Isabelle n'avait très mal dormi ces dernières nuits. Tout d'abord, il y avait eu la crainte de refaire ce rêve avec l'araignée qui l'avait tenue éveillée, craignant de sentir à nouveau ce goût immonde dans sa bouche. Ensuite, la préparation des partiels blancs ne lui avait laissé que peu de temps pour se reposer. Et à chaque fois, son sommeil avait été le théâtre de rêves... Surprenants. Des rêves d'une plaine caillouteuse, où quelqu'un avait fini par lui apprendre où elle se trouvait, et pourquoi. Dreamland, le pays des rêves. Le pays qu'on pouvait librement arpenter dès lors qu'on avait vainc sa plus grande peur, sa phobie. Comme elle l'avait fait avec l'araignée. Elle avait aussi appris qu'elle y viendrait chaque nuit désormais. Ce qui ne l'aidait guère, pour l'heure, à se concentrer sur ses cours. Mais elle n'avait pas le choix, et devait faire avec.

Et cette nuit, le décors avait changé. Exit le sable et les cailloux, il y avait maintenant de l'herbe à perte de vue. Ce qui la changeait agréable des milieux essentiellement minéraux de ses précédents rêves et de la ville. Elle marchait avec délice, flânant sans but précis, lorsqu'elle vit la silhouette. Celle d'une femme à première vue, habillée étrangement. Enfin, étrangement pour l'étudiante. Ça rappelait les tenues de guerre médiévales, mais une tenue imaginée par quelqu'un n'ayant qu'une connaissance très vague de ce à quoi pouvait ressembler les armures en fonction des époques et des régions, et qui aurait voulu en faire une pour une femme, chose impensable en Europe pour cette période... Une femme au teint sombre, mais à l'air épuisée. La jeune femme songea qu'elle non plus ne devait pas très bien dormir. En s'approchant, elle réalisa qu'elle devait être un peu plus âgée qu'elle, mais pas de plus de six ou sept ans. Tournée vers l'inconnue, elle ne vit pas les deux hommes dans l'immédiat, avant qu'ils ne se relèvent. Elle tourna alors brièvement la tête vers eux, notant leurs costumes communs à une bonne partie des employés de bureau, pour ce qu'elle en savait, et leurs visages sans véritables traits marquants, deux "monsieur tout le monde" entre deux âges, le genre à râler contre le patron et éviter toute vraie responsabilité, tout en se plaignant de ne jamais obtenir d'augmentation... Ils venaient vers elles, aussi continua-t-elle à avancer vers la "guerrière". Trop confiante, elle n'aurait jamais imaginé qu'on puisse vouloir l'agresser.

Parvenue à quelques pas d’Il hem, elle la salua avec un demi-sourire amical.

- Bonjour.

Rien de plus, elle n'était guère bavarde avec les inconnus. D'autant que celle-ci lui paraissait avoir quelque chose d'étrange. Tout comme elle pouvait paraître étrange à des yeux étrangers... A nouveau, elle regarda dans la direction des deux hommes. Ils approchaient rapidement, et si le léger vent qui agitait les herbes dissimulait la progression sinueuse du reptile, elle put voir Boron sortir un objet de sa poche. Un petit objet, dont elle ne distinguait pas la forme. Mais il ne faisait pas de doute qu'elle le pourrait bientôt, vu la détermination que les hommes mettaient à les rejoindre. Elle ne put s'empêcher d'interroger la libyenne.

- Vous les connaissez ?