’à la taille d’un cartoon voyant une fille sexy : il avait à peine vu le geste. David reprit en hochant la tête d’un ton désolé : « Je ne lui ai pas tranché le bras, je suis vraiment rouillé. »

  Puis il se lança à l’assaut avec une vitesse ahurissante. Matthieu sortit derechef son huître qui envoya des perles explosives sur le boulet humain, mais David les évitait sans problème quand il ne le tranchait pas carrément. Il lança un autre couteau qui explosa la perle explosive que l’huître allait lancer, la mettant KO d’un seul coup et déstabilisant l’Invocateur par la violence de l’explosion à proximité. Soy tenta d’utiliser son pouvoir pour créer une trappe en-dessous de ses pieds, mais sentant l’énergie, David sauta par-dessus et réatterrit pile poil à la fin du piège. Matthieu intercepta sa trajectoire et lui envoya un coup, mais il ne frappa que le vide. L’instant d’après, David était derrière eux, et Matthieu et Soy avaient un couteau dans le dos et s’effondrèrent par terre.
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptySam 10 Mai 2014 - 0:04
Chapitre 11 :
La Private Joke




Lady Kushin dégaina son sabre alors qu’elle arrivait devant la porte où se trouvait normalement le MMM. Elle déglutit calmement, mais se savait tout de même en infériorité numérique ; même à dix contre lui, ils seraient en infériorité. Elle fallait qu’elle appelle du renfort, et c’est ce qu’elle demanda au Lieutenant Sam très discrètement. Elle ne savait pas pourquoi, elle s’imaginait que le MMM l’écoutait, et qu’il la voyait. Il sentait son regard sur sa nuque alors qu’elle était contre un mur. Mais le Lieutenant Sam s’excusa et lui dit qu’il n’y avait pas de renfort possible aussi proche d’elle. Elle se tut précipitamment sans rajouter de détails derrière, et Lady Kushin se demanda si tout allait bien ou pas. La militaire avoua tout de même que le seul qui pouvait l’aider était BHL disposant d’un pouvoir de téléportation, mais qu’il était actuellement en train de gérer une petite crise aérienne. Lady renâcla et dit qu’elle avait tout de même besoin de lui : il connaissait le MMM aussi bien qu’Ed, il n’était pas mauvais, et son pouvoir pourrait être très utile. Le Lieutenant Sam parut prendre une décision, et accepta de jouer les intermédiaires.

Quelques instants plus tard, après avoir fait user à BHL quelques téléportations en lui indiquant le nombre de mètres et la direction qu’il devait avaler, il se trouvait devant Kushin. Il demanda pourquoi on l’avait appelé, et elle répondit que c’était pour combattre le MMM avant qu’il n’intervienne lui-même sur le champ de bataille. Elle se mordit la langue : on ne lui avait pas dit qui il allait affronter. Elle avait peur maintenant qu’il se rétracte. Mais ce fut l’inverse qui se produisit :

« Ah, je comprends ! Après avoir envoyé Monsieur Portal et le Major, vous vous êtes dit qu’il fallait l’intimider et mettre un adversaire encore plus puissant contre lui. C’est une bonne stratégie. Lieutenant Sam », demanda-t-il en appuyant sur son appareil, « Dîtes aux autres qu’ils ne sont pas obligés de venir affronter le MMM, je m’en occupe. » BHL serait la seule personne à se faire battre en un coup parce qu’elle avait sous-estimé le Meilleur Méchant Machiavélique…

Ils franchirent la porte, et Lady Kushin avait prié pour que derrière, le MMM soit vaincu, et que le Major et Monsieur Portal se tiennent triomphants, peut-être avec quelques blessures, mais en ayant éliminés la menace principale de la base volante. Mais ses espoirs s’effondraient comme des châteaux de cartes : le MMM était bien présent, et pire encore, ne semblait avoir reçu aucune trace de blessure. Le corps de Monsieur Portal s’étendait près d’un des murs de la salle, et de sa tête coulait du sang à peine séché. Quant au Major, son corps était là, mais il avait été démembré sauvagement. Lady Kushin se dit que ça ne pouvait pas plus mal se passer.

« Quel timing. J’étais sur le point de m’impatienter. » déclara-t-il sans bouger. La mafieuse se mit en position tandis que BHL ne faisait absolument rien. Il ne voyait pas pourquoi. Le MMM continua en prenant un des bras du Major et en le faisant tournoyer : « Lady Kushin, vous étiez la moins fiable d’entre nous. Vous ne me décevez même pas alors que vous m’avez trahi.
_ Vous vous attendiez à ce que je retourne ma veste ?
_ Oui. Vous étiez totalement dingue de Fino, il n’a eu aucun mal à vous retourner.
_ Vous vous trompez : nous avons décidé de nous joindre dans le même camp par amour. »
Le MMM rigola clairement et agita sa main comme pour passer à un autre sujet de discussion :
« Oui oui, si vous préférez. Mais ne vous inquiétez pas, je m’attends de la trahison de la part de tout le monde. Je suppose que David essaie de tuer tout le monde sans se soucier de faire des prisonniers, ça sera pareil pour Garabeòne s’il croise des Voyageurs. Quant aux Deux Dingues, si je leur laissais l’opportunité d’embarquer le Rayon de la Mort, ils n’hésiteraient pas et se feraient un plaisir de me tirer dessus avec. Commençons maintenant.
_ A vos ordres. »


BHL n’en attendait pas plus, il se téléporta en emportant Lady Kushin avec lui d’un geste très rapide : elle avait (presque) négligemment laissé son sabre à portée de la main de son allié, lui permettant de la téléporter avec lui et ainsi de passer derrière le MMM en un claquement d’œil. Un coup de sabre argenté partit en une seconde, mais il frôla à peine la cape qui tournait sous l’impulsion de l’esquive du MMM. Celui-ci riposta directement et à une vitesse dingue, mais Lady Kushin était une experte du combat rapproché : elle para le premier coup avec la garde, empêcha le second coup d’intervenir en le menaçant de sa lame, esquiva le troisième, puis frappa juste après, au moment où BHL se téléportait une nouvelle fois pour frapper par derrière. Leur adversaire évita d’un pas de côté le coup de poing que lui réservait l’ancien chef de la New Wave, et décala le coup de sabre avec son poignet en lui entaillant un gant.

Le combat qui suivit fut bien plus impressionnant (à leur avantage) que ne l’avait cru la mafieuse : le MMM évitait à tout prix d’utiliser son pouvoir, et il devait faire face à deux personnes très compétentes et qui avaient appris par cœur ses techniques de combat. Ce qui n’empêchait que le MMM se débrouillait très bien. Il évitait les coups aussi aisément qu’il parait, reculait, se ré avançait selon les assauts qu’on lui infligeait, des fois combinés. Il tournait sur lui-même comme un derviche pour ne pas se prendre de coups mais maîtrisait autant le champ de bataille qu’eux. Il esquiva pile la bonne distance pour éviter un coup d’estoc, envoya un coup de pied en arrière lourd sur BHL qui était reparti dans dos, tourna sur cent quatre-vingt degrés en donnant un coup sur la lame pour l’empêcher de riposter, lui permettant de se rapprocher de la manieuse sans risque, enchaîner quelques petits coups sur les poignets afin de lui faire lâcher son arme mais qui ne rencontrèrent qu’une parade parfaite, aussi vive qu’efficace. Elle tenta de se reculer en l’éloignant, mais il déporta son attaque et resta au corps-à-corps, para le pied de Lady avec le sien même avant que le coup ne fut porté, se baissa excessivement pour éviter un sabre et en profita pour lui faucher les deux pieds dans le même mouvement. Elle se ressaisit néanmoins avec ses mains avant même de toucher le sol, son corps formant un arc, et se remit sur pied tandis que BHL avait repris le relais. Il frappa une fois, deux fois, cinq fois, et le MMM parait tout sans reculer, et enchaînait de nouvelles passes où il réussit à bloquer les deux bras de son adversaire, et il le finit sur un coup de boule. BHL se téléporta avant de tomber sur le sol, et la bataille continua.

__

Le poing de Sarah était rentré dans la joue d’Ophélia, mais la force du coup fut tout à fait normale, malgré le pouvoir de la première qui était censé décupler les impacts. Mais Sarah se combattait contre l’ancienne championne de Pijn, la Mort Silencieuse, et qui avait appris une nouvelle façon d’utiliser son pouvoir : non pas en multipliant la puissance des impacts, mais en les diminuant. Concrètement, à l’instant présent, elle avait annulé son pouvoir. Sarah se remit à peine de la surprise qu’elle reçut un retour si puissant qu’elle vola à travers la pièce et que le cinquième de ses plumes noires devinrent blanches. Il fallait abattre le pouvoir de l’Artefact, puis porter le coup de grâce à sa manière. Ophélia avait surmonté son pacifisme, elle avait retrouvé du courage à frapper et à faire mal. Mais elle ne rognait pas sa promesse, qui n’incluait pas Pijn dans son désir de ne faire du mal à personne. Et si elle était incapable de lever ses interdits pour sauver son amie alors qu’elle en était réduit à une imbécile psychopathe par sa faute, alors elle ne méritait rien dans les deux mondes. Il était temps d’en finir avec cette histoire, de libérer Sarah des griffes de Pijn. Mais il fallait d’abord la vaincre en combat. Il n’y avait pas Ed pour la soutenir, elle était seule dans cette épreuve. Il fallait qu’elle le soit.

Sarah avait sa vitesse et Ophélia, sa puissance originelle et son expérience. Sarah avait cependant une intelligence amoindrie qui l’empêchait de réaliser des stratégies, mais Ophélia n’avait pas combattu depuis longtemps, et elle se refrénait comme si elle avait peur de se rendre compte qu’elle n’avait pas aussi bien oublié comment on massacrait son adversaire. Elle respira calmement, mais son cœur battait la chamade d’avoir enfreint une longue promesse. Tu n’y es pour rien, Ophélia, tu as fait le bon choix. C’est après ce qui était arrivé à Sarah que tu avais décidé de ne plus combattre ; il était logique que la promesse se termine en la sauvant.

Sarah, sans plus de subtilité, utilisa ses ailes pour foncer en rase-motte vers son adversaire. Ophélia courut aussi vers elle, mais se laissa glisser sur le sol en évitant l’affrontement, passa sous son adversaire et lui envoya un passage un poing alourdi par son pouvoir. D’autres plumes devinrent blanches en réaction. Sarah réagit cependant plus vite qu’elle ne le crut, et elle repartit en vol et s’effondra en piqué vers l’endroit où reposait Ophélia. Celle-ci esquiva l’offensive qui pulvérisa le sol sans délai. Sarah repassa à l’attaque promptement, empêchant à son adversaire de reprendre l’initiative. Ophélia para le coup en diminuant son impact, attrapa le bras, et tourna sur elle-même en emportant Sarah dans son sillage. Elle l’envoya valdinguer contre un mur et augmenta, non pas la force de la projection qui ne représentait pas une onde de choc en elle-même, mais la réception de Sarah contre le mur, détruisant celui-ci brutalement et laissant une vue appréciable sur un autre hangar vide.

Sarah ne ressentait pour le moment aucune douleur, et presque la moitié de ses plumes était passé au blanc. Ophélia se félicita malgré elle de la bonne tournure du combat. L’ange noir fondit sur elle dans un autre sifflement et Ophélia para le fauchage en utilisant ses deux bras. Elle faillit tout de même tomber à la renverse : si elle se prenait un seul des coups de son adversaire, elle tomberait et avait des chances de ne plus se relever. Par contre, Sarah pouvait foncer sans crainte : son Artefact la protégeait. Il fallait juste lever cette protection en l’affaiblissant au fur et à mesure. Cependant, l’ange avait changé de tactique et restait plus sur la défensive, ne fonçant pas bêtement. Elles en arrivèrent à un moment où elles étaient proches l’une de l’autre et esquivaient sans parer chaque attaque. Ophélia crut son heure arriver quand Sarah se retourna soudainement pour porter un coup de pied circulaire. Parce qu’elle avait des ailes de très grande taille. Elle esquiva la première aile en se penchant en arrière, para le coup de pied avec ses deux mains, réussit à ne pas se prendre la seconde aile, et para avec une autre attaque en abaissant sensiblement la force de l’attaque : elle recula tout de même et faillit perdre l’équilibre.

Son adversaire se dépêcha d’enchaîner alors qu’Ophélia commençait à suer à grosses gouttes. Ca faisait longtemps qu’elle n’avait pas fait de mouvement violent sur Dreamland, extrêmement longtemps, et elle en pâtissait maintenant où elle avait du mal à gérer son souffle et à contrôler la force de ses coups qui menaçaient de lui casser des os si elle n’y faisait pas attention. Elle envoya un coup audacieux après avoir décalé le bras de Sarah, mais celle-ci utilisa ses ailes pour partir en arrière sur un mètre… avant de revenir à toute vitesse pour plaquer sa cible. Ophélia reçut un choc dans son ventre comme si un bélier l’avait percuté. Elle sentit des côtes craquer, oh oui, elle le sentait. Elle fut étendue contre le sol, son crâne frappant durement contre le sol, et Sarah sur elle, à califourchon, qui préparait ses prochains coups pour l’achever. Ophélia réussit à se dégager in extremis en se tortillant furieusement, et envoya une attaque puissante pour la rejeter en arrière. Avant de toucher le plafond, Sarah réussit à utiliser ses ailes pour freiner sa vitesse, puis elle repartit. Ophélia se déporta soudainement sur la gauche au dernier moment et tenta de plaquer son amie avec un coup de coude, mais une de ses ailes la fouetta sèchement au visage en la faisant reculer. Elles repartirent au contact, ce qui fit grimacer l’Hispanique alors que son ventre était touché et accusait certainement une hémorragie interne. Sarah tenta de faire une clef de bras qui ne prit pas et Ophélia put préparer une puissante attaque. Sarah l’imita, mais elle ne serait pas assez rapide selon les calculs de son adversaire. Ophélia frappa le visage de son amie avant que son coup à elle ne parte. Et Sarah encaissa sans broncher, et pour éviter de s’envoler sous l’impact, attrapa de sa seconde main le poignet d’Ophélia. Et son coup chargé l’atteignit encore une fois au ventre, ce qui la propulsa contre le mur le plus proche contre lequel elle s’écrasa. Elle sentit sa tête éclater comme un œuf sous la douleur et elle laissa du sang poisseux sur la pierre. Elle commençait à avoir flou… C’était pas le moment, Fifi, c’était pas le moment… Tu te dois de sauver Sarah, à tout prix.

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Et soudain, BHL disparut. Lui qui avait pourtant éliminé deux vaisseaux à lui tout seul grâce à ses téléportations, le voilà qu’il laissait tomber Clem (et l’Adjudant), qui avait bien du mal à se battre contre les cinq vaisseaux qui restaient et qui les asticotaient tels des moustiques. Quatre sur cinq disposaient d’armes à feu à haute vélocité, et le roux remarqua leur professionnalisme à ne pas tirer comme des buses dès qu’ils avaient leur cible dans leur champ de vision. Ils attendaient toujours le bon moment, et quand Clem percevait des bruits de détonation, elles faisaient souvent mouches. Cependant, son véhicule marchait toujours aussi bien et aussi intuitivement, et il ressentait légèrement du bonheur à conduire quelque chose d’aussi simple. Il tournait autour de la base volante, essayant d’esquiver le plus de tirs possibles tandis que l’Adjudant n’aidait en rien à son pilotage : bougeant tout le temps, se tressautant, il perturbait le frêle équilibre qu’il fallait pour manier les commandes avec précision.

« Adjudant Perkinson au rapport ! Au rapport ! Au rapport ! Au rapport ! Au rapport ! AU RAPPORT !!! AU RAPPOOOOOORT !!!
_ QUOI ??!! »
hurla Clem en se retournant furieusement. Putain, ce type était incapable d’attendre un millième de seconde.
« J’arrête les balles ! L’Adjudant arrête les balles !
_ ET TU POUVAIS PAS LE DIRE PLUS TÔT »
, hurla Clem, et il faillit échapper une insulte qui aurait été malvenu face à quelqu’un de si névrosé. « ARRÊTE-MOI CES BALLES ALORS !!! »

Et Clem fit un brusque demi-tour pour faire face à trois appareils ennemis. Le mitraillage ne se fit pas attendre, mais l’Adjudant tendit son bras en avant, frôlant l’oreille de Clem, et comme par magie, toutes les balles furent stoppées dans les airs. Ce qui n’empêcha pas Clem de s’en prendre une dans l’œil, mais à part une douleur vive, tout se passait bien. Toutes les munitions crachées s’arrêtaient comme par magie dès qu’elles approchaient à un mètre d’eux. Clem évita une collision frontale entre un véhicule, il tourna légèrement pour éviter le second, mais le troisième n’eut pas cette chance : l’Adjudant choppa une des jambes du pilote, le tira violemment et le lança le plus loin possible. Une manœuvre d’un de leur collègue réussit à le rattraper tandis que le combat continuait. Ce qu’il ne vit pas, ce fut le quatrième véhicule. Il arriva sur le côté précipitamment et son épée s’enfonça efficacement dans la partie qui séparait Clem de son allié. Le vaisseau ne fut pas détruit, mais l’Adjudant l’acheva en se balançant dans tous les sens. Il se découpa en deux bientôt sous la pression du vent, et Clem sentit qu’il n’avait plus le contrôle de l'appareil. Alors ça, c’était vraiment bête… Perkinson, déjà éloigné de lui d’une bonne soixantaine de mètres, avait stabilisé sa chute avec son pouvoir, mais Clem n’avait rien pour se sauver. Un des vaisseaux ennemis faillit le percuter et son corps s’engouffra légèrement dans l’élan. Il chercha dans ses pouvoirs une façon de se tirer de là, mais il ne pourrait pas les utiliser : il se trouvait juste en-dessous du vaisseau, il n’aurait aucune prise à laquelle s’accrocher. Il mit dix secondes, pas plus, avant de réaliser qu’il vivait ces derniers instants.

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Jacob prit peur quand l’oreillette lui perfora le tympan alors qu’il était habitué au silence total. Il l’éloigna de son oreille très vite tandis que Sam lui dictait les directives à faire : il se trouvait près du Rayon de la Mort. Il n’en avait pas vraiment douté : les matériaux utilisés dans cette partie ressemblaient à ce qu’on pouvait trouver dans les films de science-fiction. Du métal partout, des câbles invisibles, du gris bleuté, des lumières bien cachées. Il ne se pressait tout de même pas car il avait méchamment morflé lors de son combat contre l’énorme lézard. Il s’était acharné sur lui tant qu’il pouvait, sans se demander s’il parviendrait à percer sa bulle. Il avait juste frappé, frappé comme un bourrin, et sans le savoir peut-être, avait empêché Jacob de servir à autre chose dans la base. Pire encore, il l’avait blessé ; à le balancer partout sans ménagement avec sa bulle qui avait du mal à suivre…

Cependant, ses blessures étaient à peine intéressantes pour être notées, mais quelques-unes saignaient, notamment à la tête. Rien de très grave, mais il n’avait pas dit non quand le lézard s’était barré pour aller chercher une autre victime. Maintenant, il se trouvait près du Rayon de la Mort, il allait pouvoir détruire cette arme et lever la menace qu’il pesait sur le reste de Dreamland. Il y aurait certainement de la résistance et… paf, ça n’avait pas manqué.

Une sorte de scientifique fou sans hygiène ressemblant étrangement à un prêtre ivrogne avec sa barbe mal taillée et ses cheveux en queue de cheval venaient de sortir une porte qui menait à un labo. Il semblait plus fou que dangereux et évidemment, là aussi, ça ne ratait jamais, il tenta de lui parler. Jasmine prononçait avec un sourire féroce qui montrait deux rangées de dents jaunes :

« Je suis désolé, Jacky, tu vas me trouver rasoir, mais faut que je te cause ! Paraît que t’as une bulle impénétrable, hein ? Je vais tester ça direct ! Attends, je vais te dire des nou… »

Jasmine reçut un coup de poing invisible de la bulle en plein dans le nez. Il faillit tomber à terre, mais se retint en courant en arrière et se retournant, faisant voler sa blouse derrière lui, et il se tenait le nez qui saignait à deux mains. Il se mit à rire franchement, à gorge déployée comme si la souffrance n’avait aucune prise sur lui :

« Sale petite pute, ça m’apprendra. Okay, on parle pas. Allez, bouffe-toi ça, salope ! »

Jasmine lança une grenade comme on lancerait un boomerang. Le projectile percuta la bulle de Jacob puis explosa promptement, causant plus de choc que de flammes. Le scientifique, plus proche qu’il ne l’avait cru, se fit projeter en arrière et glissa sur le dos. Il se releva précipitamment comme si sa vie en dépendant et scruta son ennemi : Jacob était tout à fait intact. Et putain de merde. Le Dingue sortit trois grenades et les envoya, mais aucune ne fit plus d’effet que la première, sinon de mieux noircir et faire gémir les murs aux alentours. Jasmine sortit de sa poche une grenade plus grosse que les autres et la lança dans un geste peu athlétique, comme s’il y mettait toutes ses forces sans réussir à bien les canaliser. La bombe secoua rudement Jacob et la fit reculer, et détruisit les murs aux alentours dans un bruit d’enfer, mais ce fut tout. Putain.

« Bon, okay, les simples explosions puent la merde. Je vais monter d’un cran. Prépare-toi bien, le pot. »

Cette fois-ci, il appuya sur quelques touches, tourna une des parties de l’appareil qu’il avait dans les mains, et l’envoya de toutes ses forces contre son adversaire. Il eut l’intelligence de reculer et même de se cacher au croisement d’un couloir. L’explosion fut significativement plus importante que les autres : normal, elle était dix fois plus concentrée que la dernière et enrichie de matières toxiques comme le plutonium, le saturnium, et autre joyeusetés qui faisaient naître des bébés à trois bras. Tout le couloir fut aveuglé de blanc, la poussière elle-même brûlait sous le souffle ardent et radioactif, les murs se déformaient et le sol était réduit en cendres. Un petit champignon atomique se forma en léchant le mur et y laissant une empreinte toxique. Mais par-delà la fumée, Jacob tenait encore debout, fixant le scientifique de yeux ennuyés. Les deux échangèrent un long regard et Jasmine se mit soudainement à jubiler :

« Mais oui ! Tu me vois ! TU ME VOIS !!! »

Le scientifique disparut dans une porte, mais réapparut juste avant que Jacob ne se mette à sa poursuite. Il avait une nouvelle bombe à la main, même si ça ressemblait plus à une sorte de liquide poisseux, une sorte de pollen écrasé dans une fiole circulaire. Le scientifique lança sa nouvelle grenade de verre qui tomba aux pieds de Jacob en se brisant. Le liquide sembla bouillir et Jasmine courut le plus loin possible en hurlant :

« TU ME VOIS !!! LA LUMIERE PASSE PAR TON BOUCLIER ULTIME !!! CREVE D’UNE DECHARGE DE LUMIERE !!! »

L’explosion fut assez gigantesque pour aller jusqu’à déchirer la paroi extérieure du vaisseau la plus proche, souffler tous les murs qui se trouvaient dans les alentours, avaler plusieurs étages, pulvérisant tout sur son passage. A commencer par Jacob.

__

Le Lieutenant Sam tenta plusieurs communications et en informait Ed le plus rapidement possible, même si celui-ci ne semblait pas pouvoir lui répondre, et qu’elle ne pouvait pas le voir, faute de caméras dans les hangars. Mais elle avait perdu le contact avec de nombreuses personnes. Accrochées à l’oreille, les puces pouvaient connaître l’état de la personne, même si elles ne faisaient aucune distinction entre l’évanouissement et la mort.

« Shana et Hélène sont encore vivantes, ainsi que Matthieu, et peut-être même Soy. Lou et Dazh aussi survivent. Liz est dans les parages, elle devrait bientôt arriver. Mais je n’ai plus de nouvelle de Fino, de Connors, du Major, de Portal, de Lady Kushin, de BHL… Et celle de Jacob vient de s’éteindre à son tour. »

__

J’aimais bien le mot « terrassé », et je le trouvais plutôt pertinent quand je voulais parler de mon état parce qu’inconsciemment, il réveillait deux autres mots : « à terre » et « harassé ». Ils m’avaient eu. Lentement, sûrement, durement. J’étais au sol, je n’arrivais même plus à respirer sans beugler de douleur entre mes lèvres et cracher du sang. De toute façon, j’avais perdu trop de sang. Eux aussi quand j’y pensais, et sur les cinquante, le destin avait levé les yeux en l’air et avait décidé que pour mon action, je devais perdre sur une belle défaite, il n’en restait plus qu’une petite douzaine dont la moitié était blessée. Autour du petit cercle qu’ils faisaient, le reste des soldats étaient éparpillés un peu partout dans le hangar. Un peu comme mon sang, en fait…

Sur le ventre, mes vêtements remplis d’hémoglobine suintant de mes blessures, le seuil de souffrance tolérable avait été dépassé, rendant le tout paradoxalement supportable. Mais je ne voyais plus rien, ou sinon avec le filtre du rêve, de cette semi-conscience qui vous faisait vaguement vivre quelque chose et vous le faisait oublier direct sans que le sens ne vous ait particulièrement échappé. Ce que je savais, c’est ce qu’ils ne me tueraient pas. Ils avaient des ordres. Et ce que je devinais vu le sol qui tremblait, c’est que Garabeòne venait d’arriver. Tenez, comme pour m’enfoncer encore plus…

« On a réussi à l’avoir.
_ Vous ne l’avez pas tué ? »
, l’entendis-je dire de sa voix gutturale qui réveillait en moi une peur indicible.
« Non. Le MMM nous l’a fortement défendu.
_ C’est très bien, je vais m’en occuper moi-même alors. »


Les soldats se dépêchèrent de beugler à l’unisson pour faire comprendre au lézard qu’un ordre était un ordre, mais celui-ci hurla si puissamment qu’il faillit m’achever. J’entendis les autres reculer précipitamment, mais pas trop loin tout de même, s’apprêtant à se défendre si le gros reptile se retournait contre eux. Je sentis des doigts enserrer ma tête, et je fus soulevé du sol brusquement, sans difficulté. Je vis l’œil jaune du reptile me regarder avec insistance et toutes mes blessures hurlèrent à l’unisson : un de mes bras était en lambeaux, une de mes jambes était trouée, j’avais des hémorragies externes et internes à plusieurs endroits du corps, j’avais des côtes fêler, un poignet en compote, le visage noyé dans le sang, et sans le savoir, je n’ignorais pas que j’allais mourir. Mon état était trop grave, incomparable à de nombreuses fois précédentes. A la fin de ma première rencontre avec le Major, j’avais pu bouger et parler. Là, mon corps était conscient, mais mort. Mon esprit n’allait pas tarder à suivre. Un filet de sang coulait hors de ma bouche et me trempait mon haut.

« Pitoyable… »

Garabeòne me jeta sur le sol sans chercher forcément à me tuer : juste me lâcher avec un peu plus de force. Je m'écrasai comme une merde, et la souffrance fut telle que j’émis des sons à peine humains. Je n’étais plus là, je souffrais, et je ne voyais plus rien, ne comprenais plus rien. J’attendais juste de mourir. Le reptile marcha vers moi.

« Le MMM peut bien dire ce qu’il veut, il n’embauche pas de tueur de Voyageurs pour lui dire ensuite de ne pas tuer.
_ Il ne faut pas…
_ JE N’EN AI RIEN A FOUTRE DE CE QU’IL FAUT FAIRE OU PAS FAIRE !!! »
, hurla Gary aux soldats.

Ils se disputèrent quelques secondes, et je fis rapidement le point, de façon froide. Je ne pouvais pas gagner ; je ne pouvais même pas participer à quelque chose en fait. Il n’y avait pas d’autre issue que la défaite. Il me restait encore deux paires de portails à utiliser, mais dans l’état où on m’avait laissé, je ne pourrais jamais les utiliser. Je m’en voulus de ne pas avoir fait de mon mieux, de ne pas avoir utilisé tous mes portails, d’avoir perdu et de n’aider personne. Putain de merde, quel nul ! Quel putain de nul de merde j’étais, à être allongé au sol, à rien foutre, de ne même pas être en état de battre qui que ce fut sur ce vaisseau. Et le Lieutenant Sam qui choisissait le meilleur moment pour me dire le nombre de personnes avec qui le contact avait été rompu : plus de Fino, plus de Major, plus de Portal, plus de Lady Kushin… Et quand enfin elle conclut cette triste liste par Jacob, j’en restais bouche bée ; et bientôt, elle pourrait m’y inclure. Elle ne dit rien sur les sacrifices concédés par les ennemis pour nous vaincre à ce point ; peut-être qu’elle n’en savait rien, peut-être qu’elle ne voulait pas nous effrayer encore plus. Peut-être qu’aucun officier ennemi n’avait été véritablement gêné. Une vague terrible de culpabilité s’abattit sur moi : j’étais responsable de mes propres conneries, et tout le monde allait en pâtir. J’avais foncé… Pourquoi ? Prouver que j’avais des couilles ? Montrer à Ophélia qu’elle n’avait pas fait le mauvais choix quand elle avait accepté de se mettre avec moi ? Et me voilà étendu sur le sol, en train de crever, avec mes ennemis qui décidaient quoi faire de moi, et le parti qui semblait l’emporter n’était pas mon préféré. Il fallait que je fasse quelque chose ; je ne croyais pas encore que je pouvais mourir sur Dreamland et faisais tout pour ne pas y penser : avec un peu de chance, j’oublierai avant d’avoir redouté et de regretter.

Mais la solution ne venait pas : des fois, il n’y avait pas de bon ou mauvais choix, et certains problèmes ne comportaient pas de solution. Et je voyais Gary qui en était à deux griffes de massacrer ceux qui osaient l’importuner dans sa quête vengeresse, et doucement, je me remémorai tout ce que j’avais traversé. Je ne vis plus l’espace d’une seconde un reptile psychopathe plein de haine contre les Voyageurs… Je vis un ancien fier guerrier, l’honneur de sa tribu, qui avait vu disparaître son village et sa famille à cause de Voyageurs stupides, et qui sans attache, s‘était jeté à corps perdu dans une vengeance sans fin en citant sa fille morte. Même si je ne comprenais pas cette quête insensée, il était impossible de ne pas compatir devant ce coup de sort malheureux qui avait anéanti tout ce qui lui était cher. Je me pris de pitié pour Gary, enfin ; je m’en étais fait pour Liz, mais le gros lézard aussi était à plaindre.

Je rassemblai mes ultimes forces et bougeai légèrement sur le côté afin que Gary puisse me voir, et je réussis à lui dire d’une voix faible au possible :

« Je m’excuse pour tout…
_ Quoi ?
_ Je m’excuse de vivre… d’être un Voyageur… »
Le reptile mit une seconde à comprendre, et son arcade sourcilière se fit colérique. Il me reprit par la hanche cette fois, et n’oublia pas de serrer jusqu’à ce qu’elle craque :
« Je m’en contrefous de tes excuses, Voyageur !
_ Alors pourquoi tu tues des Voyageurs, gros connard ?! »
, réussis-je à lui hurler en pleine face, crachant du sang sur son museau. Et voilà, j’étais épuisé. « Tu tues des gens qui n’ont rien à voir avec le massacre de ton clan, comme eux ont tué ton clan qui n’avait rien à voir avec toi.
_ Œil pour œil…
_ … Et les deux camps deviennent aveugles »
, l’interrompis-je directement ; si quelqu’un avait parié sa fortune qu’Ed Free citerait Gandhi, il devait être à cinq mille contre un et il aurait gagné. Gary médita trois secondes avant de reprendre :
« Il n’y a que moi qui le suis pour le moment. Pourquoi n’aies-je pas ce droit de me venger ? Qui me vengerait, hein ? Une histoire vieille de plusieurs années mêlant une équipe de Voyageurs, pas inquiet du tout pour la justice. Vous n’êtes qu’une bande de crétins gâtés. »

J’avais compris que Gary s’en fichait totalement des arguments rationnels : son âme était empoisonnée. Par des putains de Voyageurs de merde. Je savais qu’on était mal considérés, mais certains connards cherchaient vraiment à se faire pulvériser. Il n’y avait pas besoin de lui dire que certains Voyageurs étaient gentils, ils rétorqueraient que sa famille l’était aussi. Il était extrêmement simple pour lui de démontrer sa défense, surtout qu’il était de nature brutale et qu’il avait les compétences pour se venger. Pas besoin de lui dire non plus qu’il crèverait, qu’à un moment, sa quête ne pourrait jamais être terminée. J’avais compris son motif : il avait décidé de se sacrifier. Depuis deux trois ans, il se sacrifiait, il tuait le plus de Voyageurs possibles en s’attendant à ce que la vapeur se renverse à un moment. Il se savait déjà mort, il voulait juste emporter le plus de Voyageurs dans la tombe. Je dis d’une voix sincère à m’en faire chialer :

« Je suis désolé, Garabeòne… Je m’excuse de tout ce que tu as enduré. Je ne cautionne pas ta brutalité, mais encore moins les salauds qui ont fait ça. » Voilà, fin de l’argumentaire. Surenchérir était inutile, Gary était simple et il aimait les choses simples. Juste m’excuser. Pas essayer de lui promettre de faire régner la justice, pas lui dire que si j’avais été là, je l’aurais défendu, juste prendre des responsabilités en tant que Voyageur et être désolé. Le reptile me fit m’approcher de lui et je vis mon reflet dans son œil jaune et sa fente noire. Il me dit alors d’une voix mortelle :
« Es-tu sincère ?
_ Je le suis. »
Je l’étais. Garabeòne prit une énorme inspiration, expira dans mes cheveux et me regarda droit dans les yeux. C’était impossible de savoir ce qu’il avait en tête, mais j’étais persuadé d‘y deviner du courroux de mon hypocrisie. Tout le monde dans la salle retint son souffle tandis que Garabeòne, pendant un temps indéfini devait hésiter entre me croquer ou me tuer d’abord. Il m’approcha de sa bouche, je le vis évidemment comme un mauvais présage. Il grogna comme s’il était écœuré :
« Tu es le premier… J’accepte tes excuses, Ed Free. S’excuser est une forme de courage, et je respecte le courage. » Il héla aux sbires : « Vous, les morceaux de viande ! Capturez-le, puisque vous en avez tant envie.
_ Garabeòne ! »


Tout le monde se tourna vers la nouvelle personne qui arrivait : c’était Liz. Chignon, elle courrait, légèrement essoufflée, et elle scruta son frère dans les yeux. Malgré son apparence d’humaine, il semblait l’avoir reconnu de suite. Il me reposa sans me ménager contre terre et il se précipita tout près d’elle pour mieux la voir, la renifler. Quand il fut tout à fait sûr que c’était elle, il gronda d’une voix colérique :

« Samélise, tu es vivante ! Tu ne m’as rien dit !
_ Je t’ai cherché, mon frère, je t’ai cherché. Et c’est maintenant que je te retrouve »
, dit-elle d’une voix douce, et elle se jeta contre lui, l’enserrant au niveau de la hanche. Garabeòne resta étonné, stupéfié, ne sachant plus quoi faire. Après un petit temps, elle se détacha de lui, et ses yeux étaient embués. Elle réussit tout de même à ne verser aucune larme. Sa voix était plus perchée qu’à l’ordinaire, étouffée par une émotion violente qui me saisit aux tripes :
« Je me suis tellement inquiétée pour toi… quand j’ai vu que tu tuais tous ces Voyageurs…
_ Ils le méritent.
_ Non, et tu le sais bien. Peut-être que certains si, mais d’autres, non. »
Et elle se serra contre lui à nouveau. Comprenant que le lézard était à un tournant important de sa vie, personne n’osa le déranger même si la scène ne semblait pas venir d’une bataille finale entre deux groupes secrets. « Je veux que tu arrêtes de les tuer.
_ C’est trop tard, tous les Voyageurs veulent ma tête.
_ Non, ça ne l’est pas. Le Seigneur Ophidien nous donnera raison, ou en tout cas, il nous protégera.
_ Mylia n’a pas été vengé.
_ Ta fille n’a jamais eu besoin de l’être, petit frère, jamais. Mais si tu veux, je peux la sauver. »


Elle se mit à marcher en ma direction, et les mercenaires faillirent faire un geste avant que Garabeòne ne grogne assez sauvagement pour qu’ils comprennent qu’il fallait la laisser tranquille. Ils étaient incapables de prendre une décision ; ou plutôt, si, ils savaient ce qu’il fallait faire, mais s’ils le tentaient, ils mourraient sur le champ. Liz se pencha vers mon quasi-cadavre et me remercia. Je ne voyais pas de quoi elle parlait, mais peut-être que voir son frère accepter les excuses d’un Voyageur était la preuve pour elle qu’il n’était pas devenu totalement fou. Elle me posa les mains sur le front et se mit à psalmodier. Je ne voulais pas la déranger, mais j’aurais aimé savoir ce qu’elle était en train de faire. Je me souvins que son ancien rôle dans son clan était de parler aux morts. Je ne m’étais jamais intéressé à ce que ça voulait dire, mais je la laissais continuer. Son fredonnement était hypnotisant, et même si je ne voyais rien, je ressentais des sortes d’onde. Elle traça sur mon visage deux barres verticales avec mon sang, et rejeta la tête en arrière pour un nouveau couplet, dans un langage inconnu qui m’envoûtait. Je me sentis couler, couler, et je craignis de ne plus jamais me réveiller et de mourir dans ses bras. Je sentis mes lèvres devenir de plus en plus froides à mesure que Liz me les colorait en rouge. Puis une voix nette, comme un rêve, comme de la sorcellerie, rebondit dans toute la salle comme un écho d’une autre dimension… une voix fluette, un peu enrouée qui disait clairement :

« Je t’aime, papa ! »

Puis la voix rentra en moi, une sensation plus subtile qu’un voile de brouillard qui se serait concentrée entre mes dents. Je arc-boutai sans raison, comme si quelqu’un avait touché un nerf, puis je m’endormis pour de bon.

__

Puis je me réveillai. Les yeux grands ouverts comme si je sortais de l’hibernation. Mieux encore, j’étais rempli de force, comme si je m’étais légèrement échauffé. Je me levai : toutes mes blessures avaient disparu. Je regardai Liz, ma tête posée sur les genoux, fasciné par son pouvoir.

« Une autre chose que tu ne m’as pas dite.
_ Je ne t’ai pas vraiment guéri »
, avoua-t-elle avec un sourire timide, « C’est Mylia qui l’a fait : elle allait devenir guérisseuse. Je t’ai transmis son âme.
_ Quoi ? Mais c’est trop…
_ Même si elle ne vivra en toi que pour une nuit, tu t’en montreras fier, d’accord ?
_ Tu as intérêt »
, intervint Garabeòne d’un grognement. Il ne laissait pas la place à la discussion. « On y va, ma sœur.
_ D’abord, on va aider le SMB à…
_ Ce ne sont pas nos affaires »
, trancha-t-il, « J’en ai assez. » Elle haussa les épaules :
« Alors te débarrasser au moins d’eux », et elle désigna les dix gars que je n’avais pas réussi à faire tomber. Il ne répondit pas mais il semblait avoir accepté le compromis. Ses prochaines victimes se regardèrent, puis se mirent à courir.
Mais elle ne couraient pas assez vite.

En remerciant Liz comme si on allait se revoir le lendemain (je ne me rendais pas compte que ça pouvait être la dernière fois qu’on se voyait), je repartis dans mon coin avec pour destination le MMM… et si possible, une escale Ophélia. Je lavai rapidement mes lunettes de soleil dont les verres étaient teintés de sang séché, j'enlevai mon tee-shirt arraché de toutes parts pour ne garder qu'une chemise noire trouée aux boutons ouverts sur mon torse, puis je me mis à la rechercher. Je me souvins aussi que bon nombre de mes partenaires étaient en difficulté. Je me dépêchai de demander au Lieutenant Sam de me mettre en correspondance avec toutes les autres oreillettes. Je patientai trois secondes en parcourant les couloirs avant qu’elle ne me dise que je pouvais parler :

« Les gens, c’est Ed à l’appareil. Je gère totalement ma partie du vaisseau, je crois que je vais gagner notre pari. Je suis en pleine forme, on ne sera plus inquiété par Gary. Je vais voler les cinq cent EV de tous les morts, alors bougez votre cul ! Je vous jure que si j’empoche le pactole, je vous fais à tous une stèle pour que personne n’oublie votre nullité. »
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptySam 10 Mai 2014 - 0:08
Le rythme du cœur de Fino se stabilisa et celui-ci se dit qu’il ne crèverait pas de ses blessures. Dès qu’il retrouverait Capucine, il lui trouerait le cul avec un balai d’ortie. En attendant, il était plutôt en train de ramper dans des conduits sombres et pouvait voir ci et là, par des fentes de panneaux, la vie à bord du vaisseau. Il se rendit surtout compte que le vaisseau était bien trop grand pour être simplement une base volante. On aurait plutôt une petite ville qui avait été emmené dans les airs contre son gré. Il était en train de passer par les prisons et apercevait des dizaines et des dizaines de gens qui s’affairaient à transporter des caisses bizarres. Il déduit que ça devait être des armes ou des munitions et les ignora. Il poussa un râle à chaque fois qu’il devait tourner ou heurtait de son corps meurtri une de ses blessures. Quand Fino ne réfléchissait pas aux activités, il s’imaginait diverses tortures pour cet enfoiré de Capucine, dont une d’entre elle comportait une sonde anale et du citron.

Mais Fino trouva enfin quelque chose qui l’intéressa au plus haut point, ou plutôt, au plus bas point : un des Voyageurs, mercenaires de David ou enfoiré à la solde du MMM courait dans un des couloirs. Et c’était tout. Rien de plus. Mais ce visage lui dit clairement quelque chose, réveilla en lui un sentiment étrange. Quelque chose ne tournait pas rond, quelque chose puait. Ce Voyageur ne devait pas être là, mais comment s’appelait-il ? Où l’avait-il vu ? Il était certain que sa tête ne devait pas être là, putain de merde ! Il avait une sorte de pièce de puzzle devant lui et ne savait pas où la mettre ! Pire encore, il avait perdu son oreillette lors de l’affrontement et ne pouvait prévenir personne.

Et tout d’un coup, Fino se dit qu’il n’était pas assez badass. Malgré son rôle essentiel dans la victoire technologique et informatique, il n’avait pas vaincu son adversaire. Il devait trouver une nouvelle manière de démontrer tout le potentiel de sa badass-attitude, et pour ça, il devait dénouer le mystère du MMM. S’il le faisait, tout le monde l’ovationnerait. Il se força à continuer un peu, traversa une petite partie des prisons (son chemin le menait vers les quartiers du MMM, il le savait), et vit soudain une cellule générale où étaient entreposés de nombreux prisonniers. Le bébé phoque se dépêcha de les identifier… et trouva. Et il faillit éructer de surprise : les hommes d’Ed, qu’il avait perdus dans la base dans les montagnes quand ils étaient partis sauver la réunion des méchants diaboliques, mais où ils n’y avaient trouvé que du vide, une bombe, et une ange aux ailes noires ! Bordel de merde, ils étaient vivants ! Vivants mais capturés. Peut-être avaient-ils survécu à leur chute, Fino ne savait pas, il n’avait pas été là. Ed ne s’était jamais douté qu’ils aient pu survivre. Et ils s’étaient fait récupérer par le MMM. Encore une fois, quelque chose de bizarre. Qu’ils restent enfermés en tout cas… Fino n’avait ni les moyens, ni l’envie de les délivrer, et une preuve comme celle-là immobile était plus simple à retrouver. Mais tout ça était bizarre. Plus il y réfléchissait, plus il sentait qu’il y avait un but à tout cela. Et où avait-il vu ce Voyageur ?! Putain de merde !

Au bout de quelques instants, le tuyau prenait fin sur une salle de belle taille, dotée d’une baie vitrée qui donnait une vue saisissante sur le ciel et ses nuages. La propreté lui soufflait que c’était la salle du MMM, son bureau, sa salle de repos, n’importe quoi. Il ouvrit en grimaçant le verrou, puis se laissa tomber au milieu de l’endroit et supporta à peine la douleur qui l’envahit. On se calme, Fino, on se calme, la douleur n’est qu’une information qu’on peut envoyer chier.

Il se mit à la découverte des petits indices qui devaient parsemer ce bureau en arc-de-cercle dont l’hémisphère était la baie vitrée. Le bureau épousait la forme de la vitre. Le bébé phoque commença par-là, mais il n’y avait aucun document, aucune feuille de papier quelconque. Il avait dû tout déménager pour le jour fatidique. Lady Kushin n’avait-elle pas parlé d’un petit carnet de bord dans lequel il avait noté des trucs intéressants ? Mais le carnet était introuvable : soit il l’avait placé à un autre endroit, en hauteur et Fino ne pourrait pas la récupérer (en hauteur signifiait pour lui à plus de trente centimètres), soit évidemment, il le gardait sur lui. Bon, inspectons ce qu’il y avait d’autres dans la salle.

L’élément le plus bizarre fut une sorte de gramophone dans lequel on pouvait insérer plusieurs disques. Le MMM était une sorte de mélomane à ce qu’il semblerait. Comme tout bon méchant diabolique qui se respectait, il devait certainement écouter du classique… Mais après une brève inspection des CDs rangés dans le meuble à-côté, Fino trouvait plutôt des CDs de hard-rock, voire de métal malsain. Vive les goûts de merde. Y avait des groupes qu’il ne connaissait pas, comme les Puma Girls ou Arch of Abyss, et d’autres groupes qu’il ne connaissait pas : Fino n’y connaissait rien en musique, mais il pouvait deviner les styles en regardant la pochette des albums et en voyant le nom des titres. Il essaya même d’en écouter quelques morceaux en les insérant dans une fente du gramophone, et effectivement, les musiques étaient exactement dans le même ton que celui qu’il avait imaginé.

« Tronche de tourne-disque, t’as besoin de quelque chose ? » Fino se retint se tirer de l’endroit d’où venait la voix, soit du gramophone. Sa surprise passée, il se ressaisit vite : c’était parfait, il allait pouvoir lui poser quelques questions. Il pointa le canon du fusil vers l’appareil et lui dit d’un ton très satisfait :
« Balance-moi tous les secrets du MMM et je te troue pas comme une passoire de Polonais.
_ Je cause que musique et acoustique, petite cymbale. »
Le ton était définitif et semblait s’en fiche comme une guigne de la menace. Dommage. De plus, ce que le MMM devait cacher au monde, il devait aussi le cacher au gramophone.
« C’étaient quoi les dernières écoutes que t’as passées ?
_ Un peu de ci, un peu de ça. Que du lourd et du pas propre. Les Puma Girls, Ralock, j’en passe. Il écoute de tout tant que c’est puissant et un peu gothique.
_ Il écoute tout le temps ?
_ Nop, juste quand il apparaît sur Dreamland. Il pioche un peu, écoute un peu ses morceaux préférés, puis s’arrête. Même s'il l'a fait de moins en moins souvent ces derniers temps. »
Le gramophone lui donna quelques précisions supplémentaires, mais qui semblaient très peu intéressants.

Il était temps de plus glander, Fino. T’avais quelques pièces en main, il était temps de dessiner un tableau complet. On oubliait bien vite que sous le couvert de la brutalité, Fino était d’une intelligence redoutable, extrêmement incroyable quand il s’y mettait. Et cette fois-ci, il allait la solliciter à plus de cent-vingt pour cent en utilisant toute sa badass-attitude, qui pouvait passer des fois par la matière grise, qui se défaisait d’un mystère inexplicable. Le bébé phoque sortit l’instrument ultime pour cela : un second cache-œil qu’il se mit instantanément sur l’autre œil encore découvert qu’il avait.

Tous ceux qui passeraient dans la salle verraient un spectacle incroyable : un bébé phoque avec deux bandeaux qui l’empêchaient de voir quoique ce soit. Un esprit normal rétorquerait gentiment à Fino que ce n’était pas parce qu’il usait de deux caches-œil qu’il serait soudainement deux fois plus badass que quand il n’en avait qu’un (déjà, il pouvait douter de l’utilité du premier à donner de la badass-attitude) ; mais finalement, deux caches-œil marchaient bien mieux sur l’esprit de Fino qu’un seul car ils le plongeaient dans le noir complet. Ce n’était pas pour rien qu’il se cachait des fois dans un placard ou une penderie pour réfléchir : Fino avait besoin de ténèbres pour mieux ordonner ses pensées, du rien total. En moins de trois secondes, il parcourait son palais mental (qu’il avait rebaptisé son monde mental).

__

Qu'ils le voulurent ou non, ce furent bien les paroles d'Ed crachées dans l'oreillette qui réveillèrent leur combativité (ou au moins, les réveillèrent, eux). Dazh et Lou se relevèrent doucement, sous les yeux tranquilles et patients de leur adversaire. En quelques secondes, Monsieur Shiva se trouvait de nouveau face aux deux Voyageurs. Lou était couvert de bleu et de sang, mais son regard était passé de vide à de la fureur sans borne. Quant à Dazh qui avait retrouvé son apparence originelle, il était extrêmement fatigué mais moins blessé que Lou. Ce dernier le remarqua et lui dit :

« Tu peux retourner faire la sieste Dazh, je m'en occupe totalement.
_ Tu serais pas fichu de te gratter le cul même si on te donnait une carte. Mais je t'autorise à être spectateur de ma victoire.
_ Va retourner dans les jupes de ta mère.
_ Bah, je t'ai confondu avec elle. Tu es si féminine. »


Devant le regard interdit de Monsieur Shiva, les deux Voyageurs se jaugèrent du regard, puis décidèrent de se défoncer la gueule mutuellement à grands coups d'invocations et de charge télékinétique. Le spectacle était extrêmement rigolo, et l'assassin préféra ne pas les déranger. Il évita même le corps de Dazh qui fut projeté, et se décida à s'en aller afin de soutenir les troupes. Il s'était assez détendu comme ça, il n'avait pas besoin de méditer encore plus. Et pour ses adversaires, il n'y avait rien à craindre, ils se foutaient sur la gueule avec une hargne incroyable, quitte à finir en plus mauvais état qu'avant.

__

Ce ne fut pas le crâne de Shana qui explosa sous l’impact du coup d’Arracheur, mais une de ses poupées, Kanaria, la violoniste. Sa tête faite en porcelaine avait cédé sous le choc, et ce fut d’un sourire presque brisé qu’elle se retourna vers son invocatrice comme pour s’excuser.

« Mais je ne t’ai pas invoqué… », se lamenta Shana doucement comme si énoncer ce simple fait suffirait à réécrire les dernières secondes. Sa poupée disparut dans un nuage de fumée en point final.

Shana pleura, hurla presque, mais elle réussit un exploit incroyable pour son caractère : elle transforma sa tristesse en colère. Elle ne touchait pas terre, mais ses pieds se dépêchèrent de frapper Arracheur en plein dans la gorge. La prise se desserra légèrement et elle en profita pour se dégager. Elle était de nouveau libre, pleine de douleur et de ressentiment. Mais elle ne se rua pas sur son adversaire comme une furie : elle n’avait pas perdu en discernement. Elle esquiva un coup sans aucune difficulté et fonça vers l’adversaire d’Hélène en lui hurlant :

« On change d’adversaire ! »

Et le rat eut à peine le temps de constater le croisé qu’il se reçut une tempête de plumes dans la tête qui faillit le faire renverser. Il se contint en gardant l’équilibre et tenta même de griffer les plumes qui le submergeaient tel un courant des fonds marin. Puis d’un coup, il se reçut un des poings de Shana en pleine tête et tomba carrément sur le sol. Il se redressa rapidement, même si l’attaque ne lui avait pas fait grand-mal et montra les dents : le courant s’était ralenti, mais les plumes étaient toujours aussi nombreuses. Il vit une partie de Shana vers sa gauche, et s’y jeta furieusement. Mais une paire de ciseaux gigantesques l’y attendirent. Une des pointes du sécateur lui rentra dangereusement dans le ventre, et en ressortit, enrubannée de sang violet sombre. Le rat hurla et se reçut un coup de pied dans le museau qui lui brisa une dent. Éperdu de douleur, il se jeta vers son adversaire en utilisant sa vélocité, mais Shana avait anticipé sa vitesse : elle était plus douée pour observer que pour combattre, se disait-elle avec un relent d’accablement. Mais là, ce rat allait en pâtir. Maintenant qu’elle avait esquivé son attaque, elle put le frapper dans le flanc, ce qui le déséquilibra. Ecorcheur restait un animal que la douleur dictait plus que l’intelligence. Il tenta tout de même de reculer, mais la fille le colla au corps, et son sécateur coinçait maintenant sa gorge. Elle serra juste assez pour que les tranchants lui pénètrent la peau. Il couina un :

« Pitié ! Pitié !
_ Je vais essayer »
, lui répondit-elle en le toisant, un éclat de colère dans la voix. Puis elle serra le sécateur qui arrivait maintenant au sang. Elle n’alla pas plus loin, elle se répugnait à tuer. Mais le rat avait son compte : il saignait des deux côtés de la gorge, et recroquevillé par terre, il se tenait les deux mains sur ses blessures qui empoissaient ses poils.

De son côté, Hélène était ravie du changement d’affaire : elle avait aperçu Shana éviter les coups de la brute, et ce n’était pas pour rien. Si elle sentait la puissance des frappes de son adversaire, elle pouvait sans peine les esquiver. Hélène était une Voyageuse plus compétente que Shana. Même si elle dédaignait toute forme d’activité physique, elle aurait pu battre son amie sans mal au bras de fer ou à la course. Arracheur était extrêmement costaud et solide, mais il n’avait pas de défense naturelle contre l’acide. Au moment où un poing violent la frôla et qu’elle faillit se manger à cause de sa blessure aux pieds, elle lui enserra le poignet avec ses mains couvertes de son sang qui avait dégouliné de son bras. Il avait hurlé de surprise et avait brusquement remis son bras en position défensive. Hélène commençait à se sentir faible, ce qui était plutôt bon signe : elle avait encore une bonne quantité de sang. Si elle était à peine chancelante, c’est qu’elle avait de la réserve et qu’elle pouvait encore combattre. Elle fonça courageusement vers son adversaire en brisant les distances et elle se baissa pour éviter une pathétique tentative d’attaque. Elle se releva précipitamment pour vaporiser sur son adversaire de fines gouttelettes de sang qui lui brûlèrent les yeux instantanément. Et sans reculer devant la douleur de son adversaire, elle lui bloqua un de ses bras avec les siens. Elle fit sortir son hémoglobine de son épiderme avant de brûler intégralement son bras. Arracheur beugla de tous les mots tandis qu’il sentit sa peau fondre et ses os suivre le mouvement. La douleur lui fit perdre la tête et son adversaire de vue. Il tentait de se dégager, mais une main vive comme le vent l’agrippa au visage et lui déversa le plus de suc toxique possible. La souffrance fut telle qu’il perdit connaissance.

__

Ce que Monsieur Shiva ne vit pas, c'est dans le couloir, un serpent l'attendait et lui cracha un jet de flammes brûlantes. Il se protégea précipitamment avec son bras en hoquetant : il ne s'y était pas attendu.

« Il s'est pris dans notre swag piège ! »

A peine constata-t-il son bras bien brûlé qu'il se retourna : Lou prit le corps de Dazh et le projeta vers l'Acrobate avec toutes ses forces en rajoutant une charge biotique derrière. Dazh fila comme une fusée à travers la pièce puis le couloir, et percuta Monsieur Shiva avec une corde à linge qui étendit ce dernier au sol. Celui-ci tenta de se relever, ce qu'il fit plus difficilement que prévu à cause de son bras. Il se défendit comme il le pouvait contre les attaques de son adversaire jusqu'à ce qu'il fut rejoint par l'albinos. L'assassin se rendit compte du véritable piège : il était sorti de la grande salle où il pouvait librement se déplacer en esquivant dans toutes les directions. Ses marges de manœuvre étaient fortement réduites maintenant que les murs se rapprochaient, et il passait plus de temps à reculer qu'à véritablement éviter les frappes adverses.

Lou et Dazh étaient véritablement déchaînés : ils avançaient furieusement sans craindre de contre-attaque, obligeant leur adversaire à reculer. Le serpent cracheur de flammes disparut pour laisser place à une sorte de fouet reptilien (ou un reptile en forme de fouet) qui émit un claquement dans l'air avant de s'enrouler autour du poignet de l'ennemi. Monsieur Shiva réussit à se défaire de la corde comme si son bras était humide et plus fin qu'il n'y paraissait, et riposta d'un coup de poing de Lou en lui cognant le menton assez durement pour que celui-ci serre les dents. Ils usèrent du peu d'ingéniosité qu'ils avaient pour empêcher Monsieur Shiva de reprendre la main, en le surprenant sans cesse avec des stratégies peu conventionnelles. Il réussit tout de même à s'enrouler autour de Lou comme avant et à l'étrangler avec son avant-bras. Ce fut la précipitation qui l'empêcha de constater que sa peau semblait plus dure, comme s'il avait érigé une barrière avec ses pouvoirs. L'étranglé supporta si bien sa peine qu'il réussit à se retourner en portant son agresseur et présenter le dos de ce dernier à Dazh qui lui donna un coup terrible en plein dans la colonne vertébrale. Monsieur Shiva lâcha prise subitement sous la douleur et se dépêcha de riposter aux attaques conjointes renouvelées des deux crétins.

Mais peu à peu, le combat se remit à changer de sens : les deux Voyageurs étaient tout de même exténués et leur déballage de techniques et de pouvoirs ne les aidait pas à aller mieux. Monsieur Shiva supportait très bien la souffrance et ne semblait pas exténué, et peu à peu, il profitait de cet avantage pour prendre l'initiative. Il se déplaçait maintenant aussi aisément que s'il était sur la grande place, usant des murs et du plafond pour attaquer ou échapper aux Voyageurs. Il utilisa même des anneaux invisibles pour passer par-dessus eux (avec des jambes en équerre, formant un quatre-vingt-dix degrés parfait) et envoyer un coup de coude dans la nuque de Lou. Dazh n'hésita pas à marcher sur son pote à terre pour continuer le combat. Mais Dazh, même s'il avançait et prenait du terrain, ne faisait au final que se prendre des coups de plus en plus dévastateurs, au niveau de la tête ou de la gorge. Après une attaque particulièrement précise, il se mit à chercher de l'air. Son adversaire allait lui décocher l'ultime frappe en plein dans la mâchoire, jusqu'à ce que Lou qui s'était remis debout charge... Dazh.

Il lui fit une ruade télékinésique en plein dans le dos, ce qui projeta son allié en plein dans Monsieur Shiva. Il se reçut accidentellement un coude de l'Invocateur en plein dans la figure. Dazh aurait voulu hurler à son compagnon qu'il lui avait défoncé le dos, mais son cri resta muet : il était sous le coup de la surprise, de la raideur de son dos, et aussi de la concentration. Tandis que celui-ci se mit à tomber (et qu'il était prêt à se remettre sur pied avec des roulades exquises), Dazh l'attrapa au niveau des hanches et ne le lâcha plus. Lou fit alors une autre ruade et se dépêcha d'exploser la tête de l'Acrobate avec un poing chargé au maximum. Le craquement fut audible dans tout le couloir, et les trois tombèrent sur le sol. Lou empêchait aussi l'assassin s'échapper, et une lutte à sens unique se déroula : les deux Voyageurs qui avaient plaqué leur adversaire et qui maintenant le pourrissaient de coups jusqu'à ce qu'il ne ressemble plus à rien.

Le combat achevé, toute la fatigue les submergea et ivres de douleur, il s'y laissèrent tomber. Dans une semi-inconscience, avec une voix faible comme tout, Dazh réussit à siffler :

« Hey... Lou...
_ Ouais... Dazh...
_ C'est bien son nez rouge qui lui donnait tous ses pouvoirs...
_ Ouais...
_ Pourquoi tu ne l'as pas enlevé avec ta télékinésie dés le début... ? »
Il y eut un très long silence entre eux, et Lou réussit à répondre :
« Pour le swag... » Cela parut contenter Dazh, oubliant qu'à la base, il voulait pointer une erreur de stratégie dans le combat.

__

Mes lunettes étaient de plus en plus précises et confirmaient mes pires craintes : Ophélia était en train de se battre, et son adversaire possédait des ailes. Les deux Algophobes s'étaient enfin retrouvées, et c'était certainement leur dernière lutte qui se jouait. J'eus le sentiment que ce n'était pas à moi de venir précipiter leur combat, mais abandonner Ophélia contre un adversaire enragé, un monstre qui en voulait à sa mort à cause de Pijn, autrefois une de ses plus grandes amies, ça m'était encore plus insupportable. Je savais qu'avec toutes mes forces retrouvées, il était stupide de les dépenser encore plus alors que le MMM était au bout du chemin. Mais j'avais déjà combattu Sarah, et si Ophélia elle aussi combattait, alors notre ennemi n'avait aucune chance. Je m'étonnais même que le combat ne soit pas déjà terminé : je connaissais la réputation d'Ophélia et son ancienne puissance qui en avait fait une Voyageuse redoutée.

Je courais dans chaque hangar, prenant un peu plus de vitesse, traversant les portes d'une ruade sauvage pour gagner du temps. Quand je traversai le dernier hangar qui me séparait d'elles, je vis qu'une partie du mur s'était affaissée pendant l'affrontement. Ce fut par lui que je passai en faisant un saut. Mon panneau de signalisation vola entre mes mains, et je frappai la tête de Sarah qui me tournait le dos avec toute la force possible. Il y eut un énorme bruit, un clong terrible, mais à part s'envoler, Sarah ne semblait rien avoir ; encore ces foutues plumes qui absorbaient sa force. Mais elles avaient toutes virées au blanc maintenant : bref, elles devenaient inutilisables. Ophélia fut extrêmement surprise quand elle me vit, mais moins que moi de la voir elle : elle était exténuée, ses poings saignaient atrocement et elle avait certainement d'autres blessures cachées. Une rage fit palpiter mes veines mais je fis mon possible pour garder mon sang-froid.

Elle eut à peine le temps de trouver une phrase que Sarah, jugeant que j'étais le moins dangereux, fonça vers moi. Je retins le coup en tenant mon panneau à deux mains et me servant de la tige comme d'un bouclier, mais me surpris à avoir aussi bien résisté à l'attaque : l'ange était peut-être encore plus harassée que son adversaire. Les plumes n'absorbaient pas la fatigue, semblerait-il. Je me dégageai d'elle en la repoussant, et elle esquiva sans difficulté mon premier coup. Je m'avançai tout de même, je fis un trois cent soixante degrés emporté par mon élan et le poids du panneau, puis je l'abattis sur Sarah qui, pour la première fois, se mangea la douleur et les blessures, du début jusqu'à la fin. J'allai continuer mon travail, mais un cri perçant me retint :

« NON ! »

C'était Ophélia qui avait hurlé ; je réussis à dévier mon panneau qui s'écrasa contre le sol à la place. Elle se dépêcha de rejoindre Sarah, puis l'assomma proprement avec une puissance calculée. Le corps de Sarah retomba par terre, mollement, et ses ailes d'ange se posèrent gracieusement contre le sol. La menace de Sarah était terminée. Je soupirai, heureux que mes pires craintes ne furent pas fondées. Je regardai Ophélia, et sans pouvoir me retenir plus longtemps, me dépêcha de la saisir dans mes bras. Elle posa sa tête contre mon épaule et je me mis à lui masser les cheveux en lui disant que c'était terminé, qu'elle avait été parfaite. Ma main se posa sur son dos, et Ophélia tressauta de douleur.

« Montre-moi où tu es blessée... », lui intimais-je très doucement, et elle secoua la tête pour dire non. Je souris tristement : « Laisse-moi regarder, je te promets que je ne toucherai pas.
_ Non, s'il te plaît, Ed... »


Ne comprenant pas pourquoi elle refusait, je commençai à défaire son gilet, et elle avait à peine assez de force pour se débattre. Quand je lui retirai son vêtement, je pus voir un chemisier blanc à manches courtes, trois endroits où elle s'était reçue des coups de telle puissance que je pouvais deviner que des os étaient cassés, mais pire que tout, bien camouflé sous son pull, je vis une ceinture de bombes, peut-être une sorte de plastique onirique qui lui faisait le tour de la taille.

« C'est le MMM qui te l'a mise ? », demandais-je en me rendant compte que ça pouvait être un piège ; mais son visage trahissait la réponse sans parler. Je reposai ma question en ne pouvant quitter cette ceinture dotée d'assez d'explosifs pour provoquer une jolie déflagration. « Tu m'entends Ophélia ? Qui te...
_ C'est moi.
_ Pardon ?
_ C'est moi qui aie mise cette ceinture. Quand on est passés à l'arsenal pour récupérer ton panneau... »
Son geste et sa sincérité me firent mal au cœur. Je lui demandai pourquoi. Je m'étais détaché d'elle et j'avais l'impression qu'un mur glacé nous séparait maintenant. Sans oser me regarder, elle me dit :
« Je t'ai menti par omission, Ed. Les ailes qu'a Sarah ne servent pas qu'à absorber la douleur. Dès que le Voyageur meure, les ailes fuient directement vers l’Algophobe le plus proche et répandent dans son corps toute la douleur qu'elles ont emmagasinée. C'est pour ça que je ne voulais pas que tu continues de l'attaquer.
_ Mais pour...
_ Je n'ai pas fini... »
dit-elle sèchement, et elle continua d'une voix plus faible encore : « La charge de la douleur les transforme comme Sarah : en bête enragée qui suit les ordres de Pijn à la lettre.
_ Donc...
_ En bref... »
, me coupa-t-elle encore comme si elle ne souhaitait pas s'arrêter avant de m'avoir tout révélé, « ... Si je tue Sarah, je redeviendrai la tueuse que j'étais avant, la Mort Silencieuse. J'aurais plus de tête qu'elle, je le sais, mais mon mauvais côté reviendra, ma Jumelle de Minuit. Et jamais je ne voudrai de ça. Nous tuer toutes les deux en même temps est la seule solution que j'ai trouvée.
_ Tu ne peux pas.
_ Désolé Ed... je suis tellement désolée... »
Elle marcha vers la paroi extérieur, mais je ne la suivis pas. Elle se mit à frôler la vitre qui la séparait du ciel orange et déclara comme pour elle-même : « C'est bête, hein... Je ne sais pas si tu le ressentais aussi, mais j'ai toujours eu l'impression que ça serait cette nuit, lors de ton opération de sauvetage, que je mourrai. »

Pas la peine de vous dire mon état : horrifié, stupéfait. Le MMM, tous mes camarades qui se battaient partout, qui étaient tombés, tout ça m'était sorti égoïstement de la tête. Seule comptait Ophélia. Putain... Pourquoi ça se passait comme ça ? Mais qu'est-ce qu’elle avait fait pour qu'un tel coup du sort lui tombe sur la tête aussi violemment... Elle ne l'avait pas mérité ! C'était plus qu'injuste ! Je regardai Ophélia qui me tournait le dos, pleine de son malheur, puis je tournai ma tête vers Sarah et ses ailes maudites, puis je revins vers l'Hispanique qui me fixait. Elle savait parfaitement ce que je ressentais, et ses yeux me demandaient du courage. Mais je perdais les pédales, je n'avais plus pied. Elle me demandait un sentiment qui était l'antithèse de ce que je ressentais actuellement. Il n'y avait pas de courage en moi, juste des bouffées de colère et de haine envers le destin. Si elle quittait Dreamland, j'allais la perdre. Quelques mots qui me déchirèrent.

« Je suis désolée... S'il y avait un autre moyen... », répéta-t-elle une voix douce, mais je l'interrompis d'une voix dure :
« Tais-toi. Tu ne te sacrifieras pas.
_ C'est la seule solution. Je sais que c'est dur d'avoir des relations avec des Voyageurs qui sont morts mais...
_ Tais-toi, j'ai dit. J'en ai marre de tout ça. Jamais je ne permettrai que tu te sacrifies. Jamais.
_ Mais il le faut...
_ Jamais. »
Face à un choix impossible, je ne savais que répondre. Je me rapprochai à ce "jamais" en sachant que c'était inutile, comme un enfant qui ne voulait pas voir sa mère partir au travail. Qu'ils aillent tous se faire foutre ! Mes pensées furent rongées de l'intérieur par la peur que j'avais eu la veille : si je perdais Ophélia dans Dreamland, je la perdrais dans le monde réel. Et ça, jamais. Mais les yeux de celle-ci m’indiquèrent clairement qu’elle était plus que déterminée à sauver Sarah. Quelque chose se brisa en moi.

__

Yuri se réveilla... Mais il n'était pas dans son lit, dans le monde réel, prêt de sa femme qu'il avait reconquise après sa petite période de folie... Il était encore dans la base du MMM, et il ne sentait plus le sang qui s'écoulait de sa blessure. C'était pareil pour le Docteur Doofenshmirtz. Ils avaient tous les deux été bandés par d'énormes pansements très efficaces qui semblaient aider le sang à coaguler. Non, ils n'étaient pas en forme mais au moins étaient-ils en vie... Qui les avait sauvés ?

__

Clem ne préférait pas compter les mètres qui le séparaient du sol. Peut-être plus d'un kilomètre, mais bon, la distance se réduisait si vite que ça en devenait affolant. Il traversa les derniers nuages sans rien penser à d'autre que la peur de la chute et de ses conséquences, et vit enfin la Petite Réalité et reconnut une sorte de Paris. Mais il allait de plus en plus vite, il avait de moins en moins le contrôle de son corps, il se sentait valdinguer. Il pensa qu'Ed serait ravi, ainsi que son Seigneur ; Héliée devait être occupé à cocher une case quelconque sur une feuille en se disant que Clem était mort par chute et qu'il s'était répandu de tel point à tel point, et oh, c'est formidable, ça devait être un record. C'était sans doute sa dernière pensée cynique de sa vie de Voyageur. Il eut tout de même une pensée pour Megan...

Puis quelque chose l'agrippa au niveau du ventre...
Et sa chute...
Doucement...
Ralentit...

Clem n'osa pas croire à Héliée. Il vit sa distance avec le sol qui se stabilisait (il remarqua que s'il avait continué, il se serait écrasé avec joie près du Parlement). Un corps massif le retenait, et même, comble de miracle, le faisait remonter. Le rouquin tourna sa tête pour voir une créature étrange. Un panda... C'était un panda muni d'un parachute, et qui soufflait si fort dessus qu'ils remontaient tous les deux en direction du vaisseau. Il s'arrêta un instant et lui sourit :

« Salut. Je suis le Pandachutiste. C'est la fête, hein ? »

Si Dieu existait, il n'était pas très subtil pour exaucer les prières de ses créations.

__

Matthieu feignit pendant quelques secondes d'avoir été assommé par l'attaque de David ; il hésitait actuellement entre deux sentiments qui étaient l'horreur et l'horreur. La taillade avait été si délicate qu'il n'avait senti la douleur que quand il était tombé et qu'elle l'avait empli si fort qu'il avait l'impression que le reste de sa peau et ses nerfs à vif allaient se déchirer et le laisser exsangue. Soy à-côté de lui semblait aussi mal en point, et Matthieu espérait que lui aussi feintait un peu et qu'il n'était pas en aussi mauvais point qu'il le laissait paraître. David les avait poignardés sans trop chercher à réfléchir, avec une facilité qui l'avait estomaqué. Il était certainement plus vif qu'Ed, qui était peut-être le Voyageur le plus fort qu'il avait vu en action.

« J'espère que vous vous êtes sentis très utiles quand vous êtes entrés dans mon bureau », entendit Matthieu. « Je vais commencer par toi, Soy. C'est la deuxième fois qu'on te tue quelque part, mais je peux t'assurer qu'avec la gorge en moins, ça va être plus difficile de survivre »

Il commença à s'accroupir pour ne plus que ses paroles laissent d'imagination quand une forme énorme dévasta le mur et la porte d'entrée. Matthieu faillit se recevoir des débris et se protégea le visage en brisant sa feinte de quasi-cadavre. Il put cependant voir les pattes du panda le plus gigantesque qu'il n'avait jamais vu. Il redressa son visage pour voir l'énorme créature qui grognait, avec un corps énorme pour une petite tête, et qui éloigna David d'un coup de patte. Le chef des mercenaires recula avec une grimace, mais il n'avait pas été très touché. Il lança tout de même à l'Invocatrice, qui se tenait derrière son animal :

« Je vous avais complètement oubliés, Général Panda.
_ Comme tout le monde... »
, répondit-elle d'un ton de déterré qui annonçait la mort prochaine par dépression de tous les occupants de la pièce à commencer par elle. Yuri et le Docteur avaient été surpris qu’elle intervienne, elle supposa sans crainte que Clem ne s'y attendait pas, et Matthieu et Soy, elle ne voulait même pas y penser. Elle était déjà à moitié satisfaite qu'un des généraux ennemis la reconnaissent. « Tu peux aller le manger, P'tit Panda. »

S'il y avait bien deux membres dont les pouvoirs restaient mystérieux dans la Compagnie Panda, c'était le Sergent (tellement mystérieux qu'il n'était même pas venu, ordre du Major) et le Général. D'ailleurs, le peu d'invocations qu'elle avait prouvait son immense intérêt pour tout ce qui l'entourait, à commencer par la Forêt de Bambous dans le Royaume Palmipède. Cependant, il ne fallait surtout pas la sous-estimer. Le Général Panda restait une Voyageuse de haut vol dont le niveau la plaçait juste derrière Ed, dans le cadre des combattant du SMB.

Matthieu et Soy se relevèrent doucement alors que l'énorme Invocation était en train de tenir David en respect. L'Invocateur de Mollusque fermait les yeux et se concentrait pour ne pas sentir le sang chaud qui lui coulait dans le bas du dos jusqu'au caleçon, et tenta de se persuader que la blessure avait été faite avec un petit couteau, ce qui n'avait dû laisser qu'une blessure plus bénigne pour un Voyageur comme lui qu'on pourrait se l'imaginer. Il regarda P'tit Panda qui commençait maintenant à charger. Il réussit pendant sa course titanesque à dévier des couteaux de lancer avec ses griffes. David se mit alors à courir dans la direction opposée et à sauter par-dessus son bureau en glissant le long du meuble. Le Panda explosa le bureau sans difficulté, mais la solidité de celui-ci et le fait qu'il était cloué au sol le stoppèrent net dans sa course. Le mercenaire sortit un couteau de grande taille pour profiter de son inertie afin de lui découper la gorge, mais l'énorme panda cracha alors un petit panda qui fila comme une fusée. David l'évita au dernier moment, mais ce n'était pas assez suffisant : le petit panda, avec un sourire énorme, se fit exploser.

David chut sur le sol en se cognant la tempe contre le parquet. Il se releva avec souplesse pour éviter les griffes du gros panda qui devaient faire la taille de sa tête. Il sauta en arrière, prit appui sur le mur pour sauter plus haut encore, il dégaina un couteau spécial qu'il fit riper contre le plafond dans une pluie d'étincelles, ce qui alluma une flamme autour de celui-ci. Toujours en plein saut, il le lança à la verticale à trois mètres en-dessous de lui sur le dos du panda, et ré-atterrit juste derrière la créature, alors que le pelage de cette dernière commençait à s'enflammer. Matthieu put voir distinctement que sa rencontre avec le panda explosif lui faisait saigner de la tête et l'avait brûlé à divers endroits ; cependant, rien ne semblait assez grave pour l'empêcher de se battre au maximum de ses forces.

Le mercenaire envoya deux couteaux de lancer spéciaux vers le Général qui faisaient un drôle de bruit et allaient encore plus vite que les précédents. Elle les évita avec difficulté, mais ne reçut que des égratignures. Puis David s'approchait au corps-à-corps avec une lame ciselée à chaque main, et Matthieu se rendit compte qu'il avait des dizaines de couteaux tous différents. Il regarda impuissant le panda géant prendre feu en hurlant et en essayant de se rouler par terre (en écrasant des murs et traversant des couloirs par ailleurs) tandis que David et le Général étaient en pleine valse de manœuvres compliquées. Il éprouva un peu de respect pour la Voyageuse car elle se défendait plus qu'honorablement : ses bras empêchaient les couteaux de David de la trancher dans un ordre savant, et celui-ci était souvent obligé de retirer ses mains avant qu'elles ne les agrippent pour les retourner contre lui. Elle esquiva sans bouger ses jambes tout en préservant un couteau loin d'elle, mais son chapeau de militaire fut découpé en deux latéralement. Elle réussit à faire lâcher un couteau à David en lui appliquant une certaine torsion sur le poignet, celui-ci se décala, tourna sur lui-même et dans son mouvement, dégaina un autre couteau qu'il lança quand le Général lui envoya un coup de pied dans le ventre. La lame se planta fermement, juste au-dessus de sa poitrine, et elle sortit une grimace douloureuse.

Ils repartirent à l'assaut, mais David avait maintenant l'avantage. Matthieu se demandait quoi faire, mais le niveau des deux était assez élevé pour penser qu'il ne servirait à rien d'autre qu'une distraction d'une seconde le temps qu'il se fasse égorger. Il fallait pourtant qu'il fasse quelque chose. Il se dépêcha de venir vers Soy qui essayait d'arrêter le saignement de ces diverses blessures.

« Tu peux faire quelque chose ?
_ Pas dans mon état. Je peux à peine utiliser mon pouvoir.
_ Moi pareil. »
, avoua Matthieu en faisant le tour des Invocations qui lui restaient : Germaine qui n'accepterait jamais de faire du travail, surtout si elle se rendait compte qu'il y avait des stylos sur le sol, ainsi que Gaston, qui n'était rien d'autre qu'un véhicule. Ses deux autres Invocations étaient inutilisables cette nuit.

Non, Matthieu devait faire quelque chose. Il se précipita vers P'tit Panda qui beuglait à cause du feu qu'il avait. Il se roulait sur le sol sans succès, les flammes étant assez larges pour survivre à pareil traitement. L'Invocateur enleva son super pull (bleu) et se mit à étouffer les flammes comme il put, les fouettant en tirant la langue devant la chaleur dégagée. P'tit Panda mit quelques temps avant de comprendre que le pull était efficace, et tentait de calmer les incendies sans empêcher Matthieu de l'aider.

Pendant ce temps, le Général sentait très clairement qu'elle ne pouvait pas suivre la cadence : elle ne faisait que repousser et repousser les attaques sans parvenir à contrer. Elle recula précipitamment et invoqua des petits pandas explosifs. Plein de petits pandas explosifs. Elle n'eut même pas besoin de leur apprendre qui était la cible qu'ils se dépêchèrent de foncer vers elle en provoquant plein de petits bruits mignons. David eut les bons réflexes : au lieu de s'enfuir et de faire gagner du temps à ses agresseurs, il frappa les deux premiers petits pandas avec son pied pour les éloigner d'ici. Ils explosèrent avec du retard en plein vol. Les suivants étaient extrêmement rapides et prirent David en tenaille. Il sauta assez haut et bloqua deux couteaux à lame recourbée dans le plafond, ce qui lui permit de rester accroché là-haut. Les pandas minuscules ne s'arrêtèrent pas devant une telle difficulté, et se mirent à grimper sur les murs comme des souris avec de la glu. Le mercenaire attendit le dernier moment, appuya sur une partie des manches de ses couteaux, puis se laissa tomber sur le sol. Il se reçut un coup en réception du Général Panda qui lui fit presque mal, mais ses couteaux explosèrent par le biais de petites bombes au niveau des manches juste au-dessus d'eux, emportant tous les minuscules pandas avec eux dans une série d'explosions qui fit pleuvoir des petits gravats sur les gens.

« TAIAUT !!! »

Le gros panda revenu à la charge, les flammes éteintes et Matthieu sur le dos, percuta très violemment David et le projeta contre le mur. Matthieu siffla de bonheur devant le succès de l'opération, et le Général semblait satisfait de voir que P'tit Panda allait mieux. David se releva en hurlant des jurons obscènes, et vu comme il se tenait le corps, il avait été salement blessé.

P'tit Panda repartit à l'assaut dans un hurlement de palmipède bien senti, l'Invocateur encore en rodéo sur lui. Mais leur adversaire n'allait pas se prendre deux fois la même attaque, surtout quand elle ne venait pas par surprise. Il sauta sur la tête du gros panda et se mit à l'escalader avec les pieds jusqu'au dos de la bête. Matthieu se leva d'un bond et partit en arrière tandis que les lames fusaient devant ses yeux ivres de sang. Elles continuaient à avancer, il continuait à reculer le temps de quelques pas, en faisant attention à ne pas tomber du panda, puis arrivant à la fin de son dos, sauta vers le sol. David sauta à son tour et continua son offensive. Il fit un bond en avant soudain pour embrocher Matthieu, qui par réflexe, sortit sa plus terrible invocation. Germaine se reçut un couteau en plein dans son dos mou. Sans que ça ne semblait lui faire quelque chose, elle regarda Matthieu, se tourna pour voir David et son arme en elle, et regarda Matthieu. Elle dit de son ton neutre affreux :

« Vous le regretterez, Monsieur Razowski.
_ Je voulais vraiment vous faire signer ces papiers, mais... »
essaya Matthieu, mais la limace disparut d'elle-même, soit parce qu'elle l'avait décidé, soit parce que le couteau l'avait eu plus profondément que sa voix et son calme ne l'avaient laissé paraître.

La lame du couteau de David avait été totalement rongé par l’acide contenue dans le corps de la limace ; il se dépêcha d'en prendre un autre alors que le brun reculait très loin, et il lança un couteau de lancer que Matthieu ne vit que quand il se planta dans le bras du Général qui s'était tendu pour le protéger. Elle fut parcourue de tremblements électriques bleutés qui l'immobilisèrent et engourdirent tous ses membres. Matthieu lui répondit un vague merci (il n’était pas trop à fond : sa blessure et la menace de Germaine lui faisaient extrêmement peur) tandis que le gros panda se remit à l'attaque. Ce fut une grosse mêlée entre lui et David, mais celui-ci esquivait tous les coups de pattes, passait sous lui pour le taillader au ventre avant de remonter, précis et rapide comme un laser. Au bout de trente secondes de combat acharné, des poils et du sang volant en tous sens, P'tit Panda tomba par terre en mugissant faiblement. Le Général le désinvoqua sans parler. David était en mauvais état, mais bien moins que ses trois adversaires. Soy était en train d'agoniser contre un mur, le Général se remettait du couteau piégé qui l’avait paralysé, et Matthieu repensait à Germaine et de son regard d'archange de la comptabilité vengeur. Les quatre respiraient et suaient à gros bouillons, mais David s'était vite remis en position de combat, un couteau dans chaque main. Matthieu demanda au général combien elle avait d'Invocations en réserve, et elle lui dit qu'elle n'avait plus qu'un petit panda explosif, bien insuffisant. Effectivement.

Matthieu osa foncer avec le Général contre leur ennemi commun. Les attaques pleuvaient, mais ils ne purent rien faire. Ils avaient usé de toutes leurs invocations, étaient blessés, et David tenait quand même le coup avec la même efficacité qu'au début du combat. Rapidement, Matthieu fut projeté contre le mur intérieur de la salle par un coup de pied après avoir été entaillé à quatre endroits différents, et le Général tenait à peine mieux. Elle réussit tout de même avec une prise compliquée, à lui enlever un couteau ; le second cependant lui fut planté dans le ventre, chatouillant l'estomac. Elle recula en arrière sous l'impact et se ressaisit au tout dernier moment : elle envoya à David un coup de boule dans le nez qui le fit reculer. Il se dépêcha de chercher deux autres lames, mais il découvrit à la place une ceinture de réglisse gluante. Putain de merde ! Il n'avait pas prêté attention à Soy ! Il avait transformé ses armes en bonbon. Et le coup du Général l'avait légèrement sonné.

« POUSSE-LE !!! » hurla le Général Panda à Matthieu.

Celui-ci comprit : David était entre lui et la fenêtre du bureau. Il pourrait le projeter au-delà du vaisseau. Il n'en avait pas la force, mais s'il y réfléchissait bien... Il invoqua sa dernière invocation, Gaston, et se retrouva sur sa coquille avec la place pour la selle. Il fit vrombir le moteur en tournant une des antennes de l'escargot et démarra au quart-de-tour, le plus rapidement qu'il pouvait. Gaston engloutit tous les mètres qui le séparaient de David en moins d'une seconde.

« Prends ça dans ta gueule ! »

David fut emporté par l'escargot, et après deux secondes où il se faisait remorquer, fut projeté à travers la vitre. Il comprit en un petit dixième de seconde qu'il avait perdu, alors qu'il se faisait entailler par des bouts de verre, que son ventre s'était tordu sous la douleur de l'impact et que le vent des hauteurs lui léchait le visage. Il allait chuter dans le vide.
NON !
Ce n'était pas perdu !
Il réussit à diriger sa posture, et sortit deux couteaux qu'il cachait sous sa chemise. Il réussit à planter la paroi du vaisseau et arrêter sa chute. Voilà, c'était parfait. Il passa quelques secondes à ajuster sa position, et vit qu'il n'avait qu'une dizaine de mètres à escalader pour revenir à sa fenêtre. Il arracha un couteau de la paroi et le replanta plus en haut. Il refit le mouvement avec l'autre bras. Voilà, tout allait bien, il allait pouvoir regrimper.

Et doucement, ses espoirs retombèrent à néant quand il vit un minuscule petit panda passer par la lucarne et marcher sur la paroi du vaisseau, les poils secoués par le vent, pour venir à sa rencontre. Il avait lui aussi un charmant petit sourire.
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptySam 10 Mai 2014 - 0:16
La première chose qu'il fit quand il arriva dans ses propres pensées fut de modifier les salles et autres lieux en énorme ville ; il ne voulait vraiment pas d'un palais mental, il lui fallait quelque chose de beaucoup plus grand. Fino se retrouva dans un monde tout blanc, où le sol et le ciel n'existaient pas. Voilà, bonne base.

Il allait commencer par le plus simple : la tête du Voyageur qui lui disait énormément quelque chose sans qu'il parvienne à mettre la patte dessus. Le Voyageur apparut devant lui, immobile ; okay, maintenant, Fino avait pu le voir seulement dans quelques Royaumes, car il avait la ferme intuition de l'avoir rencontré quand l'affaire du MMM avait commencé. La place du Royaume de la Main Invisible avec sa révolution avortée apparut, mais Fino changea la scène car elle ne lui disait rien. Il essaya à Kazinopolis et une petite sonnette qu'il appelait l'intuition lui dit que ça pouvait correspondre, à vingt-deux pourcent. Ce n'était pas assez, mais il recherchait les stimuli : ambiance festive, nuit, Voyageur spécial... Oui, voilà. Il essaya alors de le faire apparaître dans le Royaume de la Table Pentagonale, et les pièces du puzzle s'accordèrent d'elles-mêmes : c'était un des Voyageurs qui surveillaient le grand bal qui avait été donné, et qui était censé avoir péri à cause de l'appareil que le MMM avait foutu dans la tête d'Ed. Bingo. Il y avait une astuce là-dessus, le méchant diabolique avait mêlé un de ses Voyageurs à la garde (voire plus). Il réfléchirait aux conséquences plus tard, il devait travailler sur d'autres points avant de tout relier ensemble.

Qui était le MMM ? Une copie de celui-ci arriva devant le phoque. Voyageur, Rêveur, Créature des Rêves, Seigneur d'un Royaume, Artefact ambulant... Fino avait deux hypothèses qui pouvaient s'avérer bonnes, mais il manquait plusieurs éléments pour confirmer sa thèse. En tout cas, d'où lui venaient tous ses pouvoirs ? Fino se repassa tout ce qu'l pouvait faire et il trouva le seul point commun qui réduisait le nombre de pouvoir d'un million à seulement quelques centaines de milliers : il manipulait la matière, tout ce qui était à peu près physique. Il n’avait jamais montré signe de pouvoir s’agrandir lui-même ou de devenir plus rapide. Bon, on garderait ça pour plus tard, on le mettait dans un coin. Le MMM se plaça au centre d'un grand tableau vivant où tous les indices et toutes les actions gravitaient autour de lui.

Quel était son but ? Détruire Dreamland ? Un paysage apocalyptique surgit devant lui, mais Fino secoua la tête. Trop stupide, trop basique. Le MMM voulait-il vraiment dominer les trois premières zones ? Là aussi, c'était étrange : si le SMB, malgré toutes ses qualités, parvenaient à peine à tenir la dragée haute au MMM (certes pendant seulement quelques temps), alors plein de Voyageurs aidés des Rois des Rêves pourraient lui donner la chasse sans souci. Il prenait donc énormément de risques et se mettait tout le monde à dos... Mais puisqu'il avait caché son identité, il pourrait jouir de la situation nouvelle qu'il allait causer sans que personne ne le reconnaisse comme un fou furieux. Alors, le but du plan était un "Qui Bono" ? A qui le crime profite-il ? Hm, pas sûr.

Trois phrases se succédèrent au-dessus la tête du MMM (tandis qu'autour de lui, des Royaumes, sa base volante, toute son organisation et les Voyageurs sous son contrôle ainsi que différentes hypothèses l'entouraient comme une énorme étoile et son système solaire gargantuesque) : destruction du monde à cause d'un traumatisme quelconque, aider le monde sans que celui-ci ne le veuille forcément (genre, créer un génocide de tous les chevaliers pour éviter qu'ils rendent une justice précipitée à leur manière), ou le fameux Qui bono. La première hypothèse s'effaça carrément ; Fino l'avait déjà soupesé et estimé qu'elle ne valait rien. Ne manquait plus que le sauveur incompris aux méthodes extrêmes et le type qui pensait qu'à sa gueule. Pour le moment, la première hypothèse semblait malmenée par ce que faisait le MMM : ravage sur ravage, empêchement de nombreuses politiques d'aboutir, dresser les Voyageurs les uns contre les autres... Il cherchait quelque chose, il voulait quelque chose. Et Dreamland entier, se précipitant sur lui sans surprise, allait la lui fournir. C'était plutôt le Qui Bono qui semblait dominer. Mais Fino grimaça et cinq cent points d'interrogation garnirent le corps du MMM : que voulait un type qui avait tous les pouvoirs ? A quoi servaient les attentats terroristes ? Sinon, à préparer un plan bien mieux caché ?

__

Ophélia semblait comprendre que je ne voulais pas qu'elle se suicide sur Dreamland, mais elle était persuadée qu'après y avoir réfléchi quelques instants, je lui donnerais mon accord à contrecœur. Malheureusement pour elle, je refusais de voir cet aspect-là des choses. Traitez-moi d'égoïste, je l'étais, je n'avais pas encore déchiffré les émotions violentes qui me secouaient. Mais au fond de moi, si j'avais passé plus de temps avec elle, si on avait formé un couple de plusieurs mois, je pense que je l'aurais laissé partir plus facilement que maintenant. Imaginer que Romero accepterait le sacrifice quand moi, je me carrai dans mon petit coin d'égoïste me faisait mal, mais je ne cédai pas du terrain pour autant. Je n'étais pas en train de me battre contre moi-même, mon être tout entier avait la même opinion : qu'Ophélia ne se tue pas pour ça. Ce fut dans un premier temps la colère qui m'envahit, une bouffée énorme de hurler car elle ne m’avait rien dit alors que ça me concernait énormément, certes pas autant qu’elle, mais me cacher alors que je faisais tout pour la sauver… Et moi qui pensais que tout irait bien une fois qu’elle serait sauvée, voilà que tout dérapait au meilleur moment. Je ne lui hurlai pas dessus, mais la colère était réellement présente quand je m’adressai à elle en échouant à garder un ton neutre :

« Je suis ravi que tu me le dises maintenant, vraiment ravi. » Le ton pincé de ma voix contrastait tout de même avec la colère énorme qui m'envahissait, et je frappai soudainement le sol si fortement que je soulevai des plaques de métal. Je repris violemment : « Tu t'es dit quoi, hein ? Que je le prendrais bien ?
_ S'il te plaît...
_ T'es contente de me mettre au courant au dernier moment, afin que j'encaisse comme un abruti tandis que tu suicides ?!
_ Ed, s'il te plaît, je voulais régler ça seule... »
Sa voix était plaintive, ce qui m'incita naturellement à hausser le ton comme si j'avais raison :
« Je te remercie vraiment ! Je…
_ Ed, il n'y a pas que tes sentiments qui sont en jeu, il y a aussi une fille dans le coma. »
me coupa-t-elle en espérant me calmer en me ramenant à la raison.

D'un côté, je devins furieux qu'elle dise "tes sentiments" à la place de "nos sentiments" comme si c'était partie négligeable de son côté, mais son argumentation était bonne et désamorça ma colère en me faisant penser à autrui. Je ressentis maintenant un grand abattement qui me donna une centaine de kilos en trop, et Ophélia sentit très bien mon changement d'humeur. Elle attrapa mes deux mains et les caressa dans les siennes, et malgré moi, ça me fit du bien... Je soufflai :

« Il n'y a pas d'autres moyens ? Tu es sûre que l'Artefact va te transformer en Mort Silencieuse ?
_ Je suis désolée, il n'y a rien d'autre. Il n'y a pas de bonne solution. Et ce que je voudrais le plus au monde, maintenant, ça serait que tu me laisses partir sans m'en vouloir. »
Je relâchai durement ses mains et me reculai en partant :
« Comme si je le voulais ! » Je faillis cracher sur Sarah quand je passai près d'elle, la bourrer de coups de pied. « Ophélia, mes derniers jours ont été merdiques, mais merdiques comme tu peux pas l'imaginer. La seule chose qui m'a permis de résister et de trouver du courage, c'est toi. Et au moment où je pense que tout peut s'arranger, voilà que les opérations tournent mal, j'ai peut-être sacrifié Jacob ou Shana, et toi, tu me parles de ça. Rah… Mais putain ! Faut que j'aille les aider, pas que je m'occupe de cette connerie ! » Ce qui m'arrachait un sourire jaune, ce fut que je m'exprimais avec le même ton que mon père. Elle tenta de me rassurer :
« Je serai toujours là, Ed. Même si je ne suis plus Voyageuse.
_ Non justement ! »
, je lui avais hurlé. Elle ne comprit pas, et je fus obligé de lui avouer ma peur profonde : « On se connaît principalement par Dreamland. J'ai peur pour la future Rêveuse que tu es, que notre relation n'ai plus vraiment de sens et que tu me finisses par me quitter rapidement. » Et tout ça dit précipitamment. Je faillis lâcher le nom de Romero, mais je ne voulais pas exprimer de la jalousie en plus que de la paranoïa et du manque de confiance. Elle répondit, comprenant ce que je redoutais le plus, sans se voiler la face après un petit temps de réflexion :
« Tu as peut-être raison. »

Elle s'attendait peut-être à ce que je réponde ; elle serait déçue. Elle comprenait ce qui me tiraillait vraiment et ne savait pas quoi ajouter. Au moins eut-elle le mérite de ne pas se cacher derrière des mensonges pour m’apaiser ; Ophélia était incroyable. Et j'allais la perdre à cause de Pijn. Inconcevable. Pourquoi ça m'arrivait à moi ? Pourquoi devais-je subir autant de saloperies ? Est-ce que je n'avais pas mérité quelque chose ? Je n'arrêtais pas de me surpasser dans Dreamland, dans la vie réelle, et tout ce dont j'avais le droit, c'étaient des épreuves encore plus difficiles. Et j'étais persuadé qu'on pouvait trouver une solution, une petite voix dans ma tête me disait que c'était possible, qu'on pouvait faire quelque chose et que l'espoir de cette solution expliquait aussi ma colère. Trop plein d'énervement, je ne vis pas Ophélia qui m'enlaça tendrement, le plus doucement qu'elle put pour ne pas réveiller ses blessures. Sa main me caressa la joue mais je n'osai pas les regarder. Elle, et sa ceinture d'explosifs.

« Finalement, je crois que c'est pour toi que ça va être le plus dur, Ed, effectivement. J'aurais tout oublié, Sarah aussi, et il n'y aura plus que toi. Je ne veux pas t'infliger ça, mais ça sera impossible pour moi de vivre si je n'aide pas Sarah. C'est ma faute si elle est dans cet état.
_ Et c'est aussi de la tienne si je suis dans celui-là »
, lui répondis-je d'une voix acide. Elle encaissa la critique, mais elle avait dû apercevoir qu'elle n'était pas aussi virulente qu'elle pouvait l'être. Elle savait que je ne le pensais pas. Sa patience avec moi était remarquable. Je voulais tellement qu'elle soit heureuse, mais tellement. Je ne pensais qu'à elle, je ne devais penser qu'à elle, et pourtant, je me sentis si hypocrite à lui balancer mes répliques cinglantes. Je me retins tout de même et essayai de me calmer alors qu’elle enchaînait les mêmes arguments, d’une voix extrêmement douce, intime :
« Si je pouvais faire autrement, je le ferais. Je te le jure. C'est horrible pour toi, mais je ne peux rien envisager avec toi alors que je n'ai pas réparé cette erreur. Ça me hanterait pour le restant de mes jours. Tu sais que je n'ai pas une très haute estime de moi-même...
_ Tu es la seule qui pense ça de toi.
_ Et je continuerai à le penser. C'est trop tard pour réparer ce que j'ai fait.
_ Tu dois combattre la Mort Silencieuse. »
Voilà l'idée qui m'avait trotté dans la tête : même si la douleur était énorme, était-ce obligé de se transformer en larbin de Pijn comme Sarah ? Parce qu'Ophélia avait déjà combattu la Mort Silencieuse, avec succès. N'était-ce pas une alternative ? « Tu dois la battre, et comme ça, tu pourras vivre heureuse et en paix avec toi-même.
_ Qu'est-ce que tu dis ?
_ Ecoute... Laisse-toi envahir par les plumes. Tu es la Mort Silencieuse, tu peux redevenir Ophélia. Il faut que tu prennes le courage, transforme-toi en Mort Silencieuse et vainc-la à tout jamais.
_ C'est impossible... »
Et elle se tut, sans me fournir d'autre argumentaire. Ce fut à moi de la tenir par les épaules :
« Je crois en toi. Tu es une fille super. Et tu réussiras. Tu te prouveras à toi-même que tu ne seras plus jamais une psychopathe, que tu as battu ta Jumelle de Minuit. Tu en auras fini avec la culpabilité.
_ Arrête tout de suite. Je ne peux pas. Tout ce que tu réussirais à faire, c'est m'enfermer dans mon corps. Et je peux te jurer que le lendemain, tu pourras dire adieu à notre couple. »
Son ton était sans appel. Je ripostai tout de même d’un ton plus haut :
« Pourquoi tu n'essaies pas ?
_ Ed, ce n'est pas l'espoir de réussir qui te faire dire ça ; tu t'accroches à n'importe quoi pour que je ne meure pas, mais je te dis qu'il n'y a pas de solution. »
Je détournai le visage, agacé qu'elle refuse aussi promptement sans s'accorder un temps de réflexion. Pétri de colère née de la tristesse, j'osai dire, pour la tester :
« J'ai l'impression que tu parles comme si notre relation n'était pas grand-chose pour toi. » Aussitôt dit, aussitôt regretté ; je m’aperçus même du ridicule de ma phrase… Quelle relation nous avions eu… Même pas trois jours ensemble, c’était fantastique. Je ne méritais certainement pas l'enlacement tendre qu'elle me fit, enfouissant tristement son visage sous mon cou :
« Je connaissais les risques quand j'ai accepté qu'on sorte ensemble. Mais j'aurais tellement voulu qu'on reste le plus longtemps possible sans que Pijn ne nous sépare. » Je ne répondis rien, et elle se mit à me masser la nuque. Elle sortit sa tête de sous mon menton et eut un petit sourire : « Je te dis que peut-être, je romprais avec toi parce que j'aurais oublié tout ce que tu as fait sur Dreamland et une partie de ce que tu représentes pour moi. Mais je veux que tu me reconquières absolument, hein ? » Son sourire s'étira, charmeur, et je fus obligé de lui sourire à mon tour, aussi serrées furent mes lèvres. « Pour ça, c'est très simple. J'adore les coquelicots et les pensées. Tu m'en offres un bouquet et j'apprécierai tout de suite. Si tu me chantes une petite sérénade avec une mandoline, je vais craquer. Qu'est-ce que je peux te dire d'autre... Ne m'offre pas de chocolat, j'adore ça, je vais tous les manger, et je vais culpabiliser. Dis-moi que je suis belle comme un ouragan, c'est un poème espagnol que j'adorais quand j'étais petite… Puis tu pourras me dire…
_ Je vais croire que tu as inventé toute cette histoire d'ailes maudites afin qu'un homme te fasse une cour parfaite.
_ Arrête de voir des méchants diaboliques partout »
, me sermonna-t-elle sur le même ton de plaisanterie que j'avais utilisé.

Un petit bout de silence. On soupira tous les deux.

« J’aurais dû t’en parler plus tôt… Je le sais. Mais avec toute cette histoire de MMM, je ne savais pas comment tu allais réagir.
_ Je ne le sais pas moi-même. Mais je sais que j’aurais préféré que tu m’en parles plus tôt. »
Mon ton sérieux la poussa à se mordiller les lèvres. J’eus une pensée rapide à tout ce que notre relation aurait déclenché en moi dans les semaines à suivre : mon calme sur Dreamland, ma vie réelle reprise en main… Je le ferais, c’était certain. Mais peut-être que j’y mettrais moins de volonté sans elle, que ça serait plus long... « Je te jure que quoi qu’il se passe, j’irais casser la gueule de Pijn après. »

Elle n’aimait pas le « quoi qu’il se passe », le fait que je n’avais pas encore accepté qu’elle se laisse tuer pour emporter Sarah avec elle. Mon idée paraissait osée, mais possible. Si j'avais été à sa place, j'aurais foncé la tête la première dans ce pari. Ses doigts serrèrent plus fortement mes épaules en réponse, mais je n’arrivais pas à lui donner raison. Je ne pourrais pas la reconquérir. Je m’en sentais incapable ; était-ce par peur, par colère de devoir accomplir des épreuves émotionnellement difficiles, ou bien parce que je refusais totalement qu’elle m’oublie à cause de son Royaume ? Tout ça à la fois, tout. Mais un terrible manque de confiance en moi m’envahissait, me pétrissait, et quand je regardais son visage, je ne le voyais plus, je ne le comprenais plus comme si c’était une étrangère dont les paroles m’échappaient. Ma principale expérience amoureuse, avec Marine, les propos qu'elle avait jetés sur mon dos après, tout ça avait confirmé le peu de confiance en moi. Faire la cour... Non, impossible. Je voulais fuir au plus vite cette situation, retirer cette terrible pression qui enserrait mon cœur dans des griffes horribles. J’avais l’impression que j’allais vomir tant ma gorge était serrée. Ophélia qui allait se donner la mort semblait plus sereine que moi. Tranquillement, elle m’apporta près de la vitre détruite afin qu’on y contemple le soleil rouge éblouissant. Je pris ses mains, et je pus voir qu’elle ne pouvait plus empêcher ses larmes. Elle secoua la tête, son menton se mettait à frémir, et ce spectacle m’insupporta tant il était terrible. Je me dépêchai de la serrer contre moi alors qu’elle faisait couler ses larmes en hoquetant, qu’elle trempait mon épaule en lâchant des petits reniflements de tristesse. Elle tenait à Dreamland après tout, ou plutôt, à une partie de sa vie. Je lui caressai le dos en lâchant un gros soupir. Je comprenais qu’elle devait affronter la mort, que ça pouvait ne pas marcher, qu’elle abandonnait toutes ses aventures dans Dreamland, qu’elle abandonnait son petit ami… Et je me sentis vraiment con de lui avoir crié dessus. Elle réussit à dire :

« Je suis désolée… » Son visage était rouge. « Je ne veux pas t’oublier… tel que je te connais maintenant. » Ferme-la, tu me fais beaucoup de mal. « Quand on se retrouvera dans Paris, j’aurais oublié tout ce que tu as été capable… d’accomplir, de faire.
_ Et moi qui croyais que tu trouvais ça stupide.
_ Ca l’était, oui »
, dit-elle en essayant de sourire malgré son visage strié par les larmes et les rides de désespoir, « Mais c’était incroyable quand même. » Cette connasse allait me faire pleurer à mon tour. Je fis tout mon possible pour ne pas me mettre à chialer, j’avais la désagréable sensation qu’elle perdrait pied.

De toutes les manières, cette idée insidieuse me revint en mémoire : je savais que Lithium Elfensen avait combattu son Jumeau de Minuit, avec un mi-succès d’après ses derniers actes. Cependant, je ne faisais pas confiance à la blonde, alors qu’Ophélia était une pacifiste convaincue, qui avait déjà entériné le démon enfouie en elle. Dire qu’elle se haïssait, et qu’on avait le moyen de la sauver à tout jamais de son dégoût d’elle-même… Peut-être que la panacée était le début du chemin. Tel un sot, je revins sur le sujet :

« Ophélia, tu as déjà combattu la Mort Silencieuse et tu l’as vaincu. Si tu trouves le courage en toi de l’affronter à nouveau, tu seras purgée. Pijn ne pourra plus te faire du mal et tu pourras traverser Dreamland sans crainte.
_ Je te le dis, c’est l’espoir que je réussisse qui te faire dire ça.
_ Et ça, c’est parce que tu es persuadée de perdre que tu dis ça. »
Je lui pris soudain les deux mains et leur tint chaud. Je la regardai droit les yeux et fus ébloui par elle comme le premier jour : « Se suicider sur Dreamland, c’est comme se suicider dans la vie réelle. Tu ne fais que fuir, tu ne répares pas tes erreurs.
_ Et tu veux que je fasse quoi alors ? »
Ses yeux étaient durs, mais j’y trouvai aussi une demande. Une demande d’une solution.
« Tu ne fuis pas. Si tu meurs, Pijn a gagné. Tu te réveilleras, et tu auras un goût amer dans la bouche. Sarah se sera réveillée de son coma, tu en seras heureuse. Mais en toi, tu ne seras plus jamais la même.
_ J’aurais accompli ce que…
_ Non, tu n’auras même pas réparé tes erreurs. »
J’avais banni « croire » et « je pense » de mon vocabulaire. J’étais si certain de moi-même que je me croyais. Je tentais de me persuader en même temps qu’elle. « Tu ne pourras jamais refermer ta blessure si tu ne fais pas face à ta peur. Il est temps de se battre, Ophélia. Je ne veux pas que tu deviennes une Rêveuse qui se déteste pour elle ne sait quelle raison, exactement comme tu l’as fait ces dernières années. Ça sera plus subtil, mais tu ne pourras rien y faire.
_ Tais-toi, Ed. »
Je me tus. « S’il te plaît. »

On resta dans les bras de l’autre pendant de très longues secondes si lourdes que je les sentais s’abattre sur mes épaules. Je la sentais hésiter, réfléchir, ne pas oser. Comme je la comprenais, comme je la sentais déchirée. Respectant le silence demandé, je lui offris tout le courage du monde que je pouvais lui apporter, et dans un murmure, elle me dit que ça ne marcherait pas. Je lui demandai si devenir la Mort Silencieuse était la pire chose qu’il puisse lui arriver dans la vie, et elle ne me répondit pas, ce qui était déjà éloquent. Je lui dis alors qu’elle n’avait aucune crainte quant à la combativité qui se réveillerait en elle pour ne pas le devenir. Elle avait peur de perdre, mais c’était cette volonté indestructible qui l’empêcherait de sombrer, même si elle n’y croyait pas. Sa force de caractère était bien plus grande qu’on ne pourrait le croire. D’une voix brisée, elle me dit alors :

« Choisis pour moi, Ed… » Un grand silence s’abattit dans la pièce malgré le vent qui hurlait dehors, et elle répéta son injonction, en rajoutant d’être certain de moi, certain qu’elle serait malheureuse si elle n’affrontait pas sa peur, certain que je croyais qu’elle pourrait combattre la Mort Silencieuse. Je mis plus longtemps à répondre que je ne l’aurais cru, puis je lui dis :
« Je veux ton bonheur, et je pense que tu peux affronter cette saleté de Mort Silencieuse, qui n’est rien d’autre qu’un ballon que tu as déjà percé. Tu ne trouveras pas de joie de vivre si tu deviens une Rêveuse dont les blessures psychiques n'ont pas été cicatrisées.
_ Tu es sûr.
_ Oui. Je crois totalement en toi. Du début jusqu’à la fin. Pour surmonter une épreuve pareille, je ne vois que toi, Ophélia, toi toute entière, pleine de vie. »


Je lui enlevai moi-même sa ceinture, et quand ce fut fait et que les explosifs tombèrent sur le sol dans un bruit métallique, Ophélia me serra si fort qu’elle faillit me renverser. Je tentais de calmer sa peur avec une douceur que je ne me connaissais pas. Je lui frottai dos avec amour, et lui dis :
« Ophélia, tu sais que je t’aime. C’est pas une surprise…
_ Non…
_ Bon, tant mieux. Je t’aimerais toujours.
_ Merci… »
Et elle pleura de plus belle. « Merci pour tout. » On resta un petit moment comme cela, puis doucement, je la détachai de moi. Refrénant mes larmes de la voir pleurer, je réussis à lui dire crânement :
« T’es prête pour mon super baiser ? »

Elle l’était. Je lui dévorai les lèvres doucement mais furieusement, je la serrai au niveau des hanches, là où elle n’avait pas de blessure afin de lui donner tout le courage que je pouvais. Il y avait de la passion, mais peut-être pas que de l’amour. Je le sentis plus comme un passage obligé que comme une véritable marque d’affection ; ses lèvres n’avaient pas d’odeur, je ne profitais pas de leur contact, et ça me rendait très triste. C’était un adieu déchirant, et ce fut pour ça que j’y mis un terme plus rapidement que prévu. Le soleil était rouge et volait en rase-mottes des nuages.

Il y eut un bruit dans le hangar. Sarah s’était relevée, chancelante, mais toujours avec ce grain de cruauté dans les yeux. Et comme à son habitude, elle fonça. Ophélia se recula de moi (et Sarah changea légèrement de direction pour pouvoir la faucher), elle me regarda si profondément que j’eus l’impression qu’elle m’embrassait une dernière fois, puis les deux filles disparurent, emportées dans le ciel par l’élan de Sarah. Mais cette dernière avait largement surestimé ses forces, et les deux se mirent à chuter. Bientôt, je ne les vis plus dans les nuages.

__

Le vent et la chute balayèrent toutes les idées d’Ophélia, toutes ses pensées, et elle avait l’impression d’être juste un sac de chair. Ne pas y réfléchir plus ; tu allais bientôt remporter ton plus grand défi, ma pauvre fille, il fallait absolument que tu n’y penses pas. Sa conscience devenait une chose abstraite, et elle pensait à peine à Sarah qui tentait de l’attaquer. Ophélia lui bloquait les deux mains et tentait de la serrer le plus possible contre elle afin qu’elle ne lui échappe pas. Mais elle n’avait rien à craindre de ce côté-là : son amie n’avait plus aucune force, et seule la pression de la chute était une donnée à prendre en compte pour ne pas lâcher prise. Elles filèrent rapidement, chutant, Sarah essayait de ralentir, des fois, mais ça marchait à peine. Ophélia aperçut une créature qui les suivait, et ne sachant pas ce que c’était et ne voulant pas être interrompue par quoique ce soit, le décala d’un revers qui faillit lui faire perdre Sarah. Elle constata qu’elle venait de frapper un panda muni d’un parachute. Elle avait bien fait. Les deux filles continuèrent alors leur chute. Elles allaient s’écraser dans un Paris factice si elles continuaient ainsi ; Ophélia ne chercha même pas à y trouver une sorte de second degré stupide : elle prépara son poing et visa la tête de Sarah.

__

« JE T’AI BATTUUUUUUUUU !!! », hurla Fino en poussant difficilement la porte qui menait à la salle du MMM.

Le grand méchant était posé sur ce qu’il restait de son trône telle une statue antique, et considéra presque avec un œil amusé le nouvel intervenant. Le bébé phoque se posa contre le mur, exténué par ses blessures et de tirer son fusil à pompe derrière lui. Il était couvert de sang et mort de fatigue ; on aurait dit un Rambo acculé qui avait survécu en sacrifiant une bonne partie de sa santé mentale, cinq cent munitions et cinq hectolitres d’hémoglobine.

« Je t’ai battu… » répéta-t-il en s’adossant contre le mur. Le MMM lui fit un sourire :
« Tu es incroyable, Fino. Tu m’as battu. Félicitations. Mais j’espère quand même avoir le droit de te tuer ?
_ Tu pourras pas, enfoiré ! Et je vais te démonter ! Je vais écrire un livre qui ruinera ta réputation à tout jamais ! Je vais te crever ! T’es mort ! T’ES MORT !!!
_ Tu as vraiment deviné alors »
, dit le MMM, mais il ne paraissait ni angoissé, ni stupéfait. On aurait juste dit un professeur qui n’en attendait pas moins de son élève. « Comment trouves-tu mon plan ?
_ Il est parfait ! »
, dit Fino, et ce fut à son tour de sourire comme s’il l’avait lui-même créé. « Pour le coup, je n’ai rien à dire. Tu es la première personne… non, la seconde, qui m’a épaté. Et c’est aussi pour ça que je vais prendre un malin plaisir à te démolir.
_ Très bien, j’accepte que tu tentes de me démolir… Mais passons un marché : je refuse que tu en parles à qui que ce soit d’autre avant que tu ne finisses ton livre, histoire que je savoure…
_ J’accepte ! Je veux faire partie de ce plan !
_ Je le savais »
, déclara simplement le MMM bouffi d’une sorte de fierté, comme s’il était enfin heureux que quelqu’un le reconnaisse à sa juste valeur. Il ne fut cependant pas surpris quand Fino ajouta : « Je veux tout de même une contrepartie.
_ Tu oses demander alors que tu boues d’envie de me rejoindre ? Mais je m’y attendais… Voilà ma proposition. »
Il le lui dit, et Fino eut un ricanement terrible.
« T’es vraiment le pire enfoiré que je connaisse. Je vais essayer de t’éliminer comme je peux cette nuit, sans trahir Ed, parce que je veux quand même que tu échoues dans les grandes largeurs, mais si tu survis, je ne parlerai pas de toi jusqu’à ce que mon bouquin soit sorti.
_ Accord conclu. Maintenant, file d’ici, Ed approche et je pourrais revenir sur ma position. Tu as de la chance que je t’aime bien, Fino, énormément de chance. En tout cas, je te conseille très fortement de prendre à droite à la sortie, de continuer tout droit et de tourner à gauche à la huitième porte. »


Dès que le bébé phoque fut parti en lâchant quelques traces d'hémoglobine derrière lui, soudainement, la colère s’infiltrait dans le corps du MMM tel un poison dans ses veines, lui chauffait la peau, et sa haine contre le monde entier s’intensifia si férocement qu’il ramassa un des bras du Major prêt de lui et qu’il l’envoya s’écraser contre le mur si durement qu'il y resta planté. Il en avait marre de tout, il en avait marre de tout… Le monde, tout. Il fallait réduire à néant toute la société onirique. Pourtant, sa colère ne venait pas du bébé phoque. Et pourquoi l'avait-il laissé partir ? Pourquoi était-il aussi bête ? Le MMM se prit la tête entre les mains et essaya d'arrêter cette douleur de sentiments qui lui dévorait l'âme. Que lui arrivait-il ?

Il se redressa soudain... David avait bien mis des estafettes quelque part, où étaient-ils ? Il les hurla sans sortir de la pièce si fort qu’ils l’entendirent, et quelques secondes plus tard, ils se présentèrent les joues rougies.

« Voilà mes nouveaux ordres ! Tous les hommes disponibles foncent au laboratoire ! Permission de tuer ! C’est bien clair ? » Le ton était assez brusque pour ne pas faire sortir les questions qui sortaient de la bouche des mercenaires. L’un tout de même, surpris que le MMM revienne sur son ordre de ne pas tuer le commando qui allait arriver alors qu’il avait été très clair, osa demander :
« On peut vraiment les tuer ?
_ Qu’est-ce qu’au juste tu n’as pas compris quand j’ai dit ‘permission de tuer’ ? »
L’autre mercenaire fit l’erreur de croire que le MMM était en colère car la situation s’annonçait mal, et il proposa :
« Peut-être que si vous nous aidiez à assiéger le laboratoire… »

Il ne termina pas sa phrase, le chef était déjà sur lui. La main du MMM se plaqua contre son visage, les doigts si profondément enfoncés dans la chair qu’il commençait à appuyer sur l’os et à le faire craquer. Il rentra profondément la tête du soldat dans le mur le plus proche si fort que celle-ci explosa. Le MMM tourna lentement son masque vers l’homme qui restait, mais avant qu’ils n’aient pu échanger un regard, il était déjà reparti. Il les méprisait tellement...

Le MMM retourna sur son trône et s'y plongea dedans, surpris de la tournure des événements. Comment avait-il pu laisser les choses déraper ainsi, faire autant preuve de clémence... Il se dégoûtait lui-même. La destruction était la réponse, tout détruire, tout raser, pulvériser. Chacune de ses pensées lui écrasa la tête, comme s'il les avait prises aussi brutalement qu'à contre-cœur. Ses épaules s'effondrèrent, il refoula une tristesse insondable qui l'avait envahi et qui tentait de s'échapper en sanglot. Pourquoi tout devait se dérouler ainsi ? Pourquoi endurer autant ? Le MMM tenta de maîtriser de puissants tremblements qui l'envahirent, et quand il releva la tête quelques secondes plus tard, sa décision était prise : il fallait tuer Ed Free. Terminés les prisonniers. Changement de plan. Définitif.

__

Le Panda« chutiste » l’avait largué à un point précis de la base volante, et il lui avait même donné quelques indications à suivre que Clem, content de ne pas avoir à trouver son chemin pour se rendre compte qu’il n’avait rien à faire là, accepta sans trop rechigner. Le panda repartit dans les airs alors que le rouquin suivait les directives à la lettre : il était censé retrouver quelqu’un avec qui il pourrait faire une alliance. Et il trouva effectivement une personne allongée dans une pièce aléatoire du vaisseau, comme s’il n’avait rien à faire là. Il s’approcha discrètement et tenta de le secouer un peu. C’était génial, il avait le droit à un allié étrange atteint de narcolepsie. Du sang séché formait une croûte sur son crâne, mais ce n’était rien de trop grave. Clem lui tapota la joue puis le gifla carrément pour le réveiller, et comble de surprise, ça marcha.

« Arrête Ed… Je vais bien…
_ Si tu m’appelles encore Ed, je t’assomme. »


Connors plissa des yeux et lutta contre un mal de crâne persistant. Et oui, la personne qu’il avait en face de lui n’était pas Ed. Celui-ci se présenta justement comme un Agoraphobe qui le détestait, Connors lui dit qu’il était enchanté, et il se remit debout. La suite des festivités ne tarda pas, car l’espèce de dandy en costard rose se dépêcha d’appuyer sur une oreillette pour discuter avec un opérateur quelconque. Il lui fit un petit résumé, on lui fit un petit résumé, sembla-t-il, et quand il demanda à quoi il pouvait servir et qu’il était accompagné par un nouvel arrivant de l’Agoraphobie venu à leur rescousse (ça lui donnait une bonne âme avec cette description, Clem avait omis de lui dire qu’il y avait été contraint par son Seigneur, ça serait compliqué à expliquer pourquoi et c’était une information inutile). Connors hocha la tête, son visage se faisait plus grave, et il mit fin à la discussion. Clem, constatant qu’il faisait peut-être louche, dévoila le lien de sang qu’il avait avec Ed. Le dandy accepta la nouvelle, puis raconta tout à son nouvel allié :

« On est tout proche du Rayon de la Mort ; on va essayer de le détruire ou le rendre inutilisable.
_ Les ennemis ont un Rayon de la Mort ?
_ Ed ne t’a pas expliqué quand il t’a demandé de venir nous aider ?
_ Il aime bien me faire des surprises. »
Clem savait qu’Héliée était au courant, c’était obligé. Il agita la main.
« Devant le Rayon, on fait quoi ? On le frappe ?
_ On peut tenter. Mais il y a les Deux Dingues qu’il faudra passer et il paraît qu’ils sont plus redoutables que prévu. »
Chouette programme, pensa Clem en se mordant la langue. Des Rayons de la Mort, des psychopathes… Héliée avait décidé de le tuer d’une façon très rigolote en fin de compte.

Ils déboulèrent dans une coursive et Clem faisait attention à tout son environnement. Le métal acier futuriste plus froid que de la glace, ça ne lui faisait pas envie. Connors lui demanda rapidement quels étaient ses pouvoirs, et après lui avoir répondu, lui retourna la question. Il l’informa ensuite du pouvoir des ennemis : l’un contrôlait les parties du vaisseau (Clem leva les yeux en l’air, commençant à être désespéré) et l’autre semblait être un spécialiste de tout ce qui explosait (il les leva tellement en l’air que si Connors tournait sa tête, il aurait pu voir les yeux de Clem qui s’étaient retournés dans leur orbite). Bon, il fallait qu’ils trouvent un plan. Le frère était parfaitement d’accord avec cette idée. Et ils trouvèrent.

Mais il aurait préféré un plan qui ne commençait pas par lui, passant la porte d’entrée d’un laboratoire aux dimensions si gargantuesques qu’on pourrait se perdre dedans juste devant deux fous furieux. Clem constata que la salle était meublée de façon parfaite : quatre files de longues tables blanches se suivaient, et chacune était couverte de plein de produits, notes, appareils différents. Ce qui détonnait aussi, c’était le Rayon de la Mort, qui ressemblait à celui de Star Wars (même si le bout disparaissait dans le mur pour réapparaître à l’extérieur), disposant d’une espèce de base puissante de couleur grise qui supportait une boule d’un diamètre de cent mètres avec un canon tout aussi énorme, le tout saupoudré de câbles, de tuyaux et de grincements. Jasmine et Capucine admiraient le nouvel arrivant comme s’ils n’y croyaient pas. Jasmine, totalement perturbé, demanda même d’un ton surpris :

« Tu sais qu’on doit te tuer ? » Le ton méprisant mais léger surprit Clem. Il répondit précipitamment :
« Je suis un des mercenaires de David. J’ai des infor…
_ Rien à cirer, bien sûr qu’on sait que t’es un mercenaire de David. Mais interdiction suprême de rentrer. Passible de peine de mort.
_ Ah… Bon… Alors… Je vous mentais un peu, je suis allié au SMB »
, fit Clem sans vraiment se soucier de ce qu’il disait. Tant qu’il pouvait gagner du temps… Les Deux Dingues se regardèrent, puis Capucine haussa les épaules :
« Ok. »

__

T’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû, t’aurais pas dû.

C’était autant une multitude de la même pensée qui me vrillait le cerveau qu’une masse informe de sentiments horribles qui me plombaient l’estomac et qui me torturaient les entrailles.

Finalement Ophélia, c’était moi qui étais désolé. Je t’avais trahi, j’étais allé contre ta volonté de mon plein gré. Est-ce que tu ne pouvais réellement pas affronter cette partie de toi qu’on appelait la Mort Silencieuse ? Est-ce que tu le pouvais ? J’espérais que tu réussirais et que ça me permette de me faire pardonner cette histoire. Sinon… Je n’avais aucune excuse pour t’avoir joué ce coup, sinon ma fatigue et mon amour pour toi. Mais tout de même… Peut-être que si le MMM ne m’avait pas autant épuisé ces derniers jours, j’aurais pu trouver la force de t’abandonner et espérer te reconquérir par la suite. Mais tu me surestimais, Ophélia. Même avec toute la volonté du monde, je ne faisais pas un bon amant, un bon dragueur. Ma dernière expérience à tête rousse m’avait saboté tout espoir de croire en moi, et depuis, je n’avais jamais eu de nouvelle relation. Marine, certainement sans en avoir l’envie, m’avait transformé en célibataire endurci qui ne cherchait plus rien d’autre. Je t’aimais assez pour oser à nouveau, j’avais réussi, et tu me demandes de le refaire, mais en partant de plus loin, alors que je n’en pouvais déjà plus, que j’étais harassé, et que quelque part, j’étais persuadé que tu attendais encore Romero. Le MMM était le toréador, j’étais le taureau, j’ai tenté l’ultime charge et on verrait bien qui tomberait à la fin, mais au bout du compte, j’en avais ma claque. J’étais désolé, mais toute cette situation était trop conne, tu me demandais des choses impossibles, et je te demandais du courage et d’essayer. Peut-être que toi aussi, tu trouvais que je te demandais des choses impossibles… Elle avait disparu de ma vue. Je préparerais mes excuses pour demain plus tard. C’était peut-être la dernière fois qu’on se parlait amicalement. Je n’aurais pas dû… Mais l’autre solution était pire. Des fois, y avait pas de bonne solution. Soit c’était elle, soit c’était moi… Et je me rendis compte que en le résumant à ça, j’avais choisi égoïstement en prétextant que la bonne solution avait plus de chances d’aboutir si elle se sacrifiait plus que moi. Réserve ta hargne, Ed…

Dans les couloirs, j’entendais des bruits, j’entendais des choses, et une petite pensée me saisit et me souffla gentiment que je devrais tout de même certainement abandonner Ophélia le lendemain, même si je réussissais à vaincre le MMM, ce qui était hautement improbable vu comme il avait soufflé quatre opposants dont deux d’excellents niveaux sans aucune difficulté. Soit il avait préparé des pièges, soit sa surpuissance dépassait tout ce que je connaissais en la matière ; même un puissant Seigneur Cauchemar se serait fait plier par un Major et un Portal alignés, peut-être même le Seigneur Obscur aurait peine à égaliser (même si personne ne connaissait sa puissance réelle, jusqu’à son identité). Il fallait que je me prépare au pire. Peut-être que mon aventure à Dreamland se terminait maintenant. Je me mis à penser sur le peu de chemin qu’il me restait à faire tous les sévices que j’avais connus ces dernières nuits et ces derniers jours. Je lui ferais bouffer des attaques chargées de haine de mes course-poursuite, des poings dans la gueule que je m’étais pris, des sacrifices concédés, du stress, de la dépression, de ce qu’il avait fait à Joan, de ce qu’il m’avait fait à moi… Je le rendais aussi coupable de mon choix sur Ophélia, de mes errances dans le monde réel… Comme le dormeur qui hait celui qui le réveillait, je haïssais le MMM pour m’avoir prouvé que Dreamland pouvait être une sorte de piège pour les Voyageurs, un monde horrible où des connards existaient aussi et répandaient du mal juste parce qu’ils en tiraient des bénéfices. J’avais haï Al Super Gay et BHL pour ces raisons, mais j’abhorrais le MMM pour sa personnalité, tout ce qu’il m’avait fait subir, et je vis notre affrontement comme quelque chose de personnel.

Je pénétrai dans la dernière salle en ouvrant les deux portes, une par bras. Elles s’effondrèrent presque ; je n’arrivais plus à contrôler ma force. Je pris mon panneau dont je laissais le bout reposer sur le sol, et je faisais face au MMM sur son petit promontoire de plusieurs marches, assis sur ce qui restait d’un grand trône de pierre, une jambe pliée sur l’autre, l’air de ne pas trop s’ennuyer, la main dans le creux de l’autre. Je pouvais voir distinctement avec mes lunettes de soleil le corps de Mr. Portal pas si loin de moi, le corps du Major démembré, BHL qui reposait dans un coin, mais pas de Lady Kushin.

« Oui, elle a fui », m’avoua-t-il en devinant mes pensées. « Je n’avais pas le courage de la suivre, je savais que tu viendrais bientôt et je ne voulais pas qu’on se loupe.
_ Tu vas la fermer ! »
, lui dis-je en le pointant du doigt, « Arrête avec tes conneries et viens te battre !
_ Alors approche, Ed »
, me répondit-il en haussant les épaules et sans faire mine de se lever de son siège. Je ne m’approchai pas, essayant de savoir le sort qu’il me réservait. Toutes les leçons de mes deux coachs me repassèrent en tête, mais je n’arrivais pas à me calmer et à les mémoriser ; elles passaient sans m’affecter ou prendre la peine d’être retenues. Je ne voyais pas comment commencer le combat alors que l’ennemi était sur un siège ; le résultat de mon entraînement disparut et l’espoir des chances qu’il aurait pu m’apporter devinrent futiles. « Non, tu n’avances pas. Tu comprends peut-être que tu vas mourir et que tu n’as aucune chance. Monsieur Portal et le Major sont d’un niveau supérieur au tien et ils ont échoué.
_ Vous ne les avez pas vaincus à la loyale »
, l’accusais-je sans preuve. « Le Major seul est certainement plus fort que vous.
_ Peut-être, mais le résultat de l’affrontement reste évident. M’envoyer un Voyageur extrêmement influençable était une mauvaise idée. Et me forcer à ne pas utiliser mes pouvoirs était une bonne idée, Ed… Mais là encore, tu m’as sous-estimé. Je ne l’ai presque pas utilisé sauf à quelques moments pour m’épargner trop de labeur, et tu es certainement le dernier combattant de taille à m’affronter plus de deux secondes. En bref, je ne vais plus me retenir et tu m’as obligé à économiser mes forces… juste pour toi. »
Je me rendis compte qu’il n’avait pas tort. Je me dressais, avec mon panneau ridicule contre quelqu’un qui avait battu le Major.
« Faut quand même essayer. Je te promets que tu prendras moins ton air supérieur quand je t’aurais enfoncé mon panneau dans le cul pour arrêter tes conneries de merde machiavéliques !
_ Tu crois qu’être grossier va me menacer ? »
Il se renfrogna subtilement en se rendossant à son siège. « On a quoi, un gentil Ed, le héros Ed Free, qui va botter l’arrière-train aux ténèbres. Je suis tellement las de votre hypocrisie à tous. Tu t’es entichée d’Ophélia à ce que je sache ? Mais dis-moi, n’a-t-elle pas tué plusieurs personnes dans le monde réel ?
_ Sur Dreamland »
, rectifiais-je entre les dents en me sachant déjà piégé.
« Mais tuer sur Dreamland ou dans le monde réel, n’est-ce pas la même chose ? C’est exactement ce que tu as dis. Pour une poitrine et une paire de jambes, tu braves nombre de tes idéaux. Je ne parle de Fino, un criminel notoire, mais comme tu le trouves utiles et des fois rigolo, tu le gardes auprès de toi ; en bref, tu cautionnes leurs actes démentiels juste pour ton bon plaisir. Les défenseurs de la justice, de la loi… vous me dégoûtez tellement. Si je pouvais le faire d’un claquement de doigts, je pulvériserai les deux mondes et les crétineries qu’il renferme.
_ Tu peux pas faire des monologues plus longs ? Tu n’es pas assez diabolique, là.
_ N’est-ce pas exactement ce que tu veux, que je parle pour gagner du temps, malgré le fait que tu essaies depuis le début de me faire croire l’inverse ? »
Là, je m’autorisai à faire un sourire.
« Si, totalement. »

Jacob fut beaucoup moins délicat que moi et les battants de la porte tombèrent sur le sol en soulevant de la poussière. C’était une des rares fois où je voyais Jacob avec une salle allure : il avait retiré son haut couvert de sang qu’il avait attaché à la taille (je supposais qu’il ne pouvait pas le jeter à cause de sa bulle), ses cheveux aussi étaient teintés de rouge et une partie de son visage cicatrisait à peine. Une de ses oreilles avait été à moitié arrachés (c’était pour ça que l’oreillette avait disparu), et il souffrait d’autres blessures çà et là inquiétantes. Mais il allait l’air de se porter assez bien pour défoncer des portes, donc c’était que tout allait pour le mieux. Il se mit à mes côtés et se préparai en position de combat. Mon moral remonta légèrement ; je l’avais vu avec mes lunettes s’approcher, mais je ne savais pas qu’il trouverait le chemin aussi vite. Peut-être qu’il commençait à distinguer les auras lui aussi. Le MMM ne bougeait toujours pas et dit tranquillement :

« Un autre duo… La Private Joke, je suis honoré.
_ On n’est pas la Private Joke »
, lui répliquais-je en serrant les dents.

Je mis mon bras devant Jacob pour l’empêcher d’attaquer, parce que je savais qu’il avait tendance à frapper quand une discussion devenait trop longue. Il entendait pas, ça l’amusait pas, mais il ne fallait pas l’affronter tout de suite. Pas tout de suite, mais bientôt. Le MMM commença à se lever. Et merde, lui n’allait peut-être pas attendre pour charger par contre ? Mais je n’eus même pas besoin de le ralentir, parce que les renforts arrivèrent encore plus rapidement que prévu. Shana et Hélène passèrent à leur tour la porte en trottant, et se mirent en position près de nous deux sans oublier de nous demander si tout allait bien et qu’elles feraient de leur mieux. Elles étaient toutes les deux blessées, mais là aussi, pas assez pour ne pas continuer à se battre. On était tous les quatre alignés, formant presque un petit arc-de-cercle en face de lui. Shana Delizet, Hélène Metzergenstein, Jacob Hume, Ed Free. Je redressai mes lunettes de soleil puis pris mon panneau de signalisation à deux mains, totalement excité que mes espérances s’accomplirent après avoir balayé le vaisseau de mes lunettes de soleil, et que nous étions tous réunis pour la première fois contre un ennemi commun.

« Maintenant, on est la Private Joke. »
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Ed Free
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 1:47
Fino était plus que satisfait ; il avait un truc dont il pourrait se vanter toute sa vie, et évidemment, il n’allait pas s’en empêcher. Comme s’il avait regagné toute sa vitalité malgré sa démarche claudicante, il suivit les indications du MMM où devrait l’attendre sa première récompense, s’il avait bien compris. Il avait tout deviné, de A à Z, même s’il devait avouer, quelques lettres manquaient encore. Ça allait chauffer entre Ed et le MMM, mais ce n’étaient pas les affaires de Fino, pas pour le moment. Lui, il avait réussi à conclure son marché, il avait réussi à obtenir ce qu’il voulait. Il ne pourrait pas se vanter comme il l’entendait juste après, c’était moins génial, mais ce n’était pas si grave. Il avait prouvé à lui-même qu’il avait des boules, il pouvait presque arrêter sa vie ici. Mais d’abord, il fallait que tout le monde survive, ce qui n’était pas gagné d’avance. Le bébé phoque eut tout de même un sourire carnassier quand il pensait au plan du MMM. Tout devenait clair, horriblement clair ; il devait avouer, c’était un plan d’une ingéniosité et d’une cruauté sans bornes. En tout cas, de ce qu’il avait compris. Il adorait ça.

Il se trouvait maintenant dans un petit hangar métallique où cinq hommes étaient en train de charger des caisses à l’arrière d’un gros véhicule céleste. Sans voir la profondeur du coffre, il devait y avoir plus d’une centaine de grosses caisses entreposées les unes sur les autres. Aucun des hommes n’était armé. Ça, c’était une aubaine.

« HAUT LES MAINS, LES FILS DE PUTE !!! »

Surpris, les cinq hommes obtempérèrent plus ou moins rapidement, mais ça ne les sauva pas : Fino tira quand même, ébahi qu’un piège marcha aussi bien. Un des hommes s’effondra dans un râle et dans des giboulées de sang, et si le recul n’avait pas précipité Fino en arrière comme un petit feu d’artifice, il aurait tiré une nouvelle fois pour abattre un autre homme avant que ceux-ci ne réagissent violemment. Ils comprirent rapidement qu’il était inutile d’attendre que Fino se lasse de leur tirer dessus pour survivre et, même s’ils n’avaient pas d’arme, les quatre restants se jetèrent sur lui le plus rapidement possible. Le bébé phoque tira une seconde décharge qui fit s’affaisser un autre corps, mais ce fut l’intervention d’un katana qui le sauva. Lady Kushin, fatiguée et amochée, était dans la salle depuis le début, supervisant le chargement, et maintenant que son chouchou d’amour était là, se retourna contre ses hommes sans une once de pensée. Un poignet tranché vola, et même si ses blessures l’empêchaient d’user d’un art plus virevoltant, elle se débarrassa sans trop peine des gaillards restants. Dès qu’elle eut fini d’achever la dernière personne, elle ordonna d’un ton anxiogène à Fino :

« Pars d’ici vite, Fino ! Si tu m’aimes un tant soit peu, ne rentre pas dans cette pièce.
_ Bah, ça tombe bien justement… »
, ricana Fino en s’avançant tout de même dans la salle, vers les coffres.

Lady Kushin fit tout son possible pour l’empêcher de continuer sans le toucher, ce qui était plutôt difficile quand on essayait de s’imaginer la chose. Elle lui répéta qu’il ne devait pas être là, que ce n’était pas bien, et Fino lui dit qu’il s’en foutait et qu’il était là sur les ordres du MMM en personne. Il inspecta les différents cartons devant le souffle coupé de Lady Kushin, dont une petite centaine n’était pas encore rangée dans le gros véhicule. Ils avaient tous un nom composé de deux éléments : soit « Gros » ou « Fin » selon leur taille, puis un chiffre juste derrière. Etrange organisation, mais le bébé phoque ne s’y laissait pas tromper devant cette petite énigme. Il inspecta rapidement le premier carton à être catalogué dans la catégorie des petits, soit le chiffre zéro. Il trouva ce qu’il recherchait : le carton « Fin0 ». Tandis que Lady Kushin déblatérait sans cesse, il lui dit :

« Ferme-la un peu et ouvre-moi cette connerie. Après, tu me diras exactement ce que tu ne veux pas que je sache ; la confiance, c’est important dans un couple, tu voudrais pas briser notre relation ? Hum ? »

Le cœur de Lady Kushin ne s’offusqua même pas de ce chantage, et elle accepta à contrecœur d’obéir. Avec ses mains, elle ouvrit le carton et fut la première surprise de son chargement : un cahier noir. Elle entendit distinctement le phoque lâcher un bingo avant de s’en emparer. Il se dépêcha de le feuilleter et était de plus en plus ravi à chaque fois qu’il tournait les pages. Lady Kushin reconnut le journal de bord du MMM. Qu’est-ce qu’il faisait là ? Elle tenta de le faire fuir à nouveau :

« Fino, il faut partir. Je ne sais pas où en est David, mais il y a encore plusieurs centaines d’hommes dans ce vaisseau prêt à nous abattre.
_ Je suis mort de peur. A ce que je sache, ils n’ont pas le droit de nous tuer, mais de nous capturer.
_ Ça m’étonnerait de David, il n’aime pas obéir aux ordres. Fino, aucun général n’a de loyauté pour le MMM. Chacun voulait tirer du bénéfice sur son dos.
_ Ma pauvre vieille, il le savait parfaitement, et je dirais même qu’il l’attendait. C’est le MMM qui vous manipule sans même avoir besoin de vous toucher. »
Il se mit à sourire de toutes ses dents. « Maintenant, je t’en prie, dis-moi pourquoi tu veux me cacher ces caisses… Confiance, tout ça… » Lady Kushin s’avoua vaincu ; le bébé phoque quant à lui se disait qu’il adorait l’amour.
« C’est une partie des habitants de ton Royaume natal qu’on a capturés… Tous les phoques.
_ Ils sont très bien là-dedans alors, ces abrutis. Les regardez surtout pas dans les yeux, ils vont vous faire le coup du regard de débile avec une petite larme à l’œil. Je les connais. Mais continue Lady, il me semble pas avoir entendu pourquoi ils sont là…
_ C’était ton cadeau de mariage, Fino… »
avoua-t-elle, plus morte de honte que Fino l’ait découvert avant que sa nature, « Je connaissais ton désir le plus secret… Ton plan pour le Bal des Dessins Animés : jeter plein de phoques enragés dans le bal pour influencer légèrement les pensées des artistes dans le monde réel, et leur faire croire que les phoques pouvaient être méchants… Les Deux Dingues m’ont fourni le produit pour les enrager, et j’attendais juste l’été pour lancer le plan. » Fino marqua un temps, puis se mit à rire comme un dément devant… une telle idée. Il ne savait pas s’il se moquait d’elle ou s’il trouvait le plan absolument génial. Elle continua pour tenter de se justifier : « C’est pour ça que j’ai rejoint le MMM, Fino… Il m’a promis que si mes troupes l’aidaient et que je devenais un de ses généraux, il m’aiderait à préparer ce plan. Et il a tenu promesse. Si tu savais combien de temps j’en rêvais… Au moins trois mois. » Fino la regarda très sérieusement et lui dit :
« Je sais pas si t’as baissé dans mon estime ou l’inverse. Mais je ne peux accepter, Lady : ça serait me laisser acheter par le MMM et je m’y refuse. Il me caressera pas dans le sens du poil, aussi rigolo son plan soit-il. Ne les débarque pas, je resterais fier et… » Il s’arrêta dans sa phrase, réfléchit trois secondes, et déclara d’une voix plus sournoise : « Ouais nan, je suis pas assez con pour profiter de l’occasion ! Lady, au lieu de titiller subtilement l’esprit des artistes pour un résultat proche du nul, on va donner une faible charge de ton truc pour les enrager, mais seulement pour un petit temps. Ils vont redevenir pacifiques au milieu de leur carnage et seront tous enfermés pour leurs crimes. » Lady Kushin frappa dans ses mains comme une petite fille gâtée :
« Mais c’est une très bonne idée ! Et merci qui ?
_ Comme si c’était ton idée, pauvre merde. »
Il réfléchit rapidement. « Bon, avant de continuer, on va se diriger vers le Rayon de la Mort, ça pourra nous être utile. Si je peux arrêter le MMM, je serai encore plus badass. »

__

Clem était dans l’impossibilité de le savoir, mais il ressentait parfaitement la menace des deux converger vers lui. Jasmine prit la première fiole qui lui passa sous la main, dont le liquide carmin lui faisait doucement penser à son hémoglobine qui allait gicler ; Capucine ne faisait rien de choquant, mais maintenant que le rouquin savait qu’il pouvait contrôler une partie du vaisseau, il le sentait frémir sous lui comme si le sol allait l’avaler. Il leva son doigt pour les interrompre et s’entendit dire :

« Excusez-moi, je ne voulais pas vous importuner, mais des amis à moi m’ont dit que vous n’étiez pas très intelligents. » Oh oh oh, très très mauvaise idée, Clem, sauf si tu cherchais à te faire tuer plus rapidement afin que ça fasse moins mal. « Heurm, je voulais dire que je ne les croyais pas, et je voulais donc vous poser quelques questions pour mesurer votre… QI. » Les deux scientifiques se regardèrent, et Jasmine agita sa main pour montrer qu’il n’en avait rien à foutre. Clem se racla la gorge et leur força un peu la main :
« Oui, heum… Première question… Euh, ben… combien font… neuf mille six cent quatre-vingt-trois multiplié par quarante-deux mille huit cent soixante-dix-huit ? » Il allait les occuper un peu de temps comme ça ; Connors s’était plongé dans le sol et en ressortait derrière les scientifiques près du canon gigantesque pour essayer de le trafiquer. Les Deux Dingues, dès que la question fut posée, se regardèrent un peu hagards et Capucine lui répondit d’un ton d’où perçait la déception :
« Ben, ça fait quatre cent quinze millions cent quatre-vingt-sept mille six-cent soixante-quatorze.
_ Ahah… »
, émit Clem en pleurant de désespoir dans sa tête. Sérieusement, si vite ? Même une classe remplie d’autistes aurait eu plus du mal. « La réponse est tout à fait exact ! Passons à la prochaine ! » Connors, bouge ton cul. Surtout que les Deux Dingues s’avancèrent vers Clem avec un air menaçant. La fiole de Jasmine s’envola de sa main et percuta le sol où se trouvait Clem une fraction de secondes auparavant, inondant le sol d’un acide qui pourrait emporter les salissures de chiotte avec les chiottes. Un Mass Effect l’avait déplacé loin des deux monstres et caché derrière un bureau d’où il pouvait poser ses questions, en faisant attention à leurs regards qui pouvaient trouver Connors.« Qu’est-ce qui est plus rapide que la vitesse de la lumière ? » Paf, une question impossible, qui fit tourner la tête des deux vers une rangée de cachettes possibles. Le bureau à gauche de celui où était Clem fut soudainement transpercé par une vrille de dix mètres faite en sol, plantant celui-ci dans les airs, faisant tomber des liquides certainement cancérigènes au vu de leur réaction quand ils touchèrent le plancher des vaches. Cela n’empêcha pas Jasmine de répondre, hésitant à attaquer ou à prouver sa sapiens.
« Une molécule d’arzunium trempée dans du vinaigre qu’on découpe en deux ! On a fait plusieurs tests, ça se joue à quelques milliardièmes de centimètres près sur cinq années-lumière, mais tout de même.
_ Exactement ! »
C’était quoi de l’arzunium ? De toute façon, ils pouvaient raconter n’importe quoi en face que Clem serait incapable de dire si c’était correct ou non. Il réussit à s’enfuir de sa cachette avant qu’une vague de métal ne renverse plusieurs bureaux qui se détruisirent à l’atterrissage. Clem faillit se briser les os sur le bureau en utilisant le Mass Effect, mais il était de nouveau prêt de la porte d’entrée, derrière un autre meuble, et pouvait voir le sort funeste réservé au mobilier qu’il avait laissé derrière lui. Les Deux Dingues commençaient à rager, Jasmine envoyant une fiole au liquide inconnu qui inversa la gravité des meubles et les explosa contre le plafond. Etrangement, l’Agoraphobe pensait qu’ils attendaient une vraie question, et qu’ils allaient véritablement se mettre à l’attaquer s’il ne remuait pas un peu leur matière grise. Clem réussit à en dénicher une de très corsée vu qu’il en inventa la moitié des termes : « Bon, que se passe-t-il quand on incinère deux molécules instables d’éorubusoir alors qu’on tente de fusionner des atomes de dropyginger à-côté avec l’aide d’un silex ? » Il était déjà parti quand les Deux Dingues tournèrent sa tête dans sa direction sans le trouver, et ce fut Capucine qui répondit, faisant le tour des meubles plutôt que de les détruire :
_ Rien si c’est à l’air libre, mais ça fait des étincelles violettes dans un espace confiné. » Il faillit, faillit voir Clem, mais celui-ci rampa doucement, hors de portée du champ de vision des deux qui commençaient à se disperser. Connors dû disparaître dans le sol car le regard de Jasmine se porta vers le Rayon de la Mort. Le dandy réessaya de la trafiquer dès que le danger fut passé.
« Ahah, bien joué, tu ne t’es pas fait avoir par ma question-piège ! », commenta Clem avec un entrain de plus en plus forcé. COMMENT ?! Il avait inventé des noms et ils avaient quand même répondu ! Derrière les Deux Dingues, Connors faisait tout son possible pour désactiver le Rayon mais il ne semblait rien trouver. Clem reprit la fuite, mais Capucine avait vu un trait de couleur traverser son champ de vision. Le sol se mut pour le faire tomber et ravager l’endroit où il se cachait, le forçant à une roulade derrière un établi. Le scientifique hurlait :
« Va falloir que tu te dépêches, tes questions sont ennuyantes !
_ Oui, attendez… Hm… Voilà, j’en ai une difficile : qu’ai-je dans ma poche ? »
A situation désespérée, question désespérée. Une fiole s’explosa près de lui, et le rouquin fut obligé de s’en aller car un vortex commença à se créer et fracasser tous les objets à proximité. Jasmine crut l’avoir vu et envoyait une autre fiole qui provoqua le même effet ; heureusement, le tintouin eut lieu à plus de dix mètres de Clem, qui réfléchit à sa question. Celle-ci avait fait ses preuves dans l’œuvre qu…
« De l’air », répondit Jasmine comme si c’était de l’évidence. Clem hocha la tête horizontalement comme s’ils pouvaient le voir.
« Et non, ce n’est pas ça.
_ BIEN SÛR QUE SI !!! »
, et à Capucine de répondre violemment :
« EST-CE QUE TU CROIS QUE TES POCHES SONT DES PUTAINS DE CONTENEUR AVEC UNE PRESSION EXTERNE EQUIVALENTE A UN CHEVAL SUR UN ONGLE ??!!
_ Pas exactement…
_ ALORS LA REPONSE EST VALABLE !!! »


Capucine n’avait qu’un seul bras, mais celui qu’il lui restait attrapa la table derrière laquelle se cachait Clem et trouva sa victime. D’une vitesse impressionnante, il lui attrapa le cou et commença à serrer. Ce mec était une sorte de cyborg vu la pression très régulière qu’on infligeait à ses os. Le scientifique lui demanda lentement de poser une autre question sans se rendre compte qu’il l’empêchait de parler. Clem faisait de grands gestes à Connors pour lui dire qu’il ne pouvait pas tenir plus longtemps, et Jasmine était persuadé qu’il tentait de leur soumettre une nouvelle question par signes, et il tentait de déchiffrer avec une expression très sérieuse et attentive. L’Agoraphobe réussit à dire en pointant du doigt derrière leur dos :

« Attention ! Un ennemi ! »

Connors lâcha une clef à molette au même moment afin que les stimuli aient plus d’impacts. Les deux Dingues se retournèrent prestement et Capucine lâcha Clem. Grave erreur. Le rouquin se dépêcha de bloquer les deux têtes des scientifiques entre ses bras en serrant le plus fort possible. Jasmine et Capucine se mirent à hurler et à tenter de se retirer de l’étrangement mais l’Agoraphobe les tenait le plus fort qu’il pouvait. Un poing solide de cyborg lui rentra dans l’estomac et il dû lâcher un Capucine un peu trop vaillant ; il put se concentrer alors sur Jasmine, mais n’oublia pas de flanquer un coup de pied dans le bide du cyborg pour le faire reculer. Il raccourcit les distances pour se mettre hors de portée de son adversaire, surtout quand celui-ci avait pris la première fiole au liquide bizarre qui lui était tombé dans la main et le lançait sur lui. La fiole explosa à l’impact du sol et se mit à enflammer le carrelage de flammes extrêmement hautes.

« Pourquoi t’as jeté mon expérience sur le feu gravitationnel, enfoiré ?! », hurla Jasmine dont la face devenait rouge à cause de l’étranglement. Clem se cacha derrière une des cinquante tables qui ornaient la salle tandis qu’éclata un autre liquide (qui fit pousser des fleurs) juste à-côté de lui. Capucine répondait :
« Elles sont pourries tes flammes !
_ Non, elles sont pas pourries ! »


Suivi un grondement terrifiant venant du sol lui-même ; Clem se permit tout en empêchant Jasmine de bouger de jeter un coup d’œil. Il n’aurait pas dû. Le sol depuis les pieds de Jasmine se mit à onduler puis à former une sorte de vague métallique gigantesque qui se mit à avancer vers eux en soulevant sans difficulté les tables et tous les composants sur son passage. Il y eut une pluie d’expérience étrange qui frappa le sol, mais outre l’étrangeté mystique des conséquences de chaque « goutte de pluie », la vague allait les soulever et les écraser contre le plafond. Clem dut encore une fois partir de sa cachette en emportant le gros scientifique derrière lui et réutiliser son pouvoir. Il entendit la table derrière laquelle il se cachait se faire soulever et se briser dans la chute. Jasmine dans le vacarme remercia très fortement son ami d’avoir tenté de le tuer, et Clem lui donna un coup dans le crâne pour qu’il arrête. Leur fuite avait été camouflé par la vague, Capucine ne devait plus les voir. Connors avait dû se dématérialiser dans le sol parce qu’il était introuvable. Bon, pour le moment, ils avaient l’avantage.

Clem ne vit malheureusement pas que son prisonnier furetait partout à la recherche de quelque chose. Dès qu’il trouva une petite fiole violette qui fumait à travers un bouchon en liège juste au-dessus d’eux, il donna un violent coup d’épaule sur la table pour faire tomber le récipient. Clem ne put rien faire : la fiole se brisa en mille morceaux et dévoila instantanément une fumée pourpre qui lui piqua les yeux comme autant de cure-dents. Il se les protégea en pleurant et Jasmine en profita pour se libérer. Il l’entendit hurler hors du brouillard :

« BRÛLE EN ENFER, SALOPE !!! »

S’il ne l’avait pas prévenu, Clem serait certainement mort à l’heure qu’il est. Il s’enfuit en utilisant le Mass Effect, et laissa derrière lui une fumée épaisse qui, sous le coup d’une allumette lancée, se transforma en brasier explosif. Jasmine l’avait tout de même repéré malgré sa fuite éclair, et le gros lard se dépêcha de lui envoyer tous les flacons qui lui passèrent sous la main, passant de table en table pour récupérer des projectiles. Clem dû se baisser derrière d’autres meubles tandis que les projectiles s’écrasaient dans la salle autour de lui, avec une précision plus ou moins honorable et dans la grande majorité des cas, explosaient dès que le contenant était à l’air libre. Il alla se cacher derrière la base du Rayon de la Mort qui prenait presque la moitié de la salle dans sa largeur. Les deux autres allaient bientôt venir. Le visage de Connors apparut près de lui, et l’apparition fut tellement étrange que Clem faillit la puncher par réflexe. Il chuchota avec une crise cardiaque :

« Ne refais jamais ça…
_ Désolé. Ça se présente comment ?
_ Ils sont déchaînés.
_ Je m’occupe de Capucine.
_ On peut pas tirer à pile-ou-face ? »
Ils entendirent une voix beugler :
« SORTEZ DE VOS CACHETTES !!! SINON, ON VOUS TUE !!! » Connors leva les yeux en l’air :
« A son service. » Et il disparut. Clem déglutit et décida d’accepter la proposition. Jasmine le vit et hurla en le pointant du doigt :
« AHAH !!! TROUVE !!! » Il dévissa une fiole qui paraissait très costaude avec les dents puis cracha le bouchon. « VA … TE… FAIRE… »

Jasmine était en train d’ajuster son tir puis de lancer, mais le flacon dangereux contenant une eau claire (la rendant d’autant plus dangereuse) partait à peine de sa main que Clem avait utilisé un Mass Effect pour se retrouver brusquement devant lui, et il frappa le récipient avec son poignet qui partit vers le plafond. Il agrippa le col de Jasmine avec ses deux mains, et s’il avait été badass, aurait craché une phrase stylée. Mais préférant la survie à la classe, il se concentra sur son adversaire et les deux regardèrent la fiole lentement revenir vers eux par la force irrésistible de la gravité. Jasmine tenta de se débattre mais Clem continua à le maintenir sous la trajectoire de la fiole. Il se reçut des coups dans le ventre, dans la tête, et le must, un bon coup de pied dans les parties. Puis au tout dernier instant, Clem tira légèrement Jasmine vers lui pour le mettre bien au centre, et s’enfuit avec un Mass Effect en arrière qui le fit percuter violemment contre une table. Il eut extrêmement mal, mais la douleur fut certainement moins pire que celle de Jasmine qui reçut la fiole en plein dans l’épaule. Le liquide se dépêcha de sortir et commença à lui faire fondre ses habits, puis sa peau. Jasmine se mit à hurler et à enlever le plus de liquide presque gluant de son bras quitte à sacrifier son autre main. Sa douleur semblait plus qu’atroce alors que le produit le rongeait, faisant fondre littéralement sa peau qui se mit à s’égoutter sur le sol par gouttes de chair entières. A la fin du processus, Jasmine avait une sorte de bras difforme rouge, les larmes aux yeux, les joues rouges, et à genoux. Clem prit sa tête et l’envoya rejoindre le sol à grande vitesse. Le corps de Jasmine ne bougeait plus après quelques spasmes, mais sa respiration restait régulière. Il était quand même costaud pour avoir un état stable dans une telle situation. Et puis la douleur dans les parties de l’Agoraphobe vint, lente, inexorable, et extrêmement vaste.

De l’autre côté, Connors était réapparu juste devant Capucine et lui envoya deux coups de poings dans le visage qui lui firent à peine craquer la nuque. Le scientifique envoya une gifle avec son bras valide qui fit s’envoler Connors. Il rejoignit sa victime et se mit à l’étrangler comme il l’avait fait avec Clem, et en serrant les doigts si fort qu’après quelques secondes, il aurait pu séparer la tête du corps en gardant un morceau de colonne vertébrale comme souvenir. Mais Connors disparut, comme s’il avait été aspiré par son bras robotique.

Le pouvoir de Connors marchait mal sur les êtres vivants car les molécules étaient tout le temps en action : les organes, la peau, les muscles, le sang… Mais tout ce qui était solide comme ce bras métallique était bien plus aisé à percer. Il commença à envahir toutes les parties robotiques de Capucine (même si c’était plus difficile que prévu ; la fusion entre de la chair bien vivante et des parties bioniques lui avait fait perdre des centaines de milliers de molécules, de quoi lui laisser quelques blessures mineurs quand il ressortirait de là. Mais maintenant concentré dans toutes ses parties mécaniques, il pouvait jouer un peu avec lui. Il bloqua quelques circuits électriques avec ses propres atomes, ce qui paralysa Capucine. Puis il fit de même, mais entre les batteries et le cerveau. Quelques secondes plus tard, et le corps du scientifique tomba sur le sol, inconscient. Connors se sortit du corps et reprit une forme tangible. Il vit que Clem avait aussi remporté son combat et qu’il était en train de se masser… Le rouquin ne laissa presque pas la douleur percer :

« Je crois que ce connard m’a explosé une testicule.
_ Dans un livre, y a un gars qui est mort de ça. Ça parle aussi d’une femme nue enchaînée dans lit par des trips sados masos, seule, dans la campagne, et qui se fait visiter par un chien bouffeur de cadavres et un nécrophile.
_ Ne me prête pas ce bouquin… »
conclut Clem en faisant le vide dans son esprit. Connors frappa tout de même dans sa main :
« Au moins, la salle est à nous !
_ Perdu, elle est à moi ! »
, l’interrompit Fino escorté de Lady Kushin. Il se mit à cracher une insulte quand il vit la figure de Clem. Connors lui raconta :
« Clem est venu à notre rescousse.
_ Génial. Dieu nous a accordés un Deux Ex Machina et faut que ce soit ce con. Il a cherché la première crotte de nez qui lui tombait sur le doigt et il nous l’a balancé. Merci Dieu... Bon, maintenant, poussez-vous, j’ai un Rayon de la Mort à utiliser. »


__

Il n’y avait rien à dire entre nous et lui. Comme il l’avait si bien dit lui-même : on était les derniers espoirs pour le vaincre avant qu’il ne mette son plan en place, quel qu’il soit. Il n’y avait pas besoin de réfléchir et de blablater, et on fonça tous en même temps. Jamais on n’avait encore combattus tous ensemble, mais ça n’empêcha pas qu’on avait beaucoup discuté de comment ça pourrait se passer, et dans nos têtes, l’ennemi était toujours mis KO en quelques secondes tant on était efficaces. Même si je savais qu’il ne fallait jamais se leurrer avec, je fondais tout de même beaucoup d’espoir sur la pratique. En tout cas, les premiers signes étaient encourageants : Shana avait invoqué sa poupée et un ouragan de plumes noires envahirent le trône du MMM. Celui-ci restait tout à fait immobile, ne cherchant pas à s’enfuir pour nous permettre de lui envoyer un contre. Moi qui fonçais vers lui, j’étais aussi aveuglé, même si j’avais un avantage pour moi : les plumes venaient de mon dos et ne rentraient pas dans les yeux. Dommage que je ne puisse pas distinguer son aura, ça aurait été encore plus simple. Je fis un mouvement ample avec mon panneau pour le faucher au niveau des côtes. Il fit un salto arrière pour éviter l’attaque, ses pieds prirent position sur le reste de son trône, et il me fonça dessus… jusqu’à ce que Jacob intervienne par le côté pour faire avorter son attaque ; d’un coup dans les tempes, il le fit dévier. Premier coup pour nous.

Notre rôle à Jacob et à moi était extrêmement simple : protéger les filles. Shana était très intéressante pour perturber l’adversaire, et Hélène avait un pouvoir diabolique qui pouvait faire mal à n’importe quelle personne de n’importe quel niveau. Notre but était donc de l’occuper autant que possible supportés par Shana, et permettre à Hélène de porter un coup avec son acide pour lui ronger son masque ou bien sa cape. Notre façon de nous battre était extrêmement fluide, surtout entre Jacob et moi, qui pour le coup, avions l’habitude. Mon panneau volait, la bulle de Jacob frappait, mais le MMM avait assez de culot pour parer les attaques successives. Il fit un pas de côté pour éviter la bulle de Jacob, para mon panneau en décalant l’impact, fit de même avec un bon coup de poing et… fut bloqué par la bulle de Jacob. Le schéma se répéta souvent : je m’occupais plus de l’attaque, et Jacob, de la défense. Sa bulle se tordait pour éviter les contres tandis que je prenais quelques risques, assurés par mon coéquipier, afin de toucher le MMM.

Je frappais un coup, deux coups, trois coups, il esquiva le quatrième coup, je profitai de l’élan pour tourner sur moi-même afin d’engranger de la puissance d’impact, le MMM s’avança pour contrattaquer en profitant que j’avais le dos tourné, mais Jacob se posta devant moi pour faire échouer l’attaque, et se retira instantanément après. Mon panneau faucha le MMM aux côtes et le fit s’envoler jusqu’à un mur où il s’écrasa. Il se remit en position de combat aussitôt sans montrer le moindre signe de fatigue, et repartit à l’assaut sans rien dire. Il sauta par-dessus une distorsion de la bulle de Jacob, continua son chemin comme si de rien n’était, glissa sur la défense impénétrable de mon coéquipier pour se retrouver juste devant moi. Je lui envoyai d’un coup rapide la tige de mon panneau dans le ventre qui le fit reculer d’un pas, le MMM décocha un coup de pied en arrière dans la bulle de mon compagnon avec une puissance suffisamment grande pour l’éloigner de nous, et repartit direct au combat. Il se défendit de tous mes coups sans problème, m’attrapa soudain le poignet, je m’en délivrai d’un mouvement rotatoire comme me l’avait montré Lady Kushin, mais ne fus pas assez rapide pour enchaîner avec un contre : l’autre me cogna violemment à la tête pour me récompenser et je partis en arrière, glissant sur le sol. Pour me protéger, ce fut Hélène qui vint à ma rescousse. Elle fit un mouvement sec du poignet et de l’acide jaillit vers l’agresseur. Le MMM se protégea avec son bras en s’en prenant la quantité la moindre possible, mais avant qu’il ne puisse attaquer Hélène, Jacob était revenu en volant et lui fonça dans le dos. Il n’esquiva qu’à moitié, et de retour sur mes deux jambes, mon panneau vola vers ses côtes. Il encaissa le choc en se protégeant avec son bras, puis il attrapa mon panneau, me fit tournoyer quelques instants, me souleva de terre avant de me lancer en gardant mon arme avec lui.

Tandis que je tombai sur le sol une seconde fois, un sécateur vola en tournoyant. Le MMM para gracieusement la tentative avec mon arme, avisa le coup qui venait de Shana, et lui lança mon panneau dans une tornade parfaite. Elle se jeta au sol pour ne pas se prendre l’arme qui se planta violemment dans le mur derrière elle. Jacob combattit courageusement le MMM mais ne réussit qu’à se prendre des coups malgré l’enveloppe protectrice qui lui collait au corps. Il était déjà amoché en plus, et l’attaque du MMM l’aurait certainement mis par terre s’il n’avait pas eu le réflexe de remettre sa bulle en mode ballon. Son ennemi avait anticipé l’attaque et s’était jeté en arrière pour ne pas recevoir la plaque en pleine gueule. Il détourna habilement une attaque d’Hélène sur le côté, et ce fut à mon tour de revenir. Il décalait deux poings qui lui visaient le visage, et la force mise dans les parades créait un coup sourd qui faisait s’envoler la poussière. Mon bras para un crochet délicat, je tentai d’enchaîner, il évita le coup, je continuai avec un coup de coude qu’il stoppa avec la paume de sa main, et il termina par me pousser pour me faire perdre l’équilibre. Il fit une roulade pour éviter un poing de Jacob, faucha mes jambes au passage, se releva pour soulever Hélène de terre avec un uppercut qui me fit avoir mal pour elle. Jacob tenta de lui foncer dessus en volant, mais le MMM bloqua net avec sa main. Jacob poussait de toutes ses forces, le MMM le stoppait à bout de bras, et il abaissa sa main qui fit s’écraser l’Intouchable sur le sol en le défonçant allégrement. Shana prit son courage à deux mains et se mit à son tour au corps-à-corps. Mais elle pâtit de sa faible condition physique : son attaque fut avortée avant même d’être lancée, et en une seconde, elle fut plaquée contre le sol, son bras à la perpendiculaire de son corps, et il aurait certainement été brisé si mon coup de pied n’avait pas éloigné le MMM. Les autres se relevèrent, et le combat continua, toujours Jacob et moi en première ligne.

Je fus le premier à m’élancer. Ma nuque partit en arrière pour éviter une attaque, on échangea quelques coups très rapides et très brutaux, je tentais de passer derrière lui afin que Jacob le prenne en sandwich. Le MMM se reçut un petit coup dans la tempe, et légèrement surpris, je lui assénai une bonne frappe dans la gueule. Il tenta de me frapper dans le cou à l’aveuglette mais je me baissai sans problème ; avec des réflexes incroyables, il m’envoya un coup de pied brusquement dans l’épaule en profitant du fait que j’étais accroupi. Je roulai par terre misérablement tandis que Jacob lui attrapa un bras. Oh, yes ! Il se mit à le serrer de plus en plus fort pour l’immobiliser, et survint Hélène, sa main barbouillée d’acide afin de lui asséner un coup terrible. Mais le second bras du MMM s’enroula autour de la main invisible, et avec une force incroyable, décolla Jacob du sol pour l’envoyer sur Hélène. L’Intouchable lâcha le bras afin de ne pas heurter sa collègue, et une nouvelle tactique fut avortée. Je pensais qu’il fallait passer à quelque chose de sophistiqué, il réussissait à mener légèrement le combat et même si ses mouvements étaient peut-être ralentis par ses combats précédents, c’était pareil de notre côté.

Pour bien montrer à Jacob, je plaçai mes deux paumes de main l’une en face de l’autre, puis je les tournais vers le sol, et fis des becs de canard avec mes doigts en séparant les deux mains. Pour des spectateurs ignorants, ils pourraient simplifier en disant que j’avais dessiné une sorte de cratère ; pour les autres, j’avais utilisé le langage des signes pour dire à mon collègue « calme ». Bref, j’allais me charger de l’attaque. Je disais aux deux autres de se tenir en défense et vérifia qu’elles étaient bien en position. Je pus tenter une attaque contre le MMM, mais il réussit à m’attraper le bras sans difficulté ; il était plus vif que moi cet enfoiré. Il passa par-dessus mon épaule avec un saut parfait, et je réussis à sauter à mon tour au-dessus de lui pour suivre le mouvement et éviter qu’il ne me pète le bras. Son deuxième poing allait me fracturer la mâchoire, mais une paire de portails se forma en un clin d’œil : sa main passa à travers la porte et ressortit frapper la main dégoulinante d’acide d’Hélène. Le MMM enleva précipitamment sa main avant que celle-ci ne l’attrape pour la lui faire fondre, mais son sang avait quand même attaqué son gant et un peu de chair. Il se battit cependant courageusement avec les deux poings, et malgré quelques tentatives, je ne parvins pas à briser sa défense et me ramassai quelques beignes dans le ventre et dans la gueule, qui me fit cracher du sang. Ce salaud frappait durement avec une puissance contrôlée pour être efficace sans se précipiter. C’était quasiment impossible de voir ses mains et ma défense se basait plus sur l’instinct que la lecture adverse : il se défia facilement de moi et m’envoya balader avant que Jacob ne me vienne en aide.

Mais même à deux, le MMM contrôlait de plus en plus la situation. Et dire que ce connard n’avait même pas utilisé une seule fois ses pouvoirs… Bah, profitons-en alors. Je me reculai et les mains tournées vers moi, je touchai mes pouces avec chaque index puis les tournais vers Jacob. Ca voulait dire « Dix ». Je ne savais pas comment on disait « Bowling », « Quille », ou quoique ce soit d’autre. Il arrêta le contact avec le MMM à son tour et je créai deux portails, un près du plafond, l’autre près du sol, et je les fis visible par mes alliés afin qu’ils puissent bien voir le processus. Jacob se plongea dans le premier au sol et ressortit dans le second à toute vitesse, puis comme l’un était sous l’autre, il se mit à aller de plus en plus vite, aider de la gravité artificiellement infinie et du fait qu’il pouvait voler pour gagner de plus en plus de vitesse. Au bout d’un moment, il pouvait franchir trois fois les portails en une seconde. Pour lui permettre d’aller à la vitesse optimum, Hélène et moi défendions sa course folle en faisant reculer le MMM comme on pouvait. Mais la Contrôleuse d’Acide était trop fatiguée, et elle n’était pas au niveau. Shana fonça nous aider un sécateur à la main mais ça ne changea rien ; il nous dominait quand même au corps à corps. Il arrêta mon poing dans une paume et me fit reculer avec un coup de pied dans l’estomac, il partit légèrement en arrière et plia Hélène en deux avec un coup puissant dans la poitrine, puis d’un mouvement aussi simple que complexe, il utilisa l’élan que j’avais en fonçant vers lui pour m’envoyer par-derrière son épaule, et tandis que je retombais sur le dos la respiration coupée, il attrapa une des cisailles de Shana qui le menaçait et la tordit si violemment que le métal se rompit, forçant la poupée à disparaître. Il repoussa encore une fois les deux filles sans difficulté, anticipa mon attaque par derrière et bloqua ma tête avec son bras. Il tenta de m’étrangler, mais la main acidifiée d’Hélène le menaçait et je réussis à me défaire de sa prise en attrapant une de ses jambes et en le soulevant. Il fit un salto pour se remettre en position.

Il bloqua un bras de Shana avec une vivacité impressionnante et lui envoya un coup terrible dans le nez qui la fit s’effondrer sur le sol et descendre d’une marche du promontoire. Il se retourna violemment, faisant s’envoler sa cape derrière lui, m’empêchant pour le coup de contrattaquer, et envoya une vingtaine de coups de poing ultra rapides sur Hélène, en plein dans le ventre et remontant au visage. Il attrapa mon pied qui volait vers lui et faillit briser mon genou d’un coup sourd. Il me repoussa violemment et je tentais de garder l’équilibre, car à vingt centimètres derrière moi, Jacob était à fond et pourrait m’assommer d’un coup. Et le MMM le savait parfaitement. Notre atout devenait un piège. Le méchant diabolique décala mon bras, m’envoya une frappe dans la tempe qui me sonna, m’agrippa au coup, me cogna dans la mâchoire assez violemment pour faire sauter une dent, et me repoussa violemment vers la fusée Jacob. Il fallait que je modifie le portail du bas pour l’envoyer sur le MMM, mais j’étais dans la trajectoire. J’usai de mes forces pour me brûler une autre paire de portails ; une première porte intercepta Jacob avant qu’il n’entre dans le portail presque collé contre le sol, et la seconde se situa juste en-face de moi, mais tourné vers le MMM.

« Le Super Bowling Striker. »

Ce fut un boulet de canon avec un Jacob au milieu qui explosa le MMM et l’emporta au loin, jusqu’au mur le plus proche qui céda sous l’impact. Jacob et le MMM se retrouvèrent à l’extérieur, et je serrai mon poing de victoire. Là, on l’avait bien remué. Je me dépêchai de récupérer mon panneau de signalisation planté dans le mur par la force du MMM. Le soleil nous éblouissait à travers la fente créée, et je ne voyais ni Jacob, ni notre ennemi. Jusqu’à ce que mon ami fonce vers moi à toute vitesse. Je m’éloignai en faisant une roulade tandis que mon compagnon s’écrasait contre le sol. Le MMM était revenu, et sa cape camouflait toute blessure qu’il aurait récupérée. Ça en était vraiment chiant de ne pas savoir jusqu’où il était touché. Il déclara solennellement :

« Vous méritez des honneurs. Je vais maintenant être obligé de vous abattre. »

Dès qu’il posa le pied sur le sol, Shana lui renvoya une tempête de plumes noires pour l’aveugler. Mais cette fois-ci ce fut différent et je commençais à me mordre les lèvres : il utilisait son pouvoir. Au lieu de l’aveugler, les plumes brûlèrent dès qu’elles arrivèrent à cinquante centimètres de lui. Elles étaient réduites en cendres par centaines sans avoir ne serait-ce qu’un espoir de le toucher. Il se déplaça ensuite si vite que je le vis à peine. Il attrapa le poignet de Shana, fit tourner le corps entier avec et lui écrasa la tête contre le sol, la faisant s’évanouir direct. On n’était plus que trois.

Jacob fonça à sa poursuite et frappa le MMM dans le ventre. Le coup fut paré, mais Jacob n’avait pas foncé comme un idiot : il était trempé de sang acide, sa bulle en était tartiné par les bons soins d’une Hélène plus blanche que jamais. Elle allait bientôt être à court, je le sentais.... Le MMM se déporta violemment de lui, chacune des attaques de Jacob pouvant le blesser. Celui-ci était d’ailleurs en mode ballon afin qu’aucune attaque ne puisse lui faire du dégât et tout de même repeindre la face du MMM d’un vert acide. Celui-ci réussit tout de même à planter Jacob dans un mur avec un coup d’une puissance impressionnante de la paume (afin de ne pas se péter les doigts). Il reporta son attention sur Hélène et moi ; après m’avoir dégagé d’une frappe leste en plein dans le menton, il fit tomber la fille sur le dos. Là, il plaça sa main juste devant elle et invoqua un courant d’air furieux à dix centimètres de portée. Telle une frappe physique extrêmement violente, Hélène fut assommée sur le coup, s’envolant dans la salle, ballotée par le pouvoir. On n’était plus que deux.

Je fis tout mon possible pour faire abstraction de Shana et Hélène qui reposaient, couvertes de sang, mais je n'avais pas le temps de vérifier leur pouls. J'en crevais d'envie pour Shana, je ne voulais surtout pas qu'elle meure, mais j'avais encore plus peur pour Hélène, qui, même si elle était assommée, pouvait mourir par manque de sang. Et lui faire une perfusion allait être compliquée vu que son groupe sanguin devait être "A"cide +. Mais le combat devait continuer, et le MMM était de plus en plus puissant, de plus en plus rapide et il ne se sentait plus coupable d'utiliser ses pouvoirs. Il n'en avait utilisé que deux, et ça faisait deux Private Jokes en moins. Malgré la bulle invulnérable de Jacob, je commençais à craindre pour lui. Nos offensives combinées parvenaient à peine à le toucher, mais la défense de Jacob me fut d'un énorme secours à de nombreuses reprises. Franchement, on se battit comme de beaux diables : on enchaînait les attaques, on le prenait en tenailles... Mais peu à peu, Jacob faiblissait. Son endurance était son plus gros point faible et le combat avait duré trop longtemps. Ses mou-vements ralentissaient et me rappelaient que moi aussi, je commençais à fatiguer. Et d'un coup, le MMM agita la main, serra le poing, et Jacob ne put plus bouger. Il fit forcer sa bulle, mais il était comme paralysé. Il tentait de se débattre, essayait dans toutes les directions, mais c'était comme si son Artefact refusait de lui obéir. Il eut l'idée de la remettre près de son corps, mais le MMM attendait justement ce moment-là : il se précipita sur lui et lui asséna un coup dans le ventre en plein dans ses blessures. L'attaque fut assez puissante pour que le corps de Jacob l'encaisse sévèrement. Il tomba à terre, et il réussit à peine à remettre sa bulle en mode ballon pour être invulnérable qu'il ne fit plus un geste. Ses poumons cherchaient de l'air désespérément, mais lui-même ne bougeait plus consciemment. Plus qu'un.

« Plus qu'un.
_ Tu sais compter, c'est cool...
_ Ed ? »
fit une troisième voix. Celle nasillarde de Fino. J'appuyai à contrecœur en faisant un signe de stop au MMM, qui étrangement, accepta :
« Tu me veux quoi, je suis occupé ?
_ Rien, je me disais juste que j’espérais que t’avais les cent EV parce que t’auras perdu ton pari, parce que là, je suis tranquillement reposé sur mon siège, je suis content, et toi, t’es en face du MMM. »
Je me tournai vers le MMM :
« Je m’excuse vraiment, hein ? Il va m’insulter encore un peu et tu pourras m’achever. Herm, Fino, c’est pour ça que tu me les broutes ?
_ Je peux pas t’en dévoiler plus de son plan, mais je peux te dire sa prochaine manœuvre…
_ Comment ça tu peux pas me dire son plan ? »
, lui hurlais-je presque outré.
« C’est trop long et tu paniquerais comme une petite fille. Bon, je peux te dire que la prochaine étape de son plan, c’est de te tuer.
_ Mais pourquoi ?
_ Demande-le lui. Voilà, je te conseille de survivre le temps de… Bah… non, juste survis.
_ Il est super génial ton conseil de merde ! Si tu me l’avais pas dit, je lui aurais présenté ma nuque.
_ AH TU FAIS CHIER !!! »
, beugla-t-il dans mon tympan. « Le voilà ton conseil de merde : fais ce qui a toujours marché pour toi ! Bref, fais un truc vraiment stupide.
_ Un truc comme me suicider ?
_ Bon, tu dis encore une connerie et je te passe ton frère !
_ Clem est là ?
_ Il a passé son temps à se masser la seule couille qu’il lui reste mais ouais, il est là.
_ Il est en sécurité ? »
, demandais-je. Fino sembla hurler la question à mon frère, et revint au micro quelques secondes plus tard : « Je peux pas le savoir, il est en train de se faire taper dessus. Y a les mercenaires de David qui veulent reprendre la zone. T’inquiète Ed, je serai subtil et j’essaierai de faire croire qu’il s’est fait tuer par les ennemis. Je coupe, ça devient dangereux dans le coin. » Oui, parce que le MMM était pas dangereux. Tranquiloulou.

La discussion avait pris fin et je regardais mon adversaire en utilisant mon panneau de signalisation comme moyen de défense. Il fallait que je survive… Il fallait que je survive… Facile à dire. Jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que je me réveille, c’était évident. Ensuite, je pourrais lui échapper. Mais à part fuir comme un lâche en dépensant mes portails, je ne pourrais pas faire grand-chose. Il était assez puissant pour sentir les auras, je n’en doutais pas. Et je ne disposais pas de camouflage comme lui. Ce qu’il me fallait, c’était un endroit rempli de cachettes… Mais dans son vaisseau, c’était impossible à trouver. Quoique… Ouais, il n’y avait pas de cachette dans son vaisseau, et je le connaissais moins bien que lui. Bon, Ed, il était temps de faire quelque chose d’incroyablement stupide ; Fino apprécierait.

Je fonçai vers le MMM, panneau brandi et lui assénai un violent coup qu’il réussit sans peine à esquiver ; il parvint même à attraper un bout du panneau. Bon cœur, je le lui cédai avec une estocade si profonde que j’en perdis mon arme. Déstabilisé, il ne put même pas me rattraper alors que je courus loin de lui… en plein dans le trou creusé par Jacob en mode Bowling. Je fonçai, sprintai, allai de plus en plus vite tandis qu’il me rattrapait… Je vis très bien mon dernier pas, le bout de ma godasse dans le vide, encerclé d’une lumière jaune aveuglante (le soleil s’était levé, donc… Moi qui pensais que c’était le crépuscule). Puis mon autre pas se fit dans le vide, j’avais légèrement bondi. Je vis la scène un peu comme au ralenti, moi dans les airs, entouré d’un bleu infini et de nuages au blanc pur, continuant à garder une trajectoire horizontale, le vent qui me léchait à peine les cheveux et les vêtements, tellement haut que je ne voyais pas le sol à cause des nuages, puis tout alla très vite, le vent m’emporta comme une feuille de papier, je tombai très rapidement une seconde après avoir quitté la terre ferme, je prenais de la vitesse, je valdinguais entre les nuages alors que le soleil m’éclaboussait d’une lumière dorée. Tout était magnifique. Dans une autre occasion, j’aurais pris mon pied, je me serais éclaté comme un dingue.

Mais le MMM derrière moi, laissant les bras le long de son corps pour me rattraper, me ramena à mes prérogatives. Il savait très bien qu’en bas, il y avait la Petite Réalité et qu’en nombre de cachettes, il y avait de quoi faire. Tout un Paris onirique pour m’y cacher, je n’en demandais pas tant. J’allai de plus en plus vite, imitant le MMM dans cette course vers le sol qui allait durer bien cinq minutes. Mais une grosse masse informe chuta près de moi, et avant que je ne l’identifie comme le MMM, je reconnus un gros panda roux. Ah, l’Invocation du Général Panda qui devait servir de filet de sécurité en cas de défaillance de BHL. Je l’empêchai de m’agripper et pointai du doigt le MMM :

« Sauve-le lui, plutôt ! Moi, je me débrouillerai ! » Il me fit un salut militaire pour dire qu’il avait compris. Il ajusta sa position pour se retrouver près du grand méchant de l’histoire. Dommage pour lui.

Je passai à travers plusieurs couches de nuage, et j’avais l’impression d’avoir une vitesse stable. Le vent autour de moi était assourdissant, j’étais dans un grondement terrible qui m’emplissait, et je me remémorai ces anciens rêves que je faisais, quand je tombais, tombais, tombais… Puis que je me réveillais. Je fermais les yeux, en traversant la dernière couche de nuage, le MMM et le panda perdus de vue, et Paris se dévoila devant moi enfin. Il faudrait vite que je réfléchisse à utiliser une paire de portails parce que sinon, j’allais crever. Mais autour de moi, alors que je me rapprochais du sol, le grondement était de plus en plus intense, de plus en plus fort, de plus en plus violent. Je me laissais emporter par ce son qui semblait m’engloutir, je fermais les yeux.
Et me réveillai dans mon lit.

__

La passion brûle.
Tout lui faisait mal.
Le monde entier lui faisait mal.
Tout était horrible, incompréhensible.
Surtout incompréhensible.
Pourquoi en était-il arrivé là ? Comment ?
Pourquoi avait-il été aussi gentil tous ces dix derniers jours alors qu’il aurait pu écraser tous ces ennemis ?
Le MMM fila à travers les cieux, et ses yeux étaient injectés de sang.
Rien ne comptait d’autre, maintenant, que la destruction pure et simple.
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 1:58
Chapitre 12 :
Paris brûle-t-il ?




  Pour le coup, Fino ne s’y était pas attendu. Après avoir volé l’oreillette de Connors afin de connaître la situation dans le vaisseau ennemi, il avait pensé que seul le MMM était encore en jeu. C’était sans compter les quelques centaines de mercenaires vivants dans la base et qui avaient quand même hâte d’en découdre. Peut-être que lui-même pourrait s’en faire une bonne centaine voire plus, mais ça ne suffirait pas à arrêter toute l’armée en-face. Le vaisseau était trop immense pour que chaque partie de l’équipe du SMB rencontre une place armée, mais maintenant qu’elles s’étaient toutes regroupées avec un objectif bien défini, à savoir leur marcher sur la gueule, résister allait être compliqué. Pour le moment, ils envoyaient juste des éclaireurs pour tester la défense, et Connors, Lady Kushin et Clem avaient vaillamment résisté contre les soldats qui étaient arrivés, mais ça ne serait pas assez. Matthieu Furt venait à l’appel, mais c’était bien le seul et il fallait le temps qu’il arrive (et qu’il traverse le blocus). Fino était en train de réfléchir, posé sur le siège de tir du Rayon de la Mort, mais sans trouver de réponse valable, il regarda toutes les informations qu’il avait à portée. Le Rayon de la Mort était chargé à trente-cinq pourcent. Avec possibilité de rechargement si on frappait assez fort à un certain en-droit. Un plan miroita dans la tête à Fino afin de débloquer les deux situations.

« Hey ! La tantouze de service !
_ Oui ? »
Personne d’autre que Connors ne s’était retourné.
« Va chopper le Major, remets-le en état et amène-le nous. Il va pouvoir balayer les parasites et nous donner du tonus à notre engin.
_ Ah ? On va faire feu sur qui ?
_ Un peu tout le monde, mais j’aimerais commencer par Ed. Allez, grouille ! Les deux femmes qui restent vont tenir. »
Connors disparut à peine dans un mur que Jasmine se mit à railler bruyamment. Fino daigna jeter un œil aux deux Dingues, ligotés l’un contre l’autre avec des câbles en métal extrêmement solide.
« Qu’est-ce que t’as, tronche de vomi ?
_ Capucine ! Ils sont persuadés que…
_ Ouais, j’ai entendu ! »
Et les deux se remettre à rire de façon débile. Fino lâcha un juron ; il crut avoir compris ce à quoi ils faisaient allusion. Jasmine explicita sa pensée avec un sourire de cannibale affamé :
« Le MMM nous a tenus de garder ça secret en nous promettant de garder les plans de l’engin après le complot. Tout le monde y compris David ou Lady Kushin l’ignorent. Mais pas nous.
_ Le Rayon de la Mort n’est pas rechargeable !
_ Dommage »
, répondit tranquillement Fino en se détournant d’eux, « Dommage pour tous les soldats dehors, le Major va pouvoir s’acharner sur eux au lieu de recharger notre petit joujou. »

  Putain, il avait espéré que ça soit pas des âneries. Fino entrapercevait de mieux en mieux le plan du MMM, bricolé avec du bric et du brac pour un résultat totalement dingue. Fino ne disait pas qu’il fallait arrêter ça absolument, parce que ça irait contre ses principes, mais si LUI pouvait l’arrêter, ça lui ferait d’encore plus grosses couilles. L’organisation du MMM était loin d’être aussi huilée qu’on aurait pu le croire. Tout n’était que façade, tout avait été soigneusement ficelé. Maintenant, il fallait battre le MMM avec tous les outils à disposition, et ils étaient de plus en plus réduits. Mais comme d’habitude, il ne se préoccupa pas des chances de victoire ou de défaite.

__

  Ouaoh, réveillé, aussi rapidement ? Je ne savais pas que les conseils de Fino étaient aussi efficaces. C’était la chute qui m’avait réveillé ? Comme dans un rêve lambda. Ou non, c’était tout simplement un timing particulier ? Je me levai, me défis de ma couette tout en baillant. Je n’entendais pas d’autres sons dans la cuisine, les gens avaient déjà dû partir. Jacob et moi s’étions bourrés de somnifère pour être certains de ne pas se réveiller ; les filles étaient peut-être parties parce qu’on dormait comme des loirs et n’avaient pas cherché à nous réveiller. Je m’étirai, les yeux lourds et sortis de la chambre de Cartel pour aller voir l’heure sur le four de la cuisine.

  Oh, attendez une petite minute. Un truc clochait : je m’étais endormi dans le salon avec Jacob, pas dans le lit de Cartel. Et il n’y avait même pas Jacob dans l’appartement. Je jetai un regard circulaire dans le salon. Le soleil de midi traçait des formes lumineuses entre les volets et les rideaux du salon. Les jeux de Nintendo 64 n’étaient pas aussi nombreux qu’ils auraient dû l’être : Cartel avait bien une vingtaine de cartouches, et je n’en voyais ici qu’une petite dizaine. Je jetai un coup d’œil dans les tiroirs, et à la place de a myriade de couverts que les deux filles possédaient, il n’y avait que quelques fourchettes et couteaux qui se battaient. Je n’étais pas chez Cartel. J’étais toujours dans la Petite Réalité, j’étais toujours sur Dreamland. Je tirai le grand rideau du salon, et ce fut bien Paris qui me tendait les bras, mais un Paris très vide. Mes lunettes de soleil fonctionnaient assez bien et je pouvais voir que chaque Rêveur qui paressait dans les rues sans rien foutre d’autre avait bien une aura ; mais ils n’étaient pas du tout aussi nombreux qu’ils auraient pu l’être. J’appuyai sur l’oreillette pour voir si elle fonctionnait encore, et je lançai un message :

« Je suis dans la Petite Réalité. Je vais me cacher le temps de survivre.
_ Reçu cinq sur cinq ! »
, me répondit la voix haletante de Fino. « Fais vraiment gaffe, Ed, t’es tout seul ! Tout seul ! Le MMM va donner tout ce qu’il a pour te faire la peau ! AH PUTAIN, RECULE, PUTE DE MERDE !!! » La communication coupa ici. Même eux était dans la galère ? Le poids de l’armée en face jouait énormément.
« Si ton phoque ne voulait pas te faire paniquer, il n’a pas bien joué son coup », fit une voix métallique derrière moi. Il m’avait déjà trouvé ?
« Comment avez-vous fait pour me trouver aussi rapidement ?
_ Je dois t’avouer que c’est le premier endroit où j’ai cherché. »
Ma stupidité sans borne ne connut pas de limites. Si j’avais avoué à Fino que j’étais précisément là où n’importe qui de censé irait me chercher en premier lieu, il aurait préféré m’engueuler dans le micro plutôt que de défendre sa vie.



  Avant de me lancer dans le combat, toujours de dos face à mon ennemi, je fis un bref point de ma situation : depuis le début, j’étais en mode « automatique » qui avait l’avantage de ne pas me faire baliser. Depuis le lancement de l’opération, je ne ressentais plus de joie, plus de terreur, juste faire ce qu’il y avait à faire et prier. En gros, j’avais gardé mon sang-froid en sacrifiant mes émotions. Certes, la partie Ophélia me rongeait passivement le ventre mais j’étais toujours concentré sur le MMM. Par contre, maintenant, je commençais à craindre ce qui m’attendait. Une sorte de super Voyageur se tenait derrière moi et comptait me faire la peau. Si je mourrais sur Dreamland, je ne pourrais jamais m’excuser auprès d’Ophélia ou lui faire comprendre pourquoi je l’avais empêché de se suicider. Mon ventre était pétri d’un stress qui me faisait respirer fort : je commençai à appréhender la peur, et peut-être l’adrénaline que ça allait me procurer. Il fallait que je me calme… Il fallait que je sois en pleine possession de mes moyens… Si son plan diabolique passait par ma mort, alors j’avais une tonne de responsabilités sur mon dos. Encore des vacances de merde sponsorisées par les méchants diaboliques de Dreamland. Je ne voulais pas mourir et je ne voulais pas qu’un scénario apocalyptique en découle à cause d’un nihiliste de merde. Mon cœur était en de battre la chamade. Mon combat allait commencer.

  Cependant, il y eut une bonne nouvelle : je n’avais pas mal à la gencive ni aux ventres, aux endroits où il m’avait frappés. Je passai rapidement un doigt dessus, et même si je sentis une petite cicatrice, ça ne saignait pas et n’était pas si douloureux. Est-ce que Mylia continuait encore à me prodiguer des soins, même après le rituel ? Ça serait totalement inespéré. Si Ophélia avait été encore là, elle m’aurait certainement pu me doubler ma force d’impact comme contre Monsieur Portal l’été dernier. Mais il fallait la chasser de cette pensée : j’aurais le reste de ma vie pour assumer mes actes, il ne me manquait plus qu’à battre le MMM, ou à me réveiller avant (pour de vrai, cette fois) et le cauchemar serait peut-être terminé. Je n’avais plus mon panneau, mais mes deux coachs me l’avaient déconseillés : l’autre était trop vif pour se faire avoir. Le MMM me demanda d’un ton neutre, comme si lui était une putain de machine :

« On est nerveux, Ed ?
_ Je n’ai jamais aimé Paris »
, lui dis-je aimablement en embrassant les rues et la Seine du regard. « Sinon, toujours pas prêt à me dévoiler ton plan ?
_ Cette question devient réellement ennuyante.
_ Pauvre chou. »


  Je me retournai d'un coup, embarquant la télé à écran plat de Cartel pour la jeter sur le MMM. Le projectile lui passa près de l'épaule sans plus à cause d’une petite esquive et il s'écrasa en défonçant la porte de la cuisine. Il s'approcha de moi avec une vitesse effarante, mais j'anticipai son premier coup avec une précision étonnante. Mon bras protégea ma tempe et se déplia soudainement pour lance une contre-attaque à toute vitesse vers le menton du MMM. Il para mais je m'avançai pour porter de nouvelles attaques très rapides afin de le forcer à s'épuiser. Il était peut-être légèrement moins rapide qu'avant vu la nuit fatigante qu'il avait passé, mais je ne voulais pas que l'optimisme me fasse croire n'importe quoi. Il restait tout de même plus rapide que moi et ses coups avaient plus d'impacts que les miens. Cependant, je l'avais pris de vitesse, et concentré sur ce que je faisais et les mouvements de mon adversaire, je parvenais à me défendre honorablement dans un corps-à-corps très rapproché. Les coups pleuvaient rapidement et le mobilier n'hésitait pas à se faire détruire au passage. Une lampe vola à travers la pièce et l'ampoule se brisa en mille morceaux sur la moquette, une porte céda sous les coups.

  Je réussis à lui enchaîner deux coups dans le ventre et un à la tête, et il me dégagea d'un rapide coup de pied qui me fit cogner le mur qui séparait le salon de la cuisine. Son poing loupa ma tête et transperça le plâtre comme une feuille de papier ; je lui retournai un coup de boule dans les dents, et en réponse, il prit ma tête pour me faire cogner la porte d'entrée. Un peu assommé, je ne pus l’empêcher de me prendre par le col et la chemise et de me lancer à travers le salon avec une telle puissance que je traversai le mur pour retomber sur le lit de Marine qui s'écroula à moitié sous le choc. Je pris sa table basse en faisant tomber tous les objets que Dreamland avait mis dessus, et je chargeai mon adversaire avec. Il encaissa le choc avec ses deux mains même s'il glissa sur deux mètres en arrière, et il finit par broyer le meuble avec ses mains. Je récupérai la partie qui m'était alloué et lui envoyai un coup d'une puissance détonante dans la gueule. Il parvint à ne pas tomber, à frapper le meuble que j'avais jeté sur sa tronche pour éviter que le coup ne lui fut porté, et me chargea sans préliminaire. Si je ne tombai par sur le sol, c'est qu'on traversa l'encadrement de la porte menant à la cuisine et que la table me permit de m'adosser. La table elle-même fut poussée jusqu'au mur en-face et vit renverser la poubelle (vide). Il était en train de m'écraser entre la table et sa force ; je fouillai un des tiroirs et récupérai un couteau que je tentai de lui plonger dans son dos bien horizontal. Il para mon coup en attrapant le poignet avant que je ne le lui plante dans l'omoplate, et déconcentré sur sa charge, je réussis à lui envoyer un coup de genou dans l'estomac.

  Je le dégageai de moi d'un coup de pied et fonçai sur lui en prenant l'avantage. Gauche, droite, gauche, milieu, menton, tous parés, mais je voulais l'épuiser. La poussière éclairée par un soleil d'hiver à son zénith dansait autour de nous, semblant plus propulsée par le son des frappes que par leur impact. Mon cou évita de peu un tranchant de la main, et je me forçai à avancer pour garder l'avantage : si je reculais, je perdais. Je réussis à le surprendre en frappant au niveau de sa cheville pour le désarçonner. Je lui balayai le ventre avec une attaque lourde qui le fit reculer. Je lui envoyai une autre frappe de toutes mes forces et désarçonné par le premier coup, le MMM se reçut le choc et traversa la fenêtre du salon comme une fusée et tomba dans les rues de Paris, quelques étages plus bas. Je profitais de ce répit pour tenter d'appeler Fino, mais je n'eus aucune réponse.

« Fino, c'est Ed ! Tout va bien de votre côté ? »

__

Le détruire.
Comment une abomination comme le monde avait-elle pu voir le jour ?
Il fallait le détruire.
Commencer par Ed Free.

__

  Je repartis vers la fenêtre pour jeter un coup d’œil au MMM, mais je me retrouvai nez à nez face à une 206 couleur gris métal. Je me baissai tandis que le véhicule explosa avec une redoutable efficacité les murs du salon qui retombèrent éparses dans tous les coins de la pièce tandis que le véhicule glissa dans un raclement de tous les diables sur le côté, une portière, un rétroviseur, et cinq vitres en moins jusqu'aux murs de la cuisine. Si ma sœur voulait savoir si une fenêtre plus grande méritait le prix des travaux, le MMM lui proposait une simulation digne d'éloge, même si les murs en avaient pâtis. Heureusement qu'on était sur Dreamland. Je jetais tout de même un œil en bas, et vis mon adversaire réaliser un mantra complexe. A la fin de celui-ci retentit une sorte d'explosion, comme si le bâtiment s'était reçu une onde sismique. Tous les étages tremblaient, les vitres se brisaient, le sol et le plafond se crevaient. Ce connard venait de détruire le bâtiment. Je sautai à peine qu'en bas, d'énormes quantités de poussière se soulevaient sous les tremblements et l'effondrement de l'édifice. Ce dernier commença à câliner ses amis en béton en les écrasant sous plusieurs tonnes.

  Une autre voiture (une magnifique Citroën bleu) vola à son tour pour m’écraser. Elle fit quelques tonneaux dans les airs avant que je ne roule sur le sol et qu’elle s’écrase sur le goudron de la route en défonçant un lampadaire à grands renforts de bruits de carambolages et de signal d’alarme. Je continuai le combat une fois rapproché de mon adversaire, mais le MMM se joua parfaitement de mon attaque et m’envoya un rapide coup de coude dans le ventre qui me fit mordre la langue avant de me déséquilibrer en me poussant en arrière. Il enchaîna quelques attaques que je tentais de ne pas encaisser vaille que vaille, jusqu’à ce qu’une défense maladroite lui donne mon bras sur un plateau. Il réalisa une projection parfaite qui me fit faire un vol plané en cloche sur une cinquantaine de mètres avec une épaule qui avait été à deux doigts de se faire déboîter. Je rebondis durement sur le sol et ce fut la rambarde contre la Seine qui m’empêcha d’aller plus loin. Je tournai en me servant du muret comme axe tandis que le MMM envoya un coup de pied qui fit s’envoler une bonne partie de la rambarde dans le fleuve.

  Ses deux mains s’envolèrent, feintèrent ma défense et je reçus une double claque dans les tempes en même temps. J’entendis un coup de cymbale éclater dans mon crâne, et une frappe en plein dans le ventre me fit m’envoler une nouvelle fois. Je retombai cette fois-ci dans une bouche de métro, et je tombais dans les escaliers en me faisant mal à peu près partout. Dès que ma chute fut arrêtée vers le premier palier, je créai une paire de portails (plus que quatre) afin que le MMM ne me suive pas : s’il tentait de venir continuer son enchaînement, il tomberait dans la Seine grâce à la seconde porte. Percevant mon piège, il ne fonça pas comme un taré et je pus m’enfuir vers le métro en m’enfonçant sous terre. Je passai par-dessus les tourniquets en frôlant le plafond, plafond qui se détruisit à trois mètres derrière moi quand le MMM le défonça et retomba sur le sol en faisant s’échouer partout des morceaux entiers de pierre. Extrêmement subtil.

  Arrivé sur le quai (prochain métro dans quatre minutes, super timing de merde), je me retournai pour lui faire face. Une vingtaine de Rêveurs se mirent à hurler ou à fuir quand ils nous virent nous bagarrer comme des psychopathes. Je ne faisais cependant que reculer devant les coups puissants du MMM et leur précision redoutable. Toutes mes parades étaient superflues : elles ne semblaient qu’être un sursis avant de me prendre le coup. Le MMM connaissait les arts martiaux, et à chaque attaque parée, il ripostait de manière à me surprendre et à toucher. Si je perdais ma concentration une petite fois, je recevais une punition qui me désossait. Les attaques pleuvaient en-face de moi, sur le côté, en-dessous, et j’étais bien en peine de riposter. Je pris le risque de parer et de m’avancer subitement pour le percuter, mais je ne lui fis presque aucun dégât ; je le fis reculer, certes, mais seulement pour un temps. Courage Ed, tu avais brisé son initiative, il était temps de continuer à attaquer. Mais il était bien plus dur que prévu de réaliser les attaques que m’avaient appris Lady Kushin et BHL ; j’avais à peine le temps de réaliser les parades.

  Alors que le panneau d’affichage du métro passait à trois minutes qui se faisaient désirer, je tentais à mon tour d’enchaîner les offensives qui se faisaient décaler encore plus vite que je ne les faisais. Le quai du métro était rythmé par les coups sourds du combat comme si des types frappaient rapidement et puissamment dans un sac de sable bien costaud. Je réussis à le frapper au pectoral et dans les côtes, mais en retour, j’écopai d’une perte d’équilibre où je reçus un uppercut qui me souleva de terre. Le MMM fit un trois cent soixante degrés à toute vitesse avant de m’envoyer violemment son pied dans les côtes avant que je ne retombe sur le sol. Je fus éjecté loin de lui et j’eus un tremblement de douleur, perte de conscience d’un dixième de seconde, comme une panne d’électricité assez courte pour qu’on ne la remarque pas. Le MMM souleva une poubelle verte du sol comme si elle n’y était pas vissée et me l’envoya avec une puissance démentielle qui aurait fait lever un sourcil d’intérêt au Major. Je me cachai derrière une colonne tandis que le projectile traversa tout le quai dans sa longueur avant de heurter le mur en-face si fort qu’il faillit y rester planté. Si je m’étais pris ça dans la tête, ça aurait pu être terminé de moi. Adossé à la colonne, ce fut un bruit qui m’avertit : je me décalai juste au bon moment quand un bras traversa sans peine la pierre pour chercher ma nuque. Je pris le poignet aveugle du MMM et tirai brusquement, lui faisant manger le mur de l’autre côté.

  Le panneau indiquait toujours trois minutes, ce n’était pas possible… Mais de l’autre côté de la rame, le métro venait d’arriver et repartait. Je pris à peine mon élan et je sautai par-dessus les rails pour m’enfuir. Les wagons commençaient à peine à s’ébrouer que je traversai une des vitres, faisant sursauter les quelques Rêveurs que je trouvais. Je me levai et époussetai mes vêtements des morceaux de verre cachés, content de voir qu’on commençait déjà à s’éloigner de la station, avant de leur dire :

« Ne vous inquiétez pas, ceci n’est qu’un exercice. » Comme pour appuyer ironiquement mes dires, le wagon derrière nous fut comme frappé par une attaque titanesque et décroché violemment du notre (si ça avait été moins fort, toutes les voitures y passaient, mais le choc avait été tellement violent que les aimants n’avaient pas cherché à comprendre). Il s’écrasa à moitié contre le mur du tunnel, à moitié dans les quais. Je rajoutai inutilement : « Un exercice extrêmement réaliste. »

  Une femme me regarda avec un air affolé ; la suite ne lui donna pas envie de changer d’expression du visage. Je pris une des barres de fer au milieu du wagon et la décrocha en tirant un bon coup sec. Dès que le MMM se colla à notre wagon par l’arrière et fit sauter la porte d’une poignée de main, il se reçut une estocade parfaite en plein dans le ventre d’une charge avec une barre de métro qui le fit lâche prise. Je le vis roulé-boulé sur les rails tandis que nous avancions toujours aussi rapidement.

  Je profitai d’un moment de répit (quelques secondes) pour faire part de mes blessures : j’avais des hématomes partout quand je ne saignais pas, mais je n’avais encore rien de cassé. J’avais mal à la tête, des tournis rapidement, et j’étais très fatigué. Pour le moment, rien d’extrêmement grave. Ça, c’est si j’étais optimiste (et si évidemment, je faisais mine d’oublier que la suite ne serait pas si glorieuse). J’avais quand même des blessures partout. Certes peu profondes, mais elles étaient assez nombreuses pour demander à toutes leur part dans une cacophonie de douleurs. Mon corps était chaud comme si je continuais à me prendre des coups. Je nettoyai une partie de ma joue avec la manche de ma chemise et tentai de respirer profondément. Une petite voix grésilla dans mes oreilles.

« C’é…ino. Ça ga’e… ?
_ Désolé Fino, je te reçois presque pas, je suis dans un tunnel.
_ Me fé… as ce coup… à, sa’op’ »
Incompréhensible. Il rajouta de même dans son schmilblick qu’il fallait qu’il me parle urgemment et on s’arrêta à la prochaine station. Le réseau revint et on put avoir une discussion normale. « Ed, la situation est très mauvaise de notre côté. Sinon, faut absolument que tu ailles à la Tour Eiffel au plus vite. Au sommet.
_ Pourquoi ?
_ Je suis sur le siège de mon Rayon de la Mort et je crève d’envie de l’utiliser.
_ J’en suis loin, je crois.
_ Une bonne raison pour toi de la fermer et de commencer à courir alors. Si tu veux survivre, tu fais ce que je dis. »
Et il mit fin à la discussion, juste quand le MMM apparut à l’encadrement de la porte arrachée et que le wagon repartait.

  Je ne savais pas si je devais rester à l’intérieur ou m’en aller tout de suite ; le MMM chargea vers moi et ne me laissa pas le temps de réfléchir. Je brandis toujours ma barre de fer et tentai de le pousser douloureusement au niveau de l’épaule. Malheureusement, il décala le coup et agrippa même mon arme. Je la lâchai alors qu’il la souleva tellement fort qu’il creva le plafond. Une vieille dame nous traita de sagouin et je défonçai deux portes simultanées pour me retrouver dans la voiture avant. Mon adversaire me suivit sans difficulté alors que la vitesse du métro se faisait d’autant plus entendre que le wagon donnait sur l’extérieur, avec toutes ces portes arrachées. On réalisa quelques passes où il sortit nettement vainqueur en me repoussant sans difficulté. Je parai son poing avec ma paume, puis je le chargeai comme un rugbyman. On tomba tous les deux sur le sol alors qu’il percutait un des sièges, on roula chacun de notre côté avant de reprendre une position de combat ; on avait échangé de place, c’était lui devant et moi près de la porte démolie. Puis on s’arrêta à une troisième station. Je ne fis aucun signe de vouloir m’enfuir, mais je préparai une paire de portails très rapide. Je connaissais un peu la ligne, elle devait toujours longer la Seine.

  Alors que le métro allait repartir, j’utilisai une grande paire de portails ; une porte se situait juste devant la locomotive, et l’autre en plein dans la Seine. J’eus une prière muette pour tous les Rêveurs, quand des tonnes et des tonnes d’eau se déversèrent dans le tunnel et engloutirent tous les wagons en explosant les vitres et en compressant tout ce qu’elles pouvaient. Ce fut le chaos dans la voie, un vacarme épouvantable de hurlements et de métal froissé et emporté. Le métro tout entier fut soulevé, et profitant de l’effet de surprise, je décochai un bon coup dans le MMM avant de m’enfuir. L’eau frôla mes pauvres baskets.

  Je remontai à l’air libre, plus mort que jamais, et trois paires de portails constituaient ma seule réserve. Je regardais l’endroit où était la Tour Eiffel, et je la trouvai, dépassant sa tête des toits environnants. Elle était terriblement lointaine et je perdis un peu de mon courage.

« Elle est trop loin, Fino.
_ On n’a pas un super visuel du bas, c’est le seul monument qu’on peut facilement locker, avec son antenne. On a un balayage plutôt précis, je suis même en train de t’observer, t’es une ch’tite tâche blanche…
_ … Te déconcentre pas.
_ … Enfin, ce truc sait pas viser, faut l’aider un peu. On n’a pas de coordonnées et j’essaie de rentrer celle de monument. La Tour Eiffel est maintenant devenu ton putain d’objectif. »
Et merde. Je regardais dans tous les coins pour trouver une idée, et je vis exactement ce que je voulais voir :
« Je crois que j’ai trouvé un truc. »

  Le MMM surgit du sol comme un pantin diabolique en réduisant à néant les pavés parisiens ; ce n’était pas de chance pour lui, car même si une course-poursuite entre lui et moi tournerait rapidement court pour environ une dizaine de raisons suffisantes, une seule chose était capable de renverser la vapeur et me donnait des chances de réussite dans cette expédition à corps perdu : un rugissement terrible né d’un mouvement de poignet. Une moto hurla, gémit, et démarra en trombe en laissant une trace noire sur l’asphalte. En un penchement sur le côté, je réalisai un virage serré qui me mena dans une grande avenue où de très rares véhicules roulaient, laissant le MMM dans son coin. J’en dépassai un en franchissant toutes les limites de vitesse de la France (bref, j’en étais à cent cinquante kilomètres à l’heure) en profitant de mes réflexes de Voyageur. Ma moto noire fendait la route et les distances comme un zodiac découpait l’océan, et le bruit du moteur envahissait toute la capitale. Putain, je me sentais heureux, là, à ce moment précis, pas tant pour avoir trouvé une bonne solution que parce que je roulais en moto et que j’adorais ça.

  Et bam, ça ne manqua pas. Le MMM déboula d’une route adjacente avec une rapidité effrayante. Son élan le fit heurter une voiture assez puissamment pour que la portière s’enfonce et qu’elle se mette aux deux roues le temps de quelques secondes. Ce type me poursuivait toujours ; ce connard n’abandonnait pas. Chacun de ses pas s’enfonçait dans le goudron avec une force insolente. Heureusement, en portant la vitesse au maximum, il ne pouvait pas me rattraper. Mais je me rendis compte qu’au milieu des bâtiments de Paris, ne longeant plus la Seine, je ne trouvais pas la Tour Eiffel.

« Fino, tu as dit que tu avais un marquage précis », lui demandais-je en maîtrisant mon véhicule d’une main.
« Ouais.
_ Ça va te paraître stupide et forcé, mais est-ce que tu peux me guider jusqu’à la tour s’il te plaît ? Comme au bon vieux temps. »
Je jetais un coup d’œil au MMM qui me poursuivait en sprintant de plus en plus vite.
« J’imagine pas le nombre de fois que tu serais crevé sans guide, Ed. La prochaine fois que tu me prends pour un GPS, ce qui est bien parce qu’on atteindra pile poil la centaine, je te jure que je trouerai le prépuce avec un de ces appareils jusqu’à ce que tu retiennes toutes les rues de toutes les villes du monde.
_ Je te remercie.
_ Pour le moment, continue tout droit. »


  Ce qui allait s’annoncer difficile parce qu’un bâtiment, à cent cinquante mètres de là, se mit à s’effondrer sur lui-même et sur l’avenue, par les pouvoirs tout-puissants d’un MMM en furie. A la vitesse à laquelle j’allais, sans penser utiliser mon pouvoir, je me mis à tourner vers les ruelles où mon ennemi aurait plus de mal à me tendre des pièges. Fino à mon oreille me hurlait déjà dans les tympans :

« Tête de con, quand je te dis tout droit, tu peux essayer d’obéir ?! »

  Je fis un virage serré qui faillit me faire rentrer dans un mur. Ma moto allait moins vite, mais surpassait tout de même largement la vitesse de sécurité. Je virevoltai dans les ruelles de Paris en envoyant faire foutre le code de la route. Sens interdit, trottoir, mauvais sens. Tout était fait pour que je sème le MMM tout en poursuivant ma destination. Fino me beuglait les indications, et entre deux ordres, fusillait des ennemis qui s’approchaient de trop près de lui. Putain, il était quand même dans la merde.

  Le MMM quant à lui se retrouvait sur les toits et me suivait en sautant d’un immeuble à un autre, et quand il avait une fenêtre de tir, m’envoyait des énormes rochers qui écrasaient tous les alentours. Je fus obligé de me décaler en prenant une mauvaise direction car une pierre allait s’écraser sur moi. Je serrai les dents tandis que je manipulais l’engin furieux (et pour me concentrer sur les routes à prendre alors que Fino me prenait encore pour un abruti incapable de reconnaître sa gauche et sa droite), jouant avec les rues dégueulasses de Paris qui s’entremêlaient sans aucune cohérence. Mes mains commencèrent à me faire mal à force de tordre le guidon dans tous les sens, anticipant chaque croisement et chaque attaque du MMM. Mon genou gauche avait ripé plusieurs fois et le pantalon s’était désagrégé pour frotter directement contre ma peau qui saignait.

  Ce fut à un moment le MMM qui se posta sur la seule route disponible, et redoutant totalement la confrontation, je fonçai dans le complexe le plus proche : les Halles. Je dévalai les escaliers, je rejoignis le Forum des Images en réalisant quelques sauts qui endommagèrent gravement le véhicule. Je traversai les grandes allées lissées en rencontrant à peine du monde, faisant résonner tout le moteur dans le complexe. Je fis un quatre-vingt-dix degrés qui laissa une belle marque sur le sol avant de foncer en trombe au milieu des magasins couverts. Je pouvais remercier mes qualités de conducteur : pour le coup, c’était véritablement mon plus grand talent dans le monde réel, entraîné par mon beau-père et fructifié par la rivalité entretenue avec Clem même sur ce créneau-là. Mais Dreamland me donnait le panache pour réaliser toutes mes actions, et me donnait un équilibre onirique que je n’avais certainement pas dans le monde réel.

  Mon véhicule vrombit durement alors que je l’esquintais contre un mur faute de vouloir ralentir, et je continuais bon an mal an en allant aussi rapidement que je pouvais me le permettre sans perdre ma moto et ma tête. Ce furent maintenant mes bras tout entier qui étaient épuisés de contrôler l’engin, et je priais pour qu’ils ne fussent pas totalement morts quand j’en aurais besoin. Je remontai dans les stations en utilisant la pente normalement réservée aux poussettes et retournai à l’air libre après avoir slalomé entre des poteaux. Aucune trace du MMM mais il était bien trop puissant, polyvalent, assuré, pour ne pas me retrouver.

__

  La rage commençait à l’envahir, si puissante qu’elle en tremblait, qu’il en perdait le contrôle.
Il lui semblait que c’était impossible d’éprouver des émotions aussi violentes.

__

« Maintenant, tu prends le pont de suite après avoir tourné à gauche !
_ Non, il vaut mieux que tu restes caché dans les bâtiments et que tu prennes le pont juste derrière, ça sera plus rapide »
, intervint la voix de Matthieu dans mon appareil. Et merde, ils pouvaient pas se décider ?
« Ecoute pas l’homosexuel en manque d’anus et fonce tout de suite traverser la Seine avant que le MMM te retrouve et te fasse la peau !
_ Mais après, il va être totalement à découvert s’il y va maintenant !
_ Parce que le Jardin des Tuileries, c’est connu pour être un putain de bunker ?!
_ Vous allez vous décider, putain ?! »
dis-je alors que je vis un magnifique lampadaire empaler la rue une seconde après que j’y suis passé. Le choc fut assez brusque pour me faire sursauter et perdre légèrement le contrôle de mon véhicule. Je décidai de suivre l’idée de Matt, ne sachant pas où était le MMM.
« Avec tes putains de connerie, Ed va au casse-pipe !
_ Il a de grandes avenues pour lui tout seul, me dis pas qu’il peut pas semer le MMM !
_ Il le sème pas, il se met pile sur la bonne route pour qu’il se fasse suivre tranquillement !
_ Vas-y Ed, tourne à gauche ! S’il est sur les toits, il pourra pas te suivre si tu vas dans le parc !
_ Voilà qu’il déconne totalement ! Ça va juste le ralentir pour que l’autre le cueille et accélérer les virages pour prendre les ponts ! Reste tout droit !
_ Gauche ! Avant, il devait le semer, maintenant, il doit rester sur la route !
_ TOUT DROIT !!!
_ AAAA GAAAUUUCHE !!! »


  Putain de merde, je leur foutrais une bonne trempe à tous les deux si j’étais pas esclave de leurs indications. Avisant une bonne porte, je décidais tout de même de me diriger dans le parc, tandis que Fino me maudit jusqu’à ma centième génération et fit mine de se rappeler qu’il faudrait déjà que je foute ma bite dans un vagin quelconque avant de pouvoir prétendre que j’aurais des descendants à enculer. Je ne me plaignis pas que j’allai moins vite car ça lui ferait trop plaisir, et Matt et moi, on en entendrait parler pendant une bonne quinzaine d’années (ou jusqu’à cent générations). Mais au-delà de la plaisanterie, la situation était préoccupante : le MMM en avait profité pour tenter sa chance à la course et mes roues n’avalaient pas la terre aussi rapidement que j’aurais voulu.

  Je notai la porte de sortie tandis que le méchant diabolique gagnait du terrain, filant à toute vitesse en utilisant toute sa force de Voyageur (?) pour me rattraper malgré mon véhicule. Ce bâtard était encore plus rapide que Monsieur Portal. Je slalomai entre les arbres rangés en lignes parfaites, mais rien ne me permettait d’arrêter le MMM de combler l’écart. Il s’approchait trop près, bien trop près, et je ne pouvais rien faire que prier que la machine aille encore plus vite, mais elle était déjà à bout de force. Si je forçais encore, le moteur pourrait se mettre à chauffer et là, je serais dans la merde. L’enfoiré arriva juste à ma hauteur quand je m’approchai suffisamment d’un jeune arbre pour l’attraper, et en ne tenant l’engin qu’avec mes jambes, je réalisai un trois-cent quarante degrés autour de lui pour feinter le MMM. Les pneus crissèrent, mon bras m’envoya clairement me faire foutre en me menaçant d’une divergence conceptuelle avec l’omoplate, mais je serrai les dents et tout passa pour le mieux. Mon but : gagner un peu de répit afin de sortir du parc : mon ennemi était passé d’un mètre à dix mètres de distance alors que je visais une autre porte de sortie.

  Je dégageai des Tuileries en gravissant une marche de pierre qui me fit heurter la selle contre les parties, et je revenais sur le bon goudron bien rapide. Fino et Matthieu m’indiquèrent d’une voix claire de prendre le pont, et je n’osais pas dire non. Le bébé phoque crachait :

« Le MMM est toujours à ton cul ?
_ Il use pas mal de ses pouvoirs pour me stopper, je devrais peut-être rester en moto.
_ Ça marcherait s’il était aussi con que toi ! Il va pas s’essouffler comme une grand-mère qui essaie d’écraser une mouche ! »


  Comme pour donner raison à Fino, le MMM me suivait mais sans être aussi rapide qu’avant. Il avait couru dans une bonne partie de Paris en m’envoyant n’importe quoi sur n’importe quoi, ça n’avait pas dû être de tout repos pour lui. Je forçai encore un peu le moteur de la moto en longeant la Seine, et je n’eus même pas besoin d’attendre les indications des autres que le Champ de Mars m’apparut juste après que l’antenne de la Tour Eiffel me dévisage du-haut de son cou d’acier. Je me demandais pendant un moment si Fino ne voulait pas que j’attire le méchant diabolique ici afin d’avoir la satisfaction de pulvériser la Tour Eiffel. Il voulait que j’aille tout en haut ce petit con, pas parce que je devais poser un émetteur ou quelque chose dans le genre, mais que le MMM fut sûr d’être dans la cible et ne s’échappe pas facilement. Je n’étais pas sûr que Fino m’ait incorporé dans le plan, même si après quelques soupçons, il m’avait promis qu’il tirerait un Rayon extrêmement fin qui ne devrait toucher que le Champ, un peu de bâtiment et la Seine. Commençant à trouver son plan suicidaire pour ma gueule, je fonçai vers le monument historique en abandonnant la moto à un moment.
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 2:05
Je pressai l’ascenseur de démarrer, et dès qu’il comprit la destination, j’ouvris la trappe du haut pour aller à l’air libre : je voulais voir le MMM des yeux. Pendant de courtes secondes, le vent dans mes cheveux, je me faisais soulever par l’ascenseur entre les barreaux métalliques du monument français par excellence. Paris tout entier avec l’ensemble de des quartiers et sa vieille magnificence se dévoila à moi, sous le soleil d’hiver, et mon cœur se serra : une forte mélancolie vint m’éprouver durant mon combat final. Non Ed, fallait chasser le monde réel et ces histoires de ta tête. Je me devais de reste…

  Un énorme hurlement dans les câbles, et mon ascenseur s’arrêta. J’eus le réflexe de regarder en haut, et pus voir que les énormes câbles tirant la cabine se firent couper en deux comme par enchantement. J’eus le réflexe de sauter vers les barreaux extérieurs de la Tour Eiffel alors que l’ascenseur se mit à retomber, accroché à rien, faisant danser les restes de câbles qu’il gardait avec lui. Un bruit terrible eut lieu lorsqu’il s’effondra en bas en défonçant le rez-de-chaussée. J’étais seulement à trois cent vingt mètres de hauteur, dans le dernier cou de la Tour. Perché en équilibre sur la Tour Eiffel… Un de mes rêves de gosse. Je me dépêchai de prévenir le bébé phoque :

« Je ne vais pas pouvoir aller tout en haut ! Je le retiens, tu n’as qu’à tirer !
_ T’es un putain d’incapable ! »


  Fino coupa tout de même la communication, ce qui me fit comprendre qu’il allait se mettre à tirer. Je levai les yeux en l’air, et pouvait apercevoir l’ombre de la citadelle volante gigantesque au-dessus des nuages. En rabaissant mes yeux, j’aperçus le MMM qui grimpait à la Tour Eiffel avec des sauts de puce. Je crachai un mélange de sang et de salive avant de l’imiter, histoire qu’il ne me choppe pas de suite. Mais ce qui était compliqué pour moi, demandant des sauts, de la force et des réflexes était une épreuve amusante pour lui. Défiant les lois de la gravité, il avalait les mètres par dizaine, sautant là et là, comme effectuant un ballet, et en moins d’une minute, il m’avait rejoint dans les hauteurs où le vent soufflait fort et la hauteur donnait le vertige. Je l’attendis, perché sur ma barre, et je me dis que je n’avais absolument rien fait pour me mettre dans cette situation.

« C’est ici que tu veux mourir, Ed ?
_ La vue est magnifique. »
Elle l’était réellement. Je pouvais subtilement voir les épaules du MMM monter et descendre. Il commençait à accuser la fatigue. Pas de chance pour moi, je ne me cachais même pas en ce qui me concernait. « Vous avez l’air épuisés. Peut-être que j’ai couru trop vite pour vous, hum ? » Prends ça dans tes dents, salope. « Peut-être que vous allez perdre, en fin de compte.
_ Pourquoi perdrais-je ?
_ Echec et mat »
, lui proposais-je. Le MMM secoua légèrement la tête.
« Aaah… Le parallèle avec le jeu. C’est plutôt bien vu. J’adore le jeu, j’adore jouer. Tout mon plan est basé sur le panache, l’audace, le défi. Ma machination, et je te fais pencher sur la composition du mot, est une machine. J’ai rassemblé énormément de composants qui tournent et fonctionnent de manière différente, et j’ai lancé le bouton on. J’ai établi toutes les prévisions possibles, et au moindre problème, je répare. » Son pied vola, me déséquilibra, et sa main m’écrasa le visage avant de me faire basculer dans le vide. Mon corps était en équilibre à soixante-dix degrés, mes deux pieds touchaient à peine la barre, et le MMM me regarda à travers la fente de son masque : « Exactement comme ça.
_ Et t’as prévu ça ? »


  Mes deux mains attrapèrent son bras pour le tenir fermement et je me jetai dans le vide en le tirant avec moi. Je réussis à exploser mon ventre contre une nouvelle barre formant une diagonale et me relevai. Le MMM se réceptionna lui aussi, et ce fut la course de celui qui se relevait le plus vite. Une égalité eut lieu et on put reprendre notre petit combat en attendant que Fino nous envoie un Rayon de la Mort en plein dans la tête. Cependant, j’avais un léger avantage : je m’étais moins fatigué que lui dans la course-poursuite. Mais dire que j’étais en parfaite santé serait un énorme mensonge : en plus des dégâts qu’ils m’envoyaient tranquillement sans se presser, mon corps avait accumulé toute la fatigue depuis le début de la nuit. Je pris mon courage à deux mains (la quinzième fois depuis les dix dernières minutes) et je sautai sur un autre barreau, encore plus fin, attendant impatiemment que Fino bouge son gros cul et tire. Le MMM m’y rejoignit avec la grâce d’un équilibriste, et devint plus agressif. Le combat prit une tournure extrêmement dangereuse. Ce ne fut qu’une fois que je me dis qu’une chute serait amortie par mes portails, que j’avais bien cette idée en tête, que je pus me concentrer sur les coups donnés. Je reculais tout de même, évidemment, devant les bras et les jambes du MMM qui effectuaient un ballet incroyable en se moquant de la gravité. On enchaînait les offenses, les esquives, tout en essayant de ne pas tomber en bas.

  Puis, d’un coup, le ciel se mit à devenir rouge et le grondement métallique, comme un gang gigantesque dont la note s’étirait dans les graves. Le MMM ne se soucia même pas du canon énorme qui allait tirer : il profita de ma légère déconcentration (la joie tuait) pour m’asséner un coup énorme à la tête avant de me l’écraser dans un des piliers de la Tour Eiffel. Le coup n’était pas si puissant que ça mais eut le mérite de me sonner. Je faillis tomber et me retint au dernier moment à la barre. Lui se téléporta sur un bâtiment, à distance du Rayon, et mes pensées étaient perdues dans la douleur. Putain, il m’avait assommé, j’avais du mal ne serait-ce qu’à continuer à m’accrocher pour ne pas chuter. J’arrivais à peine à dire à Fino de ne pas tirer, que moi seul étais la cible et que le MMM s’était barré. Le grondement s’intensifia comme un tremblement de ciel, la lueur rouge gigantesque grésillait et absorbait presque les rayons du soleil, et le MMM profitait de la vue. Il n’était pas si loin que ça, ce connard, mais hors de portée.

  Le Rayon frappa alors, et tout alla très vite : une colonne rouge meurtrière de nature divine se mit à embraser la Tour Eiffel et ses alentours, la faisant disparaître pour les observateurs extérieurs tant la lumière était dense. Et moi, j’étais au milieu de tout ça et j’observais le MMM avec une petite stratégie en tête. Une grande paire de portails me servit de parapluie, et j’allais déverser ce dont il me protégeait en plein sur la position du MMM. Un rayon rouge lumineux et ardent naquit loin de l’attaque principale pour aller engloutir l’enfoiré qui avait demandé ironiquement la construction du Rayon de la Mort. La lumière aveuglante empêchait de voir ce qui s’était passé, mais le sol avait fondu sur plusieurs dizaines de mètres. Plus aucune trace du MMM ; ni même de la Tour Eiffel, dont j’avais réussi à sauver un centième avec moi. Le reste de la construction se mit à s’écrouler (avec moi) dans un Champ de Mars qui avait perdu toute végétation et s’était enfoncé à cinquante mètres dans le sol par rapport à son niveau habituel. Le reste de l’urbanisme qui n’avait pas été touché par la frappe était tout de même troué, défoncé, soulevé, écrasé les uns contre les autres par les ondes de choc. Cette arme était d’une puissance directe effrayante. Je n’aurais pas tenu un dixième de seconde sans portail tant l’effet du Rayon était mortel. Je ne disais pas que je n’avais pas côtoyé des armes aussi puissantes, mais celle-ci avait l’avantage de ne pas être compliquée à utiliser. Posez-la sur une base volante gigantesque et vous pouviez effectivement tenir Dreamland à la gorge.

« Ed, tu l’as eu ? », me demanda la voix nasillarde du phoque dans mon appareil. J’avais roulé sur le sol et réussis à ne pas trop me blesser durant l’atterrissage. J’appuyai dessus avec deux doigts pour lui répondre :
_ Absolument aucune idée. Je crois qu’il a été touché mais je pourrais pas te le garantir.
_ Tu sauras te débrouiller ? On va bientôt se casser. Position intenable.
_ Je vais gérer, ouais… »


  Je disais ça pour la frime, si le MMM me retrouvait, il pourrait me faire la peau facilement. L’effet de ses coups combiné à l’adrénaline redescendant était presque paralysant. Puis vint soudainement un fredonnement énorme, comme si la terre toute entière avait reniflé. Il y en eut presque un tremblement de terre. Il n’était pas mort, cet enfoiré. J’espérais au moins que le Rayon l’avait blessé, mais cette salope vivait encore et préparait quelque chose d’énorme. Je sentais sous moi des tonnes de masse craquer les unes contre les autres ; ça puait, ça puait, ça puait. Je vomis du sang pendant trois secondes, le ventre en feu (comme toutes les autres parties de mon corps) puis je levai la tête et compris avec un sourire extrêmement jaunasse pourquoi ce bâtard s’était donné le nom de Cobb : un pan entier de Paris était en train de se soulever à la verticale, lentement, reprenant le plan très célèbre d’Inception.

  Ce fut une image impressionnante : voir des kilomètres carrés d’une ville, avec ses habitations, ses rues, ses places se lever tel un mur gigantesque. Des vitres se brisaient sous le poids de la gravité, des Rêveurs, petits comme des fourmis, tombaient avec les voitures dont le frein à main ne servait plus à rien. Certains immeubles déstabilisés s’effondraient vers le sol en s’écrasant contre d’autres bâtiments, des hectolitres de Seine se déversaient chaque seconde pour s’écraser au bas du mur que je ne voyais pas. Impossible de déterminer la hauteur, mais ça dépassait de très loin la taille de feu la Tour Eiffel. Le MMM n’avait plus envie de prendre son temps, et plus envie d’économiser ses forces : la démonstration de son pouvoir était la plus horrible et la plus magnifique que j’avais vu de lui. Il fallait se remuer, Ed, maintenant que la plaque terrestre était totalement perpendiculaire au sol. Dans un instant, ça allait t’écraser et écraser un bon sixième de la capitale.

  J’enfourchai une nouvelle moto que je trouvais rapidement dans la rue, et cherchai à éviter l’attaque. J’étais quasiment au centre de la cible. Je pouvais tenter soit de partir en arrière, mais le chemin à faire était plus long que si je tentais de foncer vers le mur pour trouver un interstice entre le sol et le bas de la plaque. Mon plan était extrêmement risqué, mais je n’avais pas le choix : la ville commençait déjà à retomber, provoquant un chaos indescriptible de monuments qui s’écroulaient, des arbres qui se brisaient en deux et retombaient, des murets, des lampadaires qui se dilapidaient en plusieurs morceaux, des bagnoles par centaines qui s’écrasaient où elles pouvaient tant qu’on les retenait. Je mis le moteur à fond, mais le vacarme chaotique qui émanait de la plaque recouvrait sans peine le bruit de l’engin. Je fonçai donc vers le mur gigantesque, priant tous les dieux auxquels je ne croyais pas, et celui-ci s’abattit lentement vers moi, gémissant des complaintes de titan de béton. Je longeai d’abord la Seine, puis rentrai dans une grande avenue où je fonçais à toute berzingue. Le soleil se faisait camoufler, le truc en était à soixante-quinze degrés du sol environ. Bientôt, ça allait s’effondrer tout seul par la magie de la gravité. Je faisais tourner les vitesses, me penchais pour gagner en aérodynamisme… Et je compris que je n’y arriverai jamais. Je voyais une petite faille à cinq cent mètres environ, mais elle était bien trop loin, et les toits de maisons commençaient à se frôler, formant une mâchoire cauchemardesque. Je filais comme une étoile, filais comme je pouvais, priais, filais toujours, mais je savais que c’était peine perdue, que j’allais terminer écrabouillé bien avant de parvenir à la fin. Je ne pensais pas à ma vie de Voyageur qui allait se broyer, juste au fait que c’était dommage parce que je n’allais pas y arriver.

  Je continuai alors, avec l’énergie du désespoir, et j’anticipai la maison qui allait me tuer : grosse, pas belle, grise, elle allait me rentrer en plein dedans. Mais je poursuivais ma route le plus rapidement possible, ignorant les maisons les plus hautes qui s’aplatissaient les unes contre les autres en sacrifiant des étages par entier. Puis ce fut à moi de mourir.

  Ca commença par une douleur au niveau des hanches, comme si un ange m’avait agrippé pour me tirer de là et sauver mon corps afin d’être intact au Paradis. Je rouvris les yeux que j’avais instinctivement fermé, et me rendis compte avec une allégresse surprise que la moitié de mes suppositions était bonne : Ophélia, possédant des ailes noires d’ébène m’avaient récupéré de ma moto et me tenait maintenant par les bras, en volant à une vitesse dingue. Je n’eus pas le temps de me remettre de ce retournement de situation (et je fus extrêmement heureux qu’elle fut encore en vie) que les bâtiments s’écrasèrent sur nous. Sa vitesse et ses réflexes firent merveille : elle évitait les cheminées, les toits, passai à travers une fenêtre, traversait un salon, ressortait par une vitre juste avant que le bâtiment ne s’effondre sur lui-même, écrasé par un colocataire en béton qui lui rentrait dans le toit. Ophélia se mit à voler le plus bas possible de la rue, si bas que je rentrai mes jambes pour éviter de frotter contre la route. Elle accélérait comme elle pouvait en réalisant des prouesses acrobatiques, tentant même un tonneau, utilisant ses propres jambes pour rebondir sur les murs et mieux gérer ses directions, courut presque sur un mur avant que celui-ci ne fut explosé. Il n’y avait pas trente mètres entre le sol et le plafond maintenant, et la distance se réduisait de plus en plus. Et encore une fois, je sus qu’on n’y arriverait pas. De quelques secondes, mais ça serait trop juste. Ce qui n’empêcha pas Ophélia de voler, de passer sous des décombres de maison avant qu’ils ne nous aplatissent, d’y aller en rase-motte si bien que je me fis mal aux jambes en ripant, mais elle sut que c’était trop tard. Mais le tombeau gigantesque était sur le point de se refermer que j’utilisai mon avant-dernière paire de portails ; maintenant que nous étions prêts de l’interstice qui s’était refermée, la distance entre nous et le derrière était réduite, vu qu’on ne devait pas traverser les couches de béton et d’égout que le MMM avait soulevé. La distance qu’on avait à traverser était moins de cinquante mètres, bref, faisables pour mes portails. On franchit la porte en laissant des milliers et des milliers de tonnes se broyer les uns contre les autres. Je poussai un soupir gigantesque.

  Je me permis de regarder Ophélia et de lui sourire pour la remercier. Je me demandais de l’identité de la personne : Ophélia ou la Mort Silencieuse ? Elle cependant, ne me jeta aucun regard et scrutait les environs. Ah oui, il y avait le MMM.

  Malgré sa surveillance, elle reçut tout de même une beigne terrible d’un MMM en embuscade. Elle me lâcha pour tenter de stabiliser son vol, et je m’écrasai par terre en m’explosant les côtes et un genou. Le méchant partit pour m’achever, mais une Ophélia repiqua vers lui pour me défendre. Le coup qu’elle lui envoya provoqua une onde de choc qui refit intégralement ma coiffure et reculer le MMM sur plusieurs mètres, ses pieds raclant le sol. Elle se posa à-côté de moi, et mon cœur tomba quand elle me parla :

« Ne l’affronte pas au corps-à-corps. Reste derrière moi. » Non pas que le conseil blessa ma fierté, mais je perçus très clairement que ce n’était pas Ophélia qui me parlait : la voix était métallique, tranchant, presque goguenard. C’était la Mort Silencieuse. Comme Ophélia l’avait dit, comme elle l’avait prévu, et comme je ne l’avais pas écouté. Je la regardai dans les yeux et lui crachai :
« Relâche Ophélia.
_ Mais je suis Ophélia »
, sourit cruellement la créature ailée avec des intonations qui ne faisaient pas du tout Ophélia.
« ALLEZ !!! VENEZ !!! », hurla le MMM si fort qu’il me fit sursauter.

  Il avait pris une position qui me faisait penser à du close-combat. Il semblait très fatigué, peut-être même à bout de souffle, mais il gardait une combativité qui forçait le respect. Pour une fois, je ne le haïs pas, et le vis comme un combattant qui se donnait à fond. Cette impression s’estompa rapidement et je me concentrai. Les choses se déroulaient plutôt bien pour le moment. Vu que je n’étais plus le seul à l’affronter, j’avais moins besoin de vitesse, et je récupérai un panneau de sens interdit et le délogeai de terre. Me voilà de nouveau avec mon arme fétiche. Le MMM continuait de nous défier :

« VENEZ VOUS BATTRE, VU QUE VOUS SEMBLEZ ADORER CA ! ALLEZ !!! »

  La Mort Silencieuse fonça, incapable de résister plus longtemps aux invectives. Mais malgré sa vitesse, le MMM réussit à esquiver son attaque, à lui attraper le bras et à le casser. Même si elle garda son membre intact, une partie de ses plumes passa au blanc, et je constatai avec effroi que le cinquième était déjà devenu immaculé : peut-être que le vol qu’elle avait fait lui avait coûté plus de dommages que prévu. Elle se dégagea tout du moins, mais reçut un coup de pied violent dans la mâchoire. Je pris le relais et tentai un coup latéral que le MMM para en défonçant mon arme ; erf, panneau beaucoup moins solide que l’autre. Je réussis tout de même à me défendre avec la tige (qui se tordit dangereusement sous l’impact). Avec une agressivité que je ne lui connaissais pas, le MMM me donna un coup de boule très rapide avant de se saisir de mes vêtements et m’envoyer contre Ophélia. Il ramassa l’arme que j’avais laissé tomber par terre et l’envoya valser vers nous. La Mort Silencieuse se reçut l’impact sans problème pour me protéger, mais de nouvelles plumes perdirent leur couleur d’ébène. Le MMM se mit à foncer vers nous, et il n’était pas du tout content.

__

  Le tir avait été mince et rapide, et pourtant, il avait déjà sucré la moitié des réserves de Fino, qui voyait un trente-cinq pourcent descendre vers un timide vingt pourcent, qui s’effaça à son tour derrière un dix-neuf pourcent lui aussi hésitant. Il regarda le carnage qui avait lieu dans le laboratoire.

  Les gars de David avaient tenté de forcer la place une fois, deux fois, mais la conviction n’y était pas face à deux Voyageurs et une Lady Kushin déchaînée. Cependant, ce fut l’arrivée inopinée de Matthieu et sa merveilleuse idée de détruire le mur pour les rejoindre afin d’éviter le blocus qui permit justement aux assaillants de pouvoir se poster à deux entrées différents afin de diviser les défenseurs. Fino l’avait abreuvé d’insultes jusqu’à plus soif, mais l’Invocateur de Mollusque ne comprenait pas pourquoi une scène de bataille à la Minas Thirit était forcément une mauvaise chose. Le troisième combat fut bien plus âpre que les autres : les adversaires arrivaient en nombre, se succédaient, et étaient bien armés. Ils repoussèrent d’un côté Clem et Connors et s’engouffrèrent dans la salle, obligeant Fino à se détourner de sa conversation d’Ed pour envoyer des pétards ça et là. Matthieu et Lady Kushin avaient eux aussi du mal de leur côté. Le bébé phoque comprit qu’il n’y avait pas trente-six solutions. Sa petite stratégie allait précipiter la fin du combat. Il beugla tellement fort que tout le monde l’entendit :

« RECULEZ BANDE DE SALOPES !!! OU BIEN JE TIRE DANS LE TAS !!! »

  Son ultimatum fit mouche, et une minute après, la salle s’était revidée, laissant quatre combattants lessivés et couverts de blessure. Connors avait bien mangé, Clem et Matthieu étaient éreintés. Ce grand vacarme avait duré cinq minutes, largement de quoi les épuiser tous. Seule Lady Kushin semblait plus ou moins intacte, mais il supposait que c’était l’amour qu’elle lui portait qui lui donnait des forces incroyables. Elle s’approcha de lui en tout cas pour lui demander :

« Tu veux vraiment leur tirer dessus ?
_ Un tir qui détruirait le vaisseau et nous précipiterait tous dans le vide ? Tu crois sérieusement que je vais le faire ? »
Il rajouta devant son air surpris : « Bien sûr que je vais le faire ! On va être justes, mais avec un peu de chance, on aura des pertes et ça rendra la mission d’autant plus épique. » Il regarda quelques écrans qui lui donnèrent toutes les données dont il avait besoin afin de tirer. Il se retourna vers le quatuor terrible et leur tint à peu près ce langage :
« Mes premières gagneuses, on n’est pas dans la merde. Je vais détruire ce putain de vaisseau, mais pour ça, faut que vous vous cassiez et que vous emportiez tous les crétins endormis un peu partout, puis que vous vous barriez. Pendant ce temps-là, je vais couvrir votre fuite.
_ Quel courage »
, applaudit des yeux Lady Kushin. Fino la dédaigna, vu que son courage se résumait à un Rayon de la Mort à proximité. Mais les ennemis n’étaient pas obligés de savoir qu’il comptait l’actionner de toute façon.
« Bon, en tout cas, vous êtes quatre, foncez rattraper les idiots, je vais tirer dans dix minutes.
_ Plutôt quinze »
, réfléchit Connors, ce à quoi Fino objecta :
« Puisque vous insistez, huit minutes, pas une de plus. Je lance le compte-à-rebours dans quelques instants, j’ai besoin de faire des réglages. »

  Tout le monde se mit en position, et Fino appuya sur quelques boutons pour faire pivoter le canon gigantesque sur sa base afin de viser l’intérieur du vaisseau, quitte à détruire quelques murs extérieurs. Sa menace allait être plus au sérieuse comme ça. Maintenant allait venir le plus délicat. S’il réussissait son coup, Fino pleurerait de joie pendant les dix prochaines années. Il se pourlécha la langue avant d’appeler son ‘amante’.

« Oui mon choupinou ? » Elle paiera pour ça.
« Lady Kushin, j’ai quelque chose à t’avouer à toi, et à toi seule.
_ Tu m’aimes ?
_ Là n’est pas la question »
, éluda Fino d’une voix grave emplie de meurtre. Il continua en prenant l’air le plus dramatique et détaché possible. « Voilà, on n’a plus de carburant pour le Rayon de la Mort. Les ennemis vont bientôt s’en rendre compte et nous serons tous tués.
_ Mais c’est horrible ! Et il n’y a pas de moyen de le recharger ?
_ Malheureusement si… J’ai découvert que si on ne pouvait pas utiliser ses poings pour le recharger, on pouvait donner quelque chose d’autre, le plus puissant de tous les carburants. »
Il prit une pose théâtrale, alors que les autres étaient en train de l’écouter sans trop de subtilités, et il lâcha : « C’est l’amour. » Elle se mit les deux mains devant la bouche. Pas sûr qu’elle ait bien compris, mais voir son chéri tout duveteux aussi malmené ne pouvait que la faire douter de l’horreur de la situation. Fino prit le premier câble qui lui passa sous la patte et le désigna : « Ce truc peut se recharger si on y sacrifie l’amour qu’on porte à quelqu’un. Bref, je vais utiliser tout l’amour que je porte pour nous sauver… Pour TE sauver.
_ Mais… Mais… Et les autres ?
_ Matthieu est trop con pour aimer quelqu’un, Clem est un roux, donc il n’a pas d’âme, ce qui ne fonctionnera pas, et l’amour pour Connors, c’est un peu comme une blonde plantureuse ou un débat de la Gauche en France : y a la forme mais pas le fond.
_ Merci »
, répondit l’intéressé.
« Ta gueule, je parle pas à toi. Enfin bref, Lady… Je vais être obligé de tout sacrifier pour cette mission. Je ne pensais pas que j’en arriverais à cette extrémité. » Trois minutes de sanglot dégueulasse et d’expression déchirante, mais Fino tint bon ; surtout, Fino n’en avait rien à foutre. Il dédaigna les larmes de Lady et rajouta : « Non seulement je ne t’aimerais plus, mais la machine aspirera toute l’amitié que j’éprouve envers toi. J’ai bien peur que je veuille te tuer la prochaine fois que je te voie. Plus jamais nous ne pourrons nous voir, plus jamais nous ne pourrons nous aimer.
_ Mais le mariage ?
_ Je vais malheureusement annuler. J’avais commandé tellement de choses »
, feintât-il de soupirer. « Donc je te demande une dernière chose : pour ne pas que je te déchire le cœur… promets-moi de ne plus jamais venir me voir.
_ Comment pourrais-je te promettre une chose pareille ?
_ Parce que c’est mon dernier souhait avant qu’on ne se quitte… »


  Lady Kushin le prit dans ses bras et l’embrassa à pleine bouche. Fino fut tellement surpris qu’il ne trouva plus sa respiration, et que son petit visage de phoque devint rouge. Lâche-moi, mais lâche-moi, espèce de sale pute ! Elle le reposa sur le siège au bout d’un moment qui sembla interminable, et le bébé phoque lui dit d’y aller. Elle se retourna pour ne plus jamais le voir, et s’enfuit. Une fois qu’elle disparut de la pièce en créant une troisième ouverture avec son sabre, en pleurs, Fino exulta intérieurement. Cette idiote l’avait cru de fond en comble ! Que Dieu bénisse l’amour, et cette capacité de rendre les gens sots. Il lui faudrait tellement d’esclaves dans ce genre : obéissant, passionné, et sans cervelle. Connors s’était appuyé contre la machine, secoua un peu sa tête, et siffla d’admiration.

« Ouaoh… Il te restait combien de réserve dans la machine ?
_ Presque vingt pourcent.
_ J’adore ta technique.
_ Je dois avouer que moi aussi. »


__

  Le combat qui s'ensuivit fut peut-être le plus violent auquel je n'avais jamais participé. Tout d'abord, le pouvoir d'Ophélia détonnait réellement, et j'étais aux premières loges de ce qu'était capable la Mort Silencieuse à l'apogée de sa puissance, avec deux ailes magnifiques d'ange dans le dos. Je me disais qu'elle aurait peut-être pu rivaliser avec feu Alexander dans son état actuel. Cependant, le MMM en-face était tout à fait autre : terminés le sang-froid, les discours, les jeux du chat et de la souris, son implacable assurance. Il était devenu agressif, à fond, extrêmement violent, presque comme un animal acculé, mais il en devenait encore plus redoutable. Non seulement ses mouvements étaient toujours aussi réfléchis et intelligents, mais ils étaient devenus bien plus osés, et malheureusement pour nous, à défaut de trouver des fenêtres pour contre-attaquer, bien plus efficaces.

  A coups de poings et de panneaux trouvés dans la rue, je tentai de frayer avec lui, mais mon corps était recouvert de blessures et tout contusionné de fatigue, et le MMM se jouait de moi. Ce fut surtout Ophélia qui se battait avec lui, encaissant nombre d'attaques sans toutefois parvenir à un résultat probant. La montagne qu'était le MMM était plus insurmontable qu'espéré. Le fait qu'on soit deux contre lui ne le dérangeait pas. Il parvenait toujours à échapper à une prise en tenaille et à parer plusieurs attaques en même temps ; dès qu'il trouvait une fenêtre, il frappait, se débarrassait d'un de nous deux (souvent moi) pour se concentrer sur l'autre le temps que le second coéquipier revienne. Sa technique de combat était d'une flexibilité, d'une souplesse et d'une vivacité surprenantes. J'avais l'impression d'être un ennemi lambda contre un héros de films d'action chinois. Ma seule satisfaction, c'est que le MMM était réellement fatigué et ne disposait pas de toutes ses capacités ; il devait prendre en charge une Mort Silencieuse bien acharnée. Il se prenait des dégâts, il encaissait des attaques qui auraient pu me casser des os, mais il renvoyait cinq fois ce qu'Ophélia lui faisait.

  Il profitait aussi du fait qu'on ne combattait pas ensemble avec la même synergie qu'entre les Private Jokes : notre offensive n'était que la somme de nos attaques individuelles sans créer plus de valeur ajoutée. Shana et Hélène avaient magnifiquement bien résisté contre lui car on avait eu une synchronisation de groupe parfaite. Avec la Mort Silencieuse, elle frappait dans son coin sans se soucier de moi et j'en venais à faire de même, par dépit. En résultait un MMM qui réussit peu à peu à reprendre le combat en main malgré qu'il commençait à atteindre les limites.

__


Tous méritaient de mourir. Crever.
Il fallait les crever.
Il en devenait fou, malade.
Mais il y avait peut-être un moyen.
Une échappatoire à la folie.
Il fallait réfléchir.
Ne pas penser à ce passé étrange qui te détruisait l’être.
Penser à la suite.
Une idée.

__

  Il décala un panneau avec son avant-bras en étouffant un grognement, passa près de moi avec une vivacité incroyable et m'explosa les côtes si fortement que je crus que son pied m'avait brisé la hanche en même temps. Mon corps s'envola et traversa la maison la plus proche, détruisant table, armoire à vitre, lampe. Je me relevai avec le plus grand mal, couvert de sang, au milieu d'un appartement tout simple dont j'avais renversé la table recouverte d'une nappe et d'un pot de fleur. Je n'allais pas tarder à craquer. Des gens étaient morts pour avoir provoqués leur corps plus qu'ils n'auraient dû ; une simple crise cardiaque pouvait être fatale.

  Je sortis pour me rendre compte que le MMM avait pris de la hauteur et se trouvait maintenant sur le toit du bâtiment dont j'avais inspecté brièvement le rez-de-chaussée. Ophélia se dépêcha de le suivre en faisant battre ses ailes et reprit le combat. Ne pouvant pas les rejoindre aussi facilement, je fus spectateur d'une brève lumière, puis je revis l'ange qui se débattait dans les airs, combattant des flammes qui lui léchaient la peau, sans pour autant lui faire le moindre dégât mais réduisant rapidement ses dernières réserves. En deux bonds, je me retrouvais sur le toit plat, re-contemplant Paris, seul en-face du MMM. Ophélia était certainement partie se jeter dans le fleuve pour se débarrasser des brûlures.

« Le feu, tout simplement. », me dit-il. Il avait une bonne lecture de combat, c'était indéniable. Un impact de coup était absorbé par les plumes, mais le feu, lui, restait sur la peau, entraînant des dommages en continu jusqu'à ce qu'on les éteigne. « Ed, je te le demande solennellement : laisse-moi tuer la Mort Silencieuse, et je te laisserais la vie. Je ne veux que ça.
_ Fino m'a dit que vous vouliez absolument me tuer.
_ Il n'avait pas tort, mais les cartes ont été rebattues. Tu peux vivre, Ed, pense-y. »
Ce à quoi je pensais surtout, ce fut Ophélia. J'avais tout fait pour qu'elle survive, ce n'était pas pour que le MMM l'achève sans que je ne fasse rien. Bon, étonnamment, je ne cherchais pas à remettre sa parole en question. J'avais l'impression qu'il était sincère, mais impossible de savoir où me provenait ce sentiment. Je préférais renforcer ma position de combat, en trois quart, un panneau dans les mains.
« Je ne suis pas venu pour vous laisser faire comme vous l'entendez.
_ Regardez-le défendre sa psychopathe sans une once de remords. »
Il avait bien appuyé ses mots pour qu'ils trouvent sens dans mon esprit. Il continua imperturbable : « Elle est devenue la Mort Silencieuse, Ophélia n'existe plus. Si tu la laisses vivre, alors elle tuera. Chacun des cadavres qu'elle laissera derrière elle sera de ta volonté. Tu peux vivre avec ça ? » Je ne répondis pas ; j'avais trop peur qu'il perçoive les mensonges que je serais obligé de lui balancer pour me justifier. Il avait juste raison sur de nombreux points : qu'elle tuerait à nouveau, et que je ne faisais rien pour ça à cause de l'amour que je lui portais. Pire encore, pour le moment, je ne m’en sentais pas coupable. Procrastination de sentiments… Elle n’avait pas encore tué, n’est-ce pas ? Alors pourquoi s’en soucier ? Et j’espérais qu’elle retrouve ses esprits ; Ophélia avait battu la Mort Silencieuse, mais cela avait pris du temps. Peut-être qu’elle trouverait le chemin de la victoire plus rapidement cette fois-ci, qu’elle s’était laissée étouffer les premiers instants mais qu’elle reviendrait. Le MMM répondit d'une voix plus dure, plus impatiente, et surtout, de plus en plus enragée : « Elle est où la morale dans tout ça, hein ? Tu me réponds, Ed ? Elle est où ?! », termina-t-il d’une voix plus forte. J'étais incapable là aussi de lui répondre, sinon de lui demander méchamment de fermer sa gueule. Je voulais que je le combat continue, qu'on oublie cette discussion mais lui semblait arriver à un sujet de discussion où il ne voulait pas démordre. « Tu imagines un monde sans morale, Ed ? Ça serait un monde où chacun ignore chacun, où l'on prostitue notre corps pour de l'argent, où on se fait soi-même esclave pour survivre, où on lit la mort dans les journaux sans que ça nous émeuve à force d'avoir ingéré trop de cadavres, où l'on ne choisit plus selon la morale, mais selon le bénéfice dont on pourra en tirer, où on suicide toute notre espèce dans une course à l'armement financier, où on oublie les autres, on les laisse dans leur misère parce que ça dérangerait notre quotidien, où la vérité n'existe plus, racontée de vingt manières différentes par les journaux, où on nous ment sciemment, à nous et surtout à nos enfants, pour mieux nous contrôler, où la pauvreté est encouragée, où les enfants sont persécutés, les femmes violées, où la science continue à sortir n'importe quoi de ses savants fourneaux parce que le progrès ne doit pas être arrêté, et tant pis si des bombes à hydrogène sont créées...Ça te parle comment, un monde pareil ? » Et il me présenta Paris de son bras, pour souligner son sous-entendu. La façon dont il avait sorti cette dernière phrase me fit extrêmement peur, autant que par le résumé cru de sa vision du monde actuel que parce que j'avais peur qu'il devienne furieux et se jette sur moi, énervé par son propre monologue. « Voilà les produits de notre société : moi, moi et moi. Tant pis si la morale est transgressée, tant que tu peux faire ce qu'il te plaît. Un monde pareil ne te donne pas envie de vomir, Ed ? Tu ne te donnes pas envie de vomir, à aimer une fille qui tue ?
_ Et on fait quoi alors ? On détruit le monde ?!
_ Tu as décidé de mourir au lieu de voir ce que je proposais. Mais je te conseillerais de faire ce que tu peux, à ton échelle, comme je fais moi, à mon échelle : courir beaucoup plus vite. C'est une bonne solution pour ne pas voir qu'on court en rond. Courir plus vite que les autres, si vite que notre conscience ne peut plus rien intégrer. Quitte à fracasser des corps. »


  Il me pétait les couilles, parce que je ne comprenais rien à ce qu'il disait, et le haïr m'empêchait de réfléchir à toutes ses piques. C’était la première fois que je voyais quelqu’un qui ne croyait en rien, et pire que tout, qui disposait de moyens pour mettre ses plans énormes en branle. Il fallait absolument l’arrêter avant que Dreamland, voire le monde en pâtisse. Les responsabilités étaient de plus en plus lourdes, et des renforts ne venaient pas.

  Alors je fonçais sur lui, Ophélia toujours pas réapparue de ses flammes. Je l'imaginai un instant, morte, brûlée dans les rues de Paris, mais il fallait que je me concentre... Que je ne fasse pas attention à une partie de la capitale qui avait été retourné sur l'autre, une plaque de terre épousant la ville juste à mes côtés. Mon panneau frappa et explosa le sol où se trouvait le MMM. Je le lâchai précipitamment pour gagner en vitesse et éviter une contre-attaque, avant de reprendre mon arme plantée dans le toit et frapper le MMM au niveau des jambes. Il s'avançait, je reculais, et on échangea des coups qui firent hurler mes bras de douleur. J'allais bientôt m'évanouir. La tête me tournait, je voyais des tâches noires flouter ma vision, mais je continuais à me battre, tel un zombie, frappant où je pouvais, cherchant à le fatiguer du mieux que je pouvais afin qu'Ophélia puisse le terminer.

  Je ne pensais pas que c'était une tueuse ; elle avait déjà battu la Mort Silencieuse, elle pourrait très bien recommencer. Je ne devais pas penser au fait qu'elle pouvait ne jamais reprendre le contrôle à cause de ses ailes, et que peut-être, la tuer était le mieux qu'on puisse faire. Mais non, je devais continuer à me battre, donner tout ce que j'avais, abandonnant tout ce qu'on m'avait appris pour lancer des attaques sauvages, tandis que je hurlais à chaque mouvement pour me donner du courage. J'étais primitif, violent, et je n'avais plus peur de recevoir des coups. Mes derniers portails disparurent pour me défendre et lui contrattaquer ses propres attaques au meilleur moment, afin que je puisse enchaîner tranquillement et l’épuiser. J’en avais eu un ou deux, je ne savais plus. La douleur me faisait perdre la tête Je le frappai trois fois au ventre, souleva mon panneau d'une main et le frappa au niveau du bras, et en récompense, il me fit craquer la mâchoire si fort que je ne sentis plus mes dents. Il me prit par les cheveux et me regarda droit dans les yeux en hurlant extrêmement fort, ayant étrangement perdu tout contrôle de lui :

« CA NE TE FAIT PAS VOMIR, CE MONDE ?! » Puis il me termina avec un coup de genou dans les dents qui me fit m'écraser contre le rebord du bâtiment, la moitié du corps dans le vide. Terminé, Ed.

  Ophélia revint pile à ce moment-là, les vêtements brûlés, mais si elle n’avait rien, les seules plumes noires qui lui restaient étaient presque invisibles, collées à sa peau. Elle aussi allait bientôt ne plus pouvoir suivre. Cependant, tout comme Sarah, elle se mit à se protéger plus efficacement qu’avant, sachant que ses plumes ne pourraient bientôt plus encaisser à sa place. Leur combat fut assez violent pour que le ring soit décalé sur d’autres immeubles après quelques projections, et qu’ils créent des trous dans le toit. Je tentais de me relever, avec difficulté, regard flou. Le MMM m’avait eu à l’usure, tranquillement, et s’il se montrait plus violent, même s’il était fatigué, il ferait de même avec la Mort Silencieuse. Je réussis à retrouver une respiration régulière à défaut de ne plus être saccadée, et je les rejoignis quelques secondes plus tard sur un bâtiment voisin. J’étais couvert de sang et de sueur, je sifflais, mais j’étais de nouveau près de l’ange.

  Alors, on fonçait, on espérait le toucher et ne pas se faire battre ; personnellement, je faisais tout pour ne pas y passer lors de ma prochaine attaque, réduisant ainsi l'impact de mes offensives. Au moins, Ophélia ou moi pouvaient compter sur l'autre pour empêcher que l’autre ne nous inflige une blessure trop grave. On continuait à frapper avec l'espoir presque enfantin qu'à un moment, il tomberait, car il n'en pourrait plus. L'espoir de la crise cardiaque, quoi. Et je pouvais facilement théoriser que quand on reposait sa victoire là-dessus, c'est qu'on avait perdu. Les coups n'arrêtaient pourtant pas de pleuvoir, on tournait autour de lui comme des rats enragés, on tentait de le frapper, on trouvait une faille dans ses défenses, mais toujours il parait, se déplaçait, trouvait la bonne contre-attaque, et réussissait à nous gérer les deux en même temps, utilisant des positions, des prises et des acrobaties incongrues, se servant parfaitement de son corps surentraîné. Ses mouvements s'essoufflaient peut-être, mais la précision de ses coups était toujours la même, et c'était ça qui était important.

  Mon poing vola vers son visage, mais il l'écrasa dans sa paume avant de me pousser. Il écarta ma défense d'un mouvement ample du bras avant de me défoncer le pectoral d'une attaque ; il se retourna vivement pour rouler sur le sol et éviter un coup de pied latéral amplifié d'Ophélia avant de remonter et dans un même geste, lui tenir la jambe soulevée, la déséquilibrer avec une frappe dans les tempes et la renverser par terre. Il sauta avant que je lui défonce la nuque et tandis qu'il volait derrière moi, me frappait l'arrière du crâne avant de ré-atterrir, moi faisant tout pour ne pas tomber dans le vide juste devant. L’équilibre retrouvé, je reculai vivement dans sa direction et me tournai en même temps afin de lui retourner une trempe, mais il para aisément le coup et m'envoya un contre terrible. Reprise d'Ophélia qui tourna sur elle-même afin que ses ailes frappent le MMM, mais il fit une pirouette pour esquiver l'attaque. Il se remit droit, tenta quelques coups dont l'Algophobe parvint à se défendre, et trouva la faille. Son pied s'enfonça dans son ventre douloureusement. Je revins à la charge, mais il attrapa mon bras en plein vol, me donna son genou dans le bide en échange, me lâcha pour attaquer la Mort Silencieuse qui se faisait un peu trop exigeante, en lui tordant les bras et en l'envoyant voler. Le temps qu'elle se ressaisisse avec ses ailes et j’étais encore sur lui, m’acharnant comme un beau diable, visant son visage ou son cou. Mais il était juste supérieur. A peine frémis-je après avoir tenté quelques coups qu’il avança et me prit de court pour commencer son enchaînement à lui. Je tins farouchement, repoussai sa main pour lui envoyer une tarte mais m’en reçut deux autres qui m’évanouirent le temps de quelques secondes.

  Quand je rouvris les yeux, je vis Ophélia qui glissa sur le sol à-côté de moi après s’être mangée une sale rouste (cependant, le MMM en avait reçu une aussi et était tombé du toit). Elle saignait au niveau de la bouche et du front, et pendant un instant, le temps que son visage exprime la douleur, j’eus l’impression de retrouver Ophélia. Bien vite, l’expression se fit dure et je détournai mon regard de dégoût. Je devais me concentrer sur la façon de le battre. Génial pour moi, je n’en trouvais absolument aucune. Il avait une assurance au niveau du combat extrêmement énervante. Vous saviez, cet espoir fou qui vous faisait dire que cette fois-ci, vous pourriez gagner contre l’équipe favorite du championnat ? Cet espoir, ou plutôt, cette espérance, cette croyance en la chance qui pourrait faire tourner le vent… Et bien le MMM en avait plus que vous. Voilà, tout simplement. Je chuchotai à l’ange aux ailes noires, transi de douleur :

« T’arrives pas à l’avoir malgré la puissance de ton pouvoir ?
_ Il pare toutes mes attaques peu ou pas chargées, et il esquive les autres, cet enculé. Si je lui avais collé un poing, il serait mort.
_ Tu pourrais le battre en un coup quand même, connaissant sa défense ? »
Elle réfléchit rapidement avant de dire :
« Oui, je pourrais essayer quelque chose. Mais je ne pourrais plus me battre après.
_ On peut essayer… quelque chose. »
Et quand je lui dis ça, je tapotai dans mon ventre, ou plutôt, sur la ceinture d’explosifs que je portais depuis le début du combat et que j’avais récupéré d’Ophélia (bizarre comme je parlais des fois d’elle comme si elle n’était pas là).
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptyLun 19 Mai 2014 - 2:20
L’ange se leva promptement, stratégie exposée, et elle s’attaqua puissamment et avec un courage incroyable le MMM qui riposta vaillamment. Il réussit même à la prendre et à l’écraser si fort contre le sol qu’elle tomba à l’étage du dessous. Tremblotant presque sur ses jambes, elle s’envola pour reprendre le combat contre un adversaire trop puissant pour elle. Leur affrontement dura environ une minute avant que je n’ose les rejoindre. Je me mis à courir sur le toit, courir vers le MMM, et c’était le signal de l’attaque. Ophélia chargea un poing au maximum et l’envoya contre le méchant diabolique. Si celui-ci esquiva en arrière, il se prit tout de même l’onde de choc qui fit voler sa cape et le déstabilisa assez pour que je le ceinture en tentant de le plaquer. Mes deux bras autour de lui, il parvint à ne pas tomber, mais il m’envoya un coup de coude pour me faire lâcher prise. Je tins bon, même si je sentais que ma langue était à moitié coupée, et je continuais à le maintenir pour l’immobiliser. Le temps qu’Ophélia fasse sa technique. Même moi, je sentis une puissance extravagante derrière mon dos, prêt à pulvériser n’importe quoi. Le MMM tenta de me pousser hors de lui, et je résistai, et l’affrontement de nos deux forces contraires devint tellement acharné que mes vêtements se déchirèrent en deux et que je ne partis qu’avec le dos de mon teeshirt en y laissant tout le reste. Et Ophélia frappa.

Elle passa au-dessus de moi sans s’en soucier et son poing chercha le MMM ; je crus que tout fut perdu quand une sorte de bouclier invisible à la Jacob le protégea soudainement dix centimètres devant son menton, bloquant l’attaque de la fille. Mais la dernière frappe d’Ophélia n’était pas parable aussi facilement. Je sentis un grand déchirement dans les airs, et comme elle me l’avait conseillé, je fuis. La technique ultime de la Mort Silencieuse était d’augmenter les impacts de ses impacts. Pour être plus clair, chaque attaque créait plusieurs impacts, plusieurs ondes de choc. Non content d’avoir un pouvoir de base qui modifiait leur intensité, elle avait une technique qui permettait d’augmenter aussi les impacts créés suite à une énorme attaque. Et tous ces impacts allaient générer à leur tour d’autres impacts, qui ensuite, allaient créer encore d’autres attaques. C’était une capacité qui créait des impacts à répétition, et il ne valait mieux pas rester à côté. Je sautai de l’immeuble, entendant derrière moi les prémisses de la destruction.

Juste après que le coup fut porté, l’onde de choc généré se dépêcha de créer d’autres ondes de choc. N’importe quelle mini-secousse devenait un petit tremblement, et le tout se propageait dans l’air et dans les murs de l’immeuble dans un vacarme de pétarades stridentes. De multiples explosions invisibles naissaient autour du MMM et le touchaient de même assez fortement pour le faire tomber du bâtiment. Ce dernier fut la plus grosse victime : les ondes se propageaient à travers lui et donnaient naissance à d’autres charges. Très rapidement, comme dévorés par des mites géantes, les murs se fissurèrent et se craquelèrent, les plafonds tombaient sur les sols, tout le mobilier explosait les uns après les autres, semblant imploser, et en quelques secondes, après que je fus retombé dans la rue, l’immeuble s’effondrait sur lui-même, en miettes. Le sol aussi fut attaqué, mais les impacts, devenus trop faibles, disparurent d’eux-mêmes. Technique impressionnante, mais le prix à payer était sévère : Ophélia avait un bras défoncé jusqu’à l’omoplate qui pendait à-côté d’elle. Elle se mit même à cracher du sang. Elle tomba plus qu’elle n’atterrit à-côté de moi, et je l’aidais à se remettre debout. Toute cette fumée empêchait clairement de voir ce qu’il était advenu du MMM. Même elle ne savait pas si elle avait réussi ou pas à lui causer des dommages.

Et comme un démon infernal, il était encore debout, de l’autre côté de ce qui avait été autrefois un immeuble, une partie du masque défoncée, une cape déchirée à certains endroits, mais il tenait encore debout. Je le voyais à peine, à travers ma vision troublée par la fatigue et le sang, mais il était bien là, et il se mit en position de combat en s’approchant, montant sur les gravas gigantesques. Je me saisis d’un panneau de signalisation bloqué dans le sol, réussit à l’en extraire en tirant dessus (ce qui déchira mes muscles), attendis le bon moment, et lui dis :

« Hey ! Chouette ta ceinture ! »

Il regarda vers son ventre, et vit enfin le véritable piège : l’autre partie de mon tee-shirt était encore enroulé autour de lui, et quand il arracha le tissu, il découvrit la ceinture d’explosifs qu’Ophélia se réservait. Allumée. En moins de deux secondes, il comprit : j’avais déroulé la ceinture et l’avait mise dans ma chemise, les deux bouts de la ceinture dépassant de mes manches et le milieu touchant mon ventre. J’avais aussi déchiré d’avance les tissus de mon haut afin que je puisse plus facilement me défaire du MMM quand il me pousserait, en y laissant mes habits. Tandis que j’avais les deux bras autour de lui, j’avais accroché la ceinture dans son dos. Il m’avait repoussé très fortement sans se douter que je lui laissais une bombe camouflée sous ma chemise (accrochée à lui parce qu’elle était autour de la bombe, si l’on pouvait dire). La technique d’Ophélia n’était qu’un leurre afin qu’il pense que le véritable but de la manœuvre était qu’il se la prenne. Mais avant que le coup de la Mort Silencieuse ne parte, il était déjà fait : il avait la ceinture, et je l’avais allumée. Le mécanisme était évidemment à rebours, mais l’explosion allait se déclencher dans sept, six…
Et il l’éteignit en appuyant sur le bouton central.

La Mort Silencieuse me dévisagea ; ouais bon, okay, je n’avais pas prévu ça. Mais si on pouvait se dépêcher d’occuper ses mains avant qu’il ne la décroche, ça serait plus utile qu’un regard inquisiteur. Nous fonçâmes sur lui avec la nette ambition de rallumer les explosifs. Le MMM ne succomba toujours pas à notre assaut conjoint, envoyant bouler Ophélia, me faisant reculer d’une frappe puissante qui me plia en deux, utilisa mon dos parallèle au sol par l’impact pour tourner autour comme un danseur de street-danse et ainsi éviter le contre de la belle. Il se défit de mes attaques sans aucune difficulté, retourna un coup de pied à l’ange avant de me l’envoyer violemment. Je réussis à esquiver le corps et à foncer vers lui. La Mort Silencieuse me hurla de courir, d’une syllabe si puissante que mon esprit confus par la bataille et l’extrême fatigue qui me comprimait le corps ne put qu’obéir. Je continuai à foncer même si je voyais le poing du MMM se serrer pour m’exploser la gueule. Mais au lieu de m’envoyer valdinguer, le coup ne fut pas plus mortel qu’une frappe amicale, et je devinais là le pouvoir d’Ophélia qui jouait, réduisant les impacts. Je rentrais dans le MMM comme un joueur de rugby sur un autre joueur de rugby, un coup de boule dans le menton qui dû lui faire voir de toutes les couleurs. Ma main chercha le bouton de la ceinture et j’appuyai dessus dans un râle.

Je m’agrippai ensuite à ses mains pour éviter qu’elles ne me cognent et reteignent l’appareil. Il m’envoya des coups de pied dans les tibias, des coups de boule, mais Ophélia m’aidait à encaisser chaque attaque en réduisant leur impact. N’empêche qu’au fur et à mesure, le pouvoir perdait de son effet et les assauts étaient de plus en plus violents. Je n’étais plus le temps de quelques secondes qu’un vulgaire punching-ball. Et les bips de la ceinture devenaient de plus en plus rapides, m’interdisant de lâcher ma proie, mais alors me condamnant à recevoir le même châtiment. Et la Mort Silencieuse surgit juste derrière moi et envoya une patate au MMM ; je le lâchai alors qu’il reculait sous l’assaut en serrant les dents.

Le MMM eut à peine le temps de se remettre de l’attaque que la ceinture émit un bip en continu. Il y eut une explosion titanesque dont l’onde de choc nous brûla et nous souffla, Ophélia et moi.

Quelques secondes plus tard, je me relevai d’un coup, et chargeai avec mon panneau, tige vers l’avant, vers le corps du MMM qui tenait à peine debout, carbonisé de toutes parts et qui hurlait de douleur. Comme je l’avais fait le célèbre été d’un an et demi avec un certain mort vivant, j’empalai le MMM avec la pointe du panneau dans sa chair brûlée, continuai à charger en le soulevant, puis le plantai dans le mur le plus proche si fortement que la moitié de mon arme improvisée traversa les différentes couches de plâtre et qu’elle tenait encore facilement même si je la lâchai. Le MMM était maintenant à cinquante centimètres du sol, et il tentait sans réussir de contenir les hurlements de douleur qui lui déchiraient la gorge. Explosé, un panneau dans le bide, il était terminé. Je tenais toujours l’arme entre les deux mains, de peur qu’il ressuscite si je le lâchais, et le MMM me regarda droit dans les yeux. Il me souffla dans un râle :

« Je m’appelle Henri Bourdeau.
_ Quoi ?
_ Je m’appelle… Henri Bourdeau. »


Puis je partis en arrière tandis que le MMM tentait de survivre. Il prit le panneau à deux mains, et sous mes yeux sidérés, le retira de son corps qui glissa contre le sol. Aucun sang ne sortit de sa blessure, ce qui était aussi terrifiant que le reste concernant le personnage. Il jeta un œil à mon tatouage onirique, le taureau qui fonçait, le crâne avec l’inscription « Until the Death » et il secoua la tête de désapprobation. Il m’annonça avec un air peiné, la voix brisée par ses blessures, toujours son masque sur la tête :

« Je suis désolé, je vais fuir… »

Et il disparut.

__

Ils n’étaient plus que cinq dans l’immense salle après la fuite de Lady, Matthieu et Clem : les Deux Dingues emprisonnés l’un contre l’autre, Connors, Fino et son Rayon de la Mort. Chacun était en train de courir dans tous les sens, guidés par le Lieutenant. Il fallait qu’ils retrouvent ce qu’il restait des Private Jokes, et les précédents agresseurs du MMM, de Lou et de Dazh, ainsi que de Yuri et du Docteur Doofenshmirtz. Fino les avait avertis qu’il tirerait dans huit minutes maximum, sauf si on lui envoyait du renfort très très lourd afin de le soutenir. Le bébé phoque avait cependant retenu Connors quand il allait se mettre à partir dans sa propre direction.

« Connors, tu vas te trimballer les Deux Dingues. Ne me remercie pas.
_ Y a pas de risque, non »
, fronça des sourcils l’intéressé en regardant son paquetage qui essayait de bouffer les cordes avec leurs dents. Fino lui expliqua :
« Ed m’a dit qu’il te devait trois mille EV ; il est un peu stupide parce qu’il serait fauché, et que le Royaume des Deux Suçeuses a les caisses vides. Afin que je puisse continuer à lui soustraire du fric, j’ai envie qu’il ait les poches pleines, donc je te donne les Deux Dingues. Donne-leur à Mirage Space, je peux t’assurer qu’ils te donneront bien plus que trois mille EV pour les avoir capturés.
_ Merci énormément, Fino. Je n’oublierai pas.
_ Bouge ton gros cul avant que des centaines de soldats te fassent oublier alors »
, grogna Fino, une veine palpitante sous sa fourrure pour ce connard qui essayait de le faire passer pour un gentil. Connors ramassa les Deux Dingues, en les soulevant avec autant d’efforts que s’ils étaient un pack de bière, et il trouva finalement une position confortable (ce qui voulait signifier, que les Deux Dingues ne puissent pas lui donner de coup de pied en plein visage). Jasmine éructa une dernière fois à Fino :
« Tu peux tirer maintenant, si tu veux ! C’est vraiment dommage que je pourrais pas te voir le faire dans les quelques minutes, j’aurais adoré voir ta tête !
_ Tu t’en remettras, mon bout de chou. Espère juste que ton sherpa se mette pas devant le rayon quand je vais dézinguer. »


Connors s’en alla, et Fino remarqua que les bras du Voyageur étaient devenus noirs ; peut-être une concentration d’atomes qui renforçaient ses muscles, pensa-t-il. Puis il revint aux soldats qui allaient bientôt préparer l’offensive, rassemblant leur courage et se dispersant pour minimiser les éventuelles pertes. Le bébé phoque se demanda soudainement comment il allait tenir sa position. Il allait détruire le vaisseau, mais les dernières phrases de Jasmine ne sentaient pas bon. Il réduisit de deux minutes le temps avant de tirer : il devait anticiper au cas où il y aurait un problème.

__

Le Lieutenant était en train de guider tous les membres du SMB vers un vaisseau de secours dont la localisation avait été donnée par Lady Kushin. Avec les caméras piratées, elle pouvait ordonner à chacun les directives pour ne pas rencontrer des soldats massés par centaines à certains endroits, et checker l’état de différentes personnes. Clem était censé aller aider Lou et Dazh, mais ceux-ci s’étaient réveillés et pouvaient avancer. Les trois se retrouveraient ainsi au point A, et devraient passer par-là et là afin d’atteindre le vaisseau. Cependant, le rouquin fut demandé pour s’occuper des cellules et aider Matthieu à sauver tous les prisonniers. Pas besoin de rajouter que Clem ne le sentait pas du tout. Lady Kushin s’occupa de la grande salle du MMM où de nombreuses personnes hors d’état de combattre l’attendaient. Elle devait en réveiller comme elle pouvait avant de les guider elle-même vers la sortie. Malheureusement, elle fut incapable de s’occuper du Major, ainsi que de Jacob, totalement inconscient, et que chaque seconde rapprochait de la mort. Il fallait juste prier pour qu’il survive à son état de fatigue avant qu’il n’en meure. Cependant, BHL, Monsieur Portal, Shana et Hélène avançaient, clopin-clopant.

Matthieu était censé s’occuper des prisonniers, l’Invocateur bifurqua vers les prisons pour sauver le plus de personnes possibles. Pour les repérer malgré la taille titanesque des lieux, l’Invocateur appelait à qui mieux-mieux, et dès qu’il entendait une réponse qui se répercutait en écho entre les murs, il fonçait les sauver et utilisait Germaine pour réduire les barreaux. Ce qui lui coûta énormément.

__

Le vieil homme, prisonnier, se gratta la joue, ripant contre sa barbe. Il n’avait aucune idée de ce qui s’était passé dans le vaisseau, mais maintenant qu’il voyait un des membres du SMB délivrer le plus de personnes possibles, il se doutait que la victoire n’avait pas tourné en faveur du MMM. Il ne fit cependant aucun bruit pour attirer le libérateur, et celui-ci ne le remarqua que par hasard. Le jugeant très certainement trop faible pour émettre le moindre son, Matthieu lui avait pardonné son mutisme et était en train de lui ouvrir sa cellule en forçant les barreaux avec de l’acide. Le vieil homme sourit, ne sachant pas s’il devait être heureux ou triste. La personne qui était en train de le libérer était un Voyageur ; c’était dommage, il ne fallait pas qu’il voie son visage. Il ne le connaissait pas et peut-être ne se verraient-ils jamais, mais il ne valait mieux pas prendre de risque. Heureusement, ses cheveux mi-longs lui pendaient devant la face, la camouflant légèrement. Il se leva en faisant un long soupir et dit :

« Bon… Il est temps. »

Il claqua dans ses mains, et il disparut du champ de vision de Matthieu. Ce dernier chercha du regard le mystérieux petit vieux pendant quelques secondes, et repartit à la recherche de prisonniers.

__

Bon, il était temps. Alors que les soldats commençaient à se faire de plus en plus audacieux, il était évident que l’assaut serait imminent. Et Fino ne pourrait jamais défendre la place à lui tout seul, il ne se faisait aucune illusion. Son but, c’était de détruire le vaisseau afin de forcer tous les rats à quitter le navire. La suite serait floue, mais le laboratoire avait des fenêtres sur le mur extérieur : en les détruisant, et en espérant un sauvetage du vaisseau de secours allié où tout le SMB serait réuni, il pourrait s’en sortir. Sans plus d’hésitation, Fino tapota quelques touches tandis qu’un soldat entrait dans la pièce avec un semblant de drapeau blanc. Des pourparlers… Quelle bande de cons… Le diplomate ne s’était pas vraiment avancé dans la pièce, parce qu’on pouvait être téméraire sans être courageux, et il dit d’une voix extrêmement solennelle :

« Je propose un…
_ Je refuse ! »


Et le Rayon de la Mort tira toutes ses dernières réserves d’énergie en dix secondes flamboyantes qui rasèrent tout ce qui était à sa portée : murs, salles, mobiliers, hommes, armes, conduits. Tout fut balayé en quelques instants extrêmement courts, tout fut emporté loin de Fino. Le Rayon creusa, sans se soucier des hurlements des hommes et des murs, un très vaste couloir gigantesque sur plusieurs centaines de mètres, endommageant un maximum le navire volant. Des étages s’effondraient sur eux-mêmes, des murs s’abattaient, des constructions ne tenaient plus debout et obstruaient des couloirs. Accompagnant le grondement du Rayon, ce fut une énorme partie du vaisseau qui partit en fumée, et des débuts d’incendie commencèrent à se déclarer à des dizaines de points très différents. Fino ne savait pas combien il avait réussi à tuer de soldats, mais le chiffre devait dépasser la trentaine (en tout cas, devant la porte). Il ne s’attarda pas trop sur cette série de morts en un temps record, car les paroles de Jasmine revinrent le piquer.

Le vaisseau semblait n’avoir subi aucun dommage très important. Il avait foutu le souk, c’était indéniable, mais maintenant que Fino y pensait, la base volante n’avait montré aucun signe de moteur, aucune source d’énergie venant alimenter la base, autre que celles qui se chargeaient de la surveillance et des caméras. Le bébé phoque se posa cette hypothèse morbide : et si la base volante ne tenait en l’air et ne se déplaçait, non sans moteur ou réacteur, mais tout simplement par la puissance insolente du MMM, voulant signifier qu’elle ne pourrait pas tomber en l’air même si on la découpait en milliers de morceaux ? La seule conséquence à court terme pour Fino était simple : aucun soldat ne se précipiterait pour sauver sa peau. Il en avait tué, c’était bien. Plus que trois cent soixante-dix gars à s’occuper. Et pour le coup, le Rayon de la mort afficha un zéro pourcent significatif. Il était devenu inutilisable à tout jamais. Fino se maudit de ne pas avoir pensé à ça. Il était persuadé qu’un Rayon de la Mort retourné contre son propriétaire le mettrait à bas, mais non. La base avait morflé, elle était transpercée de multiples parts, mais elle tenait bon comme si elle n’avait rien subi. Pas d’alerte, pas d’alarme. Fino avait juste aéré un peu le vaisseau sans avoir causé de dommages importants.

Et les soldats chargèrent. Ils arrivèrent de la porte principale du laboratoire ainsi que des deux ouvertures causées par le SMB, et très rapidement, ils encerclèrent Fino et se mirent à lui tirer dessus avec tout ce qu’ils avaient. Le phoque sauta de son siège et trouva un abri relativement intéressant entre deux pieds de la base du Rayon. Mais il allait tenir quoi… Allez, quinze secondes. Il se permit de tirer un coup qui le propulsa en arrière, mais son attaque ne fit pas mouche. Cependant, quelqu’un s’effondra en poussant un glapissement terrorisé. Fino remarqua que le centre d’attention s’était déporté de lui à un nouvel arrivant qui creusait un passage dans la foule plutôt conséquent.

« PARTAGEZ MA DEMOCRATIE, BANDE DE COMMUNISTES DE WOODSTOCK !!! » La subtilité à la Major. Fino sortit de sa cachette, tira sur un ennemi qui s’effondra en ayant perdu une jambe, et beugla :
« MAJOR MCKANTH !!! AU RAPPORT !!! » Le Major McKanth arrêta tout bonnement de tirer et partit vers le phoque d’une démarche raide sans faire nullement attention aux coups qu’ils se recevaient, aux balles, ainsi qu’à quelques explosions qui lui touchaient la tête. Dès qu’il fut proche, il beugla :
« GENERAL PATTON !!! JE SUIS AU RAPPORT !!! JE VOUS RECONNAIS MIEUX MAINTE-NANT QUE VOUS AVEZ PLUS DE TISSU QUI FLOTTE ET UN MACHIN DEVANT LA TETE ! » Fino le regarda d’un œil légèrement torve, en décortiquant le mot « cape » et « masque » (et donc, MMM) dans les mots du militaire, puis lui ordonna de se défendre un minimum pendant qu’ils discuteraient. Ce fut avec plaisir que le Major se retourna pour arroser la pièce de six millimètres. Le bébé phoque demanda en hurlant pour couvrir les bruits de la bataille qui se faisait de plus en plus inégale :
« VOUS DÎTES QUE JE PORTAIS DES VÊTEMENTS ?! J’ETAIS TOUT EN NOIR ?!
_ OUAIS, MON GENERAL !!! VOUS AVIEZ MÊME UNE PLAQUE AVEC VOTRE NOM DES-SUS !!! PUIS VOUS M’AVEZ DEMANDE DE RAYER TOUTES LES COUPES AU BOL DE LA PLANETE ! »
Et un Monsieur Portal en moins comme ça. Le MMM avait retourné le Major aussi facilement qu’Ed aurait dû l’imaginer. Fino lui beugla son dédain :
« ABRUTI DE ROUGE, EST-CE QU’IL NE VOUS AIT PAS VENU A L’IDEE, JUSTE UNE FOIS, QUE CE TYPE ETAIT UN IMPOSTEUR ?! » Le Major tourna sa tête vers lui (à cent quatre-vingt degrés, elle était vissée), et il afficha un air d’étonnement stupide tout à fait sincère. L’ironie dans tout ça, c’est qu’il venait de se rendre compte du piège devant un bébé phoque qui s’identifiait aussi comme Patton, et à qui le Major croyait totalement.

Et tandis que la bataille s’enlisait, les soldats courant se cacher dans tous les coins et Fino ayant demandé au Major de le protéger et ne pas foncer vers les ennemis, soudainement, un énorme bruit parcourut l’ensemble de la base volante, puis cette dernière commença à s’incliner, comme si le Rayon avait provoqué enfin son petit effet, mais à retardement. Mais pire qu’une simple panne qui allait faire crasher tout le système : on aurait dit que le vaisseau allait se désagréger. En effet, il semblait se pulvériser à plusieurs endroits, accélérant le processus de destruction. Il serait hors d’état de fonctionner bien avant de s’écraser sur la Petite Réalité. Ça ne voulait dire qu’une chose : le MMM était assommé ou mort. Savourant la victoire, Fino pensa qu’il faudrait se casser vite fait d’ici : ça allait urger.

__

Le MMM était de retour dans son bureau sur la base volante. Il se dépêcha d’activer quelques boutons cachés dans la pièce en clopinant, couvert de blessures, épuisé comme pas permis. Il souleva des livres, enclencha des manettes, puis d’un coup, son bureau sembla se détacher de sa base pour devenir un appareil volant autonome. Il ne se rendit compte de la présence du vieil homme qu’après coup, dans un coin de la pièce, en train de siffloter. Celui-ci avait un miroir d’un mètre de diamètre sous la main.

« C’est donc toi… » Sa voix n’était qu’un ersatz de ce qu’elle était réellement par les blessures et la fatigue endurées. Pas de quoi effrayer quelqu’un, surtout pas quand il avait des yeux aussi déterminés que celui qu’il avait en-face. Celui-ci avait posé son miroir sur le sol et commença à psalmodier rapidement une litanie, et au bout de quelques secondes, il termina par une phrase intensément haineuse :
« Je te maudis mille fois, démon.
_ Je t’en supplie ! »
, répondit le MMM, une sincérité non feinte. « Je t’en supplie, sauve-moi !
_ Je ne peux plus. »
, souffla l’homme aux cheveux blancs, secouant légèrement la tête. « Désolé, je ne peux plus.
_ Sauve-moi ! Je n’ai jamais voulu ça !
_ Et moi non plus… »
Le MMM s’immobilisa, conscient que tout était terminé. Il tenta un dernier :
« Tu dois arrêter toute la mécanique qui va se mettre en place. Sinon, je se…
_ Non. C’est terminé. Ne me demande plus rien. J’ai commis la pire bêtise du monde. Je te demande juste de te laisser mourir en te taisant.
_ S’il te plaît… je ne le mérite pas… »
Cette phrase trouva écho chez le vieil homme… Il se tut, considéra la réponse, et ses yeux s’embuèrent. Il tenta de les chassez en secouant la tête mais des pleurs le firent hoqueter, tirant son visage telle une grimace. Il répondit enfin :
« Je suis tellement désolé… Tellement désolé… » Et il plaça ses paumes sur le miroir. Il y eut une lumière dorée qui envahit toute la pièce.

__

Les caméras s’éteignaient les unes après les autres ; les incendies et la destruction inopinée de la base volante en étaient les deux causes. Le Lieutenant Sam essayait tant bien que mal de guider les rescapés vers le vaisseau de secours, et s’autorisa même à utiliser son pouvoir deux fois afin de retenir le chemin dans sa tête, et tout balancer à ses interlocuteurs avant que les caméras ne lui voilent ses yeux. Si tout le monde parvint à peu près à temps à monter dans le vaisseau, Matthieu et ses nombreux prisonniers traînaient la patte, à cause de la tâche titanesque qu’il devait accomplir. Dès qu’il lui sembla avoir sauvé tout le monde, ils repartirent à toute vitesse, et ce fut à elle de les guider par des chemins où le feu ne dévorait les environs et où des failles ne menaçaient pas les couloirs de se faire.

Autre cause qui semblait perdue : Fino ne revenait toujours pas et elle ne parvenait pas à le retrouver sur les caméras. Il était toujours dans le laboratoire assiégé, mais aucun appareil ne semblait dire qu’il en était sorti. Le Lieutenant se surprit à arracher un morceau de la chaise de 42 de peur que la mission ne dérape à la fin. Cependant, elle se doutait quand même que l’Invocateur de Mollusques parviendrait à venir au vaisseau avec sa cohorte de méchants diaboliques et d’anciens soldats du SMB avant que le vaisseau gigantesque ne se disloque réellement. Pour ce qu’il en était de Fino cependant…

Quelques minutes plus tard, Matthieu et des dizaines de prisonniers parvint à rejoindre le véhicule volant que Lady Kushin faisait déjà démarrer. Tout le monde était revenu au vaisseau sauf le bébé phoque. Ça avait pris facilement plus de vingt minutes, mais les gens étaient là et ils attendaient que Fino revienne. Ainsi que Clem, dont on n’avait aucune nouvelle. Lady Kushin apprit alors à Sam que Fino était avec le Major, qu’elle avait réussi à réactiver. Sam eut moins de culpabilité quand elle dit alors :

« Décollez ! La base ne va pas tarder à s’effondrer ! »

Ils ne se le firent pas dire deux fois. Des réacteurs se mirent à brûler à l’arrière du véhicule, les roues se soulevèrent, et l’imposant vaisseau se mit à foncer vers les cieux. Derrière lui, chacun put voir un aperçu de la dépravation de la base du MMM : malgré sa taille, plusieurs explosions dévoraient les parois extérieures, faisant naître de nouvelles fissures et de nouveaux trous qui aidaient le vaisseau à se tordre, à se plier et à se détruire. On pouvait déjà comprendre que le vaisseau avait été séparé en cinq parties différentes qui se mettaient à tomber plus ou moins vites, comme si la gravité hésitait à les faire chuter. Cependant, il n’y avait nulle trace de Clem ou de Fino.

__

Clem avait erré comme il avait pu parmi les cellules au nombre proche de l’infini, mais malgré ses cris, sa course, il n’avait trouvé personne. On lui avait peut-être passé une oreillette, les seules choses qu’il entendait n’étaient pas de bonne augure. Il jura entre ses dents et décida qu’il en avait assez fait. Il se mit alors à courir en suivant les indications dont il se souvenait, mais il était trop loin, beaucoup trop loin du vaisseau. Il fut même victime des énormes failles qui se créaient dans les murs et les étages, l’obligeant à changer de chemin et à perdre du temps précieux.

Quand l’Agoraphobe crut qu’il allait pouvoir s’en tirer, il put voir non seulement que le vaisseau avait déjà décollé, mais qu’en plus, un grondement terrifiant lui perça les tympans et annonça une brèche encore plus conséquente accompagnée de secousses qui le firent tomber sur le sol. Quand il se releva précipitamment en se rappelant qu’il détestait fuir d’endroits improbables en proie à une destruction aussi violente que mortelle, il comprit que tout était en train de chuter. S’il sautait, il serait capable de se prendre le plafond. La gravité s’inversait sans cesse tandis qu’il se trouvait dans la pluie de décombres de plusieurs centaines de tonnes, et alors qu’il se croyait perdu, un speeder s’approcha de lui, vers l’extérieur. Il était conduit par l’Adjudant qui beuglait qu’on ne laissait jamais des victimes à terre. Clem était trop faible et trop heureux pour lui faire remarquer sa bévue. Il sauta derrière la selle du conducteur, et les deux s’en allèrent aussi vite qu’ils le purent.

__

« Major, on se bouge le cul et on se casse ! MAJOR, ON SE BOUGE LE CUL ET ON SE CASSE !!!
_ JAMAIS JE NE RECULERAI DEVANT L’ENNEMI !!!
_ ON VA EXPLOSER !!!
_ MÊME PAS PEUR !!! »
Oh putain, ne pouvait-il pas être censé et comprendre que même s’il avait de bonnes chances de survivre à un mauvais traitement aussi doux que des explosions gigantesques et des tonnes de béton dans la gueule, Fino ne pourrait pas ? Faire appel à ses neurones semblait être une lutte plus désespérée encore que l’opération commando d’aujourd’hui.
« MAJOR, ILS VONT CREVER DE TOUTE FACON !!! PARTONS ET ALLONS EN TUER D’AUTRES !!!
_ ILS MOURRONT DE MA MAIN !!! »
Putain, mais quel con ! C’était Lady Kushin en plus qui lui avait envoyé ce demeuré. Hé, merci du cadeau, salope ! Fino se tritura les méninges, et tandis qu’une scène de fusillade intense se jouait autour de lui, il décida d’escalader difficilement une des fenêtres du laboratoire qui avait été victime d’une ou balles perdues et dans lequel s’infiltrait l’air. Prenant ses couilles à deux mains, Fino hurla :

« Au secours, je tombe ! » avant de sauter consciemment en arrière, en plein dans le vide.

Il fallut trois secondes au Major pour comprendre la situation, se retourner, détruire le mur en fonçant dedans comme une brutasse totalement folle et le rattraper dans les airs non sans le comprimer. Fino toussa pour faire croire qu’il était blessé, et dit qu’il n’en aurait pas pour longtemps si on ne le soignait pas tout de suite. Le Major oublia totalement les ennemis et se dirigea vers le vaisseau de leurs alliés. Et dire que personne n’avait pensé que le militaire pourrait se faire retourner le cerveau par le MMM… En tout cas, le Major se posa sur l’aile du véhicule en prenant une pause badass, et manquant au passage de le détruire.

__

Le Lieutenant sauta de joie quand elle vit que tout le monde était sain et sauf, et Dark Angel 42 faisait tout pour esquiver les embrassades qu’elle tentait de lui infliger. La bonne nouvelle fut transmise dans tout le Royaume rapidement, et tous les habitants se mirent à sauter de joie. Quelques-uns d’entre eux se dépêchèrent de foncer aux Royaumes voisins pour colporter la fin du MMM. Les deux Claustrophobes, Julia et Evan, eurent un sourire entendu ; un nouvel exploit signé une tête de blond. Et de Fino, aussi. Pour le malheur de tous. Ce fut avec presque des larmes de joie dans les yeux que le Lieutenant annonça la conclusion par le micro :

« Je vous annonce que notre opération est un succès total ! Félicitations ! »

Il n’en fallut pas plus pour faire sauter de joie tout le vaisseau de hurlements et de vivats. Certains s’empoignaient, se jetaient dessus, s’enlaçaient. Tout le monde était totalement euphorique, surtout lors de retrouvailles entre Soy et le reste de l’équipe (Connors le souleva de terre de joie), ou quand on remarqua les soldats annoncés comme morts lors de l’opération à cause de Sarah. La mission fut horrible, mais cependant, ce passage en particulier fut un moment proprement magique : tout le monde qui sautait dans les bras de tout le monde, des félicitations lancées à chacun, et des anecdotes déjà fusaient çà et là. Des gens se remerciaient de l’intervention d’autres gens, et ce fut quand Matthieu chercha le Général Panda des yeux qu’il se mit à douter.

« Euh… quelqu’un sait où est le Général ? »

__

« Ils m’ont encore oublié… », annonça le Général Panda, utilisant son Pandachutiste pour atterrir dans la Petite Réalité en attendant son réveil. Elle ne voyait même pas comment et surtout quand, les autres l’avaient oblitéré de leur existence. Elle soupira, tandis que la chute se poursuivait, dans le ciel bleu. Elle fut seule fut témoin de la chute de la base volante en plusieurs dizaines de morceaux à une centaine de mètres d’elle, qui ne tomba pas sur Paris car la Petite Réalité était toujours en mouvement ; l’ancien vaisseau du MMM s’écrasa cependant sur Haïti.

__

Le Lieutenant s’était enquis du Général et annonça que tout allait bien. Les hurlements de joie reprirent de plus belle, jusqu’à ce que Shana douche la salle encore une fois :

« Et Ed ? »

__

Le mur contre lequel je m’étais adossé garda une petite marque de sang que j’étalai en tombant contre le sol. La bouche grande ouverte, happant tout l’air que je pouvais, je tentais de survivre. Rien que la fatigue me causait une douleur atroce à l’estomac, et me donna des haut-le-cœur terrible qui me firent vomir quelques secondes plus tard. J’effaçai légèrement les traces de vomi ainsi que du sang de ma bouche et je tentais de faire le point. Quand la Mort Silencieuse me jeta un coup d’œil (elle était à peine mieux que moi), je lui dis :

« On l’a eu… On l’a eu putain ! Je croyais… qu’on l’aurait pas.
_ C’est tant mieux, on ne l’a pas eu »
, rectifia l’Algophobe avec une pointe de colère dans la voix. Elle avait raison. Une minute de silence dans laquelle je reprenais mes forces. Je tentai de me lever, mais mes jambes m’envoyèrent proprement me faire foutre et je retombai cul sur le sol. Je regardais la Mort Silencieuse et siffla ce que je voulais lui dire depuis le début :
« Laisse-la repartir…
_ Pourquoi ?
_ Parce que tu n’es pas Ophélia…
_ Si.
_ Tu n’es qu’un désordre psychologique causé par Dreamland et par Pijn. Dégage.
_ Je suis Ophélia.
_ Non. »
C’était un refus catégorique. Je savais que c’était Ophélia, évidemment, mais je parlais de sa personnalité. Elle ricana très méchamment :
« Tu préfèrerais que je redevienne la pleurnicheuse, incapable de lever le petit doigt quand ses amis sont en danger, haïe par Dreamland, toujours à se remettre en question ?
_ C’est comme ça que tout le monde l’aime.
_ Sauf elle.
_ Si elle se haït, c’est justement à cause de toi.
_ J’en ai marre d’user de sophisme »
, dit-elle d’un ton plus grave, et elle s’approcha de moi jusqu’à me soulever le menton et à approcher ses lèvres si près que je crus qu’elle allait m’embrasser. Mais elle se contenta de continuer : « Soit tu m’acceptes, soit tu m’acceptes pas. Si tu m’acceptes, je t’embrasse de suite et je te promets qu’on passera de supers nuits ensemble. Si tu ne m’acceptes pas… » Elle m’envoya un coup dans la tempe qui fit voler du sang et qui m’écrasa la tête contre le sol ; mes yeux avaient dû répondre pour elle avant qu’elle ne termine son speech. « … Alors viens la chercher, et n’oublie jamais que c’est grâce à toi si je suis en vie, et que c’est à cause de toi qu’Ophélia va se trouver de plus en plus… haïssable et… qui pourrait s’en vouloir à mort. »

Sur ce, sans que je ne puisse faire le moindre mouvement, la Mort Silencieuse s’envola dans les cieux bleus de Paris, et des larmes tremblèrent dans mes yeux. De douleur, de tristesse, de joie, je ne savais plus. J’étais juste passé par cette épreuve. Et je ne savais pas de quoi seraient fait les demains. Mais j’en avais peur.
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptySam 24 Mai 2014 - 0:21
ENDS




Le Royaume des Deux Déesses était en pleine effervescence, et c'était évidemment à Shana de tout gérer. Elle aurait pu commencer à travailler dès le premier jour après l'attaque commando, mais elle préféra de loin, assumant son sérieux maladif, gérer tout juste après que le vaisseau se fut posé. Comme si elle était le chef du SMB, elle remercia, toujours emplie de l'euphorie de la victoire, tous les Voyageurs qui participèrent à la mission. Ils manquaient une petite partie de la Compagnie Panda, mais Shana leur destinait aussi des remerciements pour tout ce qui s'était passé.

Elle prit le contrôle de l'organisation juste avant sa dissolution, vu qu'Ed était toujours dans la Petite Réalité. Elle se mordit les lèvres d'inquiétude en repensant au blond, mais elle tenta d'étouffer ses sentiments. Fino lui avait répété mille fois (en roulant des yeux furieux), que si le vaisseau s'était désagrégé comme un biscuit dans un verre de lait, c'était parce que le MMM s'était fait piner la gueule, donc qu'Ed avait gagné son combat contre toute attente. Shana n'était pas convaincue par l'argument, non seulement parce qu'il s'appuyait sur des théories et Dieu savait que ça ne calmait en rien des inquiétudes, et aussi parce qu'elle s'en fichait de savoir s'il avait remporté la victoire contre le MMM, vu qu'elle voulait savoir s'il avait survécu, ce qui étaient deux notions totalement différentes.

Cependant, abordant une façade de professionnel, elle réussit à tenir un discours pour les féliciter tous, et un autre pour expliquer aux habitants la teneur de l'opération et son succès. Ce fut la fête dans le Royaume, surtout quand Fino avait pris la parole pour appuyer avec force propos héroïques à quel point ça avait été difficile et les conséquences qu'aurait eu une défaite. Il y eut d'immenses vivats, et tout le monde applaudit tous les bienfaiteurs de l'humanité. Shana put retrouver le Lieutenant, Dark Angel 42 (qui fuyait son regard, mais pas son corps), ainsi que deux Claustrophobes qu'elle ne connaissait pas et qui étaient venus à la rescousse. Elle les jugea d'un air méfiant ; elle avait réussi à deviner en leur posant quelques questions innocentes qu'ils avaient joué de sales tours à Ed l'été dernier.

Il était difficile de dire adieu sur Dreamland, car la nuit se terminait quand elle le voulait, et la fois prochaine, chacun était dispersé. Elle fut la cible de tout le SMB concernant des questions logistiques, mais la première chose qu'elle fit fut de rendre visite à Hélène, couchée sur un lit, extrêmement faible. Elle lui demanda doucement si elle comptait rester, mais la fille secoua négativement la tête et lui expliqua qu'elle devrait repartir avec son Seigneur dès la nuit prochaine. Shana et elle passèrent quelques temps à discuter, jusqu'à ce que la seconde se réveille, laissant un lit rongé par l'acide derrière elle.

Shana put retrouver Lou et Dazh qui sautaient de joie pour avoir été plus fort qu'Ed, et elle préféra les laisser tranquilles quand ils se mirent à se bagarrer pour savoir lequel d'entre eux avait porté le coup final et qui avait été le plus utile. Ils tombèrent tous les deux au sol, toujours morts de fatigue, et ce fut Clane qui les ramassa pour les poser dans la salle de repos. Si la Compagnie Panda était partie très vite avant que le Major ne trouve une raison pour ravager le Royaume, Shana retrouva Monsieur Portal qui flânait tranquillement admirant l'architecture et posant quelques questions à des domestiques. Il lui dit qu'il ne reviendrait pas car il était en pleine expérience avec son ami "Hah" (oui, il semblait que c'était son véritable prénom), mais qu'il était très heureux d'avoir pu aider à la capture du MMM. Il semblait tout de même un peu triste et songeur, mais Shana n’osa pas lui demander des détails. Comme une experte, elle sortit un stylo de sa poche pour le donner à Germaine qui traînait dans les couloirs, son autre main en train de tirer Matthieu par sa capuche jusqu’à un bureau où ils pourraient travailler tranquillement. Jamais elle n’avait vu quelqu’un aussi terrifié de toute sa vie. Shana eut une pensée pour la fête encore à organiser pour les prochains jours, les relations à avoir avec tous les autres Royaumes, comprendre tout simplement ce qu’il s’était passé ainsi que la dépression post-aventure d’Ed habituelle.
Y avait du travail.

__

Quand on l’avait prévenu qu’on voulait le voir, le directeur avait grogné pour marquer sa désapprobation. Il était en train de faire la comptabilité du bâtiment et les chiffres n’étaient pas au mieux. Le vieux propriétaire de l’établissement allait laisser couler, comme d’hab, mais il aurait plus de mal à ponctionner sans se sentir gêné. Pourtant, il ne pouvait pas dire que son bordel n’avait pas de potentiel, mais y avait une couille quelque part. Peut-être que sa meilleure gagneuse était moins performante qu’auparavant ; certainement à cause de cet enfoiré, de cet enculé, de ce connard de Connors. S’il le trouvait, il lui arracherait la moelle épinière et lui enfoncerait dans…

« Salut, mec, comment vas-tu ? » Le directeur du bordel faillit s’étouffer de rage quand il vit ledit Connors rentrer dans son bureau comme si de rien n’était, avec un énorme sourire, un smoking rose bonbon dégueulasse. Il fit tout pour ne pas sauter vers le parasite numéro 1 du bordel et l’étrangler furieusement. Le Voyageur sortit une grosse bourse d’EV et la posa sur le bureau :
« Je viens chercher Alicya. » A la vue de l’argent, le directeur aperçut un espoir. Il se mit à exploser de rire en pointant la somme. Il réussit entre deux éclats de rire mesquins à dire :
« Pauvre con ! Comme si elle avait un prix ! Comme si j’allais te la vendre !
_ Tu m’as dit que je pourrais l’acheter si j’y mettais le prix, après m’avoir fait comprendre qu’elle serait trop chère pour moi et me disant précisément le montant de trente mille EV. »
Le Directeur se réjouit intérieurement de la douce revanche qu’il allait prendre. Il avait presque oublié qu’il lui avait dit ça, à Connors, et cet idiot l’avait cru. L’amour était quelque chose d’incroyable. Le ton du Voyageur se fit plus dur : « J’achète Alicya, et tu fermes ta gueule.
_ Et ben, je refuse ! »
, termina le Directeur en sortant un cigare pour parfumer sa victoire. Il l’alluma d’un mouvement expert du briquet avant de reporter son attention sur Connors, qui restait impassible. Puis lentement, le Voyageur ouvrit la bouche et dit :
« Je le savais que tu ne me la laisseras pas l’acheter.
_ Et tu es quand même allé chercher le fric.
_ Oui. Mais j’ai touché un peu plus que prévu en arrêtant des criminels de haute volée, donc en fait, plutôt que de t’acheter une prostituée, je t’achète ton établissement.
_ Tu peux pas »
, ricana moins sordidement le directeur en lui jetant une bouffée de fumée. « Je refuserai de te le céder aussi.
_ Ce n’est pas toi qui décide, mais le propriétaire, le président de l’établissement. Tu n’es que le directeur. Enfin, tu n’étais que le directeur. Il a accepté mon offre quand je lui ai présenté tes résultats plutôt décevants et devant la somme que j’ai récolté, et c’est donc moi le nouveau président. »
Connors lui présenta des papiers officiels sortis de sa poche, des bilans annuels du bordel qu’il avait dû lui chiper il ne savait comment, et termina par lui voler son cigare de sa bouche pour le fumer à son tour. « … Et aussi le nouveau directeur. Et t’es viré.
_ Non !
_ Et si, j’en ai bien peur.
_ Et si je te cassais la gueule de suite ?
_ Oh, mais avec plaisir ! »
Connors lui ouvrit les bras, et le directeur (enfin, l’ex-directeur), se souvint qu’il menaçait un Voyageur. Il ne sortirait peut-être pas vainqueur d’un affrontement. Il se leva tout de même et partit vers la porte d’un ton rageur, et Connors se dépêcha de prendre sa place avant de cracher des ronds de fumée. L’homme se retourna les joues rouges et lui beugla :
« Tu me fous dans la rue, comme ça ?! T’es qu’un fils de putain, Connors !
_ Merci pour le compliment. Dégage, maintenant.
_ Okay ! Ecoute, j’accepte ta somme, Alicya peut partir avec toi !
_ Trop tard. Cependant, je n’ai pas envie de gérer un bordel sur Dreamland, c’est trop… épuisant pour moi. »
Connors s’avança sur son nouveau bureau et souffla un large nuage de fumée grise de sa bouche qui se transforma en brouillard rose. « Je te fais une offre : je te cède le bâtiment si tu me donnes cinquante mille EV, cash.
_ Mais jamais je ne trouverai la somme !
_ Ah, ça… »
, et Connors lâcha la suspension sans terminer la phrase et s’appuya contre le dossier de son fauteuil. Il était satisfait.
Et pour satisfaire Connors, il en fallait beaucoup.

__

Liz était elle aussi devenue la nouvelle directrice de l’Ecole des Méchants Diaboliques. C’était un autre professeur qui s’était chargé de l’intérim en attendant qu’elle regagne son poste. En effet, elle avait placé Garabeòne sous l’assistance du Royaume Ophidien et avait réussi à conclure un accord entre eux : le Royaume protégeait son frère d’une justice onirique, et en échange, celui-ci obéissait directement à son Seigneur en tant que soldat. Si Gary n’avait rien perdu de sa brutalité, il avait en tout cas largement perdu de sa rage. Quand sa sœur l’avait quitté en l’étreignant très fort contre elle, elle avait senti en lui un nouveau sentiment incroyable qu’elle pensait qu’il ne goûterait plus jamais : l’apaisement. Garabeòne était apaisé, et cela provoquait de grands changements en lui, ou plutôt, ça annulait ses grands changements. Il était redevenu celui qu’il était avant ; le massacre de leur village d’origine était dès à présent derrière eux.

Ce fut tout de même avec une pointe de tristesse que Liz considéra la salle du directeur de l’Académie, tapissée de rouge, avec les tableaux de chaque ancien président. La tête de Joan faillit lui monter les larmes à l’œil, mais elle tint bon et s’avança vers ses nouvelles responsabilités. Toute une Académie à diriger, et elle était seule. Quoique non, ce n’était pas vrai. Dark Angel 42 travaillait toujours pour l’institution, et il semblait maintenant avoir un semblant de vie sociale avec l’IA qu’il avait trouvé. A eux deux, ils faisaient des surveillants impitoyables. Quand Liz frôla le bureau de ses doigts, elle pensa qu’elle avait mené sa tâche ultime à bien. Elle essaya le siège bourrelé ; il était très confortable. Elle reposa ses mains sur les accoudoirs quand le professeur Skaï surgit à peine après avoir frappé à la porte :

« C’est horrible ! Cartman a prévenu la police que nous étions une Académie de Méchants Diaboliques aux autorités malgré la promesse de silence !
_ On n’avait pas été démasqués il y a quelques nuits ?
_ Non, l’endroit où agissait le SMB était dévoilé, mais la nature de l’école en elle-même n’a pas été découverte.
_ Très bien. »
, acquiesça Liz d’un ton neutre. « Remerciez-les de l’avoir retrouvé et dîtes-leur que ce pauvre élève ne sait plus quoi inventer pour faire l’école buissonnière. Rappelez à la police qu’il est le Coon afin qu’il perde toute crédibilité tant les policiers le détestent, puis en tant que punition, qu’il serve d’expérience à la classe scientifique pendant deux semaines.
_ Pas trois ? Ça semble plus indiqué…
_ Je veux que Cartman et les autres élèves pensent que je suis plus coulante. Ils tenteront une autre ânerie, et là, je les aurais.
_ Mais c’est… mais c’est diabolique.
_ C’est pour ça que je suis là »
, sourit presque fièrement Liz. « On est à l’Académie des Méchants Diaboliques, pas celle des Super Vilains. Je veux que les élèves soient en condition dès qu’ils posent un pas dans l’école, et à terme, qu’ils le soient même quand ils rentrent chez eux.
_ Compris, Madame. »
, et le professeur s’inclina avec un sourire. Ils allaient être gâtés, les pauvres. Liz se sentit alors, tranquillement, à son tour, apaisée.

__

Ils avaient été traités en héros. Tous. Dès qu’ils étaient retournés sur la terre ferme, tous les habitants du Royaume leur étaient tombés dessus. Tout le monde eut le droit à sa part de participation, mais celui qui en profita le plus, ce fut Fino. Et Shana, aussi (qui devint une sorte de symbole qu’il faisait bon de mettre sur un teeshirt). Le bébé phoque avait toute sa race en otage dans des dizaines et des dizaines de cartons, ainsi que le carnet noir du MMM qu’il conservait jalousement. Avec ça, il avait son immense part de gloire dans les jours à venir.

En attendant de ne pas avoir le droit de divulguer la moindre information sur le MMM, il préféra extorquer de l’argent à tous les phoques afin de le libérer et de les obliger à composer une chanson sur lui qui deviendraient l’hymne national (son but premier restait d’accomplir le plan de Lady Kushin, mais Jacob n’avait pas approuvé). Il réussit à mettre trois heures avant de « reconnaître » ses parents, leur adressa une insulte en plus, et quand ils lui proposèrent de venir les aider à réparer leur igloo, Fino leur cracha à la face que la seule raison pour laquelle il leur donnerait un coup de patte, c’était pour avoir la satisfaction de le re-massacrer derrière.

Ils annoncèrent que le reste des survivants (même s’il n’y avait pas eu de mort, ce qui fit ricaner Fino), étaient entreposés dans une base près de leur propre Royaume. Jacob partit les délivrer, et la reconstruction de la ville pourrait commencer. Ils reçurent pas mal d’aides financières d’autres Royaumes, ce qui fit tiquer Fino : si le MMM en lui-même avait fait peur, il avait été sous-médiatisé comparé aux dangers qu’il représentait. En même temps, ça aurait été la panique, et les Rois des Rêves se seraient fait décrédibiliser. Ils avaient d’ailleurs bien fait, car ils n’avaient rien tenté contre le MMM. Ils auraient pu avec un peu plus de temps, mais aussi rapidement, c’était le SMB, petit de taille, qui avait été le plus vif, et qui avait réussi en défiant toute probabilité. Lui, et aussi Shana, devaient gérer d’ailleurs des visites de diplomates et des communications à distance avec des Seigneurs afin de leur expliquer le succès de l’opération. Ils en retirèrent des remerciements, des compliments, et rien d’autre malgré les hurlements intéressés de Fino. Shana réussit tout de même à décrocher quelques contrats commerciaux très juteux, ce qu’approuva Germaine (et termina de transformer la jeune femme en icône quasi-mystique).

Mais peu après, que les agitations du Royaume soient passées, quelques temps plus tard, Shana fut ravie de se rendre compte que son travail était plus facile et elle en trouva le pourquoi dans la rareté des apparitions de Fino. Il sortait de moins en moins pour gouverner le Royaume (gouverner voulant dire, trouver des tâches stupides à faire à Clane) et même Germaine ne le voyait quasiment plus. Le peu qu’elle comprit de lui quand il parlait à voix haute fut qu’il était en train d’élucider quelques problèmes et qu’il écrivait un livre. Il y eut même un temps où il fit énormément de voyages. Shana se mit peu à peu à ne plus attendre d’aide de lui et à gérer les Deux Déesses sans problème.

__

« Cher trouduc, c’est encore ton phoque détesté. Oui, je suis désolé, contre toute attente, j’ai réussi à survivre, et oui, je suis devenu une sorte de légende. Bon, je m’en remettrai. Je me suis débarrassé de cette pouffiasse de Kushin qui doit être en train de se croire dans le roman d’amour le plus mièvre de l’histoire et qui se terminera par une bonne fin. Je ne serais pas contre qu’elle retente sa chance, j’aurais une bonne raison pour lui tirer dessus. Et si j’ai encore besoin d’elle, ça me fait un super esclave à ma disposition. Je dois t’avouer que le MMM a fait un plan diabolique, un vrai, même si j’ai pas encore tout pigé. Je vais tout tenter pour le faire tomber et y a de grandes chances que ça aboutisse, mais tout de même, je dis chapeau. Ouais, je sais, je pourrais le laisser vivre, mais je tire tellement plaisir à démolir quelque chose d’immense. J’ai pas gagné autant de fric que je l’aurais voulu dans cette affaire, mais je te promets que je t’inviterai à l’événement de l’année. Reste connecté, tu me remercieras plus tard, salope. »

__

Le camion de la Compagnie Panda écrasa sans aucun scrupule le Royaume de la Termitière, et continuèrent leur chemin sur Dreamland. Pour eux, la vie reprenait le cours normal, et si le Général et le Lieutenant avaient de mauvais souvenirs à se partager, ce n’était pas le cas du Major et de l’Adjudant, l’un qui avait déjà oublié l’affaire, et l’autre qui ne l’avait jamais retenu. Le Caporal Kelly cherchait des renseignements et fut bien en peine de les trouver chez les deux. Le Général avait interdit qu’on en parle, et le Lieutenant était bien la seule qui obéissait aux ordres du Général. Pendant ce temps, le Sergent continuait à éplucher ses patates si vite qu’il était obligé de faire un tas des épluchures plutôt que de les jeter dans le moteur comme carburant miracle.

Ils avaient cependant un invité avec eux qui était l’objectif de leur voyage : David, rattrapé par le Pandachutiste et un des premiers à être fourgué dans le vaisseau de sauvetage, le chef des mercenaires était blessé de partout, ligoté à l’arrière du van, et prêt à être livré au Village des Hunters, les mercenaires. Ils seraient ravis de constater que leur principal concurrent qui avait commencé sa sordide réputation revenait les pieds et poings liés. La Compagnie Panda allait toucher un sacré pactole avec la livraison de cet homme ; ils allaient le remettre à des autorités compétentes qui l’empêcheront de mourir d’une mort « étrange » derrière les barreaux. Personne ne se soucia que le réseau de mercenaires de David s’effondrerait sur lui-même sans leur tête charismatique. Personne ne se soucia non plus de surveiller le prisonnier pour voir s’il tentait une manœuvre d’évasion ; personne ne tentait de s’échapper de la Compagnie Panda, le Major pourrait être tenté de le rattraper et de l’immobiliser avec des coups de mortier.

__

« Queq’fois, ça me court, tout le bazar.
_ Tu parles de quoi ? Dreamland, ou de défoncer des salauds ?
_ Ah… Des deux. »
, répondit Soy en s’étirant de son corps svelte sur une pierre de Relouland.

Le type à-côté de lui était aussi un anarchiste, cheveux bruns et débraillés, barbe dégueulasse et imper noir, et il se partageait un joint onirique qui avait l’avantage de donner la sensation de planer dès la première bouchée. Les deux se parlaient comme s’ils s’étaient rencontrés dans la même nurserie. Et la pierre sur laquelle ils étaient recensait leurs pensées explicites et tentait tant bien que mal d’afficher une certaine cohérence à cause de la drogue.

« Mais j’ai causé une fois, j’ai dit que je me planterai un pic dans l’œil, et terminé Dreamland, bienvenue aux rêves d’antan, quand c’est simple. Mais tu vois, là, je suis sur un rocher, et je contemple l’horizon, je fais la volte-face, je vois un autre horizon, et en fait, je le vois partout et je sais pas où ils mènent tous, et je me rends compte que je peux voyager.
_ C’est fascinant, Soy, fascinant.
_ On peut pas marcher en France d’extrême-droite, alors je vais le faire sur Dreamland. Marcher, ça fait tourner l’imagination, puis ça libère.
_ Je te crois, Soy. Même si un bon coup de dynamite dans le derrière de connards, je peux te croire que ça libère aussi. »
, rétorqua l’autre en agitant son joint. Il inspira la fumée par le nez avant de tendre le morceau à Soy, qui répondit, la latte entre les doigts :
« Mais je te l’ai dit, ça court.
_ Ouais, ouais, ça court. »
Ils attendirent quelques temps, ils profitèrent, et une bouffée d’amour pour les kilomètres qu’il allait avaler emplit Soy d’une béatitude extrême :
« Faut bouger le statique. La monotonie étrangle. Un pas, c’est vivre, quel que soit la direction. Quand y a routine, y a perte. Chaque jour doit être différent des autres jours, sinon, c’est un jour qui est mort. Je n’enterrerai pas ma vie avant qu’elle soit terminée.
_ Toi, tu vas en faire un slam.
_ Pourquoi pas…
_ En tout cas, Soy, j’ai un plan à te proposer… »
, fit l’anar en s’étirant et récupérant la drogue sans regarder. « Tu vois… Mon pote est totalement accaparé à autre chose pour le moment, on peut rien prévoir ensemble. Je me disais que je pourrais t’accompagner quelques temps, quoi. Surtout qu’il pourrait être amené à se déplacer vers des Royaumes incroyables, au même niveau que celui de l’Oubli. Ça te dirait ? » Il eut pour réponse un immense sourire rayonnant de Soy, les joues rosies par la force du joint. Il répondit, éclatant :
« On causera des demandes de ton pote plus tard, mais que tu m’accompagnes ? Carrément. Plus que carrément.
_ C’est décidé alors. On va éviter l’étranglement de la monotonie et autres conneries.
_ Merci Adrien. Merci vraiment.
_ Y a pas de quoi. »


__

« Pas mort, pas mort. Je te féliciterai bien pour te montrer aussi généreux envers moi et te montrer entier et à disposition pour un prochain suicide, mais c'est bien parce que tu n'es pas mort que je te déteste, n'est-ce pas ? »

Héliée faisait encore référence à l'histoire de Vapeur-Punk ; à l'évidence, il ne digérait pas encore le nombre de Voyageurs tués cette nuit-là, mais Clem le soupçonnait de jouer sur cette corde pour l'obliger à lui obéir sans élever la moindre protestation. Ce fut par le silence qu'il répondit, très inquiet de voir son Seigneur se balader tranquillement dans son laboratoire dont Clem ne voyait qu'une petite partie. Héliée avait semblait-il abandonné ses expériences en cours pour se concentrer sur l'élaboration d'un parcours de bille aussi audacieux que complexe à travers des fioles aux liquides bizarres, des becs bunsen crachant de la fumée et empruntant des petites routes faites en papier mâché et autres ingrédients, réalisant des ça et là des petits loopings, des descentes et autres chemins qui auraient rendu fou n'importe quel gamin essayant d'introduire la bille dans un des petits trous. Ces petits trous étaient reliés à des dispositifs qui faisaient avancer une sorte de hamster rouge dans un labyrinthe de cage aux verres transparents qui là aussi traversait tout le labo. Clem ne voyait pas encore à quoi cela rimait, même s'il se sentait en empathie avec le rongeur affamé qui pouvait sentir sa pitance, mais était bloqué par les portes et devait attendre la réussite d'Héliée avant de pouvoir prendre sa dîme. C'était long, mais ce n'était pourtant pas faute d'Héliée de réussir du premier coup à chaque fois. Il fit une large chiquenaude qui aurait pu enlever une dent à Clem et la bille sauta un tremplin, percuta quelques murets créés spécialement pour l'occasion et atterrit dans le petit trou de la victoire ; un levier frémit et une porte s'ouvrit, permettant au rongeur de continuer son parcours en évitant des petits pièges mesquins conçus par le Seigneur. Ce dernier jeta un coup d’œil au parcours et analysa le prochain tir qu'il devait faire avant de dire :

« Il y a un fou furieux de moins à Dreamland. Là aussi, je devrais me réjouir, mais même si les ennemis de mes ennemis sont des concurrents, une alliance aurait pu être envisagée. Mais les fourchettes des probabilités étaient trop larges. Ton débriefing est énervant, mon petit Clem, pas comme une mouche, mais plutôt comme une innocente piqûre de moustique. Enfin, c'est l'affaire qui est énervante. » Clem ne dit rien tandis que son Seigneur parlait tout seul, et vint de réussir un coup magistral en un seul essai. Le rongeur continua sa route, non conscient que son destin se jouait à l'extérieur de sa cage. « Un ennemi des Claustrophobes, mais impossible de lui parler, impossible de comprendre d'où il vient, impossible de le localiser, impossible de comprendre ses vrais buts, et pourtant, mon réseau d'informateurs passe par Relouland - j'attendais mieux d'IR, bien mieux. Et il lance un ultimatum stupide qui précipite les événements et je suis obligé d'envoyer mon bouffon pour faire un semblant de présence, ce qui a été inutile non seulement parce que l'affaire n'a pas été extrêmement relayée, et aussi parce que tu n'es pas mort. » Clem osa enfin parler :
« Vous avez encore des choses à me dire, Seigneur ?
_ Tu ne peux pas encore descendre, si c'est ça ta vraie question. Ta présence stimule mon esprit d'idées pas catholiques, et c'est exactement ce dont j'ai besoin pour comprendre cette affaire. Je suis actuellement en train d'enquêter. »
Et pour ne pas appuyer ses dires, il frappa une bille qui survécut à la gravité par le terrain en vrille avant de passer une spirale et tomber dans le bon trou. « J'ai eu une hypothèse, je suppose qu'elle est aussi tombée dans la tête de Fino, vu qu'il semble être notre seul ennemi qui ne soit pas surpris tous les matins d'avoir des neurones sous son crâne. »

__

Quelques jours plus tôt, Fino était dans son monde mental, plongé dans une quasi-transe, dans la base du MMM, alors qu'il était en train de comprendre le plan de ce dernier.

Première hypothèse : le MMM est un Duc Obscur quelconque qui cherche à tuer Ed. La figure du MMM se mit à gagner de longues cornes et griffes noires, un sourire malsain blanc se dessina sur son masque.
Avantages de cette hypothèse : ça explique pourquoi il a autant de pouvoirs vu que l'obscurité semble les avaler, ça justifie aussi sa puissance, ça lui donne un super motif pour désarçonner la Claustrophobie, ça explique pourquoi il cache son identité vu que le Royaume Obscur veut montrer une façade de passivité, ou bien tout simplement parce qu'il ne supporte pas la lumière, et on comprend mieux pourquoi personne ne sait d'où il vient.
Éléments qui viennent balayer l'hypothèse brutalement : C'est un Voyageur, ou au moins, il y a quatre-vingt-dix-huit pour cent de chances qu'il en soit un. Trop grande connaissance du Monde Réel ; Fino se considérait lui-même comme l'habitant onirique qui en savait le plus sur le monde des Voyageurs, et c'était parce qu'un d'entre eux lui en avait parlé pendant plus d'une année. Alors une Créature qui les abhorrait et les tuait dès qu'elle en voyait... De plus, si le MMM voulait désarçonner la Claustrophobie, il aurait certainement pris pour cible quelqu'un de plus puissant qu'Ed. L'hypothèse n'explique pas non plus vraiment les attentats terroristes qui ont précédé l'achèvement du Rayon de la Mort.

Malgré l'attrait évident de cette hypothèse, Fino jugea que le résultat était trop ridicule vu les moyens engagés, et il se pencha sur la seconde hypothèse.

__

« Mais voilà, Clem, je me suis rendu compte que cette première idée ne supportait pas d'examens consciencieux, même si elle dévoilait énormément de zones d'ombre. J'ai alors soupçonné quelque chose de plus vil encore. »

__

Fino essaya d'aller au fond des choses et d'en remonter quelque chose de plus... viscéral. De plus proche. Et aussi malheureusement, de plus bancal.

Seconde hypothèse : Joan n'est jamais mort, a donné cette illusion à Ed et contrôlait les deux camps. Le MMM imaginaire devant Fino retira son visage et ce fut celui du docteur qu'il vit.
Avantages de cette hypothèse : On avait une taupe toute prête dans le camp, son jeu d'acteur "Ah je suis mort et très perturbé" dans le monde réel le mettait définitivement hors de tout soupçon, il pouvait contrôler les deux côtés sans aucune difficulté. Les deux personnages se confondent bien. Et autre bon point pour elle, tout simplement parce que cette idée était diabolique.
Eléments qui balaient très brutalement cette hypothèse : A part dire qu'il a fait ça pour faire de la pub pour son Académie, le motif est inexistant. D'où il tire son pouvoir ? Ed l'a trouvé convaincant à l'extrême. Probabilité très faible, voire quasi-inexistante.

Non, Fino râla, elle n'était pas bonne non plus. Joan/MMM fut raturé de toute part, et Fino essaya de se concentrer sur la première hypothèse, deviner le pourquoi. Il eut alors une petite piste, un petit truc fou, et plus il y réfléchissait, plus il trouvait qu'elle n'était pas si dingue que ça. Enfin, si, elle l'était carrément. Totalement. Si folle, si puissante qu'il en ressentit un frisson glacé qui alla de ses petites pattes jusqu'à la queue avant de revenir. C'était tout à fait impossible.
Si si, sa conscience lui souffla, ce n'est pas "tout à fait" impossible. Et à partir de là, c'est donc envisageable.
Donc, Fino envisagea.

__

« Deux hypothèses ont sauté, mais il en reste une troisième, Clem, je sais que la vérité existe quelque part et je veux la dénicher. » Le roux savait que son Seigneur en ferait un sacerdoce pendant une semaine avant d'oublier, mais il ne dit rien. Il préféra le voir en train de lancer une bille dans des tunnels et en ressortir pour tomber dans un trou en évitant de minuscules murets qui bouchaient une partie de la piste. « Donc j'enquête, exactement comme tu peux le voir, et je crois que je tiens le bon bout. Imagine que je suis le MMM, et que je lance des billes, les étapes de mon plan diabolique. C'est difficile, mais n'étant pas un idiot complet, je réussis tout de même. » Clem prit carrément l'insulte pour lui, car il avait pensé très fort à cet instant que jamais il ne pourrait réussir à faire ce que faisait Héliée avec une chiquenaude dans une bille. Une petite porte se leva et le hamster onirique passa dans les tunnels jusqu'à la prochaine étape. « Donc je suis le MMM, je fais mon plan diabolique, et ça amène ce rongeur quelque part, vers la salade qui l'attend, et ça dure plusieurs étapes. Sauf que cette salade, elle est recouverte d'une substance que je ne connais pas vu que je l'ai inventé rapidement ce matin en mélangeant plusieurs liquides. Tu vois bien le système ? Et bien voilà, j'ai la méthode. Mais survint trois questions existentielles qui répondront à tout." Il laissa un petit blanc, pas tant pour le suspense que pour annoncer clairement la suite : « Qui suis-je ? Qui est le rat ? Et de quoi est recouverte la salade ? »

__

La salle était obscure, et les trois membres du jury étaient habillés de sombre avec une capuche sur la tête ; le cérémonial était plus important que le fond, vu que la stagiaire savait parfaitement qui ils étaient grâce aux étiquettes posées sur leur bureau. Sa gorge se mit à picoter de stress mais elle réussit à se calmer tandis que le membre (la membre) du milieu se raclait la gorge avant de déclarer :

« Miss Stagiaire, êtes-vous prête pour... votre soutenance ? » Avant, il y avait des éclairs qui jaillissaient du ciel, mais il fallait se contenter aujourd'hui d'un bruit d'eau dans une canalisation indiquant que quelqu'un avait tiré la chasse. Sans se démonter, la dame continua d'un ton très sombre : « En tout cas, je vous félicite pour avoir réussi à trouver un stage et à avoir abouti votre mémoire malgré le contexte difficile : changement de directeur, activités réduites des méchants diaboliques à cause du MMM, deux changements de tuteur de stage. Nous avons eu Joan, Ed, puis maintenant...
_ Bernard Henri-Lévy, le très fameux... »
répondit l'intéressé en posant ses mains sur la stagiaire comme il l'aurait fait avec un de ses livres. Tandis que l'examinatrice lui demanda pourquoi il avait repris ce rôle, celui-ci répondit sans ambages : « Parce que j'adore les causes perdues », sans se rendre compte que la stagiaire déglutit. « J'ai d'ailleurs un nouveau livre que vous devriez lire qui commente comment j'ai réussi à sauver Dreamland et...
« Nous vous remercions en tout cas, il nous faut maintenant la signature du tuteur afin qu'elle puisse avoir son diplôme. Veuillez signer ici, s'il vous plaît... »


BHL s'approcha à peine de la feuille et de la plume qu'un type en noir fondit sur lui et l'assomma d'un puissant coup de matraque. Le héros international s'effondra à terre en roulant des yeux, tandis que cinq policiers en dessins animés arrivèrent. Celui qui avait commis l'agression releva son visage et dit :

« Nous nous excusons pour ce problème, cet individu s'est échappé de sa prison, mais un de nos contacts, dénommé... euh, Foin, nous a contactés pour nous avertir de la présence dudit individu dans ce lieu à ces horaires. Nous nous excusons de vous avoir gênés en pleine soutenance, et nous vous souhaitons bonne chance avant de nous en aller. On s'en y va, les gens, hop hop hop. »

Et ils s'en allèrent avec le corps de BHL sous la main pour le ramener à Poney's World, tandis que la stagiaire voyait son diplôme disparaître en fumée ; les examinateurs secouèrent doucement la tête avec gaieté en pensant qu'ils finiraient leur travail plus tôt aujourd'hui.

__

Le Major Monogram jeta un oeil à sa montre de dessins animés et observa le plafond de la grande cave comme s'il allait laisser la place à un ciel étoilé. Mais il fallait s'y attendre, ils étaient toujours emprisonnés. Hubert avait ramené un jeu de cartes, ce qui n'était pas suffisant pour quelques centaines de personnes. Et puis, c'était toujours James Bond qui gagnait. Le Major Monogram écouta Perry faire son claquement de dents habituel, puis bougonna :

« Mais qu'est-ce qu'ils fichent, les secours ? »
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptySam 24 Mai 2014 - 0:32
THIS IS NOT THE END




  Je me réveillai dans la véritable Paris.
Jacob dormait encore, et je le réveillai d'une bourrade pour le sauver peut-être d'une mort quelconque. Je me surprenais à être encore vivant, mais la victoire ne coulait pas en miel dans mon corps entier ; je ressentais plutôt un goût de cendre, un goût d'inachevé, un goût de quelque chose qui ne s'était pas déroulé comme prévu. Il était facile de déclarer que la cause de ses symptômes venait de la Mort Silencieuse, mais mon estomac se contractait aussi pour des raisons plus subtiles. Jacob s'éveillait encore en grognant, un rai de lumière dans les yeux, mais je préférais m'éloigner au cas où il poserait des questions.

  Dans la cuisine, je vérifiai stupidement que tous les couverts étaient là avant de m'effondrer d'un soupir sur la chaise, et que je posai mes coudes sur la table, et ma tête dans mes mains, quitte à bousiller le reste de coiffure stable que l'oreiller n'avait pas encore défiguré. Ce sale connard de merde avait fui... On avait arrêté son plan, sa base volante n'était plus (je l'avais vu se désagréger, en flammes, tel un phénix de titan), je supposais que Fino avait usé du Rayon de la Mort jusqu'à ce que ses réserves se vident, là, on avait du succès. Mais le MMM était encore inconnu, et il pouvait re-frapper. Ou tout simplement se venger. Et je ne parlais pas de la Mort Silencieuse. Je savais que c'était la fin de mes ennuis de ces vacances, mais j'avais comme une impression de gâchis considérable... Comme si... Rah, je savais pas comment l'exprimer. Disons que les ombres s'étaient introduites en moi, comme d'habitude à chaque aventure un peu trop épique, mais qu'au lieu de les faire partir tranquillement, elles avaient explosé, ravageant mon espace intérieur. Tout était bousillé en moi. Je le haïssais encore... Dreamland...

Ouais... Dreamland... Ça m'avait apporté énormément, mais il était temps de remettre en question mon accoutumance. Ce fut le seul mot qui me traversa l'esprit, et c'était lui qui me mettait si mal à l'aise.

Dreamland...

  Jacob se posa à-côté de moi, et d'une voix morne, je répondais autant à ses questions que lui aux miennes, mais je défis son sourire de victoire final par une bougonnerie. C'était un mi-succès. On avait repoussé le problème, mais on ne l'avait pas anéanti. Je ne lui parlais pas de mes scepticismes, ni de mes craintes envers Ophélia... Oh mon dieu, comment allait-elle ? J'avais entendu, quand j'étais dans la voiture de Joan, les phases par lesquelles elle était traversée quand elle était devenue la Mort Silencieuse. Je supposais qu'elle n'allait pas vraiment m'accueillir à bras ouverts. C'était certainement la fin de notre relation, je le savais. Record du monde de la plus courte relation. Je lâchai un autre soupir, et me décidai à aller la voir maintenant. Il était à peine plus de neuf heures, peut-être que je les dérangerai, je m'en fichais. Il fallait que j'y aille, m'excuser, et la laisser réagir. Mais je ne voyais aucune raison d'être optimiste.

  Je plantai là mon ami, refis rapidement ma coiffure dans la glace, laçai mes chaussures et m'en allai, sans manteau, juste en chemise, mon inconscience, mon réveil encore proche, ma résistance naturelle au froid et la peur me protégeant de la température basse aussi efficacement que de la vodka russe. Tandis que j'arpentai dans les rues et le métro, le peu de neutralité se transforma lui aussi en désespoir, surtout quand je trouvai le courage de lui envoyer un SMS bref stipulant un rapide "J arrive". Auquel je n'eus aucune réponse d'ailleurs.

  Quand je ressortis à l'air libre, le soleil commençait à se lever, mais c'étaient des rayons mornes qu'il envoyait, comme si lui-même baillait. Les bâtiments les plus hauts étaient éclairés d'une lueur orange jaunâtre peu engageante, le bas où je me promenais étant mortifié par du gris bleu d'hiver. Les mains dans les poches, je priais tout haut dans ma tête, je bifurquai dans l'avant-dernière rue dont le silence n'était découpé que par de rares voitures. Puis je reçus un retour à mon SMS. J'ouvris mon téléphone aussi rapidement que je craignais de le lire ; il était bien du portable d’Ophélia, mais ce n'était pas elle qui l'avait écrite. Mon désespoir n'avait pas vraiment commencé ici, maintenant que je m'en rappelais, non, vu que ça faisait quelques jours que je le nourrissais ; ce fut cependant à la lecture de ce message que j'avais plongé en plein dedans. Mon cœur tomba, mon estomac chercha à me faire vomir et ma tête cherchait de l'air. Ce message disait : "Désolé, c’est une amie. Ophélia est à l'hôpital".



  Je sentis un frisson glacé si intense qu'il me fit mal et que je ressentis d'un coup tout le froid de Paris. C'était impossible, non. C'était totalement impossible, totalement impossible ! Les pires hypothèses formèrent une file d'attente dans ma tête mais je les repoussais, tandis que je courrais. Je savais à quel hôpital elle était, celui où elle m'avait montré Sarah, et je me disais qu'elle était partie la voir parce qu'elle s'était réveillée de son coma. Mais non. Je savais que c'était faux. Je relisais ce SMS mille fois dans ma tête tandis que j'accourais, que je me précipitais dans les rues, la peur au ventre. Je ne demandais pas plus de précisions sur le véritable hôpital, j'avais des chances de me tromper, mais je ne me faisais aucune illusion : le message ne me disait pas où était Ophélia, sinon, j'aurais eu le nom exact de l'endroit. Il me disait juste pourquoi elle ne pouvait pas répondre à mon message, et c'était à cause d'une raison suffisamment grave pour qu'elle aille à l'hôpital.

  Je ne ressentis rien d'autre qu'une peur sourde ; j'étais terrifié. Je ne me permettais pas de répondre à d'autres sentiments aussi négatifs tant que je ne saurais pas. Je faillis me prendre la porte automatique de l'hôpital et me tordre la cheville en freinant brusquement. J'arrivais précipitamment vers l'accueil et essoufflé, je leur dis s'ils avaient bien reçu une patiente du nom d'Ophélia Serafino. Devant facilement percevoir les tremblements de ma voix, la jeune fille à l'accueil me demanda rapidement des précisions, et je leur dis qu'elle était peut-être aux urgences à l'heure qu'il était. Elle écrivit sur son clavier, secoua la tête, tapota trois touches avant de se saisir du combiné. Elle posa la question en me redemandant le nom, hocha la tête, et me dis de patienter quelques petites secondes. Le cœur battant, je réussis tout de même à survivre jusqu'à ce qu'elle me dise :

« Désolé, ce nom ne nous dit rien. Elle n'est pas ici.
_ Vous sauriez pas si elle est dans un autre hôpital ?
_ Non monsieur, je ne sais pas »
, me répondit-elle assez sèchement, « Il y a des dizaines d'hôpitaux à Paris, vous ne pouvez pas nous demander le nom d'une patiente si vous ne savez même pas dans quel établissement elle est. »

  Ma peur descendit tout de même d'un cran ; je devrais demander des précisions à la personne qui m'avait parlé par SMS. Soudain, le docteur Joan descendit dans le hall et me fit un signe de tête. J'allais me mettre à l'interroger pour savoir si Ophélia n'était juste pas venue voir Sarah, et si cette dernière s'était réveillée maintenant qu'elle avait disparu de Dreamland, quand toutes les têtes se tournèrent.

  Toute la scène se passa au ralenti ; une dizaine de personnes regardaient la porte d'entrée avec une sorte d'effarement, et je me mis à les imiter.
Traversant les deux rangées de porte, deux infirmiers poussaient un brancard plutôt sophistiqué fraîchement sorti d'une ambulance.
Eux aussi avaient l'air terrifiés, affolés. Quelqu'un était dessus, un masque à oxygène sur le visage.
J'entendis Joan jeter son verre de café plein sur le sol ; pas lâcher : le jeter.
Je me retournai pour identifier la personne.
Les yeux fermés, immobile comme un cadavre, c'était Ophélia.

  Là, le temps s'arrêta complètement. Il se figea dans une lourdeur et une douleur qui me fondirent et me bloquèrent les pieds. Je n'écoutais pas les infirmiers expliquer à Joan qu'ils avaient fait un autre hôpital avant qu'on ne les renvoie vers lui, qu'ils avaient eu du retard, que c'était extrêmement grave, qu'elle avait été retrouvée dans son lit par sa colocataire (faux, c'était son amie...), qu'elle ne se réveillait pas ; la seule chose que j'entendais, ce fut le déchirement atroce de la photographie qu'était ma vie, lent et rapide d'un coup. Tout ce que j'avais fait ne valait pas l'horreur que j'avais commise ; tout ce que je ferais à l'avenir serait entaché par la plus grosse erreur de toute ma vie. Ophélia était dans le coma parce qu’un idiot lui avait persuadé de ne pas se suicider.

  Le brancard disparut de sous mes yeux comme par enchantement, et je me réveillais debout, dans le hall. Je poursuivis Ophélia, endormie, seulement endormie sur le brancard, j'essayai de demander des explications presque en hurlant ; quand quelque chose d'inhabituel et de grave arrivait à un de vos très proches, personne ne pouvait réagir autrement ; surtout quand c'était de votre faute. Ce fut Joan lui-même qui me bloqua et m'empêcha de continuer, et il m'ordonna d'aller dans la salle d’attente, et totalement déboussolé, je fus très prompt à obéir. Je demandais si c'était grave, mais Joan tourna à l'angle du couloir sans me répondre, le menton tremblant.

  Je me maudis. Je passai tout le temps que j'attendis, soit trois heures, à me maudire, à me déchirer intérieurement, à m'insulter des pires horreurs que je pouvais inventer, à me détester avec une haine qui m'aurait fait m'arracher mes propres lèvres avec mes propres dents, à me les faire avaler, si j'en avais trouvé la force. La vision d'une Ophélia, un masque sur la bouche pour la faire respirer, me repassa tout le temps dans la tête et provoquait une nouvelle série d'injures et de haine envers ma personne. Son air cadavérique, son immobilité désespérante, et maintenant, je m'inventais ses yeux ouverts qui me fixaient et me jugeaient. Et je me mis à chialer. Il n'y a rien de plus beau qu'un vieillard qui pleure, mais rien de plus laid qu'un jeune homme qui pleure.

  J'aurais dû l'écouter, je n'aurais pas dû la laisser m'écouter ; c'étaient les phrases qui revenaient tout le temps, tellement que je n'avais même pas besoin d'y penser pour qu'elles restent gravées dans ma tête comme un fer rouge ; elles étaient la base de mes autres réflexions. Pourquoi je lui avais dit crânement qu'elle s'en sortirait, comme un idiot total, comme un égoïste monstrueux qui avait juste peur qu'elle refuse de sortir avec lui une seconde fois. Je l'avais condamné pour me conforter. Ophélia était la totale victime de ma nullité et de mon sale caractère, et je ne trouvais aucune parcelle de mon corps qui n'était pas d'accord avec moi, même celles qui anticipaient et voyaient l'avenir. Je n'avais aucune excuse, je n'avais rien qui pouvait soulager ma peine ; la faute était entièrement la mienne, dans son entièreté. Jamais je ne pourrais regarder mes amis dans les yeux, jamais je ne pourrais me faire réconforter, vu que j'étais l'assassin. Personne ne pourrait m'aider, personne ne pourrait me comprendre, et c'était absolument ce que je désirais. Rester seul, préserver les autres de moi, de la saloperie que j'étais. Ma vie était terminée ; ma période de petit-saint petit-con était derrière moi. J'étais devenu un connard horrible que j'aurais cogné s'il m'avait avoué ce qu'il avait commis. Et je continuais par pleurer, goutte après goutte, le visage déformé par ma tristesse et ma monstruosité.

  Quand Joan me récupéra, il me dit exactement ce à quoi je m'attendis, que je ne pourrais pas voir Ophélia pour le moment, qu'ils allaient essayer de stabiliser son état, qu'il était désolé aussi, mais ça, je ne le pris même pas pour moi. Je lui demandai si Sarah s'était réveillée, et il me dit que oui, que c'était une joie, mais qu'il y avait tout un travail de rééducation à faire. Ce maigre bonheur me passa par-dessus la tête, et je partis de l'hôpital, les jambes en coton. Comment leur expliquer à Cartel, à Marine, à Jacob, ce qu'il s'était passé ? Comment je pouvais vivre avec eux avec tout ce que j'avais fait ? Je me refusais de leur mentir et me faire passer pour une victime, mais je me refusais de rester près d'eux, de leur faire supporter ma misérable existence. Je voulais rester seul. Oui, je voulais être seul, comme dans la salle d'attente. Je voyais les bâtiments de Paris, et la ville me fit de nouveau horreur. Je fonçai, le visage rouge, totalement désemparé par le tournant qu'avait pris ma vie.

  Je remontai à l'appartement. Je ne dis ni bonjour à Cartel, ni à Marine, qui s'étaient réveillées. Je pris toutes mes affaires, sauf la chemise que Fred m'avait passée pour le rendez-vous... Je bourrai mon sac avec une énergie dingue, le résultat des derniers jours et du plus horrible des climax qui avait chamboulé toute ma perception des choses. Jacob me remarqua et comprit qu'il y avait un problème, un énorme problème, quelque chose de plus viscéral qu'une simple rupture. Il me demanda ce qui n'allait pas, mais je ne lui répondis pas. Toutes mes affaires étaient rassemblées, c'était bien. Les filles se tinrent derrière Jacob et me reposèrent la question, conscientes enfin du problème. Cartel comprit que j'allais partir, mais elle n'anticipa pas de mouvement vers la porte d'entrée ; si elle l'avait fait, peut-être que je serais resté. Peut-être pas.

« Je suis désolé, je pars. » fut ma formule d'adieu, et même si je ne pleurais pas à ce moment-là, tout le monde aurait pu le croire.

  J'étais dans le couloir maintenant, mon manteau pour la moto, mon casque à la main, la poignée de mon sac dans l'autre, et je partais rapidement. Ce fut Jacob qui se précipita à ma suite et me posa une main si forte sur les épaules qu'il faillit me faire trébucher. Il me demanda ce qu'il se passait d'une voix grave, d'une voix prête à accepter ce que j'allais dire, même les pires immondices ; je savais que si je lui avouais tout, il dirait que je ne pouvais pas savoir, que j'avais tenté de bien faire, mais je craignais qu'il me réconforte, que ma peine soit soulagée. Je ne voulais pas de ça ; je voulais un endroit où je pourrais être seul, à Montpellier, pour avoir le loisir de me détester moi-même. Je continuai quand même, mais Jacob me poussa plus violemment pour m'arrêter contre le mur, et il me cria dessus comme un super ami en criait à un autre pour le sauver :
« Ed, putain, dis-moi ce qu'il t'arrive ! Je veux t'aider, ne t'enferme pas !
_ S'IL TE PLAÎT !!! »
, avais-je hurlé ; le visage des autres me firent rechuter. Je l'avais poussé contre le mur opposé, si honteux de moi-même que j'en gagnais une sincérité incroyable : « S'il te plaît, laisse-moi m'en aller ! »

  Je me dégageai de son étreinte, et cette fois-ci, il ne me suivit pas. Il devait être déboussolé par cette crise ; mais tout de même moins que moi. Il devait aussi être partagé entre son devoir de continuer à m'aider, ou d'accepter mes demandes ; je ne savais pas lequel lui demanderait plus de courage.

  Je me mis sur ma moto, le casque sur le visage, les lunettes de soleil en-dessous, puis je fis démarrer un moteur au bruit pathétique. Et je retournai sur Montpellier, dans mon appartement.

__

« JE T’AI BATTUUUUUUUUU !!! », hurla Fino en poussant difficilement la porte qui menait à la salle du MMM.

  Le grand méchant était posé sur ce qu’il restait de son trône telle une statue antique, et considéra presque avec un œil amusé le nouvel intervenant. Le bébé phoque se posa contre le mur, exténué par ses blessures et de tirer son fusil à pompe derrière lui. Il était couvert de sang et mort de fatigue ; on aurait dit un Rambo acculé qui avait survécu en sacrifiant une bonne partie de sa santé mentale, cinq cent munitions et cinq hectolitres d’hémoglobine.

« Je t’ai battu… » répéta-t-il en s’adossant contre le mur. Le MMM lui fit un sourire :
« Tu es incroyable, Fino. Tu m’as battu. Félicitations. Mais j’espère quand même avoir le droit de te tuer ?
_ Tu pourras pas, enfoiré ! Et je vais te démonter ! Je vais écrire un livre qui ruinera ta réputation à tout jamais ! Je vais te crever ! T’es mort ! T’ES MORT !!!
_ Je t’en prie, explique-moi tout. »
La verve des enquêteurs à avouer comment ils avaient résolu l’énigme était aussi importante que celle des méchants diaboliques à dévoiler leur plan.
« Je dois t’avouer que j’ai nagé dans le flou total, jusqu’à ce que je décide de me concentrer sur les détails. Juste sur les détails du plan. J’ai mis en lien plusieurs choses ensemble et ça a marché du feu de dieu. Mais on va commencer par un petit interrogatoire. » Fino n’en pouvait plus de jubiler : « Combien y a-t-il eu de morts lors de ta première véritable apparition au Royaume des Dessins Animés, quand tu as emprisonné tous les super-héros ?
_ J’ai tué la Chose, donc une personne. Je ne pense pas avoir tué plus de monde.
_ On va éviter de compter ceux qui peuvent réapparaître quelques temps plus tard, ce n’est pas vraiment tuer. Donc je marque sur mon carnet, zéro. Maintenant, combien de morts lors du bal ?
_ Mon piège a été esquivé, mais l’appareil dans le crâne d’Ed a tué une petite dizaine de Voyageurs »
, répondit froidement le MMM, mais d’un froid qui incitait Fino à continuer :
« Sauf que j’ai vu ces Voyageurs dans ton vaisseau. Ils ne sont pas morts. Ils ont feint d’être morts, puis tu les as fait disparaître autre part d’un claquement de doigts. Ils étaient à toi, ils ont fait semblant de mourir.
_ Bien joué.
_ Maintenant, combien de morts au Royaume de la Main Invisible ?
_ Des dizaines, par Garabeòne.
_ Oui, c’est vrai. Des dizaines de robots. Je ne peux pas le garantir, mais je crois qu’il n’y a aucune Créature des Rêves de chair durement touchées par cette attaque. Bref, encore et toujours zéro mort. Je peux continuer tout seul : dans le Royaume des Chats, personne n’est tombé dans la faille, seulement des marchandises qui sont assurées par le Royaume en cas de catastrophe naturelle, ce qu’était précisément ton attaque. Zéro mort, et tout le monde assuré. Zéro mort encore pour Kazinopolis, tout le monde a été assommé, évanoui, mais de tués, nada. Lors de notre attaque contre la base des méchants diaboliques, zéro mort vu que tu as sauvé tous ceux qui étaient tombés. Lors de l’attaque de Relouland, zéro mort là aussi vu que Soy était emprisonné.
_ Donc ?
_ Donc, bilan… Le MMM ou sa bande n’ont tué personne, quasiment personne. Et c’est une piste super intéressante. Intéressons-nous maintenant au Qui Bono. Parce qu’on touche là un point énorme dont je comprends peu à peu tous les tenants et aboutissants. Et la prochaine fois… n’utilise pas de gramophone, s’il te plaît, c’est devenu bien trop simple à trouver. Tu pouvais pas essayer d’être plus original ? »


__

  Malgré moi, le long voyage de neuf heures m’avait fait du bien ; enfin, ils m’avaient retiré une petite part de ma peine que je tentais de récupérer en m’interdisant de manger. J’avais eu le temps d’assimiler l’information, mais mon ventre restait tout de même tordu et me rappelait que j’avais un énorme poids sur la conscience qui allait devenir de plus en plus grand chaque jour qui passait. Je m’interrogerais aussi sur ma fuite de Paris et la trouvait stupide, voire puérile ; j’aurais pu rester là-bas, tout leur expliquer, rester aux côtés d’Ophélia, lui tenir la main si c’était possible, m’excuser. Mais c’était totalement inutile ; la seule façon de la sortir de son sommeil était de la tuer sur Dreamland ; acide ironie.

  Il fallait que je reste avec moi-même, que je tente de réparer les morceaux de ma conscience brisée. Je savais que j’étais excessif, mais c’était un de mes traits de comportement. Je m’étais donné une pause à une station d’autoroute, et j’étais assis sous le ciel gris, des nuages lourds, et je contemplais l’autoroute, et fragilisé par la conclusion, je tentais d’en tirer de la philosophie de comptoir, de cette autoroute. Je repartis très rapidement, ne trouvant que du désespoir et la mort au bout de chacune de mes réflexions.

  Ce fut lorsque je retournai à Montpellier que la grande douleur revint : je voyais toutes les rues, toutes les places, tous les bâtiments que je connaissais, et je me disais que si eux n’avaient pas changé, ce n’était pas le cas pour moi. Ce n’était plus Ed Free qui se baladerait là-dedans, mais un Ed Free qui avait condamné sa petite amie par peur. Ce fut un homme désemparé, honteux, et monstrueux qui retrouva son appartement gris, moche, dégueulasse. Il était si affreux, j’étais tellement un enfoiré, que je m’assieds sur le sofa poussiéreux, et que toute la bile que j’avais accumulé contre moi ressortit, et les dernières larmes qui pouvaient encore tomber essayaient en vain d’achever leur destin en trempant mes yeux, à défaut de pouvoir s’écraser contre le vieux tapis. Mes épaules se soulevaient irrégulièrement, suivant les grimaces de mon visage par la tristesse profonde que j’éprouvais ; je savais que jamais je ne pourrais la sauver. Avec Sarah, c’était presque impossible et pourtant, elle nous cherchait. Une Mort Silencieuse, bien plus forte, cachée dans un Temple Obscur, le jouet préféré de Pijn, c’était tout bonnement impossible. Je ne pourrais même la toucher sans que le Seigneur de la Douleur soit là. Une profonde solitude m’envahit alors que je comprenais une nouvelle odieuse vérité : Ophélia pouvait très bien rester à jamais dans le coma.

  Et j’étais toujours seul dans cet appartement, et ce qui me plongea encore plus, car même mon chat n’était pas là : il était chez la voisine. Le seul truc qui aurait pu me donner la moindre affection quoique je fasse. Même si la vérité serait toute autre, j’aurais pu le laisser me consoler en ronronnant. Mais là, j’étais absolument, terriblement seul. Et je savais très bien que je n’allais pas changer de mode de vie avant quelques jours. Je venais de perdre la seule estime de moi-même.

__

  Le vieil homme aux cheveux blancs se trouvait dans une salle très sombre. Très docilement, sans qu’on ne le lui demande, il déposa un grand miroir devant son maître, et il ne dit pas plus de mot. Le Seigneur Cauchemar eut un frémissement des lèvres et un grondement s’éleva :

« Je vais devoir te tuer.
_ Je dois vous avouer »
, répondit tranquillement l’homme, « que je n’attendais pas mieux.
_ J’ai eu le temps de calmer ma colère, mais ta sentence restera la même, Voyageur de pacotille. J’espère pour toi que tu ne regrettes rien.
_ Pas grand-chose, pas loin de rien, en effet. Je voulais aussi me dire que je m’excusais. Je sais que vous êtes en colère, mais j’ai décidé tout de même de la braver.
_ Abaisse la tête, ton exécution commence. »


__

  Les jours qui suivirent furent exactement comme je l’avais craint : ma peine n’avait pas diminué, sinon que je m’y habituais, et même si j’avais retrouvé Bourritos qui était étrangement content de me voir même s’il trouvait que sa gamelle n’était jamais assez remplie, mon esprit était tourné sur lui-même et se lamentait, s’apitoyait, se haïssait. Ce combat violent, ou plutôt, cette sorte de lapidation, me faisait mal et me fatiguait de façon permanente. Surtout quand je me disais qu’entre Ophélia et moi, c’était bel et bien terminé. Je lui avais fait exactement ce qu’elle détestait le plus au monde. Pile poil. Ce n’était pas une histoire d’amour, de princesse à sauver ; juste que maintenant, je me devais de la tirer de là, à tout prix. Même si je l’aimais encore, et que je faisais tout pour déchirer ce lien, sans succès.

  Mon téléphone portable était éteint. Tout le temps. Je n’imaginais pas le nombre d’appels que je devais avoir en absence, mais j’espérais que Jacob calmerait la majorité d’entre eux, même si ça lui faisait mal au cœur. De toute façon, il savait que me joindre serait impossible. Dès que je passais même sur Internet, je restais en invisible. Sur Dreamland cependant, j’avais rejoint Discoland où on me retrouverait difficilement, et avec mes lunettes de soleil, je pourrais fuir plus vite que n’importe qui.

  En fait, si je ne sortais pas dehors, ça ne signifiait pas que je ne faisais rien à l’intérieur. Car j’avais googlé mille fois le prénom que m’avait donné le MMM : Henri Bourdeau. Et contre toute attente, c’était un type connu. Bon, attention, relativement connu : ce n’était ni une star de cinéma, ni un chanteur célèbre, mais le patron d’EDF. C’était extrêmement étrange qu’un quasi-dirigeant d’entreprise aussi banale qu’une compagnie d’électricité provoque autant de dommages dans le monde onirique, mais je tentais de prendre le plus d’informations sur lui ; autant dans le monde réel que sur Dreamland. Je lui cherchais un plan diabolique quelconque, mais il était marié, avait trois enfants, vivait extrêmement bien, avait une vie heureuse, bien équilibrée (tout l’inverse de moi). Il ne venait pas d’être promu, ses collègues ne le trouvaient pas plus incroyables qu’avant, sa femme et lui s’entendaient bien… Bref, rien qui n’aurait pu être résolu par un plan diabolique sur Dreamland. Le mystère était total, et pourtant, j’étais persuadé que le MMM m’avait donné son véritable prénom. Soit ça, ou alors il me laissait un indice.

  Je dois avouer que ça prit deux semaines à trouver, mais je trouvais le truc qui clochait. Le MMM ne s’appelait pas Henri Bourdeau, mais il m’avait bien laissé une indication pour que je le retrouve. Les bras m’en étaient tombés, et au lieu de hurler à mon écran, je décidai de garder mon calme, de réfuter la théorie et d’attendre d’en parler avec Fino. Quand je retrouvai celui-ci une nuit, en plein dans des activités secrètes dont il ne tenait pas à parler, je lui racontai ce que j’avais trouvé. Contre toute attente, il dit que j’avais deviné, et il m’invita dans la cave pour en discuter. Il conclut par :

« Dès que j’ai terminé le bouquin, rassemblant toutes les preuves pour expliquer son plan diabolique, je lui fous un procès. C’est le marché qu’on a tenu. Okay ? » Le silence ne dura pas cinq secondes. Je me mordis les lèvres et dis :
« Okay. »

__

  Il y avait cinq juges, quatre secs et un gros nain obèse portant la perruque qui lui tombait jusqu’aux genoux ; ce dernier était le Grand Juge, portait la moustache fine et noire, et était très respecté dans le milieu. Il était si bon que ce fut lui qui devait porter le jugement sur l’affaire du MMM ; et les faits, et résultats, étaient aberrants. Le type qui avait fait ça était une sorte de cerveau criminel impressionnant, mais… Enfin, il secoua la tête et sortit un exemplaire du livre de Fino, « Je t’explose », composé d’une centaine de pages et cinquante marque-pages fluos qui avaient permis au Juge de mieux comprendre l’affaire. Mago la Moustache, car tel était son nom, fraîchement débarqué d’un Royaume voisin de Relouland, essayait de retenir tout ce qu’il y avait de contenu dans le bouquin. Une tâche très difficile, mais les preuves, même si elles étaient accablantes et semblaient pouvoir condamner l’accusé, entraient dans une nouvelle juridiction qui n’avait pas encore été délimité. C’était en tout cas aussi étrange que si le Royaume Obscur publiait avec transparence toutes ses activités ; une nouveauté incongrue dont il valait mieux se méfier et éviter de mettre les mains dedans : vous risqueriez de bouleverser Dreamland. Car c’était bien de Dreamland dont il s’agissait.

  Mago lissa sa grande moustache grise, et doté de sa bure, marchait rapidement dans les couloirs majestueux du palais. Il vit quelqu’un se faire refouler du couloir et qu’il criait qu’il était le Juge de Dreamland, mais personne, à part les videurs, ne lui prêta grande attention. Quand l’usurpateur apprit que c’était un nihiliste en puissance dont on allait faire le procès, le jeune homme s’enfuit la queue en hurlant. Drôle d’individu. Mago entra dans la grande salle. Si l’affaire était confidentielle, il était très difficile pourtant de pouvoir rajouter plus de monde. Le cas était unique et chacun voulait savoir comment ça allait se passer. Il y avait les quatre juges qui partageaient son banc, chacun avec le livre « Je t’explose » devant lui, il y avait le greffier, et en-dessous eux, Fino devant le micro avec un nœud papillon, aucun avocat de la défense, et… oui, tous les bancs étaient occupés, tous des spécialistes pour donner leur avis et être aux premières loges de la résolution d’une enquête exceptionnelle ; seule une chaise n’était pas prise, mais celle-là, il fallait s’y attendre. Après que le Grand Juge fut arrivé, tout le monde se leva ; il frappa dans ses mains et tout le monde se rassied.

  Les discussions reprirent, et il fallut attendre pendant un quart d’heure que le procès ne commence. Mago sortit alors une petite clochette de sa poche et se mit à la secouer. Le tintement n’était pas extrêmement audible, mais il eut l’effet escompté : tout le monde se tut, et un silence qu’envierait une cathédrale fermée s’imposa dans toute la salle boisée. Mago posa ses deux mains sur le banc et parla de sa voix puissante :

« Mesdames, Messieurs. Aujourd’hui s’ouvre le procès de celui qu’on appelait le MMM, soit, le Meilleur Méchant Machiavélique. Il est en train d’être amené, il arrivera d’un moment à l’autre. Les cinq Juges qui s’occuperont de cette affaire sont, dans l’ordre, Mary Clarinette, Rojo Kerl, moi-même Mago la Moustage, Franklin Destim, et Cora La. Nous avons l’Agresseur, en la personne de Fino, puis le Défendeur, le MMM lui-même qui n’a pas souhaité prendre d’avocat. Ce que je peux comprendre, car ce n’est pas très bon. » Il y eut quelques rires timides dans la salle, et Mago put souffler ; la dernière fois qu’il s’était permis une pointe d’humour aussi simple que celle-ci, ce fut pendant un litige entre deux comptables de Relouland, et il n’avait obtenu que le silence le plus embarrassant du monde. Il aperçut le bébé phoque qui leva sa petite patte, et il lui céda la parole d’une main aimable. Fino se racla la gorge, ajusta son nœud pap’, et parla sans micro, de sa voix stridente :
« Je vous salue, les gens. » Exploit que voilà, c’était presque poli. « Je vous remercie d’être à l’aube de ma gloire future. » C’était trop beau. « Dans les couloirs, on m’a demandé quelques précisions sur le comment du pourquoi et sur le pourquoi du comment ; je peux maintenant répondre aux deux. Vous savez tous, chers clients de mon bouquin, que j’ai commencé par trouver la solution en reliant divers détails entre eux. Je n’ai peut-être pas assez insisté sur la fin, la dernière partie qui m’a donné la conclusion, et que j’appelle le Qui Bono, en bref, à qui le crime profite-il. » Il laissa un silence calculé. « Chaque plan diabolique a un but, c’est sa naissance. Vu que le MMM était nihiliste et semblait ne vouloir se venger de personne, on pouvait se rabattre sur le Qui Bono sans trop de doute. Et sauf que voilà, que voulait faire le MMM ? Ravager Dreamland ? En prendre le contrôle ? Vendre des livres stupides ? Sur le coup, je n’avais rien trouvé. En fait, Mesdames, Messieurs, je dus aller au principe fondamental du Qui Bono pour y trouver la solution. Qui allait tirer du bénéfice de tout ça ? Le Royaume Obscur ? Un militant du chaos ? La seule théorie que j’eus trouvé de valable sur le coup fut la bonne ; je n’avais rien pour le prouver, mais tout concordait. Genre, un puzzle que vous aviez reconstitué sans avoir l’image. Et je peux vous dire que nous avons échappé à une très probable guerre onirique. Parce que le puzzle en question changeait. Pour le pire. » Pendant qu’il continuait son speech, cinq gardes lourdement armés escortaient un prisonnier à la capuche rabattue et solidement menottée. Le sourire de Fino s’agrandit de plus en plus tandis que les gardes avançaient le MMM vers le banc de l’accusé. « Alors ? Qui pouvait deviner ? Qui allait profiter des actions du MMM ? Qui était le MMM ? Quel était son plan ? Les pauvres qui n’ont pas lu mon livre, préparez-vous à vous frapper le front tant vous avez été stupides, parce que la personne qui profite le plus des actions menaçantes et explosives d’un méchant diabolique… c’est tout simplement celui qui l’arrête. » Nous y voilà, un garde eut le parfait timing pour arracher ma capuche et dévoiler mon visage à tout le monde. Fino était aux anges, et au Grand Juge de dire :
« Nous sommes le 25 Février 2019. Que le procès du MMM, ou plutôt, d’Ed Free, commence. » Stupeur générale de l’assemblée, et je leur fis un signe de geste pour les saluer. « Parole à l’Agresseur. Expliquez. »
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MessageSujet: Re: Meilleur Méchant Machiavélique Meilleur Méchant Machiavélique - Page 3 EmptySam 24 Mai 2014 - 0:42
Le public était en effervescence, mais rien à-côté de la jubilation de Fino. Je savais qu’on se battrait un jour, lui et moi. Je ne pus m’empêcher de sourire à mon tour.
« Allez, on va commencer. Après des semaines d’enquête, flanqué de deux anarchistes, j’ai rassemblé toutes les preuves suffisantes pour lancer cette accusation et écrire mon livre – que je vends à cinquante EV l’exemplaire. Je vais commencer par balancer l’impensable de suite : il y a eu une couille au Royaume du Temps, à cause d’un Voyageur que je n’ai pas réussi à identifier car il est mort depuis, et il a fait apparaître un Ed Free venu du futur, Ed Free du futur qui s’est empressé de créer un complot sur plusieurs années et minuté avec une précision diabolique afin que son homologue du présent, juste devant vous puisse le défaire. L’objectif : acquérir en swag et en renommée. Tout simplement. Le profil psychologique d’Ed, qui a été établi Gourmandise par cent pourcent de la population de ceux qui s’y sont penchés a poussé naturellement son double du futur à lui aider la traversée. Avant de me poser des questions, attendez jusqu'au...
_ Une renommée qui repose sur des mensonges ? »
, s’exclama quelqu’un sur un banc, juste avant qu’un autre ne dise :
« Ed Free, même dans le futur, serait capable de faire ça ?
_ VOUS ALLEZ PUTAIN D'ATTENDRE JUSQU'AU BOUT, BORDEL DE MERDE ??!! »
, gueula Fino en perdant toute sa patience. Le Grand Juge demanda le silence avec l’aide de son marteau et il invita Fino à continuer.
« Maintenant que tout le monde a fermé sa gueule... » Un coup de marteau interrompit sa phrase. Fino expira pendant trois secondes en essayant de retrouver un ton moins discourtois. « Je disais... Ça, c'était le premier plan. Mais celui-ci a peu à peu évolué en quelque chose de beaucoup plus sinistre qu'une blague onirique. En fait, une partie du plan du MMM était de se foutre des bâtons dans les crosses à lui-même afin qu'Ed Free ait énormément de mérite. Mais étant le futur d'Ed Free, en modifiant son passé, il modifiait en même temps sa propre psychologie sans qu'il ne s'en rende compte. En résumé, il traumatisait Ed à cause de ça ou de ça, ça lui faisait gagner des cicatrices émotionnelles parce qu'Ed Free est fait en carton pâte, rendant son lui futur, soit le MMM, plus méchant qu'il ne l'était avant. Peu à peu, le premier plan d'imaginer un plan diabolique pour qu'il se fasse contrer devint un véritable plan qu'il faillit mettre à exécution. Je vais vous parler de l'axe temporel de suite, je vais faire une digression sur les questions des deux attardés qui arrivent plus à se retenir de pisser sur leur chaise. » Le Grand Juge frappa si fortement pour arrêter les propos de Fino que même celui-ci grimaça avant de reprendre : « Oui, ça aurait été une renommée qui repose sur du mensonge, même s’il a pris soin que son plan ait le moins d’impact possible sur Dreamland. Il n’y a eu absolument aucun mort.
_ Et Joan ? »
, demanda une des Juges.
« Joan était persuadé qu’il serait torturé ou utilisé contre le SMB. Un pistolet a été retrouvé près du lieu du crime ; c’est lui qui s’est suicidé tout seul avant que le MMM n’ait pu faire quoi que ce soit. Je parie que c’est une des bévues du plan du MMM, il ne s’était pas attendu à quelque chose d’aussi radical. Mais sinon, oui, c’était juste une mise en scène pour que Dreamland se mette à frotter la bite d’Ed, nouveau chef du SMB après la disparition de Joan, qui aurait dû être capturé pour lui céder la place. Ed devait être le leader, l’instigateur principal de la défaite du MMM. C’était obligé.
_ Objection ! »
, demandais-je. Mago réfléchit trois secondes avant de me l’accorder. « Avant que je n’émette mon argumentaire de défense principal, j’aimerais juste dire que oui, c’est bien mon double du futur qui était le MMM même si c’est totalement faux de le définir ainsi vu qu’il a été créé par Dreamland indépendamment de ma volonté, preuve en est le monstre qu’il est devenu au fur et à mesure, et aussi, que si le but principal semble être la renommée, son apparition a permis l’arrêt de la carrière criminelle d’un des plus grands tueurs de Voyageur qui soit, Garabeòne, et a permis la capture des Deux Dingues et la dissolution des mercenaires de David, soit trois grosses aiguilles dans le pied de Dreamland. Et je ne parle pas des activités de la mafia organisée par Lady Kushin, qui est devenue bien moins meurtrière et dangereuse qu’avant. Ensuite, il y a des raisons plus personnelles que je ne divulguerais pas dans un procès, mais qui ne tiennent pas compte de mon égo. »

Qui consistait à protéger Ophélia de Sarah quelques temps en l’emprisonnant. A aider tous les membres du SMB qui m’avaient aidé en récompense, même si le plan du MMM avait montré ses limites vu que c’étaient surtout Connors ou Liz qui en avaient profité. Que les méchants qui avaient été arrêtés étaient tous des criminels qui m’avaient dans leur ligne de mire (Garabeòne avait pensé à me tuer vu que je gagnais en renommée, une des idées de David était d’acquérir le Royaume des Deux Déesses et les Deux Dingues n’avaient pas du tout aimé que j’empêche l’avancée scientifique en arrêtant un créateur de monstres). Et surtout, j’en étais persuadé même si je n’avais aucune preuve, mais ce plan diabolique avait autant pour finalité ma renommée que le plus grand plan drague jamais conçu. Même si ce n’était pas moi qui l’avais pensé, j’en avais quand même honte. Ça m’avait poussé à dire ce que je ressentais pour Ophélia, justifiant ainsi mon acharnement à vouloir la sauver, et devant mon entêtement, à finalement accepter. Enfin… Je croyais. Je ne comprenais pas bien cette partie, mais j’espérais que mon double-moi était plus fort que moi aux jeux amoureux. La capture d’Ophélia faisait totalement partie intégrante du plan, jusqu’à trouver une justification à sa capture et à la rendre fragile à cause du rôle qu’elle était censée jouer, à savoir, recharger une arme de destruction massive. Cependant, là encore, sa transformation en Mort Silencieuse ne fut pas du tout prévue, et causa plus de dommages que de biens. Mais qui savait, peut-être que dans le futur du MMM, le résultat avait été le même. Je comprenais mieux pourquoi il m’avait demandé durant le combat final de le laisser tuer la Mort Silencieuse : il savait pertinemment ce qui allait arriver, il voulait m’éviter la dépression qui s’en était suivie. Peut-être même qu’il s’était demandé, au vu de ces étranges comportements chaque jour qui passait qui ne correspondaient pas à son caractère habituel, si tuer Ophélia maintenant le ferait devenir gentil, comprenant qu’il était une poupée dans les mains des probabilités.

Bon, il n’était pas encore temps de riposter, mais je pouvais bien faire un petit clin d’œil pour faire chier Fino :

« Et Fino parle aussi de peu d’impacts, mais il y a quand même un Royaume qui a été détruit par le Rayon de la Mort. »

Je lui souris bien en évidence, car Fino n’avait aucun moyen de contrattaquer ça : la promesse que Fino se taise le temps qu’il écrive son livre avait été majoritairement acheté par la destruction de son Royaume ; je le savais, j’avais lu aussi le journal de bord du MMM en le volant au phoque. Le MMM avait même abusé de lui, vu qu’il lui avait fait croire que son apparition avait créé une boucle temporelle, et que si Fino refusait d’être acheté ainsi, son Royaume natal ressurgirait de ses cendres comme s’il ne s’était rien passé. En gros, c’était Fino qui avait détruit son Royaume, dans l’esprit de celui-ci au moment des faits en tout cas. Il s’était rendu compte plus tard que c’était totalement faux, mais il ne s’était pas énervé ; au fond de lui, il était content que ce fut « moi » qui l’aie fait « pour » lui. Si Fino se tut, ce fut Mago qui me répondit :

« Je rappelle que le Défendeur doit tenter de se défendre, non rajouter des crimes à sa charge.
_ Bien parlé, le gros !
_ Et je rappelle à l’Agresseur d’user des termes habituels s’il ne veut pas partager le banc des accusés. Je lui prierai aussi de continuer à exposer les faits et les raisons.
_ Bon, okay. J’ai aussi identifié Ed par les pouvoirs du MMM et les différents témoignages des gens qui l’ont combattu. Le MMM faisait tout, absolument tout, avec ses portails. Il les maîtrisait tellement bien que même le Seigneur de la Claustrophobie devrait être sur le cul. Les portes pouvaient atteindre une taille extravagante qui a rasé une partie de Paris de la Petite Réalité en soulevant cette dernière, pouvaient atteindre des distances incroyables, si bien que le vent dont il se servait pour faucher les gens était des courants d’air à plusieurs kilomètres d’altitude. Même parmi une paire, les portes pouvaient être de taille différente, ce qui faisait que ce qui passait par l’une voyait sa taille modifier proportionnellement par l’autre. Genre, je balance un caillou, ça ressort en météorite. Il se trouvait que le MMM avait un briquet magique bon marché avec lui, et qu’il pouvait donc transformer sa flamme en boule de feu. Et il ne la lançait pas, il déplaçait le portail. Tout est dans la prestidigitation pour protéger le secret de son pouvoir. Comme sa cape qui le camouflait totalement, son aura et ses pouvoirs. Pouvoirs limités donc, fait qu’on avait à peu près remarqué. D’ailleurs, sa base volante a été construite majoritairement avec des portails permanents, qui se déplaçaient selon le bon vouloir du MMM. Bref, il avait un vaisseau qui pouvait se téléporter, était invulnérable à toutes les attaques, pouvait sortir de nulle part, et avec une seconde couche de portail, il était invisible. Sans sa cape, il était grillé direct par n’importe quel Voyageur très fort, ou les Contrôleurs de Portails eux-mêmes. Et je crois aussi qu’il a gardé ses lunettes de soleil qui lui permettaient de voir les auras des gens. »


Le discours de Fino créait l’incompréhension partout, même ceux qui avaient lu les livres. Il fallait avouer que c’était incroyable comme histoire. Même moi, j’avais eu du mal à l’admettre quand j’avais tout compris. Le MMM m’avait dit qu’il s’appelait Henri Bourdeau. Ce n’était pas son nom qui était important, c’était sa fonction. Directeur d’EDF. EDFree. J’avais beaucoup usé ce jeu de mots quand j’étais gosse, et j’étais certain que Shana aurait été capable de deviner si le MMM lui avait fait cette confidence. D'ailleurs, le MMM était effectivement de plus en plus mauvais au fur et à mesure que le plan avançait selon les témoignages de ses anciens alliés, disons de plus en plus hargneux, et pareil pour son journal de bord dont l'écriture était plus grande et plus appuyée qu'avant ; mais je ne savais pas si la graphologie était une preuve sérieuse dans Dreamland. Mais ça n'empêchait pas que le MMM m'avait donné un indice comme si c'était prévu depuis le début que je gagnais contre lui. Ce qui était totalement faux, mais je supposais qu'il était redevenu le "gentil" MMM au début du plan vu que les cicatrices que j'avais récoltées s'étaient refermées pour la plupart suite à ma victoire. Mais bon, Fino n’avait pas encore fini de parler ; il devait être aux anges, cette petite enflure : tout un public suspendu à ses lèvres.

« Une autre preuve, peut-être la plus sérieuse que j’avais contre le MMM, était le fait que chaque début de réveil, il se mettait à écouter de la musique de métal bien lourde, gothique, légèrement malsaine, par le biais d’un gramophone. Tout ça pour rentrer dans son rôle de MMM, de méchant qu’il n’était pas vu qu’il était un gentil de base. Sachez que c’est exactement la MÊME technique que faisait ledit Ed Free, sous mon ordre, pour devenir badass, lors de l’été catastrophique au Royaume des Cow-Boys. Je lui demandais d’écouter de la musique bien lourde pour qu’il se mette dans la peau de quelqu’un de badass. Je suis content de voir qu’il a continué.
_ Je dirais plutôt que c’est une preuve que ce n’était pas du tout moi de me servir de tes idées stupides.
_ Ça s’appelle de l’hypocrisie temporelle, espèce de burne ! »
Le Juge nous ramena à l’ordre en soulevant les yeux. Fino se remit à son discours :
« D’ailleurs, le MMM écoutait de moins en moins la musique car il en avait tout simplement de moins en moins besoin. Je dois avouer que quand on connaît un peu ce qui s’est passé à l’époque, on peut se dire que le MMM a tout infligé à Ed. Déjà, il l’a fait tabasser pas mal de fois par ses gars quand c’était pas lui-même. Ensuite, il lui a fait un bon craquage psychologique en faisant foirer toutes ses actions et autres stratégies. En même temps, y avait bien une taupe dans notre camp : Ed Free lui-même. Vu que le MMM venait d’un futur pas encore fabriqué, toutes les pensées de Ed deviennent, ou plutôt étaient, ses propres pensées. Autant dire qu’Ed pouvait même pas se masturber dans son Royaume sans que le MMM ne le sache. Toutes les stratégies qu’on pouvait faire étaient vouées à l’échec. Sauf la toute-dernière stratégie, le commando-suicide, qui s’est étonnamment bien passé : toute l’armée ennemie avait reçu l’ordre de ne pas tuer les gentils, mais de les ‘emprisonner’. Bien pratique, hein ? Bon, l’ordre n’était pas super bien respecté de tous les généraux, mais ça s’est tout de même bien passé. Ca résout en même temps une autre énigme : la taille du vaisseau un peu trop grandiloquente. Je n’ai pas résumé cette superbe bataille, mais d’après mes témoignages, on a rencontré très très peu de soldats comparé à la taille de l’armée ennemie. Le MMM a juste choisi comme stratégie de gérer ses soldats en masse et de les mettre à des ‘points forts’, officiellement pour qu’ils frappent après les mouvements ennemis, officieusement pour qu’ils ne rencontrent pas les héros de l’histoire. Et comme par hasard, le MMM décide tout gentiment de ne pas attaquer les quelques rebelles et d’attendre tranquillement sur son trône pour ‘gérer le tout’. Vive les coïncidences. Par contre, Ed Free a fait une énorme boulette à un moment, une énorme boulette qui a eu des conséquences seulement personnelles et que je ne veux pas dévoiler ici de peur que vous le preniez en pitié. Enfin, je vais faire une autre digression. Disons que les interventions du MMM étaient quasiment anecdotiques, il était encore gentil. Je ne peux pas vous dire s'il a pensé à son vrai plan diabolique avant l'été du Royaume des Cow-Boys ou après, mais je suis persuadé qu'il y a eu un cap de franchi après le drame. Le MMM est certainement devenu plus ambitieux afin de réparer l'injustice qui lui a été faite. C'est ce pédant qu'on est tapés pendant une bonne semaine. Puis au fur et à mesure qu’Ed voyait ses missions échouer, ses soldats tués, le MMM a commencé à être sur le fil, et son idée d'agresser la Petite Réalité a germé. Lorsque le SMB a lancé son assaut final, moi à sa tête...
_ ... Plutôt sur son épaule.
_ AH AH !!! SUPER SPIRITUEL !!! »
Coups de marteaux. « Je disais donc, quand on a foncé comme des crétins dans leur base avec un plan plutôt bancal je dois l'avouer... » Il n'a pas tiré la langue, mais ses yeux le faisaient très bien à sa place. « ... Le MMM était déjà parti dans son délire de provoquer une guerre sur Dreamland en mettant juste le feu aux poudres entre les Voyageurs et les Créatures des Rêves. En tout cas, il hésitait énormément. Comme dit dans son carnet, il prévoyait même s’il ravageait le SMB, laissant un peu sa décision découler de notre avancée et nos victoires, de détruire le Royaume des Deux Déesses avec ses pouvoirs, puis de ravager Relouland en y faisant s'écraser sa base volante gigantesque dépourvue de canons. Plus d'informations entre les différents Royaumes, sinon que les Voyageurs ont la rage. C'est comme si on enfermait plein de monde dans une pièce obscure et qu'on y jetait un zombie. De la rigolade en perspective. Lors de l'attaque, le MMM perdait rapidement patience, gueulait, comme le dirait un des témoins dénommés Monsieur Portal. Mais il est devenu barge, vraiment barge quand Ed Free a fait sa bourde aux conséquences personnelles dont j'ai fait mention tout à l'heure. C'est à partir de là qu'il a ordonné à tous les soldats qu'il avait à portée de nous tuer, et non plus de nous emprisonner, et qu'il a dit à ses hommes où nous étions au lieu de les tenir éloignés comme avant. Le MMM était donc totalement instable, et son plan se modifiait selon ses humeurs sans que lui-même ne s’en aperçoive, jusqu’à ce qu’il se rende compte des écarts entre son actuel comportement et ses décisions antérieures, bien trop modérées par rapport à sa rage, ce qui a dû le rendre d’autant plus fou. » Le silence qu’il fit attendait des ovations pour son ingéniosité ; déçu, il continua : « Revenons à notre chère tête blonde. Le MMM a tout fait pour lui couper l’herbe sous le pied, déjà, pour un idiot comme lui, c’est dur à avaler. C’est la première fois qu’il se sent impuissant hors de sa chambre.
_ Objection, son commentaire est nul !
_ La vérité te blesse, salope !
_ On se calme ! »
, ordonna Mago en frappant avec son marteau. Fino reprit :
« Bon, en plus, le MMM lui a collé un émetteur étrange dans le crâne qui balançait des ondes psychiques et mortelles. Dommage que tout soit faux : ça lui donnait juste un mal de crâne terrible. Les seuls morts qu’il a fait avec cet appareil étaient des Voyageurs à la solde du MMM qui devaient jouer un rôle. Deux raisons à l’existence de cet appareil : il faisait chier Ed presque toutes les nuits, activable par le MMM, ce qui lui rendait l’existence insupportable et brisait très facilement ses réserves, et ensuite, il lui permettait de mieux le contrôler. Suite aux faux morts qu’il a laissés derrière lui à cause de cet appareil, Ed a été obligé de rester cloisonné quelque part et éviter d’en sortir le plus possible. Bref, plus facilement manipulable. Une plutôt bonne idée. En conclusion, la chose qu’avait Ed dans la tête n’était qu’un pauvre vibreur pathétique. »

Plus j’y réfléchissais, et plus je croyais aussi que le but principal du plan, outre ma renommée et Ophélia, était lié à la Gourmandise. J’avais lu l’article de Jacob et les conséquences d’une telle psychologie, et ça m’a bien plus choqué que je ne le voulais l’admettre. Après coup. Je me suis rendu compte que j’étais devenu plus mature après ma crise lors du combat contre le MMM. Il me faisait péter des câbles avec son appareil crânien, en me faisant échouer, en me faisant culpabiliser à mes alliés qui mourraient (enfin, pas vraiment). Les gens de Gourmandise pouvaient recevoir un choc après une défaite, mais après, ils se calmaient et devenaient des Voyageurs plus tranquilles ; ou bien, ils se suicidaient, faisaient des dépressions, se mettaient à croire n’importe quoi, et finissaient très mal. J’avais essayé le test sur Internet, j’avais vu que j’étais énormément de Gourmandise, et je savais parfaitement que ça aurait pu très mal se passer pour moi, très très mal. Mais le MMM, moi-même dans le futur plutôt, avait aussi monté cette opération pour que je ‘mue’ sans risque, sur une opération qu’il contrôlait. Ma crise était terminée, je prenais les choses avec plus de sang-froid et je ne me rabattais plus sur Dreamland pour échapper au monde réel, me rendant ainsi moins vulnérable à ce que j’y subissais. Bref, j’avais remporté cette épreuve à laquelle j’étais « destiné » à triompher, et en m’empêchant de péter les plombs à l’avenir, face à une difficulté supérieure. En bref, j’étais ressorti de cette épreuve avec une nouvelle psychologie, plus tranquille, plus normale, et plus distante de Dreamland, et la plupart de futurs dangereux ennemis étaient éloignés. Je m’étais confectionné une bonne renommée et de meilleures probabilités de survie.

« On pouvait penser que les attaques terroristes au début de son plan étaient faites pour lui donner une ampleur internationale ; bah, c’est totalement vrai. Le but, c’était qu’Ed l’arrête avant qu’il ne cause le moindre véritable problème, mais alors qu’il a quand même réussi à menacer tout Dreamland. D’ailleurs, chaque nuit était parfaitement orchestrée. L’attaque au gâteau explosif dans le Royaume des Chevaliers de la Table Pentagonale n’était rien d’autre qu’un fake : la bombe était certainement placée déjà dans le jardin, et non dans le gâteau. Lors de la révolution deux jours plus tard dans le Royaume de la Main Invisible, Gary n’a attaqué principalement que les robots, en laissant en vie les hommes.
_ Gary ? »
, s’enquerra un des jurés. Fino roula des yeux :
« Garabeòne. Au Royaume des Chats, personne n’est tombé dans la fosse qu’il a lui-même fabriquée. A Kazinopolis, il a défié tout Dreamland, et là, tout le monde le prenait au sérieux, il pouvait se le permettre maintenant, et surtout, devant Infinity Midas. Niveau swag et dangerosité, on se pose là quand même. S’il avait frappé des événements politiques, c’est non seulement pour leur impact, mais aussi parce que leur planification était ‘obligatoire’ dans la trame temporelle et qu’il pouvait facilement anticiper et créer des machinations sur mesure. Bon, le MMM a pas trop prévu l’arrivée de Sarah une nuit plus tard, qui a empêché tous les gentils de fuir la bombe qu’il avait posée avec son minuteur ô incroyablement lent. Il a été obligé de les secourir pour ne pas avoir de morts sur la conscience. » Vrai, là. Le MMM connaissait l’existence de Sarah, c’était pour cela qu’il avait emprisonné Ophélia pour la protéger, mais ne pouvant pas l’espionner, il ne s’était pas attendu à ces prochains mouvements. « Y a aussi quand il est arrivé à Relouland, les mains dans les poches, soi-disant pour capturer le vilain indic… Oh, désolé, je n’ai pas le droit de divulguer son nom, il m’a assez payé pour ça. Disons que le MMM voulait capturer un des indics aidant le SMB, mais son véritable but était de récupérer des Artefacts de Relouland (ceux d’Incendie Révolutionnaire pour le coup), Artefacts qu’il a déposés dans la Petite Réalité afin que tout le monde puisse (sa)voir que c’est bel et bien Ed qui l’a dégommé. C’étaient de sacrées preuves, quoi. Vu son état d’esprit lors du combat, il ne devait pas du tout y penser. D’ailleurs, elles doivent être encore là-bas. » Pas mal, Fino. C’était plutôt bien vu. « Même si vu le comportement qu’il aurait dû avoir lors de l’attaque contre Relouland, il aurait pas dû dire non s'il avait foutu l'indic en taule. En conclusion, un plan machiavélique joué par quelqu’un qui n’était pas du tout machiavélique, mais avec une ingéniosité qui m’a surpris. Le MMM n’arrêtait pas de dire qu’il fallait courir beaucoup plus vite. Il était tellement aigri qu’il avait décidé de tout faire pour améliorer sa situation passée au détriment des autres. Il n’aidait pas Dreamland, juste lui. Il ne combattait pas les idées qu’il détestait, il les acceptait, il rentrait dedans, il jouait le jeu, mais en plus fort. » Un silence. Toujours pas d’applaudissement. Faisait chier. Ce fut Mago qui prit la parole en crevant la bulle de silence après le discours de Fino :
« Défendeur, avez-vous quelque chose à dire pour votre défense ? » Là, ça devenait intéressant. Il était évident qu’Ed Free était coupable. Mais pas forcément moi. Je tournai ma langue dans ma bouche, puis je commençai mon propre discours, préparé minutieusement :
« Messieurs les Juges, vous savez tous que ma défense va aller chercher des principes qui ne sont pas dans les livres de lois. Je vais commencer par le commencement, et le commencement, c’est le début de mon calvaire. Il commence en été 2011, lors de l’affaire du Bal des Dessins Animés. Pendant que j’enquêtais, j’ai été soudain trahi par mes propres camarades à cause de Fino. » Grimace de l’intéressé qui me promettait un bon coup de fusil qui me guérirait d’une constipation. « C’est à partir de là que vient la première apparition du MMM, selon les dires d’un petit obèse, et qui me délivre, me permettant de déjouer le complot qui se déroulait dans le Royaume à cette époque. » Et paf, j’en profitais pour rappeler qu’il avait évité un massacre. « Il revient un an plus tard, et me délivre encore une fois dans une prison du Royaume des Cow-Boys. Je ne sais pas ce qui serait arrivé s’il ne l’avait pas fait vu que le contexte était beaucoup plus dense, mais la conclusion fut plus ou moins heureuse. » Je passai sous silence Monsieur Portal. C’était peut-être la seule fois que je respectais quelque chose dans le plan du MMM : il avait sauvé Monsieur Portal, il lui avait permis de se délivrer et lui avait donné le choix de se venger, un peu de liberté. Si le MMM ne voulait pas sauver le monde, il avait au moins permis de rendre quelques personnes heureuses autour de moi. Mais n'était-ce pas pour ça qu'il l'avait fait ?« La puissance du MMM était exorbitante, peut-être même presque inégale. Il maîtrisait totalement son pouvoir comme jamais je ne pourrais le maîtriser, mais n’était peut-être pas aussi puissant physiquement qu’on pourrait le croire. Moi-même, je ne le maîtrise pas aussi bien actuellement et je pense que jamais je ne pourrais l’égaler. Je vous invite à réfléchir sur la théorie que Fino propose dans son bouquin, qui me paraît véridique, et qui explique que la puissance du MMM vient du fait qu’à l’époque, lors de sa première apparition, j’avais très vite évolué de newbie à un Voyageur d’un très bon niveau ; Dreamland, qui a créé le MMM - j’y reviens dans pas longtemps, a donc continué mon évolution naturelle comme si ma courbe de puissance était linéaire, et non pas logarithmique – ou alors, il l’avait sous-estimé. J’étais passé très vite de débutant à confirmé, donc je passerais très vite de confirmé à très puissant, etc. Parlons maintenant de la création du MMM – je vous avais promis que ça serait dans pas longtemps. » Je joignis les deux mains pour prendre une pause, puis continuai : « C’est bien dans le Royaume du Temps que le MMM a été… invoqué. Par un Voyageur qui n’existe plus et dont on n’a aucune information. Mais voilà, le MMM a été invoqué, créé de toute pièce par Dreamland, car le futur n’existe pas. On ne va pas se lancer dans des théories fumeuses, la trame temporelle de Dreamland doit respecter à la lettre celle du Monde Réel, et celle du Monde Réel est tout ce qu’il y a de plus normale : un passé, un présent, et le futur qui n’est pas encore décidé. On va pas raconter n’importe quoi, pas de boucle temporelle, pas de déterminisme religieux dont je ne crois pas, et donc on va garder en conclusion que le futur de Dreamland n’existe pas et qu’il doit être créé. Nous ne sommes pas en train de vivre un paradoxe quelconque, un présent et un futur qui vont se rejouer un millier de fois. Ce n’est pas le présent qui a été modifié par le futur, mais le présent qui a été modifié par une création de Dreamland qui se prenait pour un être du futur, en le créant selon tout ce que j’étais, mes ambitions, mes envies, mon caractère, et la situation actuelle de Dreamland et les conséquences qui se seraient passés ; ça aurait pu être un MMM totalement différent qui aurait pu en sortir, des milliers de différents. De plus, le MMM n’est pas celui que je vais devenir et a traversé des choses différentes que j’ai traversées vu qu’il est né d’un sentiment de frustration parce que j’ai été trahi par mes alliés, ce qui s’est finalement arrangé. Et modifié son comportement au fur et à mesure, actualisant son histoire et son passé. Donc, voilà ma défense : vous devez porter le procès contre la créature qui s’est faite passer pour moi par les pouvoirs du Royaume du Temps, ou son Invocateur. Moi, je n’ai rien à voir avec tout ça et je n’ai jamais rien demandé. J’accepte avoir des ambitions et un tempérament un peu étrange, mais sodomiser mon moi passé, non merci. Personne n’a envie de ça. Je reconnais que j’ai l’air d’être gagnant dans l’affaire…
_ Il a l’air, qu’il dit »
, intervint sournoisement Fino.
« … Mais je suis parti en dépression, j’ai condamné une amie extrêmement proche, je me suis brouillé sur le coup avec ma sœur, mon meilleur ami. Ça ne m’a pas fait plaisir, et si on me pose la question si je regrette ou pas cette histoire du MMM, je leur dirais que cette question n’a rien à voir avec le procès vu que je ne l’ai pas demandé et qu’elle ne dépendait pas de ma volonté. Et que la réponse est évidente.
_ Le MMM est devenu de plus en plus fou au fur et à mesure, dîtes-moi pourquoi vous ne le deviendrez pas... »
, intervint une des Juges en croisant ses osselets de doigts. Fino lui promit en criant un bouquet de roses pour cette question, mais là encore, j'avais un semblant de réponse :
« Le MMM que j'ai affronté, le dernier, le plus enfoncé dans la vengeance et le nihilisme a vécu ce que j'ai vécu, ce qu'il a vécu de son côté, si je puis dire, mais nous n'avons pas vu à quoi ressemblait le MMM après ma victoire contre le MMM. Il devrait être beaucoup plus amical vu que les horreurs que j'ai vécues ont eu un terme heureux à ce niveau-là, renfermant les problèmes que j'ai rencontrés. Je n'ai aucune preuve de ce que je vous dis, mais ses dernières paroles qu'il m'a adressées après que je l'ai mis au tapis étaient bien plus amicales que ce à quoi on pouvait s'attendre d'un nihiliste. »

Voilà, c'était dit. On arrivait au point où une nouvelle page de la législation onirique allait être réécrite : celle des simili voyages temporels, qui n’existent pas réellement vu que c’était impossible. Le public assis sur ses bancs était tous agité, et j’étais persuadé que chacun d’entre eux avait déjà son mot à dire sur la question. Les Juges étaient impassibles mais leur tête semblait bouillir plus encore. Il se passa un temps incalculable (environ une minute de silence après ma déclaration, ce qui dans un tel contexte était très pesant) avant que Mago la Moustache ne se lève et sorte un objet de sa poche : un petit sifflet. Ainsi donc, voilà comment Fino et moi allions nous battre. Le Grand Juge siffla dedans et déclara :

« Nous allons faire du tennis ! Nous sommes pour le moment à un score de zéro à zéro. Un jeu. Balle à Fino.
_ Okay. Alors voilà mon idée : si des gens peuvent être condamnés pour homicide, pour un choix ou des résultats qu’ils n’ont pas voulu, alors je ne vois pas pourquoi on ne condamnerait pas quelqu’un qui a fait des voyages temporels.
_ En oubliant l’Invocateur, un homicide peut être considéré comme une faute d’inattention, non ? Or, le fait que votre double du futur vienne vous mettre des bâtons dans les rues, je ne suis pas certain qu’on puisse considérer ça comme un manque d’attention. Plutôt comme d’une guigne. J’aimerais encore entendre de quoi je suis accusé : d’avoir eu de la malchance ?
_ Les gens peuvent aussi aller en prison pour de la malchance.
_ Et dans 99,99999% des cas, pas du tout. »


Un coup de sifflet empêcha Fino de continuer son argumentaire. Le public applaudit poliment à la fin de l’échange. Un score sur un trébuchet passa de zéro-zéro à zéro-quinze en ma faveur. Le bébé phoque jura si bas que personne ne l’entendit. Il fallait mettre le jeu. Je m’étais attendu à ça, Fino aussi, et on avait préparé nos arguments. Mago commenta :

« Zéro à quinze, quinze à zéro. Balle à Ed Free.
_ Quitte à me répéter, je ne suis pas la personne que vous cherchez, et le coupable est certainement revenu dans son époque. Le coupable a disparu, n’avait qu’une vie éphémère, et n’est qu’une pâle copie de ce que j’aurais pu être si mille événements s’étaient déroulés. J’ai prouvé maintes fois que je n’étais pas le genre de Voyageurs à écraser les autres. Le tableau dépeint de mon futur qu’est le MMM n’est qu’une hypothèse parmi des dizaines de milliers d’autres.
_ Il y a contradiction, Ed ! Tu dis que le MMM n’agit pas comme toi, mais qu’il a tout de même été créé à partir de tout ton caractère. Niveau psychologique, généralement, on se connaît beaucoup moins bien que nous connaissent les autres. Dreamland t’a peut-être mieux compris que tu ne le penses. Ton ambition n’était-elle pas de devenir un Voyageur de légende ?
_ Sans écraser les autres.
_ Je prends ça pour un oui. Tu pourrais quand même remercier le MMM pour cette publicité géante. Qu’il s’est faite finalement à lui-même. Parce que tu as dit que son caractère a pu être changé par les événements qu’il a traversés : des épreuves terribles, traumatisantes. Nierais-tu avoir tout de même traversé ce genre d’épreuve ?
_ Non.
_ Alors qu’est-ce qui nous empêche de croire que tu ne serais pas capable de le refaire ? Le MMM qui plongeait dans la folie semble bien montrer que tu peux facilement péter les plombs, hm ?
_ Qui a dit que le MMM est venu de… »


Coup de sifflet strident qui me vrilla les oreilles. Les applaudissements furent un peu plus nourris, et Fino était remonté à égalité, quinze-quinze, et c’était à lui de lancer. Dès qu’on lançait un débat, on devait rester dedans, okay. Un peu compliqué à délimiter le sujet, mais il ne fallait pas l’oublier. J'aurais pu répondre rapidement que j'avais bien réussi le baptême du feu de tous les Voyageurs "Gourmandise", alors que le MMM me représentait certainement après l'avoir échoué ; mais quel poids avait la psychologie dans ce procès ? Fino sembla totalement approuver le score d’un hochement de menton. Il se lécha les babines et reprit après l’annonce de Mago.

« Et bien je propose qu’on en parle. On sait qu’un Voyageur a invoqué le MMM, mais quelle était la part de culpabilité de ce dernier, et de celui du Voyageur. Il n’y a aucune preuve que le Voyageur dont on parle ne soit pas un de tes complices, n’ait pas été forcé par je-ne-sais-quoi à le faire.
_ Vous ne pouvez pas me condamner sur des suppositions. Je ne suis jamais allé au Royaume du Temps, je n’ai jamais demandé à quelqu’un d’y aller. Le MMM n’est donc pas de ma volonté, mais de celle de quelqu’un d’autre.
_ Une preuve ? »


Le public retint sa respiration ; on appelait ça un smash. Ne pouvant pas riposter rapidement, la balle m’échappa et ce fut encore Fino qui marqua le point. Mago expliqua calmement qu’effectivement, tant que je n’avais pas de preuve de la part de culpabilité du Voyageur, on partait du principe que le MMM s’était invoqué tout seul. Je pourrais envoyer une enquête là-bas si j’allais en taule, mais en attendant, dommage. Le Seigneur du Temps qui avait été invité n’était pas venu. Rien d’une surprise, mais il aurait pu nous épargner bien des doutes. Je commençai à retenir ma respiration. Fino remontait, il allait être de plus en plus acharné. J’allais devoir lui claquer le bec un bon coup. Le Grand Juge annonça le score :

« Trente à quinze, quinze à trente. Balle à Ed Free.
_ Fino et moi avons lu un document très important qu’on appelle le journal de bord du MMM, une pièce vitale qu’on a remise aux Juges. Dedans, à la page quarante-cinq, il y a clairement marqué que le MMM n’était pas du tout parti pour me laisser gagner tranquillement : lors du duel final, il a fait tout ce qu’il a pu pour me tuer. Or, je n’ai aucune envie de suicide et mon profil psychologique vous dira la même chose. Si on part du principe que c’est moi, pourquoi me tuerais-je ? J'ai failli être la première victime de son plan.
_ Et qu’est-ce qui nous dit qu’il n’a pas marqué ça afin que tu puisses t’en servir pour le procès ?
_ Une preuve ? »


Encore une fois, le public fut estomaqué de ce smash, et applaudit généreusement à la fin de l’échange, et Mago accepta que cette fois-ci, c’était à Fino de fournir la preuve du mensonge du MMM, comme je me devais de prouver que celui-ci n’était pas du tout responsable de son arrivée sur Dreamland. Fino jura, demanda au public méchamment d’arrêter d’applaudir, puis ce fut à Mago de parler :

« Trente partout, balle à Fino.
_ Changeons de tactique, Ed. Vu que tu as largement profité du battage médiatique sans compter tes propres apports personnels que tu refuses d’indiquer au public, ne peux-tu voir ce procès comme une façon de perdre ce qu’il t’a été acquis ? On ne t’enlèvera pas plus que tu n’auras gagné.
_ De un, je le répète, je n’ai pas profité de ma dépression. De deux, j’ai déjà prouvé que j’avais mérité une partie du succès vu que j’étais réellement en danger de mort. De trois, je n’ai pas été le seul à en profiter vu comment ont terminé certains de mes anciens alliés, mais eux, ils n’ont pas de procès. De quatre, tu es totalement hors-sujet. »


Le coup de sifflet interrompit Fino avant qu’il ne prononce le moindre mot, et je gagnais de nouveaux points. Plus qu’un argumentaire à remporter et cela voulait dire que les Juges seraient bien plus cléments avec moi. J’entendis de maigres applaudissements pour mon retour brutal qui avait sonné Fino, et je devais maintenant mettre un terme au débat. Je n’avais plus trop de sujet sur lequel parler, et si le phoque en-face avait encore des choses à dire, ça ne serait pas bon pour moi. Je tentais une idée juste après que le Juge annonce mes quarante points et me cède la parole.

« Je pense que la législation hasardeuse sur ce nouveau sujet pourrait se servir du fait que le MMM n’ait tué personne pour m’acquitter. Le MMM a fait des choses horribles, mais finalement, plus de bien que de mal en est ressorti ; ce n’est pas comme s’il avait généré un génocide.
_ Et Joan n’est pas une victime ?
_ Il s’est suicidé, à ce que je sache.
_ Il s’est suicidé par la présence du MMM, ce qui revient à dire que si le MMM n’était pas arrivé dans ce présent, jamais Joan ne se serait tué. On ne parle pas de meurtre, mais de lien de cause à effet détestable aux mêmes résultats. Il ne voulait peut-être pas le tuer, mais il l’a fait, clairement, sans s’y attendre. C’est ce qu’on pourrait appeler un homicide, justement. La faute lui revient totalement, te revient totalement. Et le génocide en question, il comptait le faire. Il voulait détruire toutes les sociétés oniriques. Ce n'est pas parce qu'il a échoué qu'il faut l'acquitter.
_ Échouer grâce à moi ! Ce que je veux dire, c’est que vu… »


Le coup de sifflet fut brutal, ma balle dans le filet. Et je commençai à bouillir : cet enfoiré de Fino voulait tout simplement me couler par le fond parce que ça le faisait vachement rire. Ce bébé phoque était une petite salope. Il faudrait clairement faire attention à ce que j’allais dire, riposter rapidement et l’empêcher de parler, sinon, il me coulerait totalement. Mago lissa sa moustache et annonça :

« Egalité. Le prochain débat sera votre dernier sujet. Parole à l’Agresseur. » On y était. Il me regarda crânement, et je fis de même. Tout le public était sur les rotules, et Fino commença l’échange :
« Le débat qui créera la législation à venir devra finalement répondre à tel procédé : le temps est-il une arme ? Parce que si oui, alors Ed Free est coupable, au même titre qu’il aurait tué quelqu’un sans le faire exprès en utilisant un mouchoir. Je dis que totalement, que c’est une arme. Aucun individu n’utiliserait le voyage dans le temps pour des raisons générales ; le MMM l’a fait en partie, en partie seulement, mais son objectif restait Ed, Ed, Ed. Personne ne remontra dans le temps pour aider les autres sans créer de nouveaux cataclysmes qui ruineront notre passé, notre présent, et notre futur.
_ Restons sur le mouchoir. Est-ce qu’on va intenter un procès contre le type qui a acheté un mouchoir qui, alors qu’il dormait ou était ailleurs, s’est envolé par la fenêtre et a tué quelqu’un par hasard ? Parce que l’histoire du MMM, c’est plus ainsi qu’elle se passe à mon égard. Le voyage dans le temps est effectivement une chose redoutable, mais si la loi se base sur les actes d’un individu et que je ne suis pas cet individu, alors je ne suis pas concerné par le problème. Le voyage dans le temps est effectivement une arme, c’est difficile de le nier. Mais quelqu’un peut remonter dans le temps et sauver une personne. Tout dépend de ce qu’on en fait. Le voyage dans le temps reste un acte neutre qui peut être mal tourné. Je découpe mon couteau avec du pain, ça ne fait pas moi un meurtrier.
_ Allez-y, on donne un super pouvoir à un homme comme voyager dans le temps, il ne peut le faire qu’une fois, et que va-t-il en faire ? Il va pas sauver la petite vieille du coin, non. S’enrichir, se donner de la popularité, gouverner le monde, etc. A tous les coups. Quand on a un tel pouvoir dans les mains, on succombe vite, au moins pour la première fois, à se faire plaisir à soi-même. Et un voyage dans le temps, on ne le fait malheureusement qu’une fois. Les hommes sont tous fait comme ça, même les meilleurs d’entre eux. Ils vont aider leurs proches ou eux ; les autres, poubelle. Ça va se donner des excuses, c’est certain, du genre qu’ils savent pas où commencer pour aider les autres, mais manquer de cervelle est une si bonne excuse quand on peut réussir sa vie. Le voyage du temps n’est pas effectivement une arme, mais il sera tout le temps tourné ainsi. Si on pouvait utiliser un couteau pour faire du profit en faisant du mal aux autres, on serait tous poignardés.
_ Je n’ai rien à voir avec le MMM !
_ Qui sait, Ed ? Comment peux-tu le savoir ?
_ Le fait qu’il apparaisse est une perturbation en soi qui peut m’empêcher de devenir lui. Surtout depuis que je sais qui il est, enfin, qui il est censé représenter, et que je peux anticiper.
_ J’en conclus tout de même que tu es d’accord sur le fait qu’à un moment de ton futur, tu deviennes un fou furieux. C’est que tu es plutôt instable alors. »


Coup de sifflet. Oh, putain, je n’aimais pas ça. Mago la Moustache toussota puis se leva. Il posa ses deux grosses mains sur le meuble et déclara d’un ton solennel :

« Nous allons réfléchir à ce qui a été dit. En attendant, Ed Free restera derrière les barreaux. Avant que nous ne levions la séance pour aujourd’hui, quelqu’un a-t-il des questions à poser ? » Une cinquantaine de mains se levèrent, et le Juge se maudit intérieurement.
« Que veut dire CdPdD ? » Ce fut Fino qui lui répondit :
« Coup de Pouce du Destin. Pour vous dire à quel point il avait envie d’aider la population de Dreamland en général.
_ Et la mystérieuse série de chiffres dont des entretiens avec le reste du SMB a fait mention ? Je cherche dans mes notes… Ah voilà, 0917648506421104879556.9 »
Fino et moi nous regardâmes de façon très louche, puis on répondit sur le même ton :
« On n’a toujours rien compris à ce que ces numéros voulaient dire. »

__

« Nous sommes bien au grand loto du Village Hunter, dont la récompense est subventionnée par un fragment de chaque contrat, et nous allons maintenant tirer le numéro gagnant ! Attention à vos mirettes !
_ J’y crois pas. Si tu ne m’avais pas volé le carnet, j’aurais pu avoir la récompense pour moi tout seul.
_ Dans ton livre, tu essaies de dire que moi et le MMM faisons totalement un, donc je présume que je récupère MON carnet. Avec la date et le lieu qu’il y avait marqué derrière la série de chiffres.
_ Tu me l’as donné.
_ Dans le futur, je te le redonnerais, en attendant, je le récupère, hm ?
_ Nous avons un zéro, un neuf, un un, un sept, un six, un quatre, un huit, un cinq, un zéro, un six, un quatre, un deux, deux uns, un autre zéro, un quatre, un huit, un sept, un neuf, deux cinq, un six, et le chiffre chance est un neuf !
_ Oh putain, ça marche.
_ A nous, le pactole !
_ Alors, quelqu’un a-t-il remporté l’immense somme de cinquante mille EV ? »


__

« Oui, cette série de chiffres est demeurée un mystère total. Malgré toute l’expertise de Fino.
_ Le MMM n’a rien mis dans son carnet de bord, c’est peut-être une autre affaire. »


Fino avait avalé la page concernant les numéros précisément quatre minutes et vingt-sept secondes après avoir beuglé de tout son saoul sur la scène du loto de Village Hunters. Pour me montrer cette série de chiffres, à moi et à moi seul (il voulait juste que moi, je fus au courant, comme un cadeau personnel, un autre), il avait marqué la série de chiffres sur un mur ressemblant à celui de mon bureau (puis au bureau du chambellan de Kazinopolis, lors de la deuxième manifestation des numéros), puis il avait utilisé un portail pour superposer la partie du mur avec les chiffres sur mon mur à moi, et avait fait en sorte que seul moi pouvait voir à travers les portails, sans deviner leur présence. Je supposais qu’il avait écrit quelque part dans le Royaume des Deux Déesses et qu’il avait effacé après coup, et idem dans le palais d’Infinity Midas.

Et hop, de nouvelles questions qui venaient.

« Si le MMM cherchait à s’allier avec des crapules qui allaient vous menacer, pourquoi Lady Kushin ?
_ Oh, parce que le SMB allait avoir besoin d’un coup de main. Vu que le MMM a été créé selon moi et les événements de Dreamland qui se déroulaient sans que je ne le sache personnellement mais que j’aurais pu connaître dans le futur, le MMM savait qu’elle était folle amoureuse de Fino. Une taupe de choix pour aider le SMB. Il s’attendait à sa reconversion. Il connaissait ma façon de penser, il avait dû se douter que je passerais par elle en utilisant son béguin pour le phoque.
_ Une des raisons qui vous a poussés à croire que le MMM était un Voyageur provenait du fait qu’il se réveillait. Mais vous dîtes que c’est une création de Dreamland…
_ … Qui imitait les Voyageurs »
, notais-je en levant le doigt pour lui faire comprendre la différence. « Il devait certainement apparaître et disparaître sur Dreamland en même temps que moi, mais ce n’est qu’une spéculation.
_ Merci beaucoup. »
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Meilleur Méchant Machiavélique

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