La tour des Arts... Combien de fois s'était-elle retrouvé en ce lieu alors qu'elle venait de s'endormir? Elle ne les comptait plus. Il fallait aussi dire que, depuis qu'elle avait combattu et vaincu sa peur, la jeune femme n'avait plus peur de s'endormir le soir et c'était presque avec une certaine excitation qu'elle se laissait entraîner dans Dreamland. Mais, généralement, cette excitation retombait aussitôt lorsqu'elle se souvenait de la tare qui l'habitait en ce monde... L'impossibilité de toucher les choses, les gens ou même les petites bestioles sans leur donner un aller simple pour la mort était tout simplement insupportable. Aucun humain vivant n'aurait put comprendre ce qu'endurait la jeune femme à cause de son pouvoir... Aucun, sauf peut-être son seigneur... Enfin, à ceci près que celui-ci n'était pas humain mais bel et bien une pure invention de ce monde. Mais bon, il n'était pas l'heure de chipoter sur les mots!
Soupirant en pensant à tout ça, l'artiste peintre déambulait, sans vraiment y faire attention, dans les couloirs infinis de la tour. Elle se surprit, encore une fois, à vouloir être auprès de son seigneur même si elle savait qu'elle n'avait le droit de retourner dans le pandémonium uniquement pour aller chercher Tyrfing, ce genre d’élan était indépendant de ce qu'elle devait réellement faire. Remettant ses cheveux en place d'un geste las, Nyxia ne faisait plus attention aux oeuvres de toutes sortes qui défilaient sur les murs des couloirs. Elle les avait vu un nombre incalculable de fois et maintenant, elle n'y faisait plus attention. Pas très professionnel pour quelqu'un qui était une sangsue de savoir artistique en réalité, mais bon, ici ce n'était pas la réalité, il n'y avait donc rien qui l'obligeait à agir de la même manière. C'était d'ailleurs précisément parce qu'elle n'agissait pas comme dans la vraie vie que Nyxia avait réussit à survivre jusqu'ici même si elle avait grandement été aidé par son pouvoir. Elle s'était ainsi découvert un côté plus sombre, plus dur et plus implacable et dénué de toute pitié. Elle n'aurait jamais pensé qu'elle pouvait faire ce qu'elle avait fait, même si, en un sens, elle s'en doutait au plus profond d'elle-même, sans jamais se l'avouer. Étrangement d'ailleurs, elle avait accepté sans sourciller cette partie glaciale de son être. Peut-être parce qu'elle se disait que ce monde était fictif. Parce qu'elle ne croiserait personne qu'elle connaissait dans la vraie vie... Ces arguments avaient inconsciemment aidés.
Du classicisme, la jeune femme aux cheveux d'argent passa au surréalisme.
Le passa fut d'ailleurs brutal entre les deux styles, ho combien différents, mais pas désagréable. Même si elle avait du mal avec le surréalisme et préférait de loin les peintures idyllique de la Renaissance italienne, elle n'en était pas pour autant insensible. Elle trouvait dans les créations des Dali, Harue Koga ou autres Breton un amusement et une légèreté qu'il n'y avait dans aucun autre mouvement artistique. C'était le genre de peinture devant lesquelles on pouvait passer des heures à se demander pourquoi un homme avait une pomme à la place du visage ou pourquoi un visage fait de bric et de broc tenu par deux souris se dessinait sur un paysage de campagne.
Absorbé par les oeuvres insolites qui défilaient sous ses yeux au rythme de sa marche, Nyxia ne vit pas un couple de personnes qui se trouvait devant elle. Ainsi, elle leur rentra dedans en beauté et, par réflexe, s'emmitoufla aussitôt dans sa cape immaculée, priant pour qu'aucun des deux êtres n'ait touché sa peau. Apparemment, ce ne fut pas le cas et elle s'excusa derechef.
- Je suis désolée! Je ne vous avais pas vu... Vous ne vous êtes pas fait mal?
Et là, à ce moment là, même si son visage montrait une excuse certaine, en son être se réveilla son côté haïssant les humains : non mais sérieusement, qu'est-ce qu'ils foutaient là ces cons?!
A ce moment là, la petite peintre remercia sa capacité sur-développée à cacher ce qu'elle pensait réellement; ça avait le don de lui sauver la vie par moment.