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Eux, Moches et Méchants

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Ed Free
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MessageSujet: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyMer 25 Mai 2011 - 1:13
"Super quête" Haru Yoichi
"Même si vous faîtes l'affront de la détester, la fin suffit à elle-seule la lecture" Clem Free
"Une histoire qui équivaut aux meilleurs scénarios des meilleurs films tous genres confondus" Khildar Blacksilver
"Pareil !" Jacob Hume
"Jubilatoire [...], Fino déchire" Matthieu Furt
"Intéressant" Lithium Elfensen


Mon réveil sonna. J'étais devant mon ordinateur qui affichait un parfait « 14H00 ». La panique m'envahit. Je rabattis fermement le clapet de mon écran avant de me lever de ma chaise dans un crissement désagréable sur les planches cirées. Puis après deux secondes d'hésitation, je préférai revenir, rouvrir mon ordinateur et l'éteindre au lieu de le mettre simplement en veille. Je me permis même le luxe de le ranger dans sa sacoche noire (que je rangeai dans mon bureau). Puis je lançai un vague regard désespéré à mon studio. Il y avait deux salles. La première était la salle principale. Qui jouait le rôle de hall-cuisine-salon-bureau-chambre. Rectangulaire, elle réussissait à accueillir en son sein un lit posé contre le mur (le meuble le plus éloigné de la porte d'entrée), une fenêtre juste au-dessus avec son vasistas vert olive, sa table de nuit sur lesquels reposaient serrés une lampe et un radio-réveil. A un mètre des pieds du même lit se tenait posé contre le plus long des murs, mon armoire et mon bureau sur lesquels traînaient des centaines de feuilles de papier non triées (car non « triables ») puis un petit espace libre qui me permettait de poser mon ordinateur portable. J'avais aussi le droit à un vieux canapé tourné vers ce même mur. Il bouffait mon espace, mais j'avais au moins un siège sur lequel me reposer. Normalement, il devrait y avoir une télé en face. Mais mon plan financier ne prévoyait pas une telle dépense dans les horizons prochaines. Donc j'avais un meuble parfaitement inutile. A la place de la TV désirée, il y avait la litière du chat... Puis près de la porte d'entrée, y avait la cuisine. Si on partait du principe qu'une cuisine pouvait se résumer à un petit frigo, une table de travail et un lavabo coincés les uns contre les autres (plus une cuisinière planquée sous l'atelier). Devant eux, une petite table et deux chaises (pliables évidemment ; l'une était éternellement plaquée contre le mur, en attente d'un invité quelconque). Puis comme une verrue à ce beau rectangle, il y avait la seconde salle de l'autre côté de la porte d'entrée (en face donc de mon espace garniture) qui accueillait une petite douche ainsi qu'un cabinet.

C'était à peu près la description de mon studio. Qui serait incomplète sans dire que j'avais eu la chance de ne pas être envahie par des bruits de tuyauterie, mais que l'obscurité compensait. Les seules ampoules que j'avais ne diffusaient qu'un pâle halo jaunâtre qui endormait les yeux. Je soupçonnais même ma petite lampe qui trônait près de mes couettes et que j'allumais pour lire des dossiers et des œuvres littéraires d'éclairer bien plus, mais sur une surface moins grande. Un paradoxe lumineux que je subissais tous les jours. Sans compter celui des dimensions. Je me demandais comment autant de lits, de tables et de canapés pouvaient se concentrer sur un univers si petit, outre l'explication d'une prouesse architecturale qui ferait jouer une quatrième dimension. Le tout faisait déjà fouillis. Alors imaginez ça en désordre : des vêtements qui étaient jetés sur le lit et ses alentours, les centaines de papiers qui ressemblaient à des tours Babel stylisées, une table sale, un évier rempli, et de la poussière partout. Sans compter la disposition des meubles qui permettait de rendre encore plus étriqué ce qui l'était déjà : la chaise de la table en diagonale à un mètre de celle-ci, mon fauteuil en plein milieu de mon rectangle de pièce, l'autre chaise pliante qui était cette fois-ci déposée sur le four et mes draps dépliés dont la moitié rampait paresseusement sur le sol. Mon chat orangé était posé au milieu du canapé, et n'avait pas déplié une oreille d'agacement quand l'alarme avait retenti. Il dormait à pattes fermées. Il n'était pas conscient de la gravité de la situation. Cartel allait passer l'après-midi chez moi. Si elle voyait tout ce foutoir, j'étais mort.

Cartel était ma petite sœur et la grande sœur de Clem. Même si dans l'esprit, elle semblait être l'aînée. C'était une surdouée. Pas dans le sens où elle obtenait des notes géniales (même si elles l'étaient ; je voulais juste vous faire pencher sur un autre aspect). Plutôt que Dieu lui avait fourni toutes les capacités pour être une personne modèle. Elle pouvait se charger de tout problème et de toute responsabilité avec l'aisance d'un expert. Et entre mon frère et moi, elle avait eu du pain sur la planche. Mais elle maîtrisait la situation comme on attachait deux chiens en laisse. Elle avait parfaitement compris comment fonctionnaient les gens et comment marchait la société. Il fallait avouer que c'était une horlogère de renom. Elle n'avait pas vingt et un ans, elle avait effectué un nombre incroyable de stages, parlait trois langues différentes (sans compter le français), et possédait neuf postes dans cinq entreprises différentes prêts à l'accueillir dès que ses études seraient finies. Pour compléter inutilement son CV, elle avait déjà remporté un prix d'équitation, et avait passé trois mois au Togo pour aider les malades qui n'avaient pas les moyens de se payer des soins. Elle aurait pu être un couteau suisse idéale mais il lui manquait un détail. Personne n'avait encore eu de couteau suisse qui vous expliquait à quel point il était utile comparé à vous et qui retournait les rapports de force à son avantage. Puis elle avait un charisme qui aurait pu faire arrêter un Russe alcoolique à sombrer dans de la vodka forte. Elle était très oppressante quand elle le voulait et n'hésitait pas à se servir de ses dons sociaux pour améliorer sa position. Personne ne pouvait la prendre à contre-pied sans se manger le sien deux secondes plus tard. Si vous émettiez une opinion inverse à la sienne, elle vous expliquait calmement, comme elle vous apprendrait le principe de l'addition, à quel point vous aviez faux. Ses études étaient moins brillantes que son cerveau disons. Mais on ne pouvait jamais la surprendre, jamais lui couper l'herbe sous les pieds. Elle s'était taillée une légende dans son université. Alors qu'elle bavardait dans un amphithéâtre somnolent, la prof revêche lui avait demandé de venir au tableau pour continuer la leçon. Au lieu de la réaction escomptée – à savoir, se taire pour bavarder dix secondes plus tard, Cartel était descendue au tableau et avait continué la leçon de l'enseignante pendant quinze minutes, en concluant sur un CQFD et en demandant à tous les élèves de sortir de la salle, une demi-heure avant la sonnerie habituelle. Une centaine de personnes était partie, une vingtaine seulement était restée (dont ma sœur). Il y avait de nombreuses vidéos Youtube dessus. De plus, c'était qu'elle était belle. Mais les garçons avaient peur de s'approcher d'elles sous peine de se faire voir ailleurs avec une barre de fer d'arguments. C'était la seule personne sur Terre qui pouvait nous gérer Clem et moi dans la même pièce. Il suffisait qu'elle soit là pour qu'on se mette à chanter ensemble la Marseillaise et l'Internationale main dans la main. Mais le pire, c'était bien qu'elle n'avait aucun défaut identifiable. Je ne pouvais même pas lui reprocher d'être sinistre, maniaque, méchante ou sans imagination. Elle avait un esprit critique littéraire très fournie, adorait aller au cinéma, s'occuper des animaux, etc. Il n'y avait rien de plus agaçant qu'une personne qui ne pouvait pas vous agacer. Mais elle n'avait pas ce qu'on appelait des facilités : juste qu'elle se servait parfaitement bien des outils qu'elle avait à disposition.

Et c'était cette personne qui passait me voir. Vers 14H20 environ. Je m'étais laissé une petite vingtaine de minutes pour tout ranger. Mais quand je compris à quelle tâche cyclopéenne j'avais à faire, je me demandais si je pouvais finir à temps. Je commençais sans tarder mon ménage de printemps en commençant par le coin où reposait mon lit. Je pourrais vous raconter toute cette quête épique, en passant du nettoyage total de la vaisselle sale sur laquelle suintait des restes graisseux d'aliments, jusqu'à l'aspirateur qui toussait. Je fus coupé en plein génocide de toiles de céphalothorax par un SMS qui me prévenait de son arrivée imminente cinq minutes plus tôt que prévu. La trompe de l'aspirateur passa d'autant plus rapidement sous mon lit. J'étais censé être responsable, c'était ce qu'elle me dirait si elle voyait un fatras quelconque. Sa parole avait toujours fait Loi, devant la Constitution Européenne. Si j'essayais une seconde de protester, elle allait me le faire regretter en me faisant ravaler mes arguments avec la force d'un bulldozer. Et ce légitiment. Elle aurait été beaucoup moins dangereuse si elle laissait des failles dans sa défense. Mais cette dernière était une muraille en titane que Cartel avait eu le temps d'astiquer soigneusement pour faire briller le tout et même de rajouter un petit écriteau « Attention, je ne suis pas facile et je suis incorruptible ». Je terminai finalement par la salle de bains, et enlevai les moutons qui se promenaient derrière le cabinet. Et parce qu'il fallait toujours un peu d'épique dans sa vie, aidé par un temps qui s'étirait, je terminai trois minutes plus tôt avant son arrivée. Oui, fallait pas confondre le suspense et l'action avec l'épique. Si un héros avait trois minutes pour sortir d'un bâtiment piégé de C4, il mettrait 2 minutes 59 ou 58 (2 minutes 53 pour James Bond) dans le premier de mes cas. Pour le scénario épique, tout le monde ferait croire aux héros qu'il ne peut pas sortir de ce labyrinthe de couloirs avant le temps imparti ; il s'enfuirait en une minute. Et soudainement, à exactement 14H14, une sonnerie retentit dans tout mon studio. Je décrochai mon téléphone mural et déverrouillai la porte. Ce fut une minute plus tard (sic) que j'ouvris le battant pour laisser passer ma sœur par la porte. On se fit la bise directement. Elle pouvait me traiter comme une sous-merde, je l'aimais. Et c'était réciproque. C'était dingue qu'une excitée qui n'arrêtait pas de nous engueuler moi et Clem ne pouvait pas comprendre qu'on s'envoyait chier l'un l'autre.


« T'as fait bon voyage ? C'est pas tout prêt, Paris.
_ Tout aurait été parfait si mon voisin avait voulu ne pas montrer ses photos de famille. Entre ses enfants et ses petits enfants...
_ Et alors ?
_ Je lui ai juste répondu qu'ils étaient beaux et qu'il avait de la chance d'avoir une famille aussi joyeuse.
_ Je l'aurais envoyé chier à ta place.
_ T'as pas les couilles. »


Je les aurai eu sur Dreamland. Dès qu'on essayait de blaguer, Cartel avait l'habitude de vous renvoyer direct dans vos filets avec un smash. C'était sa forme d'humour à elle. Je décidai de lui prendre sa valise et de la caser dans un coin, près de mon armoire. Pendant ces quelques secondes, Cartel vérifia par derrière ses lunettes chaque centimètre carré de la pièce qui ne devrait pas être ce qu'il est. Elle soupira que je me donnais beaucoup de mal pour elle. Je lui répondis qu'elle pouvait toujours chercher du bordel quelque part mais qu'elle y passerait la nuit. Elle mit environ cinq secondes : elle se baissa d'une courbure de dos parfaitement pour ramasser un boxer sous le canapé. Et de me le tendre au visage avec un sourcil relevé.

« Tiens, qu'est-ce qu'il fait là ?
_ Moi qui pensais que tu le saurais. »


Et dire qu'elle allait rester toute la nuit. Il fallait avouer qu'elle était chiante. Mais elle le faisait avec tellement de classe qu'on ne pouvait pas lui en vouloir. Ma partie dénuée de fierté aimerait bien applaudir à chaque fois qu'elle me sortait une réplique. Elle repartirait le lendemain après le repas de midi. Dès qu'elle vit le chat lové dans les coussins, elle poussa un petit cri strident (exactement comme moi et Clem ; la tête des passants dès qu'on croisait tous les trois en même temps un chat dans la rue). Elle se jeta sur lui pour le caresser et lui demander si tout allait bien dans son petit studio, si je le nourrissais assez et si je n'étais pas trop stupide. Le pire, c'était que ce salaud chat se leva et vint se frotter contre le buste de la nouvelle arrivante. Une marque d'affection qu'il ne m'avait jamais réservé avec autant d'amour. Elle lui caressa derrière les oreilles tandis qu'il ronronnait les yeux fermés. Sale hypocrite. Dire qu'il tolérait à peine ma présence sur mon propre lit, qu'il n'arrêtait pas de miauler dès que sonnait l'heure de son estomac (étrangement toujours en avance d'une heure par rapport à l'heure du jour dernier), et dès qu'arrivait Cartel, il redevenait mignon avec un air même pas forcé. Je n'osais pas le caresser, de peur qu'il me mordit. Pour retourner l'atmosphère vers ma misérable personne et voler la vedette à mon chat, je me baissai pour attraper une boisson dans le frigo. Je demandai à Cartel si elle désirait du jus de carottes. Elle comprit de suite l'ironie et me commanda froidement une autre bière.

Dès que nous eûmes terminés nos canettes respectives, je lui demandai si elle voulait sortir dehors, histoire de faire une ballade. Elle accepta. Nous prîmes nos manteaux pour combattre une saison fraîche touchant à sa fin. Je ne savais pas vraiment comment occuper ma petite sœur (je n'aimais vraiment pas l'appeler « petite sœur » : ça me rappelait qu'elle m'avait volé mes responsabilités d'aîné pour s'organiser un marathon avec dans la montagne). Heureusement pour moi, le temps passa rapidement, certainement grâce à l'impérieuse présence de la blonde. Elle portait bien sa couleur de cheveux d'ailleurs ; les hommes étaient encore plus surpris quand c'était une blonde qui les renvoyait dans leur cage. Quand j'y pensais, il était difficile d'imaginer Cartel s'ennuyer. Peut-être qu'elle demandait à ce dernier de déguerpir pendant qu'il y était. On parla de tout et de rien, en évitant les sujets fâcheux qui déterraient directement la hache de guerre. On les connaissait parfaitement et on se mirait d'un regard très distillé qui défiait l'autre de commencer à aborder des cordes raides. Et ce n'était pas un sentiment délivré par la paranoïa. Nous décidâmes d'aller siroter un milkshake à la fraise dans une terrasse exposé à un soleil frais. Nous continuâmes à parler avec une frénésie habituelle. Avec la peur que si le feu de la discussion s'éteignait, on en viendrait à des sujets contraignants. Où la coopération et la mauvaise foi seraient forcément de mise. Mais je savais qu'on en parlerait pendant le dîner. Nos têtes indiquaient clairement qu'il y avait un sursis qui se conclurait sur de nouvelles négociations plus tard. Elle m'expliqua tout le boulot qu'elle avait cses dernières journées et se plaignait fréquemment de son manque de temps libre flagrant. J'aurais bien voulu lui répondre qu'il ne fallait pas se plaindre de manquer de distraction en effectuant un boulot à mi-temps plus une prépa à-côté. Plus les stages éventuels qu'elle se payait aux quatre coins du globe, tout frais payé par sa majesté. Quand nous rentrâmes, je décidai de m'occuper de la cuisine pour le soir. Autant par ironie que par envie, elle préchauffa le four. Garce.

Nous terminâmes sur le canapé, chaussette sur des couffins devant, assiette sur le nombril, cou affalé sur le dossier et ordinateur avec film (téléchargé dans les limites de la loi. De l'autre côté) posé sur un petit promontoire. Je mâchonnai un bout de pizza tout en suivant les folles aventures d'un gars paumé, d'une étoile personnifiée, d'un bouc, et de rois qui avaient un goût prononcé pour le couteau dans le dos (les puristes auront deviné que je matais Stardust). On devait former un étrange tableau, allongés comme des drogués sur un divan miteux à regarder un film d'une qualité graphique modeste. Surtout connaissant nos caractères respectifs. Qui aurait cru qu'une élève aussi studieuse et aussi charmante puisse ressembler à une telle loque ? J'avais l'impression qu'elle était encore plus ramollie que moi. Après que les pizzas aient été finis, j'allai chercher des yaourts et d'en tendre un pot d'un poignet négligé à Cartel. Ne cherchant même pas à s'intéresser au produit laitier qui lui barrait la champ de vision, elle tenta avec succès de rester concentré sur un point à dix centimètres au-dessus de l'écran d'ordinateur. Je lâchai le yaourt qui rebondit mollement sur son ventre. Elle y jeta enfin d'un œil et envoya une main pour soupeser cet ovni. Dès que nous eûmes terminés de manger, que le film commençait sa seconde partie après avoir présenté les acteurs du chassé-croisé, le chat Burritos joua parfaitement son rôle de salopard ambulant pour se poser sur les genoux libres de Cartel. Il y ronronna avec un plaisir qui me vrillait les tympans ; j'avais la subite impression qu'il était en train de se foutre de ma gueule. Et enfin, alors que le film continuait innocemment vers sa conclusion, Cartel commença à aborder les sujets dont on ne voulait pas parler mais qu'on était obligés de sortir. Un peu comme la politique quoi. Je vous épargne cette batterie de mots. On avait réussi à ne pas hausser la voix. Ça pouvait vaguement se résumer par :


« Tu prends des nouvelles de Clem ?
_ Chaque jour. Je lui fais un coucou quand il m'appelle.
_ C'est toi qui doit prendre des initiatives. Tu es l'aîné à ce que je sache
(métaphysiquement parlant, peut-être. Elle voulait surtout me dire que j'étais plus âgé que lui).
_ Je vois pas pourquoi je serais obligé de lui téléphoner. Il n'arrête pas de m'insulter à chaque fois.
_ Tu téléphoneras parce que c'est la seule solution pour toi d'avoir du crédit de la part de ta seule banque qui a pitié de toi.
_ Le Cartel Agricole, je sais... Je lui ai d'ailleurs remboursé une partie. Quasiment la totalité.
_ Rectification, la totalité du prêt des deux derniers mois seulement.
_ Miaou.
_ Même le chat est d'accord avec moi. Hein, que tu es d'accord avec moi petit chapardeur ?
_ Laisse Burritos en dehors de tout ça.
_ Il est négligé, son poil est sale. Tu l'as stressé ces derniers temps ?
_ Pas plus que d'habitude. Disons que suivant cette logique, c'est moi qui devrait être négligé, vu la pression qu'il me met à chaque fois.
_ Je sais, j'ai senti... Mais pour Clem, vous n'arrêtez pas de vous engueuler. Votre relation s'est détériorée récemment ? »


Non Cartel. Manifestement, il m'est impossible de t'expliquer qu'il veut ma peau dans un monde parallèle où je suis roi d'une petite contrée, où je tabasse le monde à coups de panneau de signalisation, où j'ai failli me faire tuer vingt fois et violer deux fois. On a chacun un pouvoir respectif et il rêve de m'enfoncer sous la terre en me sautant dessus avec un acharnement propre aux fous furieux. C'était de la rivalité fraternelle. Mais il ne fallait pas chercher plus loin. Cette rivalité avait juste pris la forme d'un immense pugilat dans un monde onirique. Clem et moi, on s'aimait. Juste qu'on ne pouvait se le montrer qu'en retournant le nez de l'autre dans son propre crâne. Mais Cartel ne pouvait pas comprendre. Déjà parce qu'elle n'avait jamais été intéressé par la bagarre. Et puis, elle ne connaissait pas la drogue Dreamland. Il faudrait plus d'une vie pour découvrir toutes les subtilité surréalistes de ce monde. Mais une seule nuit pour écrire un bouquin sur la psychologie défaillante des Voyageurs. Certains se prenaient pour le nombril du monde, d'autres aspiraient à le devenir. Puis parfois les deux, un peu comme moi.

Comme la discussion n'avait pas donné le feu à une nouvelle offensive de calibre douze, nous pûmes aller nous coucher. En parfait gentleman (en parfait soumis), je lui laissai mon lit tandis que je me réfugiai sur le canapé avec l'appui d'une vieille couverture. En cinq secondes top chrono, elle enleva tous mes draps pour en remettre de propres. Puis elle s'enfonça dans les couvertures. Je regardai Burritos des yeux, qui ne savait que choisir entre son boudoir ou son oreiller préféré. Il me regarda les yeux intrigués. Je l'invitai d'un petit hochement de menton à venir me rejoindre. Il me regarda fixement dans les yeux, puis lâcha un pet peu discret et me tourna le dos. Il sauta sur les couettes de Cartel en miaulant et vint se lover contre le ventre de ma sœur. Celle-ci leva son bras pour le caresser derrière mes oreilles avant de lui laisser un bisou sur la tête. Grognon, je remontai la couverture piquante jusqu'à mon nez. Le tout s'était bien passé. Un peu acide certes, mais il ne fallait pas s'attendre à autre chose entre deux caractères aussi différents qui avaient pris leur marque. Mais y avait un truc qui me démangeait. Mon sixième sens qui m'indiquait que quelque chose n'irait pas bien cette nuit-là. Je préférai ne pas l'écouter. Même si c'était aussi désagréable qu'une montée d'acide avant un dégobillage en règle. Si j'avais été un flic sur une enquête, j'aurais directement pensé :
« Quelque chose ne colle pas ».

__


Le Royaume était en danger. Même si la pourriture le gangrénait à longueur de temps, il y avait quelque chose de plus. Le bouton avait fini par s'infecter ; le pus qui couvait venait de se libérer. Les vices allaient danser cette nuit-là.
Voici ma raison d'être.
Le quartier n'était plus qu'un taudis et les forces du mal s'organisaient pour fêter le dernier banquet avant la chute de l'Ordre. Avant le Chaos total. Ils grouillaient, invisibles, souillaient les rues de leur présence. Meurtriers, exhibitionnistes, violeurs, roux. Ils étaient partout, ils attendaient leur heure. Qui allait arriver. Mais il les surveillait. Il était là pour sauver la populace en danger, il était là pour secourir la justice, pour faire régner la paix. Tout avait commencé il y a si longtemps. Il avait senti un jour que quelque chose n'allait pas dans cette ville. Il avait donc pris les choses en mains. Il s'était montré au grand jour, mais personne ne le voyait. C'était le symbole qui manquait, le drapeau qu'on pouvait enfin brandir, celui sur lesquels pleuraient les orphelins, celui qui éclairait les juges. Il ne sortait que la nuit, car c'était la nuit que le diable opérait. Toutes les horreurs sortaient, masquaient le soleil de leur haleine fétide.

Mais cette nuit-là, ça avait empiré. De puissants esprits malins étaient à l'œuvre et il pouvait le sentir derrière son masque de carton. Le crime s'était calmé, s'était apaisé. C'était la mer qui refluait pour le tsunami. Parce que quelqu'un avait organisé tout ce monde. Et ce quelqu'un était peut-être bien plus terrifiant que le reste de la pollution sociale. Les tueurs en série, les voleurs, les psychopathes avaient enfin un champion. Mais ce héros des ténèbres n'étaient pas assez puissants pour le défier. La lumière était toujours plus forte que l'obscurité. Cependant, cet inconnu avait des cartes dans sa main et dans sa manche. Il ne le défierait pas directement. Il allait tenter de le contourner. Ce bandit était très rusé. Il avait enfin rassemblé ses forces, il avait enfin préparé son plan. Et celui-ci allait éclater aux yeux de tous. Le monde ne serait plus jamais comment avant. Jamais. Mais si cet inconnu était malin, il restait un mammifère plus intelligent encore. Un animal devant lequel s'inclinait le renard en terme de ruse. Il était temps d'avancer sa pièce. Les enjeux étaient énormes mais il restait confiant. Il ne se sentait calme que devant une catastrophe prochaine. Car jamais il ne devrait flancher. S'il flanchait, c'était la société qui allait s'écrouler. Sur le reste de Dreamland.

__


Si je suivais le principe des trois E, ça me donnait quelque chose comme :
Endroit : Une sorte de joli bunker. Dit comme ça, je pouvais sembler louche. Mais je n'avais pas d'autre mot pour désigner une pièce aux murs de béton armé qu'une ménagère avait réussi à aménager. Ce n'était pas une espèce de construction vouée pour la défense, mais plutôt pour... la décoration. Pour donner un style original à la pièce. C'était ça ; on dirait une maison qu'on avait transformé en bunker plutôt que l'inverse. Cela faisait assez cartoon. La pièce était assez espacée et décorée de quelques tableaux étranges représentant des personnages de dessin animés. Pour un peu, y avait des fenêtres ainsi que des jolis rideaux. Malheureusement, il n'y avait aucune vue sur l'extérieur. Toute la lumière qui renvoyait une lueur bleue était artificielle. Et plus particulièrement, au milieu de cette salle, il y avait une chaise. C'était sur elle que j'étais apparu. Si je tournais la tête à gauche, il y avait un immense écran mural d'ordinateur. De ceux qui étaient accompagnés par quelques écrans sur le côté plus petits, et qui disposaient d'un clavier qui aurait fait rougir un orgue.
Au niveau des Effets, j'avais un long imper beige avec le symbole communiste sur l'épaule droite, un pantalon beige qui semblait avoir vécu trop d'aventures, des rangers ainsi qu'un chapeau feutré. Puis évidemment, les lunettes de soleil habituelles qui me couvraient tout le visage, comme celles qu'arboraient le kéké des plages, et le panneau de signalisation, toujours si odieusement pratique. Il annonçait aux véhicules potentiels qu'il fallait ralentir à cause d'une sortie d'écoles. De plus, j'avais un joint miteux qui dépassait de mes lèvres serrés. Le genre qui se consumait sans être allumé. Je le tirai de ma bouche tout en essayant de voir si j'avais un autre interlocuteur.
Puis pour les Egos, il n'y avait rien. J'étais parfaitement seul dans cette pièce. Je cherchai du regard toute personne mais je ne voyais que des tables avec des nappes. Je tendis l'oreille pour capter des bruits de pas en écho, mais même le silence était plus bruyant. Le silence de toute façon, ça restait du bruit en suspension. Puis enfin, il y eut un faible battement parcourant les couloirs. C'étaient des chaussures à crampons, nul doute. Et ça venait dans ma direction. Je patientais un peu. L'endroit était tellement désuet et charmant à la fois que je ne pouvais pas m'empêcher de penser que c'était une base de gentils. Il n'y avait donc aucun risque à rester au milieu de la pièce et à attendre un probable interlocuteur aux chaussures à crampons. Tout de même, je fis ma respiration moins bruyante, juste au cas où.

Puis apparut devant moi un personnage de dessin animé. Je ne saurais mieux vous décrire cette figure qu'en tentant de vous expliquer que dans le monde de Dreamland, ce graphisme ne contrastait pas avec l'univers ambiant. Disons qu'il était tout à fait normal de croiser un tel homme dans le monde onirique. Il ne tranchait pas avec le réalisme auquel on était habitués. Mais on ne pouvait s'empêcher de le trouver affreusement plat. Pour la description général, c'était un militaire pas de doute. Le stéréotype même du général sympathique qui savait jouer au plus méchant regard. La coupe en brosse, blanchie par l'âge, l'air autoritaire, le mono sourcil gris qui ressemblait plus à un spaghetti mouvant selon ses expressions du visage, plus des yeux globuleux. Sinon, il ne portait rien d'autre que des chaussures à crampon ainsi qu'une serviette en treillis attachée à sa hanche. Il sifflait un air joyeux et portait une tasse de thé rose à la main. Il mit environ trois secondes avant de me découvrir. Je levai ma main pour le saluer quand il jeta :


« Zut. Bon sang ! »

Il fit demi-tour en vitesse et disparut par la fente du mur dans lequel il venait d'apparaître. Il avait lâché sa petite tasse de thé. Ok... Bordel de merde, j'avais déjà vu ce type. Je ne savais plus du tout où, mais j'étais certain de l'avoir croisé dans ma lucarne. Il fallait que je le rattrape, histoire de savoir ce que je faisais ici, où j'étais, qui il était et si on devait se foutre sur la gueule ou s'asseoir autour d'une table en lisant un journal. A peine eus-je le temps de faire un unique pas que l'écran géant à ma droite s'ouvrit d'une fraction de protons. Le visage du vieux bonhomme que j'avais croisé apparut en gros plan. Son unique sourcil durcissait l'expression sérieuse qu'il tentait d'arborer. Bien entendu, il faisait attention à ne pas montrer qu'il était à poil. Puis il se mit à parler d'une douce voix synthétique, comme si son rôle dans les épisodes ne consistait qu'à délivrer un message avant de repartir grignoter des biscuits dans les coulisses.

« Voyageur, nous vous attendions.
_ Peut-être pas si tôt...
_ C'est l'intention qui compte. Nous avons besoin de votre aide pour déjouer le plan du diabolique docteur Doofenshmirtz...
_ A vos souhaits.
_ … car il prépare certainement un mauvais coup.
_ Certainement ? Vous n'en êtes pas sûrs ?
_ A 23H45, il s'est levé de son lit en ricanant. A 23H56, il a fait un brin de toilettes avant de manger un bol de céréales Chokipac. A 00H05, il s'est lavé les dents avec son dentifrice à la mente, à 00H06, il a tout recraché dans le lavabo, etc, etc. Mais à 00H26, il est sorti et a dit bonjour à quelqu'un – certainement un complice. Et à 00H08, il est entré dans un supermarché.
_ Oh bon dieu, il n'a plus de vie privée.
_ Certes, mais cette méthode a fait ses preuves pendant plusieurs saisons de « Phinéas et Ferb ».
_ Vous utilisez souvent des Voyageurs ?
_ Sur Dreamland, tout le temps quand il s'agit de l'infâme Dr. Doofenshmirtz ! Accompagné évidement de notre meilleur unité : l'agent P. »


Je ne fus pas surpris du ton de la discussion. Parce que j'étais sur Dreamland depuis déjà trop longtemps. J'en avais vu des vertes et des pas mûres, ainsi que des pas du tout. Je m'étais frotté à la face glacée et obscure de Dreamland, si glacée et si obscure qu'on pourrait penser qu'aucun être vivant ne puisse se mouvoir et survivre dans un environnement aussi néfaste. J'avais vu des Royaumes qui déformaient les réalités les plus évidentes, qui chamboulaient, amplifiaient chaque théorie scientifique, sociale et élémentaire. Donc qu'on m'emploie sans me demander mon avis dans une affaire aussi criminelle et basique qu'arrêter un diabolique savant fou ne me dérangeait pas outre mesure. C'était la première fois que j'allais casser la gueule à du dessin animé, et j'avais hâte de savoir comment mes poings allaient fonctionner. J'étais peut-être barbare, mais j'étais surtout curieux. Mais voilà, il y avait toujours un moment où quand on atteignait le fond de la sottise, Dreamland vous fournissait une pelle. Quand il était radin. Mes dents grincèrent lentement les unes sur les autres pour exprimer ma surprise totale quand le célèbre agent P débarqua d'un tuyau du plafond, qui se referma derrière la chute du pauvre gars. Il retomba mollement sur un fauteuil. Mon nouvel ami faisait pas trente centimètres de haut, portait aussi un chapeau type détective et était vert. Ah oui... C'était aussi un putain ornithorynque. Un putain... d'ornithorynque.

Le putain d'ornithorynque se leva directement et fureta partout, à la recherche de je ne savais quoi. Il fut finalement apostrophé par le bonhomme et il arrêta de s'agiter. Quand ce dernier lui indiqua que je serais son partenaire, il leva un œil interrogateur (un simple point noir dans une conséquente pupille blanche). Il me fixa si fort que j'avais l'impression qu'il observait une tâche de poussière dans ma propre pupille. Puis il revint à son patron. Et voilà, je devais encore faire équipe avec un animal de compagnie étrange. Avant, j'avais eu le droit à un bâton parlant. Puis ensuite à l'inénarrable Fino, dont notre coopération plus ou moins forcée avait déjà provoqué quelques étincelles (qui avaient fini en feu de bois). Si maintenant, je devais me coltiner une saleté de mammifère à bec, mes nerfs n'allaient pas tarder à décrocher. Heureusement pour moi (et pour le brave agent P), il avait l'air muet. Ce qui était une qualité rarissime dans Dreamland, qui me permettrait de ne pas le balancer dans le canal le plus proche d'un coup de pied maladroit à la première réflexion malheureuse. Ce fut le dernier argument qui me convainquit d'accepter. Je n'avais rien à faire, s'attaquer à une routine vieille de plusieurs dizaines d'épisodes ne me faisait pas peur et je pouvais même espérer une récompense à la clé. Sinon, je devrais me contenter du travail bien fait et tenter (comme à chaque fois) d'y trouver un réconfort quelconque. Les paladins qui s'amusaient à sauver la population gratuitement étaient soit des légendes rurales, soit des saletés d'hypocrites. Le vieux bonhomme de militaire continua à parler :


« L'infâme docteur Doofenshmirtz s'est donc procuré un livre de cuisine. Je ne sais pas comment il a l'intention de l'utiliser mais je vous conseillerais d'être prudent.
_ Effectivement, c'est dangereux un livre de cuisine. Il pourrait le lancer très fort sur quelqu'un.
_ Vous pouvez y aller. »


Ce gars-là était un professionnel. Je pouvais essayer tous les sarcasmes que je voulais, sa voix ne fléchirait pas d'un iota. Peut-être qu'il était habitué à ce que des Voyageurs fassent des réflexions sur l'étrangeté de la situation. J'avais quand même l'impression de suivre un très étrange scénario écrit par un cinglé qui avait abusé de la caféine en oubliant la boisson à-côté. Cette réflexion fut soulignée par l'ouverture d'une large porte dans le bunker qui donnait directement sur le dehors. Ne cherchant pas à comprendre, je m'y engouffrais en emboîtant le pas à mon coéquipier à bec. Il suffisait de le suivre ; je n'étais pas là pour réfléchir, ni pour agir. Juste faire acte de présence, comme un arbitre dans un match. Un arbitre payé par un des participants, certes. Mais à défaut d'être impartial, je le serai dans la démarche.

La ville était très cartoon sans pour autant blesser les yeux. Comme pour les bonshommes, les immeubles aux tailles improbables et aux couleurs vives ne juraient en rien l'univers. J'avais seulement du mal avec les voitures, bien trop petites. Heureusement, mon palmipède semblait préférer la marche à pied. Tu parlais d'un étrange duo. Un type avec un panneau de signalisation frisant le mètre quatre-vingt derrière un ornithorynque sérieux qui lui frôlait le genou. Mais je pariais mon chapeau que tout le monde s'en fichait. En tout cas, l'animal semblait bien connaître la route. On passa devant des centres commerciaux, des sièges d'entreprise ainsi que plusieurs quartiers domestiques et des écoles primaires (je voulais ici attirer le lecteur sur la profusion de ce genre de bâtiments, et sur leur densité anormale). Il faisait bon. Une température si agréable qu'elle se faisait oublier, grâce à un soleil couché sur un tableau d'aquarelle bleu. Je sus enfin où j'étais, grâce à un sursaut de l'esprit qui se faisait de plus en plus rare ces temps-ci. J'avais entendu dire qu'à Holywood Dream Boulevard, il existait un quartier spécialement destiné aux personnages de dessin animés. Il n'était donc pas rare de croiser Samy et Scooby dans un restaurant mexicain, ou encore Miguel et Tulio rechercher le casino sur une carte antique. Étrangement, quand on s'y attendait, le quartier était beaucoup plus dangereux que son homologue réaliste. Première raison : les personnages de dessin animés étaient souvent hyperbolés par rapport à la vie réelle. La psychologie étant souvent moins fouillé, un méchant sera un vrai méchant sans chercher à trouver une autre voie. Le tout était ainsi imprégné de folie douce, qui pouvait se révéler soudainement très acide quand un couteau en 2D vous perforait le poumon. Seconde raison : leur nombre ahurissant. Vous vous dîtes qu'Octopus serait terrible à rencontrer en réalité sur Dreamland. Alors imaginez qu'il n'y en a qu'un seul dans le quartier des personnages de film (sans compter qu'il est à peu près aussi méchant que les gens qu'il kidnappe), et au moins cinq ici. Qu'il vienne des comics ou des dessins animés de l'homme araignée. Il serait amusant de savoir comment se tranchait le partage de la mafia locale avec trois Joker.

La balade dura une vingtaine de minutes. Vu les nouveaux paysages qui s'offraient à moi, je n'avais pas eu le temps de m'ennuyer. Je suivais toujours Perry à travers les rues anguleuses de la métropole animée. J'aurais bien voulu tailler une bavette avec lui mais j'avais peur que la discussion soit plate. Au moins, il donnait l'impression de s'intéresser à moi en me jetant quelques regards derrière son épaule d'ornithorynque. Je tentais néanmoins d'établir un monologue pour lui montrer que je ne tenais pas du mauvais bougre. Une forme d'implication si vous vouliez. Alors que je me demandais où il habitait la plupart du temps, l'ornithorynque s'arrêta devant un immense immeuble gris, dont les fenêtres n'étaient que des rectangles irréguliers plus foncés. Je devinais que notre voyage épique arrivait à son terme. Mais pourquoi fallait-il toujours laisser un temps d'arrêt quand on voyait la tanière du méchant diabolique ? Et on reprit aussitôt la marche, ce qui commença à me faire bougonner. Je ne bougonnais pas parce que la situation semblait défavorable, mais parce qu'il était dans ma nature de me plaindre de quelque chose surtout quand c'était parfaitement inutile et injustifié. Une réponse ironique aux trois secondes d'immobilisme devant le bâtiment. Nous empruntâmes l'ascenseur, et nous sortîmes dans un couloir débouchant sur une dizaine de portes identiques. On s'arrêta devant celle qui mentionnait stupidement « Dr. Doofenshmirtz » et compatissant, j'activai la sonnette. Un bruit de pas précipité suivi d'une formule d'excuse pressée plus tard, et le battant de la porte pivota sur ses gonds, pour laisser place au saugrenu Dr. Doofenshmirtz. On aurait cru qu'il était le résultat d'une fusion entre un coq déplumé et d'un humain avachi. Ses quelques mèches de cheveux étaient à peu près aussi ridicules que son cou déréglé. Il portait une blouse et se dotait d'un sourire qui réussissait à le rendre totalement stupide. Pour que le tableau soit encore plus ridicule, il faudrait que le pauvre docteur diabolique soit pourvu d'un accent stupide.


« OOOOHH ! Pérry ! Jé né t'attendé pas ôssi tôt. Mon gâtô né pas encôre prét. Mais jé t'en prie, tou peux entrer. Vou zête zavec loui ? » m'interrogea-t-il gentiment pendant que je tentais de deviner son origine. Mais il y avait trop de variables à prendre en compte dans son ton qui montait et descendait comme une poule caquetante qui serait en train de pondre un œuf. On aurait dit une parodie d'une parodie de mauvais accent.
« _ Oui, je suis censé vous arrêtez avec l'agent P.
_ Cé génial ! Jé vou zen prit, entrez. »


Ça ressemblait tellement à un piège que je doutai qu'il puisse y en avoir un. Le pauvre avait l'air tellement innocent. Les seuls éléments qui pouvaient prouver que je me tenais devant un méchant étaient sa blouse, si chère aux cœurs des scientifiques fous, ainsi que les cernes qui lui donnaient un regard de taré insomniaque. Mais on n'arrêtait pas des gens parce qu'ils s'habillaient comme des ploucs. Ou parce qu'il dormait peu. La pièce à conviction était sinon l'énorme machine dans son salon vert (représentant une gigantesque moule à gaufres), qui avait un air menaçant. Ainsi que le robot de deux mètres qui portait un tablier et une coque de chef. Et aussi un rouleau de pâtissier géant. Bon, le ton était donné, j'allais pouvoir cogner du malade. Mon bras alla chercher mon panneau de mon dos tandis que mon partenaire se retourna vers le scientifique (dont le sourire était devenu aussi terrifiant que celui d'un canard qui venait de recevoir des dents). Et en une fraction de seconde, un canon sortir de la gueule du robot et il m'envoya... du sirop d'érable. Le choc ne fut pas rude (normalement, il l'aurait été mais il fallait croire que les lois différaient ici sur les conditions d'utilisation de la sauce d'érable projetée d'un canon). Pendant ce temps, le scientifique avait sorti un canon semblable de poche et envoya une bonne dose de sirop à l'ornithorynque. Ce foutu sirop collait ; je tentais de bouger mais elle durcissait vite. Le robot fonça vers nous et nous colla contre le mur. La sauce d'érable ne durcit pas ; mais elle était suffisamment collante pour nous faire tenir contre le plâtre sans qu'on puisse se mouvoir. Ma vision était brouillée par un filtre orangé. Mon nez tenta de fermer boutique à cause de la décoction sucrée mais son patron refusa. Mes bras étaient collés de façon étrange à travers mon corps et mon panneau tentait de me rentrer dans la tempe gauche. Lui aussi était collé contre le mur. Je commençais à comprendre ce que devait éprouver un habitué de la camisole. Perry ne s'en tirait pas mieux que moi. Il fixait son ennemi juré avec un regard pénétrant de défi. Brave petit ornithorynque... Il était temps d'écouter le discours du méchant qui dévoilait en même temps ses motivations, son plan diabolique et enfin le moyen de le contrecarrer.

« Pétit a ! Vous n'étes pas sans savouar qué lé concours coulinére va sé dérouler ici ! Jouste sous ma fenêtre ! Jé n'arréte pas d'entendre des vociférations, des cris, des hourlements, des klaxons à cause dé l'organization de ce foutou concours.
Pétit b. Dés qu'il commencéra dans environ cinqueue minoutes, je leur lancérai depouis mon immeuble oune gigantesque pancake ! Adios lé concours ! Mvahahahahahaha !!! Jé suis diaboulique.
_ Petit c ?
_ Ah oui ! Pétit c. Lé bouton pour détrouire ma machine est lé gros rouge derriére, avec oune symbaule d'explozion atomique.
_ Merci.
_ Tou né pé pas lé louper, il é gros. »


Puis le savant fou se frotta machiavéliquement les mains l'une contre l'autre avant de se retourner vers son immense machine. Est-ce qu'on pouvait seulement créer un pancake avec un truc pareil ? Bah, vous me direz, les génies diaboliques parvenaient à construire des machines avec un trombone, une ficelle ainsi qu'une agrafeuse. Ils auraient pu transformer le plomb en or si seulement ils avaient pu lui trouver une utilisation qui condamnerait des dizaines de personnes, autre qu'en faisant chuter les cours de la bourse. Mais dans les dessins animés et les films de série B-, chaque personne étant doté d'un cerveau supérieur à 250 QI était un immonde salopard qui allait développer une machine dangereuse au lieu de sauver le monde du fléau des VIH. Au lieu de pouvoir inventer un vaporisateur de gaz avalant la pollution, ils préféraient construire un robot qui ferait rougir les japonais. Ou encore, une machine à pancake géant. Bon, le scénario voulait que j'aille arrêter ces conneries. Restaient plus qu'à trouver un moyen de me libérer. Sous le regard attentif de trois diodes tenant un rouleau à pâtissier géant. Le docteur Doofenshmirtz ricana une dernière fois avant d'activer sa machine. Il demanda à son robot d'aller chercher les ingrédients nécessaires à la confection de sa machination terriblement diabolique. Qu'est-ce qu'il devait imaginer quand il s'ennuyait... Le tas de boulon partit de la pièce tandis que le docteur appuyait et tournait sur des dizaines de boutons (toujours quelques centaines de boutons. Ça faisait toujours peur aux gentils innocents : ça et les noms trop longs).
Et soudainement, mon ami P qui tentait de se libérer rageur profita de la disparition soudaine du tas de plomb pour réagir. Un gadget lui sortit du chapeau, une sorte de minuscule canon laser télescopique. Le petit canon balança un rayon rouge qui découpa le sirop d'érable d'un tracé net. Perry fut détaché du mur.


« Alors Pérry, tou veux tenté ta channce ? »

Le maléfique méchant sortit son canon à sirop de sa manche et commença à viser ornithorynque qui lui fonçait dessus. J'étais ravi de savoir que mon ami se trimballait avec des tonnes de gadget, et qu'on m'envoyait au front sans me donner, ne serait-ce que du dentifrice explosif. Le robot surgit de la pièce avoisinante rempli de sacs cartonnés. Alors que le palmipède et son némésis se lançaient dans une bagarre saupoudrée d'attaques sucrées et collantes, le serviteur en métal se hâta de renverser les aliments dans la cuve de la machine. Avant d'actionner le tout d'un bouton vert gigantesque. Puis il se lança à la charge de l'agent P. Pendant ce temps, loin de toutes ces violences futiles, j'étais en train de me tourner les pouces (littéralement, ce sirop ne me faisait pas de cadeau). J'aurais pu siffloter aussi, histoire de mettre de l'ambiance. Si j'avais eu le cœur à ça, je me serais même mis à encourager mon partenaire qui n'arrivait plus à mener le combat. Ornithorynque ou pas, il restait seul contre deux ennemis. Bon, voyons voir, je pouvais certainement me trouver une utilité, moi. Mes yeux devinrent noirs derrière mes lunettes de soleil, signe intraitable que mon pouvoir était à l'œuvre quelque part.

Premier portail : A un mètre de mes yeux, tourné vers moi.
Second portail : Derrière la machine, assez loin pour l'englober entièrement de ma vue.
Effet provoqué : J'eus une vision parfaite de la moule à gaufres géante, la face invisible que je ne voyais pas depuis mon mur. Et tel un bouton d'acné virulent, il y avait effectivement un bouton d'autodestruction.

Bon, comment l'atteindre si je ne pouvais pas bouger ? Perry voltigeait trop dans la pièce pour espérer intercepter sa course et lui mettre le bec devant le point faible de la machine. Le robot était peu agile et manquait d'assommer le professeur à chaque frappe peu concertée. Mon partenaire était obligé d'esquiver les coups. Bon, j'avais une idée. Je déplaçais mes deux portails. Le premier que j'avais invoqué alla se placer sur mon front, qui ressortit alors un peu de l'autre portail. Et ce dernier, je le fis s'avancer jusqu'au bouton rouge. Je tentais de bien viser, jusqu'à ce que je sentis une pression contre ma tête. Je décalai puis avançai le portail. Et enfin, j'actionnai l'interrupteur. La machine qui bourdonnait et vibrait depuis tout à l'heure s'emballa. Le docteur tourna la tête et vit avec horreur (et une surprise malheureusement non feinte) que quelqu'un avait touché à son bouton. Il fonça vers la ferraille grinçante et réappuya sur le bouton rouge. La machine se calma, et sembla terminer son ouvrage culinaire. Hein ? C'était pas du jeu ! Normalement, un bouton d'autodestruction était aussi irréversible que le sens de la pluie ! Je voulus me plaindre quand le docteur se remit à viser Perry avec son gadget stupide. Et parce qu'il n'était pas crétin, il resta proche de la faiblesse de son engin. Mais bordel, pauvre con ! Pourquoi installer un mécanisme d'annulation quand on pouvait tout simplement enlever le bouton. Pourquoi un putain de bouton d'autodestruction ? Tu voulais vraiment que tes plans échouent ? Mais qu'est-ce qui se passe dans ta tête ? Il était temps que ce brave homme aille voir un psy... Et ce foutu Perry qui s'amusait à se battre alors qu'il pourrait me libérer en trois secondes. Tout serait plus rapide, j'avais déjà mis un robot de ce calibre au tapis quand j'étais bien moins fort. Je pourrai certainement réitérer mon exploit les doigts dans son nez.

Et puis le docteur Doofenshmirtz qui s'était mis à viser, œil contre son tube au sirop se mit à sourire plus fort, puis à envoyer une boulette de sirop vers son ennemi immobile. Mais il semblait que Perry n'attendait que ça. En un balayage, il réussit à pousser le robot dans la trajectoire du jus collant. Celui-ci se fit plaquer contre le sol, et commença à s'empêtrer dans du sucre cristallisé. Et au docteur d'envoyer :


« Cé bien joué Pérry. Vrément bien joué. Mais le pancake é prét ! »

Il appuya sur trois boutons successifs et un immense pancake tout chaud sortit de la machine. Puis un bouton plus tard, il fut envoyé vers la baie vitrée (qui se brisa instantanément sous le choc) et retomba doucement vers la rue. C'était encore à moi de jouer. Je refis apparaître une paire de portails. Le premier se retrouva incrusté dans le plafond au-dessus de ma tête. Le second, après déduction de la vitesse, du poids et de l'angle de la projection ainsi que du temps passé, je pus faire un grand portail (à savoir, deux mètres trente de diamètre, ma limite) qui se trouva sur la chute du pancake. Le milieu de ce dernier s'écrasa soudainement sur une matière solide (à savoir, l'intérieur d'un plafond). De ce que je pus voir, l'aliment resta à peu près stable pendant une trentaine de secondes. Il tenait en plein ciel comme par magie, à dix mètres au-dessus du sol. Ce fut le temps nécessaire pour que les gens des environs (dont ceux du célèbre concours culinaire) s'enfuient au loin. Le pancake retomba finalement sur le sol, intact, sans faire plus de victimes que quelques étals écrasées. L'ornithorynque soupira et me libéra d'un coup de laser (c'était si compliqué, sale hypocrite à palmes ?). Le docteur regarda la scène d'un œil déçu et affligé. Il baragouina quelque chose avant de tendre ses poignets que le détective menotta sans plus de discours. Ce qui vous me direz, était parfaitement normal. Dès que je fus libre, je sortis mon panneau et transperça le crâne du robot avec la tige. Des étincelles sortirent de son crâne et celui-ci pouvait maintenant entrer au paradis des boulons (si les Dieudes lui permettaient d'y rentrer, après s'être fait battre par du sirop d'érable et un avertissement aux automobilistes que des enfants pouvaient traverser la voie).

Le nouveau cortège que nous étions passa par l'ascenseur et descendit en bas. Perry voulut faire le tour du bâtiment pour consacrer quelques secondes à l'observation des dégâts. Moi et le prisonnier le suivîmes. Finalement, ça n'avait pas été très dur. A part le coup du sirop d'érable, personne n'avait tenté de me tuer, de me blesser ou de me porter outrage. Pas de long combat sanglant, juste une arrestation dynamique et un peu de suspense pour éveiller son sang chaud. Quand nous trouvâmes le concours culinaire, et quand les gens nous vîmes arriver, les grands héros qui les avions fait s'échapper d'une mort aussi soudaine que ridicule, tous les badauds applaudirent. Un concours de vivats caressa mes tympans et je pus me permettre un petit sourire en coin. Un vieux bonhomme au crâne dégarni d'un haut-de-forme s'approcha vers nous et lança quelques félicitations. Puis il sortit une médaille de sa poche. Une médaille ? Déjà ? Si je continuais sur cette voie, demain, on me refilera les clés de la ville.


« Pour votre abnégation sans faille, pour votre travail et pour vous récompenser, je vous prie d'accepter le premier prix de notre concours culinaire, la Toque d'Or pour votre fantastique pancake ! On applaudit le Docteur Doofenshmirtz ! »

Et puis le concert de hourras s'accrut. Certains excités lancèrent même leur chapeau qu'on ne retrouva jamais (dans un dessin animé avec une scène de fin où des gens envoient leur chapeau en l'air, il est de notoriété qu'on ne les voit jamais retomber). Sinon, je ne fus pas trop déçu. Un peu surpris, mais je regardais pas mal de dessins animés et je n'étais pas vraiment contrarié par cette fin bateau. Le génie maléfique fit un geste de triomphe malgré ses menottes tandis qu'on lui épinglait la médaille à sa blouse. Il avait peut-être même oublié la véritable raison d'être du pancake. Eux aussi d'ailleurs. Mais comme on aimait une fin heureuse, et qu'il était difficilement de rendre tout le monde plus content, ça devait se terminer ainsi.

Nous finîmes par raccompagner le docteur dans la base secrète des gentils. On me félicita pour mon travail, et même Perry me fit un hochement de tête de remerciement. Le méchant fut envoyé derrière les barreaux sans procès et c'en fut terminé de cette mission. Et c'était tout. On en avait fini avec moi. J'avais permis d'arrêter une horreur, les prix avaient été distribués et tout le monde pouvait danser la gigue autour d'un feu de camp énorme. The End. Ou pas. Quand je me remémorais ce passage, où je pensais que tout était terminé, j'en rigolais encore. En fait, l'arrestation n'avait même pas été le début de l'aventure. A la limite, le petit film qu'on faisait passer devant les productions Pixar.
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyMer 25 Mai 2011 - 13:45
« Tout est prêt. » Chaque syllabe avait été découpée avec un hachoir qui aurait pu trancher un homme en deux tant le ton était cassant. Elle reprit subitement, ressemblant à un type qui imiterait un air langoureux avec la langue gonflée : « Tout a bougé. Maintenant que le crétin en face a joué sa pièce sans trop savoir quoi faire, il ne reste plus qu'à bouffer ses pions.
_ Et évidemment, tous les membres seront récompensés. N'est-ce pas ?
_ Tout. Dès qu'on en aura terminé avec ce coup, on pourra dire adieu à la misère. On ne craint rien, nous sommes sûrs de gagner. Le meilleur coup de toute votre carrière. Ce sera facile.
_ Qu'on soit bien d'accords, je veux la domination du monde ! Totale, complète ! Et aussi quelques alambics, »
fit une troisième voix.
« Euh, on verra ça après... C'est pas facile à fournir des alambics. »


__


Je me réveillai sans bruit sur mon canapé. Avec Cartel à-côté, j'avais appris à ne pas trop veiller sous les couettes. Elle avait une sainte horreur des gens qui osaient détruire leur vie par une grasse matinée. Ainsi, son cerveau maladivement correct lui procurait de quoi réveiller les audacieux par des stratagèmes tous aussi originaux et horribles les uns que les autres. Entre la trompette, la grenade fumigène qu'elle avait ramené de l'armée, les films angoissants qu'elle faisait passer à fond et d'autres fourberies plus subtiles, elle avait tout un panel de réveil matin efficaces. Mon organisme avait été habitué à remonter son horloge interne, histoire de survivre un peu. J'ouvris un œil et réussis tant bien que mal à me mettre debout. Il y avait un bruit de grill. Ma vision était encore brouillée par le brouillard matinal, et mon cerveau cherchait encore son propre bouton « On ». Je titubai lentement, comme un ivrogne au ralenti. Je voulus dire quelque chose, mais le seul bruit qui sortir de ma bouche fut un immense, long, gargantuesque bâillement que je contins d'une main hasardeuse.

« Un ou deux bacons ? »

Je voulus répondre mais un autre bâillement prit d'assaut ma bouche. Je levais deux doigts en l'air pour répondre et Cartel répondit d'un claquement de langue. Elle retourna aux fourneaux et agita une poêle d'une main experte. Le chat avait été nourri. Mon corps abandonna et je m'assieds sur le sofa. Une minute plus tard, j'avais eu le droit à une assiette de deux tranches de viande accompagnés d'œufs typiques. Je regardais le smiley en essayant de me concentrer sur le monde extérieure. Je lâchai un vague merci avant de retourner à la saine contemplation de mon assiette. Un repas platonique. Cartel s'assied à-côté de moi et dévora son plat avec un entrain inimaginable. J'avais bien fait de me réveiller. Qui sait quelles horreurs elle aurait été capable de commettre avec du bacon et des œufs... Je réussis à murmurer un :

« Passée une bonne nuit ?
_ Très. Et toi ? Ton lit ne te manque pas ? Bonne nuit ?
_ Bah euh... une nuit intéressante. Une nuit calme. »


Une réponse atypique mais Cartel n'en était pas à ça près. Ma tête était lourde, mais ma mâchoire parvint à mastiquer mon petit déjeuner sans heurts. Burritos ne fit pas de commentaire et alla se lover sur les genoux de Cartel. En ronronnant.

« Au fait, je vais squatter encore quelques jours.
_ Je vois.
_ Ça ne te dérange pas ?
_ Bien sûr que si. Mais ce n'est pas ça qui va t'arrêter.
_ Vraiment pas ?
_ Tu prépareras la bouffe alors. »


Elle émit un cri de joie tandis que je continuais à regarder le mur d'un air vaseux. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi elle voulait rester plus longtemps chez moi. Elle tenta bien de m'expliquer qu'elle allait passer d'autres examens mais ma tête refusait de se rendre à l'évidence. Puis je sentais déjà venir les subtilités : Cartel acceptait des contrats seulement si elle les avait écrit et s'ils avaient une myriade de petits caractères.

La journée se passa terriblement anormalement bien. Cartel était partie du studio pour passer un examen quelconque (je lui avais refilé un double de mes clés). J'étais seul, comme d'habitude. Mais plus. Je réussis tout de même à sortir voir ailleurs si j'y étais et à faire défiler les heures comme des secondes. Quand je revins dans l'après-midi après avoir englouti un verre de 1664, Cartel était déjà là et barrait consciencieusement quelques feuilles sur mon bureau. Elle leva vers moi ses lunettes en demi-lune pour m'expliquer qu'elle révisait et que je devais éviter de faire le plus de bruit possible. Je m'emparai de mon ordinateur et m'installai sur le sofa sans trop déranger le peuple. Le soir venu, elle prépara une salade composée en arguant que c'était la saison. Elle avait dévalisé le marchant de fruits et de légumes et s'amusait à me faire éplucher des tonnes d'aliments que je ne voyais jamais, en dehors des garnitures de pizza. Après l'extraordinaire visionnage du nanar de « The Room », on se recoucha tous les deux dans nos lits respectifs. La cohabitation n'était pas si désagréable après tout. Moins contraignante que je ne me l'imaginais en tout cas. J'avais oublié à quel point Cartel était agréable à vivre quand elle oubliait de réprimander le monde autour d'elle avec raison. Ma tête se reposa sur l'oreiller, le chat miaula quinze fois sans raison majeure avant de sauter sur son lit et de rejoindre une Cartel fatiguée. Ma conscience s'évapora doucement. Le sentiment qu'il allait se passer quelque chose de grave à Dreamland ne s'estompait pas, bien au contraire...


__


Les deux justiciers étaient intervenus, comme il l'avait supposé. Mais ils n'arriveront à rien seuls. Ils avaient absolument besoin d'aide. Au mieux, ils ne trouveraient rien. Au pire, ils étaient déjà perdus. Ils avaient peut-être faits du bon boulot en arrêtant ce sinistre docteur, mais ils n'étaient pas à la hauteur. Lui, il l'était. La tâche était bien trop énorme, le pustule n'était que le signe d'un cancer bien plus profond. Les justiciers devraient s'entraider pour une fois, vu que toutes les serviteurs du malin avaient formé cette organisation. Mais qui était à leur tête ? Il avait peur de le savoir... Quel est le monstre qui pourrait former une telle réunion ? Et pourquoi, sinon pour un terrible dessein ? C'était trop énorme : on pouvait sentir les mauvaises ondes trembler sous les pavés. Toute la pègre avait disparu, tous les malfrats s'étaient barricadés chez eux.

Trois personnes contre le vice du monde entier ? Y avait-il une force capable d'arrêter l'inexorable fin du monde qui se proclamait dans le ciel rouge de sang ? Il y avait bien trop de fils à démêler. Ce n'était pas la peine de réfléchir maintenant. Peut-être que les deux héros allaient pouvoir l'aider. Peut-être qu'ils pourraient échanger des informations... Mais ils allaient avoir plus besoin de lui que l'inverse. Car il était le super héros de la ville, celui que tous les Royaumes enviaient. Personne ne le voyait, mais on sentait sa présence bienfaisante se répandre dans la cité. Il était la meilleure icône qui n'avait jamais foulé les pieds de Dreamland. Il était le premier et le dernier rempart contre le crime. Les forces spéciales, les policiers étaient dépassés de trop loin par le mal tentaculaire qui lentement, dévorait la cité sans en laisser une miette. Mais il y avait une personne qui pourrait se dresser contre ce monstre, et c'était lui. Il était temps d'agir. Cette nuit, les méchants pourraient trembler.

__


Je ne fus même pas surpris d'arriver à la même salle que la veille. La nuit dernière avait été si peu périlleuse que je voyais bien Dreamland s'excuser de cette fadeur et me proposer une autre nuit mortellement dangereuse à un de ses clients les plus fidèles. Mes vêtements étaient les mêmes que la dernière fois, et mon panneau n'avait pas changé. Quelqu'un avait appuyé sur le bouton « pause » et avait remis le film au bout d'une quinzaine d'heures. Je subissais une ellipse. Le grand écran était déjà allumé, et la tête du vieux militaire apparaissait avec l'air aussi soucieux que pouvait le permettre un mono-sourcil spaghetti. Perry était déjà dans la salle et semblait m'attendre. Dès que j'apparus enfin devant son bec, il sauta de sa chaise et regarda l'ordinateur. En plus du bonhomme habituel, il y avait un petit carré en haut à droite qui présentait le savant fou jouant avec sa médaille dans une cellule. Le militaire se racla la gorge, toussa dans sa main et prit la parole :

« Ahh, on vous attendait.
_ De terribles nouvelles ?
_ Nous avons de terribles nouvelles. Le docteur Doofenshmirtz a avoué pendant votre absence qu'un gars lui avait fourni son robot cuisinier.
_ Moi qui pensais qu'il l'avait construit tout seul.
_ Normalement oui. Mais cette fois-ci, c'est différent. Quelqu'un a voulu utiliser le docteur comme un appât, il semblerait. Un savant diabolique construit toujours ses propres inventions seul. Il y a quelque chose de plus gros là-dessous.
_ Très bancal comme raisonnement. Et je parie qu'après avoir donné le robot, on lui a soufflé de ne pas oublier de nous le dire ?
_ Ils se seraient rencontrés dans le bar « The Pretty Leg ». Allez-y le plus rapidement possible avec l'agent P, et récoltez-nous des informations. »


Je regardai l'ornithorynque. Il me rendit mon regard. Je soupirai et acceptai la mission. Je n'avais pas vraiment le choix, et la Destinée me poussait à la suivre avec autant de délicatesse qu'un camion citerne. Je boutonnai mon imper, et une trappe s'ouvrit dans le mur. Je sortis à l'extérieur suivi de Perry. Comme d'habitude, ce fut lui mon guide (pourquoi fallait-il toujours que je sois guidé par des petits animaux ? Un syndrome ? Une pathologie clinique ?). Nous arpentions la ville. Mais les coins que nous visitions étaient beaucoup moins jolis. Menaçants je dirais même. Je levai mes yeux en l'air, et après un examen approfondi, je pus constater qu'effectivement, le ciel se noircissait et se garnissait de nuages. Je supposais que ça voulait dire qu'on entrait dans la partie basse de la ville. Celle où les brigands en tout genre complotaient. Mais heureusement pour moi, nous nous arrêtâmes à la frontière entre le gentil monde guilleret et les flammes de l'enfer personnalisées. Juste qu'il faisait très sombre. Et que les nuages se coloraient d'une teinte de rouge. On avait l'impression de n'être éclairé que par un perpétuel crépuscule, qui avait du mal à faire passer ses rayons sous plusieurs couches de nuages gris. Charmant endroit. Mon animal de compagnie s'arrêta un instant (encore ces deux secondes fatidiques où j'étais censé regarder le bar d'un œil décidé). Puis il enleva son chapeau et le mit dans une poche quelconque de sa peau. Oui, très bien, n'allons pas comprendre... Il se mit à quatre pattes. Il ressemblait maintenant à un ornithorynque pour un vieux bonhomme qui loucherait et qui ne verrait pas les couleurs. Pour faire plus professionnel, je laissai mon panneau « Attention aux enfants » prêt du bar en le plantant dans le sol avec son pouvoir. Très crédible je sais.

Nous rentrâmes dans le « The Pretty Leg », en faisant coulisser les portes à double battant (un bar miteux sans bâtiment mitoyen, quasiment le seul dans cette rue déserte. Rien de particulier sinon qu'il n'y avait qu'un seul étage et qu'au-dessus de la porte, il y avait le nom bar en rose et bleu fluos avec une jambe de néons qui se balançait). La musique qu'on entendait à peine dehors se mit à assaillir à nos oreilles par le biais d'enceintes grossières. Il y avait quelques tables qui se dressaient parmi la foule, et un peu plus gisant sur le sol. Je mis quelques temps avant de remarquer qu'il n'y avait pas une seule femme. Ce n'étaient que des hommes. « The Pretty Leg »... Merde. Un bar gay. Les hommes étaient soient des marins, soient des motards qui auraient du mal à ne pas avoir froid sur leur moto avec de telles tenues. Beaucoup de chapeaux, étrangement plus de pompons. Des tenues rayées, des bières qui changeaient de mains, etc. Ils avaient tous l'air assez costaud pour défier un mammouth au bras de fer. Leur bras devait faire la taille de ma poitrine. Dire que j'étais seul, avec un ornithorynque qui faisait semblant d'être... un ornithorynque. Génial...

Je m'attelai à une petite table ronde libre (la seule). Je m'assieds à une chaise, et Perry se mit à quatre pattes sur une autre en face. Il n'y avait plus qu'à attendre qu'on veuille bien prendre ma commande. J'en profitai pour faire le tour de la pièce d'un regard. Il y avait un comptoir vers la droite, avec un mixologue qui portait un filet. Puis en face de moi, il y avait une immense estrade. Sur laquelle jouait un homme en smoking et en boxer rose, pianotant les touches de son piano fushia. Oh mon dieu, j'étais où exactement ? Un serveur avec une casquette d'officier de police passa et me déposa un verre mousseux que je n'avais pas commandé. Je lui demandais pourquoi ce service et il me répondit que dans les dessins animés, aucun personnage n'avait une boisson différente des autres. Donc qu'il n'avait que ça à la carte. Et que je pouvais toujours aller tailler une pipe au patron trans' si je voulais me plaindre. Il déposa ensuite une écuelle de bière devant Perry et s'en alla en se trémoussant les fesses. Sur le ticket de caisse, il y avait une empreinte de baiser au rouge à lèvres. Je retournai soigneusement le papier avant de me concentrer sur ma bière. En jetant un regard très discret dans la pièce, je pus constater l'ambiance très bon vivant qu'il y avait dans la salle. Je vis l'équipe des « YMCA » se faire des regards langoureux tout en traversant la salle, puis Edward Cullen (tiens, un type qui ne venait pas des dessins animés) discuter tranquillement avec Buzz l'Eclair. Buzz ? Mais ce n'est pas possible ! Tu ne peux pas être gay ! Tu es un jouet ! En tout cas, le bar gay, ça me faisait bien « marais ». Je me repris rapidement et accostai le serveur féminin dès qu'il passa près de moi :


« Euh... dîtes-moi, est-ce que vous connaîtriez quelqu'un qui connaîtrait quelqu'un ? » lui lançais-je d'un ton à peu près aussi convaincant qu'un ballon à eau percé. Mais le vrai problème, c'était la discrétion. Bravo le détective. La prochaine fois, je lui montrerais ma plaque pour être certain qu'il se fermera comme une huître. Mon serveur regarda le malheureux ornithorynque. Je continuai rapidement : « Un problème ?
_ Non, je croyais que c'était un agent secret. Mais celui-ci ne porte pas de chapeau, je dois confondre... Sinon, je ne comprends pas la question. C'est pour des tueurs à gage, de la farine ou du plaisir charnel ?
_ Un peu de tout je pense...
_ Bah adressez-vous à Al Super Gay alors. Il connaît tout le monde dans ce joli bar.
_ Je peux le trouver où ?
_ Vous n'allez pas tarder à le voir. »


Puis il me quitta avec un rire stupide. Bon, bah plus qu'à attendre. Je regardai Perry en face de moi mais il n'avait pas touché à sa boisson. Évidemment. J'en pris une gorgée. C'était de la bière tout ce qu'il y avait de plus basique, sauf qu'elle passait très bien. Son caractère manifestement 2D devait aider je présumais. Puis soudain, les lumières qui éclairaient déjà mal se tamisaient un peu plus. Le public entier commença à se tourner vers l'estrade. Certains gars se levèrent et sifflèrent en même temps. Je devinais facilement que la star de la piste allait entrer en scène, et que c'était mon Al Super Gay. Je tournais ma tête d'un œil intéressé. Des projecteurs se déclenchèrent dans un clac bourdonnant. Le rideau qui était jusque là baissé sans aucune raison se décala vers les côtés. Puis apparut mon informateur.




J'étais dans un bar gay, mais ce type réussissait tout de même à trancher avec le décor. Déjà, il venait de la série South Park qui n'était pas connu pour sa beauté graphique (enfin si, elle était connue parce que ses personnages n'étaient que de bouts de carton déposés les uns contre les autres). Mais lui... il était bronzé artificiellement, portait du rouge à lèvres, sa chemise stupide était largement ouverte vers le haut et il portait le foulard. De plus, il avait une voix de fausset. Et tout le monde se mettait à l'applaudir comme s'il était le messie. Et après quelques encouragements, salutations, etc. Al se mit à chanter une chanson très mordante sur l'égocentrisme. Difficile de la prendre au premier degré quand on était devant un écran ; dans la réalité, ce type me donnait envie de lui foutre une gifle. Et pas seulement parce qu'il chantait comme un pied avec sa cigarette à tige à la main.

Tout le monde applaudit à la fin tandis que j'essayais de noyer ma conscience dans mon verre. Le serveur me fit un clin d'œil pour m'indiquer que je pouvais aller lui parler maintenant. Je me levai maladroitement de ma chaise et traversai la salle, Perry à quatre pattes derrière moi. Personne ne trouvait cela étrange qu'un inconnu se baladait avec un ornithorynque à ses talons. J'attendais presque que quelqu'un se leva pour pointer du doigt mon partenaire et beugler : « Regardez, là ! Un ornithorynque sans laisse ! » Les lumières revinrent à leur état normal. Il y avait des néons partout dans la salle, mais si ils fabriquaient de la lumière puissante, ils ne la laissaient pas aller bien loin. Ce n'étaient plus que des barres qui agressaient les yeux et se jouaient des sourcils. Mais je réussissais tant bien que mal à éviter un couple de marins (qui avaient à leur bras, le sempiternel tatouage en forme d'ancre), puis à me faufiler vers une porte en bois sur laquelle était collée une étoile en carton, dont un des cinq bouts commençaient à se faire avaler par l'humidité. Je pris une bouffée d'inspiration et pénétrai dans la pièce, armé d'un palmipède agent secret. J'avais l'impression de partir perdant...

La pièce était tamisée d'une lumière jaune poussière qui avait le mérite d'éclairer suffisamment. Des miroirs partout, des gens assis sur des chaises devant, et chacun se repoudrait. Ce n'était évidemment que des mecs. Je cherchais mon Al Super Gay du regard, mais ils étaient plutôt nombreux. Bon sang, il n'y avait pas un responsable ici ? Certainement, parce qu'aucun des artistes ne daignait lever ses yeux poudrés vers moi. Bref, il devait y avoir quelqu'un qui gérait cet espace. Je cherchais du regard mon énergumène qui pourrait m'indiquer où était mon indic. Jusqu'à ce que j'entendis :


« Justiiin ! C'est à toi !
_ J'arrive tout de suite patron ! Je coiffe ma frange et j'y vais.
_ Trrrrrès bien mon Justin. Oublie pas d'accentuer ta voix pour la rrrrrendre plus aiguë ! Les hommes t'adorrrrent quand tu fais ça. J'espèrrrrrre que ton duo avec Monsieur Esclave est bientôt prrrrrêt... Et vous ! Je peux fairrrrrre quelque chose pourrrrr vous ? »
fit un homme avec une longue cigarette à la bouche. Voilà mon gestionnaire. Ce n'était pas un personnage de dessin animé. C'était quelqu'un que je ne connaissais pas. Des épaules de serpent, du mascara ainsi qu'une longue robe en paillette rouge. De plus, il avait bien la soixantaine. Petit et chauve, il s'approcha de moi avec des ronds de fumée. J'essayais de déterminer d'où venait sa façon de rouler les « r ». Mais à terme, je finis par conclure qu'il les faisait aussi naturellement que de se maquiller le visage. Il donnait des intonations à sa voix, comme s'il l'interdisait de descendre dans les graves en la poussant à monter dans les aigus sur quelques syllabes.
« _ Oui. Je cherche Al Super Gay. C'est pour lui parler.
_ AaaaaAAh ! C'est rrrrrarrrrre que quelqu'un veuille lui parrrrrler. Les clients ont plutôt tendance à lui demander un autogrrrrraphe ou une p...
_ Pour lui parler, c'est urgent. Je ne vous embêterais pas plus.
_ Trrrrrès bien ! AaaaaAAAaaAAALLL ??!! Quelqu'un pour toi !
_ J'arrive mon chou, j'arrive !
_ Allez discuter à l'extérrrrieurrrr s'il vous plaît. Nos arrrrrtistes doivent se concentrrrrer. MusclooOOoorrrr ! Tu serrrras le suivant aprrrrrrès Justin ! N'oublie pas ta grrrrrosse épée ! »


Nous sortîmes ensemble par une petite porte de derrière, qui menait sur un parking désert de véhicules. Dès que nous pûmes goûter à l'air frais du soir, Al sortit une cigarette de sa poche et l'alluma avant de la porter à ses lèvres rouges. Peut-être que j'arrivais à parler avec des personnages de dessins animés, mais il était déjà plus difficile de vouloir causer avec des bouts de carton. Je pris néanmoins la parole :

« Voilà, on a besoin de vous. Il paraît que vous connaissez pas mal de monde dans ce bar ?
_ Ça, c'est sûr mon chou. Les gens m'adorent, et ils adorent discuter avec moi. C'est le serveur qui vous a parlé de moi ?
_ Ouaip, c'est lui. Je voulais savoir si vous connaissiez le docteur Doofenshmirtz.
_ Aucune idée de qui c'est mon gars. »
Ce type semblait sincère. Le docteur maléfique ne devait donc pas traîner dans ces coins-là. Je continuai : 
«_ Et y a-t-il eu des nouveaux clients récemment ?
_ Tous les jours mon gars.
_ Laissez-moi vous montrer la photo. Voilà, c'est lui. Le docteur Doofenshmirtz.
_ Ah si ! Je le reconnais ! Sa blouse m'avait choqué(e) d'ailleurs.
_ Je comprends : bien trop ample. Normalement, il était censé parler à quelqu'un. Est-ce que vous vous souvenez de cette personne ?
_ Excusez-moi, mais qui êtes-vous ? »
Je ne dirais pas que ses yeux s'étaient allumés comme sa cigarette, mais il semblait douter de quelque chose à mon égard. On n'avait pas l'air de trop aimer les policiers par ici. C'était normal vu que nous étions à la frontière entre les quartiers mal fréquentés et ceux qui découlaient de la vie quotidienne et où le soleil brillait.
« Je suis un des partenaire du docteur. J'aimerais savoir pourquoi on l'a foutu en taule.
_ Il s'est passé quoi exactement ? Moi qui pensais que la criminalité était refoulée.
_ La criminalité, pas la stupidité. Et ce sont des affaires personnelles. J'espère que vous comprenez.
_ Il n'y pas de souci. Mais malheureusement, je ne peux pas vous aider. Mais si vous cherchez dans l'obscurité, il va falloir risquer sa vie. Car les quartiers ne sont pas sûrs du tout, oh non.
_ Vous ne connaîtrez pas un autre savant fou, qui pourrait construire ou vendre des machines ?
_ Un particulier, comme le savant Doofenshmirtz ? Et bien, je connais un Voyageur. Un Russe. Mais il n'est pas du tout commode. Je peux vous écrire son adresse si vous voulez. Il habite dans les quartiers sombres, et vient souvent ici. Peut-être que vous pourrez remonter la piste, mais j'en doute. Et je vous préviens une seconde fois, ce n'est pas un type très agréable. Il est fou, complètement taré. Faîtes bien gaffe.
_ Merci beaucoup. Je tiendrais compte de vos conseils. De toutes façons, quel que soit le type avec qui je parle, c'est un malade mental.
_ Oh, vous ne croyez pas si bien dire. »


Sur ce, il revint dans la salle des artistes. Une minute plus tard, il me tendit un petit bout de papier où une adresse en encre noire (suivie de l'empreinte de rouge à lèvres). Je le remerciai puis il retourna à sa cahute. Une brise s'agita et fit voler mon imper et le claquer d'un coup de fouet. Le début d'une ombre d'une supposition hein ? Al avait été sympa, mais il n'avait pas été aussi utile qu'escompté. Je rangeai dans le morceau de papier dans ma poche, tandis que Perry alluma une montre-écran pour parler au boss. Je lui fis part de notre maigre avancée. Il rumina quelques chose dans sa moustache en brosse avant de nous demander d'aller quand même à cette adresse. L'ennemi juré de Perry était sous les verrous, le palmipède pouvait s'occuper de cette affaire. Et moi bordel ? J'allais jouer au détective combien de temps ? Je leur laissais cette nuit puis la nuit suivante. Si je n'avais pas de réponse claire le lendemain, ils pourraient aller se faire foutre. Je ne serais pas le pigeon de la semaine. Je n'étais pas un détective. Il demandait des qualifications que je n'avais pas : la discrétion, l'intelligence et la prise d'indice. J'étais trop exubérant, mon QI diminuait de moitié à Dreamland afin de mieux profiter de ce monde et j'étais particulièrement mauvais en ce qui concernait la recherche d'éléments du décor. J'étais incapable de retrouver le rouleau de sopalin dans ma cuisine, ou la bouteille de lait dans le frigo. Alors un cheveu dans une maison... Appelez-plutôt les Experts. Le pire, c'étaient qu'ils étaient certainement dans le coin. J'y penserais dès qu'on devra ausculter une pièce. Avec un peu de chance, ils pourront me retrouver la famille de l'avant-dernier pizzaiolo qui était passé. Si j'avais eu une barbe plus conséquente, je me la serais caressé. Si j'avais eu un caillou à proximité, j'aurais shooté dedans. Histoire d'extérioriser cette histoire de mon corps. Les enquêtes n'étaient jamais simples. Il fallait tout d'abord trouver le coupable, l'arrêter puis le foutre en taule en réussissant un procès. Même si dans un monde de dessins animés, le parquet ne devait pas trop se fatiguer. Le gars était un méchant donc on le jetait derrière les barreaux. Un personnage secondaire pour interpréter le juge et l'affaire était dans la boîte. Mais il y avait les enquêtes simples, les enquêtes des séries américaines puis les enquêtes des romans policiers. Les premières étaient celles de la vraie vie. Elles étaient simples parce que si elles ne l'étaient pas, on classait le dossier en buvant un café. Les secondes étaient complexes mais il suffisait de vingt millions de budget pour débusquer n'importe quel coupable. Les troisièmes étaient celles trop compliquées que des policiers tarés ne voulaient pas abandonner. Et ça se terminait par cinquante accusés dont cent-vingt pour-cent mentait, une pléthore de personnages secondaires et évidemment, sur les quelques milliards d'individus, zéro témoin. Je regardais Perry avec un air triste. Tout ça m'ennuyait et je n'étais pas du tout intéressé de savoir qui était le connard de l'affaire. De toutes façons, on se faisait un sang d'encre juste parce que Doofenshmirtz avait préféré faire son dernier coup avec l'appareil d'un autre. Je crus bon de partir d'ici, jusqu'à ce que j'entendis une voix provenant du toit du bar :

« Salutations étrangers. »

Je me retournais rapidement pour savoir qui venait de me parler. Près de la balustrade, il y avait une forme étrange qui portait un costume tout aussi étrange. D'ailleurs, elle commença à descendre par une échelle. Quand elle fut enfin au niveau du sol, je distinguais un autre personnage de South Park. Un enfant, vu qu'il ne devait pas faire plus de cinquante centimètres. Un gros enfant. Qui portait une cape ainsi qu'un masque représentant rapidement un raton-laveur écrasé par un camion-citerne. L'enfant reprit de sa voix grave :

« Je me présente. Je suis le Coon. » Il manquait un tonnerre quelque part. Je ne savais pas qui était cet hurluberlu, mais je n'avais pas envie de jouer à la balle. Je tentais tout de même de lui répondre sans paraître totalement ridicule :
« Salut le Coon. Tu es qui ? Tu veux quoi ?
_ Rah, tant de questions, et si peu de temps pour y répondre.
_ Oui, au moins deux. Tu veux que je les écrive sur un bout de papier, pour faire une interrogation écrite ?
_ Je suis le Coon. Je suis le justicier de ce Royaume, et je m'occupe aussi bien des malfrats qui vivent tranquillement dans la ville que les chefs qui résident dans les égouts de banlieue.
_ Est-ce que par hasard, tu serais pas en train de te foutre de ma gueule ? »
Non mais sérieusement. Si Lou avait eu un enfant, il ressemblerait certainement à ça. Voilà où ça menait de montrer aux gosses des trucs aussi débilitants que des super héros. Il se prenait vraiment au jeu, avec sa voix grave et sombre. Et surtout, tellement sérieuse que ça le décrédibilisait.
« _ On ne se moque pas du Coon. Mais je veux bien admettre que tu es ignorant et te pardonner. Car je peux t'aider dans ton enquête. Enfin, disons que tu peux m'aider dans la mienne.
_ J'ai vraiment autre chose à foutre que de retrouver qui a mangé la tarte aux fruits de deux vieux.
_ Nous cherchons les mêmes ennemis. Et je suis presque certains de les trouver dans quelques temps. J'ai seulement besoin de toi pour m'aider à combattre la horde qu'ils sont.
_ Ils sont combien en tout ? Comment tu sais tout ça ?
_ Ils sont trop. Je ne peux pas te dire exactement combien ils sont, mais sache que tu ne pourras les avoir tout seul. Tu seras obligé de faire équipe avec moi.
_ Non.
_ Fais-moi confiance. Tous les habitants de cette ville me connaissent.
_ C'est toujours non. Retourne dans ton bac à sable pour t'enterrer.
_ Mais bordel de merde de fils de pute, tu vas m'écouter oui ou merde ?!
_ Je vais voir un soi-disant Voyageur russe qui fabrique des robots. Tu connais cette adresse ? »
Je lui présentai mon bout de papier. Il loucha furieusement, ses dents serrées de colère.
« Je vois qui c'est. Très très mauvaise idée, faut pas y aller.
_ Et pourquoi ça ?
_ Parce que c'est un dingue. Et qu'il n'a rien à voir avec tout ça.
_ Tu en sais des choses...
_ Collabore avec moi. Rien ni personne ne pourra nous résister si on s'allie.
_ Mais va te faire foutre. Je vais aller titiller du Russe si j'ai envie.
_ Pauvre connard de merde, je te dis que c'est pas une bonne idée !
_ Mais pourquoi petit con ?
_ Parce que c'est un mala... rah, mais tu sais pas écouter ? Et surto... mais reviens. Reviens espèce de connard ! Reviens ! RAAAAAH, mais, mais... mais saloperie de bordel de foutre ! »


Plein le cul du mioche, je m'étais éloigné, ornithorynque sur les talons. Perry me fit un petit signe du bec pour me faire comprendre que ce type était un dingue. Normalement, tout ce qu'il avait dit aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Il avait l'air de savoir plein de trucs. Mais il avait un ton dans sa voix qui me fit croire que loin de ce qu'il voulait être, il restait un petit crétin avec un masque sur la gueule. J'avais un partenaire ornithorynque, il pouvait bien y avoir un enfant justicier... Mais celui-là n'était certainement pas le défenseur de la justice. Il savait des choses tout de même, c'était certain. Pourtant, je n'arrivais pas à me dire que je devrais dépendre d'un gamin pourri gâté. J'avais peur d'entrer dans mon jeu, ce qui me discréditerait tout de suite. Ma nuit semblait une putain de farce. J'avais vu des émissions pour piéger les célébrités bien plus compliquées. Quelqu'un allait sortir de la poubelle avec une caméra en criant surprise, et tout le monde applaudirait ma performance. Ils m'ont diront comment j'avais pu croire qu'un ornithorynque était un agent secret du gouvernement, qu'est-ce que j'avais ressenti en entrant dans le bar gay et Doofenshmirtz me demanderait s'il avait bien joué son rôle. En tout cas, ce scénario semblait le moins abstrait. Non seulement j'étais en pleine enquête policière, mais en plus, elle était complètement barge. Qui sait où j'irai la prochaine fois ? Je dis à Perry qu'on n'avait qu'à se retrouver dans les quartiers obscurs de la ville pour dénicher notre homme. Il n'avait qu'à chercher sur on chapeau GPS où il se trouvait. Ce qui me faisait le plus peur par contre c'était ce sentiment d'oppression constante. Pas comme si un aveugle vous regardait, mais plutôt comme si on me promettait que j'allais continuer cette enquête, quoi qu'il advienne. Il y avait quelque chose d'énorme, et je n'avais aucune idée de ce qui me faisait dire ça. Il y avait un piège quelque part. Non, pas un piège. Une sorte de problème. Un rouage qui grinçait quelque part et que j'aurais loupé. Puis pour m'épargner un risque de surchauffe, je disparus dans un nuage de fumée. Pour une fois que je fus content de partir sans que ma vie ne fut en danger...

__


Ils étaient autour d'une longue table en plastique, dans une grande cave éclairée d'une seule ampoule tendue au bout d'un fil électrique. Ils étaient quatre et ils avaient tous l'air méchants. Le premier était un rat habillé en costume d'époque, qui posé sur la table à cause de sa taille, goûtait un dé à coudre rempli de jus d'orange. Il devait faire semblant de croire que c'était du champagne pour garder sa voix mielleuse sans se ridiculiser :
« _ Dooonc... qu'est-ce qu'on fait ce soir ?
_ Et bien comme tous les soirs : conquérir le monde »
, répondit une voix caverneuse, sortant d'une sourie immaculée dont le crâne parvenait à peine à contenir le cerveau proéminent
« Certes, mais c'est long. Peut-être qu'on pourrait accélérer les choses nous-mêmes.
_ Voyons Rattigan ! Ne fais rien qui pourrait compromettre notre revanche sur ce monde vingt fois trop grand. J'ai absolument besoin de la recette de pâté de crabe pour faire relancer mon commerce.
_ Je le sais Plankton, je proposais juste. Enfin, on y arrivera. La partie la plus délicate du plan a été résolu. Le reste va suivre. Mais trop tranquillement... Tu ne penses pas pareil le Borgne ?
_ Si ! Mon peuple est contraint de rester dans un foutu cactus. Mais tout vient à point qui sait attendre. J'ai appris qu'il ne fallait jamais se précipiter. Toujours analyser la situation.
_ Euh... est-ce que quelqu'un pourrait me libérer ? Ma maman va s'inquiéter. »
Tout le monde ignora cette cinquième voix venant d'un coin de la cave. Emprisonné, un enfant couvert par un masque d'aluminium tenait les barreaux d'une petite prison. Les quatre méchants s'interrompirent, avant de reprendre.
« C'est juste que... tous les éléments sont en place. On attend quoi ?
_ On attend le piaf. Et le jour J,»
répondit le plancton.
« _ Ahhh, ce foutu volatile. Oui Oui, très bien très bien.
_ Allez quoi ! S'il vous plaît. Relâchez-moi.
_ Tu vas la fermer, Butters ?! »
Tout le monde se tourna vers la nouvelle voix provenant de l'escalier. Un enfant obèse avec un bonnet bleu et un imper rouge descendit rapidement. Il avait l'air grincheux et aussi ouvert à la discussion qu'un vieillard ronchon dormant avec un fusil.
« Aaah, fit Rattigan.« Notre chef. Notre leader.
_ Ouaiiis ! Et t'as intérêt à t'en souvenir sale gay.
_ Mauvaise humeur ?
_ Gnnnnnniiiih. Ça te regarde pas, enculé. Faut que je contacte Yago, et vite.
_ Il se passe quoi ? »
demanda Cortex, le front éternellement ridé.
« _ On a un connard sur le dos, mais ça sera réglé la nuit suivante. Il va se coltiner Yuri.
_ Outch.
_ Ouais, outch.
_ Bon, après avoir élaboré mon plan diabolique, j'ai bien soif. Il reste du jus de fruit ? »


__


Le quartier était tellement obscur qu'il rendait ses petites ruelles lumineuses à-côté. Vous connaissez parfaitement ce repaire de malfrats, que les plus grands scénaristes vous avaient concocté pour votre enfance. C'était un endroit très étendu mais où le concept de grande place était totalement inconnu. Juste de nombreuses rues tordues qui plongeaient dans l'ombre, des bâtiments à plusieurs étages qui s'affaissaient sur eux-même comme des grands pères, des gouttières qui adoptaient des angles étranges, et de la fumée qui sortait de quelques soupapes. Je sautais par dessus une flaque d'eau, Perry sur mes talons. Finalement, nous n'étions que tous les deux. J'avais eu la chance de ne pas découvrir le gamin au masque de raton laveur sur la gueule. Nul doute que je lui aurais fait bouffer sa cape en entier. Perry avait de toutes façons localisé le bâtiment situé à « 13 Rue de la Flaque Persistante ». Bref, on n'en était pas loin. On tira mon pantalon. Perry me pointa du doigt une vieille masure. La maison de l'ami russe constructeur... Je m'approchais d'elle avec un regard circonspect. On aurait cru des toilettes extérieures auxquelles on aurait rajouté une extension par derrière grande comme une maison. Une maison qui avait sacrément du mal à tenir debout. Je cherchais la sonnette naïvement mais ne trouvais qu'une petite chaîne accrochée à un cloche cassée. Au lieu de ça, je frappai la porte avec mon index. Personne ne répondit. J'y allai avec le poing mais il y avait tellement de silence dans la bâtisse que je pouvais entendre l'écho de mes frappes dans le hall. Je finis par abaisser la poignée qui grinça en pivotant sur ses gonds. Tiens donc. Une porte ouverte. Et personne qui répondait.

« Il y a quelqu'un ? »




Non, il n'y avait personne. Un couloir sombre brodé de toiles d'araignées et de vieux meubles poussiéreux. Très inquiétant. Il y avait vraiment un Voyageur qui vivait là ? Perry m'indiqua d'un regard insistant que son GPS ne s'était pas trompé. Peut-être que Al Super Gay avait la mémoire déclinante. Il fallait toujours que ça tombe sur ma gueule, ces embrouilles. Déjà, que l'affaire n'était pas très explicite, et voilà qu'on nous embrouillait. Je n'avais vraiment pas besoin de ça. Surtout que j'avais réfléchi la veille, et rien ne me faisait penser que quelque chose d'important était en train de se dérouler. Il se pouvait parfaitement que docteur Doofenshmirtz avait décidé d'importer un robot plutôt que d'en construire un. C'était peut-être plus rapide ? Je n'avais aucune connaissance en savant fou et le temps qu'il mettait pour construire une arme de destruction massive sur roulettes. Mais on nageait dans le brouillard complet, et on ne savait même pas si c'était vraiment du brouillard. On était très mal partis.

Je pénétrais dans une grande pièce. Là aussi, il n'y avait rien. Juste une grosse table qui avait gagné cinq centimètres de poussière. Un canapé était en train de s'effondrer sur lui-même. Sa couleur d'origine devait être un vert olive avant que ses teintes soient nuancées par l'obscurité et des moutons. Ce n'était pas un manoir hanté. C'était une maison abandonnée depuis une dizaine d'années. Voire bien plus. Il était impensable que quelqu'un ait vécu ici. A moins que la maison n'était qu'une couverture. Dans ce cas... pourquoi tout le monde connaissait son adresse ? Al Super Gay le connaissait, et même l'espèce de petit con masqué m'en avait parlé. Bordel de merde, c'était quoi le problème avec cette foutue masure ? Je continuais mon avancée dans la pièce en interpellant une personne qui voudrait bien me répondre. Mais je n'obtins aucun son en retour. Perry était toujours aussi décidé mais il ne savait pas où me donner du bec. Vers le fond de la maison, il y avait un escalier qui se dirigeait vers le premier étage, et qui descendait à la cave. Je tendis l'oreille pour savoir si une présence me permettrait de décider mon choix. Mais pas un murmure de vent ne fit infléchir ma décision. Par peur, je me permis de monter au premier avant de descendre dans l'enfer. Mon instinct me disait que s'il y avait quelque chose, ça se déroulerait dans la cave. Et que dans le cas échéant, ça serait terrible. Comme un Frankenstein qu'on essaierait de faire vivre. Évidemment, quand je posais mon pied sur une marche de l'escalier, celle-ci grinça jusqu'à en mourir. La seconde fut pire. La troisième encore plus. Etc. Quand je fus enfin à l'étage supérieur, il n'y avait qu'un fin couloir qui donnait sur plusieurs portes. Je les fouillai toutes. Les premières ne donnaient sur rien : des chiottes, des chambres à coucher, une autre salle où il y avait des centaines de tableaux, de statues, de têtes empaillées ainsi que d'un aspirateur... Puis une déboucha sur un bureau. Un bureau qu'une bougie allumée éclairait. Dessus, il y avait plein de petits papiers. La bougie était bientôt consumée. Il y avait de la cire qui s'étendait sur quelques documents et sur le bois. Je posai ma main sur la chaise : elle n'était pas complètement froide. Il y avait quelqu'un ici. Et ce quelqu'un ne voulait pas être vu. Au loin, j'entendis une porte grincer bruyamment à l'étage du dessous. On n'était pas seuls. Perry était déjà en train de prendre des photos des documents. Allez, on se grouille gentil ornithorynque, on n'est pas aimés. Nous étions des intrus. Un grondement s'éleva dans les murs de la maison. Mais personne ne monta les escaliers. Il n'y avait pas un bruit de pas. Pris d'un désir stupide, je me retournai d'un bond. Juste un mur sale.

Nous sortîmes de la pièce sur la pointe des pieds. Mais être discrets dans cette bâtisse, c'était demander à un pachyderme de ne rien casser dans le perpétuel magasin de porcelaine. Nous progressâmes lentement, essayant de percevoir une autre présence quelque part. Mais le silence n'était interrompu que par nos propres chaussures/palmes. C'était dans ce genre de situations où on espérait entendre un bruit de respiration, et où on ne voulait surtout pas l'entendre en même temps. Je me mis à crier pour essayer de savoir s'il y avait bien quelqu'un. Mon appel résonna dans toute la bâtisse, rebondissant sur tous les murs et faisant tomber de la poussière du plafond. Mais aucune réponse. Il ne restait plus qu'à descendre à la cave. Terrible destin de merde. Loi de Murphy, invariablement démentie sauf dans les pires moments. Ce qui vous me direz, ne la contredisait pas vraiment. A pas de loups que je descendis l'escalier. Il se tut à peine. Je m'accrochais à l'espèce de rambarde pour essayer de faire le moins de bruits possibles en répartissant mon poids, mais celle-ci se décrocha dans un bruit infernal et en faisant voleter des paquets de poussière partout. J'éternuai dans un bruit de tonnerre. Mais pas un seul mouvement en bas. Nous continuâmes doucement, tandis que l'escalier se mit à tourner sur lui-même. Les murs se faisaient plus humides, la température plus douce. Et la lumière déclinait. Perry sortit deux lunettes à vision nocturne de son chapeau et m'en tendit une paire. Je virai mes propres verres des yeux pour les remplacer par le gadget. Le monde se colora en vert, mais il eut le mérite d'apparaître. Je réussis à louper la dernière marche de l'escalier et ainsi à faire plus de bruits que je n'avais réussi à en causer. La cave n'était qu'une immense pièce, peut-être plus étendue que la maison. Assez flippant. Pas un seul brin de lumière. On ne voyait pas les murs de la salle. Perry partit dans son coin pour explorer. Je fis de même de mon côté. La cave était trop grande pour être innocente. Et bien trop vide. Je réussis à trouver un mur. Mais rien de plus. J'entendais des bruits de pas au loin, mais ce n'était que Perry qui fouillait de son côté. Jusqu'à ce que je trouvai ce truc. Une sorte de porte. Une grosse porte dorée, pleine de rouages. Elle avait une étrange forme, impossible à définir. Comme une sorte d'horloge qu'on avait mixé à un golem de glaise chaude. Impossible à définir... Une arche ? Aucun des rouage ne bougeaient. C'était silence mort. Je bondis quand Perry s'approcha de moi pour examiner la porte. Bordel, petit connard. Puis il me fit un signe de pouce pour m'indiquer qu'il avait trouvé un truc. Je le suivis. Ce qu'il me montra me fit lâcher un glapissement de terreur. Près d'un coin de la pièce, il y avait une forme humaine debout. Je ne savais pas ce qu'elle fixait. Vous aviez vu « Je suis une Légende » ? Quand notre ami Smith découvre dans un bâtiment un groupe de créatures qui « dormaient » debout. C'était la même chose. Son cou se balançait très doucement d'avant en arrière. Ce truc était vivant, mais ça n'était pas un être vivant. C'était trop absent. Puis je vis son visage. Barbe très mal rasée, cicatrices de lames abondantes, cheveux longs débraillés. Si c'était le Voyageur dont on nous avait parlé, pourquoi son physique était aussi dénaturé ? On aurait dit qu'il était aussi fou dans ce monde que dans l'autre. Et ses yeux. Un frisson dans le dos m'envahit quand je pus croiser son regard vide. Ses yeux tournaient sur eux-mêmes, et ils étaient parfaitement rouges. Des nuages se lovaient dans ses pupilles et tournaient eux aussi. La vision était carrément effrayante. Si ce type était un homme, je me demandais ce qui lui était arrivé. Il émit un râlement avant de retomber dans les vapes. Bon, Perry, qu'est-ce qu'on faisait maintenant ?

Il me demanda d'aller inspecter l'étrange machine tandis que lui irait trouver autre chose. J'étais stupéfait de cette apparition. Je n'arrêtais pas de me retourner. Comment vouliez-vous être tranquilles avec un truc pareil sur le dos ? Qui nous disait qu'il n'allait pas se mettre à bouger pour nous attaquer ? Est-ce que c'était notre Russe ? Je m'approchais de la porte dorée avec un brin de suspicion. On était tombé sur un truc trop gros, et qui ne nous regardait absolument pas. Pourquoi l'ornithorynque voulait qu'on fouilla la pièce ? Je n'y voyais rien de plus anormal que ce que pouvait proposer Dreamland. Je fis le tour de la porte : elle n'était pas accrochée au mur. Je cherchais quelques indications supplémentaires quand je trouvai une fine écriture. C'était quoi ? Une écriture sibylline, assez belle. Perry s'approcha de moi.


« Regarde Perry, ce nom me dit quel... »

Ce n'était pas Perry. Je sentis ma tête s'envoler, et fus surpris que mon corps ait réussi à suivre. Je m'abattis sur le mur et retombai sur le sol tel un vieux chiffon. Des bruits de pas gigantesques s'avancèrent vers moi. Je réussis à sortir d'une voix étranglée par le courage :

« Perry ? »

C'était ma créature démoniaque et ses yeux fous. Bordel, quelle bande de cons ! Il y avait un truc super louche et on passait à-côté voir si la porte était plus jolie. Mon nouvel ami faisait plus de deux mètres et ses poings ressemblaient à des bûches qu'on lui avait greffé. Je le vis s'avancer dans un monde tout vert, prendre mon cou et me soulever comme si je ne pesais pas plus qu'un fétu de paille. Puis il m'écrasa la tête contre le mur. J'émis un râle de douleur, puis il m'envoya contre la porte dorée dans un bruit assourdissant. Je sentis mon dos craquer, mon sang couler, et mon bras céder. La masse s'approcha de moi avec l'envie effrayante de vouloir me balancer encore plus loin quand un ornithorynque surgit de son épaule pour lui couvrir la tête de son feutre. L'espèce d'être humain grinça et essaya de s'enlever le chapeau de sa tête. Perry m'aida à me relever et me fit foncer vers les escaliers. Je le suivis, trop heureux d'échapper à une bagarre très mal commencée. J'avais perdu mes lunettes quelque part dans la salle et n'y voyais plus rien. Mon partenaire me guidait pendant que j'essayais de compter le nombre de mes côtes cassées. Mon bras gauche ne répondait plus. Enfin si : d'une très violente douleur. Nous gravîmes les escaliers rapidement, sans essayer de couvrir le bruit de nos pas. On entendit un hurlement de cailloux quand nous arrivâmes sur l'escalier (hurlement de caillou : imaginez que quand la créature hurlait, on aurait cru qu'un gugusse tapait deux pierres l'une contre l'autre).

Nous étions dans le couloir qui menait vers la porte d'entrée entrouverte quand soudainement, un câble sortit du plancher pour se ficher dans le plafond, et ce à un mètre de nous. Puis tiré par ce câble, le corps massif de notre ennemi détruisit le plancher en bois dans un craquement sinistre pour nous barrer le passage. Ohlala, c'était quoi cette embrouille ? On aurait dit qu'il avait avalé le grappin de Batman. Le fil rentra dans son corps dans un chuintement métallique. Il y avait maintenant un superbe trou dans le sol. Puis notre adversaire nous présenta sa paume. J'eus le réflexe de faire bouger ma tête pour éviter que le câble tranchant qui jaillit de sa main m'arracha la tête. Le fil continua de se dérouler et émit un « chtompk » quand il se coinça dans le plâtre derrière nous. Je ne vis que trop tard le piège : le corps massif du type fut treuillé à une vitesse éclair par son câble tendu, et il me percuta très lourdement pour me faire basculer sur le sol. Ma tête se cogna violemment sur le plancher tandis que l'espèce de machin continuait à enrouler son filin jusqu'au bout du couloir. Dès que je fus debout, un bruit de harpon me fit baisser la tête : un autre câble se planta dans la porte d'entrée. Je réussis à plonger dans une salle adjacente pour éviter l'immense masse de mon ennemi qui chargeait dans le couloir. Je sentais que des centaines de questions me taraudaient, mais qu'une barrière mentale les empêchait de me déconcentrer. Il y avait un ennemi, et même si on était deux, j'avais l'étrange sentiment qu'il était supérieur en nombre. L'ornithorynque en avait profité pour fuir quelque part mais je ne savais où. Il n'était pas du genre à se cacher en attendant que l'action fasse de même. Il préparait certainement un mauvais coup.

Je bondis derrière un canapé fumeux tandis que le corps percuta la porte d'entrée. Les gonds avaient cédé sous le choc. Je tendis l'oreille pour essayer de déterminer la prochaine position de l'espèce de truc. Il était au seuil de sa maison et j'étais dans une salle mitoyenne. Plus un bruit. Je fis une grimace. Puis un autre câble traversa littéralement le mur comme du beurre. Il y avait au bout un grappin métallique. Le câble ne se planta pas dans le mur en face, mais tomba sur le sol, et fut tiré par le machin de l'autre côté. Le grappin finit par se bloquer contre le béton. Puis je sentis qu'on tirait d'un coup sec. La force employée fut si énorme qu'un large pan du mur fut arraché. Voilà mon adversaire qui entrait dans ma pièce sans même avoir eu l'intelligence de passer par la porte. C'était plus louche que stupide. Vous me direz, peut-être qu'il craignait un piège et qu'il avait profité de son pouvoir pour arracher le mur et se faire une autre entrée. Rien n'était excessif quand on voulait sauver sa peau. La bataille avait jeté de la poussière partout, qui s'illuminait à la lueur d'un réverbère brisé au-dehors. Bordel de merde, ça n'arrivait qu'à moi ces conneries. Le géant commençait à se rapprocher de moi avec la lenteur d'un vieux mammouth. Je préférais agir en premier, si on me laissait l'initiative...

Je me relevai soudainement et abattis mon menton sous le dessous de la mâchoire de mon adversaire. On entendit un bruit métallique, son cou se souleva sous la puissance d'un uppercut mais son corps ne flancha pas pour autant. Mon nez s'écrasa sous la demande express d'un poing gigantesque. Je fus envoyé en l'air mais réussis à me remettre debout après m'être cogné contre le mur. Il était totalement inutile de déclarer que j'avais mal partout : ma tête saignait, mon bras ne répondait pas, je ne pouvais plus bouger sans que mes côtes brisées ne me déchirent les nerfs, et mon dos avait du mal à se pencher. Je serrais les dents pour éviter de hurler à chaque fois que je faisais un mouvement. J'avais l'impression qu'on m'avait enfoncé une centaine de lames de rasoir dans le corps, et qu'elles n'attendaient qu'un mouvement de ma part pour me déchirer la peau. Une paume tendue vers moi. Je sus qu'un câble allait y surgir avant même de voir le filin apparaître. Il y eut un bruit de tonnerre quand mon panneau para son arme mortelle. Puis au lieu de remballer son fil, l'inconnu commençait à le faire tournoyer autour de sa tête. Puis il fit un mouvement du poignet. Je fis une esquive dans un râle horrible tandis que le mur derrière moi se faisait découper net. Le fil à beurre n'avait finalement pas beaucoup de mérite. Il fit jouer son arme autour de moi. Typiquement ce que je détestais : une arme rapide, flexible et invisible qui m'empêchait de pouvoir me défendre avec un portail. Je dû danser un peu pendant que mon adversaire tentait avec succès de découper tout ce qu'il y avait dans la pièce dans un bruit infernalement doux. Une note de violon plus tard, mon canapé fut découpé par inadvertance. Une autre note, et une table de chevet fut envoyée contre le mur avec violence. J'utilisais une paire de portail pour me rapprocher de lui et lui asséner un autre uppercut dans la mâchoire. Mon offensive ayant parfaitement fonctionné (et plus j'étais proche de lui et moins son fil serait dangereux), je continuais à le frapper dans le ventre avec mon panneau. Malheureusement, ma puissance d'attaque était diminuée par trois à cause de mon bras défaillant qui ne pouvait rien supporter.

Mon adversaire s'éloigna de moi pour prendre de la distance et traça dans le ciel une partition sibylline. Quand je crus que j'avais tout esquivé en m'éloignant, j'avais oublié de préciser l'entaille qu'il me fit dans un ultime mouvement de poignet. Ma joue se mit à pisser le sang tout en cuisant douloureusement. Je portais ma main sur l'entaille. Si je n'esquivais pas son fil, je serais coupé en deux sans avoir eu mon mot à dire. Je vis au dernier moment le câble qui jaillit de sa main en ligne droite avec l'intention de m'énucléer direct. Mon panneau réussit à parer l'estocade infernale, mais le fil s'enroula autour de lui. D'une traction du bras de l'espèce de kodiak, mon arme s'envola de mes mains pour heurter une fenêtre. Je voulus tenter de le récupérer mais mon assaillant fonça vers moi dans un hurlement colérique.

Premier portail : Vers mon adversaire qui se ruait sur ma faible personne, proche de moi.
Second portail : Sous le plancher, au plafond du grenier.
Effet provoqué : Mon nouveau camarade qui se jetait sur moi par un étrange processus dimensionnel, préféra atterrir lourdement dans sa cave. Le bruit fut sourd, comme si je venais d'y jeter une enclume.

Bon, fuir maintenant. Ce n'était pas une chute qui arrêterait cette espèce de golem. J'allais prendre les jambes à mon cou quand un câble surgit de la cave. Je crus que l'autre allait remonter quand un second câble sortit, suivi d'une troisième, d'un quatrième, et d'une dizaine d'autres. Oh merde, il allait encore utiliser les harpons pour détruire la fondation. Chaque câble fut tiré vers le bas et s'accrochèrent au plancher par les pointes argentées de petits harpons. Puis je pouvais sentir la force de mon opposant tirer violemment sur les cordes. Entre ses muscles de bûcheron enhardis de folie et les vieilles planches de bois, je savais sur qui parier. En moins de trois secondes après que le premier câble ait traversé mon champ de vision, je tombais dans le cave avec une partie du plancher. Je me concentrais pour utiliser une nouvelle fois ma capacité, mais un poing de mastodonte m'écrasa la tempe. Je sentis un craquement certain avant de tomber dans les vapes. Je voyais un monde flou, sombre, horriblement vertical. Deux troncs entrèrent dans mon champ de vison. Il allait m'achever maintenant. Une coquille avait plus d'états d'âme que cet... homme (?).

Puis il y eut un déclic. Puis des bruits de rouages anciens qui se mirent à fonctionner doucement, en faisant cliqueter du métal doré sur du métal doré. Puis les bruits se multiplièrent, s'intensifièrent. Un fin rayon de lumière traversa la salle avec la douceur d'un rideau. Je voyais enfin la pièce dans son intégrité. Et que la lumière s'échappait de la porte dorée qu'on avait étudié moi et Perry. Lentement, elle s'ouvrit, laissant filer de plus en plus de photons dans la pièce. Le bruit commença à devenir assourdissant. Et le géant devant moi hurla. Il tomba à la renverse et commença à être attiré par la porte. Et plus celle-ci s'ouvrait, plus il glissait sur le sol en gémissant et en essayant de se retenir avec les doigts. Il lança un câble de sa main mais il fut dissous instantanément. Et en quelques secondes, mon adversaire disparut à travers l'arche. Celle-ci se referma sur un claquement net et définitif. Je roulais sur moi-même pour apercevoir un plafond fissuré. L'obscurité à nouveau régnait en ces lieux. Mes yeux papillotèrent quelque secondes avant de se refermer doucement sur mes yeux. J'étais dans un berceau de douleur : j'avais mal mais je savais que je pourrais dormir. Ce que je fis. Sans prendre en compte que dormir dans Dreamland revenait à un paradoxe étrange. Et sur cette pensée, mon esprit s'éteignit.
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyVen 27 Mai 2011 - 0:31
Mon dos craqua, ma nuque suivit. J'étais sur le canapé pour la troisième nuit, et j'avais du mal à m'y faire. Je regardais l'heure qui se déroulait au plafond par la magie de la technologie et de l'horlogerie. Trois heures du mat'... Non, c'était pas vrai ! Comment vouliez-vous que je me rendorme après une telle nuit ? J'avais l'impression qu'un rouleau compresseur était passé sur mon torse avant de s'attaquer au dos. Et ma tête était très lourde, comme après une soirée trop agitée. Je tentais de me rendormir, les idées confuses par mon réveil et la fatigue.

Qui était ce foutu type ? Certainement le savant fou dont on m'avait parlé. Al savait-il que la maison avait un problème ? Pareil pour ce connard de gosse masqué. Il m'avait dit de ne pas y aller. Possédait-il les mêmes informations que le gay ? Ou avait-il conscience de certaines inconnues ? Pourquoi s'il était connu et donc qu'il existait réellement, sa maison était un véritable dépotoir ? C'était une bâtisse abandonnée depuis des années. Il y avait quelqu'un qui y vivait, c'était certain. Mais tout annonçait le contraire. Et que dire de cette porte et de ses fonctions ? Depuis quand un tel engin aspirait les gens sans leur consentement ? Et aussi tiens, comment on avait pu construire une porte dans cette cave ? Même si elle ressemblait à tout sauf à une porte. Plutôt à une grossière entrée de pyramide détruite. Il y avait plein de trucs louches et certainement que ça ne concernait en rien le docteur Doofenshmirtz. La prochaine nuit, ils pourraient tous aller se faire voir. J'avais une vie pleine de surprises et de sang chaud qui m'attendaient, pourquoi me faire chier à entrer dans des endroits mal famés pour chercher des indices tandis qu'un type essayait de me tuer sans même me serrer la poigne ? Ma tête était si lourde qu'elle traversa mon oreiller, traversa le canapé, traversa la plancher. Mes paupières se fermaient seules. J'étais crevé.

_

Je me retrouvai dans la salle habituelle, avec le visage du militaire directement sur l'écran. Il n'y avait pas Perry. Juste moi sur le siège. Je me levai avec lenteur, pour faire éprouver à mon interlocuteur mon abattement moral. J'émis un soupir. Le général (quand il remarqua ma présence) émit un petit « Oh » de stupéfaction avant de lancer :


« Bien joué Sir ! » Je crus au début qu'il s'adressait à une autre personne que moi. Mais non, après m'être fait casser la gueule et soulever une dizaine de mystères au lieu de trouver des réponses, on me félicitait. Ce fut si improbable que j'en oubliais de me mettre en colère. Mon esprit resta très calme et répondit :
« Pour quoi exactement ?
_ L'agent P n'est pas encore rentré à la base, mais il paraît que vous avez trouvé une quantité d'indices qui nous ouvrent une myriade de possibilités.
_ Je n'y comprends rien. Et je vous annonce ma défection.
_ Grâce à votre travail, on a découvert qu'une organisation se cachait derrière tout ça. Yuri n'était qu'un homme de main. »
Il avait tellement négligé ma dernière phrase que je crus qu'il avait pré enregistré son dialogue.
« Yuri ?
_ Un fournisseur de matériaux et de matériels. Un Voyageur qui s'est sédentarisé. Assez connu dans le coin. Phobie des fils et ficelles.
_ J'avais cru comprendre ouais. Il est fort ce Yuri ?
_ Et bien, vous, vous qualifierez de comment ?
_ Euh... Je dirais que je suis bon.
_ Et bien lui est très bon apparemment. Perry m'a expliqué ce qu'il s'est passé.
_ Oui, il a certainement dû vous faire un compte rendu sous l'évier pendant que je me faisais tabasser.
_ Nous avons eu vos clichés. La plupart étaient des papiers sans intérêt. Mais les autres sont intéressants. Par exemple, un ordre de mission, ce qui conforte la thèse d'une organisation criminelle. Puis ensuite, quelques demandes de service datant d'il y a quelques jours. Apparemment, il a fourni récemment de nombreux composants électroniques. Pas de trace d'un robot par contre, ce qu'on peut comprendre. Si vous parveniez à le retrouver en pensant à lui, on pourrait l'interroger.
_ Mauvaise idée Monsieur. Ce type n'avait aucune conscience. Il ne parlait pas, il ne faisait que frapper sans réfléchir. Il y a beaucoup de créatures ou d'artefacts magiques qui peuvent rendre un Voyageur aussi dingue ?
_ Ooh oui. Une cinquantaines d'objets magiques en tout cas. On aura beaucoup de mal à retrouver une piste d'un de ces bidules qui aurait été utilisé dans les derniers jours. Mais nous avons un indice. Perry après votre départ, a photographié un mot sur la porte dorée.
_ Ouais, je l'avais trouvé. Et ?
_ Et bien il y a marqué : Abalhgra. Le nom d'un quartier d'Hollywood Dream Boulevard. Celui des mille et une nuits. Il est pourvu d'étals aux marchandises très étranges. Je pense que y jeter un œil ne serait pas de trop et que...
_ STOP STOP STOP ! Stop. De un, j'ai dit que je refusais de continuer l'enquête. De deux, qui nous dit que toutes ces conneries sont liées au Docteur Doofenshmirtz ?
_ Et bien... Al Super Gay a été assassiné. »
Un bruit de tonnerre aurait été appréciable. Je restai abasourdi par cette nouvelle. Effectivement, c'était un indice plutôt inquiétant. Un type nous avouait l'adresse d'un autre type en espérant que ça pourrait nous aider, et finalement le premier type se faisait buter. Ça m'étonnait que ce fut un piège. Une scène de crime révélait trop d'indices, les connards derrière toute cette machination n'auraient pas sacrifié des informations juste pour tendre un piège grossier. Si on avait tué l'homosexuel, c'était qu'on avait de bonnes raisons.
« Ok. Mais ça reste que je m'en y vais. Plus d'enquête pour moi. C'est terminé et bien terminé. Je vous souhaite bonne chance Je n'aimais pas assez ce pauvre gars pour organiser une vendetta.
_ Nous avons besoin de vous et vous le savez. Au moins un Voyageur de haut vol est impliqué dans cette affaire. »
Le ton de sa voix était plus grave. Ah, on faisait moins le malin quand on se décalait du script. Je voyais son mono-sourcil froncé, je voyais au-dessus de lui, sur l'écran, une photo de la porte d'or, du mot inscrit dessus et des quelques documents intéressants. Et sur ces documents, je vis... Oh merde. Mon sang se glaça. En dessous de chaque dossier, il y avait une signature. La même. Une que je connaissais terriblement bien. Mon visage fut de marbre, à comprendre qu'il ressemblait plus à du marbre qu'à un visage.
" _ Je change d'avis. Dîtes-moi où c'est Abalhgra.
_ Ravi que vous ayez changé d'avis ! Vous avez trouvé quelque chose ?
_ Je connais le type qui a déposé sa signature sur ces documents. Je crois qu'effectivement, on est dans la merde.
_ Hum ?
_ Ce gars est un Mother Phoquer."


__


Ils étaient toujours quatre autour de la table. Eric Cartman était parti, et ils continuaient à ruminer. Ils étaient bloqués ici, pour ne pas attirer l'attention. Ce n'étaient que des personnages de dessins animés, ils n'avaient pas vraiment de problème pour subvenir à leur besoin. Et la cave ne manquait pas de jus de fruit. Ils étaient tous ici à se ruminer les pouces, attendant que le jour J approche. Puis soudainement, l'air se mit à se glacer. La pression de l'air augmenta d'un coup. Les quatre bandits relevèrent la tête à l'unisson quand la porte donnant à la cave claqua. Ce fut seulement après que la personne qui était entrée descendit les escaliers que chacun put voir pour ce qui paraissait être un mignon petit bébé phoque. Mais l'être et le paraître étaient deux ennemis qui s'affrontaient sans relâche. Ce qui pouvait passer pour un individu cool se cachait en fait un huissier. Ce qui pouvait se cacher sous un prêtre était le costume de Pedoear. Et ce qui pouvait faire penser à un bébé phoque n'était rien d'autre qu'un cerveau maladivement sadique, une ordure psychopathe et un type tellement terrifiant qu'il en devenait charismatique.

« Le cas de cette tarlouze est réglé. Voici la bonne nouvelle du jour.
_ La bonne nouvelle du jour idéale aurait été de nous dire que notre machination allait se mettre en place et qu'on pouvait sortir, »
répliqua langoureusement Rattigan.

Mais Fino (le nom de cet odieux individu pour qui ne le connaissait pas) lui jeta un regard noir (ce qui était facile pour quelqu'un dont les pupilles occupaient toute l'orbite). Le rat costumé continua à sourire mais ses moustaches perdirent de leur superbe. Il y avait des limites à ne pas dépasser et le phoque n'était pas très laxiste. Le seul point commun entre ces deux personnages était qu'ils adoraient le champagne et qu'ils détestaient le jus de fruit stocké dans la cave. Mais ça s'arrêtait là. Il y avait deux patrons dans le coup, Cartman et Fino. Ils avaient tous les deux un aussi mauvais caractère que l'autre, ils s'entendaient parfaitement mal mais réussissaient quand même à coopérer. Seulement, les subordonnés avaient plus peur de Fino que de Cartman. S'ils mettaient en rogne le petit gros, ils risquaient de se faire attaquer violemment, de se faire gravement blesser voire de se faire tuer. S'ils foutaient en rogne Fino, chacun ignorait ce dont il serait capable. Et ça faisait toute la différence dans le spectre de la terreur. Le phoque aimait travailler avec de si bonnes compagnies. Mis à part Cartman et Yago, il était le plus gros. En tout cas, dans cette assemblée, il arrivait largement à dominer le rat, la souris, la sauterelle ainsi que le plancton. Son égo en était tout boursouflé de bonheur.

« Eyh ! Fino, tu peux me faire sortir s'il te plaît ? C'est plus drôle le jeu, » gémit Butters dans sa cage.
« Petit con, tu as à boire, à manger, et tu peux dormir à l'heure que tu veux. Pourquoi tu viens me les gonfler ?
_ Mais.. mais c'est faux, vous ne m'avez passé qu'un sceau. Pour... pour faire caca.
_ Oui, c'est exactement ce que j'ai dit.
_ Mais...
_ ET TU LA FERMES SI TU VEUX PAS QUE J'EXPLICITE MES PENSEES !!! »


__


Et me revoici en mission avec Perry comme assistant topographique, dans le mirifique quartier d'Abalhgra... Nous étions en pleine allée centrale : une longue rue découpait la ville en deux parties affreusement égales. Et des étals bordaient cette allée en pierre. Plus d'un kilomètre de marchands qui hurlaient comme des dingues, de passants qui s'effaraient dans tous les sens, avec plus de vigueur qu'un groupe d'étudiantes pendant les périodes de solde. Aucun nuage dans les horizons. Il faisait très beau, et le soleil n'hésitait pas à exploser le crâne des piétons avec ses dards. Les maisons qui encadraient de loin cette longue rue étaient blanches et ne dépassaient pas les deux étages. Toit cylindrique pour mieux contenir la fraîcheur, ainsi que des fenêtres à bout arrondi (ça, c'était juste un style). Et bordel, qu'est-ce qu'il y avait comme monde ! Une foule de harengs aussi dynamiques que les poissons éponymes, et aussi serrés que dans leur boîte.

Puis il y avait Perry et moi. Perry pour se protéger du soleil avait un mouchoir qui lui protégeait la nuque, maintenu par son chapeau. Quant à moi, j'avais la tenue parfaite pour me balader sous le soleil tout en étant parfaitement ridicule. Vêtements bouffants, tongs, long foulard turque qui ne faisait que ressortir un visage rouge cernés par une grosse paire de lunettes. Nous étions tous deux un peu abasourdis par la chaleur qui régnait, et par la quantité de travaux qu'on avait à faire. Récapitulons : on devait trouver un objet magique qui présentait les symptômes suivants : transformer un Voyageur en zombie obéissant, tout en transformant ses yeux en balle de ping-pong martyrisée par les pôles. Et si en plus cet objet était illégal, voici qu'on se retrouvait comme des nases devant des marchands qui nieraient soudainement un pan de leur stock. En gros, il fallait compter sur la chance et sur mon endurance mentale. J'étais toujours sous le choc des actes de Fino. C'était un secrétaire d'un Royaume (la seconde... non, la cinquième position la plus élevée dans les Deux Déesses), il avait tout un peuple à s'occuper, il avait un esclave qui se pliait à ses moindres volontés, et voilà que sa mauvaise nature revenait et qu'il voulait faire chier un maximum de mondes. Mais que dire... ? Fino n'était pas un tueur. C'était juste un type qui donnait une nouvelle dimension au sadisme. Il était même capable de sortir qu'il n'assassinerait pas les gens parce qu'un cadavre ne ressentait pas la douleur. Alors comment expliquer l'assassinat de Al Super Gay ? C'était vraiment une trop grosse coïncidence pour être fausse. Il sortait un renseignement précieux, et il se faisait descendre. Si on partait du principe qu'il avait révélé ce qu'il savait, alors on l'avait tué pour se venger. Pas du tout le style de Fino. Jusqu'où était-il impliqué dans l'organisation ? C'était pour le savoir que j'avais accepté de continuer l'enquête.


« Eyh marchand !
_ MON POULET EST BON ! GOÛTEZ !
_ Je suis venu poser quelques questions, pas acheter quelques choses, »
rétorquais-je en éloignant le volatile encore vivant de mon nez.
«_ Comment voulez-vous que je réponde à une question par cette chaleur ? J'ai beaucoup de boulot moi ! » Perry sortit une petite bourse d'essence de vie qu'il tendit à l'homme. « Ah, je sens que la température a baissé. Donc, nous disions ? » Espèce de petit connard hypocrite de mes deux. Si tu n'étais pas important et si ça sortait du cadre de l'enquête, je t'aurais attrapé par le col et t'aurais secoué comme on n'avait jamais secoué un marchand.
« Nous disions... Vous connaîtriez un appareil qui permettrait de prendre une personne tierce sous son contrôle en lui enlevant toute conscience ?
_ Oh oui, ça c'est sûr, »
sourit le marchand qui sentait déjà l'odeur d'une seconde bourse d'EV.
«_ Et qui lui ferait rouler les yeux dans leur orbite ?
_ Pardon ? »
L'expression du pauvre gars venait de se dilapider comme l'argent qu'il n'aurait pas.
« J'ai compris, hasta luego l'ami. »

Sur ce, je lui pris la bourse d'EV que Perry avait posé sur la table et que le marchand avait oublié de retirer du comptoir. Pauvre connard aux poulets. Bon, il était temps d'aller interroger d'autres personnes. Je tentais d'occulter de mon esprit les protestations de l'homme derrière son étal, mais je n'avais pas un très bon caractère. Ainsi, Perry et moi fîmes le tour de plusieurs étalages. Tout le monde connaissait des moyens de manipuler autrui contre sa volonté, mais ils n'avaient rien concernant les symptômes oculaires. Je n'étais pas fou pourtant, il avait bien eu les yeux qui roulaient sur eux-mêmes ! Trois solutions : soit tout le monde me mentait, soit personne ici ne connaissait cet objet (et donc j'aurais bossé pour rien), soit les yeux louches ne dépendaient pas de la végétation du bonhomme. Peut-être aussi que je ne posais pas les bonnes questions. Après une trentaine de minutes de discussions, de questions, de mêmes réponses, je pris un vieux type qui faisait brûler des brochettes sur deux feux de bois autour de lui. Je posais mes deux bras sur le comptoir pour dire :

« Hello camarade, ça serait pour des informations.
_ La chaleur est étouffante ici... »
commença le vieux con avant qu'un bras vert ne vienne déposer une bourse sur le bois.
« Donc, à part la canicule, vous connaissez un objet magique qui permettrait de prendre le contrôle d'une personne en lui ôtant toute conscience, en la rendant obéissante comme un chien et en lui faisant tourner les yeux sur eux-mêmes.
_ Que quoi ? Je connais pas étranger... Brochettes ?
_ Alors des objets magiques qui permettent de prendre le contrôle des gens tout court ?
_ Bah, y a des sortilèges mais faut causer aux sorciers. Y a des parchemins de Parague aussi. Des bijoux, mais c'est rare et pas très efficace. Y a aussi les Cuisses Rondes, un terrible enchantement de succube du désert. Et... c'est pour contrôler quoi ? Des hommes normaux ou des créatures.
_ Euh...
_ Y a la Laisse de Domination, pour les canidés de moins de vingt centimètres au garrot. Et le fouet de la Domination, pour les mêmes canidés, mais en plus gros. On parle aussi d'une flûte qui apprivoise les rats, dans d'autres contrées lointaines.
_ Et si on les essayait sur des Voyageurs ?
_ … Euh... Pardon, êtes-vous un débile mental ? »


Une demi-heure d'enquête sous un putain de soleil, la même question que je répétais inlassablement aux mêmes cupides connards, et voilà qu'on me traitait de débile mental. Mon unique neurone de la patience qui avait un peu trop travaillé ces derniers temps lâcha d'un coup. Sans que je ne sache pourquoi, mon poing attrapa l'homme par son coup nu et le balança de l'autre côté de la rue. Tandis que je vis le négociant s'envoler au ralenti, je compris enfin pourquoi j'avais réussi à être si calme ces derniers temps : j'avais peur qu'on me prenne pour moins intelligent que l'ornithorynque à-côté en pétant mon câble à chaque instant. Malheureusement, mon flegme n'avait pas tenu à la première insulte, et ma colère était un lac qui venait de ravager son barrage et qui s'écoulait dans le monde extérieur. Monde extérieur qui comprenait maintenant un étalage brisé en miettes par un projectile vivant. Deux blessés et destructions de biens matériels. Si je me souvenais bien, on vous coupait la main pour moins que ça ici...

Les gardes ne tardèrent pas à arriver, brandissant sabres au poing rayonnant et mines patibulaires. Évidemment, quoi que vous fassiez, il y avait toujours des trouble-fêtes... Je voulus m'enfuir quand un espèce d'enfoiré me fit un croche-pattes. Ahah, ce n'était pas ça qui arrêterait le grand Ed Free, vainqueur du Tournoi, écraseur de tronches à outrance et roi fabuleux ! Sauf si bien sûr, c'était Perry qui m'avait arrêté, afin de me faire passer un message qui voudrait signifier qu'il valait mieux ne pas chercher d'embrouilles et qu'aller au palais où résidaient certainement d'éminents savants était la bonne chose à faire plutôt que de voir sa tête placardée partout avec une somme conséquente. Bon, Perry avait finalement retourné la situation en une seconde et devait tout faire pour éviter qu'autrui ne me pète la gueule. Désolé l'ornithorynque, mais j'avais un caractère pas possible. Si tu veux te plaindre, dirige-toi vers ton supérieur qui se cachait derrière une putain de caméra pendant qu'on skiait sur un terrain glissant !

Les gardes royaux m'arrêtèrent (je me disais même s'ils allaient nous foutre en taule ou s'ils allaient nous foutre dans le palais ; dans le premier cas, Perry était un connard stupide ; sinon, c'était que je n'avais rien compris à ce qu'il voulait faire...). Ils me ligotèrent les mains dans le dos et firent de même avec Perry (dîtes-moi, il n'y avait que dans les dessins animés où les membres d'un groupe subissaient le même sort qu'un de leur camarade ? Quoi, c'était marqué sur notre front qu'on était ensemble ?). Puis tranquillement, avec de vilains mots, de la rudesse virile et de l'haleine inspiration du réveil, on fut amené vers un énorme bâtiment. Quand je disais énorme bâtiment, je le pensais. Disons que la ville aurait pu tenir entière dedans, et on ne se serait pas battu pour trouver de la place. Vous aviez vu le château d'Aladdin, celui de la version Disney ? Ben le château était pareil, mais en version mastodonte. Nous mîmes plus de vingt minutes à rejoindre la porte d'entrée, une belle porte polie et colorée haute de cent mètres. Comment de simples gardes pouvaient ouvrir ce truc à mains nues ? Il semblait que le monde des dessins animés soient rythmés par des lois dépassant mon entendement... Nous passâmes la porte et nous arrivâmes directement à la salle du trône (disons que c'était le hall). Un long tapis bleu nous permettait de le suivre du regard jusqu'au trône impressionnant du sultan. Devant nous, il y avait trois personnages : le sultan, habillé avec du tissu royal beige ainsi qu'un couvre-chef rond surmonté d'une plume (une copie d'Aladdin oui. Je pouvais reconnaître ses cheveux bruns et son visage espiègle). A ses côtés, il y avait une fille avec des longs cheveux bruns attachés par des rubans bleus, coiffés d'un diadème et de vêtements... disons, adaptés à la saison. Puis il y avait le troisième personnage : un vieux fou dans une espèce de caisse à savon. Il devait être trop gâteux pour pouvoir se déplacer sans menacer de se suicider. Il portait aussi un joli perroquet sur l'épaule (rouge avec la queue et le bout des ailes bleus), dont les yeux permettaient de le distinguer directement comme un salopard comploteur qui manipulait tout le monde. Il avait l'air aimable comme une porte de prison prête à s'abattre sur ses prisonniers. Les trois personnages écoutèrent attentivement ce que le garde leur annonça : que j'étais un criminel qui s'en étais pris à un mercantile sans défense, que plusieurs personnes s'étaient plaintes de mon comportement (certainement les marchands qui n'avaient pas réussi à me donner de bonnes indications et à qui j'avais repris le sac de pièces d'or). Et ils parlaient d'un ornithorynque corrupteur... Oh lalala. Il était temps de prendre sa défense, vu que mon partenaire n'avait pas plus de parole que Jacob... Je voulus ouvrir la bouche, mais Aladdin se gratta la barbe qu'ils l'avaient pas avant de me demander si toute cette histoire était vraie. Un peu qu'elle l'était... Mais c'était un type cool à ce que je m'en souvienne, et j'avais une bonne excuse :


 « Sultan, voyez-vous, je suis enquêteur. Avec l'ornithorynque. Difficile à croire je sais... Mais voilà, nous cherchions des renseignements et les marchands refusaient de nous indiquer des infos sans qu'on lâche quelques EV.
_ Ton histoire est plausible, »
fit le Sultan qui devait bien connaître son Royaume. « Quelles sortes de renseignements ?
_ Mais, Sultan... »


Je coupai la parole au garde pour expliquer au leader de la ville ce que je recherchais. Il tourna son regard vers Jasmine, qui lui répondit en haussant les épaules. Voyant que personne ne répondait, ce fut le perroquet qui se mit à parler :

« Moi ! Moi je sais !
_ Yago ? Tu peux l'aider ? »
demanda le vioque dans sa chariote, la bave aux lèvres.
« Yep, qu'il me suive fissa. »

Les miliciens me relâchèrent avec un grognement tandis que le perroquet rouge au gros bec s'était mis à voler pour me guider. Perry aussi me suivit, avec son air neutre. Et bien, j'étais effectivement dans un dessin animé. Il n'y avait que dans les dessins animés où un jugement pouvait être rendu aussi rapidement et où les personnages pouvaient changer d'avis aussi facilement qu'une chemise. En fait, Perry avait finalement son utilité : il vivait dans ce monde depuis qu'il avait été imaginé. Il connaissait beaucoup mieux que moi les us et coutumes des gens des environs. C'était finalement un médiateur et un traducteur de mœurs. Il avait directement su qu'on nous emmènerait jusqu'au palais et que le sultan était prêt à croire n'importe quelle histoire tant qu'on n'avait pas de mauvaises intentions. En gros, on était libres et un volatile à la voix granuleuse et aiguë allait répondre à nos questions. Il nous fit traverser l'immense palais. Les couloirs étaient en marbre, sertis de bandes dorées. Un tapis gracieux permettait de ne pas salir le sol, et de ne pas faire résonner ses bruits de pas sur les murs. Vu la taille du couloir, il était logique qu'un bruit fort trouverait écho quelques dizaines de fois avant de s'évanouir, mort de fatigue. Le plus petit couloir ne faisait « que » vingt mètres de large. Puis le dénommé Yago nous emmena dans une assez petite salle (comparativement au palais : elle ne devait pas faire plus de cinquante mètres carré). Dedans, il y avait une étagère remplie de lampes magiques marchant au pétrole, ainsi qu'un bureau couvert de papelards. Et au milieu du cercle, il y avait un pentacle si minutieusement écrit dans la craie qu'il en devenait menaçant. Le perroquet commença à approcher son bec des quelques lampes en hésitant. Puis il en prit une par la hanse avec un petite bruit de satisfaction, la nettoya avec son aile consciencieusement. Soudain, une fumée noire vaporeuse commença à en sortir. Une forme commença à se préciser : la silhouette d'un type qui sentait la méchanceté à vingt bornes. Puis au moment où je crus que la silhouette allait venir se poser sans aucun bruit dans la salle, la voilà qui s'arrêta net. Je voyais distinctement la silhouette d'un homme fin, mais dont le bas du corps était encore bloqué dans la lampe.

« Yago, je suis coincé.
_ Te bile pas, mon sorcier préféré »
, répondit Yago qui se mit à frotter la lampe plus vigoureusement.

Une lampe magique ? Euh non, ça ne devait pas être ça que je recherchais. J'aurais dû leur parler plus tôt de la porte dorée, elle avait certainement un lien avec tout ça. Mais trop tard, le sorcier était sorti. C'était Jafar. Je le reconnaissais sans l'ombre d'un doute. Et je savais aussi que ce n'était qu'un sombre connard. Est-ce qu'Aladdin, son plus grand ennemi, savait qu'il traînait dans une étagère de son palais ? Et que Yago l'invoquait quelques fois pour répondre à des questions ? Déjà que ses deux-là ne m'inspiraient pas confiance, voilà qu'ils allaient m'aider. Double raison de me méfier... Jafar regarda la pièce sans surprise, avant de me lancer un regard reptilien. Mon dos se congela sur place. Puis, il fit d'une voix traînante et assurée :


« Donc, pourquoi m'a-t-on convoqué ?
_ Aaah Rafaj ! »
Pauvre connard de merde, tu n'as rien trouvé de mieux que de camoufler ton pote en inversant les lettres de son prénom ? « Ça fait un bail ! Notre ami veut en savoir plus sur les lampes magiques !
_ Je vois. Très bien mon cher, que voulez-vous ?
_ Dis-leur tout au sujet des lampes magiques, ça sera plus rapide. »


Le subtilement-bien-caché-derrière-son-pseudonyme Rafaj commença à se saisir d'une lampe magique avec un soupir de lassitude. C'était vrai qu'il avait terminé les films comme un génie démoniaque. Mais il avait gardé son apparence normale ici. Certainement parce que le truc musclé et rouge n'était qu'un cascadeur... Jafar (ou Rafaj) me montra la lampe avec sa main valide comme si j'étais censé tout comprendre en un seul regard. Puis il commença ses explications avec le perroquet sur l'épaule :

« Voyez-vous très cher, une lampe magique permet d'enfermer un génie à l'intérieur. Il y a ensuite deux processus : la plus simple qui consiste à emprisonner l'esprit dans cette lampe mais que n'importe qui peut libérer en frottant dessus et la plus complexe - et de loin – qui permet d'enchaîner le djinn à un nombre de souhait défini avant qu'il ne soit relâché.
_ Je pense que le volatile ne m'a pas bien compris. Quoique... ça marche sur les humains ?
_ S'il vous plaît, »
récita-t-il lentement juste avant d'accélérer sa voix : « Laissez-moi finir. Pour emprisonner un djinn, il faut deux choses : réciter une formule magique et qu'il se place dans le pentacle si-dessous. Le sortilège pour les enfermer et celui pour le forcer à s'asservir est différent ; le second demande plus de puissance magique.
_ Et... ?
_ Et les humains ! On peut effectivement les emprisonner dans une lampe. Mais pour qu'ils se soumettent à vous, par contre, il leur faut un emplacement spécial pour ne pas les tuer. Il leur faut un lien dimensionnel. Qu'ils puissent vivre sur Dreamland, tout en puissant être appelés comme nous le voulons.
_ On parlerait d'une porte dorée ?
_ Tout à fait ! Une porte dorée. Malheureusement, enfermer un humain et lui retourner la cervelle... seuls les djinns peuvent s'en sortir sans dommage. Un Rêveur ou un Voyageur peut perdre les pédales en une seconde si on lui demande un souhait très compliqué, et la magie peut avoir de drôles de conséquences sur le corps. Je me souviens de l'histoire de ces deux démons qui étaient à la fois maîtres et esclaves l'un de l'autre. Ils finirent par être enfermés tous les deux, et le seul moyen pour eux de se libérer était d'ordonner à l'autre de sortir. Ils sont encore enfermés à ce que je sache.
_ Assez inhumain.
_ Je suis... parfaitement d'accord avec vous. C'est horrible. Et une dernière chose. Pour emprisonner un être humain dans une lampe, pas besoin de pentacle. »


Je ne compris le piège qu'après. Le sorcier tira une langue de serpent avant de cracher une dizaine de syllabes maléfiques et indescriptibles. L'air sembla trembler avant de me concasser avec véhémence et me souffler, puis de m'emporter dans le bec de la lampe. Je criai une longue injure tandis que je tournoyais sur moi-même, le ventre explosé et mes poumons vidés. La salle devint un patchwork de vomi. Je fus aspiré contre ma volonté, mes bras battaient l'air, puis ma tête abandonna.

Quand je rouvris mes yeux, je ne sus comment expliquer mon sentiment d'enfermement. Disons que j'étais dans une cellule qui empêchait tout mouvement, mais que je ne ressentais pas le besoin de vouloir bouger. Je pouvais voir ce qui se passait par le bec de la lampe, mais je ne pouvais pas bien bouger les yeux. Et les sons étaient distordus par le fer et l'endroit clos. Aussi, quand le sorcier éclata d'un rire machiavélique rejoint par Yago, mon corps vibrait à l'unisson et mes oreilles tentèrent de fermer boutique. Ça sentait le romarin. Je criais pour essayer de parlementer, mais un immense œil apparut devant moi. Apparemment, ils pouvaient m'entendre. Maintenant que je l'avais en gros plan, il m'apparaissait évident que Jafar avait un grain de folie, coincé quelque part dans la pupille. Puis je pris enfin conscience de la situation : j'étais totalement ridicule. Et à la merci de deux fous sadiques. Puis j'entendis un déplacement d'air, et la lampe fut projetée en l'air, puis rattrapée par quelqu'un de petite taille. Oh putain, Perryyyyyy !!! Puis l'ornithorynque commença à sortir de la salle en courant, poursuivi par Yago et Jafar. L'oiseau commença à hurler la garde. Puis Jafar retourna dans sa lampe magique pour ne pas se faire choper, lampe que Yago porta dans ses griffes. L'agent P traversa une salle, un couloir et fit demi-tour quand une foule de gardes apparurent au détour de ce dernier.


« PERRRRY !!! Frotte cette foutue lampe que je puisse sortir ! » L'ornithorynque s'empressa de m'obéir et tout en échappant aux gardes commença à nettoyer de sa main le côté de ma prison d'étain. Et rien ne se fit.
« Ahah ! Rafaj t'a emprisonné jusqu'à ce que tu réalises un vœu ! » cria Yago qui se délectait de la situation et qui devait battre des ailes deux fois plus vite pour supporter la charge de la lampe.
« Perry, formule un vœu ! »

Le silence qui suivit fut totalement explicite... J'avais oublié que Perry ne savait pas parler. Il pouvait à peine claquer des dents... Mais qui m'avait collé ce foutu coéquipier ? Pourquoi était-il muet ? Pourquoi à chaque fois que je commençais à apprécier une qualité chez quelqu'un, Dreamland faisait tout pour me faire penser l'inverse ? Merde !!! Je voulus lancer une insulte en plein vol mais un mouvement brusque de Perry me péta le crâne. J'avais l'impression d'être un chat dans un sac dont seul la tête dépassait. Mon ornithorynque se donnait vraiment du mal pour échapper aux flibustiers. Les perroquets, les gardes armés jusqu'aux dents et les dédales impénétrables de ce foutu palais ! Mais bordel de merde, une armée entière aurait pu se perdre dans une unique pièce ! A tous les coups, Arthur et sa bande de chevaliers s'étaient combattus contre leurs ennemis dans le jardin. Voyons voir, qui était notre allié dans un quartier où nous nous étions mis les citoyens à dos, les forces royales à dos, et même les méchants à dos ? On n'avait aucun allié ici...

« Perry ! La fenêtre... ! NON ! Je voulais justement te dire de ne pas sauter par la fenêtre ! Noooaaaaaaahhhh ! »

Heureusement l'ornithorynque activa une hélice horizontale de son chapeau (bon sang, l'animal de compagnie d'Inspecteur Gadget !). C'est bien. Tiens, tente de contacter l'autre zigoto avec ta montre, le vieux militaire aime parler et donner des ordres, il pourra certainement m'aider.

Mais un jet de magie (je compris qu'il fut fusé de la lampe de Yago) détruisit l'engin volant de Perry. Et celui-ci tomba directement dans la piscine du palais. De l'eau commença soudainement à envahir la lampe et à engloutir mon corps entier. Tiens donc, j'avais vraiment l'air stupide maintenant... Je retins ma respiration tandis que Perry sortait du bain alors que les gardes du palais courraient vers lui (alors que c'était chronologiquement impossible) et Yago pointait son arme improvisée vers le palmipède. Je me demandais si je pouvais utiliser mon pouvoir. Je me concentrai fort, mais ne parvenais qu'à ressembler à un constipé. Heureusement, mon partenaire eut l'heureuse idée d'enlever l'eau de l'objet en le tournant vers le bas, me permettant de ne pas mourir de noyade dans un ridicule oubli. Mais un type caché dans les fourrés assomma Perry par derrière. Je tombais à la renverse en même temps que l'agent secret. Et en moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, le corps de Perry fut emporté dans le palais par deux gardes aux bras plus larges que leur prisonnier, et Yago s'approchait avec un regard démentiel. En tout cas, il s'amusait bien. Il avait déposé sa lampe afin de pouvoir mieux m'examiner. Puis il me fit sentir son haleine en ouvrant son bec devant ma lampe avant de partir en rigolant rejoindre les prisonniers. Mais il lâcha un dernier :


« Que deux gardes restent ici et m'enterrent ce gugusse de génie. Qu'on n'en entende plus parler. Nyahaha ! »

Puis le perroquet s'envola et alla rejoindre les prisonniers. Une minute plus tard, je sentis deux gardes (un gros et un famélique) revenir avec une pelle. Super le pétrin dans lequel je m'étais foutu ! Yago et le sorcier avaient l'air méchants, donc j'étais rentré dans leur jeu, donc j'allais payer cher ma naïveté. Morale de l'histoire : ne vous mêlez surtout pas des affaires d'autrui car puisque votre vie sera merdique de toutes façons, évitez de vous faire chier pour quelqu'un d'autre. Les miliciens creusèrent un large et très profond trou avant de se retourner dans ma direction. Le maigre commença à approcher sa main vers moi avec un sourire, mais juste après émit une hésitation certaine. Il regarda son compagnon qui lui rendit une face interrogatrice.

« Merde, c'est lequel qu'on doit enterrer ? » Mes yeux s'ouvrirent comme des soucoupes. AHAH ! Ce connard de Yago avait oublié de ramener la lampe de Jafar, qui trônait à trois mètres de moi. Oh putain, l'oubli de merde ! A force de prendre les gens de haut, saleté de piaf... Il ne restait plus qu'à espérer qu'on l'enterre lui à ma place. Et si ces connards frottaient pour savoir quelles personnes vivaient dans les lampes, ils allaient certainement être surpris de voir le bouc de leur ancien ennemi. Ce fut Jafar qui commença à parler :
« Je suis votre allié, un des génies de l'étagère. Enterrez-le lui !
_ Ahah ! Langue de vipère, sale traître ! Regardez le vaurien qui tente de s'échapper.
_ Et merde, c'est lequel ? »
demanda le type le moins futé de la section.
« Je sais pas », répondit son pote qui tenait bien la réplique.
« Je suis celui qu'a utilisé Yago pour l'arrêter, lui.
_ Ben, prouve-le.
_ Euh...
_ Vous êtes de grands gardes qui surveillez toujours les étals, assignés au château assez récemment. Vous détestez Aladdin car c'est un vaurien (vous étiez contre son mariage), vous vous méfiez de Yago car c'est un ancien traître, le génie bleu vous en fait voir de toutes les couleurs. Vous avez joué un grand rôle lors de la capture de Jafar, un petit con avec un bouc affreux. Je dois continuer ?
_ Eyh !
_ On enterre l'autre !
_ Non, c'est faux ! C'est l'autre le coupable !
_ Dans tes rêves bleus oui ! »


J'avais bien fait de visionner mes Disney régulièrement. Je pus voir avec un grand plaisir la lampe de Jafar beugler comme un veau avant d'être jeté dans le trou. Il y eut une pointe de négation déchirante avant que la lampe ne fut totalement recouverte de terre. Dans ton cul, saligaud ! Plus que le piaf. Dès que mes nouveaux amis eurent terminés de s'occuper de Jafar, je leur demandais de me rendre sur l'étagère où on m'avait laissé. Ce n'était pas très rationnel, mais c'était la chose la plus logique à dire. Il faudrait que je me trouve un moyen de me sortir de là par la suite. Au pire, si personne ne venait me délivrer hier soir, je contacterai Shana pour qu'elle vienne m'aider la nuit suivante. J'étais persuadé qu'une nuit ne me permettrait pas de me libérer de l'emprise de la lampe. Il me fallait une aide extérieure. Tandis que je réfléchissais à une bonne idée qui me permettrait d'aider mon pote palmé, on m'emportait dans le château sans souffler mot. Mais quand on me posa sur une étagère, je n'avais toujours aucune idée en tête. Jusqu'à ce que soudainement, un écran vert s'illumina sous moi. En plissant les yeux, je pouvais reconnaître la montre de Perry. Wouah, il avait réussi à mettre sa montre gadget à l'intérieur sans que personne ne s'en aperçoive (à commencer par moi). Tout ce qui devait venir du capuchon du haut ne devait pas être perceptible par ma personne.

« Allo. Agent P ?
_ Non, c'est Ed. »
En deux minutes seulement, je réussis à lui faire un résumé de la situation. Je concluais par le fait que j'avais absolument besoin de lui et qu'il devait formuler un vœu pour ça.
« Bref, faîtes un voeu.
_ Euh... Ben... Ed Free. Tu es libre. »





Panneau prêt. Lampes magiques de l'étagère toutes accrochées à ma ceinture et en bandoulière sur la sangle de mon panneau. Torse nu afin d'avoir plus de liberté de mouvements. Je fais craquer mes poings et ma nuque. Je remets mes lunettes de soleil sur le nez. Maintenant, ça allait chier.

J'étais maintenant considéré comme un criminel. Si les gardes me voyaient, ils me sauteraient dessus avec leur sabre incurvé. Il fallait juste que je sauve Perry comme il m'avait sauvé moi. Il n'avait pas hésité une seule seconde à venir à mon secours en plein terrain ennemi alors que ce n'était qu'un foutu ornithorynque. Et moi, j'étais un foutu Voyageur et j'étais obligé de le sauver sans me sauver. Ils allaient voir ce qu'ils allaient voir, venez applaudir, acclamez la superstar ! Je tournais au détour d'un couloir pour apercevoir trois soldats en train d'organiser une ronde. Ils crièrent, mais certainement moins que moi et mon sens légendaire de la discrétion et de la subtilité :


« FIIIIIREEE !!! »

Des jets magiques fusèrent des becs de deux lampes que j'avais en main, qui touchèrent deux gardes qui s'écroulèrent sur le dos dans un gémissement. Ils étaient blessés, mais pas tués. J'avais prévenu les génies dans les lampes. J'allais tous les libérer après avoir sauvé mon ami palmé. Alors s'ils voulaient bien se donner la peine de cracher quelques attaques contre tous ceux qui ressembleraient de près ou de loin à des obstacles... Le troisième énergumène rejoint ses confrères dans un sommeil peuplé de rêves bizarres et de panneaux de signalisation. Et me voilà en train d'affronter des malheureux alors que notre inimitié n'était dû à un quiproquo que je m'amusais à enflammer. J'étais encore en mode Rambo discret, qui ne valait pas mieux que le mode Rambo action ; la seule différence consistait à ce qu'il n'y avait pas de cri autour de moi. Je rencontrai une patrouille dans une grosse salle qui accueillait en son sein une table. Je tirai copieusement sur eux : une salve de boules magiques détruisit un tableau et brûla des rideaux, et coucha trois des hommes sur cinq. Le quatrième, très sage et très chanceux, décida de fuir pour alerter la patrouille principale. Le cinquième aurait bien voulu le suivre dans sa fuite, mais il fut attrapé par un bras sorti de nulle part (disons précisément, par mon portail), et jeté contre le sol. Je me rapprochais de lui. Les deux génies dans la lampe, estimant qu'ils en avaient assez fait, sortirent de leur carcan pour disparaître dans une fumée bleue et rose sentant le chamallow. Je jetai les tas de ferraille derrière mon dos et m'avançais à pas menaçants vers le dernier des gardes. Je le pris par le col et manifesta une envie soudaine et violente de l'encastrer dans le mur. Je lui demandai la direction de la prison, il me répondit stupidement que je n'avais qu'à demander à quelqu'un d'autre voir s'il savait. Je lui reposai la question, avec une autre lampe magique pointé sur l'œil. Donjon près du château ? Merci gars, tu dois aussi faire partie de cette frange de la population qui avait besoin de motivation pour s'aérer le cerveau. Je terminai sur un coup de boule qui l'estourbit directement. Je reposai son corps de la manière la moins gracieuse possible. Un garde surgit d'une porte adjacente. La lampe que j'avais en main fulmina, puis un jet magique projeta mon garde contre le mur le plus proche. Super efficace ces machins.

Quand je sortis dans le couloir, ils étaient déjà en train de se rassembler vers ma position. Une dizaine de personnes armées se jetèrent sur moi avec la ferme intention de m'écorcher vif. Je tirai trois coups très précis (je n'avais pas grand chose à faire, le génie dans la lampe assistait largement ma précision) qui firent tomber autant de personnes. De ma main valide et d'un seul et unique mouvement, je sortis mon panneau de mon dos et assommai un autre bonhomme d'un coup dans la tempe. Je pris appui sur mon arme pour sauter, et en l'air, déglinguai le crâne de deux autres ennemis. Je retombai sur un faciés que j'écrasais à terre, envoyai un coup en arrière dans le ventre d'un de mes assaillants qui se plia en deux sous le choc. Un autre garde voulut foncer sur moi le sabre haut. Je plantai mon panneau de signalisation dans le mur grâce à son pouvoir. Il para seul l'attaque de l'homme basané. Je pus lui coller une grosse mandale dans les dents, sous le menton et encore dans les dents. Il s'évanouit, laissant entendre les oiseaux voleter autour de son crâne. Le dernier me chargea rustiquement. J'évitais son premier coup de sabre, son second et son troisième. Dès que son bras me laissa une ouverture, je lui agrippai le poignet, lui tordis et passai dans son dos dans une danse implacable. Puis je l'achevai d'un coup dans la nuque. Je repris mon panneau et commença à me diriger vers ce qu'il semblait être... un dédale sans fin de merde ! Un autre génie s'envola dans les airs en criant que « la liberté, c'était trop cool ». C'est ça, mec... Et quand la pluie tombe, les gens sont trempés. Uhuh. Je sortis une autre lampe de ma poche. Je la frottais vigoureusement histoire de faire apparaître le génie :


« Mène-moi à la prison du palais, et tu seras libre, » dis-je à une forme verte remplie de colliers à fleurs qui me répondit d'une voix traînante et défoncée :
« Aucun souci, mon ami. Suis-moi, je déteste aussi les prisons. Je préfère largement sentir la caresse du vent sur l'herbe paresseuse. »

Il disait quoi Jafar ? Que l'enfermement ne détruisait pas le cerveau des Djinns ? C'était une théorie intéressante. Je suivis l'esprit keep-cool dans les méandres du palais. Il y avait de l'agitation partout, sauf de mon côté. Les murs tremblaient de courses partout, sauf dans ma direction. J'étais déjà essoufflé, si je pouvais éviter de tomber sur un autre corps armé. Puis évidemment, juste devant une fenêtre qui m'aurais permis de fuir, il y avait un bataillon entier d'adversaires. D'une trentaine de gardes. Qui me virent comme un seul homme et qui me foncèrent dessus. Ça devait être la stratégie classique de ces guignols. Je sortis deux autres lampes de ma ceinture et commença à vider mes chargeurs de sympathie (c'était ridicule mais bon...). Je me mis aussi à reculer en même temps qu'eux, histoire de pouvoir les flinguer sans qu'ils ne puissent me rattraper. Une dizaine de gardes rendirent l'âme, et je lançais mes deux armes au loin. Je pris deux lampes en plus (plus que trois en les comptant) et commençai à canarder sur tout ce qui bougeait. Le couloir devint flou de toutes les fumées qui se dégagèrent de les lampes. Je balançai mes deux lampes vides de génies avant de brandir mon panneau contre la dizaine de personnes restantes. Ce fut très rapide, et donc très violent. Je réussis à écraser la tronche de deux personnes très rapidement, fis un demi-tour vers la gauche pour éviter un coup de sabre, flanquer un coup de panneau dans le ventre, puis dans la nuque couchée d'un type, parer quelques coups de sabre, esquiver en arrière, me retourner pour frapper quelqu'un, déjouer une lame, me faire érafler une côte par une feinte, me battre de plus belle. Cinq autres personnes coururent en renfort. Bon, j'avais toujours eu envie de le faire, je ne voyais pas pourquoi je me priverais quand tous les ingrédients étaient en place. Je plantai mon panneau de signalisation dans le sol grâce à son étrange capacité, pris mon élan, m'accrochai à lui des deux mains, et tournai autour de lui en donnant des coups de pied à la masse qui m'entourait. Je réussis à tenir deux tours et demi avant d'être rattrapé par l'inertie mourante et sa sœur gravité. Bon, la technique n'était pas si efficace que ça finalement. J'utilisai une paire de portails pour éviter de me retrouver encerclé, en m'éloignant des soldats. Puis je repartis au combat, plus en forme que jamais. J'écrasai le crâne d'un type contre le mur avec ma main, pris appui sur le mur, frappai un gars qui préparait une attaque, écrasai un pauvre nase de ma chaussure qui alla directement rejoindre les parties d'un autre type. Certains gardes se relevèrent, la douleur dans leur ventre rouge. Je lançai une attaque horizontale pour faire basculer quelqu'un par-dessus mon panneau avant de le faire chuter à terre, je me retournai violemment pour fracasser la mâchoire d'un type derrière moi, je réussis à éviter d'un bond un sabre, mais mon ventre encaissa quand même un coup dans les abdominaux, ainsi qu'une entaille sanguinolente. Point positif : je ne sentais pas la douleur. Et en moins de deux minutes acharnées, de danses mortelles, je réussis à faire fuir mes opposants. Ils n'étaient plus que cinq, mais ils avaient compris la leçon. Quant à moi... mes jambes arrêtèrent de supporter la charge de mon corps. Je tombai sur le sol, et respirai une bonne minute. Mes poumons se gonflèrent à l'extrême limite, ma bouche cherchait de l'air frais pour se refroidir, mais ne trouvait qu'un relent de champ de bataille consumé. Je sortis ma dernière lampe :

« Tu veux être libre ?
_ Yarp.
_ Alors peux-tu me refaire frais comme un gardon s'il te plaît ?
_ Yarp. »


Il me pointa du doigt, se concentra un dixième de seconde avant de m'envoyer une décharge d'énergie qui me fit lever mes cheveux sur ma tête. Quand le génie disparut dans une téléportation bruyante, je me remis debout comme si je venais de sortir d'un footing matinal quotidien. Pas trop fatigué, mais bien chaud. Je repris ma course dans le couloir vers le fenêtre, quand une cinquantaine de bonshommes surgirent d'un autre couloir. Oh bordel, ils étaient combien exactement ? J'allais devoir en tabasser combien afin de pouvoir délivrer mon pote d'un foutu malentendu ? Ça me donnait envie de me rendre pour expliquer la situation. Ahah, idée stupide. Je mis mon panneau devant moi et commençai à foncer comme un dingue vers le nouveau régiment. Puisqu'ils ne maîtrisaient pas la stratégie militaire et qu'ils étaient formés dans la même école que leurs camarades, ils décidèrent de m'imiter. Mais au lieu de chercher l'affrontement contre autant de types, je décidai plutôt d'utiliser une paire de portails salvatrice. En moins de deux, je fus derrière tous les gardes, qui mirent cinq secondes à comprendre où j'étais passé. Il n'y avait plus que vingt mètres de couloir entre moi et l'instertice vers le monde extérieur. Les gardes se retournèrent à l'unisson et chargèrent une autre fois à l'unisson avec des cris de bêtes féroces stupides. Je leur fis un petit geste d'adieu de la main sans me retourner, éprouvant le besoin pressant de me foutre copieusement de leur gueule quand cinq gardes montés sur des tapis volants s'arrêtèrent à l'extérieur de la fenêtre. Mon cerveau voulut gagner du temps en ordonnant à mes chevilles d'arrêter de foncer vers ce qui paraissait être une fenêtre donnant sur du vide et des sabres. Mais heureusement pour moi, mes chevilles étaient encore plus stupides que moi-même : un de mes pieds prit appui sur la rambarde pour mieux bondir sur le garde monté le plus proche. Je le percutai en plein dans le ventre, et faillis le faire dégringoler par dessus bord. Il s'agrippa à un coin du tapis qui commença à glapir sous le poids, et en se disant qu'il n'avait pas été cousu pour faire des trucs pareils. Heureusement pour lui et pour la dignité de la morale, un de ses coéquipiers vint le recueillir sur son propre véhicule à thème au lieu de me laisser le balancer par-dessus bord. Il était temps de filer maintenant !

Chaque garde s'apprêta à me poursuivre mais il n'en fut rien. Je n'avais pas tout simplement pas bougé à la surprise générale. Okayyy, comment on conduisait ce foutu engin ? Je me jetai ventre sur tapis afin d'éviter un sabre qui aurait pu découper l'horizon tant il lui lui était parallèle. Machinalement, je pris les deux bouts avant du tapis et m'en servis comme volant. Aussitôt, le tapis accéléra à une vitesse démente. Okayyy, où était ma boussole magique maintenant ? Le génie hippie se mit devant moi et tentais de me guider vers la tour qui se situait tout près du palais et non dans les quartiers de la ville « vers lequel je semblais vraiment vouloir aller ». Je me mis à esquiver des ponts suspendus, faire des piqués et des virages soudains pour pallier au manque total d'ingéniosité du plan de la ville. Mais cette débauche de cascades inutiles ne parvint pas à semer mes poursuivants, qui avaient un tracé très net par rapport à moi. Le génie à mes côtés admirait le spectacle comme si c'était un paysage d'herbe paresseuse se caressant au gré du vent. Puis alors que je débouchais sur une grande ruelle, il fit :


« A la prochaine sortie, tournez à gauche.
_ Mais il n'y a pas de sortie à gauche, espèce de connard !
_ A la prochaine sortie, tournez à gauche. »


Je ne savais pas s'il y avait une sortie (les rues défilaient trop vite), mais je savais que je pouvais tourner à gauche de toutes façons. Je tirai vers moi les cordons du tapis, qui se mit à monter comme une flèche vers le ciel. Puis dès que j'avais dépassé le bâtiment par la hauteur, je me mis à longer le toit tout en me tournant vers le château. Derrière moi, les gardes s'étaient regroupés en formation, défiant le vent et le ridicule. Mes cheveux battaient derrière moi, plaqués par la vitesse. Le génie me pointa du doigt une sorte de tour misérable près du palais. C'était un donjon en pierres noires qui avait probablement dû servir de Jenga aux dieux. J'amorçai une descente avec le tapis pour tenter d'éloigner mes prétendants. Je voyais approximativement la direction que je devais prendre, il ne me restait plus qu'à me débarrasser de ces salopards qui risquerait de devenir de sacrées misères une fois sur place. Un coup d'œil me permit de me rendre compte qu'ils tenaient debout sur leur tapis sans même le diriger convenablement. Merde, ce truc aurait une conscience ? Je me mis debout à mon tour, brandissant mon panneau pour inviter les gardes à venir s'y casser les dents. Je demandais mentalement au tapis de ralentir. Directement, deux tapis vinrent m'encercler sur les côtés. Les gardes tracèrent des arabesques en fendant l'air, avant de se heurter à un panneau en acier. Je laissais les lames s'approcher avant de les déséquilibrer d'un coup puissant, me permettant de m'occuper de son camarade tandis que l'autre se remettait de la parade. Au bout de vingt secondes de vaines tentatives, ils décidèrent de m'attaquer tous les deux en même temps, faisant attention à ne pas dégringoler dans la rue qui défilait dessous. Mes bras commençaient sacrément à devenir lourds, et entaillés. Je réalisai une paire de portails afin que chacun de leur sabre ailla trancher l'autre. Surpris par leur blessure respective, je pus les faire tomber de leur tapis de deux coups dans le ventre. Les bouts de tissus allèrent chercher leur maître, ne laissant que trois individus derrière moi.

Le tapis fit un sérieux virage à angle droit, qui m'obligea à pousser de ma paume le mur. Bon, je commençais à m'habituer à ces conneries. Pour la prochaine séance, on allait prendre notre envol. Mon tapis commença à grimper haut dans le ciel, juste en-deçà de sa vitesse maximale afin que les gardes soient tentés de me rattraper. Puis derechef, j'effectuais un plongeon en me cramponnant au-devant de mon tapis. Les gardes me suivirent. Il était temps de jouer à celui qui ira le plus bas possible. Je demandai au tapis d'aller de plus en plus vite, mais les gardes me rattrapaient quand même, à moins de trois mètres de moi. Ah oui, merde, l'aspiration. J'avais oublié de prendre en compte ce léger détail. Le sol se rapprochait dangereusement, et les braves citoyens d'Abalhgra commencèrent à s'écarter du point d'impact que je visais. Un garde plus stupide que les autres décida alors de me suivre, les autres préférant éviter de risquer leur vie pour un type qui avait juste frappé un marchand. L'honneur, c'était bien beau, mais un type qui en avait trop ne se vantait pas longtemps. Le plancher des vaches se rapprochait très vite, et il me semblait que si je loupais ma manœuvre, j'étais un peu mort. Le génie à mes côtés gardait un visage impassible qui consista à fixer un grain de poussière sur le sable. Le vent battait mes oreilles et déchirait mes tympans et mes sinus. Puis dès que je fus assez proche, j'activai mon pouvoir. Au lieu de m'écraser comme une comète, je disparus juste au-dessus des deux assaillants les plus hauts. Le type qui m'avait suivi, de surprise, redressa comme il le put son tapis, mais ne réussit qu'à se déséquilibrer trop vite. Le tapis se leva avec hésitation et fonça dans une étal. Son garde rentra dans une charrette de tomates. Puis dans le dos, j'anéantis mes adversaires dans un gong métallique. Les tapis les rattrapèrent, mais ils ne seraient pas assez conscients pour pouvoir me suivre. Maintenant que je n'avais plus de gardes derrière mes fesses, il était temps d'aller délivrer Perry.

Perry était pour le moment enfermé dans une cage suspendue, et écoutait la chanson d'un cuisinier simili-français qui découpait des aliments avec rapidité et précision. L'ornithorynque était en train d'écouter un crabe rouge répondant au nom de Seb, emprisonné lui aussi dans une cage à proximité. Le crabe lui expliqua que le cuisinier était un barbare qui pouvait sacrifier votre vie pour un palais. Mais les trois protagonistes de cette histoire se retournèrent quand une porte à double battant vola dans la salle dans un bruit de tornade. Accompagnée d'un garde, puis d'un second. Le gras cuistot se retourna à temps pour voir une sorte de barre de fer lancée vers son visage. Il tomba évanoui avec les autres hommes et les débris de bois.


« Bordel, qui est le connard ironique qui a construit la cuisine dans les mêmes quartiers que la prison ! Perry, t'es où ?
_ On est ici ! Les clefs ! A la ceinture du meurtrier aux couteaux ! »


Mon cerveau évita de trop réfléchir quand un crabe carmin m'indiqua où étaient les clés avec un accent prononcé. Je voyais Perry à-côté de lui, et il allait bien. Il semblerait que j'ai été chanceux finalement, et que je n'avais pas fait n'importe quoi pour rien. Je pris le trousseau et délivrai rapidement les deux animaux. Perry me lança un regard de remerciement et je lui rendis un sourire avant de me retourner. Finalement, il était sympa cet ornithorynque. Certes, il avait du mal à vous transmettre une bonne idée quand il y en avait une qui lui passait par la tête, mais il arrivait à quelque chose. Intelligent, fort, muet, courageux... Tout le contraire de Fino quand on y réfléchissait. La communauté des trois alla se diriger vers la sortie quand elle fut bloquée soudainement par Aladdin himself avec son singe de compagnie, plus un génie bleu qui semblait avoir mangé une crêpe en s'était trompé de sucre-glace ainsi que ce foutu perroquet. Juché sur l'épaule du sultan qui me défiait du regard, Yago ne pouvait empêcher ses plumes de tomber de contentement :

« Je savais que ce malfrat irait libérer son pote ! Attrape-le Génie !
_ Pas de problèèème Simone »
. Le génie me pointa du doigt et soudainement, une gangue bleue m'écrasa les côtes et les bras. Une autre apparut l'instant d'après pour me bâillonner que je fis mine de vouloir parler. Le génie reprit fier de son coup :
«  Et voilà, pas plus compliqué ! Il fallait m'appeler plus tôt, comme d'habitude. Il faut croire que vous n'arrivez à rien sans moi.
_ Oublie pas l'ornithorynque ! »


Le génie visa Perry avec son doigt mais Abu, le singe de compagnie poussa quelques cris, qui fit baisser la main du génie. Le perroquet ainsi que Aladdin lui demandèrent pourquoi d'un seul mouvement de tête. Je voyais enfin mon partenaire qui était en train de... le mot le plus proche que je pouvais vous servir était « communiquer avec des signes ». Pour être plus précis, si moi, Aladdin et le génie suivions cette sorte de danse avec un air circonspect, il fallait dire que Abu le suivait avec un regard passionné tandis que Yago serrait les dents avec un visage furieux. Que quoi ? Même les animaux avaient un foutu langage des signes ? Même si je n'étais pas un expert à la base, cet espèce d'amalgames de gestes ésotériques ressemblait à un savant mélange de signes inventés par les enfants et de codes d'agents secrets, à tout le coups déclinés selon les différentes espèces. Parce que je ne voyais vraiment pas comment un ours pouvait battre sa queue sur le sol, ou bien imiter la samba. Après trente secondes de danse psychédélique, Abu confirma tout cela d'un hochement de tête et piailla quelques cris au Génie. Ce dernier prit un ton très sérieux de militaire :

« Oulah Al' ! Le zosieau en face crie conspiration. Il dit que Yago est un traître et qu'il conserve Jafar - recherché pour 1 500 EV dans son dossier dans le palais sous la forme d'une lampe.
_ Il a une preuve de ce qu'il avance ? Yago ?
_ Je reviens, je vais vous prouver avec l'aide des archives que c'est faux ! »
, fit le piaf rouge avant de s'envoler vers le palais. Je tentais de dire quelque chose avec un regard furieux, mais ne réussis qu'à sortir un borborygme mouillé. Le génie m'enleva mon bâillon magique. Je me dépêchais de hurler :
« Bravo, bande de cons ! On vous prévient que Yago est un ennemi du Royaume, et vous le laissez filer !
_ Je ne crois pas en la culpabilité de Yago.
_ Tu auras du mal à lui dire ça, c'était la dernière fois que tu le voyais. La lampe de Jafar est enterrée près du lac, demandez aux gardes. »


J'avais raison, ils le sauraient dans pas longtemps. Ils allèrent effectivement chercher la lampe, demandèrent aux deux gardes de déterrer la lampe et y trouvèrent effectivement leur pire ennemi à l'intérieur après avoir frotté consciencieusement l'étain. Ils décidèrent à l'unanimité de n'en parler à personne et de le remettre là où il était. Jafar hurla une seconde fois quand on le remit dans le trou.
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyVen 27 Mai 2011 - 12:17
Perry et moi furent lavés de tous soupçons. On eut droit à une suite royale pour nous refaire de nos émotions (coussins, thés à la menthe, apéritifs) et le Sultan en personne vint nous présenter ses excuses. Excuses d'autant plus justifiées que Yago n'était toujours pas revenu, et que l'hypothèse soulevée par le génie comme quoi il se serait perdu dans le palais était infirmée par les deux heures passées sans de trace. Et Paf ! Yago était certainement un des membres de l'organisation, et il venait de nous voler dans les plumes. L'enquête se terminait là. C'était dingue comme elle était animée de soubresauts. On avait une piste, elle s'arrêtait, on avait une piste, elle s'arrêtait, etc. Voilà pourquoi je détestais enquêter : en plus de la réflexion déjà incriminée, elle avait tendance à laisser des blancs dévastateurs qui minaient le moral. Tandis qu'une servante peu couverte me servait une autre tasse et que je la remerciais, content que les verres de mes lunettes soient assez foncés pour que personne ne sache où je regardais, Aladdin se tenait devant nous avec l'air sérieux du pape, et nous présentait pour la cinquième fois ses plus plates excuses. Perry sirotait tranquillement son thé.

« Nous sommes vraiment désolés. C'est certainement à cause du Bal de l'Imaginaire, tous les habitants se donnent à fond.
_ Le Bal de l'Imaginaire ?
_ Vous n'êtes pas au courant ? Chaque année, les personnages de dessins animés se rassemblent dans un Bal afin de fêter les Égéries et les Muses, ainsi que Taille-Crayons et les Logiciels de Graphisme. Nos dieux, en quelque sorte. Il est connu que ce festival agit sur l'inconscient des dessinateurs de votre monde, et leur permet de fructifier leur imaginaire. Un peu comme... une fête sur le printemps qui permettrait aux fruits de pousser. »


La raison de ma colère n'était pas évidente, mais je savais qu'au fond de moi, j'avais de bonnes raisons de l'être. Est-ce que par hasard, il viendrait de dire qu'il y avait prochainement un Bal de l'Imaginaire, très très très important ? Je lançai des éclairs à Perry qui me rendit un regard dénué d'expression. Je détestais quand il me prenait pour un crétin et qu'il me faisait son regard d'ornithorynque. Mes mains serraient tranquillement les dossiers de ma chaise tandis que je demandais à Perry d'activer la ligne de l'autre zigoto de militaire, et soufflai doucement :

« Je... récapitule... Nous avons effectivement une bande de malfrats sur le dos, et nous n'arrivons pas à savoir qui ils sont, ce qu'ils veulent, mais juste qu'ils sont très dangereux. Bordel ! Est-ce que personne ne pouvait me dire qu'il y avait un Bal de l'Imaginaire dans quelques jours ?! Vous croyez que c'est un hasard si quelques connards de merde se réunissent, voient les choses en grand, envoient des éclaireurs partout comme ce foutu piaf, alors qu'il y a votre fête la plus importante dans quelques PUTAINS DE JOURS ??!! »

Excessif, je sais. Mais là, c'était le pompon. On n'arrêtait pas de me tanner pour que je fasse une enquête, et on ne me disait rien. Tous les personnages allaient se rencontrer dans une ultime fête, et on ne me le disait pas alors que j'étais certainement sur le coup d'une grosse bande de malfrats. Si Fino était le chef de cette organisation, il n'allait pas voir les choses en petit. Il avait certainement tout manigancé depuis le début, et avait compté les jours sur son calendrier de phoque. J'allais lui en coller une la prochaine fois que je le voyais, il allait vomir ces tripes. Je continuais :

« Vous vous rendez compte que derrière ce projet, il y a un cerveau malade ? C'est certain qu'il va attaquer ce jour-ci pour une raison que j'ignore. » Le militaire soudainement prit la parole :
« C'est pour ça.
_ C'est pour ça quoi ?
_ C'est pour ça que nous n'avons rien dit, ça nous paraissait trop facile. Je ne vois personne qui attaquerait cette fête pour deux raisons : parce qu'elle trop bien protégée et parce qu'aucun personnage de dessin animé ne voudrait s'attaquer à cette fête par pur principe. Autant renier ses parents.
_ Fino n'est pas un personnage de dessin animé !
_ Il est accompagné par des personnages de dessin animé comme le prouve Yago ! Et l'endroit est trop bien protégé. Comprends-tu que tous les personnages de dessin animé sont là ? Tous les super héros, tous les militaires, tous, et je dis bien tous, surveillent cette fête. C'est une force incommensurable, et personne ne pourrait défier une telle armée. Même les personnages de manga sont là, ceux qui ont tendance à détruire la Terre (aussi exagéré cela soit-il) en éternuant. Comment veux-tu qu'un phoque ainsi qu'un perroquet s'attaquent à ça ? De plus, le cerveau malade ne préparerait-il pas un coup juste avant le bal ? A trop vouloir se protéger de lui lors de la fête, on en oublierait de surveiller nos arrières les jours précédents. C'est trop simple de sortir ça sur un coup de tête. »


Ses arguments étaient bons. Même si je ne voyais pas Fino ne pas s'attaquer à cette fête alors qu'elle était à portée de ses papattes, je devais prendre en considération qu'il y avait beaucoup de forces là-bas, et que le phoque était bien capable de se servir d'elle comme d'un appât. Mettre Fino sur le coup, c'était se persuader qu'il allait se passer quelque chose d'horrible. Et en partant de ce principe, on pouvait trop facilement occulter la vérité à concentrer son enquête sur le moyen de percer les défenses de cette fête et ainsi espérer de remonter jusqu'à eux. Bon, en gros, il fallait que je continue mon enquête sans me laisser perturber par des conneries du genre. J'étais en train de compliquer le tout avec des suppositions sans fondement. Mais le fait était si gros qu'il en devenait évident. Chacune des personnes était en train de débattre sans fondement. Essayons de partir de ce raisonnement : Fino n'était pas un personnage de dessin animé, et il devait se trouver que son but paraissait légitime auprès de certaines personnes crayonnées. Pas toutes, il fallait croire. Pourquoi eux ? Juste des personnes au cœur pourri comme Yago, et certainement d'autres. Pourquoi Yago ? Juste parce qu'il était volontaire ? Ou alors parce qu'il pouvait fournir un soutien matériel non négligeable à l'organisation ? Il était évident que Yago aidait cette organisation avec des lampes. Il leur avait fourni une pour soumettre la volonté de Yuri et l'avait abrutit en lui demandant quelque chose d'impossible à faire. Peut-être qu'il y avait d'autres personnes ou créatures de Dreamland soumises par ces lampes.

Ce point-là était clair. Maintenant, pourquoi Yuri ? Et où était sa lampe ? Un des gardes du palais avait dit qu'à part la lampe de Jafar, aucune ne manquait. Donc la lampe de Yuri était aux mains d'une autre personne qui l'avait appelé hier soir. Pourquoi ? Par qui ? Yuri pouvait fournir beaucoup d'éléments, c'était un indic précieux et il devait pouvoir construire des machines à technologie terrestre. On pouvait facilement en conclure que Yuri était là pour faire les garde-fous avec son pouvoir, et que les marionnettistes voulaient une machine. Et c'était tout... Peut-être qu'on aurait pu avoir des indices sur le meurtre de Al, mais son assassin avait été un pro. A ce qu'on m'avait raconté, Al avait été poignardé. Quelqu'un avait laissé le couteau dans le ventre. Le corps avait été déplacé, l'autopsie avait été réalisé, mais aucun indice. Le meurtrier était arrivé, avait ouvert la porte du local de Al et l'avait poignardé. C'était aussi simple que ça. Pas de témoins, pas de cris. Pas de chambre close, pas de mort improbable. Juste un assassinat banal qui n'avait laissé aucun indice. Bref, l'enquête s'arrêtait là.


« Bref, l'enquête s'arrête là », commenta avec un soupir le militaire à mono-sourcil. « Nous n'avons rien, juste que Yago est impliqué et qu'il s'est envolé.
_ La lampe de Yuri. Est-ce qu'une lampe aurait disparue récemment ?
_ On ne peut pas être sûr, c'était Yago qui s'occupait des archives à ce niveau »
, répondit Aladdin.
« Il s'était gentiment proposé, je comprends.
_ Vous êtes très drôle. Mais vous n'êtes pas assez avancés pour nous charrier.
_ Mais comme je disais, nous sommes face à un mur.
_ Je ne suis pas tout à fait d'accord »
, répliquais-je sur un ton que je ne me connaissais pas. « Au bar gay, Perry et moi avons rencontré un gamin qui se faisait appeler le Coon.
_ Ah non ! Pas lui ! Il n'arrête pas de vouloir aider la police, mais il n'arrive qu'à griffer les gens qui s'embrassent dans les parcs la nuit en pensant à un viol. C'est juste un gamin complètement crétin.
_ Peut-être, mais un gamin qui sait des choses ! Quand j'y repense maintenant, il devait savoir que Yuri était dans un état anormal. Il voulait me dire dingue, mais il... il m'a caché la vérité ! Mais oui, pourquoi j'y ai pas pensé plutôt ? Monsieur, laissez-moi retrouver ce gamin, je pourrais peut-être trouver quelque chose.
_ Soit. Si un de nos agents le trouve, il le ramènera à la base. Mais en être obligé à dépendre d'un gamin... »


La discussion prit un fil plus joyeux. Chacun avait hâte de se retrouver à la fête, sauf mon caractère désespérément 3D. Je pensais à bien trop de choses. Plein de trucs ne collaient pas entre-eux, et je parlais de pièces mitoyennes. L'implication de Fino me dépassait. Je pouvais encore espérer quelque chose de lui, mais un pan de mon esprit me disait de le considérer comme un ennemi. Je ne le voyais pas dans un gang, même s'il en était le chef.

__


« Jafar s'est fait couiller ! »

Le cri rebondit dans la cave tel une bille de fer dans une machine à sous. Yago atterrit sur son perchoir réservé à cet effet et expira et inspira bruyamment. Devant lui, Rattigan, Plankton, Cortex, le Borgne et Fino miroitaient leur verre en espérant qu'une jeune femme allait venir, s'excuser et leur verser de la vraie boisson de méchants. Fino et Rattigan faisaient tout pour ne pas boire, et dans le pire, des cas, faisaient tout pour oublier qu'ils ingurgitaient du jus de raisin. Aussi, chacun fut agréablement surpris de voir qu'un autre de leur condisciple allait supporter l'emprisonnement, la boisson horrible ainsi que les gémissement de Butters. Ce fut Fino qui prit la parole :

« Rien à faire de Jafar. Il a déjà joué son rôle en nous donnant Boris.
_ Yuri...
_ En nous donnant l'autre. On s'en tirera sans lui. Juste dommage. Le plan est à exécution, et va bientôt arriver à terme.
_ On a des gars au cul ! Un type ainsi qu'un ornithorynque coiffé d'un feutre !
_ Quel type ?
_ Un blond avec un panneau de signalisation. »


L'ambiance qui n'était pas très sereine se glaça encore plus. Fino n'avait pas changé de visage, et c'était ça qui avait effrayé les autres animaux. Puis le phoque cracha quelque part et répondit qu'il s'occuperait de ce gars plus tard. Que les ennemis n'étaient pas une priorité.

« On a de putains de bonnes cartes, et un jeu de rechange au besoin. Le Voyageur là, n'est qu'un joker.
_ Certains considèrent le joker comme la meilleure carte.
_ Ça dépend des règles. Et dans les miennes, le Joker est viré du set. »


__




Une nouvelle nuit, mais le même bar stupide et affligeant de moralité mal placée. J'étais retourné au « Pretty Leg » avec Perry, et on était tous les deux en train de boire la même bière, avec une chanson différente cette fois, faute au meurtre d'Al. J'avais demandé une nouvelle fois des infos au serveur, qui se contenta de répondre au lieu de nous envoyer à l'ancienne star.

« Un petit déguisé qui se prend pour un super-héros ? Je l'ai vu rôder oui, mais très rarement. Je vous ferai signe si je le vois.
_ Très aimable à vous. Merci pour la bière. »


J'en pris directement une gorgée en maudissant le monde d'être trop lui-même. Déjà qu'on avait un compte-à-rebours, alors en plus si on se traînait dans les bars en attendant de trouver la seule piste qu'on avait... L'enquête était tellement morte qu'on en était à chercher un gosse déguisé en raton-laveur. Le problème de cette ville, c'était que les méchants étaient retranchés dans un immense quartier bien à eux. Si on leur disait qu'on recherchait des salopards prêts à faire cracher ses dents à la justice, ils rigoleraient avant de nous claquer la porte au nez. Et puis, ils étaient toute une ville. On n'allait pas torturer quelques milliers de personnes alors qu'il se pouvait très qu'ils ne sachent rien. On était coincés. Tiens, me faudrait un calepin. Tous les inspecteurs en avaient un, et ils pouvaient consigner leur pensée dedans, et avoir l'air cool. Je regardai les Village People danser sur leur fameux refrain avec leur danse inoubliable. Faudrait vraiment que je leur demande ce qu'ils foutaient ici, acclamés par des personnages de dessins animés. Je décidai de sortir dehors une fois mon verre fini, et Perry m'accompagna. Le petit morveux ne rentrait jamais dans le bar, alors on aurait plus de chances de le trouver en restant dehors. Je fis claquer les deux battants mouvants, et respirai tranquillement le vent chargé d'émotions négatives. Le ciel était toujours aussi lugubre, rouge tirant vers le marron. Le soleil attendait je ne savais quoi pour terminer sa course. Je tentais de regarder un peu partout pour voir si le raton était là, mais je ne voyais rien. Je me collai contre le mur en espérant que le môme fasse son apparition. Miraculeusement, une minute plus tard après notre sortie, je pus entendre du toit de l'immeuble :

« Alors étranger, on s'acharne ? » Je levai la tête pour voir exactement la même scène que précédemment. Le petit mioche qui descendit de la charpente par la gouttière avec un air de constipé furieux. Dès qu'il fut à terre, j'enchaînai rapidement pour lui couper la parole :
_ Salut petit. J'ai quatre questions pour toi.
_ J'y répondrai comme je pourrais si tu acceptes de coopérer avec moi.
_ Oh non ! Tu vas pas me faire chier non plus ! Je te demande juste de répondre à quelques questions, sinon, on te coffre pour rétention d'informations et les policiers seront ravis de te trouver d'autres crimes encore.
_ Les policiers m'aiment trop, tu ne me feras pas craquer, tu ne pourras pas me faire changer d'avis. Si nous ne faisons pas équipe, ils gagneront. »
Je fis un geste du menton à mon partenaire, et ce dernier s'avança vers le gamin. En une seconde, l'ornithorynque avait foutu le môme à terre et lui tordait le bras gentiment.
« Vous êtes des lâches ! Faire ça à un enfant !
_ Tu n'es pas un enfant, tu es un super-héros. Première question, comment savais-tu que Yuri était complètement déglingué N Et je te parle pas de son comportement, mais de sa perte totale de réflexions.
_ Nyyyyaaarghh !
_ S'il te plaît.
_ Je le sais parce que je suis un super-héros ! Nyaaaaaarrrgh.
_ Moins fort Perry.
_ Je le sais comme tout le monde le sait ! Je ne vois pas ce que tu veux entendre par perte de réflexions !
_ J'entends par perte de réflexions qu'il ne sait même plus comment il s'appelle ! Réponds-moi ! Il n'était pas comme ça avant ! Un type si brillant ne peut pas être aussi flasque mentalement !
_ Je le sais... C'est tout.
_ Seconde question, pourquoi tu me suis comme ça ?
_ Je te l'ai dit, on doit coopérer !
_ Mais pourquoi bordel de merde ?!
_ Parce que, connard de merde !
_ Tu avoues que tu me suis au moins, c'est bien. Troisième question. Est-ce que tu sais qui a tué Al Super Gay ?
_ Je sais pas ! Je le connaissais à peine ce type ! Et je vois pas qui voulait faire du mal à une tarlouze pareille.
_ Certainement un gars qui savait que Al m'avait donné l'adresse de Yuri.
_ Quoi ? Vous me soupçonnez ? J'ai tellement fait pour cette ville et voilà qu'elle me poignarde !
_ Quatrième question ! Dis-moi le plus d'informations que tu peux. Tu es trop bien renseigné, je veux savoir pourquoi, et je veux savoir ce que tu sais. »


Perry le libéra, mais le gamin se terra dans un silence de tombe. J'avais l'impression de ne pas avoir avancé avec les trois premières questions, surtout que j'avais le sentiment qu'il se foutait de ma gueule. Il me mentait, c'était certain. Ou alors il me cachait des trucs. Peut-être que le seul moyen d'en savoir plus était de « coopérer », même si ça ne voulait rien dire. Il voulait quelque chose de moi, c'était évident. Il l'avait implicitement dit. Il fera avancer les choses si j'acceptais de m'allier avec lui. Bon, si c'était ce qu'il voulait.

« J'accepte donc de coopérer avec toi. » Le visage du gamin s'illumina. Il exulta :
« Oh Yeah ! Ça troue le cul ! Suis-moi maintenant ! »

Quoi ? C'était tout ? Y avait un problème, un piège, un truc quelconque ? Pourquoi ne voulait-il pas me le dire plus tôt ? Mais au moins, j'avançais dans l'enquête. Il passa devant, vers le côté obscur de la ville des personnages de dessins animés et je le suivis avec Perry, toujours aussi muet. La marche dura une heure tandis que le Coon n'arrêtait pas de remuer sa tête dans tous les sens pour se donner un air de... super-héros ? Il n'y a que toi qui est persuadé d'être un justicier. Tous les types que je connaissais qui se disaient justicier étaient en fait des salopards qui tuaient les premières personnes qu'ils croisaient au nom du bien. On n'est que justicier à travers les yeux des autres. Sinon, on n'était qu'un bouffon acariâtre. Voilà, tandis qu'on marchait, je faisais tout pour discréditer le petit môme devant moi qui était un peu trop guilleret pour quelqu'un qui s'avançait dans les territoires obscurs du vice. Pourquoi voulait-il absolument attendre que j'accepte d'être son coéquipier pour me montrer des choses importantes ? Je le jurai, à la fin de la ballade, je le fourguais à la base et les agents essaieraient de lui cracher les vers du nez. Vous me direz, les personnages de fiction n'avaient pas la même mentalité que nous. C'était un gosse qui était en train de jouer. Si je voulais jouer avec lui, il fallait d'abord que j'accepte sa proposition. Je serrai les dents en pensant que je dépendais de la volonté d'un crétin. Mais mon esprit était certain d'une chose : je me dirigeais vers un truc intéressant. Et tandis qu'on passa à un carrefour, le gosse s'arrêta soudainement et pointa du doigt un vieux bâtiment de briques en affirmant que c'était ici.

« Un vieil entrepôt désaffecté ?
_ Tu peux pas savoir le nombre qu'il y en a ici. Chaque méchant en a un, c'est un peu comme sa résidence secondaire.
_ Et celui-là... ?
_ Et celui-là, il appartient à l'organisation derrière tout ça. Il y a une grille d'aération derrière, faisons le tour.
_ Et comment tu sais tout ça ?
_ Arrête de faire chier et suis ! Tu poses toujours des questions rien que pour essayer de prouver ma culpabilité, mais je ne pense qu'au bien ! »


Crétin de gros, je m'occuperais de toi plus tard. Je me demandais s'il m'avait dit la vérité un jour. Nous fîmes le tour de la bâtisse esseulée, éclairée par un vieux réverbère qui réussissait l'exploit de rendre l'endroit encore plus sombre en soulignant la noirceur persistante. Et derrière, il y avait effectivement une bouche d'aération. Le Coon commença à sortir un tournevis et retira la grille et les clous. Il avait décidément tout prévu. Si c'était un piège, je ne pourrais m'en prendre qu'à moi-même. Un gars demandait à le suivre, je le suivais, je me faisais tuer. Ce serait une mort stupide, mais je l'aurais mérité. Pas trop de regrets... Le gamin plongea dans le petit tunnel. Je fus en deuxième position. J'avais de la chance : je passais tout juste dans le canal malgré mon panneau. Perry fut dernier. Nous avançâmes lentement, et je me demandais si un entrepôt secret désaffecté de méchant devait vraiment comporter d'aussi grosses bouches d'aération, permettant à n'importe quel super-héros de passer (n'importe quel super-héros ne pouvant pas détruire des murs de brique d'un seul coup de poing). Je vis plusieurs pièces totalement vides par les grilles dans notre avancée dans le système de ventilation. Puis le Coon s'arrêta devant moi, et déverrouilla avec son tournevis cruciforme une grille sur le côté. Dès que ce fut fini, il passa dans la pièce. Je le suivis avec Perry.

C'était la pièce principale, qui bouffait quatre-vingt pour cent de l'espace du bâtiment à elle toute seule. Il y avait des grosses machines à-côté, ainsi que de gros câbles donnant directement à une grosse chose couverte d'une grosse bâche. Je retirai cette dernière d'une main experte. Et fus estomaqué de l'apparition. Derrière notre écran, sur notre canapé, on se fichait totalement de la taille ou la puissance que pouvait comporter un engin. Par contre, en vrai, mon estomac se serra à la vue d'un immense robot représentant un haricot géant sur pattes. Il dépassait facilement les quinze mètres de haut et les quatre de large. Il y avait un unique hublot en haut, censé représenter l'œil de la machine. Le Coon s'approcha de moi et me dit que c'était un Plankton géant. Quoi ? Puis l'enfant me montra le nom de la machine : « Plankton Géant ». Heureusement que certains méchants avaient de l'imagination... Je fis le tour de cet amas de tôles superposées, regardant les petites pattes ainsi que les énormes bras qui brandissaient deux doigts opposés longs comme ma main, et courbés comme mon bras. Une faible lumière clignotait du haut du hangar, mais elle fut suffisante pour apprécier le robot géant à la forme incongrue. Je questionnai lentement :


« C'est ça leur plan ? Un robot géant ? C'est pas très recherché... Et je ne vois pas l'intérêt de Yuri, il suffit d'un génie diabolique pour créer un tel monstre.
_ C'est simplement parce que le robot n'est qu'une partie de leur plan. Va voir dans l'autre pièce. »


Sans lui poser plus de questions, je demandai à Perry de me suivre. Le gamin était très sérieux, et ne faisait pas de commentaire diabolique comme quoi il m'avait piégé ; bref, il ne semblait pas être dans le camp ennemi. Je tournai la porte, et trouvai déjà une salle plus éclairée. Bien plus petite, elle ne comportait qu'un gros ordinateur avec un écran en biais, comme les engins de la Poste où on pouvait retirer nos tickets. L'endroit n'était pas très poussiéreux, signe qu'il y avait de l'activité récente ici. Mais même en tendant l'oreille, je ne percevais pas d'autres personnes que nous. Je fouillai la pièce. Au milieu d'elle se tenait une longue table. Posés en pagaille sur elle, il y avait des dizaines de plans en tout genre, souvent barbouillés, souvent déchirés. Plus quelques petits composants électroniques, mais aucun engin qui aurait pu être fabriqué. Juste des petites vis, des écrous, une carte mère rayée. Rien d'important, des pièces en surplus. Je cherchais dans tous les plans, mais aucun ne semblait en bon état. Ils représentaient tous la même machine (sans compter différents éléments, mais en gros, c'était la même machine), avec différents schémas, différents procédés, différentes pièces. Ils essayaient de construire une machine que personne d'autre n'avait jamais construite. Un engin révolutionnaire à ce qu'il semblait. Et voici les différents plans inutiles. Qui n'avaient pas fonctionné, quelque chose dans ce goût-là. Des ratures partout. Mais aucun plan n'était vierge de tout feutre déplacé. Je pouvais en conclure en gros qu'il n'y avait rien de très intéressant ici, sinon des idées qui pouvaient en découler. Mais il n'y avait aucune indication de la nature de l'engin. Je demandais au Coon s'il comprenait quelque chose, mais il me répondit négativement. Je continuais à chercher, puis je trouvai enfin quelque chose. Il y avait le même mot, au même endroit de chaque plan. Le titre de la machine, vu comment il était souligné. Un titre qui semblait assez incongru au vu de la situation :

« Quoi ? Ils essaient de construire un traducteur ?
_ Un trouduc quoi ?
_ Pardon, tu ne sais pas ce que c'est un traducteur ? Même pas toi, Perry ? »


J'essayais de faire converger mes pensées. On m'avait dit un jour que les Voyageurs parlaient tous le même langage, celui de l'inconscient, celui des rêves. Bref, il n'y avait personne qui parlait un autre langage que celui universel de Dreamland. Chacun se comprenait, même ceux qui utilisaient un borborygme indécent. Bref, dans un monde où il n'y avait qu'un seul langage (en gros), pourquoi vouloir créer un traducteur ? Au moins, je savais en quoi cet engin était révolutionnaire, mais je ne voyais pas comment des méchants diaboliques pouvaient l'utiliser. Ils ne pouvaient tout de même pas donner plusieurs langages aux créatures de Dreamland, non ? A l'instar de Dieu qui s'amusa à détruire copieusement la tour de Babel avec un gourdin de bonnes pensées. Nop, ça ressemblait à un vrai traducteur. Je savais à plusieurs reprises que Fino connaissait assez bien le monde réel pour en faire quelques allusions. Mais comment le phoque voulait-il se servir d'un foutu traducteur ? Je n'en avais aucune idée. Typiquement le genre de découvertes qui soulevait plus de questions qu'il n'en résolvait. La barbe, encore de l'interrogation ! Perry contacta le vieux militaire, et je lui appris tout ce qu'on avait vu. Il annonça derechef qu'il nous envoyait une bande de spécialistes pour nous aider. Je rompis la communication avec un soupir de soulagement, et en profitai pour remercier le Coon. Finalement, aussi stupide soit-il, il nous avait permis d'éclaircir cette affaire. Enfin, d'avancer dans nos investigations. C'était vraiment étrange qu'il nous soit tombés du ciel comme ça. Mais on arriverait bien à le faire parler. Une étincelle d'optimisme s'alluma en moi. Peut-être que finalement, j'arriverai à mettre un terme à cette enquête.

Puis il y eut un bruit de tôles rouillées qui grincèrent l'une contre l'autre. Le bâtiment rendit un son déglingué, et de la poussière tomba du plafond. Quelque chose avait bougé. Quelque chose de vraiment énorme et qui sentait bon la panade. Le Coon jeta un œil dans le hangar principal et revint me voir avec l'air aussi sérieux que d'habitude.


« C'est le robot géant, c'est ça ?
_ Yep. Il arrive. »


Perry avait déjà envoyé des photographies des plans à son supérieur et s'approcha de la porte. Puis, il y eut de lourds bruits de pas, s'approchant vers nous. Et soudainement, une main robotisée percuta violemment les parois qui nous séparaient lui et nous en faisant voler les briques. Des pans de mur s'écrasèrent au milieu de la pièce, et une explosion de plâtre percuta mes narines, me faisant violemment tousser. Une énorme pince apparut au milieu de la pièce, et je pus voir le robot, le hublot rouge et son bras dirigé vers nous. Son second bras fit un large balayage qui détruisit les murs aux alentours pour tenter de nous toucher. Nous trois se jetâmes à terre pour éviter le bras télescopique nous écrase contre la cloison. Je me relevai rapidement, pris l'ornithorynque et le garçon qui se mit à gémir sous les bras et profitai de l'angle mort du membre du robot pour foncer vers la pièce principale. Une pince claqua dans mon dos, et il n'en fallut que de peu pour qu'elle m'arracha la tête, tout comme un raisin bien mûr. Je fonçai au milieu de la grande salle, le robot sur mes talons. Il y eut soudainement un « PSHHHHHIIIIIiiiiit » qui me fit me retourner. Un énorme lance-missiles était apparu de son épaule, et six têtes explosives se chevauchaient symétriquement. Je n'eus pas le temps d'activer un portail que les missiles sortirent de leur canon dans un bruit d'enfer, et commencèrent à voler partout, toutes dents (?) dehors dans l'entrepôt. Aucune n'avait gardé la ligne droite. Il y eut des bruits de fusée partout, et j'avais l'impression que trois des missiles m'avaient sifflé à l'oreille avant de remonter, ou de s'écraser contre le mur. Il y eut des bruits d'explosion partout, et une onde de choc surprise m'expulsa dans le dos. Je lâchai mes deux paquets qui rebondirent sur le terrain. Mes oreilles dansaient la samba sur du silence rythmé, et je rampai sur le sol vers mes deux compagnons. Une pince s'approcha dangereusement de moi. Je réalisai un portail sous mon torse, pour chuter dans le vide, près de Perry et du Coon. La pince écrasa le béton de sol avec un bruit de rouage insatisfait. Mon cœur battait la chamade comme des tambours de guerre annonçant la fuite, mais mon cerveau réussit à ne pas se laisser déborder par l'émotion pour entreprendre des actions raisonnées.

Il y eut une autre explosion sur le toit, qui fit s'envoler la charpente en miettes. Puis une autre encore qui détruisit un mur. Dès que je repris le gamin à moitié inconscient sur les bras et que Perry s'était redressé, le robot avait sorti une immense télécommande rouge d'un revêtement de son armure, et avait appuyé dessus sans ménagement. Je voulus m'enfuir une énième fois quand des explosions simultanées aux quatre coins du bâtiment provoquèrent un immense séisme et fissurèrent dangereusement les murs. Le robot s'échappa en sprintant tout droit. Il traversa le mur comme du beurre, laissant une empreinte de son passage. Il y eut une autre salves d'explosions puissantes, et l'entrepôt s'écroula sur lui-même, n'en pouvant plus. Les murs volèrent en éclat et se laissèrent tomber dans la rue, le toit s'écrasa sur lui-même dans un effondrement terrifiant et assourdissant et le sol se fissurait sous les impacts de lourds débris et des déflagrations. Je réalisai une autre paire de portails, et fonçai à l'intérieur, Perry sur mes talons. Au lieu de se retrouver sous la menace de dizaines de tonnes de briques, de bétons et de fumée, on était sur le toit d'un bâtiment voisin, à l'abri. De notre nouveau promontoire, on put voir le bâtiment imploser sur lui-même, délivrant au ciel une fumée noire et des flammes éphémères.

Je voulus tourner la tête pour essayer de savoir où était le robot, mais il n'y avait plus rien. Pas un chat. Et le robot n'avait laissé aucune empreinte sur le goudron. Il s'était juste... enfui. Disparu. Certainement dans un autre hangar. Je frappai du poing sur le toit, en constatant les dégâts. Bon, on avait appris tout ce qu'on pouvait apprendre, mais les ennemis avaient réussi à garder leur coup d'avance malgré nos recherches. Le robot était allé se réfugier dans un autre coin, et nous laissait sur place. Seul avec le bâtiment qui n'en finissait pas de se détruire. Quelques personnes mal rasées sortirent leur tête de leur lucarne pour constater les raisons d'un tel soubresaut terrestre. Mais personne ne vint combattre l'incendie, ni voir si des personnes avaient été blessé. Je me sentis très seul sur mon toit.

Une demi-heure plus tard, j'étais dans une limousine qu'avaient dépêché les services spéciaux pour moi et Perry. J'y avais fait entrer sans ménagement le petit raton-laveur. Maintenant, il faisait la gueule sur un siège, et un écran de télé s'était allumé, avec l'éternel visage du chef de la section. Ses hommes étaient en train de maîtriser comme ils le pouvaient l'incendie tout en essayant de constater les réels dégâts. Mais rien n'était récupérable. Les machines avaient toutes péri sous la destruction totale. Il ne restait que les documents que Perry avait photographié. Le militaire prit la parole, tandis qu'on revenait sereinement vers le base :


« Donc, le robot a détruit la base lui-même, avant de s'enfuir vers un autre endroit, mais personne ne sait où. Je pense qu'il est inutile de chercher des témoins, ça n'existe pas dans ce quartier. Sinon... j'ai du mal à comprendre le pourquoi du traducteur.
_ Moi non plus »
, dis-je, adossé à mon siège. J'avais passé une dizaine de minutes à lui expliquer en quoi consistait un traducteur, mais il n'avait aucune idée de l'utilisation qu'on pourrait en faire à Dreamland. Je continuai :
« En tout cas, on a frappé à la bonne porte, grâce à ce môme. Il ne nous dit pas tout et je pense qu'un petit tour à la base s'impose pour lui.
_ Va te faire voir, enflure.
_ Ce dont on peut être sûr, c'est que cet objet est la clef de leur plan. Sinon, ils n'auraient pas cherché à l'inventer, et poser des explosifs pour faire s'autodétruire un bâtiment. Je pense même qu'ils ont réussi à la fabriquer, raison pour laquelle ils ont emporté leur plan avec eux, ainsi que le produit de leur machination.
_ Oui. De plus, nous avons fait des recherches. Tous les gens qui avaient fourni Yuri en objets ces dix derniers jours sont morts, après la visite du Voyageur. Il n'y a pas de morgue dans ce quartier, donc on ne l'a pas su plutôt. Mais bref, il semblerait que dès que Yuri avait les composants demandés aux personnes, il les abattait. Ils ne veulent laisser aucune trace derrière eux. On a récupéré les lettres de demande qu'il leur avait envoyé.
_ Et pour Yuri, vous êtes allés voir chez lui ?
_ Tout a été emporté. Plus de porte dorée, plus de documents, plus de Yuri. Dès qu'il a été découvert, ils l'ont tout simplement transféré. Exactement comme le robot. Par contre, nous avons trois fournisseurs dont on ignore leur état, faute de temps. Il faudra aller voir par vous-même afin de compléter le dossier. Vous irez les trouver la nuit suivante pour savoir ce qu'il en est.
_ Vous ne pouvez pas le faire vous-même ? Pendant mon absence ?
_ Trop dangereux malheureusement. S'ils ne sont pas morts parce qu'ils sont alliés à l'organisation, vous serez en première ligne. Vous êtes notre élément le plus...costaud. »


Je ne savais pas vraiment penser de tout ça. Dès qu'on s'approchait, les réponses s'envolaient en morceaux. Autant battre de l'eau avec une épée. Il y avait trop de peu de monde dans leur agence, et encore moins de monde puissant. Si j'étais leur seul et unique moyen de mettre l'organisation en péril, on avait du souci à se faire. Yuri n'était pas un comédien, et il avait au moins un robot géant derrière lui. Un robot géant rempli de missiles. Puis s'il n'y avait que le côté combat qui pêchait... Dans une ville du monde réel, il était beaucoup plus simple de faire des enquêtes, vu que toutes les informations de la ville étaient consignées dans des documents, informatiques ou pas. On aurait pu avoir des adresses, des numéros de téléphone, le lieu et la date de mort des individus, etc. Dans Dreamland, on avait le droit à des robots géants dans un hangar qui explosaient les quartiers et réussissaient quand même à se cacher. Les truands ne dévoilaient pas leurs informations aussi facilement, et s'amusaient à nous cracher dessus. Dans ces conditions, il était vraiment difficile de faire autre chose que de tâtonner au hasard. La nuit n'avait pas été aussi mauvaise, pourtant, on avait avancé d'un pas. Ce qui était frustrant, c'était que le second n'allait pas venir de sitôt. Le problème n'était pas tant de savoir qui avait fait tout ça, mais de dénicher ce qu'ils préparaient. Et donc de les retrouver. Je regardais par derrière la vitre le soleil qui revenait, signe qu'on était revenus dans le quartier bienveillant de la ville. Dès que je voyais un building, je m'imaginais qu'il y avait un autre robot géant caché à l'intérieur, prêt à sortir pour envahir le monde sous des traducteurs.
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyVen 27 Mai 2011 - 17:09
Une nouvelle nuit se levait, et j'étais avec Perry dans le quartier sombre de la ville. La scène ne m'était pas inconnue, mais les enquêteurs se devaient de faire des allers-retours n'importe où, n'importe quand. On nous avait refilé les adresses des trois fournisseurs de Yuri dont on méconnaissait l'état. D'autres cadavres ? Ou alors des miraculés ? Ou bien encore des ennemis ? C'était à nous de le découvrir, mais même si on avait trois os dans la gamelle, il me semblait qu'il n'y avait rien à becqueter dessus. Puis, le boulot était assez ennuyeux. Ça serait de la balade, et de la balade. Mettons-nous en route Perry, il ne reste pas une semaine. Nous prîmes la direction de vieux quartiers pour aller voir un certain... Docteur Denfer. Aïe. Qu'est-ce qu'il foutait là, lui ? C'était normal que des personnages de film aillent au quartier des personnages de dessins animés ? Ils étaient déjà assez nombreux que ça, pas besoin d'en rajouter. La nuit était couchée, mais les lampadaires éclairaient suffisamment bien la rue pour ne pas plisser les yeux. Les pavés étaient glaciales par contre ; je les sentais par-dessous mes semelles. Ça devait être une sorte de quartier riche pour malfrats. Très élégant, j'étais ravi de savoir que les connards les plus diaboliques avaient un peu de réputation parmi leurs semblables. Vingt minutes plus tard, nous nous arrêtâmes bientôt devant une maison peinte par un artiste dingo des années 70. Toute la surface était recouverte d'une peinture jaune, et quelques cercles ronds colorés desservaient le mal de crâne engendré. Je passai par la petite porte verte de la barrière qui délimitait le jardin, et appuyai sur la sonnette. Pour ajouter encore plus de suspense, il n'y avait personne qui me répondit. Je levai les épaules devant Perry, et commençai à ré appuyer de nouveau avec plus d'emphase. Toujours personne. Pas un son. Je frappai à la porte bien inutilement. Alors, mort ou pas mort ? Réponds connard, je vais pas y passer la nuit !

« Y a personne … ? Y a vraiment personne ? Y a vraiment personne dans cette foutu baraque ?! »

Le silence répondit. Agacé, je commençais à tourner la poignée. Qui s'ouvrit directement. Je la lâchais et la porte bascula toute seule dans un grincement. Le hall d'entrée, un escalier direct. Je m'avançai, Perry sur mes talons. Je tournai à gauche, vers le salon. La vision fut si grotesque que j'eus un rire jaune. Docteur Denfer était bien là, allongé sur le sol, pâle, avec son petit doigt que quelqu'un avait trouvé amusant de prendre pour lui faire traverser l'œil droit. Ce quelqu'un était vachement ironique. Bon, on était fixés : le docteur diabolique avait rendu l'âme dans un gag de répétition. Perry envoya directement les photos au supérieur, qui nous annonça qu'il allait envoyer une équipe de spécialistes pour essayer de trouver des indices. Si c'était la même équipe qui s'était occupée des autres fournisseurs en faisant choux blanc à chaque fois, ce n'était pas la peine. Perry et moi partions ainsi de la maison pour notre prochaine très probable victime. Vachement formel ici. Déjà, on n'avait pas de voiture (il paraît que la base n'en avait qu'une seule ; les agent faisaient toute leur mission à pied), et dès qu'on signalait un crime, on partait en chercher d'autres en laissant la baraque à la portée de tous. Il n'y avait eu aucune mouche près du Docteur Denfer, à croire qu'un cadavre de personnage de dessin animé n'attirait pas les insectes. Ni la décomposition.

Notre prochain gus était... le docteur Octopus. Génialissime, j'avais toujours eu envie de savoir ce que ça faisait de rencontrer un gars qui ressemblait à un poulpe. En tout ironie, évidemment. Curieusement, la nuit sur le quartier des vilains commença à disparaître pour laisser place à un temps radieux. Certes, on avait eu une bonne demi-heure de marche, mais on n'était pas dans le quartier des gentils gens. Les maisons étaient toujours aussi moches, aussi défoncées. Je ne savais pas que des rayons du soleil au zénith avaient déjà frappé ce foutu quartier. On s'avançait, et je remis mes lunettes de soleil sur mon crâne. Ça faisait très inspecteur américain. Dommage que le panneau de signalisation accroché à mon dos gâchait le tout. Quelques personnes nous sifflèrent, faute à un feutre d'ornithorynque qui voulait tout dire, mais personne ne s'approcha trop près de nous (trop près de nous voulant ici signifier, à portée de panneau). Et puis enfin, nous arrivâmes à la baraque d'Octopus. Et tandis que je m'attendais à retrouver une scène de crime, et que Perry pourrait démontrer une seconde fois l'ampleur de ses manies nécrophiles avec ses flashs, je fus totalement surpris de voir qu'un homme avec quatre bras télescopiques dans son dos était en train de jardiner tranquillement. C'était le méchant diabolique tiré d'une des séries sur Spiderman, et pas celui du film. Il était dans son jardin avec un chapeau de paille, en train d'arroser une fleur tandis que ses pinces s'occupaient à des tâches au moins aussi intéressantes, comme découper un bonsaï, s'occuper de la haie, passer la tondeuse et planter des graines. Le résultat était peut-être fouillé, mais restait totalement stupide. Merde, qui aurait pu se douter que l'un des pires ennemis de Spiderman fut un adepte du jardinage ?! Je pus même voir, posé sur une ravissante petite table en bois à une terrasse, le livre qui expliquait tout sur « Jardiner Feng-Shui ». Il venait de briser mes illusions en... deux, trois secondes. Merci, connard de merde. Je m'approchais de la barrière qui nous séparait. Je pus en profiter pour constater qu'il avait une maison très charmante, même si sa porte d'entrée était couverte d'éraflures. Les pinces dans le dos n'étaient peut-être pas l'invention la plus confortable qui soit. Je m'éclaircis la gorge, tandis que Perry indiquait à son supérieur (très certainement par mail), que le docteur Octopus était en vie. Sur une pancarte dorée accrochée à sa boîte aux lettres, il y avait marqué qu'il était un marchand d'objets spécialiste en haute technologie et autres accessoires pour super vilains. Je fis enfin :


« Bonjour Docteur. » L'être bionique se retourna vers moi avec un air surpris, juste avant de le transformer en sourire rayonnant.
_ Bonjour. Puis-je vous aider ?
_ Tout à fait. Je cherche des réponses. Avez-vous récemment fourni des objets à un certain Yuri ?
_ Vous y allez vite »
, me répondit-il sans se départir de son sourire tandis qu'une de ses pinces lui remettait les lunettes de soleil en place. « Effectivement, je lui ai fourni quelques câbles électriques. Mais je vous en prie, entrez. »

Bah, puisqu'il insistait... Perry me confirma que c'était le bon Octopus en me montrant la tête du bonhomme sur sa montre gadget, avec son adresse. Tant mieux. Yuri aurait très certainement pu tuer ce docteur Octopus, pour le remplacer par un autre (il y en avait au moins trois différents, sans compter celui du film). Pour une raison que j'ignorais, certes, mais si je n'étais pas très intelligent, il fallait au moins que j'essayais de compenser en prenant en compte le plus d'hypothèses possibles. Les deux agents que nous étions traversâmes son jardin avant de rentrer chez lui. Il y avait des éraflures partout, ainsi qu'un miroir brisé dans le hall. Bah, je compatissais, je savais ce que c'était de se trimballer avec un énorme truc dans le dos (attention, cette phrase peut être sortie de son contexte). Nous nous assîmes tous les deux à la table tandis que le vil savant nous demanda si nous voulions du sucre dans notre café. Perry en demanda zéro, mais j'en demandai deux. Je détestais le café malheureusement, mais il serait impoli et mauvais pour mon image de demander s'il avait de la Kro dans son frigo. Cinq minutes plus tard, il revint avec trois tasses amères qu'il posa sur la table. Décidément, c'était un type plutôt charmant pour un méchant. Je le lui fis remarquer. Il me répondit après un petit rire :

« Ah, vous savez, c'est de plus en plus difficile la profession de méchants diaboliques. Mais sinon, vos questions ?
_ Ouais, vous avez fourni du matériel à Yuri récemment. Vous a-t-il parlé ?
_ Non, pas du tout. Il m'avait plutôt envoyé une lettre lui disant de lui envoyer quelques matériaux. Vu que c'était un bon ami, et que je reconnaissais son écriture ainsi que son adresse, je lui ai envoyé les composants qu'il m'avait demandé.
_ Ça faisait combien de temps que vous ne l'aviez pas vu ?
_ Deux bons mois pour être précis.
_ C'était la première fois qu'il vous demandait des matériaux ?
_ Bien sûr que non ! Surtout pas. Nous, les savants fous, nous avons besoin de beaucoup de composants pour nos... inventions. Dès que quelqu'un veut construire une machine sortant plus ou moins de la légalité, je peux vous dire qu'il y en a une dizaine au moins qui est prévenue.
_ Vous me dîtes ça cash ? Alors que je suis flic ?
_ Ça vous avancerait à quoi de le savoir ? »
me demanda-t-il en s'avançant au-dessus de la table, avec un air plus sérieux que d'habitude. Puis, il se redressa et fit d'un ton plus sympathique : « Je m'étonne même que vous l'ignoriez.
_ Mais vous auriez pu ignorer le fait que je savais que vous saviez.
_ Oh, mais je sais que vous savez que je sais ce que vous savez, ne m'ignorez pas.
_ Sinon, c'est normal que Yuri vous ai demandé des composants par message interposé sans venir vous voir ?
_ Bah, pas tellement vous savez. Je n'ai pas cherché à comprendre. D'autres le font bien. Généralement, il commande par lettre et vient chercher directement à la maison à une date fixée. Malheureusement, je n'ai pas réussi à lui fournir toutes les pièces dont il avait besoin. Il s'en tirera, c'est toujours comme ça. »


Je reposai mon café après une gorgée. Je sentais qu'il était bien préparé, mais n'avais pas le palais nécessaire pour en profiter comme il se devait. Perry n'avait pas touché à son café, trop absorbé par un point invisible situé entre moi et le Docteur. Bon, en tout cas, Yuri n'était pas allé demander directement au docteur Octopus. Et je croyais même savoir pourquoi. Le docteur Octopus n'avait pas l'air aussi inoffensif que le docteur Denfer. Allez affronter un gars avec des tentacules en titane, c'était aller au-devant de sa mort. Au lieu de lui envoyer une lettre lui demandant de préparer tels matériaux qu'il irait rechercher deux jours plus tard, il lui avait écrit de les lui renvoyer par colis. Ainsi, pas de contact physique qui aurait permis au Doc de voir les yeux de son ami. Bref, c'était le seul ici qui avait survécu car les méchants ne s'étaient pas sentis de taille face à lui. Bon dieu de merde, ils avaient une limite. Ça me faisait chaud au cœur de l'apprendre. Je pris une autre gorgée de ma tasse, remerciant le sucre de calmer le goût trop âcre du liquide noirâtre. Docteur Octopus partit en arrière, regarda le plafond avec un air triste et me demanda pourquoi toutes ces questions. Je lui répondis dans la mesure du possible, sans le mettre au courant de notre avancée dans l'enquête (enfin, avancée...), ni lui révéler des détails compromettant portant sur d'autres personnes. Il sirota son café avec délice. A l'aise, je me permis de sortir un :

« Ils font vraiment chier, ces types qui inventent des plans diaboliques. Sans vouloir vous vexer Docteur.
_ Vous savez, c'est une époque très dur pour les scientifiques fous. Ils ont presque tous disparus, leur influence s'est tarie. Nous disparaissons petit à petit pour laisser place à des... banquiers et autres comptables. Vous les humains, vous vous tournez de plus en plus vers les démons que vous détestez, mais chérissez. Ce sont les hommes qui ont du pouvoir les méchants d'aujourd'hui. Nous, on peut bien crever. Et les criminels que vous nous sortez... ils n'ont plus aucune classe, ils sont ancrés dans la réalité. Dîtes-moi à quoi vous sert votre imagination, si c'est pour rester en terrain connu ?
_ Oui, je suis outré aussi.
_ Avant, vous saviez ce que je faisais ? A la bonne époque, où les méchants diaboliques riaient en chœur dans des salons, où chacun présentait son futur plan machiavélique sur un vulgaire Power Point, rempli d'extase et d'excitation ?
_ Vous braquiez des banques ?
_ Je vendais des chats blancs ! Oui, je vendais des chats blancs. Chaque super méchant ne rêvait que d'une chose, c'était de pouvoir se retourner derrière leur bureau, assis sur une chaise, vers son Némésis de lumière tout en caressant le chat sur ses genoux. J'en connais qui ont pleuré d'avoir réussi à réaliser cette scène, d'autres qui ont dit aux héros qu'ils avaient juste planifié tout une organisation terroriste pour en arriver à ce résultat, et présentés leur poignet pour qu'on les arrête. C'était une époque où les méchants avaient de la classe, de l'honneur. Maintenant...
_ Voyons, les super vilains ne sont pas encore morts.
_ Ce sont des objets de dérision ! Regardez Gru ! Regardez Megamind ! Nous sommes si bien passés d'époque qu'on sort des films parodiques sur nous. Et ces sales hypocrites simili-comiques vivent dans les plus hauts buildings de Hollywood Dream Boulevard, sirotant du champagne avec un plateau d'olives. Les vrais super vilains sont terminés. Je suis vraiment désolé, mais si une bande de savants fous était là à comploter... je ne serais pas forcément contre.
_ Je vous comprends tout à fait. Mais il est temps pour nous de partir. Merci beaucoup pour le café. Il était délicieux. »


On se leva tous les trois, et le Doc nous accompagna jusqu'à la sortie. Puis une de ses tentacules nous fit un geste d'adieu, avant de repasser à la tonte de la pelouse. Un brave type ce Doc. Son échelle de morale était totalement inversée à la mienne, mais il ne semblait pas être un crétin. Perry et moi nous dirigeâmes maintenant vers le troisième larron. La rencontre avait été peut-être agréable, mais les informations avaient été pauvres. Je fus néanmoins soulagé de savoir qu'il y avait un survivant. Plus que le troisième gars et... et on pourrait tranquillement rentrer au bercail. Sans rien à foutre. Quoique, j'aimerais bien interroger le gamin moi-même. J'avais une tonne de questions à lui poser, et encore plus de coups de poing à lui envoyer. Il était temps qu'il arrête de me prendre pour une buse. Prochaine adresse à rentrer dans le GPS de Perry. Bordel, il me fallait une montre comme ça aussi ! Ou au moins des gadgets. Je ne savais pas quoi... Il était scientifiquement prouvé que chaque gadget qu'on donnait à James Bond servait au moins une fois lors de l'enquête, même si celui-ci se révélait être un tue-mouche en plastique pliable (dont il se servira trente minutes plus tard en l'enfonçant dans le nez d'un terroriste). Peut-être que si on me donnait des gadgets, je réussirai à tous les utiliser jusqu'à l'achèvement de ma mission. Je ruminai l'injustice tandis que la nuit reprenait son terrain habituel dans le ciel. C'était le crépuscule quand on arriva à la maison de... Rasputine. Certainement celui d'Anastasias, la « pâle copie de Disney avec un gros budget », avis que je ne partageais pas. A ce que disait son écriteau, il fournissait les objets les plus noirs, les plus vils, les plus insolites (ainsi que des pansements). Sa maison était une sorte de grande cabane en bois dépareillée qui aurait subi plus de cataclysmes qu'à son tour. Certainement à l'image de son propriétaire.

Je m'avançais dans le petit jardin, et me mis à sonner à la porte. Aucune réponse. Je refis exactement le même manège que pour la maison du Docteur Denfer. Et comme pour la maison du premier gars, je fis irruption dans le hall sans me soucier du manque total de réponse. La maison n'était pas grande, ça ne serait pas compliqué d'en faire le tour. Perry prit à droite, et je montai à l'étage. Il y avait trois petites salles, très noires, très vides. Il ne devait pas y aller souvent à son étage. J'avisai une trappe dans le plafond. Il y avait un grenier à cette maison. J'utilisai une paire de portail pour me déplacer à trois mètres au-dessus de moi. Je fus plongé dans le noir total, sans rien d'autre pour m'éclairer que la lueur de la Lune depuis la lucarne. Mes yeux s'habituèrent doucement au noir, mais je ne voyais rien. Il y avait pas mal d'objets inutiles, des vieux chiffons qui prenaient la poussière, et quelques souries qui me firent tressauter rien qu'en les entendant se déplacer. Je descendis en bas avec la même paire de portails, et revint au rez-de-chaussée. Perry m'attendait. Il me fit un signe du doigt pour m'indiquer que je devais le suivre, ce que je fis. Il avait certainement trouvé Raspoutine. On traversa un salon, jusqu'à une toute petite porte. Je l'ouvris. La salle était aussi minuscule que la porte qui la desservait. Elle sentait le renfermé. Une cave à vins. Quoi, Perry ? Tu voulais profiter de ta position pour t'en vider une ? Je fis moins le malin quand je vis une forme dans un coin. Le cadavre de Raspoutine ? C'était accroupi, front posé contre le mur. Et les épaules se haussaient, et se rabaissaient. Pas de cadavre, seulement Raspoutine. Non, seulement Raspoutine qui était en train de... chialer comme un gamin. Je le pris par l'épaule, et l'homme se mit à sauter de peur, puis à hurler comme un dément. Je tentai de l'arrêter en essayant toute sorte de « Chut » et autres petit « Silence, je suis un ami ». Raspoutine se calma soudainement quand sa gorge n'en put plus. Il me regardait avec des yeux de fous. Je me souvenais effectivement de cette tronche : celle d'un squelette à qui on aurait donné une peau sombre, ainsi que de longs cheveux. Et une longue bure marron. Ses yeux étaient explosés, apparemment. Sa face était rougie de larmes, et sa tête ressemblait à celle du punching-ball de Superman. D'ailleurs, même son corps semblait... abîmé. Ses bras étaient tordus, ses jambes offraient une nouvelle vision de l'angle que pouvait adopter une anatomie humaine et du sang maculait toute sa tunique. Je lui dis qu'on était des amis, et qu'on ne lui ferait pas de mal. Il se mit directement à glapir :


« OH PITIEEE !!! Oh pitié, oh pitié, oh pitié. Il était là.
_ Qui ça, « il » ?
_ Lui ! Le... oh, ses yeux... Pitié...
_ Yuri ?
_ Oui ! Ses yeux... Il m'a agressé.
_ Vous lui aviez fourni quelque chose en mains propres, et il commencé à vous attaquer ?
_ Il a voulu me tuer. Mais je suis immortel ! Il a tenté de me tuer pendant trois heures ! Trois heures où j'ai... RAAAH !!! Pitié... Oooohh, pitié... »


D'accord, Yuri avait essayé de le tuer mais il était toujours plus facile de mettre à terre un gars qui n'était pas immortel. Trois heures ? C'était bien la preuve que Yuri était sous l'influence de la lampe magique. Le pauvre, il a été violenté pendant pas mal de temps. Même un sadomasochiste se serait lassé. Pas étrange que le pauvre gars ait été traumatisé. Et hop, un autre rapport à monsieur le militaire qui adorait se montrer à travers des écrans. Ce troisième cas était différent : on allait l'emporter à la base pour qu'il nous raconte le plus de choses possible, après un soutien psychologique. Mais à part relater la scène de son passage à tabac, il sera impossible d'en tirer quelque chose. Je m'approchai du cadran qui montrait que le supérieur était sur la scène du crime du Docteur Denfer, avec une foule impressionnante de personnes dans le salon qui se penchaient sur le cadavre.

« Ce sont qui, eux ?
_ Ce sont les meilleurs détectives du Royaume. Ils peuvent trouver n'importe quel meurtrier avec une rognure d'ongle. Nous avons les Experts à Hollyood Dream Boulevard, NCIS : Enquête très spéciale, Figur3 ainsi que Esprits Tordus. Et encore d'autres. Mais leur technologie de pointe a beaucoup de mal sur un corps de personnage de dessin animé. »
Il y avait un tel gratin que j'avais peur pour le cadavre. Je pouvais entendre distinctement parmi leur tintamarre :
« Bon sang, je crois que ce type, d'après l'examen sanguin, était chauve ! Mais la balistique contredit ce résultat.
_ Vous voyez ce doigt ? Vous pensez pas plutôt que ça serait un suicide, que le Docteur voulait faire sa singerie habituelle, et qu'il aurait ripé et se serait tué sur le coup ?
_ Très intéressant. On a aussi retrouvé son Mini Lui étouffé dans un pot de géranium.
_ Une dispute de couple ? Ils se seraient entretués ?
_ Tais-toi le Bleu ! Laisse-faire les pros et rentre dans ton pays à fromages ! »
Le colonel soupira très lentement en entendant ce qu'ils disaient. D'accord, peut-être qu'il faudrait laisser cette affaire entre des mains qui ne demandaient pas d'examen urinaire. Une blonde en tailleur s'approcha d'ailleurs du pauvre militaire pour lui dire que c'était intolérable et qu'elle ne s'occupait que des enquêtes oubliées depuis au minimum une décennie. Le pauvre bafouilla et mit fin à l'appel. Bah, Perry, il était temps de rentrer à la base.

Une heure plus tard, je pus accrocher ma veste au porte-manteau avec un soupir fatigué. Bordel, quelle journée chiante. Dans le sens où les plusieurs pistes nous ont été fermés les unes après les autres. C'était la première fois que je rentrais dans les locaux administratifs (et publics) de l'agence. Il y avait un bureau minable devant la porte derrière lequel se traînait un pauvre homme au cerveau bousillé par la comptabilité et les clients trop stupides. Les murs étaient blanc en-dessous et vert pâle au-dessus, donnant à l'ensemble un air aussi guilleret qu'un clown qui ferait la gueule. Il y avait un couloir vers la gauche, qui donnait sur les bureaux des autres agents, et le local des balayeurs (si vous appuyiez sur un bouton derrière un sceau bleu, vous activiez l'escalier qui menait à la base du sous-sol par lequel j'étais arrivé la première fois). Si on revenait au hall, et qu'on prenait le couloir qui longeait à droite, on tombait directement sur quelques cellules de prison, jamais occupées d'habitude, en ligne et sur les deux murs. Et enfin, si on revenait une nouvelle fois dans la salle de réception et qu'on allait tout droit, on se heurtait à une porte avec une étoile. C'étaient les bureaux du chef, dans lesquels seul lui pouvait aller, et où il se planquait pour nous donner des instructions. Il y avait aussi une salle de bain dans ces locaux, raison pour laquelle je l'avais vu en peignoir l'autre jour. Personne ne l'avait vu quitter la base. Une porte derrière les bureaux des simples fonctionnaires amenait au parking, malheureusement constitué de la seule limousine dans laquelle j'avais traîné la nuit dernière, après l'épisode du robot. Mais heureusement, j'avais mon super casse-croûte qui m'attendait. Il était temps d'aller voir le Coon, qu'on avait confortablement installé dans une cellule avec une gamelle de croquettes pour chiens. Les gens d'ici étaient soit très crétins, soit très méchants, soit très ironiques. Mais le Coon ne partageait pas leur sens de l'humour. Il puait à cinquante mètres, et abordait une mine furieuse. Je lui fis un petit coucou qu'il me rendit d'une insulte lancée à la cantonade. Toujours aussi sympa ce mec. Derrière moi, des agents étaient venus récupérer Raspoutine et essayaient de le calmer tout en le mettant dans une cellule, mitoyenne de celle du Docteur Doofenshmirtz. Mon super héros préféré en profita pour me balancer :

« Alors, connard de merde, on veut arrêter toute la ville ?
_ Et elle restera en taule tant que tu ne m'auras pas dit tout ce que tu sais.
_ On était associés ! Tu avais dit qu'on coopérerait !
_ Je te trouve bien insolent pour un gamin qui ne veut rien me dire. J'avais accepté de coopérer, et tu m'as juste amené à une base. On continuera la coopération quand tu me parleras. Là, je pourrais te prendre pour un véritable associé, et je te ferais direct sortir de taule.
_ Va te faire, je sais rien !
_ Ooh, il va m'énerver. C'est simple. Pourquoi tu ne veux rien dire ?
_ Parce que je suis derrière les barreaux. Et parce que je ne sais rien de plus. Je m'introduisais dans les repères des méchants, et j'y ai découvert plusieurs trucs, comme ça.
_ Continue. Comment tu savais que c'était l'organisation ?
_ Euh... Parce qu'ils étaient plusieurs dans le hangar. Plusieurs méchants fous ensemble, tu peux être sûr que c'est un sale coup. Je peux sortir maintenant ?
_ Tu as vu qui exactement ?
_ Euh... Yuri déjà. Et, euh...
_ Un phoque ?
_ Ouais, c'est ça ! Un phoque ! Un putain de phoque qui fait flipper !
_ Ok, qui d'autre ?
_ Hum... je ne vois vraiment pas... Terrible comme la mémoire a du mal à me revenir...
_ Et bien, je souhaite que ta bouffe soit bonne.
_ Mais non. Eh ! Reviens, connard ! Reviiiiiens ! »


Il se foutait de ma gueule, encore une fois. Pas de pitié pour les sales mômes. Si ça ne tenait qu'à moi, il arrêterait de sourire aussi stupidement et à me balancer des intox. Il avait vu d'autres personnes, c'était sûr. Je pressentais qu'il avait cité Yuri parce qu'il savait que je l'avais vu, et n'avais su répondre de la présence du phoque seulement quand je lui en avais parlé. Bordel, c'était pas si difficile de savoir qu'on avait vu avec un bébé phoque alors que ce n'était même pas un personnage de dessin animé. Quand je revins vers la salle principale, une dame de South Park était en train d'engueuler le pauvre employé de bureau ainsi que l'écran qui présentait le supérieur. Encore une excitée dans ce monde de fous. Génial. J'allais voir ailleurs si j'y étais, mais avant même que je pus traverser la salle, l'employé de bureau se leva, et se dirigea vers les prisons. Il ouvrit la porte du gamin, et sortit ce dernier qui avait un air triomphant, comme s'il venait de détruire un système capitaliste en son entier. Depuis quand on relâchait ce gamin ? Il faisait tout pour nous mettre des bâtons dans les roues, et on le libèrait ? La femme se jeta sur le môme (tiens, il avait enlevé son masque ce crétin) et lui fit des petits bisous sur la joue avec une larme de joie.

« Raah, c'est bon, Maman ! On peut virer ?
_ Quant à vous, messieurs les policiers, la prochaine fois que vous jetterez mon fils dans une cellule sans raison, je ferai saisir la cour de Justice !
_ Madame, votre fils connaît certainement des choses importantes qu'il ne veut dévoiler.
_ C'est faux Maman, j'ai tout dit ce que je savais !
_ Voilà ! Merci de votre mesquinerie, messieurs les policiers. La vérité sort de la bouche des enfants.
_ Quand elle veut sortir.
_ Toi, je t'emmerde, et je rentre à ma maison. »


Sur ce, la femme et son gosse repartirent dehors. Dès qu'ils furent hors de portée, je me mis à lâcher un juron. J'en lâchais pas mal ces derniers temps. Comme d'habitude, vous me direz, mais au moins, j'avais de bonnes raisons. Je voulus dire à mon supérieur que je pouvais aller le récupérer plus tard mais il émit une négation. Il avait peut-être tout dit, et cette femme était sérieuse. Elle était amoureusement stupide. On ne pourrait rien faire sans marcher sur des charbons ardents si on l'approchait de nouveau. De plus, on était coincés maintenant. On n'avait plus de solutions. Il était temps de fermer boutique, car l'anguille s'était définitivement échappée. Je m'assieds sur une chaise. Le silence qui s'ensuivit fut tel que je pouvais entendre les pleurs de Raspoutine dans sa cellule. Il ne parvenait qu'à m'énerver, au lieu de m'arracher une pensée de compassion. Il y avait des types sanguinaires qui butaient tout ceux qu'on croisait et on se tournait les pouces. J'allumai un ordinateur sur un bureau en face de moi afin de regarder les photos qu'avait pris Perry. Je voyais le Docteur Denfer dans son costume gris, étalé sur son parquet avec son auriculaire traversant son œil. Est-ce que c'était vraiment Yuri qui avait fait ça ? Je me renseignai et vis que toutes les victimes de Yuri avaient été tabassées à coups de poing. Pas d'armes. Peut-être que devant cette mimique, le cerveau inconscient de Yuri avait agi pour donner ce spectacle mortel. Ou alors, il y avait quelqu'un d'autre qui pouvait planter un doigt dans un œil. Mais qui ? Entre Fino et Yago, je ne voyais pas lequel des deux pouvait réaliser un tel spectacle. Bon, vu que je ne pouvais pas me décider entre Yuri ou pas, c'était bien la preuve que je n'arriverais à rien trouver avec ce faux indice. Ce qui était certain, c'était que Docteur Denfer avait été précipité dans un monde où on l'avait au doigt et à l'œil.

__


Dans la cave, les méchants étaient six. Il y avait une foule de gobelets en plastique utilisés qui jonchaient le sol. Le pire, c'était que le jus de fruit ne manquait toujours pas. Les méchants tiraient tous un peu la tête, essayant de se demander qui pourrait résister le plus longtemps à un enfermement collectif avec du jus de raisin. Rattigan qui n'avait pas supporté l'idée depuis le début, se desséchait à vue d'œil. Disons qu'il ressemblait à un dessin de rat. Ce qu'il était certes, mais un dessin d'un dessin de rat. En gros, il n'avait pas la forme. Il avait essayé de maintenir sa superbe pendant une dizaine d'heures, mais c'étaient des cartouches tirées en pure perte. Il était à moitié mort, contre la table. Plankton et Cortex tentaient de fabriquer des patrons de machine diaboliques avec des gobelets en plastique. L'effet était si ridicule que Fino n'avait pas eu le courage de les détruire. Sinon, les deux cerveaux de la bande s'amusaient à dessiner des plans avec du charbon, se demandant quelle serait la machine la plus efficace pour tuer le plus de personnes dans un laps de temps très court. Cortex proposait d'installer une bombe à l'intérieur qui exploserait quand le temps serait écoulé, afin de maximiser les pertes. Plankton proposait d'y mettre la même sonnerie que celle du marchand de glaces, pour attirer le plus de gogols prévus avant le chronomètre. Yago ayant picoré les dernières cacahuètes, était en train voler un peu partout pour se dégourdir les ailes. Butters, dans son acharnement que possédaient les gens crétins, n'arrêtait pas de demander aux terreurs de le sortir de là. Si les méchants le gardaient ici, c'était pour une bonne raison. Disons que Eric Cartman l'avait déjà capturé auparavant, et que les méchants qui s'étaient installés là avaient compris qu'ils n'étaient pas seuls au moment où un gémissement fut sorti d'un coin de la pièce, juste après qu'ils aient édictés toutes les étapes de leur plan. Tout le monde avait décidé de le garder pour être sûr qu'il n'ameute personne, et parce que Fino trouvait qu'un otage âgé de huit ans, aussi stupide soit-il, était un bon moyen pour se tirer d'affaire si dans le cas totalement improbable, ils étaient découverts. Enfin, façon de parler. Fino supportait le mieux extérieurement cette peine. Il buvait très peu, mais ne criait jamais. Sauf sur Butters. Et sur ceux qui lui parlait. Sinon, il ne déversait pas sa colère, conscient qu'il n'était pas le seul méchant dans cette pièce. Mais il y avait des exceptions :

« Bordel de merde ! Mais où est ce putain d'obèse ? »

Comme pour lui répondre, la porte de la cave s'ouvrit dans un claquement, et Eric passa au travers avec sa mère. Celle-ci lui dit :

« Voilà mon poussin. Maintenant que Maman t'a sauvé des méchants policiers, tu peux aller jouer avec tes petits copains.
_ Merci maman. T'es la meilleure. »
Puis dès que celle-ci partit en fermant la porte : « Ah. Pauvre conne. »

Le joufflu descendit des escaliers avec un sourire propre à lui. Tout le monde émit un grognement de bienvenue. Presque tout le monde était réuni maintenant, excepté ceux qui ne pouvaient pas venir pour des raisons pratiques et évidentes. Fino fut le premier à rompre le silence :

« Alors, connard, tu te touchais ?
_ Va te faire foutre, enculé ! Je dois prévoir plein de trucs, je peux pas être là tout le temps.
_ Pendant que tu te la mesurais, on a perdu un entrepôt.
_ OOOoooh. Tiens donc. Lequel ?
_ Le secondaire. Heureusement, les flics sont tous des incapables. Y a rien à tirer d'eux. Maintenant, ils n'ont plus aucune chance de nous retrouver. C'est déjà beau qu'ils aient réussi à aller jusque là, mais on n'y a été un peu fort. C'est ça le problème des plans machiavéliques. Tout est préparé si minutieusement à l'avance qu'il n'y a aucun défaut, et donc aucun challenge. Faudrait que je me souvienne à laisser quelques indices, juste pour m'amuser. »


Fino était content. L'imprévu ne l'était pas resté longtemps, même si ça concernait ce gros porc de Cartman. Dire qu'il était obligé de coopérer avec ce truc infâme qui ne savait même pas par quel côté péter. De toutes façons, il savait parfaitement que ses pensées étaient réciproques. Cartman ne pouvait pas le blairer. Mais ils espéraient tous deux qu'ils pourraient se supporter l'un l'autre, parce que leur collaboration forcée allait être fructifiée au-delà de leur espérance. Pour tout dire, au-delà de l'espérance de Dreamland entier.

__


Le petit déjeuner était servi. Mon organisme avait réussi à s'adapter rapidement à l'esprit frappeur logique de ma sœur préférée. J'étais devant elle, avec mon bol de corn-flakes posé devant moi. Je mâchais les pétales de maïs sans consistance, tandis que ma sœur tartinait son pain d'une couche de Nutella proprement ahurissante. Cartel, Clem et moi avions trois points communs marquants : le premier était qu'on adorait les chats. Le second était qu'on adorait le Nutella. Le troisième était qu'on pouvait manger des kilos de nourriture dans prendre un seul gramme, défiant ainsi toutes les théories sur la masse. Burritos posé sur une troisième chaise suivait du regard le couteau du pot jusqu'à la tartine. Il lâcha un miaulement. Bon prince, et désireux de gagner son cœur pour ne pas perdre le face devant Cartel, je sortis un pot de crème chantilly et lui en versa sur le dallage. Il fonça lécher la crème tandis que je fermais le petit frigo, rempli à ras bord de victuailles. Je devais avouer que depuis que Cartel s'occupait de la cuisine, mon alimentation était aussi équilibrée que variée. Moi qui ne carburais normalement qu'à la pizza, aux pâtes ou aux croque-monsieur, j'avais eu le droit à un festin. Cartel adorait me faire part de ses talents en cuisine, et faisait tout pour m'accoutumer à de nouvelles recettes. Pour une raison obscure, je refusais ses leçons en lui rappelant chez qui elle créchait. Elle faisait alors une grimace avant de se tourner vers sa casserole bouillante.

La cohabitation était parfaite. C'était tellement simple de pouvoir vivre avec une sœur qui ne cherchait pas à vous démontrer à quel point vous étiez stupides. Un jour, elle avait même réussi à me prouver par a + b que j'adoptais un comportement anti-irrationnel (même pas irrationnel). Elle avait beaucoup d'examens, de lettres de motivation à faire, etc. J'espérais secrètement qu'elle ne trouva aucun job à Montpellier. Enfin, elle en trouverait. Mais j'espérais qu'elle n'en trouverait pas de plus intéressant qu'à Paris. Sinon, il y avait de grandes chances que je refasse mon numéro de portier grognon et anti-rationnel. J'étais ravi de savoir que la femme parfaite existait, et que c'était ma sœur. Mais bon, comme je le disais plus tôt, ses antécédents en couple avaient été aussi catastrophiques que les miens. Au moins, si j'avais eu très peu de filles dans ma vie, je ne les avais pas faites fuir avec des hurlements. Oui, elle avait réussi à faire hurler un garçon, qui s'était ensuite envolé comme par magie. C'était pour ça que j'aimais ma sœur : pour son objectivité à toute épreuve. Elle ne fera jamais son hypocrite à quelqu'un. Mais je savais aussi que c'était très dur pour elle. Cartel s'efforçait de ne pas trop réfléchir pour éviter de trouver la personne en face d'elle complètement stupide, mais elle n'était pas à l'abri de la stigmatisation de la différence. Elle était très appréciée par beaucoup, mais pas par tous. La jalousie... Je n'avais jamais été jaloux d'elle justement. Idem pour Clem, jamais il n'avait voulu l'intelligence de Cartel. Ça allait bien avec son caractère à elle et seulement à elle. Des cartouches de Desert Eagle, elles étaient mieux dans un Desert Eagle. Pas dans un AK-47.

Cette journée suivit exactement le même schéma que les autres : Cartel partait au petit matin, me laissant seul avec une cuisinière farouche, et un emploi du temps désespérément libre. Je comblais ce trou par différentes sorties avec des amis, et des rédactions d'article pour le nouveau printemps. Mon rédacteur en chef me sollicitait pas mal ces derniers temps. Pile quand mes examens arrivaient à grande vitesse. Mais bon, les examens se révisaient toujours la nuit même. C'était beaucoup plus excitant. Réviser un examen sur le long terme et réussir à coup sûr, je laissais ça pour les gens normaux. Et ne pas réviser et réussir à coup sûr, je laissais ça à Cartel. Comme d'habitude, je finissais par rentrer en fin d'après-midi, après avoir bu une modeste 1664 sous pression. Cartel était déjà souvent de retour. Ce ne fut pas l'exception cette journée-ci. Elle était tranquillement en train de pianoter des touches sur son propre ordinateur portable. Elle me fit un sourire pour me souhaiter la bienvenue. Le chat ronronnait autour d'elle comme une vieille deux-chevaux fatiguée. Quand je vis cette quiétude de vivre, les événements et tracas que j'avais vécu ces dernières nuits vinrent me flanquer un coup au moral, et à le mettre KO du premier coup. Fino, le Coon, des robots, des ornithorynques, des mono-sourcils, des êtres humains contrôlés, des lampes magiques, des explosions, et aussi, beaucoup, beaucoup, beaucoup de fatigue. Quand Cartel me demanda un café, je crus voir une pince télescopique surgir de son dos pour m'en proposer une tasse. Je déclinai son geste d'un revers de main. Elle savait parfaitement que je n'aimais pas le café. A tous les coups, elle avait dû acheter un trop gros sachet. Je préférais la dépasser, pour ouvrir me fenêtre et aller au balcon. Là, je sortis un paquet de clopes de ma poche, fraîchement acheté. Il fallait que je fume un peu maintenant. C'était une des rares fois où Dreamland réussissait à avoir ma peau, à avoir une influence dans le monde réel. J'étais vanné maintenant. Dire qu'il faudrait que j'y retourne dans quelques heures. J'avais le cafard. Je me mis la clope au bec, sur mon tout petit balcon, et regardais Montpellier s'ébattre joyeusement en fin de journée. Il faisait très gris, à cause des nuages bleutés qui bloquaient systématiquement tous rayons qui oseraient s'approcher. J'avais les deux bras posés sur la barre de fer. L'air était frais, l'air était morose. J'eus une pointe de surprise quand je vis Cartel s'avancer et adopter la même position que moi, les yeux plongés dans la ville.


« T'as le cafard, Ed. Tu te remets à fumer quand tu as le cafard.
_ Merci Sherlock. Je passe de mauvaises nuits en ce moment.
_ Tu ne supportes pas le canapé ?
_ Naan, c'est pas ça. C'est compliqué. »
C'était le compliqué qui disait qu'extérieurement, la discussion s'arrêtait là et intérieurement, on voulait à tout prix qu'elle redémarre en sautant dessus. Cartel l'avait bien compris. Elle n'avait même pas besoin de réfléchir pour savoir que j'avais envie de parler, comme elle n'avait pas eu besoin de réfléchir en me voyant sortir une cigarette. Je tirai une bouffée et fit tomber la cendre en contrebas.
« Tu sais, la vie est compliquée pour tous. Et elle se complexifiera. Faut s'y habituer rapidement.
_ Je connais qu'une personne qui peut s'habituer aussi vite à des trucs horribles. Tu les assimiles à une vitesse, les nouvelles...
_ Je ne perds pas mon temps à m'attarder sur les choses inutiles. Mais je serai aussi terrifiée que chaque maman lors de la naissance de mon bébé.
_ Bordel, j'aimerais pas être ton enfant. Tu vas traumatiser ton gosse.
_ Mais trop ! Il fera une bêtise, je lui enverrai une de ces claques. Je pense que c'est le bon côté d'être une mère. Manque plus qu'à trouver le père.
_ Oh bordel. Il a intérêt à être soumis, c'est le seul comportement qui pourrait te supporter.
_ Cherche pas, il fera la vaisselle et la cuisine tandis que j'irai ramener de l'argent à la maison. Et toi, quand est-ce que tu te trouveras une gentille fille ?
_ Quand je serai un gentil mec.
_ Je déteste ce défaitisme, d'autant plus que c'est une pirouette.
_ Je suppose que c'était un compliment.
_ Tu vois, c'est facile de réfléchir. Idéalise pas la fille de tes rêves, il y aura toujours des problèmes.
_ Je n'idéalise pas ! Je... réfléchis...
_ Bon, maintenant, je vais préparer la bouffe.
_ Merci Cartel. »


Elle savait aussi comment me remonter le moral. Elle était décidément très forte, pensais-je en jetant ma cigarette quelques étages plus bas. Je ne l'avais pas terminée, mais je n'en avais plus besoin. J'étais déjà moins soucieux que lors de mon arrivée à la maison. C'était peut-être une discussion stupide, mais elle m'avait donné du baume au cœur. Savoir que Cartel restait et resterais la même malgré son futur milliard d'euros, ça me permettait de me dire que la vie continuerait normalement sans trop dériver de son état initial. La fille de mes rêves, hein ? Si la pauvre savait que Dreamland était un nouveau Meetic. J'en avais vu des tonnes de couple qui profitaient de Dreamland pour se revoir, et pour faire ce qu'ils ne pouvaient pas faire, distance oblige. Et puis, des aventures comme on pouvait en vivre dans nos rêves soudaient mieux qu'un nœud de marin. Voire deux. Mais je ne voyais vraiment pas comment attirer une jolie fille dans mes filets enchanteurs avec un panneau de signalisation couvert de sang derrière. Si je la sauvais d'une bande de trolls fous furieux, elle penserait que je suis d'abord venu pour massacrer du monstre, avant de la sauver, vu l'entrain que j'y mettrais.

Allez, hop ! Un dîner vraiment presque parfait, une discussion grivoise ainsi que deux bons films. Ce fut une bonne soirée. De celle qui se déroulait bien, et qui promettait d'autres soirées comme ça. C'était paisible, et c'était exactement ce dont mon cœur avait besoin. Car cette nuit-là, j'allais certainement ne rien faire du tout, et me ronger les ongles au mieux, trouver de nouveaux problèmes rebutants au pire. J'en frémissais d'avance... Je revins dans mon canapé, tirai la couette vers moi. Burritos vint me rejoindre en ronronnant. Je lui fis une petite caresse derrière les oreilles. Jusqu'à ce que Cartel l'appela : il sauta directement de mon lit pour aller rejoindre le grand lit. Ok, j'avais compris, j'allais tranquillement m'endormir sans chercher de noises à personne. Je basculai doucement vers le sommeil, avec la sensation inébranlable que quelque chose de mauvais allait se dérouler cette nuit, et que c'était moi qui allait en prendre plein la gueule.
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyVen 27 Mai 2011 - 23:04
Il fallait avouer que, même si l'enquête patinait comme Bryan à Vancouvers, les agents spéciaux de l'Agence Spéciale ne baissaient pas les bras. Cela ne voulait pas dire qu'ils étaient efficaces, mais ils se donnaient à fond. Ainsi, au lieu d'attendre tranquillement dans le bureau de la base avec un mug stéréotypé à la main, cherchant désespérément une application de Démineurs sur mon ordinateur, on m'envoya avec Perry poser quelques questions, comme d'habitude... Bon, le constat était simple. Quand j'étais arrivé dans la base cette nuit, le vieux militaire m'était soudainement apparu dans un grand écran de télévision afin de m'expliquer les recherches qu'ils avaient faites, et ce qu'ils avaient trouvé. Tous les composants qu'avaient demandé Yuri aux fournisseurs étaient par paires, supposant directement qu'ils voulaient créer plusieurs traducteurs. Cependant, après interrogation du sympathique Docteur Octopus, il s'était avéré qu'il avait fourni trois câbles électriques du type : « Maniacostatic », au lieu des quatre demandés. Bref, il était certain que les super méchants allaient vouloir s'en procurer un autre. A ce que j'avais compris, un câble « Maniacostatic » était rare. C'était un gros câble dont on avait du mal à faire le tour avec la main, et qui permettait d'alimenter des machines avec d'immenses quantités d'énergie. Et le Docteur Octopus ne connaissait qu'un méchant diabolique qui pourrait fournir cela en un temps record : le traître Megamind, devenu super gentil malgré sa mauvaise nature. On m'avait aussi dit que Megamind habitait dans un building en plein centre du quartier des affaires, du côté lumineux. C'était un des hommes les plus puissants de cette ville en gros. Un super méchant devenu business man ? Mon cerveau le répertoria directement comme un suspect potentiel, alignant les deux caractéristiques les plus dangereuses possibles.

Perry et moi étions devant cet immense gratte-ciel, seulement composé de panneaux de verres bleus qui réfléchissaient le ciel comme un diamant gigantesque. Nous pénétrâmes dans le hall d'entrée qui aurait pu accueillir la base en son entier. Le plafond était élevé d'une bonne vingtaine de mètres, et des escaliers permettaient de voir la salle depuis les surplombs. Les lignes étaient épurées et chics. Au fond de cette immense salle, il y avait un bureau qui s'étendait en cercle, avec à l'intérieur et plantée devant son ordinateur, une femme de la trentaine, chignon serré mais sourire discret. Je m'approchai d'elle pour lui annoncer que nous avions un rendez-vous avec Megamind.


« Ah, le directeur », me répondit-elle avec un instant d'hésitation, comme si elle ignorait totalement le nom de son boss. C'était une créature des Rêves normale, qui ne sortait pas d'un dessin animé quelconque. J'en avais déjà croisé et je me demandais quel était l'intérêt pour eux comme pour les personnages de dessins animés de les laisser travailler pour eux. On m'avait répondu que tous les personnages existant avaient besoin de subordonnés ou d'homme autour d'eux pour exercer leur profession. Logique. Mais que quand ceux-ci n'avaient pas été imaginés ou dessinés, il fallait bien ouvrir des emplois, on « n'allait pas en inventer ».

La secrétaire m'expliqua qu'il fallait aller au tout dernier étage, en pointant un ascenseur high-tech du stylo. Je la remerciai avant d'appuyer sur un bouton qui me fit ouvrir les portes de l'appareil sans aucun bruit. Je m'insérai dans l'habitacle qui devait faire dans les vingt mètres carrés, velours au sol et miroir sur les côtés. J'appuyai sur un bouton indiquant le dernier étage, surmonté d'une tête bleue représentant le patron. Les portes se fermèrent dans un silence révolutionnaire, tandis que Perry fixait un des trois murs avec la ferveur d'une statue. Pendant notre montée (je devinai seulement, car rien ne m'indiquait que nous étions en mouvement), le mur en face de la porte se mit à s'ouvrir pour nous laisser placer à une large fenêtre, nous offrant un panorama irrésistible du Royaume de Hollywood Dream Boulevard. Ils avaient pensé à tout, hein ? Parce que les quartiers sombres étaient de l'autre côté de l'immeuble, donc, introuvable depuis notre point de vue. Ça sentait le mégalo complètement space, ce qu'était de toutes façons, la base du personnage de Megamind. Je me souvins que pendant que Perry et moi étions jetés en pâture à un riche qui assumait, d'autres agents étaient en train de surveiller la maison du Docteur Octopus. C'étaient les deux seules personnes qui étaient capables de fournir les câbles spéciaux rapidement. Le mégalo parce qu'il avait été un grand de l'époque, et depuis son changement de chemise, il vendait à bon prix ses anciens produits. Et il en avait un stock conséquent. Le second, parce qu'aussi gentil soit-il, il n'était pas de notre côté et qu'il était réputé pour en construire si le temps faisait défaut. On était scientifiques fous ou on ne l'était pas... Mes yeux se perdaient quelques centaines de mètres en contrebas, dans les rues bourdonnantes de personnages secondaires. Ce n'était pas un peu triste d'en être un ? De n'être destiné qu'à une vie monotone et banale, sans aucune péripétie, à seulement apparaître dans une queue de boulangerie où passerait le héros de l'histoire ? Est-ce qu'ils y réfléchissaient alors ? Est-ce qu'ils s'en souciaient ? Est-ce que quelqu'un ici souhaitait ardemment devenir un héros, endosser les pires responsabilités, travailler gratuitement, afin de se mettre devant les dangers les plus mortels ? A part ce crétin de Coon qui vivait dans un monde bien à lui ? Je mis cinq secondes à remarquer que la porte s'était ouverte derrière moi. Je descendis de l'ascenseur avec l'ornithorynque, et nous traversâmes un petit couloir donnant directement sur le bureau, où une affichette marquait modestement : « Mega Moi ». Je voulus frapper au panneau, mais la porte s'ouvrit d'elle-même, montrant la dentition étincelante ainsi qu'un crâne d'œuf bleu portant une combinaison moulante sertie de diamants. Il était plus grand que ce que à quoi je m'imaginais.

« Vous êtes les inspecteurs ? Bonjour ! Je vous en prie, entrez, ça me fait plaisir de recevoir de la visite ! »

Sur ce, il s'écarta et commença à trottiner chaleureusement vers un immense meuble, et à s'asseoir sur un siège haut de trois mètres. Sa main et son sourire me présentèrent deux chaises futuristes sans aucun pied, et m'invitèrent à m'y asseoir avec Perry. La pièce était une vaste salle qui gardait le même style que la réception : cool et branchée, avec des lignes séduisantes. Tout les murs de son bureau étaient des baies vitrées donnant sur un vide prestigieux. Je comprenais enfin comment un personnage de dessin animé (ou de film d'animation) pouvait surjouer. Chacun de ses gestes était destiné à en faire trop, et à agacer le spectateur lambda qui voudrait juste des réponses. Et j'étais encore moins patient que le spectateur lambda. Je m'assis sur une chaise, imité par Perry, et le schtroumpf géant se mit à s'avancer sur sa table, avec une lueur qui se voulait maligne dans le regard. Il était aussi excentrique que je ne l'avais cru, mais plus chiant que j'avais pensé. L'entretien n'avait pas intérêt à durer trop longtemps.

« Alors, quelle elle est la raison de votre présence en mes lieux ? Vous avez besoin de mes services ? Un criminel sévit ? A moins que la concurrence ne vous agace ? » Je fronçai mes sourcils en essayant de suivre ce qu'il disait, et de me demander comment un esprit aussi brillant parvenait-il à sortir de telles stupidités. Bon, gardons confiance en soi, il suffisait de poser la question. Je sortis une photo de ma veste et la tendis à Megamind.
« Nous recherchons cet homme, Yuri. Est-ce qu'il a essayé d'entrer en contact avec vous ?
_ Je ne le connais pas du tout malheureusement. Pourquoi aurait-il essayé ?
_ Ce type ainsi que l'organisation derrière lui cherche à se procurer des câbles... « Maniacostatic ».
_ J'adore ces câbles ! Ils sont magnifiques. Menaçants, terrifiants, des boas noirs quand la machine est éteinte ! Par contre, dès que vous mettez en place le courant, c'est fantastique ! L'électricité se fait avaler et tente de s'échapper de son prédateur en couinant et en provoquant des ondes bleutées de toute beauté qui disparaissent ! De très bon câbles !
_ Vous en avez ?
_ Pas du tout. »
Cela sonnait sec, très professionnel. J'avais la sensation qu'il m'avait sorti tout un monologue pour préparer ce couperet verbal, juste pour se forger un style. Il n'arrêtait pas de bouger à chaque mot, afin de rendre le discours dynamique, tout l'inverse de ma personne qui n'avait pas bougé un pouce. Mais il fallait avouer que si ce style passait bien en TV, il le rendait totalement ridicule dans la réalité. On aurait dit qu'il était incapable de rester immobile pendant deux secondes. Je me levai rapidement, signifiant que j'étais ravi de parler avec lui, mais que j'avais du travail. Perry fit de même, mais plus lentement. Il avait remarqué que le bonhomme bleu voulait encore parler :
« Enfin ! Qu'arrive-t-il donc ? Il y a de la dépression dans l'air ? Du futur chagrin à venir ?
_ Une bande de méchants diaboliques. On les arrêtera vite. Moi qui pensais qu'ils avaient disparu.
_ Ils n'ont pas du tout disparu mon jeune ami ! Mais que voulez-vous ? Devant l'avancée de la mentalité des gens, les méchants diaboliques ont dû s'adapter ! Normal qu'ils soient moins dangereux, plus loufoques ? Voyons, si on doit vivre comme ça, il vaut mieux accepter. Les méchants diaboliques très sérieux avec des plans machiavéliques, c'est devenu trop compliqué, trop kitsch ! Maintenant, il faut au minimum de grosses machines pour des scènes d'action spectaculaires.
_ C'est chouette. On doit y aller maintenant, merci de nous avoir laissé quelques minutes pour vous parler.
_ Des olives ? Ou bien voulez-vous un jouet spécial destiné à vos enfants ? C'est mon fond de commerce, j'adore les enfants !
_ Nous sommes très pressés »
, fis-je en serrant les dents.

Nous lui fîmes un au-revoir de la main, et sortîmes vers l'ascenseur qui nous attendait. Bon, piste perdue. Ce type ne savait rien. Pire, il en était fier. Il faisait tout un commerce de machines diaboliques, mais il s'en fichait de savoir à qui il les vendait. En fait, j'avais rapidement mis fin à l'entretien parce qu'il sentait la vérité à plein nez. Trop con pour mentir. J'aurais bien voulu une cigarette en cet instant... Elle aurait été parfaite avec la vue, que l'on rejoignait rapidement au fur et à mesure de notre descente. Perry avait toujours le même visage stupide, mais il était motivé. On n'arrivait à rien, mais ce n'était pas en arrêtant de chercher qu'on trouvait quelque chose. Nous fûmes enfin à l'air libre, une minute plus tard quand la montre de Perry vibra. Il tourna l'écran de deux pouces vers la droite et la tête indéboutonnable du militaire apparut, l'air aussi sérieux que d'habitude. Mais quelque chose me disait qu'il était encore plus sérieux que d'habitude. Un mono-sourcil plus abaissé peut-être ? Il commença :

« Agent P. Agent E. L'autre équipe surveillant Octopus a du nouveau, et du lourd. Ils auraient aperçus le Docteur recevoir une lettre. Ils ont réussi à s'infiltrer chez lui pour savoir ce qu'elle contenait. Elle demande un autre câble, comme le Docteur leur aurais promis à une date butoir.
_ Il va leur renvoyer un câble donc... Je suppose que le postier ne va pas le déposer directement dans la base secrète des sagouins, ça serait trop beau.
_ Non, mais en tout cas, où que ce postier dépose cette boîte, elle tombera aux mains des bandits.
_ C'est vraiment une super bonne nouvelle !
_ Rejoignez-nous le plus vite possible à l'aire C567. Oh, le Docteur sort avec un gros paquet à ce qu'il paraîtrait. Suivez la position des agents J et K. »


Un geste de la victoire en plein boulevard. On était tombés sur du très lourd, effectivement. Peut-être même que toute cette connerie arrivera à son terme dans quelques heures. Perry suivit la position des deux agents qu'on devait rejoindre avec son GPS, et nous pûmes reprendre la route. On mettrait une très grosse heure à pied, mais j'étais content d'être là. La joie transportait mon cœur dans un orchestre épique, et quand celui-ci sera terminé, il ne restera que des applaudissements au maestro que j'étais. Il était temps de pouvoir terminer ces conneries rapidement, et de connaître la satisfaction d'avoir aidé le monde libre. Mais la route était longue jusque-là. Sans véhicule, on était obligés de se tailler les kilomètres avec des semelles usées. Cette ville était vraiment grande, bon dieu. Mais ça ne me donnerait que plus de réconfort quand je l'aurais sauvé. J'avais traversé de ces périodes pour en arriver jusque là... Bordel de merde. On avait en face de nous des psychopathes dangereux avec un plan parfaitement huilé. Ils avaient abattu des gens, complotaient dans les différents quartiers, et le résultat serait certainement plus dramatique que les moyens. J'avais du mal à m'imaginer l'atrocité des personnes en face, et surtout, je ne voyais pas ce qui pourrait se passer si on échouait. Il était ironique de savoir que c'était la technique la plus standard des policiers (poser des questions à tout-va en étant certain de ne pas trouver de réponses) qui avait fonctionné. C'était la femme à l'accueil des objets trouvés qui annonçait à son interlocuteur qu'on avait effectivement retrouvé son porte-feuille dans le RER A aux Halles, celui contenant son billet de cinq cent euros et ses cinq bijoux en or. La marche était peut-être longue, mais elle fut bonne. Même la nuit qui commençait à couvrir le ciel de son manteau d'encre ne parvint pas à assoiffer mon sentiment de buvard. Les criminels en face allaient payer pour tout ce qu'ils avaient fait. Et je voulais être certain que la sentence allait être appliquée. Et quand on les aurait capturés, je reviendrai voir le Coon, et lui tirerai la langue avec un plaisir ineffable. J'étais peut-être puéril, mais il fallait parler le langage des crétins pour communiquer avec les crétins.

L'heure et demie de marche réussit à peine à balayer mes humeurs. Ces dernières parvenaient facilement à contenir la plainte de mes pieds. Le trajet avait été un peu plus long que prévu : les deux agents s'étaient déplacés pour suivre Octopus déposé son colis devant un minable bureau de la Poste (le seul établissement public qui survivait dans un monde pareil). Puis après que le gros carton ait été pris par un camion jaune sentant l'urine, ils l'avaient suivi (je venais de comprendre qu'ils effectuaient une mission d'infiltration avec la seule voiture que la base possédait, et avec la seule voiture de tout le quartier ; même Fino aurait pu être plus discret). Et ce fut-là que le camion déposa le colis dans une maison cradingue. Et qu'un être ressemblant fortement à la description actuelle de Yuri était passé pour prendre le carton, et le mener à un autre lieu. C'était devant ce lieu (ou plutôt, à une rue adjacente) que les deux agents nous attendaient, afin de recevoir plus d'instructions. De plus, à ce que j'avais compris, les deux gars surveillaient les environs pour être certains que Yuri ne s'enfuyait pas au loin. Ils avaient suivi le gars jusqu'à sa base secrète, ce seraient à moi et à Perry de jouer pour entrer dans le bâtiment. J'espérais qu'on nous donnerait plus de détails dès qu'on serait sur les lieux. Il faudrait la précision d'un chirurgien et la furie d'un boucher pour être certain de ne pas louper l'organisation. Mais enfin, je voyais les agents à-côté de la limousine noire, face à face en train de se parler. L'agent K et l'agent J... Ne seraient-ce des hommes en costume avec des lunettes de soleil dont un était de couleur noire ? De la série télévisée ? Les Hommes en Noir, dit grossièrement. La suite me confirma que oui. Leur discussion se résumait environ à ça :


« Bon, allez, à toi ! Je te dis... Tomate ! Enlève tes lunettes de soleil. Je remonte à dix secondes et... »
*FLAAASH*
« Alors ?
_ Euuuh... Chien ?
_ Perdu ! C'était Tomates !
_ Ok, à toi ! Je te dis.... Salsepareille. Je remonte, je remonte. Oublie pas d'enlever tes lunettes, je remets les miennes... C'est parti... »

*FLAAASH*
« Vas-y, devine.
_ Euh... Tirelire !
_ Perdu ! Vas-y, je suis chaud, je suis certain que je vais deviner.
_ Voyons voir... Casque ! Essaie de trouver ça. Dix secondes et... »

*FLAAASH*
« Essaie ?
_ Rah, merde. Casque ?
_ Euh... non. A moi ! »


Chaque flash était un puissant jet de lumière carmin sortant d'un appareil en forme de tube qu'ils se transmettaient mutuellement avec un sourire ravi. Je savais parfaitement que chaque flash indiquait une perte de mémoire à toute personne ne possédant pas de lunettes de soleil. Heureusement pour moi, il se trouvait que j'étais plus connu pour porter cet effet que le panneau de signalisation derrière moi. Par contre, je voyais parfaitement que le pauvre Perry se faisait avoir de plein fouet : à chaque rayon, il s'arrêtait de marcher avant de me voir et de me rattraper. Je m'approchais des deux gars. Quand ils me virent enfin, ils s'arrêtèrent de jouer à leur jeu stupide puis à me fixer d'un ton très sérieux. L'un donna un coup de coude à l'autre, et l'autre remit directement ses lunettes de soleil sur son visage. Leur costume-cravate était impeccable, mais je me demandais si leur petit jouet n'agissait pas trop sur le cerveau. Je me dépêchais de dire :

« Agent P et Agent E. Vous nous attendiez ?
_ De qui ?
_ Les gens, je crois. On était là pour un boulot.
_ C'était pas hier ?
_ Je m'en souviens plus.
_ En tout cas, merci pour votre travail les gars ; et je pense qu'il est temps pour vous de rentrer à la maison.
_ Tu ne veux pas jouer avec nous ? On a un jeu très marrant : suffit de deviner le mot.
_ J'ai vu, et je ne vois pas en quoi c'est censé être marrant. Désolé les gars.
_ Bah, ce qui est bien, c'est qu'on se fait oublier ses souvenirs, donc l'ennui du jeu disparaît en même temps. On pourrait y jouer toute notre vie.
_ Hum, agent E. »
Je tournai la tête pour voir que la télé de la limousine s'était allumée. Je m'engouffrai dans la voiture avec l'ornithorynque sur les talons. On claqua la portière, tandis que les deux zigotos continuèrent à se flashouiller avec un plaisir manifeste. Il y avait dans la voiture une mallette, que le militaire me demanda d'ouvrir. Je suivis ses instructions, et trouvai à l'intérieur cinq objets disparates. Une montre semblable à celle de Perry, un spray, du dentifrice à la menthe, une pile carrée ainsi qu'un appareil photo jetable. Je me demandais bien quelles étaient la raison de leur présence ici, mais le militaire n'attendit pas que la question soit posée pour y répondre :
« Votre mission, si vous l'acceptez, sera de, petit a, vous infiltrer à l'intérieur du bâtiment sans vous faire remarquer ; petit b, de chercher un maximum d'informations sur l'ennemi et sur ses plans ; petit c, si vous y trouvez un robot comme celui qui s'est échappé la dernière fois, détruisez-le. Je veux à tout prix que vous restiez discrets. Ne vous faîtes pas voir, vous serez en plein dans la gueule du loup et vous feriez fuir le robot éventuel. De plus, Perry ne vous accompagnera pas pour cette mission.
_ Oh non ! On forme une bonne équipe à deux.
_ Une seule personne est plus discrète. Et nous n'avons qu'une seule panoplie de gadgets. Tout d'abord, la montre spéciale de l'agence. Elle peut faire GPS, ordinateur, contact radio ou contact visuel avec un membre de la base. elle vous permet aussi de savoir l'heure, d'envoyer un signal de détresse et de détecter les gens avec une montre comme celle-ci.
_ Et pas de savoir où sont les ennemis ?
_ Ahahahaha ! Il n'y a que dans les jeux vidéos décérébrés ou une arme vous donne la position des ennemis. Poursuivons. La pile carrée que vous avez devant vous est une bombe IEM personnelle. Ne faîtes pas cette tête, ça existe vraiment. Collez-la contre un robot et appuyez sur ses deux bandes. Cinq secondes plus tard, et ça vous fiche en l'air tout le barzingue. Le dentifrice maintenant. Il est dans un capuchon spécial qui lui permet de le protéger de l'air. C'est un acide corrosif très puissant qui viendra à bout de n'importe quoi.
_ Pourquoi le faire passer pour un tube de dentifrice ?
_ Parce que tous les agents secrets avec des gadgets ont déjà utilisé celui-ci, et qu'ils en sont fiers.
_ Ça ne répond pas à ma question.
_ Ensuite, l'appareil photo. Photographiez un mur avec, et collez-vous la carte mémoire sur la peau. Elle lui fera changer de couleur comme sur la photo. Très pratique pour vous faufiler dans des couloirs. Et voilà.
_ Et le spray ?
_ Aaaah, celui-là est.... Disons que c'est un répulsif pour les raies manta carnivores.
_ Je vois, ça doit être... très utile contre des raies manta carnivores...
_ Je vous souhaite bonne chance Agent E. Et surtout... bonne chance. »


Il me fit un signe de la main que je lui rendis, avant que l'écran ne se coupa. Je pouvais utiliser des gadgets maintenant, j'étais enfin un homme heureux. Je fis un petit coucou d'adieu à Perry après avoir mis à ma ceinture l'appareil photo et le spray, la montre à mon poignet ainsi que la pile carrée et le dentifrice dans ma poche. Et je réajustai mes lunettes de soleil. Bon, il fallait que je sois discret. Je laissai mon panneau de signalisation dans la voiture (un sens interdit accompagné d'un panonceau « Sauf riverains ») avant de me mettre en vue du bâtiment, dépassant les deux agents qui n'arrêtaient pas de jouer en se marrant. C'était un entrepôt exactement semblable à celui que j'avais visité la dernière fois : un bloc carré chié par un géant qui avait dû bouffer un truc pas très digeste. Avec un peu de chance, il y avait des conduits d'aération comme l'autre, assez larges pour qu'un humain de fine taille puisse s'y faufiler. Avec un peu de malchance, il y avait des caméras de sécurité. Je commençai par éviter le devant du hangar (celui qui présentait des énormes volets métalliques repliables), et pris plusieurs petites rues adjacentes pour me faufiler hors de vue d'un potentiel garde. J'arrivai en cinq minutes derrière le bâtiment. Je m'approchai en catimini du mur de briques épaisses. Il ne me restait plus qu'à fouiller le bas du bâtiment pour trouver ce que je cherchais. Mais évidemment, il n'y avait rien du tout. Parce qu'il fallait un peu de difficulté en ce bas monde. Je soupirai puis activai mon pouvoir.

Premier portail : Devant moi, tourné vers moi.
Second portail : A deux mètres en face, c'est-à-dire, dans le bâtiment en question
Effet provoqué : Je pouvais voir ce qui se trouvait à deux mètres de moi. Je pourrais facilement rester là et faire bouger mon second portail invisible aux yeux d'autrui pour pouvoir me balader sans me faire repérer, mais j'avais une limite de temps, et de distance. Et je me retrouverai con sans pouvoir si des gardes armés ou des robots de combat se jetaient sur moi alors que je n'avais aucune arme pour me défendre (peut-être que si c'étaient tous des raies manta carnivores...). Je préférai passer à l'intérieur et être sûr d'avoir des moyens de m'échapper. Je fis attention cependant à voir qu'il n'y avait rien de l'autre côté du portail, qui pourrait m'intercepter dans son champ de vision.

C'était un long couloir, seulement éclairé des pièces mitoyennes. Je m'avançais doucement, sans faire plus de bruit qu'une feuille frôlant de la moquette. Les salles étaient allumées, mais il n'y avait pas grand chose de probant à l'intérieur. Juste une table blanche sur laquelle reposaient soit des ustensiles, soit des plats de saucissons, soit rien du tout. Il y avait cinq pièces en tout. Puis je réussis à en trouver une sixième, bloquée par un code d'accès de huit chiffres ainsi qu'une demande digitale. Je la snobais misérablement avec une seconde paire de portails. Il n'y avait toujours personne, j'osais entrer dedans. La salle était plus éclairée, je maintins mes portails afin de pouvoir sortir sans me triturer la tête avec la limite de mon pouvoir et une porte électronique dont je n'y connaissais rien. Là, j'avais déjà des résultats : je pouvais voir le plan du traducteur en entier, ainsi qu'une foule de documents très intéressants rangés les uns sur les autres en une pile ordonnée. Je les farfouillai un peu pour savoir de quoi elle retournait. J'avais des avancées dans la technologie du traducteur, plusieurs écritures qui apportaient des idées sur certains points, etc. D'accord, c'était bien beau tout ça. Sinon, nous avions... Oulà, des lettres. Tiens donc... Je n'avais pas le temps de lire leur contenu, mais il suffisait de prendre quelques photos avec l'appareil qu'ils m'avaient passé... ah merde, non. Essayons avec la montre, peut-être que... Yes, elle avait une fonction. Je pris quelques photos des papiers me semblant le plus suspect, et les envoyais directement au supérieur par le biais de la touche correspondante. Plutôt simple d'interface cette merde. Je remis toutes les feuilles en place, jusqu'à me souvenir qu'il y avait un truc bizarre sur les lettres. Ouais bon, là, rien de spécial, quelqu'un leur demande où en sont leur travaux... Allons mirer du côté de l'ordinateur allumé là-bas. Je pianotai sur le clavier conçu pour un môme de six ans. Je réussis à trouver leur messagerie. Du pain béni pour moi. Surtout que l'ordinateur n'avait pas été éteint, et que quelqu'un était allé sur la messagerie ce jour-ci. Bref, s'il y avait eu mot de passe au démarrage, il ne me posait aucun souci vu que cette stupide machine pensait que c'était toujours son maître chéri. Donc, il y avait pas mal de messages. Décidément, j'avais eu le jackpot sans croiser un seul ennemi. J'ouvris quelques lettres dont le titre semblait intéressant (Plan Machiavélique, Machination Diabolique ainsi que Conspiration Infernale). Mais finalement, c'était juste le signalement de l'avancée des travaux. Je voulus voir exactement ce que voulait signifier ces travaux, mais mes yeux qui lisaient en diagonale lurent une phrase. La voici : « […] Nous n'avons plus que six jours, j'exige que Fino et Eric se dépêchent dans leurs travaux. ». Merde. Je venais déjà d'apprendre deux choses terrifiantes. La première, c'était qu'en en déduisant la date avec les données, on arrivait... au jour précédant le Bal ! Ils allaient frapper le jour avant le Bal des personnages de dessins animés. Une grande nouvelle. L'autre, plus horrible, était que Fino et Cartman avaient un chef. C'était complètement surréaliste ! Depuis quand l'esprit de ce foutu phoque se pliait à une autre dans le domaine de la méchanceté pure ? Et qui tirait les ficelles ? Merde, on avait enfin la preuve qu'il y avait un gros cerveau ! Je savais donc qu'il y avait un type dangereux. Le Pire. C'était déjà assez pour les nouvelles. Essayons de voir ce qu'il y avait dans les autres.

Mais quand je voulus ouvrir un nouveau message, j'entendis un petit tambourinement de l'autre côté de la porte. Oups, quelqu'un voulait rentrer. En trois clics, je défis toutes les fenêtres de l'écran, et fonçai vers mon portail qui était encore ouvert, exactement au même moment où un individu pénétra dans la pièce. Pfiiiiouuuu... Une seconde trop tard, et j'étais découvert. Je voyais le dos de la personne entrer dans son laboratoire, et la porte qui se refermait dans un claquement futuriste. Ce n'était qu'une machine, une sorte de gros aspirateur blanc qui se serait installé des chenilles. Ouf, pas vu pas pris. J'annulai mes portails, et repris ma route dans les couloirs du hangar. Il était sensiblement plus grand que son homologue. Il y avait un peu plus de couloirs, et plus de pièces. La pièce principale devait être plus petite, mais assez spacieuse pour accueillir un robot géant. Voire deux, dont un qui se serait échappé récemment pour se réfugier ici. Marchait-il tout seul ou y avait-il eu un pilote à l'intérieur ? Une question assez importante en fait. J'étais persuadé que le robot qui venait d'entrer dans le labo était automatique. Mais pour les poids lourds comme le Plankton Quelque Chose ? Tandis que je marchais dans le couloir, j'entendis un bruit de chenilles venir d'un autre couloir donnant sur le mien. Avec un réflexe de 007, je sortis mon appareil photo et pris un cliché du mur. La carte mémoire sortit toute seule, et je me la collai directement sur le poignet, comme un patch caféiné. Je pris instantanément la couleur du charbon, comme le mur noir. Je m'y collai et évitai de respirer. Je pus constater avec ravissement que mes vêtements n'avaient pas subi la transformation de l'appareil photo, mais j'avais l'heureux plaisir de savoir qu'ils se perdaient dans l'obscurité néanmoins. Il y avait peu de lumière, et je portai des habits très sombres. Le robot continua sa route sans même accorder un regard à une étrange chemise de camouflage et les lunettes de soleil la surmontant. Je pus enfin respirer après qu'il passa devant moi.

Je passais dans le couloir que l'ennemi informatisé venait de quitter. Il donnait directement sur le hangar, avec en son centre, un robot géant. Mais pas le même que l'autre. Le premier robot géant ressemblait à un haricot sur pattes, un assemblage de tôles assez efficace quand il s'agissait de faire exploser des trucs. Ce robot-là était de la même main, mais n'avait pas la même forme : il ressemblait plus à une souris géante. Mon imagination ne me jouait pas des tours malheureusement. Je remarquai vite qu'il y avait aussi une personne dans le hangar. Je cherchais vite un endroit où je pourrais me cacher sans me faire repérer. J'avisais une caisse en bois, et filai derrière avec prestance. Puis je réalisai un portail afin de pouvoir le voir sans être vu, sachant qu'il n'y avait que moi qui pouvais distinguer mes portails. J'avais ainsi la vision et le son. Et j'étais suffisamment dans des angles morts pour qu'un robot-aspirateur ne vienne pas me les brouter par surprise. Il y avait une personne près de cette souris géante composée de boulons : je reconnus tout de suite le visage famélique de Yuri. Ses yeux qui tournaient dans tous les sens avaient plus de vie que lui-même tout entier. Pourtant, j'entendais des voix distinctes. Je fis baisser mon portail, et fut surpris de voir que les individus qui parlaient n'étaient autres que Cortex, la souris au cerveau surdimensionné, ainsi que Plankton, le fou des machines avec des ambitions aussi petites que lui, tiré de Bob l'Eponge. Leur point commun étaient qu'ils avaient un cerveau dépassant les 280 de QI. Des êtres dangereux quand on leur laissait du temps. Sinon, je pourrais facilement les écraser, mais il y avait le problème de Yuri. Il semblait plus fort que moi, et sa cervelle pétée l'empêchait de ressentir la douleur. Il obéissait aux ordres, c'était tout. Je tentais d'écouter leur discussion mais ils parlaient bas. Quand on était aussi petits qu'eux, il était logique de ne pas élever la voix inutilement. De toutes façons, c'était un charabia incompréhensible sur des paradoxes scientifiques. Je crus comprendre que maintenant qu'ils avaient le dernier câble, ils pouvaient terminer leur seconde machine géante. Au niveau de l'alimentation, il me semblait. Et ils parlaient de Fino. Ils semblaient être sous ses ordres, donc il n'y avait pas le big boss que j'escomptais. Je compris enfin que les deux robots géants étaient de leur totale invention, jusqu'à la forme. Le premier ressemblait à Plankton (d'où le nom), et le second à Cortex. Certes, ils faisaient plus de dix mètres de haut ceux-là. Quand je regardais derrière moi, je vis un escalier qui grimpait à l'étage. OK, j'irais fouiller là-bas après, dès que j'aurais posé ma bombe IEM. Je fis tourner mon second portail, m'arrachant une grimace de douleur mentale. J'avais bien forcé en quelques minutes, cela voulait dire que je ne pourras pas en faire plus de deux paires cette nuit-là, environ. Mon portail me donna une vue directe sur la partie du tas de ferrailles à l'opposé de là où parlaient les deux savants diaboliques. Je collai la pile carrée dans un endroit où elle n'était pas visible (entre deux plaques de tôles distordues), puis l'activai en émettant une pression sur les deux bouts de métal qui dépassaient. Une diode verte clignota trois secondes pour faire comprendre que son message était passé. Puis elle s'éteignit, histoire de faire comprendre qu'elle venait de pulvériser silencieusement le système d'une machine géante certainement vouée à la destruction du monde.

Quand je sortis de ma cachette pour prendre l'escalier, les trois zigotos continuèrent à parler normalement. Ils n'avaient pas compris qu'un petit fouineur venait peut-être de mettre à mal leur plan. Par contre, il n'y avait qu'un seul robot. Je me demandais bien où pouvait être passé celui qui s'était enfui dans la ville. Et si Yuri était là, peut-être que sa lampe magique n'était pas loin. Si je pouvais mettre la main dessus, c'était un gros allié dans notre camp, et une perte inestimable pour les salops d'en face. C'était une bonne idée. Allez, j'avais bientôt fini. Je montai les marches deux par deux, aussi discrètement que possible. Je me faufilai dans un autre large couloir, qui donnait sur des pièces aussi intéressantes que la cuisine ainsi que la salle de billard. Raah, je perdais mon temps. La satisfaction du travail bien fait m'empêchait de fuir de suite. Il semblait qu'il n'y avait personne dans l'étage, donc je pouvais y aller mollo. Il n'y avait qu'un seul couloir principal, menant sur des dortoirs et autres pièces indispensables à la vie. Ce fut la pensée qui me traversa l'esprit quand je sortis des toilettes. Le couloir était bien mieux éclairé. Les murs étaient blancs, le tout était propre. Je n'avais rien à redire. On aurait dit que le hangar n'avait eu qu'un rez-de-chaussée avant que Dieu ne décida de rajouter un étage d'une maison prise au hasard. Bon, cela faisait cinq pièces de fouillées, et rien de nouveau sous le soleil. J'avais un tout petit peu l'impression de perdre mon temps. Puis je vis qu'il y avait une porte à un bout du couloir. Intéressant. Les méchants diaboliques complètement siphonnées installaient justement leur quartier au bout d'un couloir pour montrer que c'était eux le boss. Un peu comme l'importance de la place à la table. Au bout le père de famille ! Le patriarche, qu'il se distingue du commun des mortels !

Je me dirigeai tranquillement vers la porte quand un robot sortit d'une salle vers la gauche. Pris de panique, je sortis l'appareil photo pour me revêtir exclusivement de la tenue spéciale camouflage en sortant la carte mémoire directement. Puis je me plaquai contre un mur et attendis que la petite machin haute d'un mètre cinquante passa pour continuer mon chemin. Dès que j'aurai vu ce qu'il y avait cette foutue salle, je pourrais partir tranquille. J'avais déjà eu des éléments importants à raconter, à commencer par le coup qui allait se faire le jour précédant le Bal (il y avait certainement un rapport) et le fait qu'il y avait un Big Boss au-dessus de Fino. Bon, tu passes quand, saleté de machine de mes deux ? Tu vas pioncer ? Puis je remarquais que ces espèces de soupapes pourries qui devaient représenter des yeux me fixaient. Je fis pareil que lui. Je vis qu'au lieu de prendre une photographie du mur, j'avais eu la bonne idée de garder celle si charmante du noir goudron de l'étage du dessous. En gros, j'étais une énorme tâche salissante sur le mur, et je me fondais à peu près aussi bien dans le décor qu'une baleine en plein milieu d'un boulevard de San Francisco. Ne comprenant pas le pourquoi de ce contraste, le robot s'approcha doucement. Je ne faisais plus un geste. Puis alors que je croyais que le robot partirait tranquillement, une grosse diode rouge commença à s'allumer sur sa tête, balayant les murs d'une lumière infernale. Avant que le signal sonore envahisse la pièce, je sortis le dentifrice de ma poche, et le vidai dans une des soupapes du robot, en appuyant sur le plastique comme un malade. La pâte à étaler sortit doucement. Le signal fut mort-né : un petit cri strident s'évapora délicatement dans un bruit mou de dirigeable percé. L'acide que je lui balançais était en train de couler à travers ses fils, le mettant hors-service et en faisant voler des nuages de fumée puant le moisi. Cette fumée commença à devenir marron, puis noir. Je m'éloignai du robot. Le tube à dentifrice était vide, je le jetai dans la machine himself avec un geste dédaigneux. Je retirai mon camouflage et attendis de voir s'il y avait des réactions. Aucun bruit. J'avais eu de la chance. Mon cœur s'arrêta de battre si fort, et je pus commencer à m'approcher de la porte. Je sentais déjà que ma main se levait pour anticiper la poignée de porte. Je la tournai fébrilement. J'avais enduré pas mal de stéréotypes que Dreamland avait réussi à rendre vrai et réaliste. La porte au bout du couloir était obligée de rendre sur le méchant !

Je poussai le battant avec vigueur, et ne vis qu'un pièce vide. Un directoire de méchant, de grand méchant, mais vide. Une bibliothèque sur le côté (peut-être un passage secret), un large bureau, un siège de président qui me tournait le dos, ainsi qu'une fenêtre en face de moi. Et le bureau était propre : pas de papelards pourris. C'était juste un bureau totalement inutile. Je voulus faire marche arrière quand j'entendais cette voix que je ne connaissais que trop bien. La chaise se tourna lentement tandis que la voix fit :


« Alors, on a réussi à venir jusqu'à moi, Perry l'ornithorynque ! » Fino avait rehaussé le siège pour qu'on puisse le voir malgré le bureau. Il était en train de caresser un chat blanc trois fois plus gros que lui, avec sa petite papatte. On aurait dit quasiment qu'il était dessus. Sa petite tête de bébé phoque changea du tout au tout quand il vit que son interlocuteur n'était autre que moi-même, son plus grand ami. Il me remercia d'ailleurs d'un : « MAIS VA TE FAIRE FOUUUTRE !!! Bordel de merde ! Toute ma représentation de super méchant diabolique est à l'eau ! J'attendais Perry et... NAAN ! Ferme-la ! Casse-toi de la pièce ! Casse-toi ! Sinon j'appelle les robots ! Sors, ne rentre que dans dix secondes ! » Je m'exécutai de peur que ses cris ne fassent venir quelqu'un. Je fermai très doucement la porte, et comptai dix secondes très lentement. Ma super mission secrète venait d'être coulée par les absurdités d'un phoque. Il n'y avait plus de doute, Fino était effectivement dans le coup. J'allais lui exploser sa gueule. Le pire, c'était qu'il osait faire comme si de rien n'était, comme s'il ne venait pas de me trahir en abandonnant le Royaume pour répandre les vices comme un vulgaire truand. La confrontation allait être sanguinolente. Je rouvris la porte, ivre de colère. Mais le siège était de nouveau tourné vers la fenêtre. Puis même mélodie qu'avant : « Je vois qu'on a réussi à venir jusqu'à moi, Mr. Free.
_ Fino ! Arrête cette mascarade tout de suite !
_ Quelle mascarade ?
_ Joue pas au plus con !
_ Je sais, tu es imbattable. Il se trouve que j'ai de bonnes raisons, vois-tu.
_ Mais lesquelles ?
_ J'ai oublié. La prochaine fois, je laisserai un post-il sur le frigo « Je vais aller tuer du monde, je ne mangerai pas ce soir à la maison. Bisous, Fino. XXXX. »
_ Est-tu ce que tu aurais oublié que tu as un Royaume à gérer ? Trop petit détail ?
_ Je reviendrai plus tard ! Laisse-moi assouvir mon besoin de tyranniser le monde. C'est important pour moi.
_ C'est sûr que tu devais en avoir envie, perdu dans ton igloo au milieu du labyrinthe !
_ Tu ne m'as pas aidé ! C'est moi qui ai saisi ma chance tout seul !
_ Arrête tout. On peut arrêter ce drame tous les deux et tu en sortiras encore plus grandi. Tu peux réussir à être sympa... Tu peux au moins réussir à ne pas être méchant !
_ J'ai un objectif, bordel de merde ! Et ce n'est pas un péteux incapable de garder ses amis autour de soi qui fera la différence ! Hélène et Shana ? Restées au château ! Jacob, il ne peut plus t'encaisser. Et je sais que ton propre frère veut te buter ! Et moi ? Tu t'en branles de moi, t'avais juste besoin d'un nigaud pour tenir la comptabilité. Tu t'es foutu de ma gueule ! Maintenant, tu peux aller te faire voir ! Remets-toi en cause, bordel ! Tu es usant, mec !
_ Va te faire foutre !!! Ferme-là, Fino ! Tu me suis maintenant !
_ Jamais !!! J'ai écouté des musiques d'Avril Lavigne plus intelligentes que toi !
_ Tu n'es pas un méchant diabolique ! Tu le comprends, ça ?
_ Je suis QUOI, alors ??!! »


Cette interrogation balaya toute ma colère en deux secondes. Plus que la question rhétorique, c'était le ton dans la voix de Fino. Pour la première fois, maintenant que je me remémorais l'entretien, il avait été sérieux. Et peut-être même qu'il avait été triste. Ce « quoi » avait été lâché presque comme un homme lâche un sanglot. Je vis une nouvelle facette de la personnalité de Fino. Et moi qui m'attendais à trouver un phoque hargneux, j'avais trouvé un phoque haineux. Je ne réussis qu'à bafouiller :

« Je... Tu es le secrétaire du Royaume des Deux Déesses. Ce n'est pas suffisant ?
_ Non, ça ne l'est pas »
, lâcha-t-il dans un soupir, comprenant que je n'avais plus envie de gueuler, et que lui non plus. Il se reprit à peine :
« Maintenant, je te laisse une chance de t'enfuir Ed. Ne te retourne pas, tu n'auras pas de remords. Notre plan est infaillible, il se fera obligatoirement. Je ne peux rien te dévoiler, mais je t'en prie. Tu restes, et tu mourras, que ça soit aujourd'hui, demain ou le jour J. Casse-toi Ed. C'est mon dernier avertissement.
_ Tu sais bien que je ne le ferai pas, Fino.
_ Alors je dois m'occuper de toi. »


Je voulus protester, répondre quelque chose mais je reçus un coup douloureux à l'arrière du crâne qui me fit m'écraser par terre. Je tentais de me relever, mais les mains puantes de Yuri m'avaient déjà saisi les cheveux, puis le Russe me martela trois fois la tête contre le sol. Chaque coup fut une nouvelle manière de casser mon crâne. Quand il me releva, j'avais la gueule en sang, le nez brisé et mes lunettes de soleil perdues, éclatées quelque part contre le sol. Mon pouvoir ne répondait plus, ainsi que mes muscles. Je compris que c'était Yuri qui me tenait en l'air, sans donner de quelconques signes de fatigue. Mon esprit découvrit un pan du mur qui s'ouvrit, pour laisser place à un aquarium géant rempli de requins blancs, trois fois plus gros que la moyenne. Fino se déplaça et caressa le bocal d'une patte affectueuse. Quand il reprit la parole, elle était aussi dure qu'au début de l'entretien :

« Vois-tu Ed, j'ai nourri ces requins...
_ … avec du yaourt.
_ … Oui... J'ai bien peur qu'ils soient affamés et qu'ils aient envis de manger de la chair fraîche. Tu es mort Ed, je t'avais prévenu.
_ Pauvre con. On m'a donné un répulsif contre les requins, je ne crains rien.
_ Merde »
. Il sortit une télécommande et appuya sur un autre bouton. Un autre mur disparut pour laisser place à un autre bocal, rempli de raies manta.
« Merde. Elles sont carnivores je présume ?
_ T'as pas une tête d'algue, bouffon. Yuri joli, balance-le dès que je serai parti. Et pars, toi aussi. Qu'il crève seul. »


Ce furent ses derniers mots avant de s'en aller. Il claqua la porte derrière lui, perpétrant ainsi les faits des méchants de James Bond. J'avais l'impression qu'il savait que le héros arrivait toujours à s'échapper de toutes façons. Bref, il me laissait en vie. Tu n'étais pas optimiste Fino, j'allais effectivement m'en tirer. Dès que Yuri me balança dans l'eau tempéré des raies manta, que le bocal se ferma tout seul pour éviter que je n'en sorte et que le Russe sortit de la pièce, je me dépêchais de sortir mon spray à la ceinture, et d'en balancer partout. Les raies avaient commencé à danser en rond autour de moi, s'étaient rapprochées avec amour, juste avant de s'éloigner vite fait pour se coller contre la paroi dès qu'elles sentirent le répulsif, oubliant totalement que leur casse-croûte était en face d'elles. L'esprit plus clair grâce à l'eau, je réussis à utiliser après trente secondes de concentration un dernier portail pour me téléporter directement en dehors du bâtiment, sur le plancher des vaches. Complètement trempé, épuisé de ma joute verbale avec Fino, essayant de ne pas prêter attention à ce qu'il m'avait dit, je revins vite voir les policiers qui m'attendaient à la rue. Qu'elle ne fut leur surprise quand ils me virent arriver complètement mouillé. Les deux agents K et J comprirent de suite que mon spray n'avait pas été aussi inutile que je l'avais espéré. Le premier agent me serra la main avec un sourire, tandis que l'autre me fit :

« Alors, le dentifrice ? C'est pas mal, non ? Faut qu'on revienne à la base, on sait qui est le big boss derrière tout ça. »

Je voulus lui répondre, mais je disparus dans un nuage de fumée. Histoire d'avoir un suspense insoutenable.

__


Fino, Plankton, Cortex et Yuri réussirent à s'infiltrer dans la cave de la maison, sans que la mère d'Eric ne les voit. Il aurait été étrange d'expliquer la présence d'un grand Russe baraqué avec les yeux qui dansaient un tango dans la cave. Quand ils les virent arriver, chacun sut que les derniers réglages avaient été faits. Et qu'ils allaient pouvoir attendre tranquillement les trois jours qui allaient suivre jusqu'à l'établissement de leur plan. Ils descendirent vers la table et se groupèrent autour d'elles, une montagne de gobelets en plastique à-côté. Rattigan prit la parole avec son air toujours aussi faussement aristocratique et son sourire menaçant :

« J'aimerais savoir pourquoi on a amené les deux scientifiques pour me laisser pourrir dans la cave ?
_ Voyons, connard, c'est parce que je peux pas te blairer.
_ Et eux, tu arrives à t'entendre avec eux ?
_ Je m'entends toujours avec les gens intelligents.
_ Et...
_ Et tu la fermes, si tu ne veux pas voir ton cul depuis l'intérieur de ton corps. »


Fino était de mauvais poil, mais personne ne semblait le remarquer. Rattigan se tut, parce qu'il aimait s'approcher des limites sans toutefois les dépasser. Il savait que Fino ferait en sorte de mettre sa menace à exécution, même si ça lui prendrait du temps et lui coûterait de l'effort. Le phoque se mit en bout de table et reprit que le plan était bon, et que les robots géants étaient prêts. Il ne manquait plus que le temps, toujours objectif, toujours aussi long. Plus qu'à attendre. Le phoque prit quand même la peine de demander à Rattigan de regrouper son gang, et d'aller chercher des informations pour voir comment s'en tiraient les flics. Il savait que le rat s'écrasait dès qu'il haussait le ton, mais Fino savait aussi qu'il y avait des limites à ne pas dépasser. Et elles étaient nombreuses quand on vivait entouré de super méchants. Cortex demanda au phoque s'il y avait encore quelque chose à faire en particulier. Mais même le phoque dû admettre que le plan avait été bien conçu ; il n'y avait plus rien à faire. Quoique...

« Je vais quand même dire à Eric qui doit pioncer dans sa chambre, de contacter la pétasse ainsi que le boss. C'est elle qui doit nous donner des infos, et c'est lui qui veut entendre les nôtres. Il sera ravi. Il est toujours ravi ce con. »
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptySam 28 Mai 2011 - 16:08
Après une journée transitoire, je revins directement derrière le bureau de la réception de la base, avec l'employé comptable qui fit un bond sur sa chaise. Bon, j'avais assez attendu pour le suspense ! Comment l'avait-il trouvé ? Pour une fois qu'il faisait preuve d'une capacité de jugement hors-norme. Je savais qu'il y avait un truc étrange dans cette histoire. L'ampoule morte qui annonçait mes idées était restée éteinte toute la durée de l'enquête, sauf à un moment. Mais quand, où, pourquoi ? Autant de questions impossibles à répondre qui me donnaient envie de me foutre des coups de poing au visage. J'entendais au loin les râlements de Raspoutine ainsi que le caquètement de Doofenshmirtz. L'employé de bureau appela le supérieur pour lui prévenir que j'étais arrivé. Perry fut là un instant plus tard, après que l'écran de l'ordinateur ait affiché la tête du militaire. Il me regarda droit dans les yeux comme s'il devait absolument garder un ton sérieux et faire en sorte que l'événement soit le plus dramatique possible. Il ouvrit la bouche, se ravisa étrangement, avant de parler :

« Nous savons qui est derrière tout ça. Qui a organisé toute cette stupidité, même si son motif reste encore inconnu.
_ Oui, vous voulez parler du supérieur de Fino.
_ Exactement. C'est exactement ce que je voulais dire. »


Il appuya chaque mot avec précision. Puis il me regardait avec insistance. Mon cerveau commença à comprendre, mais bien trop tard. Je sentis un objet s'appuyer contre ma cheville, puis une décharge électricité fulgurante me traversa les mollets, et m'agressa le cerveau et le cœur dans une même terrible seconde. Mes jambes s'engourdirent d'abord, puis décidèrent de me lâcher pour m'écrabouiller par terre, la tête rebondissant douloureusement sur le bureau avant de s'affaler maladroitement près du corps. Mon cerveau ne parvenait qu'à répliquer une seule parole : « Non ». Il le répéta doucement, comme une complainte tandis que je vis l'employé du bureau me prendre par les aisselles pour me mener à la cellule la plus proche. Je n'arrêtais pas de vouloir me débattre, mais mon corps n'obéissait plus. Il était tout engourdi, comme si les fourmis avaient décidés de me bouffer tout entier. On me plaça derrière les barreaux, puis on verrouilla le tout. L'air de Perry était toujours aussi sérieux. Il avait comme une sorte de Taser à la main. Il venait de s'en servir contre moi, son coéquipier. La camaraderie n'était plus ce qu'elle était. Je voulus bouger, mais je n'arrivais pas à déplacer ne serait-ce qu'un orteil. L'employé de bureau revint dans mon champ de vision vertical, avec un ordinateur portable à la main où me fixait la tête du supérieur, hésitant entre la tristesse ou la sévérité. Ce fut son mono-sourcil qui trinqua, adoptant une forme de serpent ivre. J'entendis la voix dure :

« Nous avons fait des recherches sur Fino. Il avait effectivement un supérieur direct. Toi, Ed. Il y avait les trois autres Private Jokes, mais ils ne sont jamais venus à Hollywood Dream Boulevard. De plus, tu es la personne la plus proche du phoque. Quand nous avions vu ça, nous nous sommes dit qu'il y avait anguille sous roche. Cela a été confirmé par les photos que tu as prises la nuit dernière. Il y avait des tas de feuilles papier, avec une signature. Ta signature. Correspondant à celle que tu écrivais sur les documents papiers dans ton Royaume. Tu as tout organisé ! »

J'aurais bien voulu me défendre, mais ma bouche était paralysée par la décharge de Perry. Et que vouliez-vous répondre à ça ? Fino m'avait piégé : il avait utilisé ma signature, il l'avait copié afin de pouvoir protéger son chef. Petite enflure de merde. Dans le Royaume, c'était par lui que transitaient tous les papiers, il lui avait suffi d'en subtiliser un afin de reprendre mon écriture. Petit connard de merde. Et eux, comment pouvaient-ils croire que j'étais du camp d'en face, et l'investigateur de tout ça ? Les enquêteurs ne pouvaient plus faire d'enquêtes sans que l'on croit que le criminel, c'était eux ? Mais quelle bande de cons ! Fino avait réussi à me neutraliser sans faire plus d'effort que de copier ma signature. Ils devaient en avoir mis partout des papelards comme ça, pour qu'on soit sûrs que les policiers tombent dessus et m'accusent direct. Après tout ce que j'avais fait pour eux... Ce fut finalement un regard désolé que me lança le patron. Nos ennemis nous montaient contre nous, c'était pas visible ?

« Nous nous excusons d'avance pour ton traitement. Mais tu nous pourras pas utiliser ton pouvoir. Et la prison a une mémoire des intrus : les Voyageurs resteront ici toutes les nuits tant qu'ils n'ont pas été libérés. Nous trouvons chaque jour de plus en plus de preuves contre toi, comme des discussions que tu as eu avec Fino, ou bien avec Octopus. Comme celles-ci. »

Il me fit écouter un dialogue entre moi et Fino par radio. Les voix étaient bonnes, mais pas les paroles. C'était un foutu montage. Idem pour Octopus. Foutu montage. Je gueulais quoi pour me défendre ? Qu'on m'avait piégé ? Que c'était un montage ? Je pouvais certainement trouver des mensonges plus intelligents que ça. J'étais pieds et poings liés. Le temps qu'ils se rendent compte que je n'étais pas un ennemi, les autres auraient déjà effectué leur smash. Et envoyés je ne savais combien de personnes ad patres. C'était trop tard... Les employés de bureau me laissèrent là. Deux nuits plus tard, et on serait la veille du Bal, c'est-à-dire, la mise à feu de leur machination. Je ne pouvais pas rester en plan. Je pariais qu'ils n'avaient déjà aucun indice, qu'ils patinaient comme d'habitude. En fait, s'ils me laissaient sortir, je ne pourrais malheureusement pas mieux les aider.

Mon corps eut un soubresaut, et je réussis à le bouger un peu. Au bout de cinq minutes, je réussis à faire travailler mes doigts, et à m'adosser contre le mur, les yeux vagues. En face de moi, il y avait le docteur Doofenshmirtz qui s'ennuyait aussi. Il émit un petit soupir avant de regarder la fenêtre. Quant à Raspoutine, il semblait toujours être sous le choc. Lui pouvait sortir quant il le voulait, mais je n'avais pas l'impression qu'il savait bien où il était. Je m'essuyais le coin de la bouche qui bavait d'un revers de main. Là, j'étais mal. Mais plus que d'habitude. Peut-être que je n'allais pas être blessé dans des confrontations dantesques contre les robots géants, mais je serai certainement jugé et envoyé en taule pendant de nombreuses nuits. Et le fait d'être considéré comme un moins-que-rien, et de ne pouvoir mieux les aider étaient insupportable. Je voyais Perry et d'autres agents partir en mission, mais je ne savais si c'était pour l'enquête ou pour d'autres raisons insignifiantes. J'émis à mon tour un soupir. Mais ne changeais pas de position. On vint me voir plusieurs fois pour me proposer de parler à mes subordonnés et leur demander d'arrêter le plan. Je ris jaune et les envoyai balader. Ils ne m'écouteraient pas si je soutenais la vérité. Qui n'était jamais là quand on avait besoin d'elle. Elle s'était cachée quelque part, et n'arrêtait pas de se foutre de ma gueule à chaque fois que je la demandais.

La grosse heure que je passais dans cette maudite cellule avait été courte, et longue à la fois. J'attendais désespérément qu'ils m'ouvrent la porte pour me dire qu'ils avaient finalement réussi à prouver que je n'étais pas le salopard qu'ils recherchaient. Ce fut une heure où mes pensées vacillaient sous mon crâne tel des monstres hideux que j'observais avec ménagement. J'étais en train de chercher comment me tirer de ce pétrin, j'étais en train de me demander si je n'avais pas un parfait alibi, je le cherchais dans toutes mes aventures que j'avais passé avec Perry. Mais je ne voyais que des combats, des enquêtes... des questions. Mon moral fut happé par la vague Fino. Je me remis à penser à ce qu'il m'avait dit : comme quoi j'usais toutes les personnes à-côté de moi. Avait-il raison ? Et si oui, jusqu'où ? La colère lui avait peut-être fait perdre la tête, mais les faits étaient là. Je ne pouvais plus voir Jacob, il me détestait. Je l'avais ressenti lors de notre duel. Shana et Hélène, elles n'avaient rien à faire dans la discussion par contre. On avait un Royaume à gérer, et ce n'était pas mon comportement aventureux et Fino qui allaient les aider. Pour Clem, il était juste dérangé. Il avait un complexe certain d'infériorité qu'il avait largement exacerbé dès son arrivée à Dreamland. Qui d'autre aussi ? Ah oui, Fino lui-même. C'était lui qui était réellement en colère contre moi. Il n'avait pas eu ce qu'il voulait au Royaume des Deux Déesses, mais je me demandais ce qu'il voulait. Il n'était pas content dans son foutu igloo, pas content quand il était au conseil d'administration du Labyrinthe des Cauchemars. Ce phoque me les broutait sérieusement. Est-ce qu'infliger du mal était sa vocation ? Non, pas vraiment. C'était un hobby, pas une vocation. Enfin, je ne l'espérais pas. Qui d'autre avait souffert de mon comportement ? Un autre soupir, rejoint par le docteur. Je n'avais aucune envie de lui parler. Il me semblait que je l'avais arrêté il y avait un gros mois, et pas une petite semaine. Mais comparé aux monstres qu'on avait en face, c'était un amuseur de foires. Il n'avait jamais été très doué le pauvre. Et ça payait : il était en prison, tandis que ses camarades dangereux respiraient l'air pur et s'amusaient à attendre le Jour J.

Et soudain, une clef jaillit de ma fenêtre pour atterrir près de mes pieds. Je regardais par la lucarne tout en gardant ma position assise, mais personne ne vint. Qui avait pu m'envoyer cette clef ? Je priais pour que ce fut la bonne, mais il ne faisait aucun doute qu'elle l'était. Je fus aussi heureux que la clef quand elle réussit à imposer sa loi au verrou comme elle l'avait fait des centaines de fois. Je fis le moins de bruit possible quand j'ouvris ma porte, avec le Doofenshmirtz qui m'observait en silence. Je me mis un doigt sur la bouche pour lui imposer de se taire. Je tournai la tête et grimaçai ; le type de la réception m'avait vu. Mais le temps qu'il crie une protestation, j'avais déjà disparu dans une paire de portails qui m'emmena à cinquante mètres du commissariat (ma limite). Je me mis ensuite à courir. Courir quelque part, loin de la base. J'avais une affaire sur le feu, et un compte à régler avec un foutu phoque. Je n'allais pas me laisser emmerder par des barreaux. Mon tempérament de feu s'envola malheureusement très vite, quand la fatigue gagna mes mollets. Il me fallait un endroit où me mettre. J'étais certainement recherché maintenant. N'oublions pas que pour eux, j'étais le cerveau de la bande. Et qui m'avait aidé ? Perry ? Peut-être, c'était pas con. Mais il aurait désobéi aux ordres. Et si Perry désobéissait aux ordres, c'était le monde qui s'écroulait plus tôt que prévu.

Après une heure de marche intensive, j'avais atterri devant le célèbre The Pretty Leg. Le super bar gay. Je poussai les portes pour la troisième fois. Et j'espérais, pour la dernière. L'ambiance était toujours aussi charmante que les autres nuits. Mon regard blasé de la vie s'installa à un comptoir après avoir traversé une foule de types peu fréquentables, surtout si vous étiez de type masculin. Je demandais au serveur la même chose que d'habitude (une stupidité linguistique, leur menu n'était toujours composé que d'une seule bière). Mais le type ne releva pas, et me posa une chope devant moi, bien mousseuse. J'en pris directement une gorgée. Mes pensées étaient en train de jouer au ping-pong avec mon comportement. Maintenant, le pessimisme venait de me gagner. La joie éphémère qui m'avait traversé lors de ma sortie de prison n'était qu'un instant dompté par l'adrénaline, qui s'était bien vite fatigué. Ils n'avaient plus d'indice, et ils n'en auraient plus. Moi, non plus d'ailleurs. J'étais persuadé que le hangar avait été totalement vidé maintenant. C'était la preuve d'une organisation redoutable, et implacable. A mon avis, il leur avait fallu moins de quinze minutes pour transporter tout ça dans un autre bunker. Attendez une minute ! Et la saloperie IEM que je lui avais servi ? Si elle avait fonctionné, comment avait-il réussi à faire bouger l'énorme carcasse ressemblant à une sourie ? Il faudrait que j'aille jeter un œil tiens ! Mais pour le moment, il fallait oublier. Je pris une autre gorgée de bière, puis une autre.





Pour tout vous dire, toute la soirée, j'avais maintes fois pensé à aller au hangar, mais à chaque fois, une gorgée de bière m'empêchait d'y aller en me promettant d'être meilleur la prochaine fois. Ma tête commença à se perdre dans ses propres méandres tandis que la notion du temps et des distances se flouta. Je crus que j'en étais à ma cinquième chope, mais je n'arrivais même pas à compter sur mes doigts. Mon esprit tenta une ultime accroche à la réalité, en se rendant compte que j'étais entouré de deux gars, des clients. Le premier était un blond pochard, assez grand, la quarantaine, index manquant. Le second était un chat noir d'un mètre quatre-vingt dix avec un costume des années soixante-dix. Aucun n'était un personnage de dessin animé (quoique pour le chat...). Tous les deux avaient le même air abattu que moi, qu'ils rêvaient de tremper dans de l'alcool. Chacun avait ainsi commandé une bière, qu'ils essayèrent de vider en une gorgée.. Puisqu'ils semblaient sympathiques (surtout le chat ; je me souvenais que j'aimais bien les chats), j'ouvris ma grande gueule :

« Rahlalala, c'est chiant les enquêtes... » Je fus surpris d'entendre les deux grogner dans leur barbe comme si je venais de commenter un match sur la défaite de leur équipe préférée. Ce fut le blond qui prit la parole :
« M'en parle pas. J'en ai marre des enquêtes.
_ Rah bordel, pas ça... »
continua le grand chat noir.
« Je suis Harry AssHole, je vois pas si tu connais. Un Naurvaichien. Dès que je fais une enquête, c'est le bordel. Y a tout le temps des pièges, tout le temps des arnaques... tout le temps des dépressions.
_ Moi pareil, sauf que chacune de mes missions se passe dans une nouvelle facette de l'extrême-droite. J'en peux plus de m'attaquer à des affaires nazis dès que je vais quelque part.
_ Je vous raconte pas. Je suis sur une affaire plus compliquée que les poésies de Baudelaire. J'ai... hips... j'ai rien trouvé ! Enfin si, mais pas assez quoi.
_ T'as essayé de partir de la ville ? »
, me demanda le blond avec sa chope déjà à moitié finie.
_ Nyah ?
_ Moi, j'ai une astuce. Enfin... Disons que dès que je suis sur le point d'abandonner, je trouve un truc qui allait pas, ou alors une personne qui pourrait m'aider. Mais systématique quoi ! Je suis une grosse buse d'habitude, et c'est toujours un pan de ma tête qui se met en branle dès que je fais mes valises pour rentrer chez moi. C'est le suspense qui veut ça.
_ C'est pas con...
_ Je m'appelle Darksad »
, reprit Darksad, le félin à l'imper. « Quand j'y repense, j'ai jamais réussi à résoudre une enquête. Je découvre toujours tout après que la conspiration soit passé. Je me demande encore comme je fais pour gagner du fric dans ce foutu métier... C'est toujours le foutoir de toutes façons. Quoique tu fasses, tu seras toujours tabassé par quelqu'un. Intériorise-ça dans ta tête, gars.
_ Je suis déjà passé par l'étape Cassage de gueule en règle. Puis aussi traîtrise de tous les côtés. J'ai personne pour m'aider.
_ Dur. Et l'enquête est même pas terminée... Qu'est-ce que tu vas prendre à la fin...
_ Je crois que je vais surtout essayer d'arrêter. C'est plus pour moi.
_ C'est bien gars, c'est la bonne technique !
_ Sauf que ça m'aide pas à... Mais si ! Mais si, bordel de merde, j'ai trouvé !
_ C'est génial ! Tu vois que ça marche ! »


Je payais la prochaine tournée pour mes nouveaux amis. Effectivement, je n'étais pas encore seul. Pour le moment, j'avais "confié" l'enquête à Perry, que je connaissais assez pour savoir qu'il aurait du mal, et il n'y avait personne sur qui je pouvais compter pour m'aider. Sauf peut-être une personne. Et si mon plan marchait, alors c'était Noël sur Terre. J'avais un moyen infaillible de retrouver leur piste à ces bandits. Un monstre impitoyable qui allait les débusquer en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Une personne que Fino ne pouvait pas prévoir, ma dernière et unique chance.

__


« Quoi ? Quels films tu veux voir ce soir ?
_ Je te propose La route D'El Dorado, le Roi Lion ainsi la version acquise plus ou moins légalement de Moi, Moche et Méchant. »


Quand j'avais fui d'un palais avec Lou et sa petite amie Rêveuse, j'avais remarqué à quel point celle-ci pouvait être déconnectée de la réalité, tout en y étant assez accrochée. Elle vivait sans trop réfléchir à ce qu'il se passait, mais pouvait exprimer des désirs, des idées innovantes, etc. Bref, une personne dans la lune. Si je réussissais à faire venir Cartel dans le quartier des dessins animés et que je lui expliquais la situation, il y avait des chances pour qu'elle se mette à réfléchir dessus sérieusement. Et comme elle était cinquante fois plus intelligente que tous les agents de la base ainsi que les prisonniers, moi y compris, réunis, elle pourrait certainement trouver une solution à ce merdier complet. Mon but était de la faire chavirer sous des dessins animés, afin qu'elle ait le plus de chances possibles de se retrouver dans le Royaume. Puis, je la rejoindrais en rêvant d'elle, méthode qui n'avait jamais marché sur Yuri, certainement parce que c'était un Voyageur déconnecté de Dreamland dans le sens où il habitait une lampe magique. Mais sur l'esprit de Cartel, il n'y aurait aucun problème. Il fallait juste espérer que la nuit dans Dreamland ne soit pas trop courte (vu que le temps était totalement variable), car je craignais que Cartel ne veuille pas visionner deux soirées de dessins animés. Pas qu'elle détestait ça, mais elle m'avait parfaitement fait comprendre qu'il fallait absolument qu'elle voit deux, trois films, et qu'elle allait bientôt partir de chez moi.

Elle avait accepté de voir les films, vu qu'elle était une fan inconsidérée des deux premiers, et affichait une mine curieuse pour le troisième. Je n'avais pas choisi ses films au hasard. Pourquoi autant ? Parce que je voulais être sûr que sa tête soit emplie de personnages de dessins animés, et parce qu'il y avait une chance proche de zéro qu'elle se tienne éveillée autant de temps. Je la voyais bien dormir sur le canapé. Et ça, c'était peut-être la clef pour entrer directement au quartier spécifique de Hollywood Dream Boulevard. J'avais tout prévu. Quand je rentrai à la maison vers dix-neuf heures, j'acceptai avec plaisir le café de Cartel. Il fallait que je reste éveillé jusqu'à ce qu'elle s'endorme, pour ensuite la rejoindre. Si par malheur, je m'endormais avant elle, c'était la catastrophe intégrale. Je ne savais pas si je pourrais arrêter un plan diabolique le soir-même de son exécution. Ça ne se voyait pas, mais il ne me restait que cette nuit-là pour tout mettre en œuvre afin de les stopper. Ensuite, il faudrait faire à la freestyle. J'adorais l'improvisation, mais quand d'autres personnes que moi étaient impliquées, la pression montait à une vitesse faramineuse et je faisais souvent des stupidités ineffables. Le meilleur exemple en était l'assassinat du château avec Lou. Je me demandais si j'avais été plus stupide une fois dans ma vie. Pas une journée qui ne s'écoulait où je regrettais mon comportement de crétin, me mordant les lèvres comme un demeuré. Bref, il valait mieux pour nous tous que je réussisse à trouver une solution rapidement. Enfin, que je fasse trouver une solution rapidement à ma sœur chérie qui était en train de farcir des oignons pour la ratatouille. Je lui avais promis que demain, son dernier soir avant son départ, ce serait moi qui lui ferais à manger, avec ma recette spéciale de tartiflette. Je ne la faisais jamais ; si j'en prenais trop souvent, il était certain que je mourrais d'une crise cardiaque dans les heures qui suivent.

On s'assied tous les deux pendant que commença la Route d'El Dorado, que je sacrais meilleur dessin animé un chouïa derrière les monuments Ghost in the Shell. Nous mangeâmes la ratatouille tout en suivant les plus grands amis de l'époque des Conquistadors. Je ne sentais pas l'effet de la tasse que j'avais prise, mais la caféine n'avait jamais eu emprise sur moi. Il avait par contre un effet placebo mettant en jeu mon incertitude sur ma dernière phrase. Quand nous terminâmes nos assiettes, Cartel commençait à plisser les yeux. J'eus un petit sourire quand je modifiais sur son ordinateur la vidéo, pour mettre en place le Roi Lion. Tant qu'elle serait intéressée par le film, elle aurait du mal à s'endormir. Par contre, pour un film qu'elle ne connaissait pas, sa conscience lâcherait toute seule. Un effet paradoxal, qui prendrait tout son sens aux derniers des trois films. J'avais tout calculé. Une astuce digne de ma sœur chérie. Elle était beaucoup moins endurante que moi quand il s'agissait de voir des films le soir. Ce fut vraiment facile de jouer sur mon avantage pour faire plier ses paupières. Après que Simba eut flanqué une dérouillée à son oncle, la tension qui était montée suivit exactement la même courbe que les yeux de Cartel. Dès que j'installai le troisième film, elle somnolait plus qu'elle ne regardait. Merci Gru, je te revaudrais ça. Ce fut un instant de pur stress cependant, que de suivre les aventures du méchant diabolique tout en jetant un œil sur Cartel qui jetait toutes ses forces pour ne pas se laisser aller au sommeil. Aïe aïe, comment faire pour la lâcher définitivement ? Je mis le film en pause, en prétextant une envie urgente. Ça aussi, c'était machiavélique. Alors que la personne pensait qu'elle pourrait s'endormir une fois le film terminé, voilà qu'on mettait en péril sa concentration en faisant jouer la montre. Quand je revins du cabinet, ce fut pour voir une sœur, la tête posée sur son épaule. Je passai ma main devant ses yeux, je remis le film en marche. Mais Cartel ne donnait plus de signe de vie. Par pure sadisme et pour être certain de ne pas échouer, je continuai à suivre la vidéo, jusqu'à son ultime péripétie. Tu m'étonnais que le Docteur Octopus dénigrait le héros de ce film. Mais il fallait bien vendre, et il se trouvait que les savants fous ne faisaient vendre qu'en faisant rire. Ou émouvoir. Ce qui n'était pas leur but premier.

Dès que je fus certain qu'elle avait atteint un stade de sommeil lourd, je la pris dans mes bras pour la poser délicatement sur mon lit, où dormait paisiblement le chat lové sur lui-même. Je la déposai sous les couvertures pour qu'elle ne se réveilla pas par le froid. Je rejoignis ainsi mon canapé, après avoir éteint l'ordinateur qui ronronnait seul. J'étais aussi extrêmement fatigué. Je fis de mon mieux pour rêver de ma sœur, comment elle nous engueulait Clem et moi, comment elle nous avait menacé avec un pommeau de douche, ou comment elle rigolait quand on lui disait à quel point elle était plus intelligente que nous. Je sentis mon esprit s'envoler tout seul, convergeant vers l'esprit de Cartel avec un enthousiasme certain. Il était temps de contre-attaquer. Esprit rusé contre esprit logique. Fino, tu n'allais pas la voir venir celle-là.


__


J'étais dans le quartier chic d'Hollywood Dream Boulevard, celui dans lequel les buildings poussaient plus vite que des bambous. Problème pour moi, il y avait foule sur la place. Je me mis à gravir des escaliers pour prendre un peu de hauteur, espérant repérer rapidement une tête blonde parmi ces gens. Je fus content de mon stratagème : je n'avais pas arrêté de penser à elle, il était forcé qu'elle fut dans les environs. Et si elle était dans les environs, cela prouvait que j'avais eu raison de la faire endormir devant des dessins animés. Je mis trois minutes inquiétantes avant de la repérer en train de parler à Simba. Évidemment. Elle avait vu le Roi Lion, c'était logique qu'elle vienne se réveiller directement dans les pattes du gros félin. Je m'empressai de la rejoindre, pour me retrouver en plein monologue de Simba :

« ...et c'est là qu'ils ont pas arrêté de me gaver avec ces histoires de majesté. Je leur ai dit que j'avais pas envie, tu vois ? Mais la vérité, c'était que je voulais bien être roi ! Mais je savais pas du tout ce que je devais faire pour reprendre le trône. Donc je mentais. Puis y a eu ce vieux singe, Graffiti, et puis y a eu mon père dans les nuages. Ouais, je te jure, j'ai vu mon père dans des nuages ! Et là, il me dit : « N'oublie pas qui tuer ». Un très bon conseil que j'ai suivi à la lettre. Mon oncle est allé nourrir des hyènes, et je suis devenu roi.
_ Je te préférais largement dans le film... Oh Ed !
_ Oh Cartel. Tu veux me suivre ?
_ Oui. »


Yep, elle semblait avoir gardé son sens de la rhétorique tout en étant complètement dans les nuages. Disons que son cerveau fonctionnait comme d'habitude, sauf qu'il ne parvenait pas à faire comprendre à Cartel qu'elle se trouvait dans un monde complètement dénué de logique. Et qu'il n'arriverait pas à lui prouver qu'il avait raison dans le monde réel, vu qu'elle aura tout oublié. Elle semblait ravie de me voir. Elle comprenait qu'elle était dans un monde inconnu, et voir du réconfort m'octroya directement un sourire. Puis, son esprit était malléable comme de la terre glaise. Il suffisait que je lui demande quelque chose d'aussi normal que de me suivre pour qu'elle accepte toute guillerette. Parfait, mon plan marchait comme sur des roulettes. Voyons voir s'il ne se casserait pas la gueule lors de l'étape la plus délicate. Faire réfléchir Cartel sur un sujet compliqué. D'abord, j'allais tout lui dire. Tout. Du début à la fin, sans omettre les moindres détails. Et pour ne pas perdre notre temps, j'allais nous faire marcher jusqu'à l'entrepôt. Histoire de voir s'ils avaient réussi à débarrasser le plancher ou si le robot géant était resté sur place à cause d'un certain gadget. Gadget... merde ! Je regardai à mon poignet si j'avais toujours la montre, mais elle n'était plus là. Oui, ils me l'avaient enlevé lors de mon arrestation ! Preuve qu'elle était restée sur moi malgré mon réveil. C'était pour ça qu'aucun agent ne m'avait repéré au bar. Ouf, j'adorais me faire des frayeurs des fois.

Ce fut ainsi que je lui expliquai tous les détails de l'enquête, en espérant que son cerveau aussi dérangé que celui d'un junkie réussisse à capter tous les éléments et pouvoir en sortir quelque chose de bien et d'intéressant. Jamais Cartel ne me coupa la parole, ni ne présentait le moindre signe qu'elle m'écoutait. Je lui demandais plusieurs fois si elle comprenait et elle me répondit à l'affirmative. Bon, tant mieux. Finalement, le récit fut plus court que ce à quoi je m'attendais. Nous n'étions même pas à la frontière des quartiers du bien et du mal quand je conclus d'un point final. En expliquant pour de mystérieuses raisons le fait que la police me courait après, et autres points difficiles à aborder. Elle se caressa le menton, et s'arrêta net. Je fus surpris et la rejoignis rapidement. Ses yeux étaient partis quelque part dans le néant.


« Tu réfléchis à une solution ?
_ Je me demande surtout comment vous avez pu être aussi stupides. Y a un moyen simple.
_ De quoi ?
_ Tu as tous les documents de l'enquête sur toi ?
_ Non, mais on peut les trouver à la base, le seul endroit...
_ Alors, on y va.
_ … où je ne dois surtout pas aller. »


Bon, il y avait un problème dans mon plan : Cartel était Cartel. Quand elle décidait de faire un truc, elle ne lâchait jamais. Je pouvais dire que j'étais surpris qu'elle ait trouvé une astuce. Mais de quoi, je n'en avais aucune idée. Avec un peu de malchance, elle n'avait rien compris du tout à ce que je lui racontais. Je venais aussi de trouver le défaut de mon plan. Un Voyageur pouvait facilement réfléchir sur Dreamland parce qu'il connaissait à peu près les lois qui régissaient ce monde. Une Rêveuse ne pouvait se baser que sur des faits qu'elle voyait, ou qu'elle tirait directement du monde Réel. Ce qui donnait un inconvénient à la bonne marche de mon idée, et des siennes. Mais bon, je n'allais pas émettre des doutes alors qu'elle avait trouvé une solution. Je lui annonçai la direction de la base. Elle me dit qu'elle avait besoin de toutes les lettres qu'avait envoyé Yuri qu'on avait pu scanner. Ouais, c'était un fait. Le vieux bonhomme de supérieur me l'avait dit, dans la limousine, une demi-heure après l'explosion du premier entrepôt. Si Cartel voulait les lettres, c'était vers la base qu'il fallait se tourner. Nous fîmes marche arrière, et je fus heureux de ne pas être arrivé à l'entrepôt de la nuit dernière avant que Cartel ne me sortit ça. Merci à son cerveau. Je devrais brûler des cierges dans l'église du coin pour souhaits exaucés. Parce que non seulement mon plan marchait du tonnerre, mais le hasard me donnait des ultras. Était-ce le vent qui venait de tourner, ou bien le magnétisme de Cartel qui faisait en sorte qu'elle se trouverait toujours dans l'équipe gagnante ? Dix minutes plus tard, et on se cachait dans la rue donnant sur la petite colline qui hébergeait la base (la partie souterraine donnait ainsi sur l'extérieur). L'objectif était le suivant : récupérer les lettres par n'importe quel moyen. Le seul venant à l'esprit était de toutes les imprimer, vu qu'on n'avait aucune base de donnée où les transférer. Donc il fallait les imprimer sans que personne ne s'en aperçoive. Cartel était en train de réfléchir à un plan, mais elle n'en avait aucun de très bon. Elle se plongea dans ses réflexions en claquant des doigts (signe que son cerveau entier était Très concentré). Peut-être que si Cartel réfléchissait aussi bien, c'était parce que son esprit était habitué à résoudre des problèmes, et qu'elle adorait se frotter à des énigmes. Donner à manger de tels morceaux à son subconscient devait sacrément lui faire plaisir. Mais pour le moment, c'était impossible pour elle d'arriver à un plan simple. Il était temps que je fasse mon office. Je lui racontai mon plan. Elle l'accepta, même les parties obscures que son esprit ne pouvait pas assimiler. Dès qu'elle eut terminé, sans me remettre en cause (très, très étrange), elle me sourit de son air terrible et me montra le haut de sa chemise de son doigt :

« Deux ou trois boutons ? » Cartel était Cartel.

Le réceptionniste était dans une de ces mornes journées de sa morne vie. Il s'en fichait bien qu'une organisation sinistre menaçait la sécurité de la populace entière. Il n'allait pas sur le terrain, il était un personnage secondaire créé pour rester derrière son bureau sans en tirer satisfaction, mais sans toutefois vouloir renoncer à ce poste si... lui-même. Il devait subir quelques personnes stupides qui le mettaient en pelote, et dès qu'elles partaient, il murmurait dans son visage glabre que son inventeur aurait pu le faire plus solide mentalement, histoire de supporter leurs gémissements. Avec toute cette pagaille dehors, il y avait trop peu de mondes à la base. Il soupira comme seul savait soupirer cet homme. Puis il vit une jolie jeune femme entrer. Sa bouche ne s'ouvrit même pas d'extase quand il vit cette belle apparition (chemise bien ouverte) tituber dans le hall du commissariat, avant de s'écrouler par terre, gémissant. Le réceptionniste était un personnage grossier, mais il n'avait pas assez de mauvais cœur pour ne pas jeter un coup d'œil. Il se leva de sa chaise avec un soupir (comme seul lui savait les faire), et s'approcha de la blondinette pour lui demander si elle allait bien. Pas fou, il restait à bonne portée d'un éventuel piège.

Pendant ce temps, hors de portée de vue des agents de la base, je créai une paire de portails juste devant moi, qui me permit de voir directement l'ordinateur. Tandis que Cartel jouait son numéro et que l'employé avait laissé son écran, je pianotai pour chercher les lettres de Yuri, ne faisant passer que mes poignets dans la base. L'informatique dans ce monde, avait une interface très, très simple. Normal pour des personnages de dessins animés. Je pris le dossier sur les lettres, et les envoyais sur le bouton de l'imprimante. Je déplaçai mon portail pour aller couvrir partiellement les bruits que feraient la machine quand elle délivrerait les messages importants, en le mettant devant les conduits aéarant la machine. Le secrétaire se retourna, mais un gémissement plus violent de Cartel le tira de sa contemplation. Pour lui, ça ne devait être qu'un bourdonnement de la machine comme elle aimait en faire toutes les heures. Je retirai les papiers de la machine rapidement, et fit un signe de pouce à Cartel pour lui dire que c'était bon. Une seconde après que j'ai retiré mes bras et annulé mon pouvoir, elle se leva, plus fraîche que l'aube et embrassa sur la joue l'employé de bureau pour le remercier, avant de lui faire au revoir de la main, et de s'en aller gaiement à l'extérieur. D'accord, complètement dans les vapes la pauvre fille. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, le plan avait marché. Le comptable haussa les épaules. Il avait vu bien pire que la scène de cette jeune fille, et en verrait d'autres. Il retourna à son ordinateur, exactement à la page où il l'avait laissé. C'était beau l'informatique, ça ne vous trahissait jamais... Mais il sentit une imprimante chaude, ainsi que l'odeur de l'encre. Il vérifia rapidement l'inventaire des impressions. Il sourit mesquinement ; il n'était peut-être qu'un comptable, mais il était surtout un foutu comptable.

Sur le chemin qui menait au second entrepôt, Cartel s'était saisi des fiches et s'était mise à les lire vigoureusement, oblitérant totalement le monde qui l'entourait. J'étais obligé de la saisir par le bras pour l'écarter du chemin d'un énorme rhinocéros, ou encore d'un mur. Elle fit le tour en une vingtaine de minutes, après avoir lu et relu chaque texte, regardant vers le ciel en attendant que Dieu lui trouvait une réponse. En tout cas, tout son esprit était monopolisé par ces lettres. Je ne voyais pas où elle voulait en venir, mais étais tout simplement trop occupé à essayer de retrouver mon chemin. Puisque j'étais un peu perdu dans ce merdier pour le moment. Je n'avais aucun sens de l'orientation. Tout le monde le savait. J'avais même réussi à me perdre dans une ligne droite. Je pouvais vous dire que l'expérience dans le Labyrinthe Cauchemar fut traumatisante pour moi. Même s'il était si tortueux que n'importe qui se serait perdu. Je pouvais remercier l'apparition de Fino ; notre première rencontre. Raah, Fino, tu allais voir lors de notre prochaine discussion, j'allais t'écraser la gueule. C'était comme ça que tu fonctionnais de toutes façons.

On arriva deux heures plus tard à l'entrepôt. Je fus content de le retrouver, malgré la perte de temps incontestable dû à mon sens de l'orientation. J'avisai une petite porte de métal donnant je le savais, en plein dans la pièce principale et vérifiai qu'il n'y avait personne. Et effectivement, le tout était vide. De toutes façons, l'entrepôt était intact. Je tendis une main à Cartel qu'elle attrapa doucement, et nous entrâmes dans l'entrepôt. Je fermai la porte silencieusement, même si le bruit de son claquement rebondit dans toute la salle. La lumière était très tenue. Cartel appuya sur un interrupteur, et toute une série de lampe pendant au plafond s'allumèrent en clignotant, dévoilant au fur et à mesure la teneur de la pièce principale. Totalement, effroyablement vide. Même le robot géant saboté avait disparu. Comment ces connards avaient-ils faits ? Bah, je n'étais pas un expert en ces technologies. Peut-être que je m'y étais pris comme un pied, que ça n'avait pas fonctionné, ou qu'ils l'avaient réparé très rapidement. Sérieusement, je m'en fichais. J'étais entièrement concentré sur ma sœur, qui se mit à visiter l'entrepôt comme un chat explorerait une nouvelle maison. Malheureusement, on n'avait pas beaucoup de temps. J'appelai Cartel, mais elle ne me répondit pas. Elle entra dans les couloirs au fond, et je me mis à lever les yeux au plafond. Elle restait un poil incontrôlable tout de même. Je me dépêchais de la suivre, en l'appelant plusieurs fois. Elle ne m'adressa aucune réponse, continua à vagabonder dans les salles. J'eus soudainement le déclic :


« Tu cherches quoi ?
_ Je voudrais un marqueur, ainsi qu'une carte de la ville. Si c'est un repère de brigands, il doit certainement y avoir ça ici.
_ C'est peu probable.
_ Ed, arrête de faire l'idiot. Je veux absolument une carte.
_ Je vais t'aider, pas de panique. »


Elle partit de son côté, je partis à l'étage. Je commençais un peu à comprendre où elle voulait en venir. Je montai les marches trois par trois, et me dirigeai vers le bureau de Fino. Avec un peu de chance, il aurait une carte ou un stylo quelconque. J'enfonçai la porte. Le bureau était tel quel, mais il n'y avait plus de trace de vie. Je fouillai dans les armoires afin de trouver un des objets que recherchait Cartel, quand mon doigt toucha quelque chose. Je le sortis, et reconnus la télécommande murale. Par un désir morbide, je fis défiler les murs pour voir les aquariums. Je ne fus nullement surpris de voir les requins, les crocodiles ainsi que les raies manta (carnivores) encore dans leur bassin, et qui allaient lentement mourir, par la faute d'un phoque situé bien en-dessous de la chaîne alimentaire. Je repartis dans mes fouilles, et dénichai avec succès un gros marqueur noir. Je me précipitai vers le rez-de-chaussée, tandis que j'entendis ma sœur m'appeler. Elle avait trouvé la carte, déjà accrochée à un mur de la pièce principale. Je la félicitai, et lui présentai mon feutre. Elle sauta de joie, me le prit des mains avant de me faire une bise, et partit vers son tableau. Elle avait les lettres, et me fixait pour être sûr que je serais attentif.

« OK Ed. Voici mon idée. Si on suit ces lettres, on peut voir que ton Yuri est allé voir différents fournisseurs le même jour. Vu la quantité des matériaux demandés, ou alors la taille que je peux m'imaginer des composants nommés « Barres de fer de cinq mètres », je peux supposer qu'il faisait un aller-retour pour chaque commande. Tu suis ? Donc, je prends l'hypothèse qu'il y avait au moins - je dis bien au moins, trois entrepôts. Dont un principal que vous n'avez pas trouvé.
_ Et tu peux me dire comment tu sais qu'il y en a un principal que nous n'avons pas trouvé ?
_ Car à ce que j'ai compris, tu n'avais vu aucun atelier de construction, ou tu ne savais pas où était passé le traducteur. Donc ils doivent avoir un entrepôt pour cacher ces robots, qui a beaucoup de chance de contenir aussi le traducteur. Tu suis ? Pour le reste, nous allons utiliser ces lettres. Avec ce plan de la ville, nous allons pouvoir suivre ces mouvements selon ses commandes. Vu qu'il a tué plusieurs fournisseurs le même jour, on sera capable de calculer le temps qu'il a mis pour aller de chez ses victimes jusqu'à la base. Nos adversaires nous ont bien aidés : ils ont déjà marqués le nom des victimes et leur adresse sur la carte. Tu suis ?
_ Attends, attends ! Comment peux-tu être sûr qu'il ne revenait pas dans les deux autres entrepôts que je venais de citer, seulement ?
_ Ça, on le sera bientôt. J'ai classé ces lettres selon la date, puis l'heure. Peux-tu me dire à qui elles étaient adressées et quand la commande devait être récupérée ? »


Elle me tendit les lettres, que je lus à haute voix. Je comprenais son idée. Sans compter la première lettre de chaque jour (on ne peut pas savoir d'où il partait), on devrait calculer le temps qu'il mettait d'une commande à une autre, en nous demandant où il s'était arrêté pour déposer les composants qu'il avait ramassé. Donc on vérifiait soit qu'il allait au premier entrepôt avant de repartir, soit au second, soit au troisième de localisation inconnue. Dès qu'ils nous semblaient qu'il ne pouvait être allé déposer sa commande dans les deux premiers, Cartel calculait la distance maximale qu'il avait pu parcourir pour aller au troisième bunker selon la vitesse de marche d'un individu lambda, afin d'obtenir un diamètre de cercle dont le centre se trouvait au milieu des deux maisons des fournisseurs que Yuri avait vu l'un après l'autre. Normalement, selon ses calculs, la maison devait se trouver, non pas dans le cercle, mais SUR le tracé du cercle. Vous suiviez ?

Ainsi, pendant une petite demi-heure, je lus toutes les lettres qu'avait envoyé Yuri de son écriture difforme. Nous observâmes s'il était allé dans le premier entrepôt, dans le second, ou bien dans le troisième. Dès que les deux premiers cas ne nous parurent pas évidents, un autre cercle était dessiné sur le papier. Je pressentais tout de suite un défaut sensible : il fallait partir du principe que Yuri avait envoyé les lettres en sachant exactement le temps qu'il mettrait pour aller de là à là. Mais si nos ennemis avaient tout calculé pour lui afin de maximiser du temps et éviter d'attirer les soupçons, on avait toutes nos chances. On pouvait dire que Cartel réduisait partiellement ce problème, en incluant à la fin une marge d'erreur : dès qu'un peu moins d'une dizaine de cercles furent marqués, et que tous leur tracé se rejoignit magiquement dans une même zone, ma sœur fit un dernier cercle pour prendre les bâtiments ciblés ainsi que leur voisinage, au cas où. Elle cria un Bingo retentissant en pointant son doigt. Dans le dernier cercle, il y avait une trentaine de maisons. Mais un seul, un seul et unique entrepôt. Je la serrai dans mes bras en hurlant de joie. Elle fit de même, heureuse d'elle d'avoir pu m'aider. Je la soulevai par terre en la faisant tournoyer. Mon plan avait parfaitement fonctionné. Cartel avait réussi à me sortir de l'impasse comme une professionnelle. Certes, on pouvait complètement se gourer. Mais cette perspective me semblait totalement stupide, puisque c'était Cartel qui avait trouvé la réponse, et qu'elle ne pouvait pas se tromper. Si ça avait été moi qui avait abouti sur ce résultat, je me serais donné une chance sur deux d'avoir trouvé la bonne solution. Pour Cartel, avec exactement le même raisonnement, je lui faisais confiance à quatre-vingt dix-neuf pour cent. Je relâchai enfin ma sœur de mon étreinte, et terminai par lui faire un bisou sur la joue. Jusqu'à ce que j'entendis la voix suivante :


« Bon, je crois qu'ils sont ici.
_ Qui, ils ?
_ Quoi, qui ? »


Je me retournai. Un petit volet au bout du bâtiment s'était ouvert, et deux personnes entraient. Toutes les deux avaient un costume, des lunettes de soleil, ainsi que leur bâtonnet de métal qui effaçait la mémoire. L'Agent J et l'Agent K. On nous avait suivi. Mais heureusement pour moi, ce n'étaient pas les plus malins. Leur mémoire avait été bidouillé par leur joujou à flash. Puis, il ne fallait pas perdre de vue que la personne la plus intelligente de la base, c'était Perry, un ornithorynque. C'était bien eux pour nous prendre en filature et mettre autant de temps avant d'intervenir. Je lâchai l'étreinte de Cartel, et m'avançai vers le duo en pleine lumière. Ils s'arrêtèrent, et me pointèrent avec leur Flashouilleur. Je m'avançai vers eux d'un pas lent.

« Écoutez, il y a eu méprise. Je peux vous dire où est la base finale. Où ils sont tous !
_ Un peu normal que tu le saches, Ed Free.
_ Non, crétin, c'est Ted Iffre ! C'est ce joujou qui te dézingue la cervelle.
_ Quelle cervelle ?
_ De quoi ?
_ Je vous en prie, laissez-moi vous expliquer. Je n'ai jamais été le salopard que vous recherchiez, c'étaient des montages !
_ Ne bouge plus ! Sinon, je flashouille !
_ Euh, c'est moi qui a l'engin, Agent T.
_ Merde, Agent F, scuse-moi. »


Je continuais ma lente avancée, et le gars qui avait le flash commença à l'activer une fois, deux fois, trois fois, dix fois, trente fois. Une série de flashs rapides illuminèrent la base comme un feu d'artifice. Voyant que je m'avançais toujours vers eux, lunettes de soleil sur le nez, ils décidèrent d'observer tous deux l'engin et de le tapoter.

« Il est cassé ?
_ Non, je crois qu'il marche pas contre certains types de personne.
_ Quels types de personne ?
_ Pardon ? »


*BOOONG !!! BING !!!*
Les deux s'écroulèrent sous les assauts de mon panneau de signalisation. J'avais fait de mon mieux pour ne pas trop les blesser. Ils étaient plus sympas que bêtes. Enfin non, ils n'étaient pas Gandhi non plus. Mais ils étaient juste de joyeux idiots qui ne feraient pas de mal à une mouche. L'idée me vint d'utiliser leurs montres. Les autres agents ne pourraient pas savoir qui portait la montre. Je pourrais ainsi envoyer des messages au chef de la base, et lui expliquer la situation une fois que tout serait terminé. Et surtout, s'ils voyaient que la position de leur deux agent ne bougeait pas d'un iota depuis quelques heures, ils s'interrogeraient. Une pensée me trotta dans la tête : et dès que Monogram les réveilleraient, qu'est-ce qu'ils auraient comme histoire à raconter ? Moi fonçant vers eux pour les assommer. Je tendis l'autre bracelet à Cartel. Elle allait devoir m'accompagner elle aussi, pour blouser l'agence : les agents étaient deux, je n'allais pas porter les deux montres moi-même, je ne savais pas jusqu'où leur GPS était précis. La base allait juste penser qu'ils avaient continué leur filature dans de nouveaux endroits de la ville. La jeune fille fit tourner doucement l'engin entre ses doigts, et je lui demandai de l'enfiler. Elle s'exécuta finalement. En plus, elle avait le plan en tête. Même un pigeon voyageur devrait s'incliner devant son sens de l'orientation. J'avais l'impression qu'en plus de sa vision normale, Cartel disposait d'un HUD qui lui montrait où était la gauche, la droite, le nord, etc. Nous nous dépêchâmes de filer en direction de la dernière base, à moins de vingt minutes à pied. Je ne priais même plus pour qu'elle fut un repère de vipères : elle le serait obligatoirement. Il était impossible qu'il en fut autrement. Demain soir, j'allais préparer à Cartel un de ces festins. Je regardai l'écran de ma montre, pour savoir où se trouvaient les autres agents. La réponse était : pas dans le coin. Bref, il n'y avait personne qui allait nous chercher. Mais si je demandais, je pouvais savoir où se trouvait l'agent Perry précisément, avec une fonction de zoom. Je pouvais répondre qu'il accordait un autre entretien avec le puissant Megamind. Le pauvre ornithorynque... Mais Perry, j'allais pouvoir te remercier en beauté de tout ce que tu avais fait. Je pressai le pas une nouvelle fois. Il fallait que je tire tout cela au clair.

Ce fut au pied du bâtiment que je me demandais vraiment ce que j'allais faire de Cartel. En même temps, elle ne risquait rien à rentrer dans ce trou à rats. Mais lui faire passer une mauvaise nuit juste pour brouiller des types deux secondes, c'était pas très moral. Bon, allez, pour la sauvegarde du monde libre. Je demandai à Cartel de continuer à me suivre, même si je pourrais me retrouver à combattre d'énormes machines puant la rouille et le sang. Elle acquiesça. Je rajoutai que je pourrais me faire éventrer (ainsi qu'elle-même) par des câbles sortant du ventre d'un Russe. Elle acquiesça toujours. Et aussi qu'un phoque risquait de sortir par mes entrailles avant de dévorer tout l'équipage. Elle continua à dodeliner de la tête. Je levai la mienne et je partis vers le troisième entrepôt. Loin des horribles bâtiments en brique qui accueillaient quelques portes coulissantes de métal, on aurait dit que celui-ci avait été construit par les ingénieurs d'Apple afin d'y conserver leur I-Pad en stock. Plus petit que les autres, murs en je ne savais pas quoi mais de couleur blanche, tout sentait bon la peinture fraîche. Ce fut enfin à une trentaine de mètres de l'entrepôt que je me demandais franchement si je devais aller sonner à la porte, puis défoncer cette dernière, ou bien si je devais la jouer fine. Mais difficile de faire appliquer un plan sur le long terme dans cette tête de Rêveuse. Si elle pourrait être furtive les premières minutes, nul doute qu'elle oubliera au fur et à mesure les instructions pour aller explorer le bâtiment en criant s'il y avait quelqu'un. Je levai mon regard pour apercevoir les fenêtres : il y avait un étage. Peut-être que je pourrais y aller directement avec une paire de portails, mais ça m'en ferait deux d'utilisée dans la nuit. Si je devais combattre un monstre tel que Yuri, il vaudrait mieux pouvoir avoir du répondant à ce moment-là. Oui, parce que c'était bien beau, mais je faisais quoi dans le bâtiment ? Je prouvais mon innocence ? Comment j'étais censé faire ? Trouver d'autres documents avec ma signature dessus ? Bah, la réflexion viendrait après. J'allais tenter de passer par le premier étage avec un portail, Yuri ou pas Yuri. Il n'y avait que peu de chances qu'il soit là de toutes façons.

Je réalisai un portail, regardai à travers pour voir si je n'allais pas directement basculer dans un bureau où tous les méchants seraient réunis avec des flingues posés devant eux, mais ne trouvai qu'une petite salle vide et sombre. Je passai à l'intérieur, faisant signe à ma sœur de me suivre. J'annulai mon pouvoir dès notre arrivée derrière les murs. Il y avait un placard en tout et pour tout. J'ouvris la porte, pour me retrouver dans un autre couloir, jumeau de celui du second entrepôt, même étage. D'avance, je décidai d'aller voir dans la salle du fond. Personne non plus. La pièce était plus aérée que le minable bureau de Fino, mais elle semblait tout aussi importante. Il ne me fallut pas plus de trois minutes pour trouver un objet très, très intéressant : la lampe de mon ami Russe. Je la soupesai : il y avait une étiquette sur lequel était marqué « Yuri ». Bingo, un ennemi en moins, un allié de plus dans mon camp. C'était la meilleure découverte que je pouvais faire ; avoir la lampe de Yusi signifiait que je devenais son nouveau maître. Je fis un tour dans la paperasse administrative, mais rien ne semblait pouvoir m'apporter plus d'éléments à ma charge, ni contre celle de mes adversaires. Je me rendis compte enfin que le simple fait d'avoir trouvé la lampe magique de Yuri me donnait la confirmation que cet entrepôt était le bon. C'était le dernier niveau.

Nous sortîmes tous les deux, puis allâmes au rez-de-chaussée en passant par les escaliers. Aucune sorte de robot, ni de présence quelconque. Heureusement que j'avais trouvé la lampe du Russe : je me serais senti envahi d'un doute sinon. Mais heureusement, dans la grande pièce principale, je fus ravi comme tout de voir Yuri (toujours en mode zombie), ainsi que deux autres personnes que je ne connaissais pas : une petite sauterelle (le Borgne, aucun doute là-dessus), ainsi que Rattigan. Bordel, est-ce qu'ils avaient fait exprès de ne comploter qu'entre Minus ? En tout cas, ça allait me faciliter la tâche. Dès qu'ils me virent m'avancer vers eux comme si je sortais d'un barbecue, Rattigan demanda langoureusement à Yuri de m'attaquer. Je demandai d'un ton encore plus langoureux, et avec la lampe magique levée, de plutôt les tenir serrés entre ses deux poings sans les tuer. Le Russe s'exécuta aussitôt : il se pencha en avant et récupéra le rat et la sauterelle, qu'il réussit à emprisonner sans toutefois les écraser. Je ne voulais pas de mort d'insecte sur la conscience. Je m'approchai tranquillement de mes deux malfrats, et fis les cent pas autour d'eux pour être sûrs de ne pas être pris à revers par une autre personne. Un détail qui m'avait surpris : il n'y avait pas de robot dans la pièce. Bordel, combien de foutus hangars avaient-ils ? Bon, passons à l'interrogatoire. Je cherchai la première question qui me vint à l'esprit, mais elles se bousculaient toutes. Je réussis à trouver un compromis :


« Bon, dîtes-moi tout.
_ Mais de quoi ? On ne faisait rien pourtant, »
me sourit gentiment Rattigan. Je lui rendis son sourire chaleureusement avant de dire :
_ Serre plus fort, Yuri.
_ AaaaaaAAAAAAAA !!! Okay ! Okay ! On est sur un coup !
_ Oui, quoi comme coup ?
_ Ne lui dis rien, Rattigan ! Tu le regretteras.
_ Notre but est d'exploser le commissariat de votre stupide agence !
_ C'est bien ! Bonne idée, super mensonge.
_ Mais tu vas la fermer ?!
_ La vérité ?
_ Quelle vérité ?
_ Sur Yuri ? Sur qui a tué Al Super Gay ?
_ Qui ça donc ? AAAARRGGHHH !!! J'ai oublié. Aaaaaïïïïïeuuuh !
_ Que préparez-vous ?
_ Un steak frites. »


Mais c'était pas possible ! Ils allaient se foutre de ma gueule comme ça longtemps ? J'avais Yuri avec moi, je les tenais en joue ! Pourquoi donc continuait-ils à ne rien me dire ? Il fallait que j'essaie de me calmer, me dire que certaines personnes n'avouaient jamais, même sous la plus immonde des tortures. Et j'avais bien peur de ne pas pouvoir les faire subir des douleurs abominables, sous peine d'un karma négatif. Et ils devaient le savoir. Je continuai à faire les cent pas en recadrant mes lunettes de soleil sur les yeux.

Puis il y eut une même action que je pourrais diviser en deux temps. Le premier fut que j'entendis distinctement un miaulement. Le second fut que je trébuchai sur l'animal qui avait provoqué ledit miaulement. Un petit chat qui s'était faufilé dans mes jambes, et avait agrippé mes chevilles. Pris d'un réflexe instinctif (qui se disait « de survie »), mes mains lâchèrent tous les objets qu'elles tenaient pour se concentrer sur la réception de mon corps. Je perçus un petit rire, tandis qu'un chaton agrippa la hanse magique et se mit à fuir plus loin. Pas de doute, c'était Izma, transformée en chat, de Kuzco. Le temps que je sois en mesure de pouvoir réfléchir sereinement, le chat parla :


« Yuri, tu lâches les deux crétins. Puis tu tues le Voyageur blond. »
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyLun 30 Mai 2011 - 17:49
Un poing lourd sur ma tempe indiqua que la requête avait été transmise et acceptée. Je fis un vol plané avant de ré-atterrir plus loin, à deux mètres. Je me redressai, à temps pour voir une paume de main tendue vers moi. Signe qu'un câble allait sortir à une vitesse anormalement élevée. Mais une forme blonde percuta violemment le Russe, lui faisant rater sa cible : Cartel avait compris qu'un type qui attaquait son frère n'était pas son ami, et elle avait décidé (innocemment) de prendre les choses en main. Mais si Cartel avait des trophées de judoka, elle aurait bien du mal à expliciter son art face à un Russe qui disposait de pouvoirs singuliers. Il tenta de la repousser d'un balayage du bras, mais elle en profita pour lui saisir et le faire basculer par dessus son épaule. Ah bah, peut-être que ça suffira alors. Ma sœur s'avisa ensuite de lui tordre le bras pendant qu'il était à terre, le neutralisant complètement. Ce ne fut que trop tard que je vis un câble jaillir de la poitrine de Yuri pour aller transpercer ma sœur au niveau du nombril. Mon cerveau analysa en un tour de main la scène, la photographiant dans sa mémoire, et l'envoya à la salle des sentiments pour m'injecter une bonne dose de colère direct. Cartel s'évanouit dans un nuage de fumée, après avoir émis un râle de stupeur. Le câble était maintenant remonté jusqu'au toit, maintenu par une charpente faite de poutres en métal chromé. Mais le temps qu'il rembobina son fil, sa tête venait de se faire exploser la gueule par un panneau de signalisation. Voire sa sœur mourir sous ses yeux, même pour de faux, ça restait choquant. Et me donnait un sentiment de meurtre. Je voyais toujours l'image de son corps pétrifié par une terrible surprise, superposé à ma vision. Ce connard de merde venait de me chauffer à blanc.

Yuri posa une main contre terre et me visa avec l'autre paume tournée vers moi. Un coup de panneau claqua sur son poignet, je fis un trois-cent soixante degrés sur moi-même en profitant de l'élan, et lui en envoyai un autre dans la gueule. Ce fut à lui de s'effondrer de tout son long quelques mètres plus loin, et c'était à moi de m'avancer vers lui, le regard inexpressif et la démarche d'un automate qui venait de trouver Sarah Connors. Je sentis un petit craquement devant mes pieds. Un réflexe heureux me fit reculer pour éviter un câble se dressant à la verticale dans un bruit sec. Un autre câble, puis un autre, puis une dizaine d'autres me firent reculer de Yuri étalé sur le sol, faisant éclater le béton dans un bruit de pop-corns. J'en profitai pour jeter un coup d'œil, voire où était la lampe. Mais les malfrats avaient disparu. J'hésitai à les pourchasser : déjà que je ne savais où ils avaient bien pu se cacher. Et puis, ce connard venait de buter ma sœur. Un dernier craquement terrestre, que je ne vis qu'au tout dernier instant. Un câble surgissant du sol vint me tracer un sillon de sang sur le menton, et m'arracher mes lunettes de mon nez. Ma paire s'envola dans les airs ; quand elle y retomba, elle était coupée en deux. Tandis que ma tête se remplit de rage démente, je pensai que jamais quelqu'un ne m'avait fait chier à ce point. Détruire mes lunettes de soleil, s'attaquer à ma sœur... C'était un triste record, et j'avais hâte de lui donner sa récompense. Quand mon adversaire fut relevé, il m'envoya deux câbles rapidement. Je réussis à les esquiver, puis à me remettre à foncer vers lui. Problème : il m'attendait. Un troisième câble sortit de son auriculaire pour foncer vers ma poitrine. Mes yeux s'obscurcirent tandis que mes cheveux dansaient. Mon pouvoir était en marche.

Premier portail : Il se trouvait devant moi, me protégeant le torse. Je le faisais bouger en même temps que moi pour le suivre dans ma course.
Second portail : Derrière moi, immobile par contre.
Effet provoqué : Le câble, au lieu de me percuter le ventre pour y faire un trou, s'enfonça dans ma porte et ressortait juste derrière moi. Et je pouvais tranquillement courir jusqu'à mon adversaire, le câble ne pouvant pas changer de direction.

J'envoyai un autre coup de panneau dans les côtes du Russe, qui grogna. Il atténua le choc en faisant un bond de côté. Je lui envoyai trois autres attaques tandis qu'il rembobinait ses câbles. Le pauvre Yuri devait recharger ses fils avant de me les renvoyer dans la gueule. Un point faible simple à analyser, dont je pourrais facilement en tirer quelque chose. Il eut le droit à un autre coup dans la tête, et un autre sur les flancs. Il réussit à contenir. Mais TOMBE !!! Bordel de merde ! Mais j'avais quelques problèmes : de un, il était très robuste à la base. De deux, il ne craignait pas la douleur vu que son cerveau arrivait à peine à le faire respirer. De trois, mes coups étaient assez faiblards car je restais à longue distance sans chercher le contact pur. J'avais vu la puissance dont il était capable au manoir, et j'avais remarqué en direct il y avait même pas une minute qu'il était capable d'une grosse attaque éclair au corps-à-corps. Si on s'approchait trop près, il y avait directement un gros câble qui sortait de son corps pour vous tuer. Un coup comme celui-ci, et je pouvais rejoindre Cartel dans le Monde Réel. Définitivement. Je fis bouger ma tête pour éviter un fil destructeur. Yuri en profita pour s'approcher très près ; trop près. Je sentis ma mâchoire s'envoler et mes pieds quitter le sol. Je réussis à me stabiliser à la réception, et à éviter un autre jet meurtrier de mon adversaire. Tandis qu'il tentait de rembobiner, je frappai sur son fil pour qu'il y passa plus de temps. Je fis un jeu de jambes assez délicat pour éviter sa défense de sa main valide, et terminai par lui envoyer un panneau qu'il esquiva d'un pas en arrière. Je continuai mon avancée, mais Yuri prenait facilement de la distance, et s'écartait de vingt bons centimètres à chacun de mes coups.

Mon adversaire sortit alors un fil par doigt. Des fils très fins. Outch, ceux qui pouvaient couper n'importe quoi rien qu'en les agitant dans les airs. Sa main disparut dans un mouvement. Je fis un pas en arrière. Mais ce fut trop tard : trois lames invisibles vinrent déchirer mes habits et laisser trois marques irrégulières sur le torse. Je tentai de courir en arrière, mais j'entendais un fil siffler à mes oreilles, avant de me faire une autre blessure à l'épaule. Le bruit était étrange, surtout dans un espace vide. On aurait dit qu'une centaine de personnes étaient en train de souffler dans une paille. Le rendu était assez terrifiant, vu qu'une nouvelle entaille apparaissait sur le béton et sur mes vêtements. Si je fonçais droit devant moi, j'étais découpé en rondelles de saucissons. Je tentai le pas de côté, mais le bruit ne me quittait pas. Ce fut ma joue qui fut touchée : une longue entaille qui envoya valser des gouttes de sang partout. Voyons voir... Je pourrais utiliser une autre paire de portails, mais n'en avoir que deux à disposition était un pari risqué. Surtout qu'il n'était pas dit que je puisse en faire deux. Peut-être qu'avec la fatigue ou mes blessures, je ne réussirais qu'à en produire un seul. Et là, ça serait la catastrophe... Ma cuisse reçut une longue estafilade sanglante et douloureuse, qui me fit arracher un gémissement d'entre les dents. A bout d'idées, je décidai de jouer mon va-tout : je pris mon panneau de signalisation, et lui envoyai dans la tête comme si je lançais un javelot.. Il se le prit en plein menton dans un craquement sinistre. Sa tête partit en arrière, et j'en profitai pour lui foncer dessus à bras raccourcis. Nous tombâmes tous les deux. Je laissai mon arme au sol, pour me permettre de foutre quatre bon coups de poing au Russe.

Puis je sentis une petite décharge d'énergie. Yuri allait me balancer son attaque qui venait de faire disparaître Cartel. Rapidement, je conçus une paire de portails, pareillement disposés comme la dernière fois, sauf que le premier était tourné vers le sol, et le second vers le plafond. L'effet fut... très étrange. Car son fil qui passa à travers s'agrippa au plafond, et commença à treuiller le Russe en altitude. Ce dernier m'emporta moi-même vers le plafond, avec des parties de lui qui restaient en-dehors du cadre de mon portail. Et pour éviter que l'on ne sortit de mes portes, ce qui aurait pour effet direct de me faire transpercer par son câble quand même (puisque l'on sortait de l'effet de ma porte puisque celles-ci restaient immobiles, ça serait comme si le câble n'avait jamais subi les affres de mon pouvoir), je fis déplacer les deux portails en même temps, vers le plafond. Ainsi, Yuri était tiré par le plafond par un câble qui me passait à dix centimètres du nombril, et j'étais emporté avec lui, par-dessus lui. Je revis les grosses poutres qui supportaient le toit avec courage. Je fis un effort musculaire pour me permettre d'échapper à Yuri qui continuait à grimper rapidement (si on continuait comme ça, les parties de Yuri rentrant dans mon portail et qui étaient ressorties derrière moi allaient s'écraser contre le plafond, j'allais faire de même, puis le reste de Yuri finira le sandwich). Avec une agilité que je ne me connaissais pas, je parvins à atterrir sur une grosse poutre grise, de soixante centimètres de large. Mes portails collés à Yuri descendirent vite fait pour me permettre de récupérer mon panneau.

Yuri me rejoignit en utilisant ses câbles qui le stabilisaient, un peu comme l'aurait fait un Spider Man ivre. On était tous les deux sur la poutre, face-à-face. Il avait largement l'avantage : il serait plus difficile d'esquiver ses câbles sur cette plateforme. Puis, je n'avais plus qu'une seule et unique paire de portails (une dans le bureau de l'Agence, une autre pour aller à l'étage de l'entrepôt, une pour éviter un câble, une autre pour son attaque, plus une autre pour le déplacement de deux portails en simultané). Merde... Ce n'était pas prévu ça. Je n'aurais le droit qu'à une seule chance : pour éviter ses attaques ou bien pour empêcher une chute mortelle. Je le regardais. Bien que son cerveau fut grillé par l'enfer des paradoxes, il commençait à fatiguer. Moi aussi. Ses fils à couper le beurre devaient être sacrément épuisants, pour qu'il joue avec eux si fort qu'ils puissent découper n'importe quoi. Il était amoché. Et bien amoché. J'avais l'impression que même malgré mes blessures, il était en plus mauvais état que moi. On ne se prenait jamais un coup de panneau dans la gueule sans les conséquences qui allaient avec. Mais Yuri était très costaud. Sa tête cabossée ne l'empêchait pas de réagir extrêmement bien en situation de combat. Tous ses coups étaient bien joués. Il avait de l'expérience derrière lui. Chaque blessure me le rappelait douloureusement. Il devait être un chouïa plus fort que moi. Je pense qu'on pourrait faire une belle égalité si j'avais été à fond dés le début. Parce qu'une seule paire de portails allait m'obliger à la jouer serré. Vous pouvez vous demander pourquoi je n'avais pas utilisé de portails pour lui renvoyer ses attaques dans la gueule. La réponse était que je ne voulais pas prendre de risques. Ce type pouvait faire sortir des câbles de son corps. Les lui renvoyer dedans n'était peut-être pas une bonne solution. C'était un peu comme renvoyer une boule de feu sur un Voyageur pyromane... Aucun intérêt.

Yuri m'envoya directement deux câbles. Un me racla l'épaule méchamment, et l'autre se fit arrêter par mon panneau de signalisation. Je fonçai vers lui pour lui administrer sa face à la méthode brutale. Il esquiva en se baissant excessivement, et me balaya les jambes avec son pied. Je tombai à la renverse, mon épaule heurta le métal dans un bruit sonore et je passai par-dessus bord. Mon cerveau fit bouger mon bras et activer le pouvoir de mon panneau de signalisation. Mon arme se planta horizontalement dans la structure gigantesque de la poutre. J'étais accroché à elle, bras tendus et jambes dans le vide. Yuri s'approcha sadiquement de moi et me présenta sa paume. Je fis une traction des bras et effectuai un tour sur le panneau. Je relâchai l'empreinte du métal quand j'eus la tête en bas et que le câble n'ait perforé que de l'air. Je retombai délicatement sur le métal, et profitai de ma proximité avec Yuri pour lui envoyer un coup de coude dans les dents. Je fis mouche, et le géant russe fit un pas en arrière. Je profitai de son déséquilibre pour récupérer mon arme accrochée à la poutre. Il fit bouger un de ses doigts comme un fouet, et je sus qu'un fil invisible et tranchant se baladait quelque part dans les airs. Il y eut un sifflement, mais je ne fus pas touché. Maintenant à bonne distance, Yuri m'envoya un fil qui s'enroula autour de mon panneau. J'eus une vision fugitive qui me rappelait que c'était exactement comme ça qu'il m'avait arraché mon arme lors de notre première rencontre. Au lieu de l'envoyer au loin, dès qu'elle ait effectué quelques tours, je me mis à serrer fort le fil dans mon poing. Quand Yuri rembobina son câble, je fus emporté avec mon panneau. Il n'avait pas prévu ça le bougre. Je profitai de l'élan pour lui envoyer un super coup de poing dans sa gueule. Patate du siècle. Yuri s'envola en l'air par la puissance, et ce fut à son tour d'être menacé par une chute de quarante mètres. Il envoya un fil se planter dans le mur le plus proche, et se fit treuiller à son nouveau point d'attache. Calé contre le mur, il voulut éjecter un autre câble pour revenir aux poutres quand il me vit fondre sur lui. Lorsque je compris que mon Yuri allait revenir, j'avais pris mon panneau et mon courage à deux mains, et m'étais élancé vers sa position, niant la chute. Il y eut un bruit terrible quand mon panneau lui brisa le crâne dans une cacophonie assourdissante. La surprise et la douleur furent telle qu'il lâcha prise. Il chuta, et je chutai avec lui. La violence de l'impact m'ayant décalé du mur, je ne parvins pas à accrocher mon panneau. J'usai pour la dernière fois de mon pouvoir :

Premier Portail : Juste au-dessous de moi, tourné vers le plafond.
Second Portail : Collé contre le sol, aussi tourné vers le plafond.
Effet provoqué : Je me mis à traverser le premier portail, pour ressortir dans le second, beaucoup plus proche du sol, et dont la direction permettait d'éliminer l'élan que j'avais accumulé dans ma chute.

Mon corps termina par terre, à-côté de celui de Yuri. Je mis plus d'une minute avant de pouvoir me relever. Mon adversaire respirait encore. Ce type était tout simplement increvable. Moi, j'étais contusionné de partout et j'avais envie de gueuler. Gueuler contre n'importe qui, n'importe quoi. Je n'avais pas l'impression d'avoir gagné. Certainement parce que je n'avais jamais considéré Yuri comme un ennemi, mais comme une putain de victime. Au même titre que les cadavres qu'il avait laissé derrière lui. En bref, je n'avais pas gagné. Mais je l'avais battu. Pris d'une intelligence soudaine et d'une peur des heures qui pourraient suivre, je retirai le bracelet de mon poignet, et l'installai dans une des poches de l'imper du Russe. Ils allaient encore certainement déménagé si je survivais, et je préférais pouvoir leur rendre une autre visite le lendemain soir. Puis je vis le corps de Yuri commencer à bouger. Pas de lui-même, mais comme s'il était aspiré par... aspiré par... aspiré par cette putain de porte magique. Le corps se déplaçait comme sur des planches à roulettes, et se flouta, jurant à la lumière. Puis dans un souffle, le corps disparut. Il ne restait plus de trace du Russe. Je me mis à chercher partout. Pour apercevoir le Borgne, Rattigan et Izma, s'approchant vers moi. Ils avaient la lampe magique.


« Le combat était divertissant.
_ Ça vous épate, hein ? Vous devez seulement être habitué aux coups bas, vous.
_ Très amusante cette blague. Tu pourras la ressortir à Yuri dans... environ dix secondes.
_ Je dirai cinq. »


Ce fut finalement au bout de trois secondes, après que le chat se soit frotté contre la lampe magique, que le corps de Yuri revint, comme neuf. Alors là, ce n'était vraiment pas juste. La masse gigantesque du Russe me faisait face, sans aucun souvenir de notre combat précédant. Moi, j'étais blessé de partout, je ne sentais plus mon bras droit, le gauche parvenait à peine à soulever mon arme, mon pouvoir ne répondait plus et je soufflai plus fort qu'un morse.

« Yuri, tue-le. »

Il me présenta sa paume, comme il le faisait d'habitude. Il n'avait aucune trace d'expression sur son visage de fou. Il était exactement comme j'avais dit... une putain de victime. Le câble traversa mon champ de vision. Littéralement.

__


« AAAAAAAAAAAAARRRGGGGLLLL !!! »
_ ON SE LEVE !!! PETIT CON !!! »


Un liquide chaud me brûla le visage avant de descendre le long de ma nuque et imprégner mes cheveux. Ma langue passa sur mes lèvres ; ce n'était pas du sang. Mes yeux s'ouvrirent pour découvrir un plafond ensoleillé, ainsi que le visage de ma sœur qui tenait une casserole d'eau chaude à la main, le visage aussi sérieux que le général qui balance une grenade fumigène dans le dortoir de ses soldats pour les aider à se lever plus vite. Le reste de la matinée fut engueulade volontaire, séchage de drap recouvrant le canapé et couteaux tirés. Mais en ce qui me concernait, je ne pouvais que lui être redevable. Je voyais encore le câble fuser avant que je ne m'évapore dans les airs, et que ma conscience réintégra mon corps pour constater une hausse brutale et anormale de la température.

Quand nous descendîmes silencieux profiter de l'air pur et de la bière sous pression, je pus faire le constat de cette soirée. Hormis les petites frayeurs finales et le peu d'informations, elle avait été plutôt favorable : mon plan d'utiliser l'inconscient de Cartel avait bien abouti, leur base secrète avait été dévoilé, et ils allaient certainement déménager une nouvelle fois (ils avaient encore des établissements à disposition, vu que les robots gigantesques n'avaient pas été là). Mais j'avais réussi à placer un émetteur sur Yuri, et il ne me resterait plus qu'à retrouver son signal avec une autre montre. Là, j'aurai certainement de nouvelles informations. J'avais prouvé que je pouvais maîtriser Yuri ; c'était un facteur assez indispensable pour me remonter le moral. Je savais que si je retombais sur le Russe, il y avait de grandes chances que je réussisse à m'en dépêtrer. Il fallait juste faire attention à cette étrange capacité de la lampe qui lui permettait de revenir comme neuf. Je pris une gorgée de ma bière brune en essayant de savoir ce que je pourrais faire la nuit suivante. Directement avertir les agents ? Non, ils seraient méfiants. Où pourrais-je trouver une montre qui me permettrait de filer la position du Russe ? Celle de Cartel. Mais c'était une Rêveuse, et je ne pensais pas que les artefacts puissent être utilisés par des Rêveurs. Donc j'avais quatre probabilités : soit Cartel allait continuer à se balader avec une montre d'agent, soit la montre allait se trouver à l'endroit où Cartel s'était réveillée, soit elle allait directement revenir à la base, soit elle allait hériter à la dernière personne qui l'avait manipulé autre que Cartel (c'est-à-dire, moi). Sinon, j'allais encore être obligé d'aller me procurer du matériel chez la base, qui serait prête à m'accueillir à bras ouvert. Et ne pas oubliez que ce soir, c'était leur coup. Il faudrait les arrêter vite fait bien fait avant le crime, ou bien sur l'acte.

Le soir venu, comme je l'avais sermonné entre mes dents, j'allais m'occuper du repas de ce soir avec une fierté fraternelle. Ma superbe tartiflette. Une recette aussi subtile que légère, si vous voyez ce que je veux dire. Je faisais juste chauffer du fromage dans une casserole, et y rajoutais des oignons, des lardons ainsi que des patates. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la saveur se confondait merveilleusement bien. Et à l'instar ce qu'on pourrait penser, l'estomac était mat. Mais Cartel et moi n'étions pas des gens qui se souciaient de leur ligne (disons plutôt que les problèmes de ligne ne se souciaient pas de nous), et nous terminâmes la casserole en une soirée. La colère de ce matin était retombée comme un soufflé au fromage. J'avais prévenu que Cartel s'occupait à sa façon des lève-tard, mais je pouvais remercier cette hargne qui m'avait tiré du pétrin. Le timing avait été parfait. Je me demandais si le détachement de ma sœur lui permettrait un jour de deviner l'existence de Dreamland, ou si au contraire, sa logique lui empêcherait même d'y penser. Pour les films, elle me demanda de choisir entre l'Antre de la Folie, Scott Pilgrim ou The Sky Crawlers. Ce fut un sourire malicieux qui lui demanda de mettre les trois en même temps, dans cet ordre. Elle me répondit qu'elle n'aurait pas la force de regarder le troisième film et qu'elle allait très certainement s'endormir devant. Je me demandais si le ciel n'avait pas tourné en ma direction maintenant. Avec un peu de chance, j'aurais Cartel ainsi que sa montre dans le quartier des dessins animés. Merci, Mamoru Oshii. Pour tout te ce que as fait.


__


Ils étaient tous là. Au bout de la table étaient assis Eric Cartman et Fino. Ils avaient un verre devant eux, remplis d'un jus de fruit dont le phoque ne voulait plus entendre prononcer le mot. Sur un côté de la table, il y avait le Borgne, Cortex et Rattigan. De l'autre côté, il y avait Plankton, Izma et Yago. Et n'oublions pas Butters dans sa prison, ainsi que la masse voûtée et éteinte de Yuri. Ils avaient posé sur le meuble un rétroprojecteur, qui balançait ses images sur le mur blanc de la cave. Eric Cartman avait une télécommande en main, et s'assurait que la machine fonctionnait parfaitement. Dès que les préparatifs furent faits, le gamin se racla pitoyablement la gorge avant de dire :

« Bon, okay ! Il est temps de lancer notre super plan, que j'ai baptisé... Annihilator SP !
_ ON S'ETAIS MIS D'ACCORD SUR CODE BANQUISE, CONNARD !!!
_ Ouais, mais tu vois, je préfère largement...
_ CODE BANQUISE !!!
_ Très bien, très bien, code banquise de mes couilles. Dès que le phoque aura terminé de nous les briser, je pourrais faire mon exposé peut-être ? Donc voilà, je vais vous résumer les étapes une à une, du plan le plus machiavélique qui n'a jamais été conçu sur ces terres, qui fera trembler les hommes les plus endurcis et qui changera la face du monde pour toujours ! Muahah MUAHAHAH !!!
_ Eric, tu veux un chocolat chaud ? »


Seule la tête de la mère de Cartman et un bras portant un plateau dépassaient de l'encadrement de la porte. Comme une seule personne, tout le monde tourna sa tête vers un Cartman manifestement agacé qui devait lutter contre ses démons intérieurs pour éviter d'être puni pendant de longs mois.

« Non merci Maman ! C'est bon.
_ Tu es sûr, Eric ?
_ Puisque je te dis que oui ! Casse-toi maintenant ! »


La porte claqua sur elle-même, et tout le monde relança son regard sur l'empreinte lumineuse de l'appareil sur le mur. Il y avait le nom du plan marqué en gros sur le mur, en rouge sang. Le garçon cliqua sur sa télécommande, et il y eut un petit bruit tandis que l'image changea. On y voyait un gros bâtiment ressemblant à des ruines grecques qui auraient été terminées.

« OK les nazes, voici notre objectif ! Vous savez, tous les personnages de dessin animé se réunissent près du lieu la veille du bal. Et comme ils ont besoin de fric le jour J, ils le déposent à la banque une vingtaine d'heures avant. TOUS les personnages déposent leur fric dans la MÊME banque ! Le coup du siècle ! Voici notre plan (Clicshk) : Première étape, on fait signe de vouloir s'attaquer aux fondations des chapiteaux et autres conneries avec le Plankton Géant.
_ Muehehehehe !
_ On attire tous les gogols armés du coin, persuadés que notre plan est de saboter vilainement la fête. Seconde étape !
(Clicshk) Le Borgne passe par les conduits d'aération...
_ Ahahaha !
_ … et nous ouvre les portes menant aux coffres. Je rentrerai là-bas avec Cortex et Yago. Le premier
(Clicshk) va désactiver les alarmes avec son talent démoniaque...
_ Ohohohoh.
_ ... le second invoquera Yuri pour neutraliser les deux gardes qui y seront en un temps record.
_ Nyehehehehe !
_ Pendant ce temps
(Clicshk), Fino va nous procurer un camion dans lequel on pourra mettre nos sacs à l'intérieur, et se tirer avec tout le magot possible. Ce sera Yuri qui conduira au retour. Des questions ?
_ J'en ai une, personnellement.
_ Oui Ed, je t'écoute.
_ TOUT CA POUR UN BRAQUAGE DE BANQUE POURRI ??!! »


Ce furent vers le nouvel arrivant (moi, en l'occurrence) que toutes les têtes se tournèrent. Je n'avais pas la berlue : ces petits connards de merde s'étaient juste réunis pour aller faire un hold-up minable à la supérette d'à-côté. Est-ce qu'ils venaient de me dire que ces salopards s'étaient amusés à tuer des gens, comploter pendant des semaines pour un résultat aussi... Mais aussi quoi, quoi ! Je ne m'étais pas casser le cul à parcourir différents quartiers, éviter un nombre de dangers incalculables juste pour empêcher une bande de fêlés de gagner de l'argent ! Même si j'étais dans le camp adverse, je sentais monter en moi une pointe de déception. Un peu comme si le méchant démoniaque de James Bond, après avoir capturé ce dernier, l'envoyait se faire avaler par des poissons rouges. Non, mais c'était pas possible ! Comment Fino avait-il pu laisser faire un truc pareil ? Comment avait-il pu quitter un poste aussi important juste pour jouer au gangster ? Je descendis les escaliers. On demanda à Yuri de me passer à tabac, mais le temps qu'il fasse un pas, et la lampe magique trônant dans un coin sombre de la pièce était dans mes mains. Et Yuri était en train de se faire aspirer à l'intérieur. Il hurla trois bonnes secondes tout en se désagrégeant. Je pus voir la tête des méchants comploteurs se défigurer. Ils n'avaient pas prévu que je vienne les faire chier dans leur coin, et que je réussisse à me débarrasser de Yuri en un tour de main. Ils se regardaient tous l'air peinés pour me faire croire que c'était une blague. Car, malheureusement pour eux, ils n'étaient pas taillés pour la baston. Entre un gosse, un petit phoque, un insecte, une souris, un piaf, un chat, un... plancton (?). J'avais vu des adversaires plus terrifiants.

Sinon, comment en étais-je arrivé là ? J'avais exactement fait le même ménage que la nuit dernière, même si je venais d'un peu plus loin. Cartel s'étant endormie dans un dessin animé japonais, elle s'était retrouvée dans le quartier Manga du coin (à l'Est des autres quartiers). Elle était dans un aérodrome et elle regardait les nuages défiler dans le plus pur style contemplationniste. Je lui avais demandé sa montre, qu'elle m'avait donné sans même lui jeter un regard. Je l'avais remercié et je suivis le signal. La pauvre Cartel avait déjà eu assez d'ennuis comme ça, je n'allais pas encore l'envoyer dans la gueule du loup. La montre m'avait indiqué l'endroit où était Yuri. Le lieu m'avait surpris, car à la place que le GPS ne m'indique un nouvel entrepôt quelconque dans le quartier des vilains, il m'envoya tout droit dans une petite maison de la Colo-Radeau. J'étais rentré à l'intérieur de la bâtisse, et ne me fis pas prier pour éviter la mère (que je reconnus directement) et descendre à la cave (j'étais habitué, à force). J'avais écouté aux portes juste après le passage de la mère d'Eric (mon petit Coon adoré qui était un des deux cerveaux de la bande), et étais entré la gueule stupéfaite. Voici ma petite histoire. Et ce fut à Fino qui grinça des dents :


« Alors Ed, tu vas tous nous arrêter ? J'ai bien peur que quelques-uns d'entre nous vont réussir à s'échapper pour te coiffer au poteau.
_ Essaie encore, bébé phoque. Je vois qu'on s'est réunis en... petit comité. J'ai envoyé des messages d'alerte aux différents agents, ils ne vont pas tarder à arriver pour tous vous coffrer. J'ai bien peur que ça soit la fin. Tiens, d'ailleurs... »
La porte s'ouvrit, et ce fut Perry l'ornithorynque le premier arrivé. Je lui présentai tout ce beau monde avec mon bras comme pour témoigner de ma bienveillance et de mon innocence. Il ne pipa mot comme à son habitude, et il se plaça derrière moi. Par contre, j'entendis un chien lâcher sa pression sur une gâchette, gâchette dont le pistolet avait le canon qui me rentrait dans le bas de la colonne vertébrale.
« Oh non...
_ Ed, je te présente l'ami Perry, agent double à ce qu'il semble être. Un très bon espion, tant qu'il a un clavier pour expliquer les dernières nouvelles fraîches.
_ Perry, ta blague est ma foi très amusante, et...
_ Et, c'est échec et mat, enfoiré de poussin de mes deux. Un navet de détective avait autant de chances de nous vaincre qu'un poivron pouvait fuir son cuisinier.
_ Échec et mat pour vous, bande de crevures ! Le palmipède, tu me lâches ton arme ! »
Eric Cartman était maintenant derrière Perry et lui collait un flingue dans le dos. Il avait même mis sa combinaison de super-héros justicier raton-laveur : son masque ainsi que sa cape et sa queue. Il avait une expression de haine triomphante. Le Borgne tapa sur la table :
« Merde ! Le Coon ! Cartman était le Coon depuis le début ! Il nous a bien eu !
_ Quoi ? Mais t'es un crétin congénital ? Pourquoi tu t'es allié à nous, héros de mes deux ?
_ Je vous aidais à devenir une menace sérieuse, puis je vous arrêtais ! Une super publicité pour le Coon !
_ Tu t'es foutu de notre gueule juste pour qu'on entende parler de toi ?
_ J'en connais bien qui ont...
_ On ne t'a pas sonné, salopard !
_ C'était moi qui avais proposé d'envoyer le Docteur Doofenshmirtz en taule. Parce que je savais que l'agence allait dénicher directement un Voyageur sur cette affaire, comme à leur habitude.
_ Voyageur que tu voulais te mettre dans la poche afin de mieux pouvoir les arrêter.
_ Tout compris, Ed. Quand j'ai su que tu irais chez Yuri, c'est moi qui l'ai convoqué cette nuit-là pour éviter des désagréments ! Et c'est moi qui ai récupéré la clef des prisons quand on m'a libéré, pensant que ça pourrait servir au cas où le stratagème de Fino fonctionnerait ! Et je te l'ai envoyé par la fenêtre, dès que je sus dans quelle cellule tu étais. Maintenant Perry, pose-moi ce putain de flingue !!! »
Et quand mon cœur eut terminé de danser la samba sur les retournements de situation, il fit une dernière crise cardiaque en entendant une troisième voix, que je connaissais :
« Échec et mat, le Coon. Le dernier, mon chou. »
Je retournai ma tête une dernière fois. Derrière Perry, derrière Cartman, il y avait enfin le super Big Boss derrière tout ça, pointant un revolver sur la tête de l'obèse. Ce dernier poussa une injure avant de jeter son flingue à terre. Je pus voir une main ramassée le pistolet et le mettre dans un holster à sa ceinture.
« Al Super Gay ! »

C'était bien l'homosexuel qui nous faisait face, un flingue à la main, le foulard autour du cou, et le paquet de cigarettes dépassant de la poche de son pantalon serré. Il me fit un petit sourire comme si lui-même ne comprenait pas la situation et s'en excusait. Je voulus utiliser un portail pour me débarrasser de lui, mais le taser de Perry fut plus rapide. Mes sens s'engourdirent dans la douleur. Je tombai sur le sol. Je sentis vaguement qu'on me ramassait et qu'on m'attachait à une chaise en plastique pour gamins. On fit pareil à Cartman, juste à-côté. J'entendis un concert de rires démoniaques. Le bruit envahit ma tête, et s'acharnait à détruire chaque neurone et à chatouiller chaque nerf. Je n'eus même pas conscience que je perdis conscience. Mais si on passait les dix minutes (ou les trois heures, je ne savais plus) où mon esprit avait été en pause, et qu'on en venait directement au moment où ma vision arrêtait de se brouiller par ses propres larmes, je pouvais voir Fino posé sur la table, avec un verre dans la main. Il me regardait, comme un père observait son enfant et le mauvais bulletin qu'il avait ramené. Il fit même tourner son liquide dans son verre, comme essayant de faire passer le temps plus vite. Comprenant qu'il n'y arrivait pas, il me jeta un regard semi-compatissant, semi « qu'est-ce-qu'on-va-faire-de-toi ? ». Les autres méchants, à l'instar de Al Super Gay, étaient assis et m'observaient. Je murmurai d'entre mes lèvres :

« Je... peux tout savoir ?
_ Ed, ta gueule. Je t'avais dit de pas venir t'y frotter, t'y es allé. Tu n'avais aucune chance dès le départ. Quand les cartes sont faussées, tu ne continues pas. Un bon joueur de poker se reconnaît à sa capacité à fuir la table au bon moment, quand il sent qu'il ne maîtrise pas la situation.
_ Laisse-moi une seule question.
_ Qu'est-ce qui te pousse à rechercher les emmerdes ? Ton karma ? Tu dois être un sacré connard dans le monde réel. Et si tu n'as rien à te reprocher dans l'autre monde, alors pourquoi veux-tu absolument combattre le crime ? Personne n'est obligé de se sacrifier ainsi. Tu en fais un sacerdoce. Je te dis quoi ? Il faut te reposer Ed. Calme-toi. Mais c'est trop tard. Tu n'es pas stupide. C'est juste qu'il... te manque une case. La touche « Stop ». Je parie que t'as saisi que tu devais t'arrêter, mais tu ne pouvais pas. Je ne sais pas pourquoi, je ne veux pas te faire un discours mâché sur le manichéisme.
_ Juste une question...
_ Mais chacun trouve son maître. Pour certains, c'est un black chauve de deux mètres cinquante de haut avec un canon scié. Pour d'autres, c'est un phoque de vingt centimètres de long. Et même le grand black peut trouver son maître. Le... le phoque aussi... certainement... quelque part dans le Monde Réel. Pourquoi tu ne m'écoutes jamais quand je parle ?
_ Une petite question.
_ OK, pose-la ta putain de question !
_ C'est du jus de raisin ?
_ Va te faire mettre, petit con. »


Il partit de mon champ de vision, me laissant voir l'assistance en entière qui me fixait un regard dérouté, comme si elle hésitait à me tuer maintenant ou dans une heure. Certains chuchotaient sur Cartman qui les avait grugés depuis le début. Ils avaient l'air de prendre cette histoire de Coon au sérieux. Je tentais plusieurs fois d'activer mon pouvoir mais aucune porte n'arrivait. Ils devaient m'avoir drogués ou quelque chose dans ce goût-là. De plus, je n'arrivais pas à bouger la chaise en plastique. Un coup d'œil en bas pour voir qu'ils l'avaient cloué au béton. Au moins, il se donnait du mal rien que pour moi. Ils n'avaient pas ressorti Yuri de la lampe. Et tandis que je n'avais rien d'autre à faire que de regarder cette bande de Toons papoter en attendant l'heure de braquer leur foutue banque, je me mis à réfléchir sur toute cette histoire. Comment avait Al avait-il bien pu s'y prendre pour se faire passer comme mort ? Quel était son motif ? Et quel était le rôle du traducteur dans tout ça ? Même Cartel, ni les cerveaux de l'agence n'avaient pas su me répondre un truc correct. Je devais en conclure que la technologie était vraiment trop étrange pour eux. Al Super Gay tira une petite chaise en plastique semblable à la mienne et s'installa devant moi, avec son regard de chien battu et sa cigarette grésillante. Puis il me fit gentiment, de sa voix fluette :

« Si ça ne tenait qu'à moi Ed, je t'aurais déjà collé une balle dans la tête. Mais mes coéquipiers préfèrent que ça soit fait dans les règles. Je vais être obligé de t'expliquer mon plan.
_ Puis vous allez tenter de me tuer d'une façon extravagante et me laisser pour aller regarder Plus Belle la Vie ?
_ Non, c'était un compromis. Je t'explique tout puis je te colle une balle entre les deux yeux. Ce sera le première fois que j'utilise ce flingue.
_ Je me disais bien que quelque chose ne collait pas... Sur tous les savants démoniaques qu'il y avait en ville, il fallait que vous me donniez l'adresse de Yuri. Mais je vous en prie pour les questions, commençons par vous...
_ Mon motif est secret. Comment me faire passer pour mort ? Et bien, je me suis moi-même planté une dague mortelle enduite d'un poison en plein cœur. Je suis tombé en léthargie, dirons-nous, mais sans mourir. Les agents sont arrivés et ont fait dégager le cadavre pour l'envoyer à la morgue. Disons-le plutôt, ils l'ont confié à Yago. Ça veut tout dire.
_ Et comment on a pu te soigner une blessure pareille d'une entaille en plein cœur ?
_ Aurais-tu oublié les pouvoirs de la lampe magique ? On m'en a procuré une rien qu'à moi. Dès que nous fûmes seuls, Yago me renvoya dans la lampe magique d'où je pus couver mes blessures en quelques secondes. Tu as vu le phénomène de tes propres yeux la nuit dernière. Et j'ai d'ors et déjà détruit ma lampe.
_ Et le traducteur ?
_ Tu as pensé trop vite pour l'usage du traducteur. Il paraît que tu t'es demandé à quoi pourrait servir un tel engin alors que chacun ne parle qu'un seul langage. Mais les robots... Les machines... C'est grâce à cet appareil conçu par Cortex et Plankton que nous pourrons faire volatiliser les défenses mécaniques de la banque.
_ C'est juste pour vous permettre de traduire vos paroles en langage binaire ?
_ Non, c'est plus complet que ça. Puis ça existe déjà de touts façons. Mais nous, on pourra dire aux machines : Ouvrez-vous. Et elles s'ouvriront. Éteignez-vous. Et elles s'éteindront. Et ça, c'est fort. En gros, c'est un message qu'on enregistre, on choisit la langue que l'on veut, puis le traducteur retransmet le message en le transformant. Vois ça comme une phrase que tu enregistrerais, puis que tu ressortirais quand tu veux. Au fait ! Ne te fais pas d'illusions, Perry a arrêté le système d'alarme de ta montre, et a servi une belle histoire à la base. Ils ne viendront pas. Et il est temps de mourir. Adieu, Ed.
_ Stop, j'ai une autre question !
_ Ahah, pourquoi parler à un futur macchabée ?
_ Al, laisse-le. On s'était mis d'accord. Tu dois tout lui dire, »
balança Plankton.
« Il essaie de gagner du temps ! Il peut se réveiller d'un instant à l'autre.
_ Ce sont les règles, et ce sont les risques, »
continua le Borgne.
« Très bien ! Tu veux savoir quoi ?
_ Comment tu en es venu à embaucher Fino et Cartman ?
_ Je connaissais les deux de réputation. Le premier était capable. Le second, je doutai sur ses véritables intentions depuis le début. Alors j'ai fait en sorte qu'il puisse construire son propre Nemesis. J'ai mis son désir d'arrêter une organisation dangereuse à notre propre compte. Et maintenant, Ed Free...
_ Pourquoi autant de moyens pour un simple braquage ?
_ Mais ta gueule ! Bon, OK. Ok. Ok... Parce que selon les études théoriques des premiers savants fous, l'efficacité d'un plan démoniaque par rapport aux moyens mis en œuvre traverse une courbe logarithmique. Tu peux facilement faire un plan démoniaque avec peu de moyens, et plus tu veux le renforcer d'idées, plus ça devient compliqué. C'est tout con : je voulais un plan parfait, et donc, il me fallait prêter beaucoup, beaucoup d'attention aux détails. Alors maintenant, adieu Ed Free.
_ Pourquoi vous ne vous cachez pas dans des îles paradisiaques, comme tout le monde ? »
Ce fut Cortex qui répondit, l'air abattu :
« Les locations deviennent trop chers, à cause des crises financières et tout... Les propriétaires sont devenus fous.
_ Mais on s'en fout ! Maintenant, et pour la dernière fois, adieu ! Ed...
_ Echec et Mat ! Police, que personne ne bouge ! »


La porte de la cave valsa d'un coup de pied, puis le supérieur et son mono-sourcil entra avec un Desert Eagle, ainsi que les agents K et J, plus l'employé de réception. Ils arrivèrent à faire lever les mains de tout le monde, et à écarter la menace de la lampe magique dont Fino s'était rapproché, et du canon de revolver de Al. Ce dernier déposa son arme, plus en colère que surpris. Même le criquet leva ses quatre pattes en l'air. En moins d'une minute, tout le monde était menotté ou mis en cage. La scène se déroula trop rapidement pour que mon cerveau y comprenne quelque chose. Et puis, c'était trop beau. Je n'avais jamais cru au mythe de la cavalerie ; maintenant, j'étais prêt à lui brûler des cierges. Le supérieur me libéra de la chaise en découpant la corde avec un canif, puis en me claquant sa main dans le dos. Al Super Gay, emmené par les agents, commença à hurler :

« Mais comment avez-vous su ?! Qui ?!
_ Vous pouvez remercier Perry, notre agent triple. Bien joué, Perry !
_ Je savais que j'aurais dû me méfier de lui ! Je lui avais interdit de venir ici justement ! Pourquoi est-il là ? »,
hurla la tarlouze à ses coéquipiers.
« Il semblerait qu'il avait une bonne raison de venir. Un certain Voyageur, la personne qu'il devait surveiller, s'était retrouvé ici. »

Il termina par un clin d'œil avant d'embarquer le super méchant hors de la maison. La suite fut un peu comme un rêve, en partie à cause du fait que je n'étais qu'un simple spectateur. Je ne maîtrisais plus la situation, d'autres personnes s'en chargeaient pour moi. Dans la limousine, on m'expliqua le résumé de la situation, pas trop dur à deviner ; sauf si on était dans un état de choc à cause des multiples révélations, et la vision d'un revolver dont la poudre avait failli être chauffée. Perry avait feinté d'être dans leur camp afin de soutirer le plus d'informations possibles. Mais sous la méfiance de Al, il n'avait jamais trouvé la base secrète où tout le monde se planquait. Juste quelques infos à chaud. Il avait été écarté petit à petit, jusqu'à ce que je lui trouve la maison à sa place. Il était venu en simili-renfort adverse, et avait trouvé la seule façon de me tirer de ce pétrin : en prévenant les secours tout en priant qu'on ne me tuerait pas tout de suite. Je trouvais cette histoire abracadabrante. Je demandais pourquoi Al n'avait pas su que Perry faisait partie de l'agence ? Il nous avait vu ensemble. On me répondit que jamais Perry n'avait porté le chapeau en sa présence, le rendant méconnaissable. Je tirai une grimace en regardant le crâne dénudé de l'agent P. Si Al ne l'avait pas reconnu, il méritait effectivement de se faire capturer.

On enferma les vauriens dans des cellules ou des cages. Fino demanda aux flics si je pouvais payer sa libération. Un doigt d'honneur lui expliqua à quel point j'étais prêt à céder à ses exigences. On l'enferma avec le docteur Doofenshmirtz, qui fut heureux comme tout d'avoir un nouveau camarade. Ironie (quoique...), Al Super Gay fut enfermé dans la même cellule que moi, deux nuits plus tôt. Puis les petits animaux furent enfermés dans des cages, cages mises dans une autre cellule encore. La lampe magique fut installée dans un casier électronique en attendant de savoir quoi en faire. On enferma dans un autre casier le vil traducteur, qui avait été totalement inutile. Yuri avait été sorti de sa lampe et mis aussi sous cellule. Raspoutine avait hurlé quand il le vit, mais on préféra le faire sortir, par manque de place. Il serait plus heureux dans un endroit où il pourrait courir. On se demandait encore si Yuri devait être puni par la loi, mais on laissa tomber l'affaire. En tout cas, ça avait été un beau coup. Une opération propre, discrète. Rien de la surenchère d'actions à laquelle on aurait pu s'attendre. Peut-être que si ça avait été un vrai méchant démoniaque qui avait monté le coup, et pas une tarlouze assoiffée de fric, on aurait eu le droit à du combat sans limite contre une armée d'hommes de main. Mais avec une personne normale, on réglait ça normalement. Je n'en étais pas déçu. Pas ce soir ; trop heureux d'avoir échappé à un rêve dans un rêve. Mon cerveau qui s'était bouché face à Al Super Gay, aux retournements de situation sans limite, ne commençait même pas à témoigner de l'envie de vouloir réintégrer le stade de la réflexion. Ce fut un réel soulagement quand mon esprit réintégra mon corps à mon réveil. Tout était terminé. Over.


__


La gare de Montpellier n'était pas très grande ; rien à voir avec celles de Paris, voire celle de Lyon. Mais c'était une belle gare, une gare à la taille suffisante. Et en heure de pointe, quand arrivaient les trains de villes plus grandes, les quais étaient bondés comme un café en été. D'ailleurs, il y avait des cafés, que squattaient allègrement quelques étudiants, d'énormes sacs de randonnée à-côté de leur chaise. Moi, je portais les gros sacs de ma sœur. On avait tous les deux les cheveux blonds, tous les deux des lunettes de soleil. Mais l'astre tapait si fort qu'on ne jurait pas avec ses rayons ; pas mal de mondes avaient sorti les verres teintés, ainsi que le bermuda. Et la jupe qui semblait être effrayée par les genoux. Cartel devait rentrer dans la capitale, aucune des offres n'ayant répondu assez vite, ou aucune de plus intéressante que les soixante-quinze propositions de l'Île-de-France. Je n'aimais pas les gares, car il y avait toujours un adieu déchirant qui allait être prononcé. Même si c'était votre sœur qui était si parfaite que les gens autour d'elle ressemblaient à des étrons dégénérés. Beaucoup de personnes se pressaient à son TGV, sortaient et rentraient des compartiments, cherchant le numéro de leur wagon et criant à qui mieux mieux. Sans même jeter un coup d'œil à son ticket, Cartel longea la gare pour arriver à son wagon. Elle était en premier étage, seconde classe. Elle m'avait dit qu'il ne fallait jamais aller en première classe : plus cher, mais surtout, il y avait plus d'une chance sur trois pour que tu aies des voisins qui ne savaient pas tenir leurs enfants et qui transformaient ton paisible voyage en enfer latent. Je pensais surtout que c'était le comportement de Cartel qui était à l'origine de cette dévaluation de son billet : elle était tellement hautaine qu'elle préférait snober les riches plutôt que les autres. Devant la porte, et à cinq minutes du départ, elle voulut me dire au revoir. Je lui dis que je préférais monter ses affaires à l'étage (le souffle coupé). Elle acquiesça de la tête et me laissa passer devant. Puis elle finit par remercier quand je posai sa grosse valise dans les compartiments pour, à sa vue depuis son siège. Elle me prit son sac à main, et elle alla s'installer à son siège. Ce fut elle qui prit la parole en premier :

« Bon, ben, merci pour tout.
_ N'hésite pas à redescendre surtout, y aura toujours une place dans mon modeste studio.
_ Je suis parfaitement d'accord, vu ton célibat : il y aura toujours une place.
_ Ton mec sait que tu me parles comme ça ?
_ Bouge de là, Ed, tu bouches le passage. »


Je ris quand je descendis du wagon pour aller voir sa tête depuis les quais. La fraternité était merveilleuse dans le sens où tu pouvais sortir toutes les vacheries que tu voulais, tu resterais proche de tes frères et sœurs, et jamais ils ne t'en voudront. Le cas de Clem était spécial : il m'en voulait parce qu'il avait envie de m'en vouloir, et parce que j'avais envie qu'il ait envie de m'en vouloir. C'était juste un sentiment fraternel qui avait trouvé toute son ampleur dans Dreamland. Finalement, j'entendis le coup de sifflet du départ. Le moteur commença à chauffer, et je pus voir Cartel qui me fit de grands signes de la main. Je sortis un mouchoir de ma poche et lui rendis son adieu. En trente secondes, elle était partie vers le capitale et je ne la voyais plus. Étrangement, je ressentis comme un immense vide à l'intérieur de moi, qui gonfla quand je retournai dans mon appartement. Il n'y avait plus personne à qui parler ou à embêter : juste moi et mon chat. C'était bizarre comme on pouvait développer ses relations sociales dans Dreamland, et regretter tout de même celles défectueuses dans le Monde Réel ; c'était bien la preuve que je savais où était le vrai monde, le plus important à mon cœur. Ce fut une soirée mélancolique, et je préférai m'endormir rapidement, chat sur la couette. Si Cartel voulait revenir me voir, c'était quand elle le voulait, pour une durée totalement aléatoire.

Et croyez-le ou non, ce fut enfin dans mon lit, prêt à embarquer dans le premier avion inconscient vers Dreamland, que je réalisais enfin ce que j'avais fait : pendant de longues nuits, j'avais réussi à sauver le Royaume d'Hollywood Dream Boulevard de la crise financière. Certes, mes actions étaient diminuées parce que j'avais juste arrêté un braquage et pas une nouvelle guerre onirique, mais tout de même ! Je repensai à tout ce que j'avais fait. Mes bonnes idées, mes galères, mes coups de gueule, etc. Tout ça était enfin terminé. Je fus un être paisible pendant quelques instants, et pus sentir dans mes veines un brave instant de félicité, où moi-même remerciai moi-même en lui souriant. J'étais content de moi, et de ce que j'avais fait. Ce qui était rare. La satisfaction du boulot accompli. Ce n'étaient pourtant pas mes jours préférés sur Dreamland, mais bon. La seule ombre au tableau statuait sur le sort de Fino. Il n'avait que ce qu'il méritait, ce phoque. Et je le connaissais, il n'allait pas rectifier son tir moral à cause d'un passage en prison. Il avait vécu l'enfer dans le Labyrinthe. J'espérais pour lui qu'il changera de camp tout de même. Il valait toujours mieux avoir Fino dans le sien plutôt que dans les autres, qu'ils soient ennemis ou neutres. C'était moins dangereux. Puis rapidement, je pris je m'endormis vers Dreamland, et surtout, vers le Bal des personnages de Dessin Animé. Je pouvais dormir tranquillement maintenant. J'avais besoin de sommeil.


__


Comment décrire le Bal ? Disons que si Las Vegas ouvrait un parc d'attractions, il devrait à peu près ressembler à ça. Non, attendez... Plutôt que si Las Vegas se transformait en stand, il ressemblerait à ça. Je ne pouvais pas vraiment voir, mais la longueur du terrain occupé était effrayante. C'était aussi grand qu'un village. Un village entier constitué de chapiteaux aux couleurs criardes, de stands où on vendait de tout et de n'importe quoi, d'activités ludiques pour une certaine catégorie de personnages, un melting-pot ahurissant de milliers de dessinateurs différents ; tout ça sous une nuit rendue obscure par de nombreux spots. Disons que c'était une ville concentrée en un point précis, où l'on avait éliminé le superflu pour ne garder que les parties intéressantes. Il suffisait de tourner son regard pour découvrir une vingtaine de personnages que vous ne connaissiez pas. Il y avait foule, c'était certain. Et je ne parlais pas que des personnages, mais aussi des Rêveurs (et certainement parmi ces Rêveurs, des dessinateurs de BD ou de manga). Des tentes s'élevaient à une cinquantaine de mètres, il y avait des pistes de danse partout, des animaux qui courraient dans les rues, une montagne russe qui parcourait le ciel avec des gens criant à l'intérieur. Je pensais que c'était injuste, tant d'activités pour pouvoir n'en profiter que quelques petites heures. Il faudrait plus d'une dizaine de soirées rien que pour voir tout ce que le Bal avait à offrir. Il y avait encore des gens qui montaient leur stand (je faillis marcher sur celui- des Schtroumpfs d'ailleurs). Par là, un directeur de rouge vêtu hurlait dans un micro :

« MESDAMES ET MESSIEURS !!! Sortez la monnaie et pariez ! Qui sera le plus gros goinfre entre Scoubidou et Garfield ! Approchez, approchez ! Scoobiscuit contre lasagne ! »

Il y avait des feux d'artifice partout, des serpentins longs de quelques kilomètres, des défis que l'on pouvait essayer (battre Speedy Gonzales à la course, ou bien Bip Bip). Il y avait beaucoup de bruits : les fusées qui explosaient, les cris de joie, les annonces passées en même temps qui se chevauchaient, les inventions stupides, les barrissements, etc. Je tombai par hasard sur la parade du Prince Ali, organisée par le Génie, une célèbre attraction depuis sa première parution. Des autruches, des lions, des cascades, soulignés par de la magie burlesque. Je vis la surenchère pour épater, de l'or jusqu'à n'en plus savoir qu'en faire, des EV qu'Aladdin lui-même balançait du haut de son éléphant favori. Il y avait évidemment d'autres parades, des chansons de Disney célèbres qui ressortaient à tous les coins de rue par des chœurs, des marchands qui offraient à leur clientèle des produits gratuits avec un clin d'œil appuyé. Les Rêveurs pouvaient se maquiller en leur personnage de dessin animé préféré. La foule en délire criait de joie à chaque fois qu'elle découvrait une nouvelle attraction qui lui tendait les bras. Il y avait un quartier spécialement destiné aux mangas japonais, un autre dédié aux comics américains (qui comptait tous les Super-Héros), un autre où l'on pouvait croiser toutes les créatures sous-marines en plongeant dans un bassin (on pouvait magiquement y respirer), etc. Évidemment, ça n'empêchait pas les personnages de sortir pour profiter des parades des autres. Je pouvais voir San Goku et Mulan s'entraîner sur le même épouvantail, Simba raconter la même histoire que la nuit dernière à des Rêveurs ébouriffés, Batou et Gru au stand de tir, ainsi que Megamind qui servait sa propre parade portée sur son sujet, tout en explosant les oreilles de tout ceux qui s'approchaient. Je voyais aussi Miguel et Tulio dansés sur une chanson explosive. Etc. Et je ne comptais pas Homer qui demandait combien coûtait la baraque à donuts. Ou bien ce sale petit rat de Cartman (totalement pardonné par l'agence) en train d'engueuler sa mère pour qu'elle le laisse essayer une machine à grappin. Tout n'était qu'une explosion de couleurs et d'originalité. Pour la première fois de tout mon séjour dans ces quartiers, j'avais l'impression d'être dans un dessin animé.

Je regardais ma tenue, très classieuse et décalée, comme savait me fournir la garde-robe de Dreamland dans les moments importants. Un costume-cravate noir par-dessus une chemise rouge, des épaulières brodées en or, un pantalon serré ainsi que de discrètes chaussures de chantier. Mon imper de détective m'avait enfin lâché. Je portai de fines lunettes de soleil qui aiguisaient mon regard, ainsi que mon célèbre panneau de signalisation (Attention aux enfants, comme d'habitude). Bon, il ne me manquait plus que de la barbe-à-papa. Pas que j'aimais particulièrement ça, mais avoir un bâton de barbe-à-papa permettait de s'intégrer dans la fête en moins de deux. Je cherchai un stand quand j'entendis vaguement prononcer mon nom. Me disant que le tintamarre de la fête pouvait tromper l'ouïe d'un chien, je repartis à l'assaut d'un marchand. Quand mon nom fut répété plus fort, plus près, je tournai la tête. Personne...


« Ed !
_ Qui parle ?
_ Ici ! Ed ! Ophélia ! »


Dès que j'entendis son nom, je vis sa silhouette se découper parmi la foule, comme une ombre dans une salle blanche. Ma surprise de voir ce visage entouré de cheveux cascadant près des épaules, son élégante robe noire subtilement fendue fis que je mis deux secondes avant de la reconnaître. Elle avait le même défaut que ma sœur Cartel : elle était intelligente. Et surtout, elle était une puissante Voyageuse, mais elle ne voulait pas utiliser son pouvoir. Si je maudissais Jacob pour ça, je pardonnais aisément à Ophélia. Il devait y avoir une personne plus attirante que l'autre. On s'était rencontrés dans d'étranges circonstances, dans une autre fête qui avait viré à la catastrophe la plus totale. Y avait eu Lou et Fino en plus ; avec un tel trio de crétins, comment vouliez-vous qu'un bal se termina d'une autre façon ? Et puisque mon cœur battait la chamade comme si je venais de courir le marathon, puisque mon palais s'engourdissait, puisqu'une tonne de sentiments diffus me traversaient l'esprit, je lui laissai poliment la parole. Elle tourna sa tête et vit un plateau ainsi qu'un orchestre symphonique entamé une valse. Avec ironie, elle me sourit :

« Tu danses ? » Et puisque aussi, mon cerveau était trop occupé à se réfrigérer pour essayer d'ordonner plus de deux idées confuses à la suite, je sortis :
« Très mal. »

Comprenant la boulette et (enfin) la question, mon corps prit le pas, et je lui pris sa main. Une minute plus tard, nous étions en train de danser au milieu d'autres couples. Pourquoi voulait-elle absolument danser ? Savait-elle que j'avais autant de mal à amorcer une discussion qu'à la continuer ? Ou bien s'amusait-elle à me voir barboter avec mes jambes ? Mes yeux réussissaient l'exploit de fureter partout, sauf vers son regard à elle. Mes joues étaient plus chaudes que d'habitude. Je réussis à ne pas lui écraser ses pieds, et recherchais parmi les spectateurs une très vieille connaissance que je devrais aborder pour me souvenir du bon vieux temps. Mais je ne voyais personne à qui parler ; une goutte de sueur m'inonda le cou. Le rythme de la danse se faisant plus lent, elle fit :

« Tu as l'air soucieux. Un problème ?
_ Fin des problèmes, plutôt. J'ai eu une semaine très difficile. Je peux dire que j'ai sauvé le Bal en quelque sorte. Et toi ?
_ Je n'ai malheureusement pas pu sauver le Bal aussi. Mais j'ai aidé aux préparations.
_ C'est bien.
_ Tu me racontes ?
_ C'est une très longue histoire.
_ Détends-toi, tu es tout crispé. A chaque fois que je te vois, j'ai l'impression que tu t'attends à ce qu'un assassin te poignarde dans le dos, ou qu'un inconnu te déclare la guerre.
_ C'est dur, tu sais. Je ne vis que dans cet univers-là.
_ Relax, Ed. Tu profiteras bien mieux de Dreamland si tu considères ce monde comme un autre monde, et non pas comme un champ de bataille permanent.
_ Les événements récents ne m'ont pas aidé à étouffer ma paranoïa. Mais je ferai un effort pour toi.
_ Merci. »


Nous dansâmes encore trois minutes avant que la musique ne s'interrompit et que les applaudissements retentirent. Tous les couples descendirent du promontoire. Je fus surpris de voir le militaire à mono-sourcil avec Perry à ses côtés applaudir en même temps. Je repris mon panneau laissé seul près de la piste et leur fis signe que je les avais vu. Oh, merci Dieu ! Je vins leur serrer la main et leur demander si tout était sous contrôle. Le chef me dit que oui, bien évidemment. Ils avaient totalement sécurisé la prison, leur permettant de pouvoir venir à la fête. Je leur présentai Ophélia, je lui présentai les deux agents. Et puis, ils commencèrent à parler, et à prendre un verre que Nestor (de Tintin) leur offrit sur un plateau. Jusqu'à ce qu'on en vienne au moment que je redoutais le plus, mais que j'attendais avec impatience.

« Saviez-vous, mademoiselle, que Ed ici présent a permis que la fête ne se transforme pas en catastrophe ?
_ Il me l'a dit, oui.
_ Très beau coup, Ed. On te doit une fière chandelle, et le plafond qui va avec.
_ Félicitations Creg »,
commença un des deux agents J ou K qui venaient d'arriver.
« Non, Creg est le blond, pas la femme.
_ Zut, Agent Y.
_ Désolé pour la nuit dernière, dans le hangar.
_ De quoi ?
_ Je pense que nous pouvons nous permettre de lui offrir un petit toast. Je lève mon verre à Ed. Et à Perry ! »


Je lançai un coup d'œil à l'ornithorynque, qu'il me rendit avec un regard amusé, et terriblement intelligent. Il haussa les épaules, comme pour signifier qu'il fallait bien en passer par là. Et la seconde d'après, je pus voir une dizaine de personnes nous entourant qui levait leur verre à leur deux héros. Le Chef, les agents K et J, Ophélia, Megamind, Darksad, Asshole, et d'autres que je ne connaissais pas. Ils attirèrent une petite foule qui imita le groupe sans savoir pourquoi, jusqu'à ce qu'il y ait trente personnes qui clamèrent nos deux noms. Perry et Ed. L'agent E et l'agent P. Puis notre supérieur surenchérit que nous étions des héros. Mon cerveau prit en photographie cette scène. Tous les actes que j'avais commis, je les revoyais ici. Ils trouvaient enfin leur sens, dans la reconnaissance. Dont je m'abreuvais inconsciemment. J'étais enfin heureux de ce que j'avais fait. On m'applaudissait pour ce que j'avais fait, pour mon courage, ma dévotion, et tous ces adjectifs pompeux qu'on servait aux gars qui avaient du mérite. Même Ophélia leva sa flûte de champagne, une lueur dans le regard que je réussissais pas à définir. Très certainement heureuse pour moi. Elle me fit un magnifique sourire avant de lever une nouvelle fois son verre. J'avais tellement envie d'applaudir même si j'étais le centre d'attention, ou alors de faire un petit discours (même s'il se résumerait par une vague de remerciements). Merci Perry. Je pense que cela faisait longtemps, que je n'avais pas fait d'actes aussi désintéressés.
C'était un fameux Happy Ed.
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyLun 30 Mai 2011 - 22:12
Puis quand tout le monde nous ovationnait, quand le ciel se remplissait de feux d'artifice, je le vis. Je le vis. Mon bras se dressa tout seul vers le ciel, tandis que je criais :

« Là. Là ! LAAA ! »

Tout le monde me suivit du regard. Au bout du doigt, à une centaine de mètres, il y avait un robot géant qui installait une immense tour métallique. Ce robot, c'était le Plankton Géant. A-côté de lui, en train de monter le même stand, il y avait la souris de tôles. Personne ne comprit. Sauf le chef qui lâcha un juron inaudible. Et Perry, dont les yeux s'étaient resserrés dans leurs orbites. Et en haut de cette tour de métal, culminant à cinquante mètres, il y avait une petite boule de poils blanche. Avec un mégaphone. Mon cœur se resserra. Elle jubilait.

« Tu as perdu, Ed ! Tout est terminé ! Échec et mat ! Tu as perdu Ed ! Tu as perdu sur TOUTE la ligne ! Tu as perdu ! Tu as perdu ! TU AS PERDU, ED !!! BORDEL, C'EST TROP BON !!! C'EST INSOUTENABLE, CETTE PUTAIN DE JOIE !!! TU AS PERDUUUUU !!! »

Ma première impression fut qu'il n'y eut aucune panique dans l'assistance. Car seulement une poignée de personnes comprenait que la situation venait de tourner au vinaigre. Une poignée seulement de personnes comprit qu'elle venait de se faire entuber plus sûrement que des merdes dans une chasse d'eau. Depuis le début, ils s'étaient tous foutus de notre gueule. Depuis le début, ils avaient eu deux plans. Et si jamais ils se faisaient choper pour le premier, il semblerait qu'ils avaient trouvé le moyen de s'évader quand même pour passer à la seconde étape dissociable de la première. On s'était foutu de moi, avec ces « Je vais t'expliquer notre plan parce que c'est le code, et bla bla de mes deux ». C'était juste pour enterrer d'éventuels soupçons paranoïaques. Je savais que les mêmes réflexions étaient en train de traverser la caboche des Perry et du militaire. Alors que tous les témoins se demandaient qui était cet acharné qui hurlait dans un microphone. Peut-être qu'Ophélia avait compris. Mais je m'en foutais. La tour métallique qu'ils étaient en train de dresser... je n'en avais jamais entendu parler. Je tournai la tête pour savoir s'il y avait un savant diabolique qui pourrait m'aider. Je fonçai vers un crâne d'œuf bleu :

« Megamind ! Nous avons un problème ! C'est quoi cette tour ? Vous connaissez cette invention ?
_ Euh... non, je n'en sais trop rien... Non, je ne vois vraiment pas, et...
_ C'est une tour radio. »
Je tournai la tête pour apercevoir le Docteur Octopus, avec ses lunettes de soleil. Il avait une voix neutre, tout comme l'adjectif qui pourrait qualifier son camp. Megamind balbutia quelque chose comme quoi il venait de se souvenir de la fonction de cette tour, mais je l'ignorai superbement. Personne ne semblait affolé par ce géant de métal, car il y avait bien plus impressionnant dans les environs. La dernière chose qui me passa par la tête fut la suivante : démolir cette putain de tour. Fino venait de déclarer la guerre. Pas de pitié. Je hurlai aux quatre agents qu'il fallait abattre cette apparition de métal rapidement. Le vieux militaire resta ici, tandis que l'agent P, J et K courraient au loin. Je tournai ma tête vers Ophélia, le visage complètement impassible.
« Ophélia ! On a besoin de toi ! Ce sera la catastrophe si tu ne nous aides pas ! » Pour une fois, elle ne me répondit pas. Elle fixait la tour avec appréhension, et plantai ses yeux dans les miens, avec une gravité exquise. Elle tenta de parler mais aucun son ne franchit ses lèvres. J'avais ma réponse. Ophélia n'usait plus de son pouvoir depuis belle lurette, à cause de ce qu'elle avait fait quelques mois auparavant. Je lui posai une main sur l'épaule de compassion, pour lui expliquer que je comprenais ; je sortis mon panneau et voulus courir quand elle me dit :
« Ed, c'est exactement comme la dernière fois, à la fête. C'est encore ce phoque ?
_ OUI !!! C'est encore ce phoque ! »
Je partis, sprintant parmi la foule qui s'était déjà découpée sous la course des trois autres agents. Bon sang de merde ! Mon cerveau commença à paniquer, car si la fête était gâchée, ça serait entièrement notre faute. Et si Fino m'avait hurlé dessus pour me provoquer, ce n'était certainement pas pour me laisser une chance. J'avais bien peur qu'il n'y ait plus aucun espoir de les arrêter. NON ! On pense positif ! Même s'il n'y avait aucun espoir, on leur pourrissait la gueule quand même.
« EEEEDDD !!! Attends-moi !
_ Grouille Cartman ! J'ai bien peur que toute aide sera le bienvenue ! T'as déjà enfilé ton costume ?
_ Je suis LE COON, connard ! Tu vois pas mon déguisement ? Tu peux pas te rappeler de quatre putains de lettres ?!
_ Tu savais qu'il y avait une autre machination diabolique ?
_ Pas du tout ! Cette tarlouze se méfiait de moi.
_ Malheureusement, elle a bien fait, la tarlouze. »


__

Rattigan était avec sa bande de rats. Ils étaient sous terre, dans les canalisations défoncées de la ville. Pour être plus précis, ils étaient sous une tour radio qui venait d'être dressée par Cortex et Plankton dans leur robot respectif. Le chef dans un élégant costume fit un geste du menton. Des dizaines et des dizaines de rats prirent les câbles « Maniacostatic » qui pendaient de la tour, et les emmenèrent loin sous terre, dans des galeries secrètes. Le but : trouver de l'électricité. Pour ne pas se faire découvrir par leur commande, l'organisation secrète n'avait pas réservé une place spécifique et l'électricité qui allait avec (dans le sens où ils ne pouvaient pas emprunter du courant fut que ce dernier était déjà entièrement monopolisé par les autres stands). Ils devaient ainsi se fournir eux-mêmes. Et rien de mieux que des câbles « Manicostatic » pour la longueur, ainsi que l'énergie qu'ils pouvaient transporter. Ils n'avaient pas encore atteint la centrale que déjà, Rattigan put sentir le pouvoir que leur présence monopolisait. Il en caressa un avec un sourire amoureux. Le plan était à exécution, et il voyait tous ses hommes de main se mettre au travail. Ils transportaient les câbles dans les égouts, jusqu'à une certaine demeure. Rattigan courut et prit la tête des cortèges afin de leur indiquer le chemin et pouvoir flatter son égo de malfrat démoniaque.

__


« C'est un très gentil chat.
_ Miaou ?
_ Un très, très gentil chat. »


Izma se faisait dorloter par une des reines d'Angleterre scénarisées (elles étaient plusieurs à vivre dans le même château ; c'étaient elles qui supervisaient tout le Bal et qui fournissaient le peuple en électricité). Elle émit un ronronnement sonore tout en vérifiant les aiguilles de la grosse horloge. Rattigan et le Borgne n'allaient pas tarder à venir. Elle se retira des genoux d'une des Reines, et descendit les escaliers. Là, elle miaula bruyamment à la porte. Un serviteur totalement stone lui ouvrit sans même regarder la poignée. Le chat s'engouffra à l'extérieur, et un petit insecte s'invita à l'intérieur.

Grâce à l'adoption d'Izma par les Reines d'Angleterre, l'organisation avait eu le droit au plan complet du château, de ses six étages, et surtout, de son sous-sol où reposait la centrale. Son mécanisme était hyper compliqué, et ça serait au Borgne de l'activer. Car il n'y avait que lui pour être d'assez petite taille à faire fonctionner un puissant moteur magique, tout en pouvant s'infiltrer dans le palais sans se faire remarquer. Il voleta ainsi dans plusieurs salles en évitant les gens (pas qu'ils pourraient le considérer comme un criminel, mais juste comme un vulgaire insecte ; et on abattait les vulgaires insectes d'un coup de tapettes à mouches). Il trouva la porte de la cave, et s'infiltra difficilement par la serrure. Il descendit dans des tunnels bien entretenus, quoique grossiers. Les pierres étaient si sombres qu'elles semblaient absorber la lumière des torches. Le Borgne fit tout son possible pour ne pas se diriger vers ces si prometteuses lueurs, et continua son envolée dans les grottes. Il trouva enfin la centrale. Un immense moteur haut de cinquante mètres, long et large de soixante-dix. Couverts de rouages, de saletés, il fonctionnait à semi-régime. La sauterelle trouva la bande de rats qui étaient en train de brancher les gros câbles serpentant dans les tunnels. Comme leur avait expliqué Cortex après les photographies d'Izma. Le Borgne s'approcha de Rattigan :


« C'est bon.
_ C'est parfait, tu veux dire. On les a attachés au panneau d'alimentation cinq, les quatre premiers servant pour la ville et le Bal. Tu te souviens des plans ?
_ Très facile. J'y vais de ce pas. »


Puis le Borgne vola autour de la machine. Normalement, il fallait activer plusieurs manettes, plusieurs boutons. Mais ils n'avaient pas pu emmener Yuri. Le Borgne grogna et s'infiltra dans une des interstices de la machine. Il la voyait de l'intérieur : un amas de rouage et de câbles qui survivaient entre-eux, un grésillement ininterrompu qui faisait vrombir les murs ainsi qu'une odeur de rance, et d'énergie pure. La sauterelle s'approcha d'un air sérieux d'un fil rouge. Ça ne lui prendrait pas plus de cinq minutes.

__


Perry courait parmi la foule. Ce qui était assez difficile pour lui vu qu'il n'atteignait pas les genoux de ladite foule. Mais il réussit à prendre un chemin moins fréquenté, tout droit vers la tour. Il ne voyait pas encore comment l'abattre, mais il savait qu'il pourrait arrêter son mécanisme sur place. Il trouvait toujours une solution sur place. L'improvisation était la qualité la plus recherchée contre les super vilains qui différaient dans leur pouvoir et leur machination. Ses combats avec Doofenshmirtz lui avaient servi d'entraînement. Perry était paré à toute les situations possibles. A commencer par la confrontation avec une souris au front proéminent. Cortex se tenait devant Perry avec l'air aussi sérieux que possible. Derrière lui, il y avait l'énorme robot à son effigie (et à cent fois sa taille). L'ornithorynque s'arrêta de courir, et considéra l'intrus d'un œil menaçant. La petite souris rigola machiavéliquement. C'était désagréable à entendre : comme deux pierres qu'on casserait l'une contre l'autre.

« Perry, tu m'as fortement déçu. Je n'ose imaginer le nombre de traîtres qu'il y avait dans notre organisation. Tu ne passeras pas, j'en ai bien peur. Ne te mets pas en position de combat, tu vas me faire rire.
_ Pérry ! Attends-moua ! »
L'agent détourna son regard pour apercevoir le Docteur Doofenshmirtz, son pire ennemi arriver vers lui en suant à grosses gouttes. « Arf... Arf... Oh, scheine ! Jé né plou mes jambes d'avant. Pérry, jé souis dans ton camp !
_ Tu es le Docteur qui était avec nous dans la prison ? Pathétique.
_ Rendez-moi ma médaille ! Fouis Pérry ! Jé m'occoupe de loui ! »


L'ornithorynque avait combattu tant de fois le Docteur Doofenshmirtz qu'entre-eux était née ce qui pourrait ressembler à une amitié. Le palmipède avait tout de même sauvé la vie de son ennemi juré plusieurs fois par saison. Et le docteur était si déficient sur certains côtés que Perry ne pouvait s'empêcher de compatir. Quand le Docteur lui demanda de partir pour le laisser s'occuper de la souris, Perry sut qu'il ne mentait pas. Il prit une rue adjacente à l'avenue pour échapper à la présence du robot, et continua sa route vers la tour de fer.

__

« Muehehehehe ! Je suis tombé sur les ploucs de service.
_ Vous êtes en état d'arrestation !
_ Sauf que je suis dans un robot géant, et pas vous !
_ Vous êtes en état d'arrestation !
_Euh... vous l'avez déjà dit, ça.
_ De quoi ? »


Les agents J et K étaient tombés sur le second robot (le haricot géant en tôles) conduit par Plankton et se demandaient ce qu'ils devaient faire dans cette situation. Vu qu'ils avaient totalement oublié la procédure à faire quand on était en infériorité numérique et sur le point de mourir, ils décidèrent de faire comme d'habitude. On montre la plaque (cure-dents dans la bouche si on a) et on agit en fonction de la situation. Ils attendaient donc la réponse de Plankton, le braquant de leur lunette de soleil. Il recommença son rire et annonça une seconde fois qu'il avait un immense robot, et qu'eux n'avaient même pas le chien de leur revolver. L'agent J et l'agent K se regardèrent. Le premier sortit le flashouilleur tandis que Plankton commença un monologue en exultant :

« Muehehehehe ! Vous n'êtes qu'une bande de larves ! Vous n'arriverez jamais à vaincre la puissance de ma machine démoniaque ! Et vous ne parviendrez jamais à nous défaire. La partie est déjà terminée pour vous. Vous n'avez pas compris ? C'est trop tard ! Le piège est activé !
Flash
C'est trop tard ! Le...
Flash
La partie est déjà terminée pour...
Flash
Vous n'arriverez jamais à...
Flash
Vous n'êtes qu'une...
Flash
_ Euh, vous l'avez...
Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash

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Je m'étais approché de la tour infernale à grande vitesse, le Coon sur mes talons. Maintenant que je fus à ces pieds, je pus constater qu'elle disposait d'une plate-forme à son sommet, et qu'une simple échelle permettait d'y accéder. Je tournai mes poignets pour les échauffer, et grimpai directement à l'échelle. Soit il y avait un piège et je me servirai de mes pouvoirs, soit il ne se passerait rien et je serai tranquille jusqu'à pouvoir foutre une baffe à Fino personnellement. Cartman passa derrière moi, la mine sérieuse. Enfin, faussement sérieuse. J'avalai les barreaux à grande vitesse, n'ayant pas peur du vide. La tour n'était pas si haute que ça, mais ça faisait une belle escalade. Je préférai éviter de regarder derrière moi : je pourrais avoir le vertige, et la tête de l'obèse pourrait me déconcentrer. Quand je levai les yeux, je vis Fino en haut de l'échelle me jeter un coup d'œil. Il me hurla quelque chose, mais mes oreilles étaient rabattues par le vent. L'air était déjà plus froid ici... Des nuages marron avaient pris possession du ciel. Puis la petite bouille de Fino disparut, pour laisser place à la mine patibulaire de Yuri. Oh Oh. Il avança sa main vers moi (qui étais à mi-distance environ de la plate-forme métallique faisant le tour de l'édifice), puis un câble surgit de sa peau, visant mon front. Mes vieux réflexes prirent le dessus : je me penchai pour saisir Cartman par le col, et sautai de l'échelle comme un suicidaire. Dès que le fil fut à mon niveau, je le saisis de ma dernière main valide. La vitesse du câble me mordit le peau jusqu'au sang, mais je tins bon. Le câble m'entraîna à une vitesse hallucinante vers le bas, plus rapidement que si j'avais chuté. J'usai de mon pouvoir :

Premier portail : Tourné vers le ciel, sous mes pieds.
Second portail : Bien plus haut, au-dessus de la tête de Yuri et tourné vers ce dernier.
Effet provoqué : Le câble disparut dans le portail pour siffler à l'oreille du Russe. Puis ce fut à mon tour (ainsi qu'à Cartman) de traverser la porte. Moi par contre, je ne le loupai pas : mes deux pieds sous l'élan du câble frappèrent Yuri à la tête, qui bascula dans un grognement par-dessus le bastingage, et se dirigea tout droit vers le sol. Il tendit une main, et un câble fila de sa peau pour s'accrocher à une structure métallique près de moi. Je fis voler mon panneau de signalisation, qui trancha net le fil. Le corps du Russe se mit à tournoyer à cause de son vain rattrapage, et il ne réussit plus à lancer une dernière bouée de sauvetage de ses mains. Je le laissais s'écraser comme une merde avant de me retourner.

Maintenant que j'étais sur la plate-forme (c'était là-haut que je vis un gros moniteur, qui devait servir d'ordinateur de la tour radio), je pouvais botter le cul du phoque. Fino était de l'autre côté, et me regardait d'un air totalement placide. Merde, il y avait encore un piège. J'entendis le rire de Yago à un mètre au-dessus de ma tête. Une seconde après, Yuri sortit de sa lampe que le piaf tenait, et atterrit pile sur moi. Fino lui demanda de m'immobiliser à terre. Ce qu'il fit. Les salopards de merde ! Je tentai de bouger, mais les cent kilos qu'il pesait me détruisirent les côtes. J'en avais du mal à respirer. Et dans cette position, je ne pouvais pas utiliser mes pouvoirs normalement. Je lançai un regard acharné vers le phoque, qui m'ignora avec un rire. Puis Fino dit :


« Yago, je crois que Cortex a du mal à venir. Va chercher le traducteur s'il te plaît.
_ Tout de suite !
_ C'est quoi cette histoire de traducteur de merde ?
_ Évitons les grossièretés, Ed ! Restons courtois. Tu as le droit de perdre, tu sais.
_ Lui peut-être ! Mais pas moi, raclure de mes deux ! »

Cartman surgit de derrière la carcasse de Yuri pour envoyer un coup de pied dans les dents de Fino. Celui-ci faillit passer par-dessus bord, mais réussit à rester sur la balustrade. Il fonça alors vers Cartman dans un hurlement terrible. Malheureusement, ce dernier ne réussit pas à esquiver l'attaque frontale d'un bébé phoque. Fino lui mordit le nez, jusqu'à l'en faire tomber. Cartman lança un juron étouffé, mais dès qu'une de ses mains s'approchaient de Fino, celui-ci les mordait sauvagement. Le Coon décida alors de rouler sur lui-même. Fino fut totalement écrasé par la masse terrifiante de l'obèse. Il essaya de mordre quelque chose mais sa gueule était collée contre le métal. De mon côté, je tentais de repousser avec force le Russe. Rien n'y fit. Il ne me restait plus qu'à observer le spectacle en évitant de respirer trop fort. Quand Fino réussit à se libérer, il aboya :

« Pauvre mineur de mes couilles ! Tu te trimballes toujours avec tes friperies ?
_ Suceur de boules, retourne dans ta putain de banquise !
_ Ta gueule, si tu veux que ta maman te nourrisse de son lait !
_ T'es qu'une enflure de merde ! Il faut vraiment être crétin pour accueillir le Coon dans sa bande.
_ Excuse-moi, petit con ! Je ne savais pas que le Coon existait vraiment. Tu ne dois pas être très renommé. Moi qui pensais que c'était une blague que les policiers se racontaient entre eux.
_ Sale roux !
_ T'es aussi con que Ed !
_ EYH !
_ Toi aussi !
_ EYH ! »


Puis ils se jetèrent dessus. Leur combat était trop brouillon, comme deux gamins de primaire qui se battaient entre eux sans se donner de coup de poing. J'avais plusieurs idées pour me libérer de mon Russe, mais ça ne servirait qu'à nous faire combattre tous les deux sur une plate-forme perchée à quelques dizaines de mètre. C'était trop dangereux pour moi, et pour Cartman. J'avais l'impression qu'il se faisait battre par Fino. Parce que s'ils étaient à égalité au début, le petit gros commençait à respirer bruyamment. Mais Fino était trop acharné pour ressentir une information aussi bénigne que la fatigue. En moins de deux minute de lutte sans pitié entre un gamin de huit ans et un bébé phoque, Fino plaqua le bonhomme à terre et le fixait pour le paralyser de terreur. Ce fut efficace car Cartman implora sa pitié. Et merde, il allait se passer quoi maintenant ? La seconde d'après répondit à ma question, quand j'entendis quelqu'un monter l'échelle. Je ne pus tourner la tête, mais l'air ambiant devint tellement molle quand je devinai que c'était Al Super Gay qui venait d'arriver. Il me dévisagea avec un sourire avant de s'avancer vers Fino. Il lui demanda où était le traducteur et l'autre lui répondit que la perruche était allée le chercher. Car tout était prêt maintenant. Il ne leur restait plus que le traducteur à ce que j'avais compris de leur discussion. En train de suffoquer sous mon rocher sibérien, je réussis néanmoins à prononcer la question suivante :

« Moi qui croyais que le plan était déjà lancé... Pour m'appâter ainsi...
_ Ed, réfléchis avec ton grain de raisin desséché qui te sert de neurone. Comment voulais-tu que je t'explique mon plan si tu n'étais pas là ?
_ Encore ces saletés de code de super vilains ! »
s'exclama pudiquement Al. Il s'adossa au moniteur en espérant que le traducteur vienne au plus vite.
« En fait Fino, je crois que je m'en branle totalement de tes machinations stupides. Ça ne m'intéresse même pas.
_ Tant que je peux te faire chier... Mais la prochaine fois, fouillez bien vos prisonniers si vous ne voulez pas qu'ils s'évadent.
_ On vous a tous fouillé ! Qu'est-ce que tu racontes ?
_ C'est bien, tu ne mets pas longtemps avant de rentrer dans mon jeu. Et non, vous avez oublié de fouiller quelqu'un... Tu donnes ta langue au phoque ? La réponse était... le Docteur Doofenshmirtz !
_ On a vérifié, il n'avait rien sur lui non plus.
_ Faux ! Vous lui avez laissé sa médaille qu'il a remporté au concours culinaire !
_ Hein ?
_ Bon, j'explique. Nous avions exactement deux plans. Le second pouvant être réalisé même si le premier échouait. Il fallait donc s'enfuir de taule s'il le fallait. On a donc sacrifié le Docteur (inconscient qu'il est), qui porterait notre second traducteur, en forme de médaille de concours gastronomique ! Diabolique, hein ?
_ Hein ?
_ C'est MOI qui suis allé voir le maire de la ville pour lui proposer de faire le concours près de l'appartement du Docteur. J'avais vu tous les épisodes de Phinéas et Ferb, et je connaissais parfaitement sa psychologie. A l'instant où il découvrit qu'il y avait un concours de cuisine en bas de chez lui qui allait faire du tohubohu, je savais qu'il chercherait un plan pour s'en débarrasser. Et là, soudainement, comme par le hasard le plus total, Yuri lui envoie une lettre pour lui dire qu'il a un robot cuisinier en trop. Le crétin en blouse accepta la transaction. On vérifia qu'il eut le sens de l'ironie pour se débarrasser de ses ennemis avec une recette de cuisine quelconque. Et quand vous l'avez capturé, j'étais en train de chauffer la foule pour applaudir cette énorme crêpe. Puisqu'ils avaient le précieux instinct de troupeau, et que les gens stupidement gentils fonctionnaient comme ça, ils suivirent mes paroles et lui remirent une médaille en le félicitant. Sauf que j'avais échangé la vraie contre le second traducteur ! Puisque vous étiez crèmes avec la blouse, je savais que vous alliez lui laisser sa médaille. Tout a fonctionné comme je l'avais prédit. BUAHAHAHAHAHAHAHA !!!
_ C'est totalement stupide !
_ Ça a marché ! C'est ça le principal ! C'est ça le principe. On l'a ainsi utilisé pour se tirer de la prison en repoussant les défenses automatisées.
_ Qu'est-ce que vous allez foutre avec une tour radio et un traducteur ?
_ Très bonne question, Ed ! La réponse est simple : provoquer une catastrophe naturelle. »


__

« Allez ! Rends-moua ma médaille !
_ Sombre crétin. C'est pathétique. Tu ne peux rien contre ma machine infernale.
_ Robotannihilator ! Viens-là ! »


Tandis que Cortex remonta dans son lui-en-métal, un immense robot de cubes envahit la rue, contrôlé par une manette que tenait le savant diabolique. Il abaissa un levier surplombé d'une boule rouge, et le gros robot s'avança vers la souris géante dans une démarche mal huilée. Cortex s'enferma dans sa cabine, et activa les lance-missiles : un panneau ventral s'ouvrit et une dizaine de missiles fusèrent vers l'invention de Doofenshmirtz. Ce dernier alla sa cacher derrière une des jambes de son robot. Pendant trois secondes, la rue fut envahie par des explosions ininterrompues qui détruisirent les bâtiments et des stands. Les gens se mirent à hurler et à foncer dans les quartiers adjacents. Voyant que son robot n'avait pas été touché malgré la proximité des tirs, le Docteur lâcha un petit rire victorieux, et envoya un punch direct vers la souris de métal. Elle s'effondra dans un craquement sur une grande roue, avant de se relever. Les deux robots se foncèrent dessus en détruisant le béton à chaque pas, faisant trembler les environs. La mêlée fut titanesque et totalement anarchique : il semblait que les deux robots se faisaient plus mal à eux-même qu'à leur adversaire. Ils n'arrêtaient pas de perdre l'équilibre, roulaient sur les étals. Quelques fois, une mitraillette apparaissait à un des bras d'un des robots pour lâcher quelques détonations dans les airs, avant de se remballer automatiquement.

Le Docteur courut pour éviter de se faire écraser par sa propre invention, repoussée par la modernité de son ennemi. Même un savant diabolique comprenait quand la bataille semblait pencher d'un côté de la balance. La première qualité d'un méchant fou était de pouvoir construire n'importe quoi avec du grand n'importe quoi. La seconde était d'avoir une banque solide qui savait où investir son argent. Et les prêteurs avaient refusé de fournir des fonds à un savant fou qui s'était fait défaire une centaine de fois par un simple ornithorynque avec un feutre sur la tête. Alors que la souris semblait disposer d'un soutien financier infini. Mais le docteur avait un défaut en plus : il était stupide. Il continua à marteler sa petite manette avec une grimace rageuse en direction de la souris gigantesque. Qui venait de sortir deux machine-guns de ses poings. Il y eut un bruit terrible quand les dix canons commencèrent à tourner sur eux-même, avant de lâcher un feu d'enfer sur le robot adverse. La rue se craquela sous la force. Le Docteur se cacha derrière son robot une seconde fois en attendant que le feu cessa. Mais celui-ci ne voulait pas se taire. Et les plaques d'acier de son robot commencèrent à s'envoler sous le fracas des ogives. Doofenshmirtz regarda la souris monstrueuse, et aperçut un cadeau du ciel :


« Ouh, mé qui a léssé oune bombe IEM ici ? »

Sur une des jambes de l'automate, il y avait une petite pile carrée que le Docteur avait maintes fois maudit quand Perry les avait activé. Avec un peu de chance, elle court-circuiterait le robot définitivement. Il demanda à son serviteur de métal de poursuivre sa progression, quitte à se faire tailler en pièces par les armes vociférantes. Sa machine commença une lente progression sous le feu ennemi, essayant d'avancer mètre par mètre. Dès qu'elle ne put plus faire un pas de plus car les impacts des balles devenaient trop fortes et qu'elles atteignaient ces systèmes électriques indispensables à sa mobilité, le docteur bondit hors de sa cachette, et se précipita vers le robot adverse. Cortex, derrière son panneau de commande et envahi de la joie de détruire une machine sophistiquée avec l'aide d'une autre machine sophistiquée de son invention, ne vit pas son ennemi s'avancer vers lui. Le Docteur était ainsi au niveau de la jambe, et remarqua la pile. Il la prit dans ses mains, la retourna en se demandant qui était l'abruti qui l'avait mise à l'envers, et l'activa comme il avait vu son Némésis le faire sur ces propres constructions. En moins de deux secondes, le robot fut parcouru d'arcs électriques bleutés. Cortex hurla dans la défaite, tandis que sa cabine fut envahie par de la fumée grise, et d'étincelles sorties de nulle part.

Il sortit de sa cabine en vitesse, toussant comme un vieux pépé. Là, il fut capturé par la main savante de Doofenshmirtz qui lui demanda en vitesse sa médaille. Cortex lui jeta un regard mauvais, mais il n'avait pas le choix. S'ils devaient se combattre tous les deux, il y avait de fortes chances qu'il n'arriverait même pas à le mordre. Il suffisait de lui marcher dessus pour terminer le duel. De toutes façons, la pauvre souris n'avait pas été taillé pour affronter le monde extérieur au bras de fer. Elle sortit de sa poche invisible de personnage de dessin animé la médaille. Le docteur voulut s'en saisir, mais la souris la jeta en l'air avec un air vicelard. Les deux savants diaboliques virent la médaille tournoyer dans les airs, avant qu'un perroquet rouge ne l'attrapa en plein vol. Doofenshmirtz émit un râle de protestation et jeta Cortex derrière son épaule, qui s'évanouit en percutant un mur. Il s'avéra qu'un méchant diabolique, l'infâme Empereur Zurg, prit la souris albinos assommée pour qu'elle lui serve de cobaye à ses machines destructrices de noyaux de planète. On ne revit plus jamais Cortex.


__

Yago rigola un bon coup avant de s'envoler vers la tour radio. Il avait le traducteur dans les serres, il n'allait pas le laisser tomber. Et pendant qu'il ricanait tranquillement tout en volant, il ne vit pas qu'un ornithorynque en train de monter l'échelle jusqu'à la plateforme le suivait du regard. En un bond, Perry réussit à agripper les serres de Yago.

« Mais bordel de... ! Lâche-moi idiot ! Je peux pas te supporter ! »

Mais Perry était plus têtu qu'une mule. Il continua à s'accrocher aux griffes de Yago, et essaya de faire lâcher sa prise à la médaille de Doofenshmirtz, qu'il n'avait pas reconnu et qu'il considérait comme un objet dangereux. Le vol de Yago fut saccadé de hauts et de bas, d'approches en piqué des barres en métal de la tour radio, ainsi que de jurons du perroquet qui ne savait même pas où se poser pour se décharger de ce terrible fardeau. Perry dut mettre plusieurs fois du sien pour éviter de se cogner sur la tour. Le vent n'aidait pas le volatile à maintenir un certain équilibre dans les airs, et le pauvre perdait de plus en plus de forces à chaque grossièreté qu'il laissait échapper de son bec. Par la peur d'une chute qui pourrait se révéler létale sans deux ex machina, Perry serra plus fort les serres de Yago. La pression fut telle que le traducteur en forme de médaille échappa au perroquet pour tomber au bas de la tour.

__

Le supérieur Monogram et Ophélia s'approchaient de la tour à pas feutrés, comme pour ne pas énerver les protagonistes qui y seraient déjà. Toujours indécise sur le comportement à adopter, la Voyageuse avait préféré s'approcher de la tour radio pour savoir ce qu'elle pourrait faire sur place. Ils avaient évité les zones à risque (celles où l'on voyait des robots géants se foutre sur la gueule, avec les Autobots et les Decepticons en train de parier sur le vainqueur). Maintenant qu'ils pouvaient voir la structure sommaire en métal, ils levèrent la tête pour obtenir plus de renseignements sur la situation. Mono-sourcil leva ses épaules et jeta un coup d'œil à Ophélia, les yeux indécis. Elle finit par dire :

« Je peux facilement détruire cette tour, mais...
_ Mais quelles seront les conséquences pour ceux au-dessus et en-dessous ?
_ Exact.
_ La situation est catastrophique.
_ Quand Ed est dans les parages, elle l'est toujours.
_ Il attire les ennuis ?
_ Disons plutôt qu'il les provoque, dans le sens où il se fait de nouveaux ennemis chaque jour, et qu'il a envie de tous les battre.
_ Il a bon cœur »
, répliqua le supérieur qui ne pouvait s'empêcher de penser que Ed s'était volontairement mis dans la merde pour sauver le festival, et qu'il y avait mis une volonté certaine. Ophélia ne répondit pas. Car une pièce de monnaie tomba du ciel. Elle l'attrapa en plein vol et la soupesa. Non, c'était une médaille pour un concours de cuisine. Le militaire lui apprit que c'était celle de Doofenshmirtz, qu'il l'avait gagné il y avait une bonne semaine de ça. Et que ces truands étaient de sacrés gredins pour lui avoir volé une chose aussi précieuse. On ne gagnait pas un concours gastronomique tous les jours, surtout quand on était un savant fou. Ophélia décida qu'il valait mieux la rendre au supérieur, car elle ne connaissait aucun Doofenshmirtz. Un insecte vrombit à ses oreilles. Par réflexe, elle l'écrasa entre ses mains d'un claquement sec. Une sauterelle écrasée tomba sur le sol.
« Bravo Mademoiselle ! Il semblerait que vous ayez changé d'avis sur votre implication dans cette bataille !
_ Pardon ?
_ Vous avez eu le Borgne, un de ces scélérats !
_ La médaille ! Rendez-nous la médaille ! »


Ophélia lâcha presque un juron qu'elle retint d'une main en constatant le Borgne étalé par terre, tandis qu'un petit chat gris et un rat foncèrent sur le militaire, lui mordant les chevilles. Il tomba à la renverse et lâcha le traducteur que Rattigan réussit à rattraper. Izma lui ordonna de filer tout en haut pour la remettre au patron. Rattigan coinça le médaillon entre ses dents, et fonça vers l'échelle qu'il commença à grimper. Le chat tenta de s'enfuir, mais Ophélia le rattrapa d'un geste habitué. Elle demanda ce qu'il fallait faire de l'animal, et Monogram lui demanda de l'assommer. Ophélia lui répondit qu'elle ne pouvait pas s'attaquer à un chat, et on lui rétorqua qu'elle ne tenait pas un chat dans la main mais un criminel dangereux. Pendant ce temps-là, Izma voulut mordre le poignet de la jeune fille, mais cette dernière maîtrisait la situation. Elle évita les crocs, et prit Izma par le cou. Cette dernière se crispa si fort qu'elle ne pouvait plus bouger. Ophélia en était encore à se demander que faire de l'animal quand une jeune fille inconnue s'approcha d'elle et frappa le chat sur la tête de ses deux poings avec violence. Izma s'évanouit sous la force du coup. La Voyageuse considéra la jeune fille : une blonde avec des lunettes et un tailleur. Et vu l'air qu'elle dégageait, elle était totalement dans les vapes. Une Rêveuse, sans aucun doute. Le militaire la remercia tout de même pour avoir aidé à sauver le monde libre. La jeune fille lui répondit de suite :

« Désolé, je ne l'ai pas fait exprès. Il me semblait que je détestais ce chat. Au fait, je m'appelle Cartel et vous ? »

Il y avait deux sortes de méchants diaboliques sur terre. Il y avait les premiers totalement implacables qui ne laissaient rien au hasard, et aucune chance aux héros. Les seconds, beaucoup plus excentriques, s'amusaient à jouer avec le héros avant que celui-ci ne leur botte le cul. Tandis qu'il montait le première mètre de l'échelle, Rattigan se dit que Fino aurait mieux fait d'être de la première couche que la seconde. Parce que la situation tournait au vinaigre à une vitesse folle. Il se remémora ce qu'il s'était passé après avoir branché les câbles à la centrale. Le Borgne était sorti, triomphant. Et effectivement, les câbles simplement noirs se mirent à gémir, avant de pomper l'énergie. Ils s'illuminèrent soudainement, et des cercles bleu concentriques étaient apparus, emplissant les tunnels d'une lueur surnaturelle. Il avait demandé aux rats de se disperser pour ne pas se faire remarquer, et de profiter de la fête comme des rats tout à fait normaux. Il était ressorti dehors avec le Borgne, où ils avaient rejoint Izma, se léchant la patte avec sa langue. Puis ils décidèrent d'aller au bas de la tour sans se faire remarquer, en attendant les instructions en restant au sol (impossible pour eux d'y grimper normalement mais il n'avaient pas le choix : une tour radio semblait être deux fois plus diaboliques sans ascenseur). Mais en voyant le second traducteur aux mains du chef du camp opposé, ils n'avaient pas pu rester dans leur coin. Ils ne savaient pas comment ça se passait sur la plateforme, mais en bas, c'était la catastrophe. Heureusement, Rattigan avait le traducteur entre ses canines et se dirigeait vers Al. Ils avaient été à deux doigts d'échouer sur ce coup-là. Ce fut sa dernière pensée avant que deux doigts lui attrapèrent la queue et le mirent dans une main. Rattigan avait passé ses deux bras autour de la médaille, et fit un grand sourire de pitié à son nouvel ami. Son sourire fondit un peu quand il vit que la personne qui l'avait chopé n'était autre que ce petit crétin blond, prisonnier de la cave. C'était quoi son nom, déjà ?

« Butters ! Mon ami !
_ Butters est peut-être ton ami. Mais moi, je suis le terrifiant Capitaine Chaos ! Prépare-toi à subir mon châtiment, sale rat ! »


En deux doigts, il arracha la médaille à Rattigan et fit tournoyer celui-ci par la queue. Puis il le lâcha au loin. Le rat hurla tout au long de son lancer, qui se termina dans les poubelles les plus proches.

__

« Areuh... Areuuuh... Arrr ?
_ On fait quoi maintenant, agent B ?
_ Je sais pas.
_ Pourquoi cette question ?
_ Glabouch ?

Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash Flash
_ On fait quoi maintenant ?
_ On ne devait pas aller à la tour radio ?
_ Si ! Laquelle ?
_ La seule, je crois.
_ Allons-y ! Quelle bonne idée j'ai eu là.
_ Bien joué ! »


__

« Quoi ? Comment veux-tu provoquer une catastrophe naturelle avec une tour radio ?
_ Et un traducteur.
_ Où est la blague ?
_ Ed, réfléchis ! Un indice, c'est parfaitement possible dans la vraie vie.
_ Tu vas parler aux plaques tectoniques et leur dire de remuer leur popotin ?
_ J'ai dit que c'était possible dans ton Monde, connard. Maintenant, c'est officiel : tu n'écoutes jamais personne.
_ Et le motif dans tout ça ?
_ Laisse Fino. Je m'en occupe. »
Al s'était approché(e) de moi, très intéressé par le fil de la discussion. Il se pencha vers moi, enseveli sous les muscles de Yuri. Ses yeux de biche me donnaient envie de les bouffer, tant ils semblaient innocents. Mon seul soulagement fut que le traducteur devait subir quelques retardements inopinés qui pourraient bien nous sauver tous. Je sentais l'agacement dans les yeux de Al, et une envie subite de faire passer le temps dans un superbe monologue, espérant qu'il serait coupé par des plumes rouges triomphantes. Mes poumons commençaient à adopter une nouvelle forme pour s'adapter à leur écrasement soviétique.
« Je sais exactement comment sont traités les homosexuels dans ton monde, Ed. Et c'est loin d'être rose, sans mauvais jeu de mots. Je suis dégoûté que vos normes et valeurs soient entachées de religion, de pensées tordues et stupides qui brident votre intelligence. Je suis là pour changer la donne.
_ Personnellement, je trouve que vous faîtes très méchant diabolique finalement.
_ Pourquoi deux êtres ne peuvent-ils pas s'aimer ? Pourquoi vous voulez toujours que tout soit conforme à ce que vous voulez ? Chaque percée sociale est... si difficile à mettre en œuvre. Je ne connais que deux moyens pour précipiter l'ouverture des mœurs. La première, c'est une révolution. La seconde, c'est ma petite idée.
_ Qui consiste à ?
_ Détruire le Bal. Et en recréer un nouveau derrière. Tu sais que le Bal influence inconsciemment les pensées des artistes de votre monde ? Ils sont tous là, en Rêveurs. C'est l'impression générale qui compte. Et je peux te dire qu'après avoir rêvé de ma super parade gay qui monopolisera l'attention (vu que tout le monde se sera enfui ou sera mort), votre monde va connaître un changement de valeurs rapide. C'est pas génial ? Ne me dis pas que mes intentions ne sont pas nobles ! J'agis pour le bien de tous les homosexuels de ta planète.
_ En contrôlant les pensées des gens ?
_ Ed. »
Fino me regardait avec des yeux noirs. Ces pupilles étaient toujours noires, sauf que maintenant, j'y sentais une pointe d'émotion dont je ne parvenais pas à mettre la main dessus. Ah oui... de la colère qui se pensait légitime !
« Bordel de merde, Ed ! J'ai accepté le plan d'Al parce qu'il me proposait un show spécial rien qu'à moi, où il me laisserait aussi faire une parade pour influencer les gens et faire régner mon idée.
_ Oui ?
_ Est-ce que tu le connais, lui ? Je... te... parle de... BIBI PHOQUE, LE ROI DE LA BANQUISE !!! Tu le connais ? Dessin animé de merde où le phoque ressemble à une tarlouze qui se fait éternellement sucer les couilles par un Toons quelconque ! Et c'est le seul ! Il n'y a pas un seul dessin animé où les phoques ne sont pas représentés par un bébé phoque normal qui joue avec une merde de ballon et est tout gentil ! Il faut toujours qu'ils aient l'air mignons, et que leur cerveau ressemble à un pot de confitures à la fraise dégoulinante ! Rétrograde petit con de Bibi, roi de mes couilles ! Il est temps de changer ça !
_ Mais bordel de merde ! Qu'est-ce que vous voulez que ça vous foute ??!! En quoi les pensées stupides de tout un peuple différent au votre vous intéresse ? Vous êtes totalement malades ?
_ Aaah, je ne me lasse jamais de ce moment d'incompréhension du sombre méchant.
_ Et comment vous comptez raser la fête ? Vous allez assommer chaque personnage de dessin animé avec votre traducteur ? Ou vous allez les faire fuir en faisant parler Fino dans un mégaphone par le biais de votre tour radio ?
_ On t'a dit qu'on allait provoquer une catastrophe naturelle, Ed. Avec un putain de traducteur, et une putain d'antenne radio.
_ Vous allez appeler une meute de sauterelles ? Un volcan ? une tornade ? Un putain de tsunami ?
_ Ton manque d'imagination t'honore, Ed. Je me suis toujours senti supérieur quand tu ouvrais la bouche.
_ Bon sang de merde, Fino ! Où est ce putain de traducteur ?!
_ Ahah ! Je suis le Capitaine Chaos, et je viens faire régner le mal, sur la Terre entière ! »


Chacun tourna la tête pour apercevoir Butters avec son casque en aluminium. Et une médaille culinaire accrochée sur sa veste verte pâle. Al se retint au dernier moment de ne pas flinguer le gamin sur place : son cadavre pourrait chuter en bas, et dieu seul savait qu'il avait peu d'alliés de confiance à cent mètres d'altitude en moins. Il demanda à Butters avec un grand sourire de s'approcher, mais l'autre lui répondit qu'il était le capitaine Chaos. Le Coon, attaché dans un coin, hurla un juron à Butters en le traitant de pas mal de noms d'oiseau. Mais le petit blond ne voulait pas bouger de sa position fortement instable d'où une pichenette pourrait le faire tomber de haut. L'homosexuel regarda Yuri, mais il savait que si le Russe me lâchait une seconde, ça allait être la débandade furieuse sur la plate-forme. Fino joua son va-tout : il s'approcha doucement de Butters en lui faisant de gros yeux de bébé phoque perdu sans sa maman pour l'aider et qui pourrait vivre de câlins jusqu'à la fin de sa vie. Butters eut une hésitation, avant d'avancer sa main vers le phoque avec l'envie de lui faire une caresse :

« Oooh, mais c'est Bibi le roi de la banquise ! » Sa main fut happée en moins d'une seconde par une mâchoire de fer, et le Capitaine Chaos fut tiré en avant. Il tomba, et Fino le retourna pour récupérer la médaille. Étrange qu'une boîte de Pandore ait la forme d'une médaille culinaire. Le phoque se pressa vers la machine, et sauta sur son cadran. Il inséra la pièce dans une fente, et ricana en cliquant sur quelques boutons. Butters se mit à chouiner, et Cartman lui demanda de la fermer. J'en profitai pour hurler un ultime :

« Fino ! Ne fais pas ça ! Tu n'es pas un méchant diabolique ! Tu n'es pas un savant fou !
_ Alors, bordel de mes deux, je suis quoi ?! Je suis quoi, Ed ?!
_ TU ES PIRE !!! »
Fino arrêta de cliquer sur les boutons à l'étonnement général, et me lança un regard comme si je venais de formuler la bonne réponse que la maîtresse attendait depuis des heures. Encouragé par cet exploit, je continuai : « Fino, tu n'es qu'un sale connard de mes deux ! Tu en fais quoi, des lois et autres saloperies ?
_ La dernière fois que j'ai vu des normes, je leur ai chié dessus...
_ Tout à fait ! Alors pourquoi tu rentres dans le trip « Machinations Diaboliques » ? Si tu veux exposer ton plan à ton adversaire, c'est ton droit. Si tu ne le veux pas, c'est ton droit aussi ! Mais réfléchis, putain ! Un vrai méchant, c'est celui qui ne respecte aucune loi, à commencer par celles des bandits ! Tu es pire qu'eux ! Tu es un Private Joke ! En t'abaissant à des règles... tu es pire que Bibi, le roi de la banquise !
_ Je t'en pose des questions, bouffon ?
_ Alors Fino, tu lances le plan ?! »
rugit Al, totalement désintéressé de la discussion et qui n'aspirait qu'à l'annihilation la plus totale de la fête qui se déroulait sous ses pieds. Mais le phoque était penché sur l'écran et ne faisait rien. Puis après une attente certaine, il répondit :
« Euuuh.. ouais, nan, plus envie. »

Et en une seconde, il récupéra la médaille du concours gastronomique et l'avala tout rond. Le vent souligna avec puissance les deux secondes de silence qui suivirent. Puis Fino déglutit. Et rota. Al Super Gay hurla un « NOOOOOOOON » qui restera dans les annales. Il sortit son flingue de sa ceinture, et visa Fino. Une détonation claqua, ainsi qu'une douille. Je fermai les yeux pour ne pas voir le spectacle. Mais il semblait que Fino ait réussi à esquiver la balle. Il se jeta sur la cheville de Al, et le mordit si fort que du sang tâcha ses chaussettes bleu ciel. L'homo hurla un autre coup, et secoua sa jambe avec violence. Fino lâcha prise, partit en volant, et se cogna méchamment la tête contre le bastingage. Il retomba dans un râle sur la plateforme, et roula vers le vide. Et dans un ultime effort, il réussit à s'accrocher, défiant une chute mortelle. Mais il n'allait pas tenir longtemps. Je criai, sans le faire exprès :

« FINO ! NON !
_ Ed... Souviens-toi... Un héros ne meurt jamais. »


Je dû crier quelque chose quand les pattes de Fino disparurent de mon champ de vision. Je voulus faire apparaître une paire de portails pour amortir sa chute, mais un coup de pied de Al en plein dans la tempe m'en empêcha. Il était furieux, et avait son revolver pointé sur moi. Eric commença à émettre une protestation (comme quoi il pourrait être le suivant), et Butters se plaignait que Bibi avait mangé sa nouvelle médaille. Mais le visage convulsionné de Al se dégonfla tout d'un coup. Il sortit la lampe magique de sa poche, la frotta avec un chiffon rose, et ordonna à Yuri d'aller chercher le premier traducteur dans les locaux de la prison tout en me maintenant au sol. Yuri ne fit pas un geste. Mais un câble sortit d'entre ses côtes, pour traverser le ciel et foncer jusqu'à l'horizon. Non... Ce n'était pas une blague ! Ils allaient vraiment utiliser le premier traducteur ! Al s'injuria de ne pas être allé le chercher lui-même lorsqu'il avaient été dans la prison. Ils avaient désactivé toutes les barrières grâce à la médaille, ils étaient allé chercher Yuri. Pourquoi donc n'avaient-il pas pris le premier traducteur, juste pour s'assurer la réussite de leur plan diabolique ? Mais si les savants fous passaient la majeure partie de leur temps à concocter des machinations monstrueuses, ils faisaient tout en œuvre pour tenter de le faire échouer après coup. La bonne nouvelle dans tout ça, c'était que Yuri peinait à réaliser un fil aussi long. Je sentis mes muscles se libérer peu à peu de la force du Russe, car il mettait moins de vigueur à me plaquer contre le sol. Je tentais de le soulever un chouïa, mais la réalité était que ses cents kilos n'étaient pas du petit beurre. De plus, j'eus le droit à un autre coup de pied de Al pour me récompenser de ma discrétion.

Mais il n'y avait personne pour l'arrêter ? Perry ! Il était où, Perry ? Et Monogram, il buvait un cocktail sur une chaise longue en nous attendant ? Jacob ? Il pouvait pas venir sauver le monde une fois, à ma place ? Le fil se rembobina à la vitesse éclair. Le câble tendu dans le ciel commença à disparaître. Ok, il était temps que je me bouge. Mes yeux devinrent sombres, et mes cheveux se mirent à flotter dans les airs. C'étaient les signes caractéristiques qui témoignaient que j'étais en train d'utiliser mon pouvoir. Signes parfaitement visibles que Al n'ignora pas. Il demanda à Yuri de me jeter par-dessus bord. Une main empoigna mon bras, et me poussa vers le vide avec la force d'un anaconda. Ma chute commença au ralenti. Tout en comprenant que la gravité demandait ses droits, tout en voyant le bout du traducteur enroulé autour du câble, je réalisais que c'était ma vie ou celles des autres. Non, c'était stéréotypé, et ça ne correspondait pas vraiment à la situation (ou alors, très simplifiée). Mais il fallait que chaque héros fasse preuve d'abnégation à un moment, et choisir entre leur intérêt personnel et celle de la communauté. Je ne m'étais jamais attendu à ce que ça soit moi dans cette situation un jour. Alors... je sauvais ma peau ou je récupérais le machin ? Impossible de faire les deux en même temps : le Destin ne faisait pas les choses à moitié. Je chutais trop vite, et mes portails n'avaient qu'une portée limitée. Au bout de deux secondes, je compris que je ne savais choisir ni l'un, ni l'autre. Black-out de mon système neuronal.

Puis un truc verdâtre me heurta et réussit à stopper net ma chute en m'emportant dans un vol régulier. J'ouvris les yeux, et vis Perry avec un pistolet-grappin dans les mains. Oulà, il avait fait une belle cascade pour me récupérer. Il avait accroché le grappin au sommet de la tour, et était venu me récupérer dans les airs. J'en éprouvais une sorte de soulagement, mélangé à de la tristesse. Être un héros, ou ne pas en être un ? Perry appuya sur un bouton. Au lieu de nous balancer dans le vide comme un paquet pas frais, on remonta jusqu'à la plateforme. Le super méchant était trop occupé à installer sa machination démoniaque pour nous remarquer. Yuri, qui n'avait pas reçu de nouvel ordre, fixait un point invisible vers le sol. Je sortis le flingue et la lampe magique de la ceinture de Al. Il se retourna pile à temps pour subir un croche-pattes d'un ornithorynque coiffé d'un feutre. Il dû abandonner sa console pour saluer le parquet de métal en-dessous. Mais il réussit à se dégager en donnant un coup de tête. Je lui envoyai alors un uppercut dans le menton, et l'éloignai de la console pour le coller près de la rambarde. Il réfléchit à un plan pour passer ses deux adversaires, mais je lui pointai son flingue devant la tête. Et je fis pareil avec la lampe magique. Échec et mat, pauvre con. Et parce que la situation trouvait que la domination d'un camp n'était pas assez fort, je vis le militaire et son unique sourcil en forme de spaghetti, Ophélia, Cartel (?), ainsi que les agents J et K, qui grimpèrent en haut de l'échelle pour nous rejoindre. Un fol espoir s'empara de mes cordes vocales :


« C'est bon, la situation est totalement sous contrôle ! Il faut détacher Cartman et calmer Butters et on en aura terminé. Mais sinon ! Vous avez vu Fino ?
_ Fino ?
_ Un petit phoque blanc. Il est tombé de la tour, et...
_ Ed... Il est mort. »


C'était Ophélia qui avait parlé. Le couperet fut d'autant plus tranchant. Je la regardais fixement, comme si j'attendais qu'elle sorte le contraire avant de la lâcher du regard. Mais elle se mit à pleurer. Elle avait partagé quelques soirées avec Fino, elle le connaissait assez bien. Un poids s'écrasa dans mon estomac, et me gratta le cœur. Je ne sus pas si je balbutiais quelque chose, ou si j'essayais. Fino mort. C'était totalement impossible. Personne ne pouvait même le faire saigner. Il était invincible. Quand il était tombé, je n'avais pas du tout accepté le fait que ça pourrait mal se terminer. Ophélia m'expliqua qu'ils avaient vu le phoque tomber de la tour, emporté par le vent. Quand ils furent venus sur place, il était là. Gisant dans son sang. Mort. Plus de pouls. Même pas eu besoin de vérifier tant son état était épouvantable. Elle éclata en sanglots. Mon esprit fit de même. C'était pas possible. C'était tout simplement impossible. Fino était une constante de Dreamland, il ne pouvait pas disparaître aussi facilement. Je regardais la lampe magique. Ouais, elle pourrait le sauver. Je demandais s'il était bien mort. Monogram me le confirma. Ça ne marchait pas comme ça. Ça ne pouvait pas marcher comme ça. La tristesse et la colère sortirent de la même émotion : celle de l'incompréhension par le refus de la réalité. Je retournai mon visage rouge vers Al, le flingue tendu vers lui. Sentant le vent tourné, il commença à hocher sa tête horizontalement. Je fis un pas vers lui, puis un autre, le canon du revolver fixant un point entre ses deux yeux. Pour avoir bravé l'impossible, il allait pouvoir être défait par la mort. Je serrais les dents pour éviter de me couper la langue. Ce mec était mort. Le deuil de Fino allait commencer par celui de Al. Je pris une voix tremblotante, exacerbée par des larmes qui ne voulaient pas venir et une colère indicible par la surprise :

« Al, tu es censé être mort dans ton local au Pretty Leg, non ? Je veux dire, personne ne le saura. Rétablissons la vérité. Tu seras bel et bien mort, je vais... je vais te descendre. Décide. Soit tu sautes, soit je te colle une balle. »
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyMar 31 Mai 2011 - 13:37
Je n'arrivais pas à croire que je sortais ça. Les mots surgissaient seuls de ma bouche, inspirés par les mauvais films américains. J'allais le faire souffrir délibérément, je voulais qu'il ressente de l'injustice dans mes propos, qu'il comprenne que la vie pouvait être éteinte facilement. Surtout quand on n'était pas du bon côté du flingue. Ophélia me supplia de ne rien faire, mais sa voix manquait de convictions à cause des larmes qui la recouvraient. Mon supérieur ne fit rien car il n'avait jamais rien fait. Perry me fixait de ses yeux mais je l'ignorais royalement. Les agents J et K regardaient le paysage, et Cartel devait résoudre une équation différentielle de tête. Personne ne m'arrêtait. Je venais de tomber en moins de trois minutes dans deux clichés de film. Maintenant, c'était celui où j'allais décider si le méchant devait être jugé maintenant ou plus tard. Continuons le cliché alors. Je tirai trois balles sur Al. Il hurla un cri strident. Mais aucune ne l'avait touché. J'avais tiré à-côté. Je lançai le flingue dans le vide, et sortis mon panneau de signalisation. Le bruit qu'il fit contre la tête de Al m'invita à recommencer. Mais j'allais le tuer si je continuais. Il se releva, la gueule pleine de sang. Jusqu'à ce que j'entendis :

« AAAAAL !!! Je remonte, je te jure que tu ne pourras bouffer tes repas que par l'oreille gauche ! » J'ouvris la bouche, et jetai un coup d'œil en contrebas. Je voyais Fino avec son mégaphone, hurlant sur le toit d'une étal. Il avait l'air parfaitement en forme, et tout à fait en pétard. Quelque chose céda en moi. Pas mort... Je le savais...
« FINOO ! ON T'AVAIT CRU MORT !!!
_ Pauvre con ! Je te dis que j'étais invincible ! Je me sers de la Faux comme cure-dents ! »


J'étais si abasourdi que j'en oubliais d'engueuler mes mauvais porteurs de mauvaises nouvelles. Retournement de situation invraisemblable. Je n'avais vécu que ça depuis quelques jours. Je jetai un œil mauvais plein de sadisme à Al. J'allais pouvoir m'occuper de lui, maintenant. Très gentiment. Mais lui me sourit.

« Depuis quand vous avez cru que vous aviez arrêté mon plan ? Le signal est lancé depuis trois minutes. Vous êtes tous morts. La fuite n'est plus une option suffisante. »

Terrible retournement de situation invraisemblable.

__

Tandis qu'il chutait du haut de la tour, Fino était en train de se demander s'il allait vraiment s'en tirer, ou si Dieu était lassé de le voir jouer à la corde raide avec sa vie. En tout cas, il ne regrettait rien. Il avait vécu comme il avait eu envie. Le vent fut fort, il l'éloigna de l'antenne radio. Le phoque vit le sol se rapprocher à un folle distance, comme pour lui faire le plus gros des câlins. Un gros câlin éternel. Fino injuria les pavés avant de s'y écraser comme un obus sans ogive. Il eut sacrément mal, mais il ne s'attendait pas du tout à survivre. Il leva les yeux pour voir la masse douce et immaculée qui avait stoppé sa chute. Cette dernière lui parla avec une voix incroyablement gentille :

« Ouf ! Tu ne t'es pas fait mal, au moins ? J'ai réussi à amortir ta chute au dernier moment.
_ Euh... on se connaît ?
_ Je suis Bibi, le roi de la banquise. Et toi ?
_ Moi ? Moi, Bibi, je suis ton plus grand fan. »


__

Al nous regardait triomphant, avec un sourire présentant toutes ses dents (il en manquait une d'ailleurs). Ses yeux appelaient la victoire. Je lui retournai un mépris total. Rien à battre de son plan de merde. Peut-être qu'on pouvait encore l'arrêter depuis sa console. Les deux agents J et K se plaignirent de bruits étranges dans leurs oreillettes. Cartel leur demanda ce qu'ils avaient, et ils répondirent qu'il y avait une formule magique qui se répétait en boucle. Elle prit une oreillette et se la colla dans l'oreille. Elle écouta pendant une trentaine de secondes ; chacun avait les yeux rivés sur ma sœur. Elle redonna l'appareil à un des agents et dit :

« Ce n'est pas une incantation quelconque. C'est du russe.
_ Exact, petite ! C'est bel et bien du russe. Remerciez Yuri, il nous a aidé à mettre tout ça en forme avec ses connaissances linguistiques.
_ Depuis quand on a besoin du russe pour provoquer une catastrophe naturelle ? »
le questionnais-je, en me tournant ensuite vers ma sœur qui obtenait toutes les réponses les unes après les autres. J'entendis un petit sifflement dans le ciel. Un sifflement très lointain, qui s'approchait petit à petit. Très menaçant. Sifflement aigu que j'avais déjà entendu quelque part. Cartel continua :
« Le message est un appel : Tous les communistes contre l'Occident sont appelés à se réunir ici, sous la tutelle du petit père des peuples, de Castro et de leurs camarades associés déjà présents afin de monter une organisation qui balaiera à coup sûr les États-Unis de la carte. Venez vite, venez nombreux, c'est juste pour cette nuit. Voilà, c'est tout. Et le message continue en boucle.
_ Mais... mais ça n'a aucun sens ! Depuis quand faire croire à une réunion de communistes dans les environs ferait fuir le monde ? Tous les personnages de dessin animés détestent les communistes ?
_ Ed, réfléchis. Imagine la pire situation possible réalisable avec une tour radio et un appel à tous les communistes pour menacer un pays de votre monde. Et bien c'est elle qui sortira.
_ Je crois que ton plan diabolique est tout simplement stupide.
_ Oh non... »
souffla Ophélia pour elle-même. Elle le répéta, plus gravement. Al reprit en jubilant :
« Mais si ! Je crois bien que tu es la seule dans le lot à avoir compris. Félicitations !
_ Comment avez-vous pu ?! Comment osez-vous... ?!
_ C'EST !!! »
Une nouvelle voix déchira les bruits de la fête pour imposer le silence. Elle était dite si forte qu'aucune voix humaine avec un microphone ne pourrait arriver à ce résultat. Pire que du bruit, ce fut une véritable onde de choc qui balaya le sentiment qu'on appelait Espoir. C'était une percussion tribale, c'était horrible. C'était majestueusement horrible.
« LA !!! » L'air se solidifia, augmenta sa pression. Cela signifiait qu'il y avait une puissance démesurée là-bas. Non, plus que démesurée. Impossible à qualifier tant l'aura était menaçante. C'était bien plus gros que tout ce que je n'avais jamais senti : Jacob, Clane, le type dans cet arène à Luxuria, Héléna ou chacun des membres de son groupe. C'était bien trop gros. C'était de la puissance pure qui irradiait en un seul être.
« GUEEEEEEEEERE !!!!!! » Il me semblait que le métal se distordait rien qu'au son de la voix. Le sifflement progressait dans les aigus, et mes oreilles prirent peur. C'était... Oui, c'était le son d'un putain d'obus de mes deux. Il passa tellement vite devant mes yeux que je ne pus pas bien le voir, pour s'écraser dans une gigantesque explosion au bas de la tour radio. Les pieds de celle-ci se détachèrent progressivement, fondant sous le brasier indomptable. La tour radio commença à pencher de plus en plus en biais. Tout le monde s'accrocha au bastingage, et Al en profita pour prendre la parole, en extase :

« Monogram, il me semble que vous êtes Major, non ? Peut-être connaissez-vous votre semblable ? On dit de lui qu'il est l'héritier moral d'Attila, anciennement Seigneur des Cendres et Voyageur le plus redouté. Je vous présente le Major McKanth, connu pour sa stupidité sans bornes et ses talents de destructeur sans limite. Il a grimpé la Ligue Baby et la Major si vite que le DreamMag a arrêté de parler de sa progression. Chaque Royaume qu'il a attaqué pour une raison tierce a été détruit sans ménagement, malgré les Voyageurs présents. J'ai réussi à l'attirer dans les environs avec un carton d'invitation. Il n'a pas mis longtemps à venir et à repérer l'origine du signal radio. Le DreamMag l'a proclamé au rang de catastrophe naturelle au même titre qu'un séisme ou un typhon : indomptable, sans pitié et frappant au hasard. Le Bal est déjà détruit. »

Tandis que dans un suspense insoutenable, la tour commençait à se rapprocher du sol avec le grand saut, je pus voir un petit point noir à la frontière en contrebas qui s'approchait à grande vitesse du Bal. Deux tentes s'écroulèrent en flammes dans son passage, puis il se perdit dans la masse. Toute la foule hurla, et tenta de s'échapper. Mais il y eut un bruit de catling, et un feu terrible dévasta une des places. Trois attractions tombèrent sous le choc, réduisant en flammes les bâtiments sur lesquels elles s'étaient écrasées. Je vis un Transformer se jeter sur le nouvel ennemi, et lui tirer une rafale de roquettes monstrueuses. Mais le robot géant fut repoussé au loin dans un tir de canon. Puis le point noir monta sur le robot et lui tira dans le crâne cinq fois, avant de lui arracher la tête avec une lame. Je savais que ce type n'avait eu aucune égratignure. Ça se sentait. Il était toujours aussi fort, toujours aussi menaçant. Il avait juste évité les tirs de roquette par sa vitesse. Bon dieu de merde. Je ne savais pas si j'étais si malheureux que ça d'être sur ma tour, même si ses pieds commençaient à nous lâcher dans un grincement d'enfer. Ce type était un monstre ! Qui était-il ? Et pourquoi il attaquait comme ça ? Cette puissance de dingue... A chaque fois qu'il tirait, j'avais l'impression qu'il touchait mon ventre. Je flippai un max. C'était la première fois que je sentais une aura si brut. Pas forcément menaçante, mais comme une bombe atomique naturelle. Un concentré de pouvoir non taillé. Une force phénoménale d'une neutralité absolue. Je ne voulais pas descendre. Je voulais fuir.

Notre tour radio tomba de plus en plus lentement. Sous des coups de feu répétés et des explosions sporadiques, la structure métallique commençait par chatouiller les airs délicatement, avant que la gravité ne l'attire de plus en plus vers le sol. Tout le monde commença à s'accrocher à la rambarde du haut tandis que la tour grinçait furieusement. Il y eut un déchirement à sa base, et la structure entière commença à tomber à une vitesse folle. Je ne réussis plus à réfléchir : juste à imiter les autres qui passèrent par-dessus le bastingage pour s'appuyer contre la face de l'antenne radio tournée vers le ciel. Une petite pensée m'indiqua que le bâtiment tombait pile vers le dernier emplacement connu de Fino. Je décidais qu'il y avait d'autres priorités et que le phoque avait déjà épuisé ma réserve de compassion à son égard. Je calculais un impact terrifiant dans moins de trois secondes. Mais Ophélia commença à charger une attaque à-côté de moi, et envoya un coup de poing vers le sol. La seconde d'après, il y eut une décharge d'énergie, ainsi qu'une terrible onde de choc qui creusa un énorme trou dans le sol, et qui par sa puissance, arrêta la chute de la tour. Celle-ci se stationna un instant en l'air, avant de recommencer à tomber doucement, sans l'élan qu'elle avait minutieusement acquis la minute précédente. Le choc fut brutal cependant : la tour écrasa trois bâtiments plus un chapiteau, qu'elle détruisit consciencieusement en projetant des débris de pierre, de bois et de poussière partout dans une cacophonie de fin du monde. La structure se coupa en deux, et les deux morceaux tremblèrent dans l'œuf de leur destruction. Mon corps fut éjecté quelque part sans que je ne puisse me défendre.

J'étais aplati contre le sol, le nez rempli de poussière et de cendres. Je toussai une bonne dizaine de fois avant de me relever, les vêtements crasseux. Tout autour de moi, il y avait des étincelles qui explosaient, de la fumée et des corps qui se relevaient sous le choc. La seule personne déjà levée était la fine silhouette d'Ophélia. C'était la seconde fois que je voyais son pouvoir, et il était toujours aussi impressionnant. Elle avait créé un impact dévastateur pour atténuer le choc de la descente. Je voyais le cratère qu'elle avait formé, d'environ une quinzaine de mètres de diamètre et trois de profondeur. Il suffisait d'un coup comme celui-là pour écraser tous ses adversaires en face. Je m'avançai vers elle en essayant de conserver un sens de l'équilibre efficient. Elle commença à dire :


« Faut qu'on évacue les gens d'ici ! C'est très urgent !
_ C'est étrange venant de toi.
_ Même si je voulais me battre, je ne pourrais rien lui faire, Ed ! Rien du tout !
_ Tu es trop modeste.
_ Une vingtaine de personnes comme moi ne pourraient pas le vaincre. La seule solution, c'est de faire fuir le plus de personnes possibles !
_ Et la fête ?
_ La fête est foutue ! »
, me coupa-t-elle, les yeux gonflés de tristesse et de rage envers ceux qui avaient organisé tout ça.

Je n'avais qu'une envie : la serrer dans mes bras pour la consoler. Mais elle n'était pas d'humeur à être réconfortée. Elle avait la tête sur les épaules et elle désirait sauver le maximum de vies. Une âme noble. Si j'interrogeais mon esprit, je comprenais que je ne voulais qu'une chose : partir le plus rapidement possible. Si j'avais le malheur d'entrer dans le champ de vision du Major, j'étais tout de suite mort. Je n'aurais aucune chance. Je le revoyais encore détruire ce qu'il avait devant lui sans une once d'état d'âme. On n'en était même plus à des réflexions tel que « il détruisait donc il était ». Non. Juste qu'il considérait tout comme des ennemis, donc il détruisait tout. Ce type ne se souciait de rien, juste de briser. Il était impossible à défaire. Ophélia était la Voyageuse la plus puissante que je connaissais : elle pourrait écraser Héléna en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Et si elle se prêtait au jeu populaire de me casser la gueule, je ne tiendrais pas plus longtemps que la psychopathe. La voir paniquée devant un autre Voyageur avait de quoi me faire peur. Je préférais ainsi me taire et rentrer dans son jeu. Je lui dis que j'acceptais la mission de sauver le plus de personnages de dessins animés possibles. Je ne pouvais pas me défiler devant elle. Puis j'avais quelques idées qui germaient dans ma tête. Je pressais le monde autour de nous, qui essuyait consciencieusement ses vêtements. Parmi eux, il y avait Fino. Il avait fait une rapide rédemption, mais je l'avais déjà pardonné. De un, parce que j'étais habitué. De deux, parce qu'il avait besoin d'être câliné de temps en temps, dans le mauvais sens du poil.

__

Personne ne pouvait battre le Major. Presque tous les êtres de Dreamland pensaient cela. Sauf le Major en question, car il ne réfléchissait pas. Il agissait comme un éternel assisté. Pas qu'il le pensait (nous avons déjà émis notre opinion sur la question), mais pour McKanth, le monde était soigneusement divisé en plusieurs lois et situations, et il parvenait l'exploit à caser chaque événement du monde dans ces différentes catégories. Par exemple, tout homme n'étant pas blanc, américain et soldat était forcément un individu inférieur. Tout homme qui pointait une arme sur lui était un ennemi. Tout communiste, tout révolutionnaire, toute personne rousse était un adversaire mortel qui mettait en péril le sol américain des Etats-Unis d'USA. Ça devait être à peu près tout. Ainsi, l'énorme rangée de Transformers (qui se faisaient appeler les Deceptibots, après d'âpres discussions entre les deux camps) se tenait devant le Major pour venger leurs camarades. Ils pointaient des armes vers lui, donc ils étaient des ennemis. Il cria le premier mot qui lui passa par la tête :


« IIIICECREEEAAAAAM !!! »

Conformément à son caractère peu réfléchi, ce fut le militaire qui commença à tirer. Sa main s'était rétractée dans son bras, des trous étaient apparus à la pointe de ses doigts ; tout pour qu'il se transforme en machine gun satisfaisante. Pas de pourparlers, pas de prisonniers. Si la presse grognait, on n' avait qu'à dire que c'était un accident. Si la presse mordait, on lui coupait la tête. Un premier robot géant s'écrasa sur un bâtiment, la tête arrachée. Sa main que la vie quittait tira une fois, deux fois, trois fois en l'air avant de retomber sur le sol. Les autres Transformers tirèrent une rafale de mitrailleuses et d'obus qui détruisirent le sol et les alentours. Des explosions bouchèrent le champ de vision des immenses machines, qui s'arrêtèrent de tirer pour vérifier l'état de leur adversaire après quinze secondes de canonnades délirante. Une immense perceuse sortit du ventre d'un Deceptibot dans un râle silencieux. Le Major s'était infiltré jusque dans leur dos, et venait de faire comprendre toute sa rage en transperçant un ennemi. Le premier robot qui se retourna de surprise reçut une balle de revolver dans la tête qui lui perfora les systèmes électroniques vitaux. Le second tira trois fois au lance-grenade sur leur ennemi, mais celui-ci se servit du Transformer qu'il avait percé comme un bouclier. Puis le Major expulsa la perceuse, toujours coincée dans le cadavre de son défunt adversaire. Elle partit dans un chuintement en laissant une décharge de fumée blanche derrière elle, et emporta la tête du robot qui venait de tirer. Plus que sept.

Le Major n'était pas un spécialiste du siège, car il parvenait toujours à faire tomber les défenses ennemies en moins de dix minutes. La bataille contre les robots géants (il avait tué celui qui ressemblait à un drapeau américain en dernier) n'avait pas duré plus de deux minutes. Dans les décombres de la bataille, le Major s'avança et fronça les sourcils. Il y avait encore des ennemis cocos dans le coin. Il arma son bras et tira une dizaine de fois dans le ciel. Une dizaine de fumées au napalm s'envolèrent, puis déchargèrent sur le Bal des flammes meurtrières et quadrillées. Satisfait de lui, le Major tira un cigare de sa poche, et l'alluma en tirant sur le bout avec un Desert Eagle. Par pur plaisir, il tira cinq tirs d'obus sans chercher à viser. Des projectiles de quatre-vingt millimètres sifflèrent dans le ciel, avant de retomber dans une symphonie meurtrière sur le sol. Tout ça n'était qu'un foutu nid à vipères. Deux hommes volaient dans le ciel, et se posèrent devant lui. Ils avaient les cheveux noirs, et une coupe totalement ridicule. Ainsi que des costumes qui laissaient à désirer. Le premier fit au second :


« Contre un tel adversaire, il va falloir utiliser le Super Sayen, Végéta !
_ Passons directement au deuxième niveau. Il n'est pas faible.
_ Pourquoi on ne fusionnerait pas ?
_ Je t'ai dit que je détestais ça ! Il a l'air chaud, peut-être que le Super Sayen dix...
_ Japs. »


Deux tirs de Casull dans la tête des deux protagonistes. Ils s'effondrèrent sans demander leur reste. C'était trop simple. Le militaire mâcha son cigare. Il se trouvait un peu trop calme. Il sourit quand il vit d'autres personnages de dessins animés s'enfuir au loin. Il décida qu'un peu d'exercice ne lui ferait pas de mal.

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Une immense explosion balaya la terre. Je faillis m'envoler sous les secousses terrestres. En levant les yeux au ciel, je pus distinguer des flashs dans le ciel, ainsi que des déflagrations violentes (?). Puis des mares de flamme qui envahirent les bâtiments et les dévorèrent sans sermon. Du napalm maintenant. Il allait bientôt faire sauter le quartier à la bombe hydrogène s'il continuait. On ne reçut aucune gerbe de feu sur la tête, mais je pouvais entendre des gens hurler dans un quartier voisin. Si je tendais l'oreille, je pouvais même percevoir le grésillement des flammes sur les maisons. Un cri de douleur retentit dans mon oreille. Je me retournais vers notre petit groupe. Il y avait une vingtaine de personnages de dessins animés avec nous. Nous étant moi, Ophélia, Fino, Cartman, l'agent P, les deux autres, Monogram, Butters, Cartel, ainsi que Al qu'on avait ligoté et qu'on trainait derrière nous, ainsi que la lampe magique de Yuri, tranquillement à l'intérieur, ainsi que d'autres personnages de dessins animés qu'on avait sorti de décombres ou qui traversaient la même rue que nous. Notre job avait consisté à aller voir chaque personnage qui n'avait pas eu l'intelligence de quitter le Bal à temps, et de les mener vers la sortie la plus proche. On s'était mis d'accord pour ne pas leur trouver une planque. Une planque était forcément destructible, et le Major McKanth semblait avoir envie de casser des trucs. Fino se prenait déjà d'affection pour un savant habillé en vert qui agitait un petit pendule devant lui en essayant de repérer des signes dans son balancement.


« Un peu plus à l'ouest !
_ J'espère que ton cul saura mieux utiliser ton foutu pendule quand je l'aurais installé là.
_ De la mozzarella ? Je ne pense pas que ça soit le bon moment pour prendre un déjeuner. »


Perry maîtrisa sans peine le phoque qui voulut sauter à la gorge du pauvre Tryphon. On avait trouvé trois souris (peut-être tirées de Cendrillon), un des différents Sonics, ainsi que d'autres que je ne connaissais pas. On entendit un hennissement pas loin. Ophélia dégagea des décombres enflammées, et sortit un poney mauve d'une grange en train de s'effondrer sur elle-même. Au loin, au autre obus s'écrasa sur le sol, faisant s'écrouler une attraction. C'était la merde, jusqu'à nouvel ordre. D'autres tirs de napalm furent envoyés au hasard. Un jet nous bloqua la route, et nous fûmes obligés de prendre un détour. Un autre hurlement de détresse dans une maison avoisinante. Je rentrai dans une ruine, et ressortis Mushu du dessin animé de Mulan et le crabe Sebastien de la dernière fois, enfermés dans une cage. Perry sortit un gadget multi-pass et força la serrure en trois mouvements de poignet. La voix de José Garcia nous remercia, le crabe en fit de même, et après une explication de la situation, ils décidèrent de nous suivre. Ce fut comme ça pendant une bonne vingtaine de minutes. Ce dont j'avais peur, c'était qu'on soit perdus. Il n'y avait aucune chance de compter sur moi ; je ne faisais que suivre Ophélia. Mais même elle était totalement déroutée dans ces dédales d'horreurs. Il suffisait d'un tir du Major en l'air pour inonder un quartier de flammes inextinguibles. Je demandais à la Voyageuse s'il serait un jour à court de munitions. Elle m'expliqua avec une voix sombre qu'il ne tomberait jamais à court ; c'était un Voyageur ultra-puissant. Aucune chance pour qu'il soit en panne sèche un jour. Personne ne savait comment prendre ce gars par le bon bout.

Une dizaine de minutes plus tard, nous étions une cinquantaine. Et je commençais à être moins effrayé. Il y avait de la fumée partout, mais des tirs de sulfateuse (indiquant la position du Major) nous affirmèrent qu'il était loin. Notre but était plus d'attendre patiemment qu'il se réveilla que de trouver un véritable endroit où se cacher. On pouvait toujours essayer de rejoindre la frontière, mais ça sera difficile. Une odeur de fumée me boucha les narines. Trois détonations claquèrent dans le ciel. Puis une autre explosion. Il était tout simplement increvable. Ophélia n'arrêtait pas de distribuer des encouragements à chacun, mais elle était épuisée. On l'était tous. Même Fino qui avait passé son temps juché sur mon épaule. Nous n'avions pas arrêté de courir pour éviter de se retrouver dans la même zone que lui, nous avions failli y passer en nous incrustant dans des bâtiments enflammés. Pour tenter de nous miner le moral, Al Super Gay commença à nous expliquer que nous n'avions aucune chance de fuir, et que le Major s'occuperait de nous. Je lui répliquai que son plan était à l'eau en tout cas. Il ne me répondit rien, ce qui me fit un peu peur. Fino s'approcha de mon oreille pour me dire :


« Tu sais Ed, sa parade est prête quelque part. Comme la mienne. Je pense qu'elles vont partir toutes seules après un certain signal. C'était pas très important, mais je voulais juste t'expliquer qu'on était perdants dans cette histoire, contrairement à ce que t'essaies de te faire croire, et que... Oh, putain de mes couilles. »

Sa voix s'était soudainement tarie. Venant de Fino, cela ne voulait dire qu'une chose : le pire qui pouvait être envisagé venait de se réaliser. Devant nous, coincé dans une petite rue, il y avait le Major McKanth. Sa veste était déboutonnée, il fumait de partout et sa face était toute rouge. Un cigare planté dans le bec semblait tout aussi menaçant qu'un canon pointant sur nous. Ce fut la première fois que je le vis de mes propres yeux : assez grand, large, les cheveux en bataille, l'air vieux, le visage couvert de cendre et de plaques rougies, il nous dardait de yeux rouges. Il était entièrement en vert, portait de grosses bottes et avait des doigts comme des saucisses. Il semblait d'autant plus dangereux qu'il avait l'air ridicule. Mais l'aura autour de lui était d'une telle puissance que j'avais du mal à tenir debout. Il savait parfaitement qu'il était le Maître du Monde. Un coup d'œil en arrière pour savoir que tout le monde s'était arrêté. Puis les femmes se mirent à hurler, Fino insulta Dieu, Perry s'était mis en position de combat et Ophélia resta de marbre. Mais son bras gauche tremblait. Je fis un petit hochement de tête au phoque. Comprenant ma démarche, il sauta sur le sol. Je sortis mon panneau de signalisation de derrière mon dos. Puis je criai :

« Prenez la rue à droite ! Je vais le retenir !!! COURREZ BORDEL !!! »

Les personnages de dessins animés n'en demandèrent pas plus. Des regards voulurent me retenir, mais j'avais pris ma décision. Il fallait bien un jour que j'aille combattre les têtes de ligue, les rois de Dreamland. On m'en donnait enfin l'occasion. Mon corps se pencha tout seul pendant le sprint, pour accélérer ma vitesse brièvement. Tout le monde s'enfuit finalement, me laissant seul dans ma course désespérée. Mais moi aussi, je pouvais aussi faire des trucs incroyables. J'allais retourner toutes ses attaques contre lui grâce à mon pouvoir, le prendre de vitesse. J'avais perdu peu de combats dans Dreamland. Je pouvais enfin dépasser mes attentes et mes limites. Je ne cherchais même pas à calculer mes chances de vaincre un tel adversaire. Comme d'habitude, comme j'avais toujours fait, j'allais foncer sans réfléchir et bien voir ce qui allait arriver. Mon panneau brandi, je me mis à hurler pendant trois secondes avant de lui envoyer un coup quand je fus arrêté à sa hauteur. Il para mon panneau de la main gauche sans même regarder, pendant que sa main droite m'attrapa au cou avec une précision dévastatrice pour un tel bourrin. Puis sa première main se transforma en Desert Eagle. Il tira un coup vers mon ventre ; la douille s'envola, chaude. Puis le militaire me jeta derrière son épaule.

Heureusement pour moi, mes réflexes de survie étaient toujours aussi efficaces. J'avais utilisé un portail pour le placer au bout de son canon. Pris par surprise, je ne pus pas mieux ajuster ma défense pour qu'il se tira directement dans la nuque. Mais au moins, j'étais en vie. En vie, mais choqué de ma profonde nullité. Comme mon cerveau avait oublié d'allumer le bouton « Cache-toi vite », je me remis debout. Il se mit à marcher devant lui, ne se rendant pas compte que l'insecte qu'il avait écrasé battait encore des ailes. Je repris mon panneau dans la main, et en cinq pas feutrés, lui assénai un terrible coup dans le crâne. Mais là encore, je fus totalement désarçonné. Sa tête résonna entièrement. Ce type était fait en plaques de métal ou quoi ? Ce fut mon panneau qui rebondit ! Mon bras dégusta sévère de cette défaite. Bordel, mes attaques normales ne pouvaient tout simplement pas le blesser. Et tandis que je voulus mettre en place ma défense, le Major fit volte-face et agrippa mon bras que j'avais tenté de reculer. Puis d'un geste, il me fit tournoyer autour de lui et me balança en l'air. Pendant ma chute, je pensai que ce gars avait une force totalement démesurée. Je n'avais rien pu faire. Depuis le début, je n'étais même pas une merde pour lui. Je n'étais même pas... une perte de temps. Je perforai une fenêtre d'un bâtiment abandonné avec la vitesse d'un boulet de canon. Les éclats de verre volèrent dans le long couloir sombre, tandis que je percutai un mur sur le côté. Je ne ressentais plus la douleur, car j'étais douleur. Je tentais de refaire le cours des événements dans ma tête, mais tout était allé trop vite. Chacun de mes nerfs abandonna, et m'envoya une décharge de souffrance que je ne réussis à contenir. Le seul geste que je tentai m'entraîna dans un abîme de souffrance. Je n'arrivais tout simplement pas à me relever. Puis je vis trois grenades qui traversèrent la fenêtre pour atterrir devant mes yeux. Ces derniers se fermèrent tous seuls, de peur. Je sentis le souffle chaud de la déflagration me lécher les sourcils. Échec et mat.

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Le Major rentra son lance-grenades dans sa peau d'un air satisfait. La seconde d'après, il oublia totalement le visage de son ennemi, défiguré par la peur. Il avait vu des dizaines de communistes encore vivants. Et ils n'allaient pas s'en tirer facilement. Il avait réinventé le mot « zèle ». John était un de ces militaires qui était directement entré dans l'armée américaine sous le grade de Major. Personne ne pouvait se souvenait d'une période où il était jeune et occupant un grade inférieur. Quoique peut-être, dans la Seconde Guerre Mondiale...

Ce fut sans une once de pitié qu'il écrasa un gâteau en pain d'épice qui le menaçait avec un sucre d'orge. Il devait reconnaître que ses adversaires étaient braves. Mais bon, les Russes étaient tous les mêmes. Il y avait des éléments stupides qui pensaient qu'ils pourrait l'égratigner lui, et les autres éléments stupides qui pensaient à fuir. Ils auraient exactement le même sort chacun. Le Major restait avant tout, un défenseur de l'égalité. Un gros tigre orange tenta de s'enfuir dans une rue adjacente. Un coup de fusil, et la bestiole tomba dans la terre dans un grognement de douleur. Communiste de merde. Le Major était méchant par sa stupidité et surtout par son étroitesse d'esprit telle que seule une bactérie pouvait y rentrer, et encore, en serrant le ventre. Le militaire était très simple à manipuler, surtout seul. Il suffisait d'un peu de poudre aux yeux pour lui convaincre que tous les communistes avaient érigé une nouvelle base quelque part par là. Il activa une pupille électronique qui lui permettait de détecter la chaleur humaine. Il fut ravi de voir que certains pensaient se cacher dans une petite tente au milieu d'un hall d'une résidence. Le Major entra dans la grande maison, s'approcha de la toile et retira les dragonnes. Un pauvre personnage de dessins animé miteux tenta de se défaire de la couverture qui l'étouffait. Il émit un couinement quand il vit la tête du Major. Ce dernier ne sourit pas. Par contre, il prononça distinctement :


« Oussamerde. Depuis le temps que je te cherchais ici. Tu es moche.
_ Eheh, excuse-moi, South Park n'est pas reconnu pour sa qualité numérique.
_ Dis-moi... tu te caches bien au Pakistan, près d'Islamabad par hasard ?
_ Dans un complexe résidentiel, effectivement.
_ Bon à savoir ça »
, termina le Major en tuant sa victime d'une balle de revolver sortant de son doigt.

Il souffla sur la fumée qui en sortit, puis utilisa des réacteurs sous ses semelles pour arriver sur un toit. Là, il sortit de son ventre un drone noir. Il l'envoya en l'air, et la machine se mit à bourdonner avant de s'activer.. Il avait vu un sacré groupe de cocos tout à l'heure, avant qu'un crétin ne l'interrompit. Ce groupe était maintenant sa cible.


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J'étais adossé contre un mur noir. De la fumée obstruait mes narines, et un éternuement tenta de les dissuader d'entrer plus loin. Je me réveillais dans le même couloir sombre dans lequel trois grenades étaient censées m'abandonner. Mais je n'étais pas à mon emplacement prévu. Pire, j'allais bien. Même mes lunettes de soleil étaient intacts. Je vis les deux anges en face de moi qui avaient réalisé cet exploit. Qui étaient tout sauf des anges en fait. Fino tentait d'accélérer mon réveil en me fixant méchamment. Il tenait à la main une lampe magique. Yuri était à ses côtés, et s'amusait à regarder le plafond avec une conviction stupide. Je bégayai un remerciement, mais on me retourna une insulte. Tout était normal donc. Le phoque m'expliqua peu sympathiquement qu'il était allé piquer la lampe magique dès mon départ. Il avait sorti Yuri afin de me treuiller si quelque chose allait mal. Et par chance, ils s'étaient cachés dans le même bâtiment que moi. Le Russe m'avait envoyé un fil pour me ramener fissa juste avant que les bombes n'explosent. J'étais soulagé d'être encore vivant, mais mon moral était resté dans les explosions. J'avais failli y rester deux fois en moins de quinze secondes. Le destin avait été de mon côté pour cette fois-ci, mais pour combien de temps ? Mon poignet avait du mal à répondre, et ma cheville me faisait mal à chaque fois que je m'appuyais dessus. On m'avait bandé une blessure à la tête. Fino me dit que j'étais resté inconscient cinq minutes. Game Over pour moi en tout cas. J'avais fait tout ce dont j'étais capable. Une voix grésillante sortit de nulle part :

« Agent F ? Vous allez bien ?
_ C'est quoi ça ?
_ C'est leur putain de montre. Ils me l'ont refilé quand ils ont vu que je me suis barré. Et je ne suis pas l'Agent F !
_ Nous avons un problème. Le Major a localisé le Bunker.
_ Bordel de merde ! Mais comment il a fait ?
_ La situation est critique. Ophélia insiste pour au moins dégager de la zone de danger les survivants qui sont restés avec nous. Vous êtes les seuls à pouvoir sauver la Base actuellement.
_ Attendez ! De quoi ?
_ Votre mission, si vous l'acceptez, est d'empêcher le Major de trouver le Bunker, ou bien l'empêcher d'y entrer ou de lui causer n'importe quel dommage qui soit. Over. »
La silhouette de Monogram disparut tandis que la montre s'éteignit. Des questions m'assaillirent. Depuis quand on nous envoyait crever comme ça, sur le champ de bataille ? Le type derrière son écran avait-il une foutue idée de la puissance que dégageait le Major ? Ce qui était certain, c'était qu'il ne fallait plus compter sur moi. Par curiosité, je demandais quand même :
« Il se passe quoi ? C'est quoi le Bunker ?
_ Tous les personnages de dessins animés le savent. Je le sais parce qu'on me l'a dit dans la cave de l'autre nigaud pour passer le temps. Le Bunker, c'est un peu la représentation Dreamlandienne des planques secrètes, des grottes secrètes, etc. dans vos dessins animés. C'est un immense Bunker ouvert à tous. En gros, s'il y a un problème quelconque, tous les personnages vont se réunir là-bas en attendant que la tempête s'apaise.
_ Mais... mais c'est la plus grosse connerie que j'ai jamais entendu ! S'il les trouve...
_ S'il les trouve, il fera un tel carton qu'on pourrait appeler ça un génocide. Il sont plus de trente mille là-dedans. S'il fait exploser le Bunker, cette année sera un mauvais cru pour vous, niveau dessin animés.
_ Le pire, c'est que je crois qu'on peut rien faire contre lui.
_ On abandonne déjà, Ed ?
_ T'as pas été sa cible à ce que je vois. Il mettrait plus d'émotions à péter une brique qu'à me tuer.
_ Je fais pareil sans aucune difficulté. Et je t'explique. Ophélia m'a dit que si personne n'allait l'arrêter, c'était elle qui donnerait sa vie pour sauver le peuple. Alors t'as intérêt à te magner ! »


Je ne répondis rien. Peut-être parce que laisser Ophélia combattre le Major était la meilleure solution. Et parce qu'on ne pouvait pas compter sur un lâche comme moi. Bordel de merde, c'était plus facile de faire le malin et de rentrer dans le trip justicier quand on avait des nuls en face. Par contre, on relâchait bien vite ses idéaux pour sauver sa peau. Mais je n'avais jamais été un héros. Juste que si je passais dans le coin, j'aidais une personne ou deux. Mon objectif n'avait jamais été de rendre le monde de Dreamland plus heureux. Je réussis tout de même à me relever pour contempler le carnage qu'avais laissé l'Amerloque derrière lui. Impossible à battre, ce petit con. Je crois que le pire, dans sa manière de se battre, c'était son expérience... Il n'avait pas fait un seul mouvement inutile. C'était un expert du combat. Si par exemple, ça avait été un Ogre stupide qui ne penserait qu'à frapper devant lui, je n'aurais rien dit. Mais le Major avait une palette de coups qu'il n'utilisait pas au hasard. Il devait se débarrasser de tous ces adversaires quel que soit leur niveau en moins de dix secondes, comme il l'avait fait pour moi. Difficile de l'approcher par la ruse. Il fallait sinon, se servir du terrain. Bon, il fallait se mettre à réfléchir Ed. C'était toi ou Ophélia en quelque sorte. Et il fallait faire en sorte que ça ne soit pas les deux en même temps. Bon, laissez-moi une minute... Ok, j'avais trois plans qui venaient de germer dans ma tête. Tous aussi mauvais les uns que les autres. Combien que je serais obligé d'improviser sur place ? J'annonçais à Fino qu'on y allait, qu'on avait du pain sur la planche, et que la farine serait plutôt costaude cette fois-ci. Et tandis que je descendais les escaliers pour me retrouver au rez-de-chaussée, je n'entendis pas Fino dire à Yuri :

« Je t'avais dit que ça marcherait, en ayant les bons arguments. Bon dieu, il est plus facile à manipuler que le Major. »

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A cause du sprint, tout le monde dû s'arrêter pour reprendre des forces. Ophélia les mena vers un abri faits de quelques débris d'immeubles. Ils avaient dû quitter les limites du Bal maintenant, et rentrer dans la ville. Mais ce n'était pas une localisation géographique floue qui allait les sauver. Tant qu'ils étaient à moins de cinquante kilomètres du militaire, ils étaient en danger. Et alors que chacun reprenait sa respiration, elle entendait des voix s'élever, et se plaindre qu'ils s'éloignaient du Bunker. On expliqua la signification de ce mot à Ophélia. Son instinct lui dit que c'était trop facile de se cacher. Et que plus il y aurait de mouvements vers ledit Bunker, plus il y avait de chances que le Major les intercepte, et massacre tous ceux qui logeaient dedans. Mais on ne voulait rien entendre. Il y eut des cris de protestation (ravivés par Al Super Gay, tout sourire). Monogram tenta de calmer le jeu en leur servant un discours sur le patriotisme que personne ne comprit. Ophélia prit le relais en leur expliquant qu'ils avaient plus de chances de tomber sur leur ennemi en faisant demi-tour qu'en continuant tout droit. Car il ne fallait pas oublier que le militaire était tout près, malgré la diversion d'Ed. Elle ne voulait pas minorer son exploit, mais foncer contre le Major ne leur ferait pas gagner une moitié de minute. Même si elle savait que Fino était parti l'aider, elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer le pire ds scénarios. Ed restait si faible...

Mais une minute plus tard, et Fino les téléphona par le biais de la montre que lui avait donné Monogram pour lui expliquer qu'ils avaient failli récupérer le cadavre de Ed (mais que grâce à sa force démesurée, il avait réussi à faire fuir le Major dans une lutte épique). Ophélia soupira en douceur avant de se retourner vers une foule divisée. La première partie admettait qu'il ne valait mieux pas retourner dans les griffes du Major et foncer tout droit, l'autre que le Bunker avait été construit pour résister à ce genre d'assauts. Perry imposa le silence en montrant du doigt un drone qui sillonnait le ciel. Ophélia baissa la tête pour dire :


« Voici ce que je vous propose ! Le groupe qui ne veut pas retourner au bunker va faire diversion. Pas de plainte ! Pas de plainte ! Nous allons nous montrer au drone, et le militaire nous foncera dessus. Cela permettra à l'autre groupe voulant rejoindre le Bunker de le faire sans encombres. Perry, tu te charges de les surveiller ? Très bien. Ne vous inquiétez pas ! Je vous promets qu'il ne vous arrivera rien ! Nous avons de l'avance, et nous le conserverons ! Je détruirai le drone moi-même, on pourra facilement lui fausser compagnie. »

A la fin d'un débat rapide, il n'y eut plus qu'une petite quinzaine de personnes qui acceptèrent de faire partie du premier groupe. On ne pouvait pas tout avoir. Les premiers partirent rapidement, et Ophélia mit tout ton en œuvre pour se faire remarquer du drone qui volait à une cinquantaine de mètres d'altitude. Elle sut qu'elle fut remarquée quand l'engin bifurqua pour aller dans sa direction, puis elle demanda à tout le monde de courir derrière les deux agents J et K. Ce fut un mouvement de panique, mais de panique maîtrisée. Plus d'une quinzaines de personnes courraient sous un ciel rouge, prenant les mêmes rues afin d'échapper aux engins volants. Une débandade qui voulait fuir au plus vite le carnage. Ophélia vérifia que le second groupe ne partait pas trop vite, ni trop tard. Elle vit Perry prendre la direction et... Al Super Gay ! Merde ! Il était en train de profiter de la confusion pour prendre la poudre d'escampette. Elle voulut crier quelque chose, mais la foule était trop intense autour d'elle pour qu'elle puisse avertir Perry. Elle vit le salopard derrière tout ça prendre la fuite, les mains attachées dans le dos. Malheureusement, elle ne pouvait plus rien faire pour aller le récupérer.. Dès qu'elle fut en tête de peloton, et que chaque drone plus le Major pouvaient aisément comprendre qu'ils iraient en ligne droite, la Voyageuse se baissa pour ramasser une pierre. Elle la jeta vers le drone. L'onde de choc qu'elle lui insuffla permit au caillou d'avaler les distances en repoussant l'air, et de briser le drone en miettes dans une petite explosion. Ophélia se mit à courir. Il n'y avait plus que ça à faire. Ils coururent pendant cinq minutes, dont les secondes passaient comme des heures. Comment vouliez-vous fuir normalement quand vous vous attendiez à chaque virage à tomber sur la face terrible du Major, ou quand vous craigniez entendre siffler une balle avant qu'elle ne vous percute le crâne ?

Mais il n'y avait rien du tout. Même pas un tir au lointain. Le Major ne les avait pas poursuivi. Ed et Fino avaient-ils réussis quelque chose ? Non, c'était trop tôt. A moins que... Ophélia actionna sa montre pour parler à Perry, histoire de voir si le Major n'était pas tombé sur eux. Mais le second groupe allait bien. Le Major ne les avait pas rattrapés. Avait-il eu une baisse dé régime ? Étonnamment, ce fut Cartel à ses côtés qui répondit. Une simple Rêveuse.


« Ça doit être le gay.
_ Pardon ?
_ Il fuyait vers les derniers tirs d'obus du Major. Je suppose qu'il cherche à le joindre. La meilleure position pour ne pas se faire béqueter, c'est derrière le requin.
_ Il y a des chances que Al lui parle du Bunker ?
_ Ce n'est pas une question de chances. Il va automatiquement le faire. Il a bien monté tout ça pour ça, non ? Si le Major est dans le Bunker, il n'en sortira pas avant une bonne heure. Parfait pour le plan de Al.»


Puis l'instant d'après, quand la Voyageuse comprit le drame, les tirs d'explosions reprirent. La bagarre recommençait. Mais contre qui ? Le ciel se teinta d'autant plus de rouge et de fumée. Et elle vit dans l'horizon une dizaine de drones voler vers eux. Et à tous les coups, ils étaient armés. Ophélia demanda à tout le monde de courir encore plus vite. Il y eut des cris quand les personnages de dessins animés virent les petits avions foncer vers eux. Ils furent assez proches pour qu'on puisse voir qu'ils avaient chacun deux missiles. Tout tournait à la catastrophe. Non seulement le Major pouvait les balayer sans leur prêter d'attention, mais en plus, il était en train de marcher vers le Bunker. Combien de secondes avant qu'il ne déchira les portes ?

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Le Major avait localisé ces sales communistes qui lui résistaient grâce à ces petits engins. Il voulut les poursuivre derechef, mais il vit une petite armée rejoindre sa position. Il envoya aussi huit drones contre les survivants qui courraient au loin ; ça serait suffisant pour tous les détruire. Puis John reporta son attention sur les nouveaux venus. Il sauta du toit de l'immeuble, et se porta à leur rencontre. Oh mon dieu ! Il avait trouvé de nouveaux fléaux à ce monde. Il avait toujours su que certains se cachaient ici, il l'avait toujours su ! Leur chef en armure dorée vint les voir et lui tint à peu près ce phrasé :

« Nous, les Chevaliers du Zodiaque, allons mettre fin à cette pitoyable mascarade en vous combattant. Soyez sur vos gardes !
_ Je me demande comment tu peux avoir l'air si sérieux avec ton armure de tarlouze »
, termina le Major en sortant des Thompson de sa main.

Il ne voulait manquer personne. Les petits avions s'envolèrent dans les cieux sans aucun souffle d'air. Le Major détestait les homosexuels, pour une raison qui lui échappait. Disons qu'il détestait toutes les minorités. Et tandis que cette minorité visible se demandait s'ils devaient abattre ses avions ou pas, un bruit de mitraillette claqua dans l'air, et le premier Chevalier s'écrasa sur le sol avant de pouvoir dire « Tapette ». Un canon sortit du ventre de McKanth, et il balaya une quantité honorable d'armures lustrées et clinquantes. Dès qu'un de ses ennemis tentait de s'approcher de lui, le Major effectuait une pirouette et lui envoyait son coude dans les nez avec une violence décisive. Certains tentèrent des positions abracadabrantes inutiles tout en criant un truc japonais (certainement une sorte de magie inutile). Mais leur rituel mirifique était interrompu par une cartouche dans le crâne. Un gars immense en protections dorées réussit par la force des choses à lui asséner un coup de poing en plein dans le crâne. Le Major cilla sous le choc, mais lui envoya un coup de boule phénoménal dans le menton en retour. Il y eut un horrible craquement, un hurlement, puis le militaire piétina le géant d'un coup de savate. Une lance pointa en sa direction. Il fit un écart vers la droite, attrapa l'arme sous son épaule, et tira une rafale de cinq balles sur son adversaire surpris. Il sortit un lance-roquettes de sa main, qui acheva deux personnages tapettes. Un autre Chevalier tomba raide mort avant même qu'on entende une détonation de fusil éclater dans l'air. Trois autres ennemis l'encerclèrent, mais c'était peine perdue. Le Major sortit une épée de sa main, et transperça un crâne avec. Il se baissa pour éviter une attaque, interrompit un quatrième Chevalier d'un coup de Desert Eagle, fit remonter ce même Desert Eagle jusqu'à son coude pour tirer trois fois sur un assaillant, puis attrapa le dernier Chevalier par le visage. Il y eut un craquement simultané de cinq doigts qui brisèrent le crâne. La bataille était terminée. Le Major pouvait continuer à poursuivre les survivants. Il regarda ses poignets, d'où il pouvait voir l'avancée des opérations des engins. Oulà, c'était un beau carnage. Bon, il sentait encore quelques ondes de vie aux alentours. Dont une qui s'approchait. Un fusil de chasse sortit de sa main, et il mit en son œil dans la visière pour mieux tirer, quand il vit un pauvre homme enficelé qui criait :

« Au secours ! Je suis un patriote américain ! Les communistes ont fait de moi leur prisonnier.
_ J'arrive, soldat ! »
Le Major sortit un couteau de l'armée, et libéra l'homme d'une torsion de poignet. Il l'examina. Ce type semblait très étrange. Comme le Major n'était pas du genre à tourner autour du pot, mais plutôt à le détruire, il lui fit :
« Tu ressembles drôlement aux cocos que j'ai abattu.
_ Ils ont transformé mon visage pour que vous le croyez et me tuez. Mais je suis Américain.
_ Ton histoire tient la route »
, acheva d'une voix ferme le militaire. Il revérifia ses poignets écrans pour voir où en étaient les drones. Un sourire impitoyable naquit sur ses lèvres. Al se permit de jeter un coup d'œil. Et ce fut à lui de sourire de ses petites lèvres pulpeuses. Il ajouta :
« Je peux vous dire où ils sont. Où ils sont TOUS planqués. Je... je connais leur base.
_ Très, très, très intéressant. Si les murs ne sont pas déjà rouges, je vais m'en occuper de ce pas alors. »


Et en parlant de rouge... Le Major vit six autres personnes l'entourer. Même lui grinça des dents quand il comprit contre qui il avait affaire. Les super héros de comics américains. Ils les reconnaissaient, car lui et eux venaient du même sol. Mais de là à penser qu'ils s'allieraient à ces sales rouges... JohnMcKanth était très, très déçu. Il reconnaissait Superman avec son caleçon ridicule, Spiderman et sa combinaison ridicule, Batman et son casque ridicule, Hulk et son short ridicule, Captain Amercia et son bouclier ridicule ainsi que Thor et son marteau ridicule. Son cœur fut tiraillé de devoir combattre des héros nationaux. Al Super Gay ne savait pas trop quelle posture adopter face à tant de pectoraux, et préféra la jouer neutre, en étant prêt à changer de camp dans le pire des cas envisageables. Il n'avait pas encore vu de si près ce dont était capable le Major, et doutait de son plan. Mais surtout, il avait peur de rester à-côté d'un tel combat. Il sourit avant de s'éclipser. Mais personne ne le remarqua. Ils étaient tous concentrés sur le Major, et le Major essayait d'établir un bon compromis pour les voir tous les six. Il se mit à regarder le vide entre Superman et Hulk, et se demanda s'il ne devait pas sortir des yeux derrière sa nuque, quitte à lui dérégler son champ de vision. Croyant qu'il ne bougeait pas à cause d'un raisonnement philosophique sur ces actes, ce fut Spider man qui ouvrit la discussion :

« Major McKanth. Il faut cesser cette tuerie sur le champ.
_ Spider Man. Je savais que j'aurais dû me méfier d'un type qui porte un collant rouge. Homosexuel et coco à la fois.
_ Hein ?
_ Place à la guerre ! »


Le ballet fut explosif. Car ils se jetèrent tous sur lui d'un même mouvement tandis que le Major se jetait tous sur eux. Il adorait être encerclé : il pouvait attaquer dans toutes les directions à la fois. De cette bataille, il se rappela de la charge de Hulk qu'il fit dégager en une prise d'arts martiaux, de Spider Man qui lui tissa une toile sur les mains pour l'empêcher de sortir ses armes, de lui-même en train de brûler ses propres mains pour les enlever et en profiter pour foutre un punch en plein dans la gueule de Thor. Batman lui envoya un Batarang en pleine tête, qu'il rattrapa au vol avec les dents avant de le détruire sous sa mâchoire d'acier. L'homme araignée voulut lui bloquer ses mouvements en jetant une toile sur son torse, mais le Major la prit dans ses mains et tira de toutes ses forces. Spider man fut emporté vers le Major, qui lui envoya le plus beau punch jamais réalisé sur Terre. Son adversaire s'effondra à une vingtaine de mètres plus loin. Et dans le même mouvement, il sortit un fusil à pompe et envoya trois salves sur Captain America qui se protégea derrière son bouclier. Mais son pied fut touché par de la grenaille, et il s'agenouilla à terre de douleur. Le Major se défendit d'un coup de Batman, tourna sur lui-même pour éviter le poing de Hulk, tira sur Superman qui volait en sa direction, et frappa le menton du pauvre Captain dans un shoot terrible. Thor envoya un terrible éclair sur le Major, mais étrangement, il n'eut aucun effet. Le Major le remercia en arrachant sa tête avec un tranchant de la main (littéralement). Puis il reprit son fusil à pompe, esquiva un punch de Superman d'une roulade, tordit le bras à Batman dans un geste sans équivoque, et pulvérisa le visage de Hulk. Puis il se retourna et envoya un coup de pied dévastateur en plein dans la tête de Batman. Superman voulut le cisailler avec ses yeux lasers, mais le Major sortit exactement la même attaque. Deux rayons lasers rouges sortirent de ses pupilles pour aller frapper ceux de Superman. Une petite explosion rouge fumante se fit sentir lors de la rencontre des quatre rayons. On aurait pu croire qu'il y avait égalité, mais le Major avait déjà sorti deux Casulls de ses mains pour canarder sur son adversaire. Superman s'effondra dans un râle. Tous les militaires du monde prirent enfin leur revanche, pour toutes les fois où ils servirent de victimes collatérales ou d'ennemis aux héros.
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyMar 31 Mai 2011 - 13:54
Je sentais chaque respiration appuyer les pas de ma course. Yuri courait à-côté de moi, sans se départir de sa neutralité absolue. Le temps pressait. Fino indiquait comme d'habitude le chemin jusqu'au Bunker, grâce à son GPS (il fallait toujours que ça soit lui qui me guide, tranquillement installé sur mon épaule, tandis que je sprintais comme un malade pour des raisons aussi diverses que, être poursuivi par un monstre, manquer cruellement de temps ou encore devoir arrêter un des êtres les plus puissants au monde). Je traversai des champs de bataille à la mine sinistre : des centaines de créatures de Dreamland animés en images se tenaient mortes, éparpillées en plusieurs pièces. Des Transformers agonisaient en silence, des animaux hurlaient à la mort. Je passai par-dessus une balustrade, et me retrouvai dans un immense jardin. Et reconnus le bâtiment qui se trouvait juste au-dessus du Bunker. La Maison Blanche. Évidemment.

Il y eut du mouvement à trois heures. Je me retournais, effrayé par l'apparition. Mais ce n'était qu'un groupe de survivants dirigé par Perry l'ornithorynque. Bon Dieu, cette nuit était totalement folle. Je ne m'étais toujours pas remis de mes esprits du combat de la dernière fois. Il faudrait pour moi passer à la vitesse supérieure seulement pour survivre plus de quinze secondes. J'allais voir Perry, qui demanda à chacun de rentrer dans la Maison Blanche et de rejoindre les autres au Bunker au sous-sol. Je vis enfin de quoi avait l'air les gens à qui j'avais servi d'appât pour les éloigner du Major. Tandis qu'ils commençaient à s'avancer dans le bâtiment, la mine pleine d'espoir, je me mis devant eux pour hurler :


« Hop Hop ! J'ai besoin de quelques personnes ! Ne vous inquiétez pas, vous risquez moins dans ma mission que d'entrer dans votre traquenard. Megamind ! Simba ! Aladdin ! Vous allez aider Perry pour une petite commission.
_ On peut refuser ?
_ Non. Vous êtes des hommes.
_ Et si on veut vraiment refuser ?
_ Alors, vous devrez en répondre devant moi, bande de trouducs en décomposition »
, répondit Fino d'une voix à faire déterrer des cadavres. Les trois personnages se dirent qu'il valait mieux avoir à faire avec le Major dehors, qui leur assurerait certainement une mort plus rapide que celle que le visage du phoque promettait.

Je soufflai quelques mots à Perry pour lui expliciter mes pensées. Il me regarda déboussolé, et je dû répéter ma phrase. Il accepta en remuant son bec. Il ne devait pas être d'accord avec mon idée. Mais il acceptait parce qu'il se battrait jusqu'au bout de toutes façons, et que mon plan valait bien qu'une absence de plan. Même si avec mon idée, une étincelle d'espoir nous insufflait un nouveau courage. Il fit un geste de la main, et les trois gagnants du jour le suivirent en traînant les pieds. Fino grogna vers eux, et ils préférèrent s'enfuir tout bonnement sans demander leur reste en suivant Perry. Ils avaient intérêt à faire vite. Car moi, je devais commencer mon plan numéro A. Quand je ressassais tous mes plans, je me rendis compte à quel point la situation était désespérée à cause du monstre qu'on avait en face de nous. Le plan numéro A était vraiment là pour faire joli, le plan numéro B était le quitte-ou-double le plus risqué au monde, et le plan numéro C brillait par son absence de logique et sa démesure immature. Aucun n'avait une chance de succès phénoménale. Sauf le C. Mais le C, il y avait un énorme défaut qui me faisait penser au pire. Je regardais Fino. Conscient qu'il n'apparaitrait jamais devant le Major dans mes plans, il pouvait se la jouer pépère. Moi, je flippais déjà un peu plus. Je me remis à penser à ce que m'avait dit Fino la veille. Qu'est-ce qui me poussait à m'imbriquer de des histoires stupides ? Je voulais jouer au paladin ? Je voulais me prouver quoi ? Le pire, c'était que je ne trouvais pas la réponse, mais ma conviction dans le bien-fondé de mon action se solidifia d'autant plus. En bref, j'avais déjà accepté ma mort. La suite de la nuit allait s'avérer palpitante. Quelque chose me disait qu'on ne se réveillerait pas avant un petit moment. Je m'appelle Ed Free. Je suis en plein milieu du Festival, et je m'apprête à combattre un des pires dégénérés de mon époque. Je vais bientôt mourir... Ah, je suis aussi accompagné d'un petit phoque blanc comme compagnon. Je vais bientôt vraiment mourir.

Décidément trop voyant, en plein milieu du jardin de la Maison Blanche, je décidais de me cacher derrière les fourrés les plus proches. Fino rangea Yuri dans sa lampe (je me trouvai horrible d'utiliser ce verbe ainsi), et se dépêcha de me rejoindre. Je me mis ventre contre terre, tentai de me camoufler le mieux possible sans encombrer mon champ de vision. Je ré-expliquais mes plans en détail à Fino. Il me demanda de la fermer. Il me donna la montre d'agent, en rajoutant qu'on pourrait facilement trouver mon cadavre afin de m'offrir une sépulture décente. Il n'oublia pas de recracher la médaille culinaire dans un mouvement obscène. Je le remerciai en grimaçant, et accrochai le bracelet autour de mon poignet et tentai de foutre le traducteur le plus rapidement possible dans ma poche. La situation était dramatique, mais il réussissait à me foutre de mauvais poil. Je gardais un visage fixe devant moi, essayant d'occulter la présence de ce petit con à mes côtés. Je n'eus pas à rester ronchon trop longtemps : le Major, accompagné de Al Super Gay, s'avança dans le jardin après cinq minutes d'attente. Un timing si ténu que j'en eus des sueurs froides. Fino sortit une grimace en voyant son ancien compère tout sourire, et dans le camp le moins vulnérable. Pitié qu'il ne décide pas au dernier moment de changer d'avis et d'aller voir le Major pour lui dire à quel point les communistes étaient des salopards aigris qu'il fallait exterminer de la Terre comme de vulgaires termites. Allez, plan numéro A, action. Fino frotta la lampe magique, et Yuri réapparut juste derrière le Major, avec les instructions qu'on lui avait déjà donné : le tenir fermement pour l'immobiliser. Au même moment, j'activai mon pouvoir.

Premier Portail : De position horizontale, englobant le Major au niveau du nombril.
Second portail : Idem que le premier, mais à une dizaine de centimètres au-dessus.
Effet Provoqué : Le Major se retrouva plus haut de dix centimètres, les portails le coupant en deux.

Rien d'intéressant jusqu'ici. Sauf que j'avais un pouvoir en réserve : le découpage interdimensionnel. Comme vous pouvez le voir, le Major est coupé en deux par mes portails. Si j'annulais ces derniers, le Major se retrouverait en position normale, sans aucun sévices. Par contre, en me concentrant suffisamment, je pouvais directement agir sur la matière en trois dimensions, et sectionner net tout ce qui passait par le portail. Et découper tout ce qui ne pouvait pas être découpé (et aussi ce qui pouvait être découpé pendant qu'on y était). Par contre, la technique m'usait deux paires de portail, un bon mal de tête pour la concentration, et trois secondes. Et l'énergie dépensée était si folle que n'importe quel quidam pouvait sentir les onde de magie menacer sa vie. En gros, impossible à utiliser en combat. Bien trop simple à esquiver. Mais les cisailles me servaient dans certaines conditions particulières, voire mêmes dans des combats. Surtout quand un Russe empêchait l'ennemi de bouger. Je savais que j'allais découper le pauvre Yuri en même temps, mais Fino se tiendrait prêt à le faire revenir en cas de problème. En tout cas, le plan marchait comme sur des roulettes : Yuri réussit à surprendre le Major, et l'immobilisa en lui faisant des clefs de bras. Juste au même moment, je me concentrai pour utiliser toute ma puissance. Il me fallait trois petites secondes seulement.

La première seconde, le Major tenta de se débattre en envoyant quelques coups d'épaule. Mais Yuri, aidé par sa puissance musculaire et sa grande taille réussit à contenir le choc. A la seconde d'après, un pistolet sortit de l'arrière du crâne de McKanth, et tira trois fois sur Yuri. Je crus voir dans mon coin que Yuri avait été touché aux épaules, ainsi qu'une balle qui lui avait râpé le crâne. Mais le Russe, qui y mettait toute son énergie, qui s'était aidé de fils pour mieux le contenir, réussit à ne pas le lâcher. Je pouvais voir dans les yeux du Major qu'il sentait que mes portails allaient lui infliger une terrible souffrance dans pas longtemps. Impossible que je ne puisse pas le découper. Je pourrais même détruire la bulle de Jacob, si celui-ci voulait bien se prêter à mes expériences. En gros, tout ce qui était en trois dimensions ne pouvaient pas m'échapper. Et à la troisième seconde, quand je crus que tout alla bien se passer, de la fumée blanche surgit des semelles du Major. En un temps record, il sauta, hors de portée de ma paire de portails que j'annulai aussitôt sans l'avoir déclenché. Il avait des réacteurs de fusée dans les pieds, qui lui permettaient de voler ! Connard de militaire surchargé de technologie de mes deux ! Il était à cinq mètres de distance du sol, du feu s'échappant de ses bottes de militaire. Fino rappela bien vite le Russe, en très piteux état. J'avais prévenu que mon plan numéro A était pourri, et qu'il n'était là que pour la forme. J'aurais essayé au moins.

Pour le plan numéro B, il ne me manquait plus que Perry et ses nouveaux amis... qui tardaient à venir. Je demandais à Fino s'il avait une idée de comment ralentir suffisamment le Major. On voyait déjà le McKanth se diriger vers la Maison Blanche sans réfléchir plus longtemps à la situation, ainsi que Al Super Gay qui cherchait du regard un Voyageur avec les pouvoirs des portails, ainsi qu'un phoque qui détiendrait la lampe magique. Mon cœur partit en live ; il n'y avait aucun moyen de ralentir ce salopard. Sinon le suicide bon marché. Fino gratta la lampe du bout de la patte, et Yuri réapparut aussi sec. Fino lui ordonna d'aller buter le Major, ou au moins, de le ralentir un petit temps. Le Russe repartit à l'assaut du Major. Il arriva de derrière son dos, à une dizaine de mètres. Et avant même que Al ait eu le temps de prévenir McKanth du danger, un câble surgit de la main de Yuri, visant le crâne de son ennemi. Mais en une pirouette fantastique vu la constitution du Major, ce dernier esquiva le fil qu'il avait deviné rien qu'en percevant une puissance magique et des bruits, prit le fil à une main, et profita de son élan pour faire tournoyer le Russe et l'éjecter au loin. Puis alors que Yuri était encore en l'air, il sortit un fusil sniper de tout son bras et lui tira une balle en plein ventre. Fino le rappela une nouvelle fois, pour le renvoyer sur le champ de bataille. Je lui fis :


« Fino ? Vous avez enchaîné Yuri sous combien de vœux ?
_ Je vais t'envoyer une bonne centaine. Le maximum possible. Malheureusement, il en déjà réalisé quatre-vingt dix-sept. En clair, plus que trois vœux et on n'aura aucun emprise sur lui.
_ Fais chier ! Merde ! MERDE !!! »


Et je me découvris enfin. Je sortis des bosquets avec mon panneau de signalisation à la main, assénai un terrible coup sur la tête de Al pour l'assommer, et me tins devant le Major. Yuri se mit en position à-côté de moi. Mais même ainsi, je doutais de pouvoir le combattre d'égal à égal. Je me mis en position, tourné de trois-quarts. Yuri se cala dans une position de kung-fu. Voilà. Il fallait que je fasse tout moi-même. Je n'avais pas explosé sous le coup de la colère, mais sous le coup de la peur. Des pensées tourbillonnaient en moi, mais les seules qui se distinguaient étaient des phrases qui m'assassinaient le moral : tu vis tes derniers instants de Voyageur ; tu n'as absolument aucune chance ; tu gâches ta vie ; les ennemis peuvent gagner, et toi, tu peux perdre ; dis adieu à Jacob, Hélène, et tutti quanti. Etc. De peur de commencer le combat trop vite, je hurlai :

« Major ! Nous ne sommes pas des ennemis ! Nous ne sommes pas des communistes ! Nous sommes vos alliés !
_ Défense pathétique ! Tu crois que je n'ai pas vu tes cheveux blonds, sale Russe ? »


Ok, impossible de négocier. Deux rafales Thompson crachèrent dans notre direction une salve de cartouches perforatrices. Mon pouvoir se déclencha tout seul. Toutes les balles qui partaient en notre direction furent happées pour ressortir directement sur la tête du Major. S'il se prit les premières, il réussit à esquiver les secondes. Doué d'une sensibilité que je n'avais jamais vu chez un Voyageur, le militaire enfonça sa main dans la seconde porte que j'avais créé pour m'agripper au col. Il me tira dans mon propre pouvoir (qui disparut sous le choc), et me pointa de sa seconde main un Space-12. Un câble inopiné frappa le canon de l'arme juste avant que le tir ne partit. Un coup assourdissant me vrilla les tympans, et je pus sentir la grenaille déchirer mes vêtements et frôler ma peau. Je tentai d'en profiter pour frapper le Major, mais mon poing ricocha sur une couche de métal. Je reçus en retour un énorme coup de boule, qui me cassa le nez directement. Puis le militaire me lança contre Yuri, qui préparait déjà une autre attaque. Le Russe réussit à m'esquiver pour envoyer deux câbles vers le militaire. Mais en plus de les éviter sans se soucier d'eux, notre adversaire les envoya paître plus loin d'un revers de main. Main qui se transforma en Magnum, et qui tira trois fois en notre direction. Je me cachai derrière Yuri, qui reçut les impacts de balle à ma place. Trois gros trous apparurent sur son corps. Mais avant que la vie ne put le quitter, Fino le rappela dans la lampe magique.

Je fonçai sur le Major, présentant à merveille un coup latéral avec mon panneau. Il s'apprêta à la parer, mais je plantai mon arme dans le sol au dernier moment, arrêtant net mon attaque à un mètre de lui. Et profitant de mon élan et de sa défense surprise, je sautai en me tenant au panneau et lui envoyai un coup de pied en plein dans la nuque. Je réussis à lui faire pencher son cou. Dans le même mouvement, je récupérai mon panneau que je n'avais finalement pas lâché, et lui administrai un coup dans la tête dans une rotation rapide. Ce fut la tête du Major qui partit sur le côté. Certes, son corps avait parfaitement encaissé, mais c'était signe que des frappes très puissantes pouvaient déjà l'atteindre. Il retourna sa tête, mais pas une goutte de sang ne pointait, ni de marque quelconque. Bordel, c'était un putain de monstre. J'entendis un cri de Fino. Je me plongeai à terre, tandis qu'un câble de Yuri fila droit vers le Major, me loupant de peu. Mais au lieu de traverser le corps du militaire, il le percuta dans un choc terrible. McKanth fut soulevé de terre de trois bons centimètres et repoussé de cinq mètres. Il ré-atterrit sur la pelouse du jardin en conservant son équilibre. Il retira le câble (qui s'était enfoncé dans sa peau de métal d'une moitié de centimètre), et tira avec ses mains sur le fil pour amener Yuri vers lui. Mais le Russe avait deviné ses intentions. Vu que le Major était occupé des deux mains à vouloir le treuiller, il lui lança trois autres câbles fins sortant de ses doigts. John McKanth voulut esquiver l'offense, mais je le fis tomber en effectuant un magnifique croche-pattes avec mon panneau. Dès qu'il fut à terre, je lui administrai un magnifique et très puissant swing de ma panneau de signalisation. Le choc fut très douloureux à entendre.

Je quittai le corps, un soupçon d'angoisse et de gaieté. On avait réussi à le neutraliser jusque-là, un superbe exploit. Et mon dernier coup semblait l'avoir sonné. Mais en un instant, le Major me tira trois balles de pistolet que je réussis à esquiver grâce à son angle peu évident, et à se relever. Il se fit craquer la mâchoire, avant d'émettre un soupir satisfait. Oh merde... il était totalement invincible. Une lame sortit de sa manche, et fondit sur moi. Je me défendis avec mon panneau de signalisation... qui se coupa en deux sous le choc. Pardon ? Mon cerveau analysa cette scène. Même Héléna avait dû s'y mettre à une cinquantaine de coups pour transformer mon arme en cure-dents trop mâchouillé. Et lui, il me découpait un panneau en un mouvement de poignet. Je ne pus même pas bouger les chevilles, le Major me fila un coup de poing dans le ventre avec une puissance gargantuesque. Mon corps s'envola à une vingtaine de mètres, et s'écrasa contre le mur de la Maison Blanche. Du sang jaillit de ma bouche, pressé par la douleur. Je m'effondrai sur le sol, laissant une traînée d'hémoglobine sur le bâtiment à cause d'une blessure à la tête. Finalement, on n'avait aucune chance. Je le voyais en train de faire une prise de close-combat à Yuri, qui fut directement invoqué dans sa lampe magique par le phoque. Tandis que mon regard se porta sur un ciel noir teinté de carmin et de fumée, je me rendis soudainement compte que le Major n'avait aucun point faible identifiable : son pouvoir lui permettait d'armer une croisade entière, il était tout simplement imbattable au corps-à-corps à cause de la puissance de ses coups et de sa maîtrise des arts martiaux militaires, il avait de l'expérience dans le combat, et sa défense était invulnérable. Autant s'attaquer à un mur en acier avec une petite cuillère en plastique. Yuri n'avait plus qu'une vie, avant que l'influence de la lampe magique ne le quitte. En gros, il avait encore une vie à passer sous le commandement de Fino avant de pouvoir se libérer de son emprise. Moi, je sentais de terribles dégâts dans mon corps. J'avais vu des émissions où l'on annonçait que les armes les plus efficaces du Moyen-Âge étaient d'énormes marteaux. On ne voyait rien sur la peau de la victime, pas de dégâts visibles. Par contre, dès qu'on ouvrait son corps, tous ses intestins étaient explosés. Alors... Combien d'organes avais-je perdu sous cet unique coup ?

Le Major s'était tourné vers moi, et marcha vers mon corps avec une dureté à faire plier un géant. Une marche inéluctable. J'avais encore deux portails à ma disposition, il ne valait mieux pas les gâcher. Les restes de mon panneau de signalisation gisaient quelque part dans le jardin. Là, j'étais totalement perdu. Je calculais les vies qui restaient à Yuri, et en vins à la tragique conclusion : si Fino demandait à Yuri, en dernier vœu, d'aller tuer le Major... alors non seulement il ne pourrait plus rappeler Yuri, mais en plus, ce dernier ne s'arrêterait plus jusqu'à ce que sa tâche soit achevée, où qu'il soit mort. Et trop tard, j'entendis des petits fils siffler dans le lointain. Fino avait poussé Yuri à se battre jusqu'au bout, sans possibilité de pouvoir le rappeler en cas de besoin. Puis un fil mince comme un cheveu s'enroula autour du bras du Major. Un second lui retint l'épaule, un plus gros lui ceintura la taille, et un dernier lui prit une de ses jambes. Mais le pauvre Voyageur ne pouvait pas lutter contre un corps aussi massif que celui du Major. Ce dernier réussit à avancer d'un énorme pas, déstabilisant le Russe. Puis il tira d'un coup sec pour lui faire perdre l'équilibre. Yuri tomba, et tous les fils relâchèrent leur traction. Le militaire se dégagea, et revint sur moi, aucune lueur ne trahissant une intelligence dans ses yeux. J'étais là, donc il devait tuer. Puis j'entendis un bruit secouer la terre. Le Major redressa l'oreille. Voyons voir, où avais-je déjà entendu ce subtil mélange de métal bien huilé et de flexibilité technologique ?

En moins d'une seconde, le Docteur Octopus jaillit du toit de la Maison Blanche, et se jeta sur le Major. Celui-ci voulut lui tirer dessus avec un fusil à pompe, mais une de ses tentacules fit pivoter l'arme, et une autre le fouetta au niveau des côtes. Le Major réussit à rester debout, et à esquiver la prochaine attaque. Il tira cinq fois en direction du Docteur, mais chacune de ses balles fut arrêtée par une pince de métal. Deux de ses dernières vinrent le frapper au torse dans un grincement de puissance avec succès. Une troisième se jeta vers sa tête. Mais le Major avait très vite reprit ses esprits. Une esquive, sa main se perdit dans l'air, et le bout de la pince du Docteur Octopus s'envola dans les airs, sectionnée net. Le scientifique fou ne s'arrêta pas là, malgré la perte d'un de ses membres robotiques. Il continua l'assaut, faisant reculer son adversaire dans un spectacle fou de pinces meurtrières. De ma position, et de mes yeux brouillés, je ne parvenais pas à voir l'écrasante supériorité du Major. Car celui-ci était parvenu à esquiver toutes les attaques de son adversaire. Et il n'était toujours pas blessé. Il restait en défense, mais il se jouait de l'offense. Il dansait presque comme il en avait envie. Dès qu'il aperçut une faille dans la défense d'Octopus, il se saisit d'une de ces pinces, tira sur elle pour emporter le Docteur, et lui planta une lame qui lui traversa le corps entier dès qu'il fut à sa portée. Il y eut une gerbe de sang quand il lui retira l'épée du ventre. Puis il jeta le corps du Docteur avec une force effrayante. Celui-ci rebondit sur le mur, et faillit m'aplatir. Il était encore vivant. Mais plus pour longtemps. Mon cœur se mit à jouer une mélodie lancinante, un violon qui aurait pour archet une scie de menuisier. Lui aussi s'était jeté dans la bataille, en sachant parfaitement qu'on ne lui laisserait aucune chance. Depuis quand un méchant diabolique donnait sa vie pour la bonne chose ? Je le secouais un peu, tandis que le Major se mit à rouler des épaules en notre direction.


« Je vous remercie pour tout, Docteur. Je ne connais pas vos motivations, mais merci. Vous avez fait un geste héroïque. » Je crachai du sang sur la dernière syllabe. La gerbe me rappelait que je n'en avais plus pour longtemps. Octopus me répondit dans un petit rire :
« J'ai... j'ai toujours trouvé que les plans diaboliques qui fonctionnaient... étaient contre-nature. Les savants fous ne sont plus ce qu'ils étaient.
_ Tu sais... y a toujours des films où les héros doivent arrêter le plan alors qu'il est en action.
_ Jamais un savant fou n'a causé la mort d'autant personne par ses idées. Pas comme ça... C'est moche...
_ Merci pour tout, Doc.
_ Mais pas de quoi... Je t'en prie. Tout le plaisir fut pour moi... pour moi... »


Ses yeux se tournèrent dans leur orbite. Sa blessure avait été trop grave. Un mort de plus dans cette sanglante traversée. Le pire, c'était que je comprenais que le Major s'était fait embobiner du début à la fin. Mais je lui en voulais, parce qu'il était trop stupide pour avoir un bon fond. Et surtout, parce qu'il allait me tuer dans les secondes qui venaient. C'était un bon motif pour détester quelqu'un généralement. Je réussis à me relever, après ma petite sieste. Mes omoplates me faisaient mal, et mes cheveux étaient tâchés de sang. Mais il ne fallait pas oublier... Le but était de le le retarder, pas de l'abattre. Que foutait Perry ? Je lui en collerais une bonne dès qu'il reviendrait. Un fusil sniper sortit du bras de mon ennemi. Il me visa la tête. En une seconde, je créai une porte qui lui renvoya sa balle dans le front. Mais il esquiva sans difficulté en tordant sa nuque. Il avait totalement anticipé mes actions. Il me connaissait par cœur maintenant. Facile aussi, quand on parvenait à déceler mes portails. Je fonçai sur lui, pour une raison qui m'échappait totalement, tout en conservant ma paire de portes dans les airs. Je visai ses parties avec le tranchant de ma main (frappe commune du Krav-Maga), mais il me l'intercepta d'un geste invisible. Il me fit tournoyer sur moi-même, et parvint à se mettre dans mon dos tout en me tordant le bras. Un réflexe heureux me sauva la vie : je réussis à déplacer les deux portails pour en mettre un contre mon bras, et le second sous terre. Ce qui en gros, bloquait mon bras menacé par le bras du Major, qui ne pouvait plus l'emporter plus loin à cause d'un cube de terre. Il changea de tactique en une seconde : un flingue sortit de sa main, et le militaire me visa la tête. Je fermai les yeux. Puis Yuri et sa dernière vie fonça sur le Major, et lui écrasa le derrière de la jambe avec un des bouts de mon panneau. Le Major plia son genou, et Yuri parvint à le rejeter en arrière. Dès que je fus libre, je pus me masser mon bras qui avait été failli être démis. Pendant ce temps, les deux adversaires roulèrent sur le sol. Et comme de bien entendu, ce fut le Major qui ressortit vainqueur de l'affrontement. Il donna un violent coup dans le nez de Yuri, le souleva d'une main, et lui envoya une autre attaque dans l'estomac. Le Russe valdingua à quelques mètres, et s'écrasa inconscient sur le sol. Bon Dieu ! Il ne l'avait pas tué tout de même ? Avais-je entendu une détonation, ou était-ce l'effet de mon imagination ? Je me sentirais salement coupable si Yuri (un type totalement innocent) mourrait par notre faute, après avoir été sous les ordres de débiles mentaux, contraint par la puissance de la lampe magique.

Le Major se tourna vers moi, et agita son bras. Deux couteaux de l'armée fondirent vers mon cou dans un sifflement ininterrompu. Je réussis à les esquiver en me jetant au sol. Il prépara son deuxième bras pour m'envoyer une autre salve. Si je faisais le décompte, il ne me restait plus qu'une paire de portails. C'était la merde totale. Puis une lueur d'espoir naquit dans mes yeux. Je vis Perry, Simba, Megamind et Aladdin revenir avec ce que je leur avais demandé. C'était parti pour le quitte ou double ! Le Plan B ! Vous pouvez me traiter de gros crétin, je comprendrais tout à fait. J'avais demandé à Perry de chercher les câbles « Maniacostatics », utilisés pour alimenter la tour radio. Ce type était en métal, avec un peu de chance, on pourrait le connecter directement. Quitte ou Double : Double étant que le Major explose sous la charge d'électricité injectée ; Quitte étant naturellement, soit que l'on ne réussisse tout simplement à rien, soit que l'on ait exactement l'effet inverse : qu'on lui recharge ses batteries. Mais bon, quitte à avoir un plan foireux... On ne savait même pas s'il avait usé de l'énergie en se battant contre nous de toutes façons. Certainement, mais était-ce une quantité suffisamment importante pour l'inquiéter ? Je ne croyais pas. En gros, on n'avait rien à perdre. J'activai pour la dernière fois de la soirée ma paire de portails. Qui permit de relier le dos du Major au câble branché sans plus attendre. Les deux couteaux partirent dans ma direction, mais le Major fut connecté.

Je hurlai. Un couteau venait de trancher ma main jusqu'à l'os. L'autre m'érafla la cuisse. Et le Major ? Et bien, il fut comme paralysé. Il se tenait tout droit, tout sec. Son menton sautait dans de petits tressaillements. Puis je sentis un grésillement dans l'air. Le Major se mit à claquer des dents. Oh non, ça serait trop beau si on le battait maintenant ! Et finalement, j'eus raison. Ce fut trop beau. Dans une main épileptique, le Voyageur de haut rang réussit à s'emparer du câble. Et il se l'enfonça dans la main. Et là, il poussa un soupir de soulagement ; la paume devait être l'endroit d'où il pouvait se brancher. J'annulai derechef mon portail, afin que le câble revienne dans sa position initiale ; c'est-à-dire, au fond du jardin. Quitte, finalement. Il ne manquait plus que la dernière idée qui m'était passée par la tête. Mais je n'avais plus la force de la réaliser. C'était trop tard maintenant. Jusqu'à ce que je vis Fino sortir des broussailles pour me faire à ce qui ressemblait à un pouce levé. Il avait une idée. Certainement pour retenir le Major. Il ne me ferait aucun signe sinon. Je connaissais Fino, et le remerciais d'avance. Je vis Perry qui s'était enfui avec le câble et les trois autres personnages de dessins animés. L'ornithorynque avait même pris avec lui le pauvre Yuri en le mettant sur le dos de Simba. S'il n'était pas parti en fumée, c'était peut-être la preuve qu'il n'était pas encore mort. Bon, tout le monde jouait son rôle. Il ne manquait plus que moi. Je lançai au Major :


« Eyh ! Pourquoi tu veux passer ?! Hein ?
_ Tous les cocos se cachent là ! Je franchis le bâtiment, et j'élimine la menace communiste de notre planète !
_ AHAHAHAHAHAHAHAHAHA !!! »
Je lâchai un rire dramatiquement bien joué. Puis, je sortis la médaille culinaire qu'avait gagné Doofenshmirtz, et l'accrochai à ma veste. Puis, je me mis à parler d'une voix puissante : « C'est moi qui ai lancé ce message ! Comme tu peux le voir, je suis décoré de cette médaille, « Le Faucille et le Marteau ». Je suis le chef des communistes. C'est fini pour toi, McKanth ! J'ai déjà gagné ! La gangrène rouge vaincra ! Le peuple victorieux se dressera sur les décombres de l'Etat. Et toi, tu seras... nationalisé !
_ Je suis dans l'armée, je suis déjà nationalisé ! Tes menaces sont vaines !
_ Tu le seras encore plus !
_ Non !!! Espèce de monstre !
_ Arrête-moi si tu peux ! »


Puis je partis en courant. C'était tout. Mon plan C consistait à éloigner le Major de la Maison Blanche en me faisant passer pour une cible encore plus alléchante. Le Major commença à courir dans ma direction. Le piège avait fonctionné. Je sentis trois balles sifflées à mes oreilles. Et je partis dans la rue adjacente, sprintant comme je n'avais jamais sprinté de toute ma vie. Normalement, j'avais neuf chances sur dix de mourir dans les premières secondes. Sauf si une inconnue ressemblant à s'y méprendre à un bébé phoque ne vienne dévorer les statistiques. Car en effet, Fino s'était approché du Major, et soufflait comme s'il avait parcouru un millier de kilomètres en une journée. Le Major le vit, mais ne fit rien. Et Fino hurla :

« MAAAAAJOOOR MCKANTH !!! AU RAPPORT !!!
_ Qui es-tu, salopard d'espèce protégée ?
_ QUI ÊTES-VOUS, ON DIT !!! Vous vous adressez au général Patton !
_ Tu mens ! Il est mort !
_ Sur le Monde Réel, oui ! Mais pas sur Dreamland où je me suis réincarné en phoque !
_ Prouve-le !
_ J'emmerde Hitler ! Fils de pute communiste !
_ Général ! C'est bien vous !
_ Enfin ! Oui, c'est ce que je me tue à te dire, imbécile ! Qu'est-ce que vous branlez depuis des heures ?! Vous tournez un film de Michael Bay ?!
_ Général ! J'ai intercepté un message des communistes me disant qu'ils se réunissaient tous à cet endroit. Je suis venu appliquer la justice.
_ JUSTICE DE MES COUILLES !!! A cause de votre justice, on va être attaqué par tous les autres pays tapettes du monde ! On n'est pas assez démocratique, et toutes ces conneries de mes deux !
_ Je pense que la situation est grave ! Regardez cette maison. C'est la réplique parfaite de la Maison Blanche, celle où habite le... le type haut en politique de notre pays. Je crains que les communistes ne veuillent embarquer la Maison Blanche une nuit pour la remplacer par celle-ci remplie de communistes.
_ Bordel de merde, Major !!! Vous ne vous êtes pas dit un seul instant que ce message aurait pu être un faux juste pour vous faire tuer des milliers d'innocents américains ??!!
_ Euh...non.
_ Vous êtes la honte de l'armée !!! Vous n'êtes qu'un ramassis de fiente ! Vous méritez de vivre dans un igloo pour le restant de vos jours ! Vous méritez qu'on vous teigne les cheveux en roux ! Vous méritez d'être né en France !!! Je préférais avoir un bataillon de communistes devant moi plutôt que vous derrière moi ! Incapable !!!
_ Sauf votre respect Général... ce type a clairement dit qu'il avait tout fomenté. Puis-je allé le descendre démocratiquement ?
_ NOOON !!! Vous restez ici !!! Vous avez déjà assez fait de dégâts comme ça !!! »


Le Major acquiesça de la tête. Mais il décida de partir quand même à la recherche du général coco, en se retournant et fonçant vers l'ancienne trajectoire connue de son ennemi juré. Fino hurla que c'était un petit con, mais la machine ne semblait pas vouloir l'entendre. Fino soupira qu'il avait déjà bien joué son rôle. C'était à Ed de s'en occuper maintenant. Quand il repartit chercher sa lampe magique, il constata que le corps de Al Super Gay n'était plus là. Fino injuria le ciel une second fois. Où était passée cette salope de tantouze ? Les ennuis s'enchaînaient... Voyons voir, il avait un truc en tête, qu'il devait faire absolument. Ah oui ! Enterrer la lampe dans le sol ! En gros, enterrer les preuves. Il n'y avait jamais eu de lampes de toutes façons. Fino était un innocent, du début à la fin.




Pendant ce temps, je fonçais dans les rues au hasard, essayant de mettre le plus de distance entre moi et le Major. Je zigzaguais sans savoir où j'allais, souhaitant rendre la tâche difficile à mon ennemi. Il était impossible à vaincre... Il ne me restait plus qu'à l'éloigner des pauvres gens. Le pire dans tout ça, c'était que je ne disposais plus d'aucune ressource. Mon panneau avait été coupé en deux. Je ne pouvais plus utiliser mon pouvoir. Et de plus, je n'avais plus de souffle. Je ne savais pas encore ce qui me poussait à courir alors que mes jambes hurlaient à la mort. Une saignait abondamment, l'autre avait une cheville qui se remplissait de douleur dès que je m'appuyais dessus. J'avais entendu des reportages comme quoi on pouvait mourir à faire trop d'efforts. Une crise cardiaque, et tout était terminé. Et si ça ne me tuait pas, ça m'empêcherait de bouger. Et ça serait au Major que je devrais rendre des comptes. Je ne comptais pas non plus ma tête qui bourdonnait à chaque pas à cause de ma projection contre le mur, de mes oreilles qui ne supportaient plus le bruit des explosions trop proches, de ma main éraflée, et de l'autre dont le poignet était foulé, et le bras, presque arraché. Je soulevai ma veste en pleine course : je pouvais voir que ma peau était rouge autour de mon nombril. Une hémorragie interne. La totale, quoi. Du sang s'échappa de mes lèvres, pour souligner mes propos. J'étais vraiment dans la merde. Et au loin, j'entendis les bruits de pas du Major se rapprocher en hurlant que les communistes devaient tous mourir sur un bûcher. J'étais prêt à échanger ma place avec n'importe qui maintenant.

Des bruits de pas plus soudains me firent lever la tête : McKanth s'était envolé pour courir sur les toits, et me cherchait. Il me surprit du regard, et enclencha son pouvoir. Je vis son bras se transformer en arme quelconque. Je constatais aussi qu'il se déplaçait plus rapidement que moi. Je filai dans une ruelle à gauche, tandis que des tirs de mitrailleuse claquèrent sous mes semelles, faisant s'envoler le béton. Je l'entendis sauter de bâtiment en bâtiment pour me rattraper. A chaque fois que je sentais sa présence, je profitais des ruelles que la géographie de la ville me présentait pour me protéger de ses tirs incessants. J'entendais à chaque virage une détonation exploser les murs, y laissant une empreinte indélébile sur le mur. Bon sang, que des rues étroites ! Je devais être dans une partie du Bal mitoyenne aux quartiers des malfrats. C'était bon pour moi. Je repris ma respiration, mais l'adrénaline du danger réussissait à me faire bouger suffisamment vite. J'entendis une sorte de caillou soudainement débouché d'un tube. Une seconde plus tard, une grenade me fit m'envoler à deux mètres. Je réussis à me relever en titubant, m'engouffrai dans une autre rue adjacente pour entendre des balles fusées dans ma direction et détruire avec acharnement le mur. J'avisai une porte. Je fis sauter le verrou d'un coup de talon. Personne dans l'appartement. Le Major, dans son acharnement, allait me poursuivre en me cherchant en bas. Il ne me verrait pas arriver vers le haut. Je pris les escaliers que je voyais, grimpai les marches trois par trois, et me retrouvai dans un grenier. J'ouvris la lucarne doucement, essayant de percevoir la présence du Major grâce à son aura spirituelle gigantesque. Puis il passa dans mon champ de vision. Il était sur les toits voisins. Ne me trouvant plus, il décida de se remettre sur le plancher des vaches. J'en profitais pour ouvrir le fenêtre, et escalader le dernier mètre de tuiles pour me retrouver sur les toits des immeubles, plutôt plat. Maintenant, je pouvais m'échapper tranquillement tant qu'il n'avait pas l'idée de lever son nez. Je l'entendis crier :


« Où te caches-tu, sale coco ??!! Vos idées impies vont faire s'écrouler le monde ! Le communisme n'est qu'une utopie, un rêve que vous ne parvenez même pas à toucher de toutes façons ! Vous vous condamnez !!! Si c'est la guerre que vous voulez, je vais vous la faire avaler !!! »

De la provocation. Il n'y avait que sur lui que ça devait marcher. Je ne répondis pas. Puis j'entendis un bruit métallique. En une seconde, cinq drones se levèrent dans le ciel, à ma recherche. Ils ne mirent pas plus de dix secondes pour me retrouver. Je quittai mon toit pour en rejoindre un autre dans un saut. Un bruit de machine-gun se fit entendre, volatilisant les gouttières que je venais de quitter, et pulvérisant les tuiles. Les cinq drones me suivirent dans des vrombissements discrets, pour m'indiquer qu'ils ne me lâcheraient plus jamais. Je fis un autre saut, défiant la gravité, pour me retrouver sur un autre toit. Quand je tournai ma tête, je pouvais voir que le Major avait rejoint le haut des bâtiments en une seconde, et qu'il était à deux maisons de distance. Et je pouvais aussi voir que les petits avions noirs avaient chacun deux missiles. J'entendis des flammes naître, puis des ogives tournèrent dans le ciel pour s'écraser dans ma direction. Je fis un énorme virage à quatre-vingt dix degrés exactement, afin d'éviter une ogive explosive qui réduisit le toit en cendres dans une gerbe de flammes. D'autres missiles partirent des drones. Je me mis à courir sur le rebord du toit espérant qu'un autre bâtiment viendrait à mon secours. Un proche.

Effectivement, je ne pouvais pas sauter comme je le pouvais. J'étais fatigué, et risquer ma vie tous les vingt mètres n'étaient pas la meilleure solution pour échapper au Major. J'avisai un autre toit, plus bas, et effectuai un gigantesque saut alors qu'une onde de choc enflammée me chatouilla le dos. Le monde bascula dans un ralenti terrifiant. Je compris peu à peu que je n'arriverais pas à rejoindre le toit voisin. Je soulevai mes bras par réflexe. Et dans un énorme soupir de soulagement, je réussis à m'accrocher du bout des ongles à mon bâtiment. Je tournais la tête. Pile à temps pour apercevoir une imposante forme sombre masquer la lumière de la Lune. Je me laissai glisser le long du mur pour éviter de ne me faire écraser par le Major. Il avait aussi sauté, et tira trois coups de revolver direct dans ma direction. Chacune des balles me frôla les cheveux lors de ma chute. J'atterris sur un paravent et McKanth s'agrippa au rebord que je venais de quitter. Il tira trois autres coups. Je fis une roulade pour sortir du paravent, et me retrouvai à nouveau sur la terre ferme. Je repris ma course, essoufflé comme jamais. Je courais la bouche ouverte, essayant d'avaler le plus d'air possible, essayant de refroidir mes muscles si chauds que le sang devait bouillir. Pour être certain que le Major continuera de me suivre, je lui lançai mes piques :


« C'est terminé, Major ! La pègre communiste va se répandre ! Vous ne parviendrez jamais à me rattraper, chien de capitaliste !
_ C'est ce qu'on va voir, ordure communiste ! »


Dix missiles jaillirent de son bras, tandis qu'il se laissa glisser sur la terre ferme à son tour. Les avenues étaient plus grandes : je revenais dans les quartiers du Bal. Il n'y avait personne. Juste moi et l'autre, qui se poursuivions dans des rues silencieuses, vides de monde. Et de plus en plus dévastées... Je plongeai sur le sol tandis qu'un petit missile vert passa par-dessus ma tête pour aller exploser dans un mur. Je me relevai rapidement, et repris mon petit bout de chemin le plus rapidement possible. Les ogives traçaient dans l'air des sillons aléatoires. Par contre, elles arrivaient à éviter les murs, afin de mieux fondre dans ma direction. Trois explosèrent assez loin de moi pour ne pas trop entraver ma course. Par contre, un missile me souffla comme un fétu. Je m'écrasai contre un mur bleu pâle d'un bâtiment. Pris d'une pulsion de survie, je détruisis les carreaux d'une fenêtre proche, et m'y engouffrai avec la souplesse d'un rhinocéros à trois pattes. Mais ce fut suffisant pour échapper à deux missiles qui s'écrasèrent au loin. Les trois missiles restants s'acharnèrent sur le mur. Je fus propulsé contre une armoire par l'onde de choc généré tandis que le mur fut réduit en tas de briques brûlées Je me remis debout, couvert de sang, et pris un couloir à ma gauche. Une large fente dans le mur s'était créée sous l'assaut des ogives explosives, et le Major était en train de s'avancer dedans. Je vis un tube se former dans chaque paume de sa main. Puis la seconde d'après, j'entendis le vent flamber. Des lance-flammes ! Les jets de feu se grouillèrent dans ma direction, arrachant le papier-peint et détruisant chaque meuble en bois de la maison. Je me mis à courir plus vite, les flammes léchant les semelles de mes chaussures ainsi que mon dos. Le Major courait derrière moi pour être certain que je grillerais convenablement. En panique, je pris un escalier en face de moi que les flammes dévorèrent en quelques secondes. J'entendais le bois craquer sous les assauts d'un feu impitoyable, puis céder sous le poids lourd du Major. Les marches explosèrent, et il retomba au rez-de-chaussée. Yes, un petit sursis ! Je sortis dehors, dans une véranda longue d'une bonne cinquantaine de mètres. Il y avait un petit toit censé protéger du soleil, mais qui ne parvenait qu'à rendre l'endroit plus sombre. Je repris ma course démente vers la survie. Derrière moi, le Major était apparu dans l'encadrement de la porte, et il constata qu'il avait perdu trop de temps pour espérer me rattraper dans une ligne aussi droite. J'entendis encore un bruit de fusée. Un coup d'œil derrière moi m'apprit que le militaire avait repris ses réacteurs au niveau de pieds, se stabilisa, puis fonça vers moi dans une bruit antédiluvien. Et il hurla.

Il me percuta comme un camion, me détruisant quelques os ci-et là avant de me retenir, et de me faire foncer avec lui dans la véranda. Il bougea un peu un de ses pieds pour effectuer un virage et éviter le mur de la maison voisine. Il commença un show aérien où il me balança contre un mur tout en me retenant. Ma tête cessa d'exister pendant trois secondes. Tout en fonçant à cent à l'heure et faisant des tonneaux pour me déstabiliser totalement (à moins qu'il ne le fasse pas exprès), il m'envoya contre un autre mur. Mon corps entier n'était plus que douleur et fatigue insupportables. Mon estomac dégobilla quelque part. Toujours en vol avec le Major, mon bras se mit devant ses yeux pour lui obstruer la vue. Le Major se remit à hurler qu'il ne voyait plus rien et qu'il était devenu aveugle. Je rétractai ma nuque au dernier moment. Le dernier moment étant celui où l'on percuta un mur pour rentrer dans la propriété, projetant des débris à l'intérieur de la pièce. On finit par s'écraser sur le mur en face. Heureusement pour moi, c'était le poids du Major ainsi que sa vitesse qui avaient détruit la maison. Je n'avais que reçu les chocs de la rencontre entre la chair et le béton. Je me remis debout plus rapidement que lui, et repartis dans la rue. Je ne réfléchissais plus. C'était terminé. Mon corps avait eu vaguement conscience qu'il avait couru avant, donc il reproduisait les mêmes gestes. Mon estomac rendit encore un peu de sucs sous l'épuisement, et des larmes s'échappaient de mes yeux. Je n'en pouvais plus. J'allais faire une crise cardiaque. Ça serait vraiment con de mourir comme ça après avoir échappé à un des dix êtres les plus dangereux de Dreamland.

Et j'entendis un bruit rotatif. Le sulfateuse qui se préparait à cracher une centaine de balles à la minute. Je plongeais derrière une voiture de personnages de dessins animés, tandis que l'arme commença à hurler un boucan d'enfer. Des étincelles apparaissaient à chaque tir, et formaient des impacts gros comme un freesby sur les murs et le sol. C'était un bruit ininterrompu qui vous démolissait les tympans, qui détruisait le monde autour de vous pour le transformer en confettis. Une voiture de l'autre côté de la rue se retourna sous les impacts de balle, un mur se fissura après s'être fait criblé de cartouches. Et le pire, c'était qu'il avançait tout de même. En moins de cinq secondes, il réussit à diriger les quatre canons derrière ma planque. La voiture fut vaporisée mais elle n'explosa pas (une voiture ne pouvait pas exploser, avis aux films américains). Et avant que cette purée de ferrailles arrêta de me protéger, IL vint me sauver. Perry surgit de derrière le Major, et posa une bombe IEM (la célèbre pile carrée) sur la cheville du Major. Le temps qu'il se retourna, et Perry l'avait activé. Bordel de merde ! La pile carrée, j'avais totalement oublié ! Une bombe IEM contre le Major, et c'en était terminé de lui ! Pourquoi je m'étais fait chier à me suicider à petit feu pour appâter la Major, alors qu'il suffisait de lui coller une pile pour l'arrêter ? La réponse était simple : parce que de toutes façons, la pile ne fonctionna pas. Le Major envoya un coup de pied à l'ornithorynque qui le propulsa dans la fenêtre la plus proche. Puis McKanth arracha la pile de sa jambe, et la détruisit entre ses doigts. Puis il rigola un bon coup. En attendant, je m'étais enfui de ma cachette et fonçai vers une autre rue, le tout en zigzag pour éviter les tirs. Je pouvais voir des cadavres de personnages de dessins animés au loin, le corps encore fumant par la rage du Major. Ce dernier ricana :


« Pas plus qu'une grenade peut faire sauter mon cœur, une bombe IEM ne peut pas vaincre ma peau de titane ! » Il sortit un fusil et tira dans ma direction. La balle me frôla les côtes. « Ah non, je voulais dire l'inverse en fait. »

Une autre balle tonna dans la rue vide. Elle m'arracha l'épaule et continua sa route au loin. Je faillis basculer en avant sous la puissance du tir. Je fonçai vers une large rue perpendiculaire, et repartis dans une rue un peu plus fine, tentant d'empêcher le basculement du sang avec ma main. C'était tout simple, mais peut-être que je venais de le semer juste en changeant de rues plusieurs fois, non ? Sauf s'il voyait à travers les murs, ou qu'il pouvait changer ses yeux. Sans oublier ses drones, pendant qu'on y était. Bon, bref, continuer à courir, jusqu'à ce que je ne puisse plus bouger. Il me semblait que j'avais arrêté d'espérer... Que puisque je ne m'accrochais plus à la vie, je n'avais qu'une seule envie : celle de mourir. Et pour bien enfoncer mes espoirs, je vis Al Super Gay au bout de la rue que je venais d'emprunter, cherchant le Major. Il avait un flingue à la main. Une seule balle et il me tuait. J'entendais les pas du Major se rapprocher à une trentaine de mètres. Aïe, coincé entre les deux. Il ne me restait plus qu'une chose à faire.

Quand je fus prêt pour la dernière scène du dernier acte, après trente secondes, je fonçai. Je pouvais espérer que Al ne m'arrête pas, car celui-ci ne regardait pas en ma direction. Avec un peu de chance, il ne se rendra pas compte de ma présence. Ah si. Trop tard. Les bruits du Major l'avaient fait se retourner, et il m'avait vu. Il me pointa de son canon, et le Major arriva enfin dans la rue. Il vit le spectacle, et se dépêcha de nous rejoindre pour l'admirer. Al m'envoya un coup de moucheron dans l'estomac qui était censé faire mal à un être vivant. Quand le Major arriva, celui-ci m'envoya une simple pichenette qui me plia en deux. Un balayage des jambes plus tard, et j'étais au sol adossé contre le mur, sur le sol. Dans un état pitoyable. Deux flingues braqués sur moi. Al avait du mal à contenir sa joie.


« C'est fini, mon chou. Échec et mat.
_ Je crois pareil, ma tarlouze préférée. Et tiens. Voilà ton traducteur, au fait.
_ Oh, tu es gentil. Des semaines de travail, ça ne se perd pas. »
Je déboutonnai la médaille, et la refilai à Al qui l'attrapa. Comme de bien entendu, le Major était trop con pour comprendre que je venais de refiler ma médaille de communiste en chef à l'ennemi en le faisant passer pour un traducteur. Lui, il venait juste de terminer son petit exercice, et voulait me remercier de tout ce que j'avais pour lui. Par contre, le Major fit très attention à une voix en russe à-côté de lui qui fit :
« Ahah ! Le Major est un abruti. Il n'a jamais compris que c'était moi le communiste en chef, et que ce garçon est un innocent patriote américain. » Un grand silence s'en suivit. Moi parce que mon plan venait de réussir, le Major parce que son nouvel ennemi venait de lui être désigné, et Al car il savait qu'il vivait ses derniers instants. Pris de panique, il tira deux coups sur moi. Mais le Major plaça sa main devant le canon, et les cartouches s'écrasèrent sur sa paume. Puis le militaire lui décocha un punch terrible, qui réduisit son visage en gelée de groseille. Il lui cria :
« Alors, on pensait que le Major était un arbuti... un arbru...un abru... un con ? C'est fini pour toi, sale coco !
_ Major !!! »


Une petite dizaine de silhouettes différentes s'approchèrent soudainement. Je vis Ophélia, le bras en sang, Monogram, Fino, les deux agents J et K, plus trois autres personnes que je ne connaissais pas. Ils portaient des habits militaires. A leur médaille, je pouvais voir que l'un était lieutenant, l'autre sergent, et le dernier adjudant. C'était tout un bataillon ou quoi ? Le premier était une femme avec une taille de guêpe et l'œil intelligent ; le second était le stéréotype parfait du militaire parfait tant et si bien que je pouvais le lire sur son front (par contre, il avait à sa ceinture un sac de pommes de terre et un cutter) ; le troisième tremblait de partout, et tentait de suivre un grain de poussière des yeux. En tout cas, je pouvais considérer cela comme la cavalerie une minute en retard. Mais les voir me faisait du bien. Parce que tout était terminé maintenant. Ouais, je crois bien que c'était fini. Mes yeux se fermaient à moitié. Mon corps entier avait envie de s'abandonner à l'abandon, et mon esprit n'en avait plus qu'assez. Je ressentais toujours la douleur, mais derrière un rideau de brumes, opaque et cotonneux. J'étais heureux de ma stratégie. Dès que j'avais vu Al au loin, j'avais enregistré un message dans la médaille en attendant cinq secondes de silence, puis en disant ma phrase. Puis une question magique me trotta dans ma tête pour savoir dans quel langage je voulais que mon message soit traduit. Je décidai le russe. Quand je m'étais fait capturer par Al, puis par le Major, j'avais enclenché mon message. Et pendant les cinq secondes de blanc, j'eus largement le temps de le refiler à Al. Puis enfin, ma phrase était partie tout seule alors que mon ennemi l'avait en main. Simple comme bonjour. L'arroseur arrosé, un grand moment d'ironie. Tout était terminé, n'est-ce pas ? Je me relevais un petit peu. Al gémissait dans un coin, tout le monde parlait à voix basse, jusqu'à ce que le Major hurla :

« Général Patton ! Samy ! CORVEE DE PATATES !!! Adjudant !
_ Major, pourquoi êtes-vous partis si vite ? Vous avez fait pleurer le Général Pan... le Général »
, répondit le lieutenant, étonné que le Major ait appelé un phoque 'Général Patton'. Elle songea que le pauvre avait dû en voir de belles.
_ Des cocos à abattre.
_ Ce n'étaient pas des communistes, Major, on vous a trompés.
_ Bah pourquoi ils courraient partout quand je suis venu s'ils avaient rien à se reprocher ? Ils m'ont pas aidés.
_ Ils tirent sur tout ce qu'ils bougent en bref »
, reprit Fino. « Vous êtes le plus gros imbécile qu'il ne m'ait jamais été donné de voir ! Si je rentrais dans une voiture, vous penseriez que je suis passé dans le camp des rouges parce que le cuir est de mauvaise qualité ?! Il faut toujours se méfier des gens qui portent un foulard, Major !
_ Tu vas bien, Ed ? »
, s'enquerra Ophélia en m'aidant à me relever.
« Pas vraiment, je crois que j'ai un aphte. Et toi, c'est bien allé ?
_ On s'est fait poursuivre par des drones. Il y a eu quelques blessés, dont moi, mais les trois compagnons du Major sont arrivés, et l'adjudant a arrêté tous les drones. Puis on a suivi le signal radar des différentes montres. J'ai retrouvé Monogram ainsi que les agents. Puis enfin, toi. Tout est...
_ Tout est sous contrôle. Tout est terminé. Suis ravi que...
_ NAAAN !!! C'est pas terminé !!! Crève, Ed ! »


Encore ? Décidément, j'allais m'habituer à ce que monde entier veuille ma tête au bout d'une pique. Al Super Gay avait pris son flingue. Non mais je rêvais ?! Le Major ne lui avait pas brisé son arme, ou quelque chose dans le genre ? Il était peut-être invulnérable, mais pas moi. Et il tira trois fois. Heureusement pour moi, il n'avait qu'une seule balle dans son chargeur. Oui, tout était relatif. Mes yeux se fermèrent pour éviter de voir ce massacre. J'entendis la balle déchirer la chair et éjecter du sang. Mais je n'entendis pas la douleur. Quand j'ouvris les yeux, je vis Ophélia qui me couvrait de son ombre. Tout le monde était figé. Une seconde de silence. Le Major assomma Al. Une autre seconde de silence. Puis la Voyageuse bascula en arrière, dans le plus pur style dramatique (avec une légère touche de Zola). Je réussis à la rattraper, et ne dû la sauvegarde de mon équilibre que grâce au mur derrière moi. Je pus voir une tâche rouge gigantesque s'étendre le long de son corps et imbibée sa robe. J'étais totalement paniqué, et mon cerveau cala. Je compris qu'elle venait de se prendre une balle près du cœur. Touchée au sein gauche. Un filet de sang coula le long de sa bouche pour aller glisser le long de son cou magnifique. Elle respirait trop faiblement, et de façon anormale.. Je tremblais comme un fou. J'avais peur qu'elle soit morte sur le coup. Oh non ! Après tout ce qui venait de se passer, elle ne pouvait pas mourir comme ça ! Pas elle ! Surtout pas elle... Surtout pas comme ça... Je voulais pleurer de honte, mais je n'y arrivais pas. Ses joues se vidaient de son sang, devenant d'une pâleur effrayante. Pauvre conne ! Personne n'était médecin par ici ? Et personne n'avait pu tuer ce connard de mes deux ?! Tout le monde la regarda sans savoir quoi faire. Je chuchotai le nom d'Ophélia pendant trois secondes, avant que le Major ne prenne son corps. Il beugla :

« ADJUDANT !!! SAMY !!! Je vais avoir besoin de vous comme stabilisateurs !!! »

En un rien de temps, l'adjudant toucha la cuisse d'Ophélia de sa main. La jeune femme se raidit totalement ; certainement un pouvoir de paralysie. Puis le Major sortit une piqûre d'un doigt, en marmonnant qu'il espérait que c'était bien de la morphine et non de l'arsenic. Puis, il injecta dans le bras de la Voyageuse une dose suffisante, avant de transformer ses doigts en pince métallique. Il les enfonça dans la blessure sans ménagement, trifouillant pour passer dans la chair. Puis il retira la balle en quelques secondes de grognement. Le lieutenant sortit des compresses d'une sacoche, et commença à bander Ophélia si rapidement que je crus qu'elle s'était entraînée à ça toute sa vie. L'adjudant arrêta alors de toucher Ophélia. Celle-ci put reprendre sa respiration normalement. Elle se réveilla mais resta allongée, et gémit sous la douleur. Bon sang, qui étaient ces dingues pour retirer une balle si rapidement et si proche du cœur ? J'avais compris que l'adjudant pouvait paralyser les cibles qu'il touchait, ce qui était très pratique tout de même pour opérer. Il avait dû bloquer la circulation du sang. Si j'avais pu bouger, je me serais approché d'elle pour vérifier qu'elle allait bien. Pendant ce temps, le sergent du groupe était occupé à éplucher ses patates dans l'arrière-plan, à une vitesse impressionnante. La scène était trop bizarre. Je tentais néanmoins de m'approcher d'elle, mais le Lieutenant me barra le passage en disant que sa santé restait fragile. Un bulletin de santé, aussi rapidement ? Et moi ? On s'en foutait de mon état ? Je ne devais pas être assez blessé pour eux, malheureusement.

Je reposai ma tête en arrière, en émettant le soupir de soulagement le plus intense jamais sorti. Toute cette histoire était terminée maintenant. Plus de robots géants, plus d'homosexuel, plus d'ornithorynque, plus de bataille, plus de Russe, plus de Major, plus de phoque, plus de morts. Je voulais juste trouver la paix quelque part. Oublier que tout le monde avait risqué sa vie pour moi. Que Fino avait failli y passer ; qu'Ophélia devait sa vie à la personne qui avait tenté de me tuer un nombre incalculable de fois, et qu'elle aurait due sa mort à moi seul. J'étais las. J'avais envie de me réveiller, et de passer une journée tranquille, à ne rien faire du tout. A boire de la bière, aller au ciné. Trop dans les vapes pour savourer ma victoire. Trop de sentiments étaient passés. Je me souvins finalement du sort d'Octopus. De Yuri. Il allait bien, au moins ? Raah, trop de questions de merde. Je me lovais dans un demi-sommeil, où je ne happais les événements de la soirée qu'au compte-goutte. Ophélia était sous la garde du Sergent aux patates (qui à ce que j'avais compris, n'allait pas bouger de là). On avait demandé à tout le monde de sortir du Bunker pour continuer la fête, d'être au minimum présents. En considération pour l'inconscient des artistes de l'autre monde. Le festival ne battait peut-être pas son plein, mais il permit à la magie de se créer tout de même. Le Major fit un discours d'excuses (qui se résuma à « Je l'ai pas fait exprès, sans rancunes ? »). On ne lui en voulut pas trop (dans le sens où personne ne manifesta une protestation). Les différents savants fous impliqués furent capturés (ainsi que Fino et Cartman). La fête avait-elle été sauvée ? Dans l'esprit, oui. Ce qui était certain, c'était que le délire psychotique de Al Super Gay n'avait pas abouti. Le Major était arrivé, mais sa parade avait été intercepté. Puis, je terminais par me réveiller, une demi-heure plus tard. Mon chat me miaulait à la figure. Je restai dans mon lit quelques secondes, le temps d'assimiler ce qui venait de se passer, et pour me monter que j'avais un peu de respect pour toute cette connerie. J'avais qu'une seule chose à dire, pour la conclusion : fais chier.
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MessageSujet: Re: Eux, Moches et Méchants Eux, Moches et Méchants EmptyMar 31 Mai 2011 - 14:05
Épilogue



J'étais installé sur la chaise dans laquelle je m'étais réveillé la toute première nuit. Même si le terme « affalé » serait plus proche de la situation. Je pouvais enfin goûter à ma victoire pleinement méritée, mon moral reboosté. Je voyais Monogram sur son écran, avec un sourire fier, son sourcil dressé. En plus de moi et de l'apparition, il y avait Perry (un bras dans le plâtre) et Ophélia, totalement remise de ses blessures après une journée réparatrice.

« Ed, merci pour tout ! Pour la dix-septième fois, je crois.
_ Ce fut un plaisir. Enfin, pas vraiment, mais vous avez compris la formule.
_ Quand je pense qu'en appelant un Voyageur, on est tombé sur la seule personne qui aurait risqué sa peau des milliards de fois juste pour nous sauver. Tu as été fantastique, Ed.
_ Sans vous, je n'aurais rien fait. C'est Perry qu'il vous faut remercier. Il avait tout deviné, il a risqué sa vie. Moi, j'ai juste distribué et reçu des mandales, et en faisant appel à ma sœur quand j'avais besoin de neurones.
_ Et merci à vous Ophélia. Sans vous, nous serions tous morts à l'heure qu'il est.
_ Je suis ravie d'avoir pu vous aider au mieux. Vous saviez que si vous aviez appelés un autre Voyageur que Ed, vous n'auriez pas eu tous ces problèmes ? Il attire les ennuis à une vitesse pas possible.
_ Un fait scientifiquement pas prouvé.
_ Mais totalement observé. Je ne parle pas de l'assassin de la dernière fois. Et du Major la nuit dernière. Et de Fino que tu te trimballes partout où tu vas.
_ Je savais pas qu'il faisait partie de l'opération, »
grinçais-je des dents.

Puis, on nous remercia pour la énième fois. Tous les agents de la station (même le réceptionniste inintéressant) descendirent dans la cave super secrète pour nous applaudir. Monogram avait placé un chapeau de fête sur sa tête pour exprimer l'ambiance de la salle en une image, Perry me serra la main chaleureusement, les agents J et K me remercièrent d'avoir fait ils ne savaient plus trop quoi. En tout cas, je pouvais voir Plankton sur l'épaule de J, avec une couche. A ce que j'avais compris, ils l'avaient trouvé dans la rue et avaient décidé de l'adopter. Ils lui avaient même rajouté des lunettes de soleil. Je me demandais comment ils allaient l'appeler, vu que le patronyme d'Agent P était déjà utilisé. Puis on nous souhaita des adieux (Perry claqua des dents), avant de nous laisser vagabonder dans Hollywood Dream Boulevard pour le reste de la nuit. Ophélia et moi se promenâmes un petit bout de temps dans la ville intacte (le Bal s'était déroulé de l'autre côté). Elle m'invita à m'asseoir, de peur que je ne provoque une révolution quelque part, ou une connerie du genre. Je maugréai avant de commander la seule boisson qu'ils avaient en réserve pour deux personnes. Puis, je réussis enfin à susurrer du bout de mes lèvres honteuses :


« Et merci pour la nuit dernière. Pour avoir risqué ta vie pour moi. C'était très... sympa.
_ Je n'allais pas te laisser prendre une balle. Tu serais mort direct. Tu t'étais vu ? J'ai cru qu'ils t'avaient coincé contre le mur et qu'ils t'avaient tabassé à mort pendant une demi-heure.
_ Je ne comprends toujours pas le geste. C'était trop risqué. Comment voulais-tu que je continue à vivre ma vie de Voyageurs alors que tu étais morte par ma faute ?
_ Arrête de faire l'idiot ! Tu crois que j'ai eu le temps de réfléchir ? J'aurais été morte, et c'était à toi de te plaindre ? J'aimerais savoir pourquoi tu t'impliques autant des causes étrangères.
_ Fino m'a posé les mêmes questions.
_ Il a raison. Dès qu'il se passe un truc, tu fonces vers les premières lignes en hurlant. Tu n'es pas obligé d'être le héros de chaque histoire, Ed. Tu n'es pas obligé de mettre ta vie en jeu pour les autres.
_ J'ai réfléchi. Et je crois que c'est parce que je suis le seul qui peut le faire. Je sais, ça peut paraître un peu égocentrique. Mais je le fais parce que je ne compte pas sur les autres. Il y a trop de Voyageurs qui passeraient leur tour pour aller s'amuser. On ferait quoi, s'il n'y avait pas un débile comme moi pour aider les gens ?
_ Ed, tu n'es pas le seul. Et...
_ Et à ce que je sache, Superman va combattre les méchants. Spiderman aussi. Batman aussi. Si ils arrêtent de faire ce qu'ils font, qui les remplacera ? Je suis sur place, donc je me mets à fond.
_ Tu entraînes n'importe qui dans n'importe quoi. Maintenant, tu vas me faire la promesse solennelle, que tu arrêteras de te jeter à corps perdu dans toutes les affaires qui te passent sous le nez. Tu peux le faire ?
_ J'aurais le droit de m'impliquer...
_ Oui. Mais pas dans toutes. Vis un peu, Ed.
_ Alors, d'accord. Je te promets d'arrêter de m'impliquer dans des affaires qui ne me concernent pas, surtout quand tu es dans les parages. Ça te va ?
_ C'est parfait »
, conclut-elle avec un sourire charmant. « Maintenant, peut-être que je peux te dire que...
_ MUAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !!! »
Le rire d'un phoque au lointain fut entendu par toute la ville. Il fut suivi de trois sirènes de police en même temps. Ophélia leva ses yeux en l'air, et je me frappai le front avec la paume de ma main.
_ Je reviens tout de suite.
_ Je ne serai plus là. »
L'avenir lui donna raison. Et je fonçais dans la rue adjacente, en direction de Fino qui devait s'être évadé de prison, pourchassé par des policiers. Allais-je le sauver ou bien le foutre en taule moi-même ? Je verrais en fonction du moment. Mais ce qui était sûr, c'était que j'allais le tabasser.

__

« Vous ne pouvez pas me condamner à la peine capitale comme Al !!! Vous pouvez réapparaître dans les dix heures qui viennent, vous les personnages de dessins animés ! Pas moi !
_ Oui, mais nous perdons tous nos souvenirs, en gardant une base de caractère assez floue. Cela équivaut à la mort. Juste que quelqu'un comme nous nous remplacera.
_ Ouais mais non ! Vous pouvez mourir en sachant que votre mort n'entraînera pas de conséquences fâcheuses dans la ville, vu que vous serez remplacés. C'est moins pire que ma mort, qui laissera un vide dans l'univers cosmique. Et puis, je connais des gens très puissants. Les Private Jokes, vous connaissez ? Je suis leur chef. Maze, ce nom vous dit quelque chose ?
_ Vous avez raison, une mort pour vous serait trop importante, surtout que vous vous êtes rachetés à la fin. Et merci de ne pas menacer le jury.
_ Comment ça, rattrapés ? Espèce de petit conn... Mr le Juge. Eheh. J'ai été leur victime durant toute l'opération ! Je n'ai jamais été leur complice !
_ Tu mens, sale con !
_ Va te toucher le confetti, crevure de merde ! »


Fino ne digérait pas vraiment la trahison de Cartman, et comment il avait servi un plaidoyer larmoyant au juge pour expliquer qu'il avait été une victime. Et maintenant qu'il avait été disculpé, il faisait tout pour enfoncer Fino. Le phoque comprenait bien vite qu'il aurait du mal à faire valoir ses fausses positions devant l'assemblée entière et qu'éviter cent ans de prison serait une bonne affaire. Il préféra finalement s'en tenir à son plan B. Il activa la médaille culinaire qu'il avait dans la bouche. Le message qui passa en boucle ordonna aux machines dans l'assemblée (cinq parmi la centaine de présents) de foutre le boxon dans les rangs, puis à ses menottes magnétiques de s'ouvrir. Tandis que tout le monde tenta de calme l'aspirateur des Teletubbies et le robot des Simpsons, Fino se débarrassa de ses menottes et sauta sur l'épaule du policier le plus proche. Il commença à crier, les dents prêts à mordre la nuque du policier qui se raidit :
« Haut les mains, bande de connards ! Laissez-le passer, ou je le bute ! » On fit ce qu'il demanda. On lui ouvrit même les portes jusqu'à l'extérieur. A sa demande, on lui laissa une voiture de policier avec les clefs. Fino sauta sur le siège, alluma le moteur, et réussit à démarrer avant de crier à la fenêtre :
« Que cette journée reste à jamais gravée dans vos mémoires comme celle où vous avez failli capturer l'invulnérable Fino ! » Puis comme par magie, il réussit à activer les pédales de la voiture et à s'enfuit dans les rues. Il les insulta une dernière fois, avant qu'on envoya trois voitures de fonction le poursuivre.

__

Le phoque fut arrêté une seconde fois, et il réussit à faire croire aux policiers qu'il avait eu un complice : un certain garçon avec des lunettes de soleil et les cheveux blonds. On me mit les menottes et on m'emmena au tribunal. Le Juge voulut statuer sur mon sort juste avant que l'Agence vienne elle-même pour expliquer le malentendu, et valoriser le rôle de Fino dans l'opération de sauvetage. Et tandis que le Juge cherchait une sentence adéquate, Fino prit la parole :

« Si vous voulez, je peux travailler ici. A mi-temps avec mon rôle d'Intendant.
_ Pour faire quoi, Mr. Fino ?
_ Je pourrais vous ouvrir des emplois. J'ai réfléchi à un métier qui me permettra de faire éclater au grand jour mes talents, tout en étant reconnu, adulé, où je pourrais faire des trucs de merde ou insulter qui je veux et où tout le monde m'aimera encore plus.
_ Parlez-moi de vos projets, Mr. Fino. »


__

Il se trouva que de nombreux artistes furent influencés par la fête de cette année. Pour commencer, suite à la destruction totale d'une ville par un robot fanatique, un réalisateur de film eut l'idée de créer un film où l'avenir des gens seraient compromis par les machines, et que ces dernières envoyèrent une des leurs dans le passé pour assassiner la mère du chef de la rébellion d'en face (cette machine étant totalement indestructible). Un autre réalisateur, dont l'inconscient serait submergé par un certain Voyageur aux cheveux blonds, rajoutera dans son histoire un homme à peu près identique, sans oublier les lunettes de soleil, qui dézinguerait tout ce qui se passerait à coups de panneaux de signalisation. La scène où l'on arrêta les brigands homosexuels qui devaient composer la parade de Al provoqua aussi ses petites conséquences : une levée de boucliers contre le mariage gay, l'exact opposé de ce que je recherchais l'ancien Al. Par une malchance légendaire, tout le monde se souvint du Coon comme un espèce d'abruti incapable. Certains chasseurs tirèrent sur des raton-laveurs qui passaient sans d'autres explications qu'une envie pressante et soudaine. De nombreuses personnes se mirent à se prendre d'affection pour les savants fous, et quelques-uns ont écrit des livres expliquant leur psychologie en les déclinant selon les analyses de Freud. D'autre part, un artiste particulièrement allumé voulut rentrer dans le Bal. Mais il était arrivé trop tard, et des policiers lui demandèrent de rebrousser chemin pour ne pas qu'il se fasse dégommer par le Major. Le pauvre Renaud Lemère (c'était son nom) fut obligé de puiser son inspiration dans le monde gigantesque de Dreamland plutôt que dans le Bal. Les conséquences furent dramatiques, mais ceci est une autre histoire. L'esprit de Cartel ne fut pas vraiment modifié, sinon qu'elle évitait de regarder les dessins animés pour se concentrer sur des films. Elle faisait de drôles de rêve à cause des Disney, et elle faillit exploser le crâne de son pauvre chat quand celui-ci voulut lui quémander un peu de nourriture. Mais le plus inquiétant de ces changements fut sans nul doute celui de Yuri lui-même. Car Yuri était concepteur de jeu dans une petite boîte russe, assez connue pour sa dernière trouvaille : un FPS en plein Tchernobyl. Maintenant, ils allaient réaliser le même exploit avec une histoire différente. Yuri avait une assez bonne idée, qu'il réussit à imposer à son boss. On lui confia la direction de la réalisation de son jeu.

__

« Tu veux faire quoi ?
_ Ré-a-li-sa-teur-euh de film. Tu comprends rien ?
_ Mais... mais pourquoi ?
_ J'ai déjà évoqué ces raisons tout à l'heure. J'ai plein de bonnes idées. Je serai le réalisateur, et le héros principal à chaque fois.
_ Mais c'est tout bonnement crétin !
_ Megamind sera mon producteur, ainsi que les fonds de ton Royaume que j'ai détourné. Ferme-la, tu m'écorches les oreilles. De plus, le schtroumpf mégalomane a promis qu'il pourrait s'occuper des effets spéciaux.
_ Mais...
_ J'ai déjà embauché Raspoutine en tant que cascadeur. J'avais aussi pensé à Jacob, mais un peignoir de bain aurait des expressions plus émotives que ce mec. Et je suis allé chercher Octopus quand il s'est réincarné pour qu'ils s'occupent de la lumière et des caméras. Je suis trop génial. Je te promets que je garderais mon boulot d'Intendant. J'y consacrerai la moitié du temps, c'est tout. Y a plein d'acteurs ici, je peux prendre n'importe qui.
_ Bonne chance alors.
_ Merci gros con. Je pense que je vais commencer par un film où je pourrais me foutre de la gueule d'Eric. Ça serait génial. Oh, j'ai déjà le titre du premier film. Oh, c'est incroyable.
_ Je m'en branle totalement.
_ « Finority Report» !!! Bon dieu, je suis un génie ! Que quelqu'un m'applaudisse pour que je ne sois pas le seul à exulter !
_ Bonne chance, Quentin Taranfino. Je crois que Ophélia me hait maintenant.
_ Moi, je crois qu'elle a raison.
_ Tu pourrais éviter d'être le centre du monde des fois ?
_ Tu n'évinceras pas ton meilleur concurrent comme ça, Ed.
_ En fait, tu ne ferais pas tout pour être dans le camp des gagnants ?
_ Je savais que le Major allait vous rétamer la gueule. Mais j'ai quand même retourné ma veste pour éviter la sentence de la justice - ce qui n'a que peu fonctionné. Et de toutes façons, ma parade de la banquise serait quand même partie, que je sois dans leur camp ou dans le votre.
_ Tu es un sombre connard.
_ Je me complais dans ta merde linguistique, continue.
_ Tu as aussi un cœur d'ange.
_ Eyh ! Retire ce que tu as dit.
_ Tout le monde t'a aimé sur ce coup, Fino. Tu es un sacré gentil, avec un fond aussi sucré que des fraises tagada.
_ Reviens ici, connard ! Tu crois que ça me touche ? Tu crois que ça me vexe ? Je vais t'éplucher la peau ! Reviens ! RAAAAAAHH !!! »


Ce fut ainsi que je terminai ma soirée, et toute cette histoire. J'étais lessivé mentalement, et passai le reste de la semaine dans le Royaume des Deux Déesses, évitant de faire trop de vagues. Je voulais juste un tout petit peu de repos. Voilà.

Putain de point final de mes couilles.



[Remerciement spécial à Clem et Haru pour m'avoir relu quand c'était nécessaire, ainsi qu'à Xam pour l'image remaniée avec succès.]
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Eux, Moches et Méchants

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